Bien que les céphalées en grappe soient les troisièmes céphalées primaires les plus fréquentes, elles sont presque négligées ou inconnues. Cela semble parfois incompréhensible, car ces céphalées présentent un phénotype extrêmement pathognomonique ainsi que des formes particulières. Le nom vient en effet du fait que les crises de maux de tête, plutôt brèves, surviennent généralement de façon brutale « en amas » – en anglais « cluster » -, souvent suivant un schéma saisonnier. Avec une prévalence de 1 pour 1000, la Suisse compte pratiquement autant d’habitants touchés par ces céphalées que par la sclérose en plaques.
Even though cluster headaches are the third most common primary headache, they are a bit neglected or unknown. This seems sometimes incomprehensible, since these headaches have an extremely pathognomonic phenotype as well as specific patterns. Indeed, the name comes from the fact that the rather short-lasting headache attacks usually occur in clusters, not infrequently with a seasonal pattern. With a prevalence of 1 per 1000, virtually the same number of residents in Switzerland are affected as by multiple sclerosis. Key Words: cluster headache, primary headache, headache diagnosis & treatment
La douleur provoquée par les céphalées en grappe est considérée comme l’ une des plus intenses qui soient et suscite même des idées suicidaires chez certains patients, raison pour laquelle on parle également de « suicidal headache » dans les pays anglophones. La nette surreprésentation chez les hommes, de 4 à 8 versus un cas chez les femmes, a été quelque peu corrigée à la baisse par des études épidémiologiques menées ces dernières années. Le fait que près de 90% des patients fument ou ont fumé reste cependant un phénomène non expliqué jusqu’ à présent.
La cause n’ est pas entièrement élucidée ; un dysfonctionnement de l’ hypothalamus, du ganglion parasympathique sphénopalatin ou du système trigéminovasculaire joue certainement un rôle. Comme pour la migraine, le neurotransmetteur PRGC (peptide relié au gène calcitonine, en anglais : CGRP, Calcitonin Gene-Related Peptide) semble jouer un rôle important dans l’ apparition de la douleur.
Diagnostic
Le diagnostic des céphalées en grappe repose, comme pour toutes les céphalées (primaires), sur une anamnèse approfondie, un examen physique neurologique et, le cas échéant, sur d’ autres diagnostics d’ exclusion. En particulier lors de la première apparition, en cas de présentation atypique ou, de manière générale, en présence de symptômes d’ alerte (“red flags”, (1)), une imagerie est certainement justifiée. L’ imagerie par résonance magnétique s’ impose en premier lieu.
L’ aspect (phénotype) est extrêmement typique et se distingue nettement des céphalées de tension et de la migraine (tableau 1). Les douleurs sont strictement unilatérales, généralement localisées autour de l’ œil et durent en moyenne une à deux heures en l’ absence de traitement – ou en cas de traitement insuffisant. Les crises elles-mêmes peuvent survenir plusieurs fois par jour et les patients se réveillent très souvent la nuit à cause de la douleur. Pendant la crise, des symptômes trigémino-autonomiques ipsilatéraux apparaissent : œil rouge et larmoyant (lacrymation, injection conjonctivale), gonflement des paupières, congestion nasale ou rhinorrhée. Contrairement aux migraineux qui, en raison de leur hypersensibilité marquée aux stimulations sensorielles recherchent le plus souvent le calme et l’ obscurité, les patients atteints de cluster font état d’ agitation ou de troubles. Il est également possible qu’ il existe des formes mixtes, certainement des comorbidités ou des symptômes qui se chevauchent (2).
L’ International Headache Society (IHS, ICHD-3, en français : Société internationale des céphalées, SIC) a défini des critères de diagnostic spécifiques pour les céphalées en grappe (tab. 2). En outre, on distingue une forme épisodique et une forme chronique, selon si les phases de maux de tête (épisodes, « bouts ») durent seulement quelques semaines ou mois, ou plus de 9 mois sans interruption.
Une étude récente a développé un questionnaire de dépistage, appelé SMARTED-Scale, avec cinq questions clés : SMoking, Awakening, Restlessness, TEaring, Duration. Si les patients avaient fumé, étaient réveillés la nuit par les crises de douleur, rapportaient une agitation pendant les douleurs, un œil larmoyant et une durée de trois heures maximum, il en résultait une sensibilité de 98% et une spécificité de 65% (3).
Traitement
Le traitement des céphalées en grappe n’ est pas toujours facile et nécessite une approche individuelle. Il existe différentes options qui peuvent être essayées en fonction de la sévérité des symptômes, de la forme (épisodique ou chronique) et de la réponse du patient au traitement. Les différentes possibilités de traitement sont décrites ci-dessous et sont toujours actualisées dans les recommandations thérapeutiques de la Société suisse des céphalées (4).
Traitement aigu
Le traitement aigu a pour but de stopper ou d’ atténuer les douleurs le plus rapidement possible. Pour l’ oxygénothérapie à haute dose (7-15 l/min pendant 10-15 min), les céphalées en grappe ont été récemment intégrées comme indication dans la LiMA. Malheureusement, les Ligues pulmonaires cantonales ne prennent plus toutes en charge le conseil et les soins aux patients. SOS Oxygène offre une alternative possible dans toute la Suisse.
Sur le plan médicamenteux, les triptans à action rapide constituent le premier choix : sumatriptan* 10-20mg par voie nasale ou 6mg s.c. ou zolmitriptan 5mg par voie nasale. Les petites molécules antagonistes des récepteurs du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP), étant plus récentes, n’ ont pas encore été suffisamment étudiées. Les anesthésiques locaux sous forme de spray nasal ou de gouttes locales offrent une possibilité plus expérimentale. La stimulation transcutanée du nerf vague a fait l’ objet d’ études positives et a déjà été approuvée par la FDA aux États-Unis. Des appareils de stimulation correspondants sont également partiellement disponibles en Suisse.
Prévention
L’ infiltration locale du nerf grand occipital représente également une possibilité efficace et sûre (6). Le principal problème réside dans les effets secondaires à long terme des corticoïdes, qui ne permettent pas un traitement continu.
Différents médicaments sont recommandés comme prophylaxie médicamenteuse à long terme : Le vérapamil, le topiramate (100-200mg), la mélatonine (10mg) ou le lithium peuvent être utilisés. Ces médicaments ont des modes d’ action différents et peuvent être choisis individuellement en fonction de la gravité de la maladie et de la tolérance. Pour le vérapamil, des contrôles réguliers de l’ ECG sont recommandés et il n’ est pas rare que des doses assez élevées (>480mg/d) soient nécessaires. Le lithium doit être ajusté en fonction du taux sérique.
De grandes études ont été faites (pour la première fois) investiguant les nouveaux anticorps concernant le système CGRP en cas de céphalées en grappe épisodiques ainsi que chroniques. Une seule de ces études a révélé des résultats positifs, ce qui n’ a pas suffi jusqu’ à présent aux autorités européennes de réglementation des médicaments pour que ces derniers soient pris en charge par les caisses-maladie (7,8). Pour certains patients sélectionnés, ces médicaments peuvent tout à fait représenter une option de traitement. Une réponse peut généralement être observée rapidement, c’ est-à-dire après quelques semaines déjà, ce qui peut être utile pour une prise en charge des coûts selon l’ art. 71 OAMal.
Procédés neuromodulateurs
La stimulation vagale, déjà mentionnée, a également montré des effets préventifs dans les études. La stimulation cérébrale profonde (SCP) n’ est pratiquement plus utilisée en raison du taux de complications plus élevé. Pendant un certain temps, la stimulation invasive du ganglion sphénopalatin (GSP) a constitué une bonne option thérapeutique, mais cette thérapie n’ est plus disponible depuis la faillite de l’ entreprise. La stimulation du nerf occipital reste une option pour les céphalées en grappe chroniques réfractaires. Une étude néerlandaise publiée récemment a montré des effets positifs à long terme et une bonne acceptation par les patients, de sorte que l’ intervention a été intégrée dans l’ assurance maladie (9). Une certaine ambiguïté subsiste, car la stimulation « sham », qui devait servir de contrôle, a également montré un effet.
Autres formes de thérapie
Lorsque les thérapies standard ne sont pas efficaces, il est évident que les patients essaient de nombreuses autres thérapies en rapport avec cette maladie douloureuse grave. Il vaut certainement la peine de conseiller les patients à ce sujet, notamment pour prévenir d’ éventuels effets secondaires nocifs. Il n’ y a pas encore de preuves scientifiques pour les médecines alternatives et complémentaires. En revanche, on trouve des travaux prometteurs, mais encore expérimentaux, sur les substances hallucinogènes comme la psilocybine ou le LSD (10, 11). Il existe de premières indications selon lesquelles ces substances sont en mesure de soulager les céphalées en grappe en influençant le cerveau et en réduisant la sensibilité à la douleur. Il est toutefois important de souligner qu’ en raison de leur nature illégale et de leurs effets indésirables potentiels, l’ utilisation de substances hallucinogènes ne constitue pas encore une option thérapeutique établie et que des recherches supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine.
*Indications pour les céphalées en grappe ne sont pas données dans la littérature professionnelle (réd.).
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2023
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Pr Andreas R. Gantenbein
Spécialiste en neurologie
Neurologie am Untertor
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◆ Il existe de nombreuses approches thérapeutiques différentes pour les céphalées en grappe. Il reste important que le diagnostic soit correctement posé et que le traitement soit adapté individuellement au patient, car chaque patient peut réagir différemment aux différentes options.
◆ La Société suisse des céphalées (SSC) prépare actuellement, avec le soutien de la Fondation Werner Dessauer, un registre des patients souffrant de céphalées en grappe, ce qui pourrait à l’ avenir fournir des informations importantes sur le diagnostic, la gestion des douleurs et les options thérapeutiques.
1. Do TP, Remmers A, Schytz HW, Schankin C, Nelson SE, Obermann M, Hansen JM, Sinclair AJ, Gantenbein AR, Schoonman GG. Red and orange flags for secondary headaches in clinical practice: SNNOOP10 list. Neurology. 2019;92(3):134-44. doi: 10.1212/WNL.0000000000006697.
2. Chwolka M, Goadsby PJ, Gantenbein AR. Comorbidity or combination – more evidence for cluster-migraine? Cephalalgia. 2023;43(1):3331024221133383. doi: 10.1177/03331024221133383.
3. Pohl H, Joos M, Neumeier MS, Stattmann M, Gantenbein AR, Wegener S. 2023. “Screening for Cluster Headache-Introduction of the SMARTED Scale” Clin Transl Neuroscience. 2023;7(1):1. doi: 10.3390/ctn7010001.
4. Gantenbein A, Palla A, Sturzenegger M. SKG-Therapieempfehlungen für primäre Kopfschmerzen. Swiss Med Forum. 2020;20(1112):182-3. doi: 10.4414/smf.2020.08466.
