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Congrès d’ automne 2025 de la SSMIG

Examen pertinent des syncopes

À l’ aide de plusieurs cas interactifs, le Pr Tobias Breidthardt, médecin-chef en médecine interne à l’ hôpital cantonal de ­Lucerne, a montré, lors du congrès d’ automne de la SSMIG, comment poser un diagnostic pertinent des syncopes et dans quel contexte il est indiqué (en ambulatoire ou en hospitalisation).



Une syncope est définie comme une perte de connaissance temporaire due à une diminution de l’ irrigation sanguine cérébrale. Elle survient brusquement, dure peu de temps et se termine par un rétablissement spontané et complet. Les syncopes sont fréquentes (environ 2 % de toutes les admissions aux urgences), mais difficiles à diagnostiquer: elles surviennent par crises, les personnes concernées ont généralement des souvenirs limités et il manque souvent des témoins oculaires. De plus, elles peuvent être potentiellement dangereuses. Environ 20 % d’ entre elles ont une cause cardiovasculaire et 0.8 % des personnes concernées décèdent dans les 30 jours, tandis que 6.9 % d’ entre elles subissent un événement grave, tel qu’ un infarctus du myocarde, une arythmie, une dissection ou une embolie pulmonaire.

Cas clinique no 1: patient de 92 ans

Un patient de 92 ans a brièvement perdu connaissance alors qu’ il se rendait à la salle de bains. Après s’ être réveillé par terre, il a regagné péniblement son lit et a déclenché l’ alarme d’ urgence. À l’ arrivée des secours, il a de nouveau perdu connaissance pendant quelques secondes, alors qu’ il était allongé, à cause d’ un réflexe nauséeux. Ses signes vitaux étaient normaux: tension artérielle de 168/76 mmHg, pouls de 48/min et saturation en oxygène de 97 %.

L’ examen initial a révélé une activité cardiaque bradycardique, mais régulière, sans bruits cardiaques pathologiques, aucune anomalie pulmonaire, un abdomen souple et des analyses de laboratoire stables. Après 24 heures de télémétrie, un rythme sinusal avec un bloc auriculo-ventriculaire de type I et une bradycardie nocturne physiologique ont été observés. Aucun autre événement ne s’ étant produit, le patient a été libéré avec un diagnostic de syncope vasovagale (ou réflexe). Aucune récidive n’ est survenue au cours des douze mois suivants.

Cas clinique no 2: patient de 65 ans

Un homme de 65 ans, jusque-là en bonne santé, a été victime d’ une syncope alors qu’ il se rasait debout le matin, ce qui a entraîné une chute et un choc à la tête. Aucun signe avant-coureur n’ avait été observé. Lors d’ un examen médical, une insuffisance mitrale légère avec des extrasystoles ventriculaires fréquentes avait été constatée, mais aucun traitement n’ avait été prescrit. Environ deux heures plus tard, une nouvelle syncope s’ est produite alors qu’ il était assis, accompagnée de nausées et de malaises, et a nécessité une réanimation.

À l’ unité de soins intensifs, l’ échocardiogramme a révélé une légère insuffisance mitrale, mais une fonction de pompage normale. Le diagnostic d’ une syncope due à une bradycardie a été posé et un stimulateur cardiaque DDD a été implanté. Le patient est ensuite resté stable. Les syncopes survenant aux urgences doivent toujours faire l’ objet d’ une évaluation sous surveillance ECG.

Chez les adultes de plus de 40 ans, la prévalence des syncopes cardiaques est d’ environ 15 %. Les causes les plus fréquentes sont la bradycardie (7 %), la tachycardie (4 %), la sténose aortique (2 %) et l’ infarctus du myocarde (2 %). La mortalité globale sur 12 mois est d’ environ 20 %; ce patient appartenait au groupe à faible risque de complications graves.

Cas clinique no 3: patiente de 69 ans

Une patiente de 69 ans a signalé des syncopes récurrentes survenant quatre à six fois par an. Les examens complémentaires (échocardiographie, ECG à long terme et EEG) ont montré à plusieurs reprises des résultats normaux. En raison de la persistance des épisodes, un enregistreur d’ événements sous-cutané (le Reveal Recorder) a été implanté afin de surveiller le rythme cardiaque de manière continue pendant plusieurs années.

