- La méningite chez l’ enfant
La méningite chez l’ enfant est un tableau clinique dangereux avec un taux de mortalité élevé. Il est crucial que le diagnostic suspecté soit posé et que les mesures adéquates soient prises dès le premier contact dans le cabinet. Le présent article vise à fournir une aide dans de telles situations, non pas dans le sens d’ un article de revue, mais plutôt comme guide pratique.
Vignette clinique
Une fillette de 3 ans est présentée au médecin de famille de service en novembre. Elle a un rhume depuis 3 jours, une toux légère, une fièvre allant jusqu’ à 38,9 °C (température tympanique), une otalgie du côté gauche et a vomi deux fois. Ses deux frères et sœurs ont également un rhume. L’ anamnèse personnelle n’ est pas remarquable. Seuls les vaccins de base ont été administrés. L’ état général de la patiente est légèrement réduit, elle est larmoyante et affectueuse. Au status, un tympan rouge à gauche et un pharynx légèrement rougi sont perceptibles. L’ auscultation des poumons (à travers le T-shirt, parce que la patiente pleure et se défend) est normale. Le diagnostic présumé d’ otite moyenne aiguë gauche est posé. Une analgésie fixe est prescrite de même que la recommandation d’ une visite de suivi chez le pédiatre le jour suivant. A la sortie du cabinet, la jeune fille refuse de partir, elle est portée par sa mère. Deux heures plus tard à la maison, elle vomit plusieurs fois et a des crampes. Le service d’ ambulance est prévenu. Aux urgences de l’ hôpital pédiatrique : GCS 13, FR 30/min, FC 160/min, temps de recapillarisation centrale 4 sec, périphérie froide. Un méningisme se fait remarquer. Prise d’ hémocultures et de septicémie en laboratoire, compensation volumique et administration d’ antibiotiques. Après une détérioration supplémentaire, transfert à l’ unité de soins intensifs, où l’ on procède à l’ intubation et à la ventilation. Au cours des heures qui suivent, l’ état se stabilise et il n’ y a plus de crises. L’ imagerie du SNC (système nerveux central) est sans particularité. La ponction lombaire montre une pléïocytose du LCR (liquide cérébro-rachidien). La microbiologie rapporte une croissance de diplocoques Gram positif à partir de l’ hémoculture. L’ analyse PCR du LCR montre S. pneumoniae. Après la 3ème journée, la fille peut être transférée dans le service de pédiatrie.
Après l’ introduction avec des informations générales, les points les plus importants de l’ anamnèse et de l’ examen sont résumés en fonction des différentes catégories d’ âge. En outre, la septicémie comme évolution possible de la maladie sera rappelée et enfin, la prévention et donc les vaccinations recommandées seront discutées.
Introduction
La méningite bactérienne de l’ enfance est généralement causée par l’ invasion des muqueuses par les bactéries après la colonisation du nasopharynx. Dans la suite de la maladie, la propagation hématogène et finalement l’ invasion du SNC se produit en traversant la barrière hémato-encéphalique. En fonction de la situation immunitaire et de la charge bactérienne, une septicémie peut également survenir. En pédiatrie, la septicémie est définie comme une réponse immunitaire dysrégulée à une infection qui entraîne le dysfonctionnement d’ un ou de plusieurs organes. Les tableaux cliniques de la septicémie et de la méningite peuvent être parallèles. Il est important de rechercher activement les signes de septicémie chez l’ enfant en plus des signes de méningite, car cela peut être crucial pour une prise en charge immédiate.
