Surdité brusque – recommandations pour le diagnostic et le traitement

La surdité brusque est définie comme une perte auditive neurosensorielle soudaine. Cette perte d’ audition cochléaire soudaine, sans cause apparente, est généralement unilatérale, mais peut dans de rares cas affecter les deux oreilles. On peut distinguer différentes formes de surdité de l’ oreille interne en fonction de la gamme de fréquences et de la gravité : soit une surdité de basse, moyenne ou haute fréquence, soit une surdité pantonale ou pancochléaire, allant d’ un degré léger à une perte auditive confinant à la surdité, voire à une surdité réelle.

Hearing loss is defined as acute, sensorineural loss of the auditory system. This cochlear hearing loss, which occurs suddenly without an identifiable cause, is usually unilateral, but in rare cases it can affect both ears. Different forms of sensorineural hearing loss can be distinguished in terms of frequency range and severity: Low-frequency, mid-frequency, high frequency or pantonal an pancochlear sensorineural hearing loss ranging from mild to bordering on deafness or even actual deafness.
Key Words: Sensorineural hearing loss, tinnitus, hyperacusis, otoscopy, tympanometry

Les symptômes ressentis par les patients sont généralement une sensation soudaine de pression sur l’ oreille atteinte ou sur les deux oreilles, une sensation de coton dans l’ oreille, une sensation diffuse autour du pavillon de l’ oreille (dysesthésie périauriculaire) ainsi qu’  une baisse de l’ audition. La détérioration de l’  audition peut passer inaperçue pour les patients si elle est légère ou si elle ne concerne qu’ une ou quelques fréquences. Il est également important de tenir compte du fait que les personnes concernées souffrent de la perte auditive, des acouphènes et des vertiges à des degrés divers. En cas d’ atteinte grave ou très grave ou de grande souffrance due par exemple aux acouphènes, on trouve souvent une comorbidité psychique. Outre les acouphènes, d’ autres symptômes tels que les vertiges, l’  hyper-, la diplo- ou la dysacousie peuvent être présents. Selon des études menées en Allemagne, l’ incidence de la surdité brusque se situe entre 160 et 400/100000 par an (1, 2). Il n’ existe pas de données épidémiologiques en Suisse pour la surdité brusque ni pour les acouphènes. La surdité brusque survient le plus souvent dans le groupe d’  âge des 40 – 50 ans. Une surdité brusque dans l’ enfance est possible, mais très rare. J’ ai vu cela occasionnellement en cas de stress important et négatif à l’ école ou en famille. Il n’ y a pas de taux d’ incidence selon le sexe.

Pathogenèse

Du point de vue pathogénique, il existe une lésion des cellules ciliées externes et/ou internes, qui peut être réversible (lésion cellulaire) ou irréversible (mort cellulaire). Lorsque la perte auditive dans les basses fréquences est fluctuante, c’ est-à-dire que la surdité brusque semble se manifester de manière répétée, il ne s’ agit généralement pas d’ une surdité brusque, mais d’ un hydrops endolymphatique à l’ origine d’ une maladie de Menière. Quand le seuil d’ audition de la gamme des fréquences moyennes présente une courbe audiométrique « en cloche » (angl. « u shaped » curve), des troubles de la circulation sanguine locale sont discutés comme cause dans la zone de la « lamina spiralis ossea » avec des dommages hypoxiques de l’ organe de Corti. Lors d’ une surdité pantonale, il y a dans la plupart des cas une atteinte fonctionnelle de la strie vasculaire, c’ est-à-dire un trouble de la circulation sanguine. Une occlusion vasculaire est généralement à l’ origine d’ une surdité profonde confinant à une perte auditive ou d’ une surdité totale. Le trouble de la circulation sanguine, que l’ on suppose être la cause la plus fréquente de la surdité brusque, entraîne un effondrement momentané ou permanent de l’ apport d’ énergie à l’ oreille interne. Comme l’ oreille interne n’ est alimentée que par une seule artère terminale, elle est particulièrement vulnérable face aux troubles de la circulation sanguine. Heureusement, ces troubles circulatoires sont généralement réversibles et l’ oreille interne ou les cellules ciliées sont rapidement réoxygénées, ce qui explique les rémissions spontanées en cas de surdité brusque. En raison de la proportion élevée de rémissions spontanées, la surdité brusque, contrairement à l’ infarctus du myocarde ou à l’ apoplexie, n’ est pas considérée comme une urgence nécessitant un traitement immédiat. Elle est cependant considérée comme une urgence otologique qui, en cas de persistance des troubles au-delà de 24 heures, doit être correctement diagnostiquée et traitée de manière adéquate, si possible dans les premières 48 heures (3-5).

Les diagnostics différentiels de la surdité brusque ou de la surdité aiguë de l’ oreille interne sont nombreux : traumatismes (bang, explosion, barotraumatisme, fracture du rocher), labyrinthite (p. ex. comme complication d’ une otite moyenne, de la maladie de Lyme, de la syphilis), méningite, encéphalite, vascularite auto-immune, intoxication (alcool, autres drogues, médicaments comme les antibiotiques aminoglycosides et les diurétiques de l’ anse, toxines provenant de bactéries), infections virales (adénovirus, herpès zoster, oreillons), tumeurs (par ex. neurinome de l’ acoustique, tumeurs du tronc cérébral et de l’ angle ponto-cérébelleux), fistule périlymphatique, insuffisance rénale nécessitant une dialyse, syndrome de perte de LCR, (p. ex. après ponction de LCR), syndromes d’ origine génétique, maladies hématologiques ou cardiovasculaires. Les troubles auditifs psychogènes font également partie des diagnostics différentiels.

Diagnostic

Après une anamnèse détaillée, y compris la clarification de l’ exposition au bruit dans le cadre du travail et des loisirs, l’ otoscopie est réalisée. Le cérumen dans le conduit auditif est éventuellement retiré. La tympanométrie permet de mesurer la pression dans les oreilles moyennes, qui devrait idéalement être égale à la pression atmosphérique extérieure. Les tests au diapason selon Weber et Rinne donnent les premiers indices d’ un trouble auditif. L’ audiométrie tonale pure avec conduction aérienne et osseuse est très importante, au moins dans la plage vocale de 125 à 8000 Hz. Je mesure les fréquences de 125, 250, 500, 1000, 1500, 2000, 3000, 4000, 6000, 8000, 9000, 10000, 11000, 12000, 14000 et 16000 Hz. S’ il existe des acouphènes, la fréquence et l’ intensité sonore des acouphènes devraient être mesurées. En cas d’ hyperacousie, le seuil d’ inconfort doit être mesuré. Si la compréhension de la parole est limitée, une audiométrie vocale devrait également être effectuée. Lors de symptômes de vertige, il est important d’ examiner les mouvements oculaires sous les lunettes de Frenzel :
observe-t-on des nystagmus spontanés ou de fixation, ainsi que des mouvements consécutifs, des nystagmus de secousse de la tête ou de positionnement ? Le test d’ impulsion de la tête selon Halmayi et Curthoys et le test vestibulaire calorique avec des lavages à l’ eau à 30 et 44  °C doivent être effectués. Les indices d’ un trouble de l’ équilibre central ou de troubles centraux de la mobilité oculaire sont par exemple des nystagmus de la direction du regard, une succession de regards saccadés, des saccades ralenties. Il faut être attentif aux autres symptômes neurologiques tels que la parésie faciale, les paresthésies, les troubles de la déglutition, de la marche et de la coordination. La tension artérielle et le pouls sont mesurés. La colonne vertébrale cervicale est examinée afin de déceler toute restriction de mouvement. Les valeurs de laboratoire suivantes doivent être déterminées : l’ hémogramme complet avec formule sanguine et numération des plaquettes, dosage de glycémie, CRP, précalcitonine, créatinine, taux de fibrinogène, exclusion de la maladie de Lyme, de la syphilis, du virus de l’ herpès, du virus varicelle-zona, du CMV, du VIH. Une imagerie du rocher et du neurocrâne (scanner ou IRM) devrait être effectuée, par exemple pour exclure un neurinome de l’ acoustique ou une tumeur de l’ angle pontocérébelleux, un hydrops endolymphatique, en cas de bourdonnements d’ oreille synchrones au pouls, également une fistule artério-veineuse ou un paragangliome temporal. La surdité brusque entraîne une diminution importante de la qualité de vie (6). Cette limitation de la qualité de vie ou l’ atteinte psychique due à la perte auditive, éventuellement aux acouphènes, à l’ hyperacousie et/ou aux symptômes de vertige, devrait être évaluée par des tests psychométriques standardisés et une comorbidité psychique devrait être détectée.

