À partir de quand cela devient-il dangereux ?

Une action diagnostique et thérapeutique immédiate n’ est pas nécessaire pour chaque thrombocytopénie. Mais si des symptômes indiquent une tendance aux hémorragies, il faut agir rapidement.

Le dépistage d’ une thrombocytopénie s’ apparente à un processus circonstanciel, il faut rechercher des signes de preuve afin de pouvoir confondre le coupable. Toutes les thrombocytopénies ne sont pas dangereuses. Ce n’ est que lorsque les valeurs sont inférieures à 30 000/µl qu’ il existe un risque accru d’ hémorragie. Les symptômes typiques qui doivent toujours faire penser à une thrombocytopénie sont les hématomes sans explication, les hémorragies secondaires lors de blessures ou après une opération et les pétéchies. «Mais une thrombocytopénie peut aussi se manifester sous la forme d’ une thrombose, par exemple dans le cas d’ une thrombocytopénie induite par l’ héparine», explique le Pr Jörg Halter. Il n’ est pas rare qu’ en cas de thrombocytopénie, les deux autres séries de cellules soient également touchées, de sorte que l’ anémie ou la tendance aux infections sont au premier plan.

Mais avant de poursuivre l’ examen d’ une thrombocytopénie, il convient d’ exclure une pseudo-thrombocytopénie. Une telle « maladie de laboratoire » se retrouve chez 0,1 % de la population. Les anticorps antiplaquettes EDTA-dépendants  sont responsables d’ un taux de plaquettes faussement bas. Lors d’ un contrôle dans un tube citraté ou au microscope, les plaquettes sanguines sont alors à nouveau normales.

Symptomatique ou asymptomatique ?

Une thrombocytopénie symptomatique doit toujours être examinée. La situation est différente chez les patients asymptomatiques. En l’ absence de symptômes, une recherche de la cause n’ est obligatoire en premier lieu que si les valeurs plaquettaires sont inférieures à 100 000/µl ou en présence d’ une bi- ou d’ une tricytopénie. Si les valeurs sont > 100 000/µl, il faut d’ abord procéder à des contrôles. Si les valeurs restent dans cette fourchette, on peut d’ abord continuer à attendre et contrôler à nouveau plus tard.

Trouble de la formation ou consommation accrue ?

Une thrombocytopénie ne peut en principe être causée que par deux mécanismes pathogéniques : Un trouble de la formation ou une consommation accrue. Les causes qui entraînent un trouble de la formation sont les suivantes :

  • Lésion de la moelle osseuse par des médicaments ou de l’ alcool, notamment des cytostatiques
  • Infiltration ou refoulement de la moelle osseuse par une néoplasie hématologique ou une
  • Carcinose de la moelle osseuse due à des tumeurs solides
  • Myélofibrose
  • Syndromes myélodysplasiques
  • Hypo- ou aplasie de la moelle osseuse
  • Carence sévère en vitamine B12 ou en fer
  • Défauts génétiques rares
  • Thrombocytopénie immunitaire (PTI).

« Une consommation accrue de plaquettes est presque toujours d’ origine immunologique », explique le Pr Halter. Les causes sont généralement les médicaments, plus rarement les maladies auto-immunes, le syndrome des antiphospholipides, les syndromes d’ immunodéficience, les lymphomes ou la LLC, les infections (hépatite, VIH) et les vaccinations. Ce n’ est que lorsqu’ une telle thrombocytopénie immunitaire secondaire a été exclue que l’ on peut poser le diagnostic de « thrombocytopénie immunitaire primaire (PTI) ». En ce qui concerne les médicaments, il faut citer en premier lieu les préparations à base d’ héparine, qui peuvent déclencher une thrombocytopénie induite par l’ héparine. La thrombocytopénie après administration d’ un inhibiteur de la GP IIb / IIIa, la thrombocytopénie post-transfusionnelle, la thrombocytopénie associée à la grossesse et la thrombocytopénie néonatale sont plus rares.

