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L’  effet d’  une supplémentation en magnésium sur la concentration sérique du profil lipidique

Une revue systématique actualisée et une méta-analyse dose-effet d’   essais contrôlés randomisés ont examiné l’  effet d’  une supplémentation en magnésium sur le métabolisme lipidique et donc sur le risque de maladies cardiovasculaires.

Les maladies cardiovasculaires sont l’  une des principales causes de morbidité et de mortalité dans le monde (1).Parmi les principaux facteurs de risque de maladies cardiovasculaires figurent le tabagisme, le diabète, l’  hypertension et les troubles du métabolisme des lipides (2, 3). Les lipoprotéines de haute densité (cholestérol HDL) peuvent jouer un rôle protecteur, tandis que d’  autres éléments du profil lipidique peuvent avoir une influence négative sur le risque de maladies cardiaques (4). Il existe des preuves que le magnésium peut réduire les taux sériques du profil lipidique. En raison de l’  importance de ce sujet, les auteurs d’  une étude récemment publiée (5) ont fixé comme objectif la réalisation d’  une revue systématique et d’  une méta-analyse afin d’  étudier l’  effet d’  une supplémentation en magnésium sur les taux sériques de cholestérol total (TC), de triglycérides (TG), de lipoprotéines de basse densité (LDL-C) et de lipoprotéines de haute densité (HDL-C) dans la population générale âgée de ≥ 18 ans.

Méthodes
Dans le cadre de la réalisation de cette étude, les articles pertinents ont d’  abord été identifiés par une recherche dans les bases de données, dont cinq bases de données: Cochrane Library, ClinicalTrials.gov, ISI Web of Science, Scopus et PubMed jusqu’  en janvier 2024. Une fois le premier objectif atteint, les différences moyennes et les écarts-types ont été calculés afin de réaliser la méta-analyse. Enfin, une évaluation de l’  hétérogénéité statistique des effets de l’  intervention a été réalisée à l’  aide de la statistique I-Quadrat et du test Q de Cochran.

Resultats
Pour les taux sériques de TC, TG, LDL-C et HDL-C, 21, 23, 20 et 25 études ont été incluses dans la méta-­analyse. Les estimations groupées n’  ont pas montré de différences significatives dans les taux sériques de TC, de TG et de LDL-C entre le groupe magnésium et le groupe témoin (différence moyenne pondérée (WMD) = 0.34 mg/dl, intervalle de confiance (IC) à 95 %: –1.75 à 2.43, P = 0.749, I2 = 99.1%; WMD = –2,06 mg/dl, IC à 95 %: –6.35 à 2.23, P = 0.346, I2 = 99.1; WMD = 1.71 mg/dl, IC à 95 %: –0,81 à 4.24, P = 0.183, I2 = 99.4, respectivement). En revanche, le magnésium a augmenté de manière significative le taux de HDL-C (WMD = 1.21 mg/dl, IC à 95 %: 0.58 à 1.85, P < 0.001, I2 = 99.5).

Conclusion
En résumé, notre étude montre que le magnésium augmente significativement le taux de C-HDL. Cependant, en raison de la grande hétérogénéité, nous devons souligner que d’  autres études sont nécessaires pour pouvoir fournir des recommandations fiables sur la supplémentation en magnésium dans la pratique clinique.

Pr Walter F. Riesen

Références
1. Comité de l’  Institut de médecine sur la prévention de l’  épidémie mondiale de maladies cardiovasculaires. Relever les défis dans le développement C. The National Academies Collection: Reports funded by National Institutes of Health. In: Fuster V, Kelly BB, editors. Promoting Cardiovascular Health in the Developing World: A Critical Challenge to Achieve Global Health. Washington (DC): National Academies Press (US) Copyright © 2010, National Academy of Sciences; 2010.
2. Libby P, Ridker PM, Hansson GK. Progrès et défis dans la traduction de la biologie de l’  athérosclérose. Nature. 2011;473(7347):317–25
3. Teo KK, Rafiq T. Cardiovascular Risk factors and Prevention: a perspective from developing countries. Can J Cardiol. 2021;37(5):733-43.
4. Stone NJ, et al. 2013 ACC/AHA guideline on the treatment of blood cholesterol to reduce atherosclerotic cardiovascular risk in adults: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice guidelines. J Am Coll Cardiol. 2014;63(25 Pt B):2889 – 934.