Si, en présence d’ un conduit auditif libre, d’ un tympan fermé sans irritation, d’ une pression normale dans l’ oreille moyenne, les symptômes font suspecter une surdité brusque, il est recommandé d’ adresser le patient à un spécialiste en ORL.

Traitement

La meilleure preuve scientifique est le traitement à haute dose par glucocorticostéroïdes. Celui-ci doit être effectué pendant trois jours avec 250 mg de prednisolone ou un glucocorticostéroïde à dose équivalente à chaque fois (7, 8). Si nécessaire, le traitement peut être prolongé de quelques jours. Il n’ est pas nécessaire de réduire, voire diminuer successivement la dose de cortisone, même avec une dose aussi élevée pendant quelques jours (9), bien qu’ il existe différents schémas qui préconisent précisément cela, ce à quoi il n’ y aurait rien à objecter. Une alternative à la cortisonothérapie systémique est l’ application intratympanique de dexaméthasone ou de méthylprednisolone, qui semble être aussi efficace qu’ une cortisonothérapie systémique à faible dose et qui, en tant que nouvelle tentative de traitement après une cortisonothérapie systémique infructueuse, est plus efficace qu’ une placebothérapie ou l’ absence de traitement (10, 11).

Les agents rhéologiques et les vasodilatateurs tels que l’ aloprostadil, le carbogène et le naftidrofuryl nont montré aucune efficacité dans une méta-analyse Cochrane de trois études randomisées et ne peuvent donc pas être recommandés (12). Une étude randomisée et contrôlée sur la pentoxifylline/dextran n’ a pas montré de supériorité par rapport à la pentoxifylline/NaCl ou au NaCl/placébo (13). Une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée, comparant la pentoxifylline à un extrait standardisé de Ginkgo biloba, a montré un avantage pour l’ extrait de Gingko biloba dans l’ évaluation de l’ efficacité par les patients, avec une équivalence dans tous les autres paramètres concernant la surdité brusque et les acouphènes (14). Une équipe d’ auteurs suisses a publié en 2021 une revue systématique de l’ efficacité des extraits standardisés de Ginkgo biloba en cas de vertiges et/ou d’ acouphènes (15). Les effets pharmacologiques comprennent une amélioration de l’ irrigation sanguine de l’ oreille interne et du cerveau, des effets antioxydants, la neutralisation des radicaux libres de l’ oxygène, la neuroprotection et l’ amélioration de l’ apport énergétique dans les mitochondries. 17 études randomisées et contrôlées ont été incluses dans cette revue. Parmi ces études, 14 sur 17 ont démontré l’ efficacité et la sécurité, dont 8 sur 9 ont examiné les acouphènes et/ou les vertiges et 6 sur 8 ont examiné uniquement les acouphènes. Les extraits standardisés de Ginkgo biloba sont autorisés par Swissmedic, entre autres pour les indications acouphènes et vertiges, en tant que thérapie additive et sont admis par les caisses-maladie sur la liste des spécialités. En ce qui concerne l’ oxygénothérapie hyperbare, une méta-analyse Cochrane de 7 études randomisées portant sur 392 patients au total conclut que la capacité auditive a certes été améliorée de manière significative, mais que les études sont insuffisantes sur le plan méthodologique et doivent donc être interprétées avec prudence (16). Compte tenu des coûts et des risques, d’ autres études cliniques sont nécessaires avant de pouvoir émettre une recommandation positive. En ce qui concerne le traitement antiviral, une revue Cochrane ne montre pas d’ efficacité statistiquement significative des médicaments antiviraux tels que l’ acyclovir ou le valcyclovir dans la surdité brusque (17), de sorte qu’ ils ne peuvent pas être recommandés.

Dans mon cabinet, la combinaison d’ un traitement systémique à haute dose avec des glucocorticostéroïdes et un extrait standardisé de ginkgo biloba à la dose quotidienne de 240 mg a fait ses preuves. Il est important de reconnaître les symptômes ou les maladies concomitants tels que les acouphènes, l’ hyperacousie, les vertiges otogènes et la comorbidité psychique, ce qui nécessite éventuellement d’autres mesures thérapeutiques et une collaboration interdisciplinaire.

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PD Dr. med. Dr. h. c. Andreas Schapowal

Hochwangstr. 3
7302 Landquart

andreas@schapowal.ch

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article.

◆ Une surdité brusque idiopathique n’ est pas une urgence, mais un examen otologique doit être effectué dans les deux jours en cas de symptômes persistants.
◆ Une surdité brusque avec une perte auditive persistante sans rémis­sion spontanée est traitée en premier lieu avec de la cortisone à haute dose. Un extrait standardisé de Ginkgo biloba soutient la thérapie.
◆ Les acouphènes et/ou les vertiges qui accompagnent éventuellement la surdité brusque sont diagnostiqués et traités en même temps. Il en va de même pour les facteurs de stress et la comorbidité psychique.

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Micronutriments et cicatrisation en gériatrie

La cicatrisation est un processus complexe caractérisé par 4 grandes étapes : la coagulation initiale est suivie par l’ inflammation, la phase de migration-prolifération, puis par le remodelage. La malnutrition affecte jusqu’ à 50 % de la population gériatrique : elle compromet la cicatrisation – son risque doit être identifié (score NRS). La cicatrisation et l’ immunité dépendent de plusieurs micronutriments. Or fer, sélénium, zinc, vitamines B (famille), C et D sont souvent déficitaires en gériatrie. Face à une évolution lente, le diagnostic et la correction des déficits accéléront le processus. La prise de suppléments oraux buvables (SNO) et des multi-micronutriments fera partie du traitement.

Wound healing is a complex process characterized by 4 main stages: the initial coagulation is followed by inflammation, the migration-proliferation phase, then by remodeling. Malnutrition affects up to 50 % of the geriatric population: it compromises healing – its risk must be identified (NRS score). Wound healing and immunity depend on several micronutrients. Iron, selenium, zinc, vitamins B (family), C and D are often deficient in old adults. Faced with slow wound healing, the diagnosis and correction of deficits will accelerate the process. Drinkable oral supplements (ONS) and multi-micronutrients will be part of the treatment.
Key Words: Malnutrition, deficit, inflammation, proteins, zinc, vitamins

La cicatrisation est un processus complexe caractérisé par 4 grandes étapes résumées dans la Figure 1. Sa rapidité et sa qualité vont dépendre de plusieurs facteurs, parmi lesquels le type de plaie, la qualité de la circulation périphérique (veineuse, artérielle) et l’ état nutritionnel du patient.