Les bactéries responsables de la méningite aiguë purulente sont principalement S. pneumoniae, N. meningitidis, H. influenzae de type b (Hib) et les streptocoques du groupe B (SGB). Chez les nouveau-nés et les nourrissons de moins de 3 mois, les streptocoques du groupe B sont les agents pathogènes les plus courants, chez les nourrissons de plus de 3 mois et jusqu’ à 9 ans ce sont S. pneumoniae et N. meningitidis et chez les adolescents N. meningitidis. Le pic de fréquence de la méningite bactérienne se situe dans les deux premières années de la vie. Les méningococcies ont un 2ème pic de fréquence à l’ adolescence. Les pneumocoques provoquent la forme la plus grave de méningite bactérienne chez les nourrissons et les jeunes enfants. L’ évolution des infections à pneumocoques comporte de nombreuses complications et une guérison neurologique incomplète est plus fréquente que lors de méningite à méningocoques ou de méningite Hib. La méningite à pneumocoques a le taux de mortalité le plus élevé parmi les agents pathogènes classiques de la méningite (1-3). En Suisse, l’ incidence des infections invasives (y compris la méningite) chez les enfants de moins de 5 ans a diminué de manière spectaculaire, passant de 44 à 1,5 sur 100 000 en 21 ans, depuis l’ introduction de la vaccination anti-Hib en 1991. L’ introduction des vaccins conjugués anti-pneumococciques (PCV7 et PCV13 en 2005 et 2011, respectivement) a réduit l’ incidence de 37 à 9 en 6 ans. L’ incidence des infections méningococciques invasives a diminué après l’ introduction des vaccins conjugués (MCV-C et MCV-ACWY en 2006 et 2011, respectivement) en 9 ans de 6,3 à 3,9 chez les enfants de moins de 5 ans et de 2,3 à 0,7 chez les adolescents. Pourtant les pneumocoques restent les agents pathogènes les plus courants de la méningite bactérienne chez les enfants de plus de 1 mois (4-6). La méningite aseptique ou virale est beaucoup plus fréquente (incidence de 70 sur 100 000 chez les nourrissons). Le plus souvent (80-90%), cette forme est causée par des entérovirus, étant plus fréquente pendant les mois d’ été et d’ automne (7, 8).
Facteurs de risque de la méningite bactérienne (9) :
- Âge < 2 ans et adolescents
- Pas de vaccination (pneumocoque, Hib, méningocoque)
- Asplénie, immunodéficience (primaire ou secondaire), maladie systémique sous-jacente
- Maladie infectieuse récente (voies respiratoires ou otite moyenne)
- Malformations anatomiques (ORL, SNC)
- Implant cochléaire
- Contacts récents avec des patients atteints de méningite (école, crèche, garderie postscolaire)
- « Crowding » (service militaire, centres d’ accueil)
- Voyager dans les zones d’ endémie méningococcique comme l’ Afrique subsaharienne
Présentation – ce que les parents rapportent et ce qu’ il faut leur demander
Les signes et les changements d’ état général classés dans le tableau 1 peuvent se manifester lentement et progressivement sur quelques jours, mais aussi de façon fulgurante en quelques heures. Les enfants de moins de deux ans représentent un défi majeur pour l’ évaluation (1, 10, 11). Ce que leurs parents rapportent (ce qu’ ils ont remarqué, ce qui les inquiète) est particulièrement important pour ces patients. Laissez les parents vous guider quand ils disent, par exemple, que leur bébé est anormalement somnolent, pleure différemment, respire bizarrement ou n’ établit plus de contact visuel. Les enfants atteints de méningite purulente aiguë sont généralement dans un état général plus grave que les enfants atteints de méningite virale.
Status
Les nourrissons anxieux ne doivent pas être séparés de leurs parents dans la mesure du possible. L’ examen primaire peut également être effectué avec l’ enfant assis ou couché sur les genoux de la personne qui s’ occupe de lui. Une approche systématique et donc l’ évaluation rapide d’ un enfant malade est nécessaire. Lors de la première évaluation des risques les examens suivants sont utiles :
- État général : conscience, tonus, contact visuel, interaction, communication, possibilité de consoler l’ enfant, douleurs
- Respiration : position du corps, sons respiratoires, signes de dyspnée, fréquence respiratoire, saturation en oxygène
- circulation : pâleur, cyanose, extrémités froides, temps de recapillarisation, fréquence cardiaque
Ensuite, une évaluation précise et complète doit être réalisée. L’ enfant doit TOUJOURS être complètement déshabillé et examiné de la tête aux pieds. Lors du status, il est important de rechercher non seulement les signes neurologiques (tels que l’ irritabilité, la sensibilité au toucher, le méningisme, les déficits focaux) mais aussi les signes de septicémie (tab. 2), car ceux-ci peuvent déjà se manifester comme un signe avant-coureur de la méningite ou en même temps que celle-ci. Dans le contexte de la septicémie, les adultes réagissent principalement par une résistance vasculaire systémique diminuée (choc chaud). En revanche, les nouveau-nés et les nourrissons ont souvent une résistance vasculaire élevée (choc froid) dans la phase précoce de la septicémie. Un temps de recapillarisation prolongé, des extrémités froides et une tachycardie sont les signes classiques d’ un état de choc précoce où la pression artérielle est toujours maintenue (choc compensé). À l’ état décompensé, un trouble de la conscience et une hypotension artérielle débutante sont typiques. La chute de la tension artérielle chez les enfants est un signe tardif et est souvent proche d’ un collapsus circulatoire complet (11, 12). La mesure correcte de la pression artérielle chez les nourrissons et les jeunes enfants n’ est pas toujours facile et ne doit pas être possible dans le cabinet du médecin de famille.
