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Incontinence urinaire: Algorithme d’évaluation et de soins initiaux

L’ incontinence urinaire (IU) est un problème de santé fréquent et coûteux. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), un algorithme a été développé par un groupe multidisciplinaire pour évaluer et prendre en charge l’ IU, particulièrement chez les patients hospitalisés, souvent âgés et polymorbides. Cet algorithme vise à identifier les facteurs favorisants (via l’ acronyme DIAPPERS) et les types d’ incontinence, permettant une gestion initiale des facteurs déclenchants et, si nécessaire, l’ initiation de traitements spécifiques avant d’ orienter vers un spécialiste. Bien que son impact n’ ait pas encore été évalué, il est préconisé pour une utilisation systématique et pourrait être adapté pour des patients vivant à domicile ou en institution.



Urinary incontinence is a common and costly health problem. At Geneva University Hospitals (HUG), a multidisciplinary group has developed an algorithm to assess and manage urinary incontinence, particularly in hospitalised patients, who are often elderly and have multiple health conditions. This algorithm aims to identify contributing factors (using the acronym DIAPPERS) and types of incontinence, enabling initial management of triggering factors and, if necessary, the initiation of specific treatments before referral to a specialist. Although its impact has not yet been evaluated, it is recommended for systematic use and could be adapted for patients living at home or in institutions.
Keywords: Urinary incontinence, Clinical algorithm, Initial assessment, Multidisciplinary care, Geriatric patients

Introduction

L’ incontinence urinaire (IU) est un symptôme fréquent dans la population générale. Les estimations de prévalence varient entre 25 % et 45 % chez les femmes et de 5 % à 32 % chez les hommes. Elle augmente considérablement avec l’ âge, notamment en présence de comorbidité. Cependant, la différence entre les deux genres diminue. En Europe chez les personnes institutionnalisées, ce taux est estimé entre 42 % et 73 % (1). Dans le milieu hospitalier, la prévalence est également élevée. Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), lors d’ une enquête interne (2011), elle est de 38 %. Dans certains services, elle dépasse 50 % (2), chiffre confirmé en 2019.

Cette prévalence élevée mène parfois à considérer l’ IU comme un phénomène naturel du vieillissement, ce qui conduit à sa banalisation et à limiter sa prise en soins, à l’ usage des protections, sans évaluer ses causes réversibles et les possibilités de traitement.

En plus des conséquences physiques, psychiques et sociales incontestables, le coût économique est considérable. Un rapport de l’ association européenne d’ urologie (EAU) estime le fardeau économique dans les pays de l’ Union européenne à 69.1 milliards d’ euros en 2023. Une projection économique du même rapport estime que ce fardeau pourrait augmenter de 25 % d’ ici 2030, si aucune mesure n’ est prise (86.7 milliards d’ euros) (3).

Dans le but d’ initier des démarches structurées d’ amélioration de la qualité des soins liés à l’ IU aux HUG, un groupe multidisciplinaire transversal, qui s’ appele ResoContinence (https://www.hug.ch/programme-resocontinence) a mené une enquête auprès des professionnels de la santé, travaillant dans l’ institution, afin de faire un état des lieux des représentations, des connaissances et des pratiques (4). À la suite des résultats, des recommandations ont été établies. La direction médicale et la direction des soins ont mandaté le Resocontinence pour les mettre en œuvre. Dans un premier temps, les membres du groupe ont travaillé sur leur diffusion, au sein des HUG, puis sur des outils de dépistage et des échelles d’ évaluation de l’ IU (2).

Algorithme

Dans un second temps, un algorithme a été construit sur la base des recommandations et des algorithmes édictés par des sociétés scientifiques ainsi que sur la base des revues de littérature médico-infirmières et des pratiques au sein des HUG. L’ algorithme a été élaboré par un groupe de médecins et d’ infirmiers aux HUG puis a été soumis à la lecture des experts et des utilisateurs. Sachant que ce sont souvent les soignants qui détectent l’ IU et qu’ ils sont impliqués quotidiennement dans ces soins, l’ algorithme a été écrit de façon simple pour être utilisé par les soignants et les médecins de premiers recours. L’ algorithme a été divisé en plusieurs étapes (Fig. 1).

Evaluation

Etant donné que la population cible concerne les patients hospitalisés, qui sont souvent âgés et polymorbides, l’ algorithme met l’ accent sur l’ évaluation initiale des facteurs favorisants l’ IU. En effet, dans cette population, il est fréquent que l’ IU soit majorée par l’ état cognitif, les restrictions de mobilité, la constipation ou par les traitements médicamenteux.

L’ évaluation comprend une anamnèse, un examen ciblé, l’ usage de questionnaires et un calendrier mictionnel, ainsi que des examens complémentaires de base, comme la mesure du résidu post mictionnel. Cette mesure est pratiquée aux HUG par les soignants dans la plupart des services.