Après la vasoconstriction initiale et la coagulation, l’ inflammation, qui est une réaction stéréotypée du système immunitaire face à une agression externe (traumatisme, chirurgie, etc) ou interne (infection, stress), permettra la mobilisation de processus réparateurs. Ce processus essentiel de défense implique l’immunité innée et adaptative, des micronutriments, et des médiateurs chimiques favorisant la phase vasculaire. Au cours de phase initiale on observe la synthèse de dérivés de l’acide arachidonique : les prostaglandines favorisent l’ augmentation de la perméabilité vasculaire et de l’ œdème liés à l’ inflammation alors que les leucotriènes stimulent la migration leucocytaire. L’ inflammation devra ensuite se résorber et laisser la place à la phase anabolique de réparation et reconstruction. Cette étape implique des dérivés des acides gras polyinsaturés à chaîne longue oméga-3 qui vont moduler et atténuer la réponse inflammatoire. L’ acide eicosapentaénoïque (EPA) et de l’ acide docosahexaénoïque (DHA) sont convertis par des lipoxygénases en médiateurs appelés résolvines, protectines ou neuroprotectines (1). Si cette bascule vers la résolution ne se produit pas, l’ inflammation devient chronique, avec persistance du catabolisme tissulaire et retard de cicatrisation.

Types de plaies fréquentes en gériatrie

Les plaies sont définies comme une interruption du revêtement cutané de profondeur et d’ étendue variables. A côté des plaies chirurgicales, les plaies aiguës les plus fréquentes sont les éraflures et déchirures cutanées, et les brûlures. Une bonne perfusion tissulaire est une condition essentielle à une cicatrisation rapide. Si la fermeture dure plus de 6 semaines, la plaie est considérée chronique comme dans le cas des escarres, des ulcères de jambes, et des plaies du pied diabétique. L’immobilité et l’ absence de perception de la douleur compromettent la guérison, tout comme le fait la malnutrition.

Impact de l’ état nutritionnel

La malnutrition est fréquente en gériatrie (2), et peut affecter jusqu’ à 50 % des personnes en institution. Ses causes sont multiples et souvent liées à des comorbidités : les troubles de déglution, l’ inappétence, les effets des médications, des problèmes financiers, et des régimes sans sel y contribuent largement. Son dépistage est essentiel – que le patient soit à domicile ou en institution. Des scores validés, tels que le « MNA-SF » (mini-nutritional assessment short form) spécifique de la gériatrie (3), ou le plus simple score NRS (nutrition risk screening) de l’ ESPEN (4) permettent un diagnostic en quelques minutes : à noter que le NRS est reconnu et requis par les assurances pour étayer un diagnostic de malnutrition.

La malnutrition retarde la cicatrisation comme l’a confimé une étude pilote menée au CHUV chez 11 patients âgés de 71 ans (moyenne) qui avaient été référés en dernier recours en chirurgie plastique pour réparation chirurgicale de plaies chroniques (5). L’ évaluation nutritionnelle préopératoire avait montré une prise alimentaire insuffisante prolongée à l’ hôpital, et des valeurs sanguines très basses de fer, sélénium et zinc dans un contexte inflammatoire. La prise pendant les 5 jours préoperatoires de 1 à 2 suppléments nutritionnels oraux (SNO) protéinés couvrant environ 35 % de leurs besoins et de compléments oraux de micronutriments ont permis une cicatrisation rapide en 10 jours.

Micronutriments critiques

Certains micronutriments sont particulièrement importants pour la cicatrisation (6), et leurs fonctions sont résumées dans le tableau 1. Les micronutriments liés à la cicatrisation le sont aussi à l’ immunité : un déficit en fer (Fe), vitamines C et D, en vitamines B6 (pyridoxine) et B12 (cobalamine), acide folique et zinc (Zn) compromettent les défenses immunitaires (7).

La cicatrisation requiert un apport en énergie et protéines relativement élevé. Il faudra assurer des apports suffisants d’ énergie (25-30 kcal/kg) et de protéines (1.2-1.3 g/kg) (2). Parmi les acides aminés plusieurs études ont montré que l’ arginine, la cystine, la glutamine et la leucine sont particulièrement impliqués dans la cicatrisation. Plusieurs SNOs enrichis en acides aminés et micronutriments sont disponibles sur le marché à cet effet.

De manière générale, et pour des raisons de densité des aliments, une prise alimentaire inférieure à 1500 kcal/jour ne contient pas les doses de micronutriments correpondant aux DRI (dietary recommended intakes). Or, les sujets très âgés, consommant souvent 1300 à 1400 kcal/jour, ne peuvent ainsi pas couvrir leurs besoins de base (DRI), et le conseil d’ une alimentation équilibrée ne suffit plus. D’ autre part, avec l’ âge, l’ absorption digestive est progressivement compromise pour plusieurs micronutriments. Ce phénomène est bien connu pour la vitamine B12 en raison de la réduction du facteur intrinsèque gastrique (gastrite chronique), mais affecte aussi d’ autres vitamines et éléments traces.

Déficits en micronutriments fréquents en Suisse

Il y a ensuite des facteurs géographiques comme la pauvreté du sol suisse en sélénium et en iode qui en réduisent les apports alimentaires. Une revue récente des données disponibles sur la population suisse a résumé les risques spécifiques de déficit de plusieurs micronutriments en particulier dans la population âgée (8). Il s’ agit des vitamines C et D, du fer, du sélénium, du zinc, et des n-3 PUFAs (8). Or, ce sont justement les micronutriments critiques pour la cicatrisation.

Quand faut-il faire des dosages sanguins ?

Bien que les assurances cherchent à décourager ce qu’ elles considèrent comme des examens inutiles, poser un diagnostic de déficit est essentiel pour soigner les patients de manière ciblée et efficace. Les dosages de vitamine D et les bilans martiaux sont fréquemment critiqués par les assureurs. Or, en cas de déficit la cicatrisation sera retardée, et donc les coûts de traitement augmenteront. Néanmoins, doser des micronutriments doit être une prescription ciblée, et ne pas faire partie d’ un « ordinaire bilan de santé » en l’ absence de signes/symptômes évocateurs de déficit, comme un état de fatigue chronique, des infections à répétition, ou justement des retards de cicatrisation.

Quels micronutriments faut-il doser ? Le fer (et la ferritine), la vitamine D et le zinc en première ligne. Il faut toujours doser en même temps une CRP, car l’ inflammation provoque une redistribution extra-vasculaire des micronutriments et donc une réduction dans le compartiment sanguin. Il faut utiliser la CRP pour interpréter la valeur du laboratoire : tant que la CRP est <20 mg/l, l’ impact est faible, mais en cas de CRP >40 mg/L les valeurs de l’ ensemble des micronutriments (sauf cuivre et B12) sont déjà abaissées, et en cas de >80 mg/l fortement abaissées, au-delà même du déficit réel (9).

Quelles doses ?

Les doses physiologiques sont établies internationalement et sont appelées DRI (Dietary recommended intakes) (remplace les RDA). Si l’ alimentation ne couvre pas les DRI, il faut compléter, et en cas de déficit, il faut répléter (10). Mais la presciption isolée d’ un seul micronutriment n’ est justifiée qu’ en cas de déficit avéré. Il n’ y a aucune magie : on ne peut pas faire de la supra-cicatrisation, ou de la supra-immunité.