Source
Hariri M et al. The effect of magnesium supplementation on serum concentration of lipid profile: an updated systematic review and dose-response meta-analysis on randomized controlled trials. Nutr J 2025 Feb 4;24:24. doi: 10.1186/s12937-025-01085-w

Un Nutri-Score alimentaire défavorable augmente le risque cardiovasculaire

Question: L’ alimentation selon le Nutri-Score a-t-elle une influence sur le risque cardio-vasculaire?

Lieu d’ études: Vingt-trois centres répartis dans dix pays européens ont participé à l’ étude EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition).

Contexte: Le Nutri-Score, développé par des scientifiques de la Sorbonne à Paris, doit signaler aux consommateurs, au moyen de couleurs de feu et d’ une échelle à cinq niveaux de A à E, si un aliment a des effets néfastes sur la santé en raison de sa teneur élevée en sucre, en acides gras saturés et en sel, ainsi que de son énergie élevée. En Suisse, des fabricants ont récemment annoncé qu’ ils ne souhaitaient plus imprimer le Nutri-Score, car il pourrait semer la confusion chez les consommateurs. Des études antérieures avaient déjà montré des conséquences défavorables sur les maladies cardio-vasculaires dues à la consommation de nombreux aliments présentant un mauvais Nutri-Score.

Critères d’ inclusion et d’ exclusion: Adultes âgés de 25 à 70 ans au début de l’ étude. Les personnes ayant des antécédents d’ infarctus du myocarde ou d’ accident vasculaire cérébral ou ayant subi un tel événement au cours des deux premières années de suivi ont été exclues.

Méthode: Entre 1992 et 2010, l’ EPIC a collecté des données alimentaires auprès de plus d’ un demi-million de personnes et les a mises en relation avec des cancers ultérieurs, mais aussi avec des événements cardiovasculaires. Dix pays européens y ont participé. Pour la présente étude, les données de sept pays ont été analysées.

Les données de 345 533 participants à l’ EPIC ont été analysées à l’ aide du Nutri-Score basé sur une version mise à jour en 2023 du «nutrient profiling system (NPS)» sous-jacent.

Outcome: Maladies cardiovasculaires, maladie coronarienne, infarctus du myocarde, maladie cérébrovasculaire et accident vasculaire cérébral.

Résultats: Au cours des 12.3 années de suivi, 16 214 événements cardiovasculaires initiaux ont eu lieu, dont 11 009 événements coronariens, parmi lesquels 6565 étaient des infarctus du myocarde. De plus, 6669 événements cérébrovasculaires ont été observés, dont 6245 accidents vasculaires cérébraux. Un Nutri-Score supérieur d’ un écart-type augmentait le risque de maladie cardiovasculaire de 3 % (Hazard Ratio (HR) 1.03; intervalle de confiance à 95 %, IC: 1.01–1.05).

L’ augmentation du risque se présentait comme suit: Infarctus du myocarde: 3 % (HR 1.03 ; IC 1.01–1.07), événements cérébrovasculaires: 4 % (HR 1.04; IC 1.01–1.07), risque d’ AVC: 4 % (HR 1.04; IC 1.01–1.07). Seul le nombre total d’ événements coronariens n’ a pas augmenté de manière significative (HR 1.01; IC 0.99–1.03), ici on a compté non seulement les infarctus du myocarde mais aussi les angines de poitrine. Si l’ on compare les participants ayant le Nutri-Score le plus bas (le plus favorable) avec les participants ayant le Nutri-Score le moins favorable (le plus élevé), on constate que 364 versus 490 événements se sont produits pour 100 000 participants en 12.3 ans.