Les causes de la thrombocytopénie de consommation non immunologique rare sont les suivantes: la coagulopathie de consommation, le syndrome de von Willebrand, l’ embolie pulmonaire massive, les gros hémangiomes et les gros anévrismes. La perte de plaquettes peut également entraîner une thrombocytopénie en cas de splénomégalie ou d’ hémorragie massive.

Microangiopathie thrombotique

Le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa), également appelé microangiopathie thrombotique, est une maladie rare qui n’ est souvent pas diagnostiquée. La cause en est une activité excessive et incontrôlée du système du complément, génétiquement déterminée, qui peut être induite, en cas de prédisposition génétique, par différents déclencheurs tels que les infections, les vaccinations et la grossesse. Cette activité excessive du système complémentaire entraîne un dysfonctionnement endothélial suivi de la formation de thrombus et d’ une hémolyse. Cela entraîne à son tour des troubles de la circulation sanguine, tous les organes vitaux pouvant être touchés, en particulier les reins, le cœur, les poumons et le SNC. Les symptômes les plus courants sont l’ hémolyse avec anémie, la thrombocytopénie et l’ insuffisance rénale. De nombreuses personnes atteintes ont besoin d’ une dialyse ou même d’ une transplantation rénale.

Aussi en cas de COVID-19

Les résultats de nouvelles études montrent qu’ une infection par le COVID-19 peut également entraîner une activation excessive du système du complément et donc déclencher une microangiopathie thrombotique. De nombreux paramètres génétiques et sérologiques du système du complément (C3, CD46, DGKE et CFH) ont été analysés chez 60 patients, dont 20 avec une évolution très grave et 11 avec une évolution fatale, afin de pouvoir identifier des prédicteurs fiables d’ une évolution critique de la maladie. Par exemple, les malades en phase critique présentaient plus souvent que la moyenne un ADAMTS13 pathogène. L’ objectif de ces activités de recherche est de pouvoir identifier de manière précoce et fiable les patients atteints de COVID-19 qui peuvent bénéficier d’ une inhibition du complément au moyen d’ anticorps monoclonaux.
L’ objectif du traitement de la microangiopathie thrombotique est de rétablir l’ équilibre du système du complément. Outre la plasmaphérèse, on dispose pour ce traitement d’ anticorps monoclonaux (éculizumab et ravulizumab) qui se lient au composant C5 du complément. Cela empêche le clivage du C5 et réduit ainsi l’ hémolyse.

PTI – comment la traiter ?

On distingue trois stades dans la PTI :

  • Stade nouvellement diagnostiqué : au cours des 3 derniers
    mois avec rémission spontanée fréquente.
  • Stade persistant : 3 à 12 mois, rémission spontanée plus rare
  • Stade chronique : > 12 mois, rémission spontanée peu probable.

En cas de taux de plaquettes supérieur à 20 000 à 30 000 / µl et d’ absence ou de faible tendance aux saignements, il est recommandé de «watch & wait». Alternativement, un traitement par stéroïdes peut être mis en place, la dexaméthasone étant la préparation de choix. Si une récidive se produit ou si le stéroïde ne permet pas d’ obtenir une rémission, il convient de réévaluer l’ indication du traitement. En l’ absence de saignements ou en cas de saignements minimes, un watch and wait est également justifiable. Chez les patients sous traitement, il convient d’ utiliser un agoniste des récepteurs de la thrombopoïétine ou de soumettre le patient à une splénectomie. En cas d’ hémorragies graves, des immunoglobulines i.v. ou des corticostéroïdes sont toujours indiqués et, en cas d’ hémorragies mettant la vie en danger, il convient d’ envisager en outre des concentrés de plaquettes, des agonistes des récepteurs de la thrombopoïétine ou le rituximab.

Dr. med.Peter Stiefelhagen

Les troubles olfactifs s’ accompagnent d’ une augmentation de la mortalité

Les troubles de l’ odorat (hyposmie ou anosmie) n’ affectent pas seulement la qualité de vie. Ils ont également une incidence sur le pronostic.