5. Obermann M, Nägel S, Ose C, Sonuc N, Scherag A, Storch P, Gaul C, Böger A, Kraya T, Jansen JP, Straube A, Freilinger T, Kaube H, Jürgens TP, Diener HC, Katsarava Z, Kleinschnitz C, Holle D. Safety and efficacy of prednisone versus placebo in short-term prevention of episodic cluster headache: a multicentre, double-blind, randomised controlled trial. Lancet Neurol. 2021;20(1):29-37. doi: 10.1016/S1474-4422(20)30363-X.
6. Gantenbein AR, Lutz NJ, Riederer F, Sándor PS. Efficacy and safety of 121 injections of the greater occipital nerve in episodic and chronic cluster headache. Cephalalgia. 2012;32(8):630-4.
7. Dodick DW, Goadsby PJ, Spierings ELH, et al. Safety and efficacy of galcanezumab in patients with episodic cluster headache: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Neurol. 2019;18(6): 476-86. doi: 10.1016/S1474-4422(19)30048-3.
8. Pohl H, Holle-Lee D, Broicher SD, Schwerdtner I, Gantenbein AR, Gaul C. Galcanezumab bei episodischem und chronischem Clusterkopfschmerz [Galcanezumab for episodic and chronic cluster headache]. Schmerz. 2022. doi: 10.1007/s00482-022-00648-8.
9. Wilbrink LA, de Coo IF, Doesborg PGG, Mulleners WM, Teernstra OPM, Bartels EC, Burger K, Wille F, van Dongen RTM, Kurt E, Spincemaille GH, Haan J, van Zwet EW, Huygen FJPM, Ferrari MD; ICON study group. Safety and efficacy of occipital nerve stimulation for attack prevention in medically intractable chronic cluster headache (ICON): a randomised, double-blind, multicentre, phase 3, electrical dose-controlled trial. Lancet Neurol. 2021;20(7):515-25.
10. Schindler EA, Gottschling C, Weil MJ, Shapiro RE. Psilocybin for the treatment of cluster headaches. Neurol Sci. 2015;36(12): 2363-5. oi: 10.1007/s10072-015-2346-2.
11. Sewell RA, Halpern JH, Pope HG. Response of cluster headache to psilocybin and LSD. Neurology. 2006;66(12): 1920-2. doi: 10.1212/01.wnl.0000219761.05466.43.
L’ ostéoporose est fréquente et entraîne, en cas d’ efforts normaux, une augmentation du risque de fractures, typiquement au niveau de la colonne vertébrale, du fémur ou de l’ humérus proximal et du radius distal. Le diagnostic se fait par ostéodensitométrie ou sur la base d’ une fracture typique. Les fractures dues à l’ ostéoporose sont associées à une morbidité et à une mortalité accrues, et l’ objectif du diagnostic de l’ ostéoporose est de prévenir les fractures. L’ ostéoporose doit être dépistée de manière ciblée lors de l’ anamnèse et de l’ examen. Les mesures générales comprennent une vérification de la liste des médicaments, une prévention des chutes et une alimentation adéquate, soutenue par la physiothérapie et l’ ergothérapie ainsi que par des conseils nutritionnels. Si une fracture typique est déjà présente, le diagnostic d’ ostéoporose est posé. Identifiez la fracture et prévenez une nouvelle fracture.
Osteoporosis is a common problem leading to low-impact fractures typically in the spine, proximally at the femur or humerus, and distally at the radius during normal loading. Diagnosis is based on bone densitometry or on a typical fracture. Osteoporotic fractures are associated with disability and increased mortality. The goal of an intervention is to prevent fractures. Osteoporosis should be specifically sought in history and examination. General measures include a review of the medication list, prevention of falls, and adequate nutrition. If a typical fracture is already present, the diagnosis of osteoporosis is established: capture the fracture and prevent the next fracture. Key Words: osteoporosis, fractures, risks, diagnosis, interventions
Le diagnostic d’ ostéoporose désigne une modification de la structure osseuse qui a valeur de maladie et dont la fréquence augmente avec l’ âge, surtout chez les femmes post-ménopausées et, environ 10 ans plus tard, également chez les hommes. La maladie se caractérise par une diminution de la masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture du tissu osseux, ce qui entraîne une augmentation de la fragilité osseuse et donc du risque de fracture (1). En raison de la diminution de la masse et de la structure osseuses, l’ os ne peut plus supporter une charge normale. La conséquence physique est la fracture à un endroit typique (généralement au niveau de la colonne vertébrale, y compris le sacrum, du fémur ou de l’ humérus proximal et du radius distal), qui peut survenir spontanément, après une sollicitation normale (p. ex. en se penchant) ou à la suite d’ une simple chute (de la hauteur d’ une personne debout).
L’ ostéoporose peut être diagnostiquée par ostéodensitométrie (DXA ou DEXA = Dual Energy X-ray Absorptiometry) ou cliniquement sur la base d’ une fracture typique.
Sur le plan métrologique, l’ ostéoporose est définie par l’ ostéodensitométrie comme un écart de la densité minérale osseuse de la patiente de ≤ –2.5 DS (déviation standard) (la valeur du T-score) par rapport à un collectif de femmes préménopausées en bonne santé (la valeur du Z-score décrit en revanche le nombre d’ écart-types par lequel la densité minérale osseuse diffère de celle d’ un collectif de femmes du même âge) (1).
Cliniquement, le diagnostic d’ ostéoporose est posé sur la base d’ une fracture typique. Il convient de distinguer une telle fracture (d’ insuffisance) due à l’ ostéoporose d’ une fracture consécutive à un traumatisme « adéquat », comme une chute du haut d’ un mur ou de plusieurs marches d’ escalier, d’ une chute à vélo ou d’ un autre effort important, comme une marche de plusieurs heures dans l’ armée (fracture dite de stress). Il s’ agit de fractures dues à une cause exceptionnelle, mais d’ un os généralement normal. Des chevauchements des types de fractures sont bien entendu possibles. Les fractures dues à l’ ostéoporose sont souvent à l’ origine d’ un handicap plus important, voire d’ une perte totale d’ autonomie, en particulier chez les personnes âgées. De même, ces fractures entraînent une mortalité accrue. L’ objectif du diagnostic de l’ ostéoporose est donc de réduire le risque de fracture et donc de réduire le risque d‘une première fracture ou d‘une nouvelle fracture.
Les risques
Selon des estimations récentes, plus de 500 000 personnes souffrent d’ ostéoporose en Suisse et, pour beaucoup d’ entre elles, le diagnostic n’ est probablement pas connu. Il convient donc d’ investiguer de manière ciblée lors de la consultation. Comme d’ habitude, nous commençons par l’ anamnèse.
Les facteurs de risque connus à ce jour, dont beaucoup ne sont pas directement influençables, constituent l’ indice d’ un risque accru d’ ostéoporose (2). Outre le sexe et l’ âge, les antécédents familiaux d’ ostéoporose connue ou de fractures typiques chez les parents, les antécédents personnels de fractures à partir de 50 ans, une immobilité prolongée après un accident/ une maladie ou une ménopause précoce, respectivement une impuissance d’ origine endocrinienne chez l’ homme, en font partie.
D’ autres facteurs de risque qui ne peuvent pas être modifiés directement sont les maladies du tissu conjonctif comme l’ ostéogenèse imparfaite, le syndrome de Marfan ou le syndrome d’ Ehlers-Danlos.
Les maladies en tant que facteurs de risque sont au moins partiellement influençables, notamment les syndromes de malabsorption, les maladies hématologiques et oncologiques, le VIH ainsi que les maladies endocriniennes et de nombreuses maladies inflammatoires en rhumatologie, gastroentérologie, néphrologie et pneumologie ainsi que les carences en calcium et en vitamine D.
De plus, le risque peut être augmenté ou diminué par des médicaments qui se recoupent en partie avec les facteurs déjà mentionnés.
Les facteurs de risque les plus connus sont, entre autres, le traitement prolongé par glucocorticostéroïdes (et autres immunosuppresseurs) et l’ utilisation d’ inhibiteurs de l’ aromatase.
Parmi les facteurs de risque sur lesquels on peut agir, même si c’ est souvent avec peu de succès, on trouve le tabagisme et la consommation excessive d’ alcool ainsi qu’ un sous-poids avec un IMC inférieur à 20 kg/m2.
Les chutes récurrentes (plus d‘une chute au cours de la dernière année) constituent par ailleurs un facteur de risque majeur suscpetible de majorer le risque de fracture en présence d‘une ostéoporose.
Un indice anamnestique supplémentaire résulte de la comparaison de la taille actuelle avec la taille antérieure, une différence de -5 cm ou, si elle est mesurée de manière standardisée en cabinet médical, de plus de -2 cm étant considérée comme suspecte.
L’ anamnèse approfondie et l’ examen physique, y compris les tests de la marche et de la mobilité (décrits par exemple sur TOP : Tool Osteoporose Plattform), permettent également de rechercher les maladies et les causes qui peuvent entraîner des chutes ou une ostéoporose secondaire.
Un diagnostic de base en laboratoire pour la saisie des causes d’ une ostéoporose secondaire complète le diagnostic.
Les données recueillies permettent d’ évaluer le risque. Celles-ci peuvent se faire par exemple à l’ aide des recommandations de l’ Association suisse contre l’ ostéoporose (ASCO) 2015, ou à l’ aide d’ un outil électronique, comme TOP ou le FRAX (Fracture Risk Assessment Tool) de l’ Université de Sheffield (tab. 2). Dans les deux cas, il n’ est pas obligatoire de saisir une valeur de densité osseuse pour effectuer un premier calcul.
S’ il existe des indices, sur la base de l’ anamnèse, d’ un risque accru de fracture sans qu’ il n’ y ait de fracture, l’ étape suivante consiste à recommander une mesure de la densité osseuse (ostéodensitométrie, DXA). Il convient de préciser que cette mesure n’ est prise en charge par l’ assurance-maladie que si le diagnostic d’ ostéoporose est posé (T-score au niveau de la colonne vertébrale ou du col du fémur ≤-2,5) ou en présence d’ une autre indication spécifique selon la loi sur l’ assurance-maladie (LAMal), sinon cet examen doit être payé par la patiente elle-même (prix actuel : env. 70 CHF). Les résultats de l’ ostéodensitométrie permettent de poser le diagnostic d’ ostéoporose par DXA (selon l’ OMS (1)) et de procéder à un nouveau calcul du risque. Conformément aux propositions de l’ ASCO, il en résulte une indication de traitement individuelle et corrigée en fonction de l’ âge (3). Ici aussi, la prestation des assureurs-maladie ne tient en principe pas compte du calcul du risque, mais uniquement du diagnostic posé et de l’ indication des médicaments selon la liste des spécialités, même si, dans des cas particuliers, un traitement serait parfois cliniquement indiqué même lorsque la DXA ne montre qu‘une diminution de la densité osseuse (ostéopénie).