Commentaire
• Les aliments présentant un Nutri-Score élevé (défavorable) ont un effet négatif sur la santé à long terme.
• Le Nutri-Score fournit donc aux consommateurs une orientation simple sur les effets de ses aliments sur la santé grâce au système de feux de signalisation.
• Il convient de tenir compte des limites de telles auto-évaluations. Ainsi, les données révèlent tout à fait des invraisemblances, comme un IMC plus élevé dans le groupe ayant la meilleure alimentation par rapport au groupe ayant la plus mauvaise alimentation selon le Nutri-Score. De plus, la qualité de l’ alimentation n’ a été relevée qu’ à l’ inclusion dans l’ étude.

Pr Thomas Rosemann

Source
Deschasaux-Tanguy, M. ∙ Huybrechts, I. ∙ Chantal, J. ∙ et al.
Qualité nutritionnelle de l’ alimentation caractérisée par le système de profilage Nutri-Score et risque de maladie cardiovasculaire: une étude prospective dans 7 pays européens
Lancet Reg Health Europe. 2024; 46:101006
https://www.thelancet.com/journals/lanepe/article/PIIS2666-7762(24)00173-X/fulltext

Risque de développer la maladie d’ Alzheimer chez les chauffeurs de taxi et d’ ambulance: une étude transversale de la mortalité basée sur la population

Une étude récente publiée dans le BMJ (1) suggère que certaines professions pourraient réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Les chauffeurs de taxi et d’ambulance, qui naviguent régulièrement et sollicitent leur orientation spatiale, affichent notamment le taux de décès liés à cette maladie le plus faible. Cela pourrait indiquer que ces professions renforcent la mémoire spatiale dans l’hippocampe et contrecarrent ainsi une éventuelle altération des fonctions cognitives.

Une précédente étude londonienne menée auprès de chauffeurs de taxi avait déjà étayé cette hypothèse en identifiant les vastes connaissances en matière de navigation des chauffeurs de taxi comme étant particulièrement bénéfiques pour la santé cognitive. L’étude actuelle du BMJ fournit maintenant des données empiriques solides, basées sur près de neuf millions de décès aux États-Unis entre 2020 et 2022. Elle compare l’appartenance professionnelle aux causes de décès respectives et met en évidence des différences significatives: alors que 3,88 % des décès dans la population générale ont été attribués à la maladie d’Alzheimer, cette proportion n’était que de 1,03 % et 0,74 % respectivement pour les chauffeurs de taxi et d’ambulance. Cette différence est restée significative, voire s’est accentuée, même après prise en compte de facteurs tels que l’âge et l’origine. En comparaison, les professions impliquant des trajets fixes, comme les chauffeurs de bus ou les pilotes, présentaient un risque plus élevé de développer une maladie démentielle de type Alzheimer.

Cependant, la méthodologie de l’étude ne permet pas d’établir un lien de causalité. Il se pourrait donc que les personnes ayant un sens de l’orientation particulièrement développé aient davantage tendance à exercer ces professions.

Dr Roland Backhaus

Source
R Patel V, Liu M, Worsham C M, Jena A B. Alzheimer’ s disease mortality among taxi and ambulance drivers: population based cross sectional study BMJ 2024; 387: e082194 doi:10.1136/bmj-2024-082194