Le thème des troubles de l’ odorat et du goût est particulièrement d’ actualité et pertinent à l’ époque de COVID-19 ; en effet, jusqu’ à 60% des personnes infectées se plaignent de tels troubles. Ils nécessitent en principe toujours un examen ORL ou neurologique, même s’ ils peuvent être l’ expression d’ un processus de vieillissement.

Les causes les plus fréquentes des troubles olfactifs sont :

  • traumatismes crâniens ou cérébraux avec impact occipital ou frontal (anosmie traumatique)
  • obstruction de la fente olfactive par des polypes ou des tumeurs, respiration par la bouche, trachéotomie, laryngectomie (anosmie respiratoire)
  • Anosmie neurodégénérative en cas de démence ou de syndrome de Parkinson
  • Anosmie virale ou postvirale, surtout en cas de virus Covid-19 et parainfluenza (anosmie essentielle)
  • Troubles olfactifs induits par des médicaments
  • Troubles olfactifs dus à des substances nocives
  • Trouble olfactif d’ origine centrale, par ex. en cas de tumeurs cérébrales frontales
  • Troubles olfactifs congénitaux.

Les troubles olfactifs sont importants pour le pronostic. Cela a pu être démontré dans une série d’ études. «Les personnes concernées décèdent dans le cadre d’ une maladie de Parkinson ou d’ une démence», explique la Pre Antje Welge-Lüssen. Les troubles neurodégénératifs de l’ odorat ne sont accessibles ni à un traitement causal ni à un traitement symptomatique. En cas d’ anosmie post-virale, un entraînement olfactif est recommandé.

Dr. med.Peter Stiefelhagen

Un tableau clinique diffus

«Long Covid» est un ensemble de troubles dans le sens d’une convalescence retardée après un traitement intensif avec un syndrome d’épuisement inhabituel sans substrat organique certain, une dépression réactive et des troubles neurologiques ou neuropsychiatriques au-delà de trois mois après le traitement aigu.

En cas de maladie COVID-19 symptomatique, on distingue trois formes d’évolution :

  • Infection aiguë : symptômes < 4 semaines
  • Infection symptomatique persistante : symptômes 4 – 12 semaines après l’infection aiguë
  • post-COVID-19 : symptômes persistant > 12 semaines.

Selon la Pre Nina Khanna, l’infection aiguë évolue en trois stades

  • Stade 1 : infection précoce avec réplication virale
  • Stade 2 : phase pulmonaire
  • Stade 3 : phase hyperinflammatoire.

20 % des personnes infectées sont asymptomatiques, 80 % présentent une évolution légère, 14% une évolution sévère et 5% une évolution critique avec une mortalité comprise entre 20 et 70 %.

Le syndrome de Long-Covid-19 peut toucher tous les patients infectés, mais il est plus fréquent et plus long chez les patients hospitalisés. La question se pose de savoir si les symptômes sont spécifiques au COVID-19 ou s’ils ne le sont pas, comme ils peuvent également survenir après des infections graves ou des maladies nécessitant un traitement intensif ; en effet, il existe un chevauchement avec le syndrome de « fatigue chronique » ou ce que l’on appelle « l’encéphalopathie myalgique », c’est-à-dire le syndrome de fatigue post-virale ou post-infectieuse, qui se manifeste également de temps à autre après d’autres infections (infection à EBV, maladie de Lyme, fièvre Q). Les symptômes typiques de ce dernier sont une limitation fonctionnelle dans la vie quotidienne ou professionnelle, un sommeil non réparateur, des troubles cognitifs, une intolérance orthostatique, des céphalées, des douleurs dans les membres, des douleurs musculaires circonscrites et des allergies multiples. Il peut donc être très difficile de faire la distinction avec le COVID long.