En ce qui concerne le traitement médicamenteux, il existe aujourd’ hui différents principes thérapeutiques avec des indications en partie spécifiques et limitées. Leurs possibilités d’ utilisation ont déjà été suffisamment décrites ailleurs (3). Il convient toutefois de souligner que les mesures non médicamenteuses telles que l‘élimination de facteurs susceptibles de provoquer des chutes (cordons électriques, tapis,…), l’ entraînement de la force et de la coordination pour la prévention des chutes ainsi qu’ une alimentation complète avec un apport suffisant en calcium, en vitamine D et en protéines et, le cas échéant, la fourniture de moyens auxiliaires, contribuent au moins autant à la prévention des fractures. La physiothérapie, l’ ergothérapie et les conseils nutritionnels peuvent rendre de précieux services dans ce domaine.
Les chances
Si la patiente présente une fracture typique du fémur, du corps vertébral, du sacrum ou de l’ humérus sans traumatisme adéquat, la question de l’ ostéoporose est déjà résolue et le diagnostic d‘ostéoporose est posé. La détection de ces patientes est maintenant la tâche la plus urgente ; c’ est dans cette situation que le risque de nouvelles fractures est le plus grand : les secondes fractures surviennent dans 40 à 60 % des cas au cours des deux premières années (3).
L’ absence de traitement après une fracture typique étant un problème mondial, l’ International Osteoporosis Foundation (IOF, https://www.osteoporosis.foundation) a développé le programme « Capture The Fracture » (https://www.capturethefracture.org). L’ objectif est d’ améliorer la détection et le traitement de l’ ostéoporose au niveau national et international et de réduire le manque de soins aux patientes afin de diminuer les fractures et leurs conséquences (morbidité, mortalité, coûts financiers).
Selon le résumé de la grande étude européenne sur l’ ostéoporose, dont les données concernent également la Suisse, on peut s’ attendre à ce que plus de 500 000 personnes, dont plus de 80 % de femmes, ont souffert d’ ostéoporose en Suisse en 2019 (4). Durant la même période, environ 80 000 fractures ostéoporotiques typiques sont survenues. Sur la base des données FRAX pour la Suisse, on estime que plus de 80 % des patientes présentant un risque élevé de (nouvelles) fractures ne reçoivent pas de traitement adéquat. Les observations quotidiennes laissent supposer qu’ une grande partie de cette « lacune dans le traitement » concerne des patientes ayant déjà subi des fractures ostéoporotiques. Et c’ est là que réside la grande opportunité de savoir comment améliorer la prise en charge de vos patientes par des moyens simples : Cherchez dans l’ anamnèse des patientes à risque des indices de fracture ostéoporotique, c’ est-à-dire : recherchez dans vos listes de diagnostics des fractures déjà survenues (p. ex. « fracture du col du fémur ou fracture fémorale pertrochantérienne »), examinez à nouveau les radiographies existantes de la colonne vertébrale (surtout thorax latéral et colonne lombaire) et cherchez des fractures vertébrales (souvent non décrites et souvent non douloureusement invalidantes du point de vue de l’ anamnèse). Vous êtes presque sûr d’ obtenir des résultats. S’ il n’ y a pas de fracture, calculez le risque de fracture à l’ aide de l’ un des outils mentionnés. Mesurez ensuite la densité osseuse et traitez selon les recommandations actuelles avec les mesures généralement recommandées et, si cela est indiqué, avec des médicaments. De cette manière, vous éviterez des fractures et leurs conséquences.
Pour une meilleure lisibilité et en raison du collectif de patientes, la forme féminine a été choisie, les hommes étant toujours inclus.
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 01_2023
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Dr Thomas Vogt
Médecine gériatrique universitaire Felix Platter
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Rhumatologie Hôpital universitaire de Bâle
Spitalstrasse 21/Petersgraben 4
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Dre Evmarie Zeiner
Rhumatologie Hôpital universitaire de Bâle
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4031 Bâle
L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ L’ ostéoporose entraîne une augmentation du risque de fracture.
◆ En l’ absence de fracture, il est possible d’ évaluer le risque à l’ aide des recommandations de l’ Association suisse contre l’ ostéoporose (ASCO) 2015, avec le TOP ou avec le FRAX (Fracture Risk Assessment Tool) de l’ Université de Sheffield (voir tab. 2).
◆ Une ostéoporose peut être diagnostiquée par ostéodensitométrie
(ostéodensitométrie : DXA ou DEXA = Dual Energy X-ray Absorptiometry) ou sur la base d’ une fracture typique.
◆ Les secondes fractures après une fracture ostéoporotique surviennent dans 40 à 60% des cas au cours des deux premières années. Il est donc urgent de dépister et de traiter les patientes ayant déjà subi une fracture ostéoporotique.
◆ Des mesures non médicamenteuses visant à la prévention des chutes telles que l‘élimination des risques liés à l‘environnement, un entraînement de la force et de la coordination pour prévenir les chutes ainsi qu’ une alimentation complète avec un apport suffisant en calcium, en vitamine D et en protéines et même, le cas échéant, un approvisionnement en moyens auxiliaires sont des contributions importantes à la prévention des fractures.
1. World Health Organization. (1994). Assessment of fracture risk and its
application to screening for postmenopausal osteoporosis: report of a WHO study group [meeting held in Rome from 22 to 25 June 1992]. World Health
Organization. (https://apps.who.int/iris/handle/10665/39142)
2. Johnston CB, Dagar M. Osteoporosis in Older Adults. Med Clin North Am 2020 Sep;104(5):873-884
3. Ferrari S, Lippuner K, Lamy O, Meier C. 2020 recommendations for osteoporosis treatment according to fracture risk from the Swiss Association against
Osteoporosis (SVGO). Swiss Med Wkly 2020;150:w20352
4. Willers C, Norton N, Harvey NC, Jacobson T, Johansson H, Lorentzon M, McCloskey EV, Borgström F, Kanis JA. Osteoporosis in Europe: a compendium
of country-specific reports. Arch Osteoporos 2022;17(1):23.
Les inhalateurs permettent d’ atteindre directement les maladies des voies respiratoires, en particulier l’ asthme et la BPCO. L’ administration locale permet de réduire considérablement les effets secondaires systémiques des médicaments utilisés. Il existe différentes formes d’ inhalation qui doivent être choisies en fonction des besoins du patient et des conditions physiques. La médication dépend du tableau clinique. Les directives pour l’ asthme (GINA) et la BPCO (GOLD) ont prévu des nouveautés importantes ces dernières années, dont chaque médecin de famille devrait être conscient. Un facteur important qui impose aux médecins dispensateurs une certaine limite dans le choix des inhalateurs est la nécessité pour une pharmacie privée de cabinet médical de se limiter à quelques médicaments pour un tableau clinique.
Inhalatives can be used to directly treat respiratory diseases, especially asthma and COPD. Local administration drastically reduces the systemic side effects of the drugs used.There are various forms of inhalation, which must be selected depending on the needs of the patient and physical conditions. The medication depends on the clinical picture. Here the guidelines for asthma (GINA) and COPD (GOLD) have provided relevant innovations in recent years, which every family doctor should be aware of. An important factor that imposes a certain limitation on self-dispensing physicians in the choice of inhalers is the need for a practice pharmacy to limit itself to a few medications for one clinical picture. Key Words: respiratory diseases, inhalation, asthma, COPD
Comment les médicaments atteignent-ils le noyau de la maladie
Autrefois, on traitait les refroidissements des voies respiratoires supérieures avec un bol d’ infusion de camomille chaude que l’ on tenait au-dessus de la tête. L’ évaporation produit de grosses gouttelettes qui, après avoir pénétré dans les voies respiratoires supérieures, y sont déposées par impaction. Un système d’ inhalation moderne peut en revanche produire de très fines gouttelettes de 1 à 5 μm. Dans le cas de l’ inhalation humide avec un nébuliseur (par ex. type Pari Boy®), cela se fait par la pression de nébulisation. Les plus petites gouttelettes/particules sont en mesure d’ atteindre les voies respiratoires périphériques où elles sont partiellement sédimentées. Cela prend du temps, raison pour laquelle la respiration doit être retenue après une inspiration profonde.
Le dépôt intrabronchique dépend non seulement de la taille des particules, mais aussi de l’ intensité du débit inspiratoire. Si l’ inspiration est rapide et forte, ce qui est nécessaire avec un inhalateur à poudre (DPI) pour que de fines particules puissent se former, la part de dépôt central est plus élevée qu’ avec un aérosol-doseur (AD) moderne sous forme de «solution pour inhalation» ou un inhalateur « soft mist » qui produit un doux brumisat (type Respimat®). Avec ces derniers, la nébulisation est activée manuellement et non par l’ inhalation. Cela permet une inhalation très lente avec une meilleure déposition périphérique.
Pour et contre des différents dispositifs d’ inhalation
Différents systèmes d’ inhalation existent sur le marché : les inhalateurs à poudre (DPI), les aérosols-doseurs (AD), l’ inhalateur « soft mist » Respimat® et l’ inhalation humide par nébulisation. On distingue ici les nébuliseurs conventionnels des nébuliseurs à maillage (Pari Velox®, Philips Innospire Go®).
Différents facteurs font que l’ un ou l’ autre système d’ inhalation est à privilégier pour chaque patient. Il s’ agit de la capacité de coopération lors de l’ inhalation, qui dépend également de l’ âge, la force inspiratoire, la praticabilité (transport au quotidien) et la résistance aux conditions environnementales (chaleur, froid).
Les aérosols-doseurs existent depuis les années 50 du siècle dernier, c’ est-à-dire qu’ ils ont fait leurs preuves, sont peu coûteux et relativement faciles à ingérer. Les nouveaux AD contenant le médicament en solution dans le gaz propulseur HFA (p. ex. Alvesco®, Foster®) produisent de très petites particules avec une bonne déposition dans les voies respiratoires les plus étroites, ce qui peut être un avantage, notamment en cas d’ asthme. En conséquence, le dépôt en niveau du larynx est faible, de sorte que les corticostéroïdes topiques (CSI) sous cette forme entraînent plus rarement des maux de la bouche ou un enrouement. Dans le cas des AD conventionnels, une dispersion a lieu, c’ est-à-dire qu’ il faut secouer l’ AD avant l’ inhalation pour que le médicament sous forme de poudre se répartisse brièvement et uniformément dans l’ HFA. Sans agitation, seul le gaz propulseur serait nébulisé. Malheureusement, l’ HFA renforce l’ effet de serre beaucoup plus que le CO2, de sorte que l’ utilisation de l’ AD devrait ainsi être réduite. L’ AD est très sensible au froid. Même lors de températures <50, par exemple aux sports d’ hiver, l’ AD ne peut servir à rien (1).
En cas d’ AD conventionnel, il convient d’ utiliser une chambre d’ inhalation (CI) de type Aerochamber® bleu avec embout buccal (pour les enfants >5 ans et les adultes). Cela permet de réduire nettement le dépôt au niveau du larynx qui est autrement élevé. Pour les AD modernes sous forme de «solution», la chambre d’ inhalation n’ est pas nécessaire, sauf si les patients ont des difficultés à coordonner le déclenchement de l’ aérosol et le début de l’ inspiration. En cas de problème de coordination, il est même possible d’ équiper un inhalateur « soft mist » type Respimat® d’ une Aerochamber® (2).