Consommation modérée de vin et risque cardio­vasculaire – Alcool et mortalité

Dans le langage populaire, on dit qu’ un verre de vin par jour pendant les repas est bon pour la santé. Une consommation modérée de vin a été associée à un risque plus faible de maladies cardiovasculaires (MCV) chez les personnes plus âgées. Malgré des décennies de recherche, ce sujet reste controversé. Cette étude, qui ne s’ appuie pas uniquement sur les déclarations peu fiables des sujets eux-mêmes, mais utilise un biomarqueur objectif de la consommation de vin, à savoir la mesure de l’ acide tartrique dans l’ urine par chromatographie liquide en tandem avec spectrométrie de masse, apporte une contribution à ce débat. Dans le cadre de l’ étude PREDIMED, une étude de cohorte de cas imbriquée a été conçue avec 1232 participants: 685 cas de maladies cardiovasculaires et une sous-cohorte aléatoire de 625 participants (y compris 78 cas se chevauchant). L’ évaluation a été effectuée sur la base de cinq catégories d’ excrétion d’ acide tartrique dans l’ urine. Au début de l’ étude, l’ acide tartrique était en corrélation avec la consommation de vin autodéclarée (r = 0,46). Des concentrations de 3–12 et 12–35 μg/ml, correspondant à 3–12 et 12–35 verres de vin par mois, étaient associées à un risque moindre de maladie cardiovasculaire (HR 0.62, p=0.050 et HR 0.50, p = 0.035).

Dans cette étude, l’ effet protecteur d’ une faible consommation de vin pour les événements cardiovasculaires était beaucoup plus important que dans les études précédentes. Une réduction des risques de 50 % (pour 12 à 35 verres de vin par mois) ou de 38 % (pour 3 à 12 verres de vin par mois) est plus élevée que celle obtenue avec des médicaments comme les statines. Outre la nouvelle méthode de mesure à partir d’ échantillons d’ urine, une explication possible serait le choix des participants à l’ étude: une population âgée, méditerranéenne (avec des habitudes alimentaires méditerranéennes correspondantes) à haut risque cardiovasculaire, ce qui pourrait avoir renforcé l’ effet. Par conséquent, les données ne peuvent pas être simplement reprises pour d’ autres populations.

Selon moi, ces données ne doivent pas inciter à la consommation d’ alcool, qui, bien que socialement acceptée, reste la dépendance qui touche le plus grand nombre de personnes dans notre population, bien que les médias parlent plus souvent du cannabis, etc. Notre qualité et notre espérance de vie ne sont pas uniquement affectées par les événements cardiovasculaires. Ces dernières années, les données concernant l’ alcool et le risque de cancer se sont considérablement renforcées et étendues (au-delà des cancers de l’ œsophage, de l’ estomac et de l’ intestin), de sorte que différents risques doivent être mis en balance.

Une étude de cohorte prospective de la UK Biobank a examiné des buveurs actuels âgés de plus de 60 ans : 135 103 participants (50.1 % de femmes), âgés de 64 ans. La consommation d’ alcool par rapport à une consommation occasionnelle (≤ 2.86 g d’ alcool/jour) était associée à une mortalité totale plus élevée (HR 1.33), à un cancer (HR 1.39) et à une mortalité cardiovasculaire (HR 1.21) en cas de consommation élevée d’ alcool (hommes: > 20.00–40.00 g/jour; femmes:). Une faible consommation d’ alcool (hommes: > 2.86–20.00 g/d; femmes: > 2.86–10.00 g/d) était associée à une mortalité par cancer (HR 1.11) plus élevée.

Autrefois, les médecins observaient très attentivement et voyaient moins d’ infarctus du myocarde en cas de faible consommation d’ alcool, ce que le langage populaire a repris. Même avec les deux études citées précédemment, le débat n’ est pas clos. Il n’ en reste pas moins qu’ avec les connaissances actuelles, la consommation d’ alcool, même faible, ne peut être recommandée de manière générale d’ un point de vue médical.

Dr Marcel Weber

Source
Domínguez-López I. et al. L’ acide tartarique urinaire comme biomarqueur de la consommation de vin et du risque cardiovasculaire : l’ essai PREDIMED. Eur Heart J 2024 Dec 18:ehae804. doi : 10.1093/eurheartj/ehae804. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39689849/

Ortolá R. et al. Alcohol Consumption Patterns and Mortality Among Older Adults With Health-Related or Socioeconomic Risk Factors. JAMA Netw Open 2024;7(8):e2424495. doi : 10.1001/jamanetworkopen.2024.24495. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39133491/

la gazette médicale

  • Vol. 14
  • Ausgabe 3
  • Mai 2025