- Gliomes de bas grade: de l’ épidémiologie au diagnostic
À l’ occasion d’ une table ronde organisée par les laboratoires Servier, le Pr Andreas Hottinger, médecin-chef du service de neuro-oncologie au CHUV, a présenté les avancées actuelles dans le traitement des gliomes, en particulier ceux porteurs de mutations des gènes IDH.
Les tumeurs qui prennent naissance directement dans le tissu cérébral sont appelées tumeurs cérébrales primaires. Elles peuvent provenir de divers types de cellules, le plus souvent des cellules gliales (cellules de soutien du système nerveux central), mais aussi d’ astrocytes ou d’ oligodendrocytes. L’ incidence annuelle est estimée à environ 7 cas pour 100 000 habitants. À l’ inverse, les tumeurs cérébrales secondaires (ou métastases cérébrales) résultent de la dissémination intracrânienne de cancers d’ origine extracérébrale. Les métastases peuvent se localiser dans le cerveau ou la moelle épinière. Environ 20 % des cancers bronchopulmonaires métastasent au cerveau – la fréquence la plus élevée parmi les tumeurs solides. D’ autres localisations primaires incluent le mélanome malin et le carcinome rénal (7 % chacun), le cancer du sein (5 %), les tumeurs colorectales (2 %) et le cancer de l’ ovaire (1 %). Les gliomes diffus représentent la forme la plus fréquente de tumeur cérébrale primaire chez l’ adulte. Une mutation des gènes isocitrate déshydrogénase (IDH1 ou IDH2) est identifiée dans environ 18.6 % de ces tumeurs.
Symptomatologie des tumeurs cérébrales
Les manifestations cliniques des tumeurs cérébrales varient selon leur localisation:
• Lobe frontal: troubles de la mémoire, de l’ attention, du comportement, du langage et de la motricité.
• Lobe temporal: troubles mnésiques, altération du comportement, modification de l’ alimentation et des interactions sociales.
• Tronc cérébral: atteinte des nerfs crâniens et des voies longues de conduction.
• Cervelet: troubles de l’ équilibre, ataxie, coordination altérée.
• Lobe occipital: troubles visuels.
• Lobe pariétal: troubles sensitifs, instabilité posturale, troubles visuels et auditifs.
Les patients présentent fréquemment une combinaison de symptômes ayant un impact significatif sur leur qualité de vie et celle de leur entourage: céphalées, troubles visuels, troubles cognitifs (altérations de la mémoire à court terme, changements de personnalité), crises épileptiques, paresthésies, asthénie, dysphasie, troubles de la perception spatiale, etc. Les gliomes de bas grade nécessitent souvent une prise en charge pluridisciplinaire avec soins de support personnalisés.
Algorithme diagnostique des gliomes diffus de l’ adulte
Selon la classification 2021 de l’ OMS, le diagnostic repose sur une évaluation intégrée combinant critères histologiques et profils moléculaires. Introduit dans la classification OMS 2016 puis affiné par les recommandations cIMPACT-NOW, l’ algorithme actuel accorde une place centrale à la caractérisation moléculaire. Le terme non autrement spécifié (NOS, «not otherwise specified») est utilisé lorsque les données moléculaires manquent ou sont ininterprétables. À noter également le terme NEC (not elsewhere classified), qui désigne les tumeurs ne pouvant pas être classées sur la base des informations disponibles.
Imagerie diagnostique
L’ imagerie par résonance magnétique (IRM) est la méthode de référence pour le diagnostic des gliomes, offrant une visualisation détaillée du parenchyme cérébral. Dans certains cas, la tomodensitométrie (TDM) peut être utilisée en complément.
Oncogenèse liée aux mutations IDH
Les gènes IDH1 et IDH2 codent des enzymes catalysant la conversion de l’ isocitrate en α-cétoglutarate (α-KG), tout en réduisant le NADP+ en NADPH. Les mutations de ces gènes ont été identifiées dans plusieurs cancers humains, dont les gliomes, la leucémie myéloïde aiguë, les chondrosarcomes et les cholangiocarcinomes intra-hépatiques. La mutation confère à la protéine une activité néomorphique, produisant un oncométabolite, le 2-hydroxyglutarate (2-HG). Ce métabolite inhibe des enzymes dépendantes de l’ α-KG, altérant la régulation épigénétique et la différenciation cellulaire, favorisant ainsi la tumorigenèse.
Prise en charge thérapeutique
Le traitement repose sur une stratégie multimodale associant résection neurochirurgicale, radiothérapie, traitements systémiques et surveillance. Le vorasidenib (nom commercial Voranigo®) est un inhibiteur oral des mutations IDH1/2, conçu pour franchir la barrière hémato-encéphalique. Chez les patients présentant un gliome diffus de grade 2 ou 3, il permet une réduction de plus de 90 % du taux tumoral de 2-HG, ce qui entraîne une baisse de la prolifération tumorale, une normalisation des profils d’ expression génique, une augmentation de l’ hydroxyméthylation de l’ ADN et une infiltration lymphocytaire accrue.
Après la chirurgie, une phase de surveillance active est souvent initiée, avec radiothérapie et/ou chimiothérapie en fonction du risque.
L’ étude INDIGO
INDIGO est une étude de phase III évaluant le vorasidenib versus placebo chez 331 patients atteints de gliomes avec mutation IDH, post-chirurgie mais sans besoin immédiat de radio-/chimiothérapie. Le critère principal – la survie sans progression – a doublé sous vorasidenib (27.7 mois vs 11,1 mois ; HR = 0.39; IC 95 %: 0.27–0.56; p < 0.001). Des effets indésirables hépatiques (élévation des transaminases) ont été observés chez 38.9 % des patients sous vorasidenib contre 14.7 % sous placebo. Seuls 3.6 % ont arrêté le traitement pour effets secondaires. On a également noté un maintien des fonctions neurocognitives, une amélioration de la qualité de vie et une réduction significative de la fréquence des crises épileptiques.
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