Que prescrire et sous quelle forme ?

L’ Office fédéral en charge de l’alimentation en Suisse (OSAV) répète qu’une alimentation équilibrée permet de couvrir les besoins de la population. Sauf que, c’est ne pas tenir compte des particularités de la population très âgée. L’ OSAV vient cependant d’ émettre le 18 janvier 2022 une recommandation d’administrer 800 UI/jour de vitamine D dès 65 ans (11) : cette dose sera le minimum en cas de cicatrisation, mais elle ne couvre pas les autres besoins en micronutriments pour lesquels il faudrait aussi un apport supplémentaire. Cependant, les préparations de multi-micronutriments contenant des doses normales (DRI) et celles de 0.5-1 g d’ oméga-3 PUFA ne sont pas remboursées à l’ heure actuelle car ne figurant pas sur la liste des spécialités de l’ OFSP. Ceci constitue un problème en cas de budget limité, situation fréquente dans la population âgée. Or, dans le cas de problèmes de cicatrisation, la prise de ces préparations associée à des SNO enrichis en protéines et micronutriments est indiquée. Les SNO, par contre, sont remboursés en cas de malnutrition documentée par un score NRS élevé, montrant l’ importance d’un diagnostic précis. Les SNO doivent être prescrits sur des documents ad hoc et la consultation d’ une diététicienne facilitera la démarche.

Conclusion

La cicatrisation est un processus complexe perturbé en cas de malnutrition globale et de déficits en MN tels que fer, sélénium zinc, et vitamines B, C, D et A : un bilan peut être requis. Une prise en charge efficace demandera une évaluation de l’ état nutritionnel, puis la prescription de doses de réplétion en micronutriments supérieures aux DRI en cas de déficit avéré. La prise par jour de 1-2 SNO enrichis en protéines pendant 5-10 jours, en plus d’ une complémentation avec des multi-micronutriments permettra d’ accélérer le processus.

Copyright Aerzteverlag medinfo

Pre Mette M. Berger, MD, PhD

Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne

mette.berger@unil.ch

Pre Patrizia D’Amelio, MD PhD

Département de Médecine, Service de Gériatrie et
Réadaptation gériatrique
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Rue du Bugnon 21
1011 Lausanne

Les auteures déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ La malnutrition, fréquente en gériatrie, retarde la cicatrisation : il faut la dépister et diagnostiquer en utilisant un score validé (NRS).
◆ Fer, sélénium, zinc, vitamines B, C et D sont essentiels pour la cicatrisation et l’immunité : les déficits sont fréquents dans la population gériatrique suisse.
◆ Les déficits en micronutriments compromettent la cicatrisation, et le déficit en acides gras oméga-3 prolonge l’inflammation.
◆ Le traitement implique de corriger des déficits, d’assurer des apports d’ énergie et de protéines suffisants, et de micronutriments sous forme de suppléments buvables et de compléments de multi-micronutriments.

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A narrative review and call for action. Clin Nutr ESPEN 2021; 43:39-48.
9. Duncan A, Talwar D, McMillan DC, Stefanowicz F, O’Reilly DS. Quantitative data on the magnitude of the systemic inflammatory response and its effect on micronutrient status based on plasma measurements. Am J Clin Nutr 2012; 95:64-71.
10. Berger MM, Shenkin A, Amrein K, Augsburger M, Biesalski HK, Bischoff SC et al., ESPEN Micronutrient guideline. Clin Nutr 2022; 41: in press https://doi.org/10.1016/j.clnu.2022.02.015.
11. Office fédéral de la sécurité alimentaire et, des affaires vétérinaires, (OSAV).
Vitamine D. wwwpublicationsfederalesadminch 2022

Nouveaux anticorps dans la prophylaxie de la migraine

La migraine, deuxième maladie neurologique la plus fréquente au monde, provoque une très grande souffrance. Les anticorps CGRP agissent spécifiquement sur le système douloureux du trijumeau et permettent un ciblage sélectif. Dans les directives actuelles de la Fédération européenne des céphalées, les anticorps monoclonaux sont proposés et recommandés comme médicaments prophylactiques pour la prévention des crises de migraine épisodiques et chroniques.

As the second most common neurological disease worldwide, migraine causes a great deal of suffering. The CGRP antibodies act specifically on the trigeminal pain system and allow selective targeting. In the current guidelines of the European Headache Federation, the monoclonal antibodies are proposed and recommended as prophylactic drugs for the prevention of episodic and chronic migraine attacks.
Key Words: Migraine, episodic and chronic migraine attacks, calcitonin-gene-related peptide

La migraine est la deuxième maladie neurologique la plus fréquente au monde selon la Global Burden of Disease Study. Elle est responsable de plus de charge de morbidité que toutes les autres maladies neurologiques réunies (1). Pourtant, on estime qu’ en Europe, seuls 2 à 14 % des patients éligibles prennent des médicaments préventifs contre la migraine (2).

La migraine se manifeste cliniquement par des crises récurrentes de céphalées modérées à sévères, accompagnées de nausées, de vomissements, de phonophobie et/ou de photophobie, qui durent de 4 à 72 heures (3).

En ce qui concerne la physiopathologie, il est généralement admis qu’ une activation périphérique et centrale du système trigéminovasculaire est à l’ origine de la maladie (4). Des recherches approfondies menées au cours des trois dernières décennies ont montré que le peptide lié au gène de la calcitonine (calcitonin-gene-related peptide, CGRP) joue un rôle important dans cette activation. Le CGRP est un puissant vasodilatateur ainsi qu’ un neurotransmetteur qui joue également un rôle important dans l’ homéostasie des systèmes gastro-intestinal et cardiovasculaire. Ce neuropeptide de 37 acides aminés est présent sous deux isoformes, sous forme de α-CGRP, principalement dans le système nerveux périphérique et central, et sous forme de β-CGRP dans la transmission entérique. Le CGRP transmet ses effets principalement par ses interactions avec le récepteur du CGRP (5).

Le traitement prophylactique classique comprend un grand nombre de médicaments, dont les β-bloquants (métoprolol, propranolol*), les antiépileptiques (p. ex., le topiramate*), les antagonistes du Ca (flunarizine*) [*= autorisé en CH], les sartans (candésartan) et d’ autres antihypertenseurs ainsi que divers antidépresseurs. Cependant, ce n’ est qu’ au cours des 10 à 20 dernières années que de nouveaux médicaments antimigraineux (les gépants et les anticorps monoclonaux) ciblant le CGRP ou son récepteur ont été développés.

Gépants

Les premiers antagonistes spécifiques du CGRP, appelés gépants, ont montré une efficacité dans les crises de migraine aiguë. Le telcagépant a montré une bonne efficacité avec peu d’ effets secondaires lors de la phase III. Cependant, son utilisation permanente et quotidienne a révélé une hépatotoxicité, si bien que son développement a été interrompu (5). Deux représentants de cette classe récemment développés, le rimégépant et l’ ubrogépant, n’ ont pas montré d’ hépatotoxicité pertinente et ont été approuvés par la FDA pour le traitement des crises de migraine. Entre-temps, le potentiel de cette classe de substances en tant que traitement prophylactique a également été reconnu. La FDA a récemment approuvé l’ atogépant spécifiquement pour le traitement préventif de la migraine (6). Actuellement, l’ effet prophylactique du rimégépant est également étudié dans le cadre d’ une étude clinique (7).