Pas une rareté

Entre-temps, de plus en plus d’observations montrent que chez un certain nombre de patients, des troubles persistent même après 6 mois et plus, qui ne sont pas strictement corrélés avec la gravité initiale de la maladie ni avec le modèle initial de troubles. C’est ainsi que l’on a constaté un taux élevé de syndromes d’épuisement et de troubles neurocognitifs difficilement explicables d’un point de vue organique chez des adultes d’âge moyen, par ailleurs en bonne santé, qui exerçaient une activité professionnelle à plein temps avant leur infection par le COVID-19, mais qui sont aujourd’hui limités à long terme ou même incapables de travailler. Dans une étude chinoise portant sur 1 733 patients, 63 % se sont plaints de fatigue, 26% de troubles du sommeil et 23 % d’une humeur anxieuse et dépressive après six mois. Lors de l’examen de la fonction pulmonaire, 22% présentaient un trouble de la diffusion et près de 30% une diminution de la distance de marche de 6 minutes. Dans une étude britannique, des troubles persistants ou épisodiques récurrents ont été constatés chez 14%, et trois clusters phénotypiques ont été décrits :

  • Troubles sensoriels tels que troubles du goût et de l’odorat, manque d’appétit, troubles visuels
  • Troubles neurologiques tels qu’oublis, troubles de la mémoire à court terme, confusion mentale
  • Symptômes cardio-respiratoires tels qu’oppression ou douleur thoracique, dyspnée d’effort, fatigue, épuisement, dyspnée de repos ou d’effort, palpitations cardiaques.

En ce qui concerne la fréquence, jusqu’à 20 % des patients se plaignent encore d’au moins un symptôme après 3 mois, chez les patients hospitalisés, ce chiffre atteint 50 % et chez les patients traités en soins intensifs, il dépasse même 70 %. Les plaintes les plus fréquentes concernent la fatigue persistante, les maux de tête, la toux et les douleurs thoraciques. Les facteurs de risque d’un syndrome COVID-19 long se sont avérés être un âge avancé, le sexe féminin, des comorbidités et ≥ 5 symptômes au cours de la première semaine. Les observations de l’évolution montrent que dans un tiers des cas, la capacité de diffusion est encore limitée après 12 semaines et que dans 60% des cas, on trouve encore des résidus au scanner. «Si les troubles persistent au-delà de douze semaines, ces patients nécessitent un contrôle multidisciplinaire », explique la Pre Khanna. En cas d’évolution non compliquée, un contrôle n’est toutefois pas nécessaire.

Dr. med.Peter Stiefelhagen

Cœur d’athlète ou cardiomyopathie ?

Le cœur des sportifs peut simuler une cardiomyopathie. Mais la plupart du temps, ce n’est le cas que chez les sportifs de haut niveau. Pour pouvoir distinguer un cœur d’athlète d’une cardiomyopathie, il est nécessaire d’effectuer un diagnostic complet, y compris la détermination de la réserve de charge ventriculaire.

Des événements actuels lors du championnat d’Europe de football de cette année ont une fois de plus attiré l’attention des médias sur le thème de la mort cardiaque aiguë chez les sportifs. La principale cause de mort cardiaque subite chez les athlètes est la cardiomyopathie hypertrophique, suivie par les canalopathies comme le syndrome du QT long ou le syndrome de Brugada. « Mais la cardiomyopathie dilatée, restrictive, arythmogène du ventricule droit et la cardiomyopathie sans compression peuvent également être à l’origine de l’effondrement soudain d’un athlète », a expliqué le Pr Arno Schmidt-Trucksäss. La plupart du temps, un tel événement tragique est la première manifestation de la maladie, les patients ne s’étant pas fait remarquer auparavant. Or, chez les sportifs en particulier, la cardiomyopathie peut facilement passer inaperçue, c’est-à-dire que les modifications peuvent être interprétées à tort comme un cœur de sportif, ce qui peut avoir des conséquences fatales.