À Noter
Il faut encourager les parents à se présenter de nouveau avec l’ enfant si la situation se détériore. Un diagnostic suspecté n’ est que la « meilleure supposition » et n’ est jamais infaillible tant qu’ il ne peut être confirmé par des résultats correspondants. Si les symptômes progressent et que l’ évolution ne correspond pas au diagnostic suspecté, il faut le reconnaître et être prêt à reconsidérer le cas. Des erreurs se produisent si les médecins restent fixés sur leur diagnostic initial présumé.
L’ instauration rapide d’ une thérapie (antibiotique et compensation volumique) permet de sauver des vies. Pour les nourrissons de moins de 3 mois en état général réduit il faut toujours initier une hospitalisation. Les clarifications en laboratoire (p.ex. hémogramme, CRP) ne sont pas utiles, car elles ne sont pas pertinentes.
Si l’ on suspecte une méningite mais que l’ état général soit bon et que les paramètres de circulation soient stables, l’ enfant peut être transféré par transport privé. Il n’ est pas non plus conseillé de procéder à des clarifications en laboratoire dans ce cas. La méningite ne peut être diagnostiquée que par une ponction lombaire. Si un transfert immédiat n’ est pas possible en cas de suspicion de méningite et/ou de septicémie purulente ou s’ il subit des retards, le traitement initial suivant est recommandé :
- Apport en oxygène
- Remplissage volumique avec une solution cristalloïde équilibrée, administrée en bolus (p.ex. solution de Ringer) 20 ml/kg
- Ceftriaxone (une seule fois) en perfusion courte i.v. / i.m. Dose : 100 mg/kg p.c. (dose unique maximale : 4g)
Prévention – Vaccinations
Comme le montrent les chiffres des dernières années, le risque de contracter une méningite aux conséquences potentiellement mortelles ou aux dommages neurologiques à long terme peut être considérablement réduit par une immunisation adéquate. Les vaccins suivants (tab. 4) sont à recommander activement.
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 01_2019
Praxis Ottenbach
Affolternstrasse 21
8913 Ottenbach
Leitung Pädiatrische Infektiologie,
Luzerner Kantonsspital
6000 Luzern 16
michael.buettcher@luks.ch
Les auteurs affirment qu’ il n’ y a pas de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
- Bien que l’ incidence de la méningite bactérienne diminue, son taux de mortalité reste élevé.
- Les enfants de moins de 2 ans sont les plus fréquemment touchés. La présentation n’ est pas spécifique dans cette catégorie d’ âge. Donc : pensez-y !
- S. pneumoniae est l’ agent pathogène le plus courant de la méningite bactérienne chez les enfants de moins de 5 ans. Il existe un vaccin efficace. C’ est maintenant l’ une des vaccinations de base. Recommandez-la activement !
- Les méningococcies ont un deuxième pic à l’ adolescence. N’ oubliez pas la vaccination de rappel !
- La septicémie et la méningite peuvent survenir ensemble. Faites attention aux symptômes d’ alarme, liés aux catégories d’ âge, que vous avez repérés de l’ anamnèse et du status.
- Un enfant que l’ on soupçonne d’ avoir une méningite ou une septicémie bactérienne doit être transféré immédiatement à la clinique pédiatrique la plus proche avec les services de transport d’ urgence.
1. Kim KS. Acute bacterial meningitis in infants and children. The Lancet Infectious Diseases 2010;10(1):32–42.
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6. BAG. Pneumokokkenerkrankungen 2012. 2015;1–8.
7. Mount HR, Boyle SD. Aseptic and Bacterial Meningitis: Evaluation, Treatment, and Prevention. Am Fam Physician 2017;96(5):314–22.
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12. Mathias B, Mira JC, Larson SD. Pediatric sepsis. Current Opinion in Pediatrics 2016;28(3):380–7.
la gazette médicale
- Vol. 9
- Ausgabe 2
- April 2020