Anticorps anti-CGRP

En raison de leur effet prolongé (demi-vie d’ environ 30 jours), les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont utilisés pour la prophylaxie spécifique des migraines épisodiques fréquentes et des migraines chroniques. Leur action vise à réduire la fréquence et/ou l’ intensité des crises de migraine ainsi que les symptômes associés à la migraine. Les anticorps anti-CGRP ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique, ce qui indique que l’ action thérapeutique dans la migraine se situe à la périphérie (5).

Dans la nouvelle déclaration de consensus, soutenue par la European Headache Federation et la European Academy of Neurology, les quatre anticorps monoclonaux érénumab, frémanézumab, galcanézumab et eptinézumab sont considérés comme un traitement préventif de troisième ligne (8). Le tableau 1 en donne un aperçu.

L’ un des avantages des anticorps monoclonaux CGRP par rapport aux prophylactiques classiques est leur rapidité d’ action : dès la première semaine pour l’ érénumab, le galcanézumab et le frémanézumab (9, 10, 11) et après un jour pour l’ eptinézumab (12). La toxicité hépatique potentielle comme celle des gépants et des interactions médicamenteuses hépatiques n’ ont pas été observées avec les anticorps (5).

L’ érénumab et le frémanézumab ont également été efficaces chez des patients migraineux chez lesquels 2 à 4 traitements préventifs antérieurs avaient échoué (13, 14). En outre, ils sont également utiles chez les patients souffrant de migraine chronique et de surconsommation de médicaments (11, 15, 16).

Depuis 2018, trois anticorps ont été autorisés en Suisse ; ils sont présentés ci-dessous. Pour ces trois préparations, une limitation (17) s’ applique, qui prescrit l’ utilisation d’ au moins 2 prophylaxies classiques de la migraine (bêtabloquants, antagonistes du calcium, anticonvulsants ou, pour le frémanézumab et le galcanézumab, également l’ amitriptyline). Tous les anticorps CGRP ne peuvent être prescrits que par des neurologues.

  • L’ érénumab (Aimovig®) cible le récepteur CGRP lui-même. Dans deux études cliniques de phase III, ARISE (18) et STRIVE (19), une réduction du nombre de jours de céphalées mensuelles a été obtenue. Entre-temps, une étude de suivi ouverte a permis de démontrer l’ efficacité à long terme (réduction de la fréquence des migraines et amélioration de la qualité de vie liée à la santé) et l’ innocuité de l’ érénumab dans la prévention des migraines pendant 5 ans (20). Les effets secondaires les plus fréquents sont des réactions au site d’ injection, une constipation, des crampes musculaires et des démangeaisons. Le dernier résumé des caractéristiques du produit de l’ érénumab a été mis à jour afin d’ informer les médecins et de mettre en garde les patients contre les cas de constipation modérée à sévère associés à des hospitalisations. La surveillance post-marketing a mis en évidence des cas d’ hypertension artérielle comme effet secondaire (22). L’ érénumab est administré une fois par mois à raison de 70 mg en injection sous-cutanée. Avec la limitatio adaptée, une dose de 140 mg par mois peut également être prescrite en cas de réponse insuffisante (21).
  • Frémanézumab (Ajovy®). Dans l’ étude multicentrique randomisée en double aveugle et en groupes parallèles FOCUS, le frémanézumab a obtenu une réduction cliniquement significative du nombre de jours de migraine, même chez les patients souffrant de migraine épisodique et chronique difficile à traiter (14). Il est également efficace dans les migraines épisodiques de haute fréquence, réduit les symptômes d’ accompagnement et le recours à la médication PRN (pro re nata), administée au besoin (23). Les effets secondaires les plus fréquents dans les études étaient la douleur, le durcissement et l’ érythème au site d’ injection. Depuis novembre 2020, un stylo prérempli est disponible en Suisse en plus de la seringue préremplie. Le patient peut choisir entre un dosage mensuel de 225 mg ou un dosage trimestriel : 3 x 225 mg (trois stylos prêts à l’ emploi). L’ application se fait par voie sous-cutanée (21). La limite a été adaptée au 01.11.2021.
  • Le galcanézumab (Emgality®). Dans deux études cliniques de phase III (EVOLVE-1 et EVOLVE-2), des injections mensuelles de galcanézumab pendant 6 mois ont entraîné une réduction significative des jours de céphalées migraineuses mensuelles par rapport au placebo. Le galcanézumab a permis de réduire significativement les jours de céphalées migraineuses aussi bien dans le groupe des migraines épisodiques de basse fréquence que dans celui des migraines épisodiques de haute fréquence (10). Les doses examinées dans les études ne différaient pas en termes d’ efficacité (24, 25). Cependant, dans l’ étude EVOLVE-2, les effets indésirables semblaient être un peu plus fréquents dans le bras de traitement à 240 mg (25). Les effets indésirables les plus fréquents selon les études d’ autorisation de mise sur le marché sont les douleurs et les réactions au site d’ injection. Le galcanézumab est administré une fois par mois à raison de 120 mg en injection sous-cutanée. Au début du traitement, une dose initiale unique de 240 mg (2 injections) doit être administrée (21).
  • Eptinézumab. Il s’ agit du seul anticorps monoclonal humanisé administré par voie intraveineuse qui bloque directement le CGRP. Il est administré tous les trois mois en perfusion intraveineuse. L’ eptinézumab a été approuvé par la FDA (février 2020).En Suisse, l’ autorisation de Swissmedic a été accordée en octobre 2021. Dans une étude randomisée et contrôlée par placebo (PROMISE-1), l’ administration unique de 100 et 300 mg d’ eptinézumab par voie intraveineuse sur une période de 12 semaines s’ est avérée significativement plus efficace que le placebo pour la prophylaxie de la migraine épisodique. L’ eptinézumab a été bien toléré (12). Chez les adultes souffrant de migraine, le profil de sécurité et de tolérance était favorable. La rhinopharyngite et les réactions d’ hypersensibilité sont les événements indésirables les plus fréquents (26).

Environ 20 à 30 % des patients ne répondent pas au traitement. De faibles pourcentages d’ anticorps neutralisants ont été trouvés chez les patients des groupes actifs dans les études, mais ils ne semblent pas avoir d’ influence sur les résultats cliniques, car leurs titres étaient très faibles (27).

Malgré un début d’ action généralement rapide, les anticorps doivent être utilisés pendant au moins trois à six mois à une dose maximale tolérée afin de pouvoir évaluer correctement leur efficacité. La quantification du succès du traitement peut se faire en

calculant le pourcentage de réduction des jours de migraine mensuels ou des jours de céphalées mensuels d’ intensité moyenne à forte (8). En Suisse, un traitement de 12 mois est suivi d’ une pause thérapeutique conformément à la Limitatio. Une interruption de plus longue durée, telle qu’ elle était initialement prévue, n’ est pas soutenue par les études actuelles (28).

Conclusion et perspectives : Tous les anticorps monoclonaux CGRP ont montré une bonne efficacité et une bonne tolérance dans les études cliniques, ainsi qu’ un profil de sécurité favorable. A l’ heure actuelle, il n’ existe aucune preuve de la supériorité d’ un seul anticorps par rapport aux autres pour les patients souffrant de migraine épisodique ou chronique. Des études récentes indiquent une efficacité de cette classe de médicaments dans le traitement d’ autres types de céphalées, comme la céphalée par abus médicamenteux, la céphalée en grappe (cluster headache), mais aussi les céphalées post-traumatiques.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 11_2021

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. (BG) Galina Stoyanova-Piroth

Neurologie & Neurorehabilitation, ZURZACH Care
Quellenstrasse 34
5330 Bad Zurzach

galina.stoyanova@zurzachcare.ch

Prof. Dr. med. Andreas R. Gantenbein

Facharzt Neurologie
Neurologie am Untertor
Erachfeldstrasse 2
8180 Bülach
www.neurologie-untertor.ch

andreas.gantenbein@zurzachcare.ch

Prof. Dr. med. Peter S. Sandor

RehaClinic Bad Zurzach und Universität Zürich
Schweiz

GS-P a reçu des bourses de voyage de Teva.