Les inhalateurs à poudre ont été introduits il y a environ 60 ans, d’ abord des inhalateurs monodose, puis multidose. Ils sont généralement faciles à insérer et à emporter. Chez les patients recevant des CSI et qui dépendent de leur voix de par leur profession, un enrouement persistant peut toutefois être limitant. En cas d’ inhalateur DPI, une inspiration vigoureuse est nécessaire pour produire des particules fines. Il existe chez certains fabricants des dummies (par ex. Turbuhaler® rouge), qui permettent de vérifier chez chaque patient si l’ intensité du flux inspiratoire est suffisante pour l’ inhalateur en question. En cas d’ exacerbation, la capacité respiratoire diminue souvent, de sorte que les patients sachant qu’ ils ont des crises d’ obstruction sévère devraient disposer en cas d’ urgence d’ un AD contenant également un bêtastimulant à action rapide.
L’ inhalateur « soft mist » Respimat® est rempli de médicament liquide. Un ressort est tendu par une demi-rotation. Lorsque le ressort est libéré par une pression sur un bouton, il presse une dose mesurée à travers des canaux très fins. Lorsque le liquide ressort, il se forme un très fin nuage d’ aérosol qui peut être inhalé lentement, comme pour l’ AD. Comme le médicament est accompagné de cartouches de réserve et que l’ HFA n’ est pas nécessaire, ce système constitue également une nouveauté du point de vue de la protection de l’ environnement. Malheureusement, aucune demande d’ autorisation de mise sur le marché du Respimat® avec des bêtastimulants à courte durée d’ action ou des CSI n’ a été déposée jusqu’ ici en Suisse.
L’ inhalation humide par nébulisation a perdu beaucoup d’ importance en Suisse. Les médicaments importants n’ existent pas sous forme liquide. Les durées d’ inhalation sont longues, mais un peu plus courtes pour les nébuliseurs à maillage que pour les nébuliseurs de liquides. Leur utilisation se justifie surtout chez les enfants asthmatiques et chez les patients de tous âges atteints de FK (fibrose kystique). Pour ces derniers, il existe des antibiotiques (p. ex. colistine et tobramycine) qui doivent être inhalés régulièrement pour prévenir les exacerbations en cas de colonisation des voies respiratoires par Pseudomonas.
Le système d’ inhalation détermine la technique d’ inhalation
Pour une inhalation correcte, il faut d’ abord expirer, puis inspirer profondément et retenir sa respiration pendant plus de 10 secondes. Au début de la manœuvre d’ inspiration, l’ inhalateur AD ou « soft mist » doit être activé simultanément. Avec un inhalateur DPI, l’ inspiration entraîne automatiquement la libération des particules. L’ avantage est qu’ il n’ est pas nécessaire de coordonner l’ activation et le début de l’ inhalation. D’ un autre côté, l’ inhalation à partir d’ un DPI nécessite un débit respiratoire élevé avec un dépôt partiel au niveau du larynx, et il existe le risque qu’ en cas d’ obstruction aiguë, la pression inspiratoire soit réduite, de sorte que la poudre ne soit pas suffisamment libérée.
L’ inhalation correcte doit être instruite et exercée pour chaque patient. Il est judicieux que le personnel du cabinet soit formé en conséquence. Il faut faire comprendre au patient que l’ inhalation avec un DPI doit être vigoureuse et rapide. En revanche, avec un inhalateur ADet « soft mist », il est important que l’ inhalation soit effectuée très lentement. Il est donc logique, en cas de prescription de plus d’ un inhalateur, de choisir plutôt un traitement combiné, si possible pas deux systèmes qui nécessitent une technique d’ inhalation différente.
L’ instruction unique de la technique d’ inhalation s’ est révélée insuffisante dans la pratique. Lors de consultations répétées, il est donc souhaitable que les patients apportent leur inhalateur et fassent une démonstration de l’ inhalation au personnel formé. La technique d’ inhalation spécifique au dispositif présenté ici peut être consultée sur le site Internet de la Ligue pulmonaire suisse (3) sous forme de clips vidéo et également montrée au patient.
Choix des médicaments pour le patient spécifique
Comme tous les médicaments ne sont pas disponibles dans les quatre formes d’ inhalation possibles, il faut réfléchir avant la prescription à l’ inhalateur le plus approprié pour le patient. On choisit ensuite la bonne substance ou combinaison en fonction du tableau clinique et de la gravité et on vérifie si l’ inhalateur souhaité est disponible avec le médicament choisi. Dans le cas contraire, un compromis est inévitable.
Les médicaments peuvent être divisés en CSI, en bêtastimulants à courte (SABA) ou longue (LABA) durée d’ action et en anticholinergiques (LAMA). En ce qui concerne les LABA, il est important de noter que seul le formotérol a un début d’ action aussi rapide que la Ventoline®, le Bricanyl® ou le Berotec®. Cela a des conséquences pratiques :
Concernant l’ asthme, les directives actuelles de GINA (4) prévoient désormais en première ligne, pour les 5 degrés de sévérité de l’ asthme, que l’ inhalateur d’ urgence ne soit plus un inhalateur SABA, mais un traitement combiné de CSI/formotérol (LABA), car il peut compliquer le contrôle de l’ asthme. Seules les associations suivantes ont été testées dans des études : Symbicort TH® (5) et Foster DA® (6). Concernant l’ asthme léger, cette combinaison n’ est utilisée qu’ en cas de besoin dans les phases stables. En cas d’ asthme modéré et sévère, le médicament peut être prescrit comme traitement de base ou au besoin. Le grand avantage du formotérol est également qu’ il possède une large marge thérapeutique. La quantité normale de formotérol dans une dose de Symbicort TH® 200/6 est de 6μg. A court terme, la dose journalière peut toutefois être augmentée jusqu’ à 72μg au maximum, soit 12 inhalations. Cette forme de traitement porte le nom de MART (maintenance and rescue therapy). Les CSI combinés au formotérol à action rapide en tant que MART présentent également un autre avantage. Les patients peuvent répondre à leur besoin naturel d’ inhaler moins pendant les phases statiques, mais ils remarquent une amélioration rapide d’ une exacerbation naissante en cas d’ augmentation massive des doses dans le cadre d’ une utilisation plus fréquente. Cela leur montre une auto-efficacité de leur action, ce qui améliore à son tour l’ acceptation à long terme.
En cas d’ asthme sévère, l’ ajout d’ un inhalateur LAMA est judicieux
La mise à jour GOLD pour la BPCO (7) a également apporté un changement important. Pendant des années, l’ administration de CSI a été déconseillée en cas de BPCO, car ils peuvent augmenter le risque de pneumonie. Ces dernières années, de nombreuses preuves ont cependant été publiées selon lesquelles l’ inflammation éosinophile typique de l’ asthme apparaît également en présence d’ une BPCO, au sens d’ une coexistence asthme-BPCO (8). De nouvelles études (9) ont clairement montré que chez les patients présentant une éosinophilie sanguine > 0,3 G/l, le risque d’ exacerbation augmente avec un traitement par LAMA/LABA seul. Dans cette situation, les pneumonies ne posaient pas de problème sous les CSI. Cependant, le risque de pneumonie augmente clairement si l’ on prescrit des CSI avec des taux d’ éosinophiles < 0,1 G/l (10). Dans la zone jaune avec des éosinophiles > 0,1 et < 0,3 G/l, un essai thérapeutique peut être entrepris en cas d’ exacerbations fréquentes.
Les chances de trouver une éosinophilie sont maximales pendant l’ exacerbation, avant même l’ administration de corticostéroïdes oraux. Comme la plupart des laboratoires en cabinet médical ne comptent pas les éosinophiles séparément, ces hémogrammes doivent être envoyés séparément à des laboratoires externes.
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 04_2023
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
DrThomas Rothe
Pneumologie
Hôpital cantonal des Grisons
Loëstrasse 170
7000 Coire
L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ La prescription de médicaments à inhaler en cas d’ asthme et de BPCO nécessite une connaissance suffisante des différents systèmes d’ inhalation ainsi que des recommandations actuelles et des directives.
◆ Lors de la prescription, il faut tenir compte du médicament qui serait idéal pour le patient individuel, mais aussi du système d’ inhalation qui lui convient le mieux.
◆ L’ inhalation avec le médicament prescrit doit être bien instruite. Toutefois, comme des erreurs peuvent se produire au cours du processus, il est indispensable de toujours laisser le patient faire la démonstration de la technique d’ inhalation lors des consultations ultérieures.
◆ Lors de l’ instruction de la technique d’ inhalation, il ne faut jamais oublier que les inhalateurs AD et « soft mist » nécessitent une inspiration très lente, alors que les DPI exigent une inhalation forcée, rapide et puissante.
1. Rothe T, Fronkova A, Pein T, Latshang TD. Physikalische und klinische Aspekte der Inhalations-therapie bei Asthma und COPD. PRAXIS 2020; 109: 1-6
2. Wachtel H, Nagel M, Engel M et al. In vitro and clinical characterization of the valved holding chamber AeroChamber Plus for administering tiotropium Respimat® in 1-5-year-old children with persistent asthmatic symptoms. Resp Med 2018; 137: 181-90
3. https://www.lungenliga.ch/de/krankheiten-ihre-folgen/asthma/richtig-inhalieren.html
4. www.ginasthma.org
5. Bateman E, Reddel H, O’Byrne et al. As needed budesonide-formoterol versus maintenance budesonide in mild asthma. N Engl J Med 2018; 378: 1877-87
6. Papi A, Corradi M, Pigeon-Francisco M et al. Beclometasone-formoterol as
maintenance and reliever therapy in patients with asthma: a double-blind,
randomised controlled trial. Lancet Respir Med. 2013; 1: 23-31
7. www.copdgold.org
8. Miratvitlles M, Alvarez-Guitierrez F, Calle M et al. Algorithm for identification of asthma COPD overlap. Eur Respir J 2017; 49: 1700068 [https://doi.org/10.1183/13993003.00068-2017]
9. Lipson DA et al. Once-daily single-inhaler triple versus dual therapy in patients with COPD. NEJM 2018; 3: 1671-80
10. Martinez-Garcia MA et al. Inhaled Steroids, Circulating Eosinophils, Chronic
Airway Infection, and Pneumonia Risk in Chronic Obstructive Pulmonary Disease. A Network Analysis. J Respir Crit Care Med 2020; 201: 1078-85
L’ obésité est aujourd’ hui considérée comme une maladie chronique qui affecte considérablement la vie des personnes concernées, tant sur le plan de la santé que sur le plan psychologique. Malheureusement, les approches thérapeutiques classiques, qui se concentrent uniquement sur des stratégies cognitives visant à optimiser le mode de vie, en particulier le comportement alimentaire et l’ activité physique, n’ ont qu’ un effet insuffisant sur la réduction de poids visée. Jusqu’ à présent, la chirurgie bariatrique était donc la seule méthode efficace pour réduire durablement le poids corporel et la masse grasse excédentaire des personnes souffrant d’ obésité. Heureusement, il semble qu’ une percée ait été réalisée dans le traitement médicamenteux de l’ obésité, une lueur d’ espoir longtemps attendue. Mais là où il y a de la lumière, il y a aussi de l’ ombre. Nous souhaitons donner ici un aperçu différencié des aspects pratiques du traitement médicamenteux actuel et futur de l’ obésité.
