Un autre domaine qui a aussi beaucoup progressé est celui de la prévention. La démence, qui est le stade avancé des pathologies neurocognitives, est très rare avant 65 ans, puis sa prévalence augmente de façon exponentielle jusqu’ à affecter environ la moitié des personnes de 90 ans et plus. Toutefois, sa prévention doit pouvoir démarrer très tôt pour se poursuivre tout au long de la vie.
La «Lancet Commission on Dementia» évalue régulièrement la littérature scientifique sur ce sujet, et procède à de nombreuses méta-analyses. Dans son dernier rapport de 2024, elle a identifié 14 facteurs modifiables qui pourraient prévenir ou retarder la survenue de près de la moitié des cas de démence et a calculé la réduction qui serait potentiellement obtenue par l’ élimination de chacun de ces facteurs de risque (chiffre indiqué entre parenthèses): un faible niveau d’ éducation (5 %), une perte auditive (7 %), un LDL cholestérol élevé (7 %), une dépression (3 %), un traumatisme crânien (3 %), la sédentarité (2 %), le diabète (2 %), le tabac (2 %), l’ hypertension (2 %), l’ obésité (1 %), une consommation excessive d’ alcool (1 %), l’ isolement social (5 %), la pollution atmosphérique (3 %) et les troubles de la vue (2 %). Les trois facteurs cités en dernier semblent jouer un rôle surtout aux âges avancés alors que tous les autres sont importants déjà chez l’ adulte d’ âge moyen sauf le niveau d’ éducation atteint qui est essentiellement lié à l’ enseignement reçu dans la jeunesse. Au total, la Lancet Commission on Dementia estime donc que 45 % du risque de développer une démence est potentiellement modifiable (1).
On retrouve dans le cerveau des personnes âgées plusieurs lésions fortement corrélées à la présence de troubles cognitifs: les lésions neurofibrillaires (rencontrées dans la maladie d’ Alzheimer), les corps de Lewy (présents dans la maladie du même nom) et les microinfarctus. La prévention de la démence se doit donc d’ être relativement large pour réduire les risques de développer aussi bien une maladie d’ Alzheimer qu’ une autre maladie neurodégénérative ou une pathologie microvasculaire. L’ étude FINGER a utilisé ce type d’ approche en comparant un groupe recevant des interventions multiples (nutritionnelles, cognitives, comprenant aussi de l’ exercice physique et un suivi rapproché du risque vasculaire) à un groupe contrôle recevant des conseils de santé habituels. Avec une durée de seulement 2 ans, elle a pu mettre en évidence un effet positif sur l’ état cognitif des personnes dans le groupe intervention (2). Le suivi à long terme de cette population a aussi montré que les nouvelles habitudes de vie prises par ces personnes étaient encore différentes de celles du groupe contrôle 7 ans plus tard (et même après 11 ans chez ceux qui étaient âgés de plus de 70 ans au début de l’ étude), avec un effet positif persistant sur l’ état cognitif, selon une récente présentation au congrès ADPDTM (International Conference on Alzheimer’ s and Parkinson’ s Diseases and Related Disorders) qui s’ est tenu à Vienne en avril 2025 (3). Il y a actuellement plus d’ une quarantaine d’ études en cours évaluant l’ efficacité de ce type d’ approche multi-domaine qui devraient permettre de mieux préciser les modalités d’ intervention les plus efficaces. En attendant, l’ application aussi bien au niveau individuel que sociétal de stratégies dont le potentiel a déjà été démontré reste une des approches les plus prometteuses pour protéger l’ état cognitif des populations vieillissantes.
Genève
1. Livingston G., Huntley J., Liu KY, et al. Dementia prevention, interventions, and care: 2024 report of the Lancet standing Commission. Lancet 2024;404:572-628.
2. Ngandu T., Lehtisalo J., Solomon A. et al. A 2 year multidomain intervention of diet, exercise, cognitive training, and vascular risk monitoring versus control to prevent cognitive decline in at-risk elderly people (FINGER): a randomised controlled trial. Lancet 2015;385:2255-2263.
3. Kivipelto M. Pivotal Points in Prevention Trials and The New Era of Precision Medicine for Alzheimer’ s Disease and Related Disorders. Presented at the International Conference on Alzheimer’ s and Parkinson’ s Diseases and Related Disorders, Vienna, 2025.