◆ Les patients présentant une fréquence ou une intensité élevée de crises de migraine ou de migraine chronique ont besoin d’ un traitement prophylactique de la migraine. Les médicaments classiques
utilisés en prophylaxie ne sont efficaces que chez une partie plutôt faible des patients.
◆ En Suisse, trois anticorps monoclonaux sont déjà disponibles pour la prophylaxie de la migraine épisodique (8 jours de migraine et plus par mois) ou chronique (15 jours de migraine et plus par mois) chez les adultes. Les jours de maux de tête doivent être consignés dans un journal pendant au moins trois mois pour que les frais soient remboursés. Les critères de limitation doivent être remplis.
◆ L’ utilisation d’ érénumab, de galcanézumab et de frémanézumab ne peut se faire pour l’ instant qu’ après l’ échec documenté d’ au moins deux autres médicaments pour la prophylaxie de la migraine ou en cas d’ intolérance à ceux-ci.
◆ La prescription et le suivi des anticorps monoclonaux doivent être effectués par un médecin spécialiste en neurologie, conformément
à la Limitatio.
◆ Lors du choix des préparations d’ anticorps, les préférences des patients en matière d’ effets secondaires et de fréquence d’ application peuvent être prises en compte.

1. GBD 2016 Neurology Collaborators. Global, regional, and national burden of neurological disorders, 1990–2016: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2016. Lancet Neurol. 2019; 18:459–480.
2. Katsarava Z, Mania M, Lampl C, et al. Poor medical care for people with migraine in Europe – evidence from the Eurolight study. J Headache Pain. 2018 Feb 1;19(1):10.
3. Headache Classification Committee of the International Headache Society. The international classification of headache disorders, 3rd edition. Cephalalgia. 2018;38:1–211.
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5. Edvinsson L, Warfvinge K. Recognizing the role of CGRP and CGRP receptors in migraine and its treatment. Cephalalgia. 2019 Mar;39(3):366-373.
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7. NCT0372368. Efficacy and safety trial of rimegepant for migraine prevention in adults. Available from: https:// clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT03732638
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10. Silberstein SD, Stauffer VL, Day KA, et al. Galcanezumab in episodic migraine: subgroup analyses of efficacy by high versus low frequency of migraine headaches in phase 3 studies (EVOLVE-1 & EVOLVE-2). J Headache Pain. 2019 Jun 28;20(1):75.
11. Silberstein S, Ashina S, Katsarava Z, et al. The impact of fremanezumab on medication overuse in patients with chronic migraine. Neurology. 2019;92 (15 Suppl):P1.10-026.
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Étude de cas pratique

Risque cardiovasculaire et risque rénal ?
Pour répondre à ces questions, le médecin généraliste a besoin de connaître les dernières études les plus importantes (études personnelles, formations continues). Quelles sont les directives concernant l’ hypertension, les lipides et le diabète ? Quelles sont les valeurs de la patiente, quelles sont les questions importantes à poser ? Quels médicaments ou combinaisons de médicaments sont remboursés par les caisses d’ assurance maladie ?

L’ HbA1c comme valeur de contrôle : un objectif thérapeutique important
Une bonne HbA1c est toujours importante pour éviter les complications micro et macrovasculaires. < 7.0 % chez les patients sans sulfonylurées et/ou insuline, idéalement < 6.5 % (si possible normal) sans risque d’ hypoglycémie. <8.0 % chez les patients âgés (>80 ans) et/ou en cas de comorbidités déjà manifestes (insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, maladies cardiovasculaires) et d’ insulinothérapie.

Prévention des lésions rénales et de la survenue d’ un infarctus du myocarde et d’ un accident vasculaire cérébral en cas de DT2 par le GLP-1-RA et les inhibiteurs du SGLT-2. Les GLP-1-RA augmentent la sécrétion d’ insuline et diminuent la sécrétion de glucagon. Ils ont un effet inhibiteur sur l’ appétit et entraînent une perte de poids. Les effets secondaires sont des nausées et des vomissements. Les inhibiteurs du SGLT-2 réduisent la réabsorption du glucose par les reins et augmentent ainsi la sécrétion de glucose (-70g/jour). Les effets secondaires des inhibiteurs du SGLT-2 sont des infections du tractus génital, un volume cardiaque plus important de 300 à 500 ml et une acidocétose (manque d’ insuline).

Situation en Suisse en 2021
1. Manque d’ insuline chez environ 25 % de tous les patients. Question la plus importante, devrait toujours être posée !
2. eGFR <60ml/min : env. 25 % de tous les patients. Néphroprotection par inhibiteur du SGLT-2, GLP-1-RA.
3. Maladie cardiovasculaire : env. 20-25 % de tous les patients, env. 50 % asymptomatiques, diagnostic difficile dans la pratique, inhibiteur du SGLT-2, GLP-1-RA
4. Insuffisance cardiaque env. 10 % de tous les patients, asymptomatique chez env. 25 %, diagnostic difficile dans la pratique, inhibiteurs du SGLT-2. (HFrEF ¼, HFpEF ¾).

Quel traitement initial contre le diabète ? Metformine + inhibiteur SGLT-2 ou Metformine + GLP-1-RA ?
En ce qui concerne la MACE, les deux combinaisons présentent les mêmes avantages, la néphroprotection est un peu plus marquée avec les inhibiteurs du SGLT-2 ; en cas d’ AVC, seule la combinaison avec les GLP-1-RA présente un avantage, en cas d’ insuffisance cardiaque, seule celle avec les inhibiteurs du SGLT-2 en présente un. La perte de poids est plus marquée avec les GLP-1-RA qu’ avec les inhibiteurs du SGLT-2, un traitement oral n’ existe que pour les GLP-1-RA.
Tous les avantages parlent en faveur d’ une combinaison GLP-1- RA + inhibiteur du SGLT-2.

Place des inhibiteurs de la DPP-4 : le résumé des critères d’ évaluation primaires des études portant sur les inhibiteurs de la DPP-4 ne révèle aucun effet sur la MACE.
Pourquoi les inhibiteurs de la DPP-4 sont-ils malgré tout si souvent utilisés ?
Les inhibiteurs de la DPP-4 réduisent l’ HbA1c de manière fiable. Ils réduisent ainsi également les complications micro et macrovasculaires (sur une période prolongée). Les inhibiteurs de la DPP-4 n’ ont pas d’ effets secondaires et peuvent être prescrits facilement. Ils ne provoquent pas d’ hypoglycémies ni de prise de poids. Ils constituent une alternative (2e choix) pour le GLP-1-RA (IMC <28). Ils devraient être remplacés progressivement par le GLP-1-RA (également par voie orale).