Today, obesity is regarded as a chronic disease that has a considerable impact on the lives of affected people, both in terms of health and mental health. Unfortunately, classical therapeutic approaches, which focus solely on cognitive strategies to optimize lifestyle, in particular eating and exercise behavior, are insufficiently effective in achieving the desired weight reduction. Until now, therefore, bariatric surgery has been the only effective method for sustainably reducing the body weight and excess fat mass of people with obesity. Fortunately, a breakthrough now seems to have been achieved in the pharmacological treatment of obesity; a long-awaited ray of hope in obesity therapy. But where there is light, there is also shadow. We would like to provide a differentiated overview of practical aspects of current and future drug-based obesity therapy. Key Words: obesity, medical treatment for obesity, GLP-1 analogues
Après une longue période d’ obscurité, enfin la lumière
Au cours des dernières décennies, le développement de médicaments pour la réduction du poids a été une histoire avec des hauts et des bas (1,2). Toute une série de médicaments a été autorisée pour le traitement de l’ obésité, mais ils ont ensuite disparu du marché, car ils présentaient un taux trop élevé d’ effets secondaires indésirables lors de leur utilisation à grande échelle, ce qui rendait le rapport risque/bénéfice inacceptable. Il est donc d’ autant plus réjouissant de constater que des médicaments ont été développés qui, d’ une part, sont nettement plus efficaces et, d’ autre part, semblent présenter un meilleur rapport bénéfice/risque. Il s’ agit en particulier de substances qui agissent comme agonistes sur le récepteur Glucagon like Peptide (GLP) 1. Nous connaissons ce groupe de substances depuis bientôt deux décennies dans le traitement du diabète de type 2, où elles présentent un grand avantage, non seulement en termes de contrôle glycémique, mais aussi en termes de prévention des maladies cardiovasculaires secondaires. Bien qu’ il n’ existe pas encore d’ études sur les effets cardiovasculaires chez les personnes obèses qui ne souffrent pas de diabète, l’ expérience acquise dans le domaine du traitement du diabète permet d’ espérer que les études en cours sur cette question seront également positives.
Que sont les agonistes du récepteur GLP-1 ?
Le GLP-1 est une hormone endogène sécrétée par des cellules intestinales spécialisées, notamment après l’ ingestion de nourriture. Il s’ agit d’ une hormone peptidique qui est décomposée en quelques minutes dans la circulation sanguine par la dipeptidyl peptidase-4 (DDP-4) et ainsi désactivée. Les agonistes du récepteur du GLP-1 (RA) sont des analogues de l’ hormone originale, qui ont été modifiés de telle sorte que, d’ une part, ils ne sont pas inactivés par la DPP4 et que, d’ autre part, ils circulent longtemps dans la circulation sanguine, par exemple en se liant à l’ albumine. Les médicaments utilisés dans le traitement de l’ obésité sont alors injectés par voie sous-cutanée (s.c.), car l’ absorption des peptides par le tractus gastro-intestinal est en principe possible, mais ne peut être obtenue qu’ au prix d’ efforts importants.
Quels sont les GLP-1 RA disponibles pour le traitement de l’ obésité ?
Deux substances sont actuellement autorisées en Suisse pour le traitement de l’ obésité. Sous le nom de Saxenda®, le liraglutide est utilisé depuis quelques années déjà et est actuellement financé par les caisses-maladie pour une durée maximale de 3 ans, à condition de respecter la limite définie dans la liste des spécialités (tab. 1). Le deuxième médicament autorisé par Swissmedic pour le traitement de l’ obésité porte le nom de Wegovy® et contient la substance sémaglutide, bien connue dans le traitement du diabète sous le nom d’ Ozempic®. Bien qu’ autorisé, Wegovy® n’ est pas encore disponible sur les marchés européen et suisse en raison de la forte demande aux Etats-Unis. Contrairement aux doses utilisées dans le traitement du diabète, des doses nettement plus élevées des substances correspondantes sont utilisées dans le traitement de l’ obésité. Concrètement, la dose maximale de Saxenda® est de 3 mg s.c. par jour et celle de Wegovy® de 2,4 mg s.c. une fois par semaine. Nous aimerions également présenter ici une troisième substance qui n’ a pas encore été autorisée pour le traitement de l’ obésité, mais qui a déjà été testée dans une grande étude de phase 3 chez des personnes souffrant d’ obésité. Ce peptide conçu, appelé tirazépatide, agit de manière agoniste sur le récepteur GLP-1 et sur le récepteur du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP). Il convient de mentionner que cette substance, également appelée bi-agoniste, est déjà autorisée par Swissmedic pour le traitement du diabète de type 2 sous le nom de Mounjaro® (3). Toujours en raison d’ une forte demande aux États-Unis, qui dépasse manifestement les capacités de production actuelles, le médicament n’ est pas encore disponible sur le marché européen et suisse. Actuellement, il est annoncé pour le début de l’ année 2024 pour le traitement du diabète.
Comment agissent les médicaments dans le traitement de l’ obésité ?
L’ effet principal des médicaments mentionnés est une diminution de l’ appétit ainsi qu’ une satiété précoce après la prise alimentaire (4-7). Des études expérimentales ont montré que le traitement des stimuli alimentaires dans le cerveau est nettement influencé par l’ administration de GLP-1 RA (8). Cela permet aux personnes concernées d’ exercer plus facilement un contrôle sur leur comportement alimentaire afin d’ atteindre une restriction énergétique. Malheureusement, il existe également des indices selon lesquels les effets de réduction de l’ appétit s’ atténuent quelque peu après une longue durée de traitement ou sont partiellement masqués par des mécanismes de contre-régulation (5), ce qui pourrait entraîner une reprise du poids corporel. En effet, une étude menée sur 3 ans chez des personnes atteintes de prédiabète a montré que la réduction de poids de 9,2 % obtenue après environ un an n’ a pas pu être entièrement maintenue malgré la poursuite du traitement avec 3 mg de liraglutide, de sorte que la réduction nette du poids n’ était plus que de 7,1 % après 3 ans. En ce qui concerne le traitement avec 2,4 mg de sémaglutide, une étude récemment publiée a montré que la perte de poids maximale atteinte après 68 semaines pouvait être maintenue à un niveau stable sous traitement continu au cours de la deuxième année qui suivait (9) (perte de poids moyenne après 2 ans : 15,2 %).
Relation dose-effet
Les lecteurs moins familiarisés avec la médecine de l’ obésité seront peut-être surpris d’ apprendre qu’ il existe une relation dose-effet bien définie pour les médicaments anti-obésité, comme dans d’ autres domaines pharmacologiques de la médecine. La figure 1 illustre cette relation dose-effet pour le liraglutide et le sémaglutide dans des études de phase 2 (10, 11). Ceci est d’ une grande importance pour la pratique clinique, car l’ adaptation de la dose de GLP-1-RA administrée permet de prévoir et, le cas échéant, de contrôler l’ évolution du poids corporel chez la plupart des patients.
Efficacité des médicaments anti-obésité
Pour illustrer l’ efficacité des substances mentionnées, nous avons regroupé les données de trois grandes études de phase 3 (12-14). D’ un point de vue strictement scientifique, cette comparaison n’ est pas valable, car il ne s’ agit pas de groupes d’ étude tout à fait comparables. De même, le traitement de base au sens d’ une intervention sur le mode de vie, que recevaient aussi bien les groupes verum que les groupes placebo, n’ était pas identique entre les études. L’ indice de masse corporelle (IMC) au début du traitement, qui était de 38 kg/m2 dans les différents groupes de traitement, ainsi que la durée du traitement (liraglutide et tirazépatide pendant 72 semaines, sémaglutide pendant 68 semaines) étaient toutefois bien comparables. Il convient de rappeler ici que le tirazépatide n’ est pas autorisé pour le traitement de l’ obésité et que nous nous sommes limités à la plus forte dose de tirazépatide utilisée dans l’ étude, à savoir 15 mg s.c. par semaine, pour présenter les résultats.
Comme le montre la figure 2, 2,4 mg de sémaglutide une fois par semaine s.c. sont nettement plus efficaces pour réduire le poids que l’ application quotidienne de 1 mg de liraglutide. Cependant, l’ administration hebdomadaire de 15 mg de tirazépatide semble être encore plus efficace. Comme le poids a également légèrement diminué dans les groupes placebo, probablement en raison de l’ intervention simultanée sur le mode de vie, l’ effet net des médicaments doit toujours être calculé en soustrayant la perte de poids obtenue dans le groupe placebo de celle obtenue dans le groupe de traitement médicamenteux (fig. 2).
Un mode de représentation cliniquement pertinent et usuel dans la recherche clinique sur l’ obésité est également l’ indication du pourcentage de personnes traitées dans différentes catégories de réduction de poids. Comme le montre la figure 3, il est clair que beaucoup plus de personnes ont réussi à perdre du poids sous sémaglutide que sous liraglutide, le taux de réussite étant encore nettement plus élevé sous tirazépatide.
Dans l’ ensemble, les effets de réduction du poids des médicaments décrits sont très impressionnants et semblent se rapprocher de l’ efficacité des opérations bariatriques telles que le bypass gastrique Roux-en-Y ou la résection de l’ estomac par tube, qui génèrent une perte de poids à long terme d’ environ 25 à 30 % (15).
Les médicaments ne sont efficaces que tant qu’ on les utilise
L’ obésité est une maladie chronique. Nous partons aujourd’ hui du principe qu’ une fois qu’ un poids corporel a été atteint, le corps du patient se défend par des mécanismes de régulation complexes contre tous efforts pour perdre du poids. Les études scientifiques montrent de manière très cohérente qu’ il y a une reprise du poids corporel dès que le traitement est terminé, qu’ il s’ agisse d’ une intervention alimentaire ou physique, d’ un traitement médicamenteux ou d’ un traitement invasif comme un ballon ou un anneau gastrique. Ce principe de base de la médecine de l’ obésité a une fois de plus été documenté de manière impressionnante pour le traitement au sémaglutide. La figure 4 résume à titre d’ illustration les données de l’ étude STEP 4 (16) et de l’ étude STEP 1 trial extension (17).
