Individuelle Startdosierung ermöglicht bessere Verträglichkeit bei gleicher Wirkung.
Mit der Einführung der PARP-Inhibitoren haben sich die Therapieoptionen beim rezidivierten Ovarialkarzinom deutlich erweitert.
So ermöglicht eine Erhaltungstherapie mit Niraparib den Patientinnen ein signifikant längeres progressionsfreies Überleben (1).
Dabei ist Niraparib in der Schweiz mit einer individuellen Startdosierung zugelassen, wodurch die Verträglichkeit bei gleichbleibender Wirksamkeit verbessert werden kann (2-4).
Traitement par carfilzomib chez les patients inéligibles au lénalidomide
D’ après la Prof. Dr Katja Weisel de l’ hôpital universitaire de Hamburg-Eppendorf et le Dr Tilman Steinmetz du centre de soins oncologiques et hématologiques de Cologne, chaque patient traité dans le cadre d’ un myélome multiple devrait recevoir un inhibiteur
du protéasome1, 2. Au vu de l’ administration systématique de lénalidomide en première ligne de traitement, le traitement ciblé par
inhibiteurs du protéasome est particulièrement pertinent chez les patients réfractaires ou inéligibles au lénalidomide. Dans les
études de phase III ASPIRE (KRd27 vs Rd) et ENDEAVOR (Kd56 vs Vd), le carfilzomib (Krypolis®), en tant qu’ inhibiteur du protéasome
de nouvelle génération, a prolongé la survie sans progression (PFS) et la survie globale (OS) de manière significative3, 4.
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Behandlung mit Carfilzomib bei Lenalidomid-ungeeigneten Patienten
Im Rahmen der Behandlung des multiplen Myeloms sollte jeder Patient mit einem Proteasominhibitor behandelt werden, so Prof. Dr. Katja Weisel, Universitätsklinikum Hamburg-Eppendorf, und Dr. Tilman Steinmetz, MV-Zentrum für Onkologie und HämatologieKöln1, 2. Mit der konsequenten Gabe von Lenalidomid in der ersten Therapielinie wird die zielgerichtete Proteasominhibitor-Therapie besonders wichtig für refraktäre Patienten sowie für Patienten, für die eine Therapie mit Lenalidomid ungeeignet ist.
Carfilzomib (Kyprolis®), ein Proteasominhibitor der nächsten Generation, bewirkte in den Phase-III-Studien ASPIRE (KRd27 vs. Rd) und ENDEAVOR (Kd56 vs. Vd) eine signifikante Verlängerung des progressionsfreien Überlebens (PFS) und des Gesamtüberlebens (OS) 3, 4.
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Opioïdes chez les patients âgés
La mise en place d’ une antalgie par opioïdes chez les patients âgés représente souvent un défi. Si les opioïdes peuvent conduire à des effets indésirables dangereux, surtout chez une population gériatrique vulnérable, un contrôle insuffisant des douleurs entraîne, quant à lui, une diminution parfois dramatique de l’ état fonctionnel et de la qualité de vie des patients. Cet article propose de discuter ces enjeux et de revoir les principes pour une prescription plus sûre des opioïdes en gériatrie.
Selon l’ Office Fédéral de la Statistique, les traitements antalgiques, toutes classes confondues, sont les médicaments les plus consommés en Suisse, en particulier par les personnes âgées (1). La consommation d’ opioïde totale, exprimée en équivalent de morphine par habitant, a par ailleurs augmenté en Suisse de plus de 20 fois dans la population générale sur une période de 30 ans (1985-2015) (2). Une étude observationnelle genevoise a montré que 20% des patients gériatriques consultant aux urgences prenaient un opioïde à domicile et, parmi ceux-là, 1/3 consultaient en raison d’ effets indésirables liés à ce traitement (3). Il semble toutefois que les personnes de plus de 65 ans en Suisse ne reçoivent pas d’ avantage d’ opioïdes forts que les patients plus jeunes (4). Ceci peut sembler étonnant dans la mesure où la douleur est un symptôme très fréquent et dont la prévalence augmente avec l’ âge. Il semble cependant que la peur de prescrire des opioïdes chez des patients polymorbides et polymédiqués demeure importante.