Finalement, un bloc auriculo-ventriculaire paroxystique de troisième degré avec absence de rythme de remplacement pendant 16 secondes a pu être documenté. Après l’ implantation d’ un stimulateur cardiaque DDD, aucune syncope supplémentaire n’ est survenue. Il est intéressant de noter que les syncopes vasovagales sont plus fréquentes chez les femmes, tandis que les causes cardiogéniques prédominent chez les hommes.

Cas clinique no 4: patiente de 77 ans

Une patiente de 77 ans a soudainement ressenti des nausées, des vertiges et des sueurs froides alors qu’ elle cuisinait. Elle s’ est allongée seule sur le canapé et a perdu connaissance. Après un bref moment de repos, elle s’ est de nouveau évanouie en se levant. Des épisodes similaires s’ étaient déjà produits huit semaines auparavant.

À l’ examen, la patiente présentait un état général affaibli, mais une circulation sanguine stable. Une hypoglycémie (glycémie de 2.7 mmol/l) a été rapidement traitée par l’ administration de glucose, ce qui a permis d’ améliorer l’ état de la patiente. Lors de l’ anamnèse complémentaire, elle a signalé des fringales, des sueurs nocturnes et une envie croissante de sucreries. Des examens complémentaires ont révélé la présence d’ un insulinome du pancréas, responsable de ses pertes de connaissance.

Évaluation des risques et procédure diagnostique

L’ évaluation du risque individuel est déterminante pour la suite de la procédure. Les syncopes accompagnées de symptômes annonciateurs, tels que des vertiges, des nausées ou une transpiration, survenant dans des situations typiques (par exemple, une station debout prolongée, la chaleur ou un stress émotionnel), sont généralement le signe d’ une cause bénigne et réflexe. En revanche, les événements qui surviennent en position couchée, sous l’ effet du stress ou sans prodrome, indiquent une origine potentiellement cardiaque ou neurologique.

Les patients présentant des douleurs thoraciques récentes, une dyspnée, un électrocardiogramme anormal, une cardiopathie structurelle ou des antécédents familiaux de mort cardiaque subite sont considérés comme appartenant à un groupe à haut risque et doivent être hospitalisés pour surveillance. Les cas présentant un risque incertain ou modéré bénéficient d’ une observation ou d’ une consultation dans un service ambulatoire spécialisé dans les syncopes. En cas de syncope réflexe ou orthostatique clairement identifiée, une information et un suivi ambulatoire suffisent généralement.

Étapes diagnostiques recommandées

Le diagnostic commence par une anamnèse minutieuse comprenant une description de l’ épisode, des déclencheurs possibles, des symptômes associés et des antécédents médicamenteux. Si possible, il convient également d’ interroger des témoins oculaires.

Viennent ensuite un examen clinique comprenant la mesure de la pression artérielle en position couchée et debout, ainsi qu’ un examen cardiopulmonaire et neurologique de base. Un électrocardiogramme (ECG) fait partie de la routine; en cas d’ incertitude persistante, une surveillance à long terme ou l’ implantation d’ un enregistreur d’ événements (ILR) est recommandée.

Des examens de laboratoire (hémogramme, électrolytes, fonction rénale) sont effectués de manière ciblée si la situation clinique le justifie. Les scores de risque n’ apportent aucune valeur ajoutée à l’  évaluation médicale globale.

Diagnostics différentiels

Toute perte de connaissance de courte durée n’ est pas nécessairement une syncope. Parmi les diagnostics différentiels les plus importants, on trouve:
– crises d’ épilepsie;
– hypoglycémies;
– hémorragies graves ou anémies;
– embolies pulmonaires;
– infarctus du myocarde ou dissection aortique;
– effets secondaires liés aux médicaments;
– chutes sans perte de connaissance.
Ces éléments doivent être exclus sur le plan anamnestique et clinique.

Conclusion

Dans la plupart des cas, un examen structuré et axé sur les risques permet d’ identifier avec certitude la cause d’ une syncope. Les patients à haut risque doivent être hospitalisés pour être surveillés, tandis que les syncopes réflexes ou orthostatiques peuvent généralement être traitées en ambulatoire. L’ évaluation clinique reste déterminante, et non le score.

Pr Walter F. Riesen

riesen@medinfo-verlag.ch

la gazette médicale

  • Vol. 14
  • Ausgabe 7
  • Dezember 2025