Dans l’ étude STEP 4, les personnes incluses ont été randomisées, après 20 semaines de traitement au sémaglutide, soit dans un groupe recevant du sémaglutide, soit dans un groupe recevant un placebo. Dans l’ étude STEP 1 trial extension, le sémaglutide a été arrêté après 68 semaines. Il s’ est avéré qu’ après le passage au placebo ou l’ arrêt du sémaglutide, la reprise du poids corporel était rapide. Par conséquent, le traitement médicamenteux de l’ obésité devrait constituer un traitement permanent pour être efficace à long terme. Cependant, tant du côté des thérapeutes que des patients, il existe encore souvent l’ idée qu’ il suffit de réduire le poids et que cela peut être fait sans autres mesures pharmacologiques ou chirurgicales et sans contrôle cognitif permanent et extrêmement poussé. Au vu des preuves scientifiques, ce souhait doit malheureusement être qualifié d’ obsolète et de naïf. Dans ce contexte, il faut plutôt exiger qu’ avant l’ introduction d’ un traitement médicamenteux de l’ obésité, une information différenciée sur la reprise du poids corporel à laquelle on peut s’ attendre après la fin du traitement pharmacologique soit fournie et qu’ une nouvelle compréhension de la maladie avec une nécessité de traitement durable soit promue de manière analogue au traitement médicamenteux du cholestérol ou de la tension artérielle.
Quels sont les inconvénients ?
Comme la plupart des thérapies médicamenteuses, les médicaments décrits dans la thérapie de l’ obésité ont également des effets secondaires. Nous avons résumé dans le tableau 2 un aperçu des effets secondaires les plus fréquemment observés dans les trois études analysées. Les troubles gastro-intestinaux sont clairement au premier plan. Ces derniers apparaissent généralement au début du traitement et peuvent souvent être limités par une augmentation lente de la dose. Par la suite, ils disparaissent souvent ou se réduisent au moins à un niveau acceptable. Cependant, certaines personnes ne tolèrent tout simplement pas les médicaments ou présentent une réponse insuffisante au traitement. Dans ce cas, le traitement doit être arrêté rapidement.
Les effets secondaires les plus importants du point de vue clinique sont l’ augmentation de l’ incidence des calculs biliaires symptomatiques, ce qui mène également à une augmentation du taux de cholécystomes. La formation accrue de calculs biliaires ne doit pas être considérée comme une conséquence directe du traitement médicamenteux, mais comme une conséquence de la perte de poids, car d’ autres traitements visant à réduire le poids, comme la mise en œuvre d’ un régime très restrictif sur le plan énergétique ou une opération bariatrique, entraînent également une augmentation de l’ incidence des calculs biliaires.
L’ utilisation de médicaments sans remise en question préoccupe
Les effets secondaires décrits ci-dessus ne sont pas considérés comme problématiques et nous partons du principe qu’ ils ne compromettent pas le rapport risque/bénéfice de manière significative, même à long terme. Ce qui nous inquiète davantage, est l’ utilisation croissante de médicaments sans remise en question critique, notamment quand ils doivent être payés par le patient lui-même, sans réglementation. Ainsi, nous pouvons observer, tant dans notre entourage que dans les médias de masse et sur les canaux des médias sociaux, qu’ il existe un énorme engouement pour les médicaments décrits. De ce fait, il n’ est manifestement pas rare qu’ ils soient utilisés sans indication médicale, sous la motivation d’ une auto-optimisation subjective du poids corporel. Alors que le rapport risque/bénéfice est en faveur de l’ administration de médicaments en cas d’ indication médicale, en raison du risque accru pour la santé lié à l’ excès de poids, ce n’ est très probablement pas le cas pour les personnes qui ne présentent qu’ un faible excès de poids et qui n’ ont pas de comorbidités associées, voire qui ont un poids normal. L’ utilisation irréfléchie des médicaments chez les femmes en âge de procréer qui ne pratiquent pas une anticonception consécutive et chez les femmes qui souhaitent encore avoir un enfant est également potentiellement problématique. Comme il n’ existe à ce jour aucune donnée sur l’ utilisation des médicaments pendant la grossesse, le traitement médicamenteux doit être interrompu avant la survenue d’ une grossesse ou au plus tard au moment où celle-ci est constatée. La reprise rapide du poids à laquelle on peut alors s’ attendre pourrait compliquer considérablement le déroulement de la grossesse et, à long terme, influencer défavorablement le développement métabolique de l’ enfant à naître par des mécanismes épigénétiques de la programmation fœtale. Nous pensons qu’ il est urgent de clarifier ce point sur le plan scientifique, afin que les femmes nécessitant un traitement puissent être informées et conseillées de manière adéquate (18). Compte tenu de cette problématique et de l’ improbabilité d’ études d’ application réalisables dans ce domaine, il est d’ autant plus important de collecter et d’ évaluer scientifiquement les grossesses sous GLP-1 RA. Nous souhaitons donc encourager les collègues qui suivent des patientes ayant entamé une grossesse sous traitement actif à les signaler (19).
Où se situe la limite entre le style de vie et l’ indication médicale ?
Nous savons aujourd’ hui très bien que l’ importance quantitative de l’ excès de poids, mesurée par l’ IMC, ne donne que peu d’ informations sur l’ état de santé de la personne concernée. Le modèle de répartition des graisses, le volume des cellules adipeuses, l’ ampleur de l’ inflammation subclinique et de la résistance à l’ insuline, l’ empreinte génétique et épigénétique et de nombreux autres facteurs déterminent si et quand le surpoids ou l’ obésité entraînent des problèmes de santé. Il ne faut cependant pas oublier les limitations fonctionnelles ainsi que les conséquences psychosociales et socio-économiques de l’ obésité, qui compliquent considérablement la vie des personnes concernées. Dans la pratique clinique, il est donc indispensable de procéder à une évaluation minutieuse avant de recommander un traitement et, le cas échéant, de le mettre en œuvre. La liste des spécialités (LS) définit comme critère de prise en charge d’ un traitement par Saxenda® un IMC de >28 (à 35) kg/m2 associé à l’ existence d’ au moins une comorbidité liée à l’ excès de poids comme le prédiabète, la dyslipidémie ou l’ hypertension artérielle (tab. 3). D’ une part, le fait de concentrer le financement du traitement sur les personnes présentant les comorbidités correspondantes est à notre avis judicieux, mais d’ autre part, la limitation explicite à certaines comorbidités peut être problématique. Outre ces comorbidités définies arbitrairement par l’ OFSP, on pourrait également mentionner le syndrome d’ apnée du sommeil ou la stéatose hépatique ou la stéatohépatite comme comorbidités justifiant un financement. Il faudrait également tenir compte des limitations fonctionnelles, telles que la gonarthrose, ainsi que des troubles psychosociaux dus au surpoids. En fin de compte, il incombe comme toujours au médecin de procéder à une évaluation différenciée de l’ indication potentielle d’ un traitement.
Un accompagnement structuré est de plus en plus nécessaire
En règle générale, l’ utilisation des médicaments anti-obésité décrits devrait être accompagnée de manière structurée, comme cela a toujours été le cas dans les études d’ autorisation. La médication influence considérablement le comportement alimentaire de la personne traitée, de sorte qu’ il s’ agit en particulier de ne pas se contenter d’ une modification quantitative de l’ alimentation, mais de procéder également à une adaptation qualitative. Une consultation diététique qualifiée et concomitante et evt. la thérapie d’ entraînement physique peuvent être très efficaces pour soutenir cette démarche (20).
Absence de financement du traitement de longue durée
Actuellement, le financement du traitement médicamenteux de l’ obésité est limité dans le temps à 3 ans maximum. Nous devons malheureusement partir du principe que cela ne changera pas fondamentalement, du moins à court terme. Cependant, étant donné que l’ obésité est une maladie chronique et qu’ il faut s’ attendre à une reprise rapide du poids après l’ arrêt de la médication, une limitation dans le temps du financement du traitement n’ a aucun sens d’ un point de vue médical. Un autofinancement de la thérapie n’ est pas réaliste pour de nombreuses personnes concernées en raison de leur situation socio-économique défavorable et, de notre point de vue, n’ est pas non plus acceptable dans le contexte de l’ exigence de justice sociale. Tout comme les traitements chirurgicaux bariatriques, la faisabilité d’ un traitement médicamenteux ne devrait pas dépendre du statut socio-économique de la personne concernée. Il n’ est pas acceptable que l’ on finisse par dire : « Des médicaments pour les riches, des opérations pour les pauvres”. Pour éviter une telle évolution, il est urgent que l’ obésité soit enfin reconnue comme une maladie chronique par la société, les professionnels de la santé et surtout les décideurs en matière de réglementation.
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2023
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Bernd Schultes indique qu’ il donne des conférences pour les entreprises Novo Nordisk et Elli Lilly et qu’ il participe aux comités consultatifs de ces entreprises. Ces entreprises produisent et/ou font de la recherche, entre autres, sur des médicaments destinés au traitement de l’ obésité. Il a également participé en tant qu’ investigateur à des études cliniques de Novo Nordisk. Dr. rer. hum. biol. Barbara Ernst indique avoir participé en tant que coordinatrice d’ études à des études cliniques de la société Novo Nordisk. Gottfried Rudofsky indique qu’ il a donné des conférences pour les sociétés Novo Nordisk et Elli Lilly et qu’ il a participé aux comités consultatifs de ces sociétés. Il a également participé en tant qu’investigateur à des études cliniques de la société Novo Nordisk.
◆ Le développement de nouveaux médicaments anti-obésité représente un énorme progrès dans la médecine de l’ obésité et aidera à traiter la maladie plus efficacement.
◆ Le traitement médicamenteux de l’ obésité devrait toujours être suivi de manière structurée.
◆ Avant de prescrire un médicament, il convient d’ attirer l’ attention sur le fait que cette thérapie doit être considérée comme une thérapie durable et que les coûts de la médication devront probablement être supportés par les personnes concernées après 3 ans de traitement maximum.
◆ Les personnes à traiter doivent être explicitement informées de la reprise probable du poids corporel après l’ arrêt du traitement ainsi que de la situation peu claire concernant une éventuelle grossesse.
◆ Une utilisation des médicaments sans remise en question critique doit absolument être évitée, même dans le domaine du tiers garant.
◆ La possibilité d’ un traitement médicamenteux de l’ obésité ne devrait pas dépendre du statut socio-économique de la personne concernée. Il faut donc viser un financement durable de la thérapie lorsque l’ indication est donnée.
Dans le cadre des Grand Rounds du Royal Brompton Hospital, Londres, le professeur Thomas Lüscher Londres/Zurich, a parlé des réalisations de la cardiologie au cours des dernières décennies et de son avenir.
Pr. Thomas Lüscher
Le conférencier a commencé par évoquer la cardiologie dans les années cinquante du siècle dernier et par la mort du président Dwight D. Eisenhower, le 34e président des États-Unis.