Identification des tableaux spécifiques

L’ évaluation permet la détection des facteurs favorisants l’ IU avec l’ acronyme DIAPPERS (Désorientation, Infection urinaire, Atrophie vulvo-vaginale, Psychologique, Pharmacologique, Excès de diurèse, Restriction de la mobilité, Selles) ainsi que l’ identification des drapeaux rouges, demandant eux, une évaluation spécialisée. De plus, elle permet généralement, de déterminer le type d’ incontinence (fonctionnelle, à l’ effort, par urgenturie ou mixte). Chez les patients à risque de rétention urinaire, l’ identification de la présence d’ un résidu post mictionnel significatif permet une approche spécifique.

Traitement des facteurs favorisants

Avant d’ envisager un traitement spécifique au niveau du bas appareil urinaire, la gestion des facteurs favorisants aide souvent à réduire la fréquence et l’ importance de l’ incontinence. Par exemple, la pratique des mictions programmées chez les patients ayant des troubles cognitifs, l’ adaptation des vêtements et la facilité d’ accès aux WC chez les patients ayant une mobilité réduite. La diminution et l’ adaption de médicaments ayant un effet sur les troubles urinaires et le contrôle de l’ excès de diurèse peuvent être proposés.

Traitements spécifiques des troubles

En l’ absence d’ éléments nécessitant un bilan et une prise en charge spécialisés, les médecins de premier recours pourraient initier un traitement médicamenteux de l’ hyperactivité vésicale en cas d’ IU par urgenturie, sans rétention urinaire. Ils pourraient également prescrire de la physiothérapie périnéale pour l’ IU d’ effort. Pour les patients rétentionnistes, ils traiteront les facteurs favorisants comme la constipation et/ou adapteront les traitements favorisant une rétention, notamment ceux qui ont un effet anticholinergiques comme les morphiniques ou certains neuroleptiques. Chez les hommes à risque d’ hypertrophie bénigne de la prostate, un traitement alpha bloquant pourra être initié, en attendant un bilan urologique.

Application pratique

Aux HUG, dans les services où la prévalence de l’ IU est la plus importante, des formations sont organisées afin de répondre aux besoins spécifiques de cette patientèle. Des soignants référents «Promotion Continence Urinaire» sont identifiés et bénéficient d’ ateliers de «formation-action» afin d’ approfondir leurs connaissances et d’ assurer le relai sur le terrain. L’ algorithme est systématiquement présenté et mis en œuvre à l’ aide de situations cliniques amenées par les participants. En parallèle, un cours au centre de formation pour les institutions genevoises est dédié à la prise en soins multidisciplinaire de l’ IU.

A ce jour, l’ impact de cet algorithme n’ a pas été évalué. Au vu de la prévalence de l’ IU dans ces services, il devrait être utilisé systématiquement pour la prévenir, la dépister et la traiter.

Bien que développé spécifiquement pour un milieu hospitalier, il peut être, en tout ou en partie, transposable pour la patientèle vivant à domicile ou les personnes vivant en institution.

Dr Ammar Kassouha 1
Véronique Gogniat, M.Sc. 2
Christine Hudry 3
Dr Hubert Vuagnat 4
1 Médecin adjoint responsable d’ unité, Service de Neurorééducation, Hôpitaux Universitaires Genève (HUG), Genève
2 Infirmière spécialiste clinique, Pôle Pratiques Professionnelles, HUG Genève
3 Responsable d’ équipe de soins, Département de Gériatrie et Réadaptation, HUG, Genève
4 Médecin responsable rattaché au programme plaies et cicatrisation, Pôle Pratiques Professionnelles, HUG, Genève

Copyright
Aerzteverlag medinfo AG

Dr Ammar Kassouha

Médecin adjoint responsable d’ unité
Service de Neurorééducation
Hôpitaux Universitaires Genève (HUG)
Genève

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • L’ incontinence urinaire est un symptôme fréquent. Il doit faire l’ objet d’ une évaluation globale afin d’ orienter vers une prise en soins optimale.
  • L’ algorithme proposé et l’ exploration des éléments qu’ il contient permet une première approche efficace avant de référer le patient
    à une consultation spécialisée.

1. Cardozo, L, Rovner, E, Wagg, A, Wein, A, Abrams, P. (Eds) Incontinence 7th Edition (2023). ICI-ICS. International Continence Society, Bristol UK, ISBN: 978-0-9569607-4-0. Page 27
2. Kassouha A, Gogniat V, Vuagnat H, Meriah H, Iselin C. Démarches d’ amélioration de la qualité des soins liés à l’ incontinence urinaire. Rev Med Suisse 2013; 9: 2289-93.
3. European Association of Urology. An urge to act. Socio-Economic, and Environmental Costs of Continence Problems in the EU (Internet). Uroweb (n.d.). Disponible sur: (https://uroweb.org/an-urge-to-act). Consulté le 2025 Avr 13 https://d56bochluxqnz.cloudfront.net/media/Binder4.pdf
4. Gogniat V, Rae AC, Séraphin MA, De Rosso A, Herrmann FR. Incontinence urinaire: connaissances, représentations et pratiques des soignants. Enquête aux Hôpitaux universitaires de Genève. Rech Soins Infirm 2011;107:85-97.

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  • Vol. 14
  • Ausgabe 6
  • November 2025