Similitudes avec les cardiomyopathies

La pression et le volume intermittents induits par le sport peuvent entraîner une dilatation des quatre cavités cardiaques. Il en résulte une hypertrophie ventriculaire gauche, avec une corrélation avec le volume d’entraînement. Il n’est pas rare que ces changements s’accompagnent de modifications de l’ECG, mais il peut être difficile de les distinguer d’une cardiomyopathie. Les athlètes d’endurance, en particulier, peuvent développer des modifications sous la forme d’une dysplasie du ventricule droit. Le ventricule droit est souvent dilaté, mais présente encore une fraction d’éjection ventriculaire droite presque normale. L’ECG montre souvent un bloc de branche droit ou des négativations en T au-dessus de la paroi antérieure. Dans un premier temps, cela peut déjà ressembler à une dysplasie ventriculaire droite arythmogène.

Critères de la CVDA

La cardiomyopathie ventriculaire doite arythmogène (CVDA) est une maladie génétique, c’est-à-dire qu’il existe une mutation dans le gène qui code pour les desmosomes. Il en résulte une perte des myocytes et une fibrose du myocarde avec des dépôts de graisse. L’électrocardiogramme montre différentes modifications et il n’est pas rare qu’un bloc de branche gauche apparaisse. Pour établir le diagnostic, des critères mineurs et majeurs sont exigés. Il s’agit notamment de la diminution de la FE du ventricule droit, de la mise en évidence de troubles de la mobilité de la paroi et/ou d’une dilatation du ventricule droit et de modifications de l’ECG. Le problème est que de nombreux sportifs remplissent ces critères sans être malades. Le volume du ventricule droit à lui seul est souvent de 230 ml chez les sportifs de haut niveau, ce qui constitue en fait un critère pour la CVDA. Pourtant, une onde epsilon n’a encore jamais été décrite chez les sportifs. En revanche, des négativations T biphasiques et une dilatation ventriculaire droite ou même biventriculaire peuvent également se produire chez les sportifs, de sorte que ces seuls critères ne permettent pas de poser le diagnostic de CVDA.
Une échocardiographie de stress peut être réalisée afin de déterminer si le ventricule droit peut adapter sa fonction en cas d’augmentation de l’effort ou s’il existe une réserve d’effort réduite. Cette dernière hypothèse est plutôt en faveur d’une CVDA.

Recommandations pour la pratique

Dans la pratique, deux paramètres ont fait leurs preuves pour distinguer le cœur d’athlète de la CVDA en cas de détection d’une dilatation du ventricule droit :

  • Le nombre d’heures de sport pratiquées est indicatif, voire décisif. Chez les sportifs qui ne s’entraînent pas plus de 3 ou 4 heures par semaine, il est peu probable que la dilatation du ventricule droit soit l’expression d’un effort sportif. Il faudrait probablement 20 heures par semaine à pleine charge pour déclencher une dilatation du ventricule droit comme expression du cœur du sportif.
  • Les négativations T au-dessus de la paroi antérieure sont très fréquentes chez les sportifs et ne peuvent donc pas être utilisées comme critère CVDA. Mais chez les sportifs symptomatiques ou chez les sportifs ayant des antécédents familiaux ou une mort cardiaque subite inexpliquée, il faut penser à une CVDA en cas de détection d’un ventricule droit anormal et la vérifier par un test génétique.
Dr. med.Peter Stiefelhagen

Pancréatite aiguë

Le diagnostic de la pancréatite aiguë repose sur les enzymes (lipase, amylase) et l’imagerie. Cependant, les enzymes ne sont pas très spécifiques. Il est important, également en vue de la prise en charge thérapeutique, d’évaluer rapidement le pronostic.