Recommandations essentielles pour les internistes généralistes (SGED/SSED 2020)
Il est très important de motiver les patients à changer leurs habitudes de vie. Le traitement doit être multifactoriel. En première ligne, il est recommandé d’ utiliser la metformine + le GLP-1-RA ou la metformine + l’ inhibiteur du SGLT-2, en deuxième ligne + l’ inhibiteur du SGLT-2 (en première ligne, metformine + GLP-1-RA) ou + le GLP-1-RA. En troisième ligne, dans les deux cas, + insuline basale ou sulfonylurées (gliclazide). Ensuite, bolus basal d’ insuline ou insuline mixte. Poursuivre avec metformine, inhibiteurs SGLT-2, GLP-1 RA. Arrêt des sulfonylurées et des inhibiteurs de la DPP-4.

(Chez les patients présentant un risque cardiovasculaire faible à modéré ou sans facteurs de risque, les inhibiteurs de la DPP-4 ou les sulfonylurées (gliclazide de préférence) peuvent être utilisés).
Mais les autres facteurs de risque, l’ hypertension et les lipides doivent également être traités. Par rapport à l’ hypertension et au diabète, le LDL-cholestérol fait l’ objet de beaucoup moins d’ attention (objectifs atteints respectivement à 72%, 81% et 20%). Une réduction du LDL-cholestérol sur 50 ans (études de randomisation de Mendel) réduit le risque relatif d’ événement cardiovasculaire d’ environ 50 à 55% par mmol/l de LDL-cholestérol.

Le traitement d’une dyslipidémie comprend un changement de régime alimentaire (moins de glucides et d’alcool), plus d’ exercice physique et, si nécessaire, l’ utilisation d’ une statine. Le changement de régime alimentaire et la limitation de l’ alcool réduisent surtout les triglycérides. Les directives de l’ ESC recommandent, en cas de risque modéré, une valeur cible de LDL-C <2.6mmol/l (I/A)), en cas de risque élevé <1.8mmol/l et au moins 50 % de réduction du LDL-cholestérol (I/A). En cas de risque très élevé <1.4mmol/l et 50 % de réduction du LDL-cholestérol (I/B). Les statines sont le traitement de 1ère ligne privilégié (I/A) ; si l’ objectif n’ est pas atteint, ajout d’ ézétimibe (I/B) et en cas de risque très élevé statine à la dose maximale et ézétimibe ou en cas d’ intolérance aux statines, ajout d’ un inhibiteur de PCSK9 (I/A).

Le traitement optimal chez notre patiente avec un DT2
comprend un IEC + Ca-bloquant (Coveram® 10/10 1-0-0),
statine + ézétimibe (rosuvastatine /ézétimibe 20/10 1-0-0), arrêt inhibiteur de la DPP-4, metformine + inhibiteur du SGLT-2 (Xigduo®XR 10/1000 1-0-0 Jardiance® Met 5/500 1-0-1), GLP-1 RA
(Ozempic® 1 mg/semaine).

Résultats après 4 mois :
Tension artérielle 137/76 mmHg 🙂
LDL-C 1.5 mmol/l 🙂
HbA1c 6.9 % 🙂
Perte de poids 6 kg 🙂

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

Les antihistaminiques ne sont pas toujours efficaces

Un certain nombre de maladies systémiques et diverses affections cutanées s’ accompagnent de démangeaisons. L’ administration d’ un antihistaminique n’ est utile que si les mastocytes, c’ est-à-dire l’ histamine, sont responsables des démangeaisons. Ce qui n’ est pas le cas pour la dermatite atopique.

L’ éventail des maladies qui s’ accompagnent de démangeaisons est large. En principe, on distingue les causes dermatologiques et les causes systémiques. Ces dernières comprennent le diabète sucré, l’ insuffisance rénale chronique, les néoplasies hématologiques comme la polycythaemia vera, les paranéoplasies, les maladies hépatiques cholestatiques et les neuropathies. Du point de vue dermatologique, il convient de distinguer si le prurit se développe sur une peau primitivement inchangée ou primitivement modifiée, c’ est-à-dire en cas de dermatose. « Mais des lésions secondaires dues au grattage peuvent prédominer, de sorte qu’ il n’ est pas possible de les classer précisément dans l’ un des deux groupes », explique le Pr Thomas M. Kündig de Zurich. Il y a aussi des patients chez qui il y a plus d’ une cause (prurit multifactoriel) ou chez qui on ne trouve pas de cause (prurit sine materia), a-t-il ajouté.

Dermatite atopique : le dupilumab est une approche thérapeutique novatrice

La dermatite atopique est la maladie inflammatoire chronique de la peau la plus fréquente. Environ 30 % des patients présentent une forme modérée ou sévère. Le facteur de risque le plus important est une anamnèse familiale positive, c’ est-à-dire que le taux d’ héritabilité est exceptionnellement élevé (80 %). Les facteurs physiopathologiques décisifs sont un trouble de la barrière épidermique et une dysrégulation immunitaire. On constate ainsi une diminution de l’ expression des protéines de la barrière épidermique, qui agissent comme des protéines de liaison entre les cellules. La diminution de l’ expression de ces protéines structurelles peut être causée par des mutations de la filaggrine. De telles mutations de la filaggrine provoquent une ichtyose vulgaire, qui augmente à son tour le risque de dermatite atopique. Mais une composition altérée des céramides épidermiques joue également un rôle. Le dysfonctionnement de la barrière épidermique entraîne une modification du microbiome cutané, notamment de la composition des staphylocoques. Les staphylocoques ne sont certes pas la cause de la dermatite atopique, mais ils en sont les principaux déclencheurs.

Les cellules T jouent un rôle central dans la dysrégulation immunitaire cutanée. Ainsi, des signes d’ inflammation de type 2 sont déjà présents dans la peau non lésionnelle et cette inflammation augmente nettement dans les lésions. Mais chez les patients atteints de dermatite atopique, les taux de marqueurs pro-inflammatoires dans le sérum sont également élevés, ce qui indique une inflammation systémique.

Avec l’ anticorps monoclonal entièrement humain dupilumab (Dupixent®), une nouvelle approche thérapeutique ciblée est disponible pour la première fois. Il est dirigé contre la chaîne alpha des interleukines 4 et 13 et bloque ainsi l’ action de ces deux cytokines au niveau du récepteur. La substance est appliquée toutes les deux semaines à raison de 300 mg. Les lignes directrices 2018 de l’ EDF recommandent le dupilumab chez les patients souffrant d’ eczéma atopique modéré ou sévère, pour lesquels un traitement topique n’ est pas suffisant et un autre traitement systémique n’ est pas indiqué. Un tiers d’ entre eux ne présentent plus de symptômes sous monothérapie ; pour les autres, le traitement topique doit être poursuivi avec un stéroïde ou un inhibiteur de la calcineurine. L’ effet maximal sur les efflorescences est atteint au bout d’ un mois seulement, tandis qu’ il faut un peu plus de temps pour les démangeaisons. « L’ administration d’ un antihistaminique n’ est pas efficace dans la dermatite atopique, car l’ histamine n’ a pas d’ importance dans la pathogenèse », explique le Pr Kündig.

Urticaire chronique : toujours un antihistaminique de 2ème génération

L’ urticaire est l’ apparition induite ou spontanée de papules œdémateuses et/ou d’ un angio-œdème. Alors que les papules se caractérisent par un gonflement central du derme supérieur et moyen et un érythème, et qu’ elles provoquent des démangeaisons ou une sensation de brûlure et disparaissent dans les 24 heures, l’ angio-œdème, qui se caractérise par un gonflement du derme et de l’ hypoderme, est douloureux et peut durer jusqu’ à 72 heures. L’ urticaire peut, mais ne doit pas nécessairement, être l’ expression d’ une allergie, les médicaments et les aliments étant les déclencheurs les plus fréquents. L’ urticaire induite par des stimuli physiques (frottement, froid, pression, chaleur, lumière, vibration) et l’ urticaire aquagénique ou de contact sont plus rares.

