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Les analogues du GLP-1 pour le traitement de l’obésité

Le surpoids et l’ obésité représentent l’ un des plus grands défis mondiaux pour le système de santé de notre époque (1-4). Selon les derniers chiffres du « Rapport régional européen de l’ OMS sur l’ obésité 2022 », près de 60 % des adultes et 1/3 des enfants en Europe sont déjà touchés par le surpoids ou l’ obésité (5) – et les chiffres en Europe et dans le monde continuent d’ augmenter. L’ obésité est un facteur de risque majeur pour de nombreuses maladies telles que les maladies cardio-vasculaires, le diabète de type 2 et les cancers les plus divers, et elle est associée à une mortalité accrue (6, 7). Pour enrayer l’ épidémie d’ obésité actuelle et future, il est important de comprendre que l’ obésité est une maladie et que les personnes souffrant d’ obésité ont besoin d’ un traitement spécifique et sur mesure.



Obesity represents a global socioeconomic health burden with epidemic dimensions worldwide (1-4). According to the WHO European Regional Obesity Reports 2022, already now 60% or adults and 1/3 of all children are affected in Europe (5) – and the numbers keep increasing in Europe and worldwide. Obesity is a major risk factor for multiple comorbidities such as type 2 diabetes, cardiovascular disease and cancer, and is associated with an increased overall mortality (6, 7). To successfully fight this epidemic now and in the future, it is important to understand that obesity is a disease and that people with obesity need a specific, tailored treatment.
Key Words: obesity, GLP-1 analogues, stigmatization, tailored treatment

Il est dramatique de constater que l’ idée fausse selon laquelle le surpoids et l’ obésité résultent d’ un manque d’ effort et de volonté et que les personnes concernées doivent « simplement faire plus d’ efforts, manger moins et bouger plus » est encore largement répandue. Cela a pour conséquence que les personnes souffrant d’ obésité subissent une stigmatisation massive, non seulement dans notre société, mais aussi et surtout dans le secteur de la santé. Cette stigmatisation se fait d’ abord ressentir à l’ extérieur et s’ intériorise avec le temps, c’ est-à-dire que les personnes obèses se font très souvent de gros reproches sur l’ évolution de leur poids et se dévalorisent elles-mêmes. Cela entraîne un cercle dangereux qui est à la fois la conséquence et la cause de l’ obésité et qui favorise les comportements alimentaires émotionnels. La nourriture représente un moyen de « gérer ses émotions » (coping) et les personnes concernées évitent de se montrer dehors pour faire du sport car cela engendre encore plus de stress psychologique (fig. 1).

La stigmatisation dans le secteur de la santé et par les médecins, qui a été vécue au moins une fois par près de 70 % des personnes concernées dans une grande étude multinationale et multicentrique (12), peut avoir des conséquences graves telles qu’ un éloignement complet du système de santé, un abus de substances et une suicidalité accrue (12-14).

Diagnostic et pathogenèse

Le surpoids et l’ obésité sont largement classifiés selon l’ indice de masse corporelle (IMC, kg/m2), bien qu’ il ne s’ agisse que d’ une classification très vague, qui peut être complétée par l’ application supplémentaire du « Endmonton obesity staging system », qui tient compte des maladies suite à l’ obésité (fig. 2).

L’ obésité est une maladie multifactorielle, c’ est-à-dire que des facteurs (épi)génétiques, (neuro)biologiques et externes, appelés facteurs de « style de vie », jouent un rôle. Les processus neurobiologiques modifiés jouent ici un rôle décisif, car le cerveau détermine de manière largement autonome ce que nous mangeons, quand et comment nous le faisons, et comment se déroulent nos processus métaboliques. Ces processus, comme beaucoup d’ autres processus du corps humain, ne peuvent être influencés que de manière très marginale par la volonté. En d’ autres termes, le patient souffrant d’ obésité n’ est pas en surpoids parce qu’ il mange trop, il mange trop parce qu’ il est atteint d’ obésité !

Traitement de l’ obésité avec des analogues du GLP-1

Aujourd’ hui encore, une alimentation adaptée et équilibrée et suffisamment d’ activité physique sont les piliers du traitement de l’ obésité. Mais l’ obésité doit avant tout être traitée là où elle se développe, c’ est-à-dire au niveau neurobiologique. Avec les analogues du GLP-1, nous disposons pour la première fois dans l’ histoire du traitement de l’ obésité de médicaments qui nous permettent de traiter l’ obésité de manière ciblée, avec une bonne tolérance et des effets secondaires acceptables. Les analogues du GLP-1 provoquent au niveau du cerveau un renforcement de la sensation de satiété et une diminution de la sensation de faim, ce qui fait que l’ on mange moins. Des études ont montré une diminution moyenne du poids corporel de 10 % par rapport au poids initial (17,18). Les effets individuels peuvent toutefois être plus ou moins importants.

Les patients sous traitement avec des analogues du GLP-1 mentionnent surtout qu’ ils sont plus vite rassasiés et qu’ ils ne veulent ou ne peuvent plus manger que de petites portions. De nombreux patients affirment ressentir une grande détente générale, car ils ne doivent plus dépenser autant d’ énergie pour « éviter de manger ». Outre la réduction du poids, le traitement par les analogues du GLP-1 a d’ autres effets positifs sur les processus métaboliques, par exemple au niveau du foie, et a aussi des effets positifs sur le système cardiovasculaire.