La pancréatite aiguë est l’une des affections abdominales les plus fréquentes conduisant à une hospitalisation d’urgence. L’incidence est de 34/100 000. Les causes les plus fréquentes de pancréatite aiguë sont les calculs biliaires et l’alcool, ce dernier nécessitant également un déterminisme génétique. Les causes plus rares sont l’hypertriglycéridémie, l’hypercalcémie, les médicaments, le cathéterisme bilio-pancréatique (CPRE), les infections virales, les néoplasies kystiques du pancréas et les maladies auto-immunes. Les causes très rares sont le pancréas divisum et l’ulcère duodénal pénétrant. Si aucune cause n’est trouvée, on parle de pancréatite idiopathique.

L’augmentation des enzymes n’est pas spécifique

Le diagnostic de « pancréatite aiguë » nécessite la présence de 2 des 3 critères suivants :

  • Clinique typique
  • Amylase et/ou lipase ≥ 3 x au-dessus de la norme
  • Signes radiologiques typiques au scanner

« Mais il existe un certain nombre de tableaux cliniques qui imitent une pancréatite aiguë et s’accompagnent d’une augmentation de la lipase ou de l’amylase », explique le Pr Lukas Degen. Il s’agit notamment des pathologies abdominales suivantes :

  • Pseudokyste pancréatique
  • Pancréatite chronique
  • Carcinome du pancréas
  • Cholécystite, cholangite, cholédocholithiase
  • Obstruction, ischémie, inflammation de l’intestin
  • Appendicite aiguë
  • Grossesse ectopique.

Mais une série de maladies extra-abdominales peuvent également s’accompagner d’une augmentation des enzymes :

  • Insuffisance rénale
  • Parotidite
  • Macroamylasémie/macrolipasémie
  • Carcinome bronchique
  • Acidocétose diabétique
  • Traumatisme crânien avec hémorragie intracrânienne.

Cela montre que l’amylase ou la lipase peuvent provenir non seulement du pancréas, mais aussi de la salive, des leucocytes, des poumons, du foie et du tractus gastro-intestinal, et que ces enzymes sont également éliminées par les reins, comme les enzymes pancréatiques. Le niveau des enzymes résulte donc de leur origine, de la fonction rénale et de la réabsorption. « Et dans l’évaluation de la gravité et de l’évolution clinique d’une pancréatite aiguë, les enzymes n’ont aucune valeur », conclut le Pr Degen.

Deux formes d’évolution

Il existe deux formes de pancréatite aiguë : la pancréatite interstitielle-œdémateuse (75-80 %) et la pancréatite nécrosante (5-10 %). Ces deux formes se distinguent par leurs complications et le pronostic qui en découle. Au début de la maladie, les complications locales telles que les pseudokystes, le dysfonctionnement endocrinien et exocrinien, les épanchements dans les cavités séreuses, l’obstruction intestinale, les hémorragies et la thrombose sont au premier plan. Après 8 à 10 jours, des complications systémiques non infectieuses telles qu’un syndrome réponse inflammatoire systémique (SIRS) ou une défaillance multiorganique peuvent survenir, puis, après environ 2 semaines, les complications infectieuses (nécroses infectées, abcès du pancréas, septicémie). La mortalité de la pancréatite interstitielle n’est que de 3 %. Mais en cas de forme grave, elle passe à 12 % en cas de nécrose stérile et à 30 % en cas de nécrose infectée.

Un score de risque fiable

Pour l’évaluation pronostique, le score BISAP (Bedside Index for Severity in Acute Pancreatitis) a fait ses preuves dans le quotidien clinique. Celui-ci comprend les indicateurs de risque suivants :

  • Taux d’urée dans le sang > 25 mg/dl
  • Troubles de la conscience
  • SIRS > 2 critères : Fièvre (> 38ºC), tachycardie (> 90/min),
  • Tachypnée (> 20/min), leucocytose (> 12 000/mm3)
  • Âge > 60 ans
  • Épanchements pleuraux

Si < 2 points sont présents, la mortalité est < 1%, si ≥ 3 points, elle passe à 8-27 %.
Les objectifs du traitement sont de prévenir la progression et les complications. Il est important de maintenir ou de rétablir la perfusion tissulaire par l’apport de solutions cristalloïdes et de corriger l’état catabolique afin d’éviter les complications infectieuses. L’alimentation entérale doit être reprise le plus tôt possible, à savoir après 72 heures, si nécessaire par le biais d’une sonde. «Il n’y a pas d’indication pour l’administration prophylactique d’antibiotiques», a déclaré le Pr Degen.

