Editorial

Intelligence artificielle et lettres de sortie



Malgré l’informatisation du dossier médical, la lettre de sortie reste un élément incontournable du parcours hospitalier d’un-e patient-e.

Son objectif principal reste de transmettre des informations (investigations, réflexions thérapeutiques, interventions et traitements) valides et exhaustives concernant le séjour hospitalier, ainsi que les propositions pour la suite de la prise en charge. Cet exercice exigeant permet (devrait permettre !) aussi de poursuivre un objectif pédagogique de formation à la pensée synthétique, structurée et concise. Plus récemment, un objectif purement financier est venu s’ajouter à ces deux objectifs, allant parfois jusqu’à les supplanter au point de brouiller les priorités. Cette évolution a contribué sans aucun doute au sentiment de surcharge «administrative» du corps médical, même si cette transmission d’informations reste une mission aussi importante que celle de soigner. L’intelligence artificielle (IA) pourra-t-elle nous aider? C’est ce que les résultats d’une étude récente nous font miroiter (1).

Les investigateurs ont extrait au hasard les dossiers de cent patients hospitalisés de 3 à 6 jours en médecine et demandé à un modèle d’IA de type «large language models» (LLM) de générer une lettre de sortie. Celle-ci et la lettre de sortie initiale produite par le médecin en charge ont ensuite été comparées et évaluées à l’aveugle par 22 médecins en termes d’exhaustivité, de clarté et de concision, ainsi que d’éventuelles erreurs (imprécisions, omissions, et hallucinations = informations totalement erronées).

Résultat? Les lettres générées par AI étaient jugées plus claires et plus concises, mais moins exhaustives. Elles contenaient aussi plus souvent une erreur, mais dont les conséquences potentielles ne différaient pas de celles contenues dans la lettre de sortie initiale. Globalement, les reviewers n’ont exprimé aucune différence de préférence pour l’un ou l’autre type de lettre.

Au total, la qualité des deux types de lettres de sortie étaient similaires et, surtout, améliorables. Les auteurs proposent donc d’envisager une approche combinant un premier jet généré par l’IA suivi d’une relecture par le médecin afin d’éliminer les erreurs et améliorer l’exhaustivité. Même si l’on peut craindre que ce soit désormais l’IA qui réponde à l’objectif pédagogique de clarté et concision, cela paraît être une excellente opportunité pour s’attaquer au problème de la surcharge «administrative». À nous de garantir que l’exercice de relecture reste rigoureux!

Pr Christophe Büla

Service de Gériatrie et réadaptation gériatrique,
Centre hospitalier universitaire vaudois
Ch. de Mont Paisible 16
1011 Lausanne

la gazette médicale

  • Vol. 14
  • Ausgabe 5
  • September 2025