En Suisse, l’ analogue du GLP-1, le liraglutide (Saxenda®), est autorisé pour le traitement de l’ obésité. Les coûts d’ un traitement avec l’ analogue du GLP-1 liraglutide (Saxenda®) sont pris en charge par la caisse maladie en Suisse depuis le 01.04.2020 sous certaines conditions. Il est important de savoir que ce médicament ne peut être prescrit que par des médecins endocrinologues/diabétologues FMH ou des spécialistes de l’ obésité (selon la liste de l’ OFSP). Cela signifie que les patients doivent être envoyés aux spécialistes concernés pour un traitement.

  • Les conditions pour une prise en charge des coûts du traitement avec l’ analogue du GLP-1 Saxenda® (liraglutide) sont les suivantes :
  • IMC ≥ 28kg/m2 avec pathologies associées liées au poids (prédiabète, diabète sucré de type 2, dyslipidémie, hypertension artérielle) OU
  • IMC ≥ 35kg/m2 indépendamment de pathologies associées.
  • Suivi approuvé d’ un régime déficitaire de 500kcal par jour.
  • Augmentation documentée de l’ activité physique, par ex. à l’ aide d’ un compteur de pas.
  • Contrôle des résultats et décision concernant la poursuite de la prise en charge des coûts au bout de 4 mois et ensuite tous les 6 mois
  • Prise en charge des coûts pendant 3 ans maximum

Le liraglutide (Saxenda®) doit être injecté quotidiennement par le patient par voie sous-cutanée. L’ injection est simple et se fait à l’ aide d’ un stylo. Il est toutefois important de bien instruire le patient concernant la technique d’ injection correcte. Il est également important de commencer par une faible dose (0,6mg/jour) et de n’ augmenter la dose que lentement, chaque semaine, jusqu’ à une dose maximale de 3mg par jour, afin de permettre au corps de s’ habituer lentement au médicament. Ainsi, les effets secondaires possibles tels que les nausées et, très rarement, les vomissements peuvent être minimisés ou totalement évités. D’ autres effets secondaires possibles sont la diarrhée ou la constipation. Tout comme la réponse au médicament, l’ émergence d’ effets secondaires varie considérablement d’ un patient à l’ autre.

Outre le traitement par des analogues du GLP-1, la chirurgie bariatrique représente pour des patients sélectionnés une méthode très efficace et sûre de réduction de poids. Ainsi on peut traiter ou même guérir complètement les maladies associées à l’ obésité. Quelle que soit la forme de thérapie, le patient doit être au centre du traitement et il faut trouver une approche individuelle et sur mesure pour chaque patient. Pour qu’ un traitement de l’ obésité soit efficace, il faut plutôt suivre la devise « state of the heart » que « state of the art » : le patient doit sentir que l’ on prend en compte ses besoins et ses souhaits individuels et qu’ il est perçu dans la réalité de la vie avec son vécu.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 09_2022

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pre Katharina Timper

Clinique d’endocrinologie, de diabétologie et
de métabolisme Hôpital universitaire de Bâle
Petersgraben 4
4031 Bâle

Département de biomédecine, Université de Bâle

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’ obésité est une maladie ➞ Les patients souffrant d’ obésité ont besoin d’ un traitement spécifique.
◆ « State of the heart » : une attitude respectueuse, empathique et non stigmatisante envers le patient est primordiale, Entretien motivationnel – médecin-patient=équipe.
◆ Prise en compte : des troubles alimentaires, de l’ alimentation émotionnelle, de la santé mentale, du classement de l’ obésité (IMC et Edmonton Obesity Scale), des maladies associées à l’ obésité ; exclusion de causes endocrinologiques de l’ obésité.
◆ Établir ensemble avec le patient un plan d’ action et de traitement incluant les objectifs de celui-ci.
◆ Élaborer des changements de mode de vie pour chaque patient et les mettre en pratique de manière interdisciplinaire (avec éventuellement le transfert du patient à un centre de l’ obésité).
◆ Traiter l’ obésité de manière ciblée avec des analogues du GLP-1
(consultation d’ un médecin endocrinologue/diabétologue FMH ou d’ un spécialiste de l’ obésité selon la liste de l’ OFSP).
◆ Prendre en considération la chirurgie bariatrique (transfert au centre de l’ obésité).

 

1. WHO Fact sheet 311 uA. Obesity an overweight. 2014 (accessed 30. October 2014).
2. Collaboration NCDRF. Trends in adult body-mass index in 200 countries from 1975 to 2014: a pooled analysis of 1698 population-based measurement studies with 19.2 million participants. Lancet 2016; 387(10026): 1377-96.
3. Collaboration NCDRF. Worldwide trends in body-mass index, underweight,
overweight, and obesity from 1975 to 2016: a pooled analysis of 2416 population-based measurement studies in 128.9 million children, adolescents, and adults. Lancet 2017; 390(10113): 2627-42.
4. Bluher M. Obesity: global epidemiology and pathogenesis. Nat Rev Endocrinol 2019; 15(5): 288-98.
5. https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/353747/9789289057738-eng.pdf.
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7. Kivimaki M, Luukkonen R, Batty GD, et al. Body mass index and risk of dementia:
Analysis of individual-level data from 1.3 million individuals. Alzheimers Dement 2018; 14(5): 601-9.
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  • Vol. 11
  • Ausgabe 6
  • November 2022