Dr. med.Peter Stiefelhagen

Les pièges de l’ interprétation

Le dosage de la créatinine fait partie des analyses de routine. La créatinine est considérée comme un marqueur de la fonction rénale. Cependant, le marqueur n’ est pas fiable dans de nombreuses situations et est soumis à de nombreux facteurs d’ interférence, ce qui signifie qu’ il faut prendre en compte de nombreux éléments lors de l’ interprétation.

La créatinine elle-même n’ est pas toxique, elle est issue de la dégradation musculaire et est éliminée par les reins. D’ où son importance dans l’ évaluation du le débit de filtration glomulaire (DFG). Une augmentation de la créatinine est un phénomène fréquent. On parle d’ une augmentation significative de la créatinine lorsque, en l’ espace de 48 heures, la valeur augmente de ≥ 26,4 mmol/l. En ambulatoire, 4 à 5 % des patients sont concernés, en milieu hospitalier jusqu’ à 60 %. Les causes les plus fréquentes en milieu hospitalier sont la septicémie, le choc cardiogénique, l’ hypovolémie, les interventions chirurgicales majeures et la néphrotoxicité des médicaments.

La créatinine est un mauvais marqueur de la fonction rénale

«La créatinine est certes un marqueur de la fonction rénale, mais un mauvais marqueur», explique le privat-docent Dre Patrizia Amico. La créatinine n’ augmente que lorsque le DFG a diminué de 50 %. De même, le DFG diminue physiologiquement de 7 à 10 ml/min/1,73 m2 par décennie en raison de l’ âge, l’ artériosclérose, la glomérulosclérose, la fibrose interstitielle et l’ atrophie des tubules jouant un rôle physiopathologique. De plus, le taux de créatinine est soumis à différents facteurs d’ influence : L’ âge, le sexe, la génétique, la masse musculaire et l’ ethnicité. « Les reins vieillissent en même temps », explique la Dre Amico.

La créatinine n’ est pas non plus une valeur constante, elle fluctue comme le cours des actions à la bourse. C’ est pourquoi il est important d’ analyser la tendance et de saisir en même temps les influences qui contribuent à une détérioration persistante de la fonction rénale. «Il faut toutefois tenir compte du fait que la créatinine est à la traîne», explique la Dre Amico. Il faut un certain temps, de quelques heures à quelques jours, pour que la modification du DFG soit également perceptible dans la valeur de la créatinine.

Cause pré-, intra- ou post-rénale ?

Pour pouvoir évaluer l’ urgence d’ agir en cas d’ augmentation de la créatinine, il faut connaître les valeurs antérieures. Seule une augmentation rapide et persistante nécessite une action immédiate et urgente. La priorité est de déterminer la cause. Dans 30 à 60 % des cas, la cause est prérénale, dans 20 à 40% des cas, elle est rénale et dans 1 à 10% des cas, elle est postrénale. Les causes prérénales sont la déplétion volumique et la vasoconstriction. Les causes rénales peuvent être glomérulaires, vasculaires ou tubulo-interstitielles. Les causes postrénales peuvent être des obstructions au niveau des voies urinaires.

En cas d’ hypovolémie, le tableau clinique peut déjà orienter le diagnostic. L’ échographie et l’ analyse d’ urine sont également indispensables, surtout en ce qui concerne les causes postrénales. Dans certains cas, par exemple en cas de syndrome néphritique ou de protéinurie importante, une biopsie rénale peut également être indiquée. Une dialyse d’ urgence est indiquée en cas d’ hypervolémie ou d’ hyperkaliémie ou d’ acidose métabolique sévère ou de complications urémiques.

Dr. med.Peter Stiefelhagen