Le 24 septembre 1955, alors qu’ il était en vacances dans le Colorado, il a été victime d’ un grave infarctus du myocarde. À l’ époque, il n’ y avait que deux choses à faire : donner de la papavérine et de la morphine. Le Dr Howard Snyder, son médecin personnel, a diagnostiqué à tort les symptômes comme étant ceux d’ un problème gastro-intestinal et n’ a pas fait appel à l’ aide urgente dont il avait besoin. Plus tard, Snyder a falsifié ses propres notes afin de dissimuler son erreur et de répondre au besoin d’ Eisenhower, de le protéger en montrant qu’ il était suffisamment en bonne santé pour continuer à effectuer son travail. La crise cardiaque a nécessité une hospitalisation de six semaines et Eisenhower n’ a pu reprendre son rythme de travail normal qu’ au début de l’ année 1956.
Eisenhower meurt cependant à l’ âge de 78 ans, le 28 mars 1969, au Walter Reed Army Hospital à Washington, D.C., d’ une insuffisance cardiaque.
La cardiologie – une histoire à succès unique
Depuis cette époque, il y a environ 70 ans, la cardiologie a connu une histoire à succès sans précédent. Alors que la mortalité, il y a 70 ans, s’ élevait à 50 % même chez ceux qui arrivaient à l’ hôpital, elle a pu être réduite considérablement grâce à la défibrillation, suivie de la réanimation, des bêtabloquants, de l’ angioplastie coronaire, de la fibrinolyse et des stents et cathéters à ballonnet. Il reste une mortalité de 10 % à l’ hôpital, comme l’ étude Sweetheart l’ a démontré. Certains problèmes ne sont toujours pas résolus, comme l’ a expliqué l’ orateur. L’ un d’ entre eux est que les hommes et les femmes ne sont pas traités de la même manière. Les femmes reçoivent moins de mesures angiographiques et invasives, moins de PCI que les hommes. Même les statines sont moins prescrites aux patientes qui quittent l’ hôpital.
Le choc cardiogénique est un autre problème non résolu avec environ 50 % de mortalité, comme l’ a expliqué le conférencier. En cas de réanimation la mortalité est d’ environ 40 %. Que peut-on faire à ce sujet ? On pourrait pratiquer la réanimation sur place. Pour cela, il faudrait former le public. Il y a 35 ans, le cœur artificiel total a été développé sans grand succès. Il en va de même pour la thérapie par cellules souches.
Outre l’ infarctus du myocarde classique, il existe d’ autres situations, telles que la cardiomyopathie de Tako-Tsubo avec des symptômes semblables à ceux du syndrome coronaire aïgu, qui est lié à un stress physique émotionnel. À l’ origine elle était considérée comme inoffensive, car réversible. Dans environ 10 % des cas il y a cependant des complications comme le choc cardiogénique, la tachycardie ventriculaire, la formation de thrombus et la mort.
Le choc cardiogénique
Existe-t-il un traitement médical du choc cardiogénique ? L’ espoir réside dans le traitement avec des anticorps anti-DPP3. La concentration de DPP3 dans le plasma est étroitement liée à la mortalité de maladies telles que le choc cardiogénique. La DPP3 est un prédicteur indépendant de la mort prématurée. Un doublement de la DPP3 signifie une augmentation de 84 % de la mortalité à 30 jours. Le traitement avec des anticorps anti-DPP3 pourrait représenter une percée dans le traitement du choc cardiogénique. Mais à l’ heure actuelle, l’ espoir réside plutôt dans des systèmes mécaniques d’ assistance. Dans une analyse de propension croisée de patients subissant une intervention coronarienne percutanée pour infarctus de myocarde aïgu avec choc cardiogénique, l’ utilisation d’ un système d’ assistance ventriculaire gauche était associée à un taux de survie plus élevé que la pompe à ballonnet intra-aortique, qui était associé à un risque accru à court terme et à un an de mortalité, d’ hémorragie et de resynchronisation cardiaque et de coûts. Il existe un besoin urgent de connaissances supplémentaires sur le traitement optimal des patients atteints d’ un infarctus du myocarde aïgu compliqué de choc cardiogénique.
La réanimation précoce assistée par oxygénation par membrane extracorporelle des patients en arrêt cardiaque extrahospitalier et en fibrillation ventriculaire réfractaire a amélioré la survie de manière significative. La survie a été considérablement améliorée par rapport à l’ assistance cardio-pulmonaire étendue (ACLS) standard. Le soutien extracorporel aux fonctions vitales (ECLS) permet à un quart des patients avec un pronostic autrement fatal de bénéficier d’ une survie prolongée d’ un an.
La mortalité liée à la procédure est faible et la morbidité au niveau du site d’ implantation est modérée.
La sténose aortique – un autre problème non résolu
Le problème suivant est la sténose aortique. Au-delà de l’ intervention coronarienne percutanée il existe des interventions structurelles. Balloon (stenting coronaire, stenting artériel rénal, stenting carotidien), occludeur (fermeture de l’ oreillette), LAA (occludeur de l’ appendice de l’ oreillette gauche) en cas de thromboembolie cardiaque et valves (TAVI, Mitraclip). Mais ces traitements sont utilisés de manière excessive à un moment trop tardif, à un moment où le remodelage a déjà eu lieu et où les patients présentent déjà une arythmie. Même après le remplacement d’ une valve, le taux d’ événements coronariens est plus élevé que dans une population du même âge. La sténose aortique devrait donc être évitée par un traitement médical. Dans le cadre d’ une étude exploratoire (étude de Fourier), le risque de sténose aortique a été réduit de 52 % à l’ aide de l’ inhibiteur de PCSK9, l’ évolocumab.
L’ athérosclérose une maladie humaine
Le conférencier a rappelé que l’ athérosclérose est l’ une des maladies les plus fréquentes et qu’ elle n’ existe que chez l’ homme. L’ homme est en même temps le seul être vivant à présenter des taux très élevés de cholestérol LDL plasmatique. Des valeurs qui dépassent nettement celles des animaux.
Le cholestérol LDL n’ est probablement pas nécessaire dans le plasma et il est certainement faux de parler d’ une valeur normale, a déclaré l’ expert. L’ important n’ est pas seulement l’ ampleur de l’ augmentation du cholésterol LDL, mais aussi la durée de l’ exposition, comme l’ ont montré les études de randomisation de Mendel, les études de cohorte prospectives et les études cliniques randomisées. Sur la base de ces résultats, des valeurs cibles pour le cholestérol LDL ont été recommandées dans les lignes directrices européennes, en fonction du risque cardiovasculaire global.
Le professeur Lüscher a rappelé les études menées avec les statines et avec les inhibiteurs de PCSK9, qui ont montré des réductions impressionnantes du risque cardiovasculaire en prévention primaire ainsi que secondaire, et en particulier l’ étude PACMAN-AMI avec l’ alirocumab chez des patients après un infarctus du myocarde, une étude suisse (L. Räber et al. JAMA 2022;327:1771-1781). Elle a permis pour la première fois de montrer qu’ il est possible d’ induire une régression des plaques avec des valeurs très basses.
Évolution de la pharmacothérapie
L’ orateur a décrit les développements historiques de la pharmacologie, avec la fabrication initiale à partir d’ herbes, suivie par des extraits de champignons (p. ex. statines), puis des molécules synthétiques, des molécules biologiques et enfin des médicaments basés sur l’ interférence ARN. La révolution dans la pharmacothérapie c’ est la technologie antisense et l’ interférence ARN. L’ Inclisiran, un ARN silencieux de PCSK9, a été cité comme exemple à cet égard.
L’ Inclisiran permet d’ obtenir des baisses de cholestérol LDL jusqu’ à 60 % sur une période de six mois. Le traitement, qui a lieu tous les six mois, permet une adhésion beaucoup plus grande du patient au traitement.
Malgré ces grands progrès, il reste un besoin médical important non satisfait. Il reste un risque résiduel en termes de cholestérol, d’ inflammation, de thrombose, de triglycérides, de Lp(a) et de l’ HbA1c. L’ étude Cantos sur le canakinumab, un anticorps monoclonal contre l’ interleukine 1-bêta, a montré une réduction modérée du risque de maladies cardiovasculaires chez les patients présentant des signes d’ inflammation. Une réduction du marqueur d’ inflammation CRP a été également démontrée avec le ziltivekimab, un inhibiteur de l’ IL-6. L’ IL1-bêta et l’ IL-6 sont des « moteurs » de l’ athérogenèse. La colchicine a un effet anti-inflammatoire et réduit l’ incidence de l’ infarctus du myocarde dans une faible mesure, mais pas la mortalité. En revanche, la lipoprotéine Lp(a) s’ est révélée être un facteur de risque cardiovasculaire essentiel et indépendant. Le développement d’ un médicament antisense contre la Lp(a) a permis de réduire celle-ci jusqu’ à 80 %. Des études cliniques correspondantes sont encore en cours.
Outre les marqueurs de risque mentionnés, des marqueurs génétiques ont également été étudiés de plus près. Dans une cohorte bien caractérisée, on a observé le nombre le plus élevé de mutations connues de la cardiomyopathie chez la plakophiline-2, la protéine C-3 liant la myosine et la desmoplakine. Lorsque des variantes de la maladie encore inconnues mais prédites ont été prises en compte, on a trouvé parmi les gènes le plus souvent mutés la titine, la plakophiline-2, la protéine C 3 de liaison à la myosine, la desmoplakine, le récepteur 2 de la ryanodine, la desmocolline-2, la desmogléine-2 et les variants SCN5A. En outre, la lamine A/C provoquent une cardiomyopathie dilatée, une maladie qui débute à un jeune âge, qui a une forte pénétrance et qui nécessite souvent une transplantation cardiaque.
Les connaissances existantes sur les variantes génétiques qui influencent le risque de maladies coronariennes sont basées en grande partie sur des études d’ association pangénomique (GWAS) pour l’ analyse des SNP humains. En utilisant les haplotypes du projet 1000 Genom, une étude (Nikpay et al Nature Gen 2015) a fait état d’ une analyse GWAS d’ environ 185000 cas et contrôles, dans laquelle 6,7 millions de “common minor allele frequency” et 2,7 millions de “low frequency variants” ont été demandés. En plus de la confirmation de la plupart des loci associés aux maladies coronariennes, l’ étude a identifié dix nouveaux loci (huit additifs et deux récessifs) qui contiennent des gènes candidats causaux et qui impliquent de nouveaux processus biologiques dans les parois vasculaires. Cette analyse montre que la vulnérabilité génétique par rapport à cette maladie très répandue est en grande partie déterminée par des SNP fréquents à faible impact. Indépendamment du risque génétique, l’ adhésion à un mode de vie sain joue un rôle décisif, comme l’ a expliqué l’ orateur. La complexité des gènes, des modifications épigénétiques et des facteurs environnementaux constituent un défi pour la médecine personnalisée.
L’ intelligence artificielle
La fibrillation auriculaire est souvent asymptomatique et n’ est donc pas détectée, alors qu’ elle est associée à l’ accident vasculaire cérébral, à l’ insuffisance cardiaque et à la mort. Les méthodes de dépistage existantes nécessitent une longue surveillance et sont limitées par le coût et le faible rendement. Dans une analyse rétrospective, on a essayé de développer à l’ aide du Machine Learning une méthode rapide et peu coûteuse de point-of-care pour identifier les patients atteints de fibrillation auriculaire. Un ECG assisté par l’ intelligence artificielle et enregistré en rythme sinusal normal permet d’ identifier les personnes atteintes de fibrillation auriculaire sur le lieu de traitement.