S’ il n’ y a pas de facteur déclenchant, on parle d’ urticaire spontanée. Si celle-ci dure plus de six semaines, le diagnostic est « urticaire chronique spontanée ». Cette maladie, qui n’ a rien à voir avec une allergie, apparaît généralement entre 20 et 40 ans, avec une prévalence à vie d’ environ 2 %. Chez 60 % des patients, elle se manifeste uniquement par des papules, chez 33 % par des papules œdémateuses et des angio-œdèmes et chez 6 % par des angio-œdèmes uniquement. Les papules peuvent se manifester de manière répétée pendant de nombreuses années, mais elles n’accompagnent pas le patient toute sa vie. Il convient en premier lieu d’ établir un diagnostic différentiel entre ce tableau clinique et d’ autres maladies similaires telles que la mastocytose, la vascularite, l’ angio-œdème héréditaire, etc.

Les mastocytes sont les cellules clés dans la pathogenèse de la réaction urticarienne. Ils peuvent être activés par des allergènes exogènes, mais aussi par des auto-antigènes, on parle alors d’ urticaire auto-immune ou auto-allergique. Mais des infections chroniques, surtout dans les domaines dentaire, oto-rhino-laryngologique ou gastro-intestinal, comme Helicobacter pylori, peuvent également déclencher une urticaire chronique spontanée. Il en va de même pour l’ intolérance non allergique aux conservateurs et aux colorants dans les aliments ou aux médicaments comme les AINS. Dans environ 80% des cas, on ne parvient pas à trouver la cause réelle malgré des efforts intensifs. Il est toutefois judicieux d’ arrêter les médicaments suspects comme les analgésiques et d’ éviter d’ autres déclencheurs comme le stress.

L’ urticaire chronique spontanée n’ est pas un trouble de l’ état général. Au contraire, la qualité de vie est fortement compromise. Les personnes concernées ne se plaignent pas seulement de démangeaisons atroces, mais aussi de troubles du sommeil et de la concentration, de stigmatisation et de restriction des relations sociales. Comme il n’ existe pas de traitement causal, il ne reste que le traitement symptomatique. Les anthistaminiques constituent le traitement de base. En raison de leur effet secondaire sédatif, seuls ceux de la deuxième génération (desloratidine, loratidine, cétirizine, lévocétirizine, fexofénadine, ébastine, rupatadine) devraient être utilisés aujourd’ hui. Cela vaut également pour les femmes enceintes et les enfants. Si aucune amélioration n’ est obtenue après 2 semaines avec la posologie standard, la posologie doit être augmentée jusqu’ à 4 fois. Selon Kündig, les antihistaminiques de la première génération ne devraient plus être prescrits aujourd’ hui, et ce en raison de leur effet secondaire sédatif. En effet, celui-ci n’ entraîne pas une amélioration de la qualité du sommeil, mais même une détérioration, car les phases REM, importantes pour la récupération, sont supprimées. Pour les cas réfractaires, il existe un anticorps monoclonal contre les IgE, l’ omalizumab, qui est déjà utilisé avec succès depuis de nombreuses années pour traiter l’ asthme bronchique réfractaire. Il est également possible d’ essayer un traitement au montelukast ou à la ciclosporine A. En revanche, un traitement continu par stéroïdes n’ est pas judicieux.

Chez les patients souffrant de fortes démangeaisons sans cause, il est recommandé d’ administrer un anticonvulsivant comme la gabapentine ou la prégabaline et/ou un antidépresseur. La capsaïcine, un alcaloïde présent dans différentes espèces de piments, et le polidocanol, un anesthésique local, sont des agents thérapeutiques topiques disponibles.

Dr. med.Peter Stiefelhagen

Des antibiotiques recommandés sont le plus souvent utilisés

Après les infections respiratoires, les infections urinaires sont la deuxième raison la plus fréquente pour laquelle un antibiotique est prescrit dans la pratique. Il ne faut pas oublier que l’ utilisation d’ un antibiotique a un impact sur le développement de la résistance. De manière générale, on observe également une augmentation des bactéries résistantes dans le setting ambulatoire.

En Suisse, le développement de la résistance aux antibiotiques est surveillé au niveau régional et national (https://www.anresis.ch/fr/).  « Mais les taux de résistance officiels ne correspondent pas à ceux de la vie réelle », explique le Pr Oliver Senn, Zurich. Ainsi, les infections urinaires compliquées, les récidives et les échecs thérapeutiques sont surreprésentés.

Quels sont les facteurs de risque ?

Dans le cadre d’ une étude de surveillance active, une culture d’ urine unique a été réalisée chez 1352 patients. Celle-ci était positive dans 87,6 % des cas, E. coli étant l’ agent pathogène le plus fréquent avec 75 % de toutes les cultures positives. L’ âge du patient, une prise d’ antibiotiques au cours des trois derniers mois et des antécédents de voyage, notamment en Afrique, se sont avérés être des facteurs de risque de résistance aux antibiotiques de première ligne. De manière surprenante, une hospitalisation au cours des six derniers mois et des infections urinaires antérieures ne se sont pas révélées être des facteurs de risque.

Trop souvent des antibiotiques

Il est indéniable qu’ une utilisation inappropriée des antibiotiques favorise le développement de résistances. « Les preuves disponibles suggèrent que la proportion de prescriptions inappropriées d’ antibiotiques est très élevée dans les infections urinaires », explique l’ orateur. Chez les femmes, elle est de 47,3 %. Mais elle est encore nettement plus élevée pour les refroidissements (88,7 %) et les bronchites aiguës (74,3 %).

Avec la nitrofurantoïne, la fosfomycine et le bactrim, trois antibiotiques efficaces sont disponibles pour un traitement empirique. Les taux de résistance d’ E. coli à ces antibiotiques de première ligne sont faibles. Les données issues de la pratique quotidienne montrent qu’ aucun antibiotique n’ est prescrit chez seulement 7,3 % des patients souffrant d’ une infection des voies urinaires, un seul antibiotique dans 92,2 % des cas et deux antibiotiques dans 0,4 % des cas. En ce qui concerne le choix de l’ antibiotique, la fosfomycine arrive en tête avec 44,7 %, suivie du TMP/SMX avec 25,8 % et de la nitrofurantoïne avec 14,5 %. 13,8 % ont reçu une quinolone, le plus souvent de la norfloxacine. Au total, 84,7 % ont reçu l’ un des trois antibiotiques recommandés en première ligne. « Dans la majorité des cas, des antibiotiques conformes aux guidelines sont prescrits pour les infections urinaires non compliquées, mais trop de quinolones sont encore utilisées dans le traitement empirique », a déclaré le Pr Senn.

Le traitement de première ligne consistait en R-ACVBP (n = 57 %), R-CHOP14 (24 %) ou R-CHOP21 (18 %) et en des stratégies de consolidation selon des modalités variables par rapport à la durée et l’  institution, étant principalement guidées par TEP-CT. Après un suivi médian de 44 mois, le R-CHOP21 est apparu inférieur aux régimes intensifiés (survie sans progression à 3 ans  : 74 % pour le R-CHOP21, 89 % pour le R-CHOP14, 89 % pour le R-ACVBP).

Dr. med.Peter Stiefelhagen