CRISPR Cas9 : les ciseaux génétiques
Ces dernières années CRISPR/Cas est devenu la méthode leader pour “l’ édition génomique”. La méthode combine une molécule d’ ARN, qui se lie à une enzyme qui coupe le double brin d’ ADN à l’ endroit du défaut. Le défaut est ensuite réparé par des enzymes cellulaires, ce qui (par exemple par l’ insertion de petits segments d’ ADN) entraîne généralement une modification de la séquence d’ ADN.
Des chercheurs américains ont utilisé la méthode CRISPR/ Cas pour corriger le défaut génétique d’ une cardiomyopathie hypertrophique, un trouble congénital relativement fréquent qui peut entraîner une mort cardiaque subite et une insuffisance cardiaque.
Pour l’ instant, la méthode ne semble toutefois pas suffisamment au point pour être utilisée en médecine de la reproduction, même si les chercheurs parviennent à lever les doutes sur la sécurité.
Un autre exemple cité par l’ orateur est celui de l’ amylose de la transthyrétine, également appelée amylose ATTR. C’ est une maladie potentiellement mortelle qui se caractérise par une accumulation progressive de protéine transthyrétine (TTR) mal repliée dans les tissus, notamment dans les nerfs et le cœur. Le NTLA-2001 est un agent thérapeutique d’ édition de gènes in vivo utilisé pour le traitement de l’ amylose ATTR en réduisant la concentration de TTR dans le sérum. Il est basé sur le système des “clustered regularly interspaced short palindromic repeats” et de l’ endonucléase Cas9 associée (CRISPR-Cas9). Elle se compose d’ une nanoparticule lipidique qui contient l’ ARN messager pour la protéine Cas9 et un ARN de guidage unique ciblant TTR. Chez un petit groupe de patients atteints de l’ amylose ATTR héréditaire avec polyneuropathie, l’ administration de NTLA-2001 n’ a entraîné que de légers effets secondaires et a permis de réduire la concentration de TTR par l’ élimination ciblée de cette protéine.
L’ édition de base CRISPR in vivo de PCSK9 réduit durablement le taux de cholestérol chez les primates, comme l’ ont montré les travaux de Musunaru K et al. (Nature 2021;593:429-434). La désactivation de la PCSK9 dans le foie a été presque totale et s’ est accompagnée d’ une réduction simultanée des taux sanguins de PCSK9 et de cholestérol à lipoprotéines de basse densité d’ environ respectivement 90 % et 60 %. Ces changements sont restés stables après un traitement unique pendant au moins huit mois.
Source : Royal Brompton Hospital, London, Grand Rounds, Prof. Thomas Lüscher «The Future of Cardiology », 16.2.2023.
Le papillomavirus humain (HPV) est l’ infection sexuellement transmissible la plus fréquente. Le cancer de la vessie est la dixième maladie cancéreuse la plus fréquente dans le monde, avec environ 550 000 nouveaux cas par an et un nombre de décès estimé à 17 980 par an aux États-Unis. L’ association entre l’ infection à HPV et le risque de cancer de la vessie reste toutefois controversé et n’ est pas clairement démontré. Une revue systématique récemment publiée a étudié l’ impact d’ une infection à HPV sur le risque de cancer de la vessie (1).
Le papillomavirus humain (HPV), un membre de la famille des papillomavirus, est un virus à ADN qui infecte l’ épithélium de la peau ou des muqueuses. Des études ont montré que l’ HPV est l’ infection sexuellement transmissible la plus courante chez l’ homme (2). Par exemple, il a été rapporté qu’ environ 45,2 % des hommes âgés de 18 à 59 ans aux États-Unis sont infectés par l’ HPV (3). En revanche, environ 80 % des femmes risquent de développer une infection à HPV tout au long de leur vie (4). Jusqu’ à présent, plus de 100 génotypes d’ HPV ont été identifiés et peuvent être classés en groupes à faible risque ou à haut risque en fonction de leur potentiel carcinogène (4). Les types d’ HPV à faible risque, tels que l’ HPV-6 et l’ HPV-11, provoquent des papillomatoses respiratoires récidivantes (PRR) et des verrues anogénitales qui se transforment rarement en cancer. D’ autre part, les types d’ HPV à haut risque, tels que les HPV 16, 18, 31 et 33, provoquent environ 10 % des cancers dans le monde, dont plus de 90 % des cancers du col de l’ utérus, la plupart des cancers anaux et une partie des cancers de la vulve, du vagin et du pénis (5,6).
Le cancer de la vessie peut être divisé en cancer de la vessie non invasif sur le plan musculaire (NMIBC) et en cancer de la vessie invasif sur le plan musculaire (MIBC). Cette classification dépend du fait que la tumeur ait ou non pénétré dans la couche musculaire de la vessie. Des études ont montré que près de 75 % des cancers de la vessie sont des NMIBC et que les autres sont des MIBC (7). D’ un point de vue histologique, le cancer de la vessie se compose de carcinome urothélial (CU), de carcinome épidermoïde et d’ adénocarcinome, le CU représentant 94 % de tous les cas (5). D’ autre part, des études ont également montré que la fumée de tabac, l’ exposition professionnelle à divers composés chimiques tels que les amines aromatiques et l’ arsenic (8, 9) et des facteurs génétiques peuvent contribuer à une incidence plus élevée du cancer de la vessie (7).
Cette revue systématique et méta-analyse a été réalisée conformément à la directive PRISMA 2020. Dans le cadre de cette étude, quatre bases de données bibliographiques ont été consultées sans se restreindre à une seule langue. Ces bases de données comprenaient PubMed (Medline), EMBASE, la Cochrane Library et Web of Science. Les études qui ont examiné l’ association entre l’ infection à HPV et le risque de cancer de la vessie depuis le début jusqu’ au 21 mai 2022 ont été identifiées et sont à la base de cette étude. Dans celle-ci, la prévalence générale et spécifique au type d’ HPV et les intervalles de confiance à 95 % (IC 95 %) ont été estimés à l’ aide de modèles à effets aléatoires et de modèles à effets fixes. En outre, cette étude a également calculé l’ odds ratio (OR) et le rapport de risque avec un IC de 95 % afin d’ évaluer l’ impact de l’ infection à HPV sur le risque et le pronostic du cancer de la vessie. En outre, une étude RM a été menée sur deux échantillons en utilisant des variantes génétiques associées à la protéine E7 de l’ HPV comme variables instrumentales.
Resultats
Dans le cadre de cette étude, 80 articles ont été extraits des quatre bases de données bibliographiques. Vingt-sept d’ entre eux étaient des études cas-témoins et 53 des études transversales. Les résultats ont montré que la prévalence de l’ HPV chez les patients atteints d’ un cancer de la vessie était de 16 % (IC 95 % : 11 %-21 %), la plupart étant des sous-types HPV-16 (5,99 % [IC 95 % : 3,03 %-9,69 %]) et HPV-18 (3,68 % [IC 95 % : 1,72 %-6,16 %]). L’ étude a toutefois révélé que la prévalence variait selon la région, la méthode de détection, l’ histologie du cancer de la vessie et la source de l’ échantillon. Un risque significativement accru de cancer de la vessie a été observé en cas de positivité de l’ HPV dans son ensemble (odds ratio [OR], 3,35 [IC 95 % : 1,75-6,43]), qui était également influencé par la région étudiée, la méthode de détection, l’ histologie et la source de l’ échantillon. En outre, l’ étude a révélé que l’ infection à HPV était significativement associée à la progression du cancer de la vessie (RR, 1,73 [IC 95 % : 1,39-2,15]). L’ analyse RM de deux échantillons a révélé que l’ exposition à la protéine E7 des HPV 16 et 18 augmentait le risque de cancer (protéine E7 des HPV 16 : OR IVW par unité d’ augmentation de la teneur en protéines = 1,0004 [IC 95 % : 1,0002-1,0006] ; p = 0,0011 ; protéine E7 des HPV 18 : OR IVW par unité d’ augmentation de la teneur en protéines = 1,0003 [IC 95 % : 1,0001-1,0005] ; p = 0,0089).
Conclusions
L’ infection à l’ HPV joue un rôle dans le développement du cancer de la vessie et peut contribuer à un moins bon pronostic pour les patients atteints de ce cancer. Par conséquent, les personnes, en particulier les hommes, devraient se faire vacciner contre l’ HPV afin de prévenir le cancer de la vessie. Les études futures devraient examiner la relation entre l’ infection à l’ HPV et le cancer de la vessie en utilisant des échantillons à grande échelle dans différentes populations. En outre, les mécanismes à l’ origine de ces phénomènes devraient être élucidés.
Source: Sun J-X, et al. The association between human papillomavirus and bladder cancer: Evidence from meta-analysis and two-sample mendelian randomization. J Med Virol 2023 Jan;95(1):e28208. doi: 10.1002/jmv.28208. Epub 2022 Oct 25.
Prof. Dr. Dr. h.c. Walter F. Riesen
riesen@medinfo-verlag.ch
1. Sun J-X, et al. The association between human papillomavirus and bladder cancer: Evidence from meta-analysis and two-sample mendelian randomization. J Med Virol 2023 Jan;95(1):e28208. doi: 10.1002/jmv.28208. Epub 2022 Oct 25.
2. Tognon M et al. Investigation on Spontaneous abortion and human papillomavirus infection. Vaccines (Basel). 2020; 8(3): 473.
3. Han JJ et al.. Prevalence of genital human papillomavirus infection and human papillomavirus vaccination rates among US adult men: national health and nutrition examination survey (NHANES) 2013-2014. JAMA Oncol. 2017; 3(6): 810- 816.
4. Narisawa-Saito M, Kiyono T. Basic mechanisms of high-risk human papillomavirus-induced carcinogenesis: roles of E6 and E7 proteins. Cancer Sci. 2007; 98(10): 1505- 1511.
5. Jørgensen KR, Jensen JB. Human papillomavirus and urinary bladder cancer revisited. APMIS. 2020; 128(2): 72- 79.
6. Dunne EF, Park IU. HPV and HPV-associated diseases. Infect Dis Clin North Am. 2013; 27(4): 765- 778.
7. Palma-Lara I et al. Arsenic exposure: a public health problem leading to several cancers. Regul Toxicol Pharmacol. 2020; 110:104539
8. Gamboa-Loira B, Cebrián ME, Franco-Marina F, López-Carrillo L. Arsenic metabolism and cancer risk: a meta-analysis. Environ Res. 2017; 156: 551- 558.
9. Palma-Lara I, Martínez-Castillo M, Quintana-Pérez JC, et al. Arsenic exposure: a public health problem leading to several cancers. Regul Toxicol Pharmacol. 2020; 110:104539.