La présence de comorbidités et le risque accru d’ effets indésirables chez les patients âgés modifient souvent la balance risque-bénéfice des antalgiques, ce qui restreint leur choix dans cette population. Les opioïdes, qui sont les antalgiques les plus efficaces disponibles et dont l’ usage est normalement réservé à des douleurs modérées à sévères aiguës ou après l’ échec des autres traitements à disposition, deviennent parfois la seule option thérapeutique médicamenteuse en gériatrie.
Importance d’ un traitement adéquat de la douleur
Il a été mis en évidence que la population gériatrique est souvent traitée de manière insuffisante par rapport à l’ intensité des douleurs présentées (5 - 8) et que les opioïdes forts sont sous-utilisés. Une banalisation, de la part des patients, qui considèrent la douleur inéluctable, et des soignants, qui n’ ont pas toujours la formation nécessaire pour évaluer adéquatement les manifestations douloureuses et leur prise en charge chez les patients âgés, en particulier en cas de communication verbale altérée ou de troubles cognitifs, pourrait en être la raison. Par ailleurs, la crainte des effets indésirables et un manque de formation ont été identifiés comme des éléments clés pour une absence d’ usage des opioïdes par les soignants dans cette population (9).
Une douleur insuffisamment traitée, surtout chronique, aura des effets délétères souvent plus importants chez la personne âgée, tant en termes de qualité de vie que de fonctionnalité. Elle peut s’ accompagner de troubles du sommeil et de l’ appétit, de dépression, d’ une mobilité réduite, de chutes et de l’ incapacité d’ assumer les activités de la vie quotidienne, entraînant possiblement une perte d’ indépendance (10, 11). Par ailleurs, un contrôle insuffisant des douleurs aiguës, particulièrement dans le contexte post-opératoire, peut conduire à un état confusionnel (12).
Alors qu’ initialement l’ administration d’ opioïdes était réservée à la prise en charge de douleurs nociceptives aiguës ou tumorales, la co-prescription d’ un opioïde per os pour le traitement de douleurs chroniques non-cancéreuses chez les patients gériatriques est admise pour un traitement à court terme de douleurs musculosquelettiques modérées à sévères persistantes, par exemple pour une poussée d’ arthrose ou des lombalgies basses, et en cas d’ échec des autres approches médicamenteuses ou non (9, 13, 14).
Vulnérabilité gériatrique spécifique aux opioïdes
La crainte répandue d’ effets indésirables majorés et de conséquences graves chez les sujets âgés prenant des opioïdes est justifiée. Les modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques liées à l’ âge ainsi que les comorbidités et la polymédication, extrêmement fréquentes dans cette population, la rendent plus vulnérable aux événements indésirables sous opioïdes, qui sont en termes de caractéristiques les mêmes que dans le reste de la population mais dont les conséquences sont souvent plus graves (tab. 1). Ainsi, une thérapie par opioïde sans indication peut réduire la qualité de vie tout autant voire d’ avantage que la douleur-même pour laquelle elle est prescrite (14).
Une sensibilité pharmacodynamique augmentée chez la personne âgée, entraînant un effet plus prononcé pour une dose donnée, a été notamment rapportée avec tous les opioïdes. Ceci engendre, particulièrement en début de traitement, un risque de chute et de fracture dose-dépendant, encore majoré en cas de prise d’ autres traitements sédatifs, tels que benzodiazépines, antipsychotiques, antidépresseurs tricycliques ou antihistaminiques, mais permet également une réponse thérapeutique à des doses souvent moindres.
Principes pour une prescription plus sûre
Si les effets délétères potentiels des opioïdes chez les patients gériatriques sont une réalité, il existe des moyens simples d’ empêcher ou de limiter leur apparition dans cette population (tab. 1).
Il convient en premier lieu de réserver la prescription des opioïdes aux cas où les douleurs sont modérées à sévères et impactent de manière significative la qualité de vie et le niveau fonctionnel des patients (14).
Les opioïdes devraient dans la mesure du possible être accompagnés de mesures non médicamenteuses. On débutera par ailleurs la thérapie à des doses inférieures de 25-50 % et l’ augmentation se fera de manière plus prudente que chez les patients plus jeunes (11).
Il est essentiel de définir avec le patient un objectif thérapeutique réaliste à l’ introduction du traitement, tel qu’ une réduction de la douleur de 30 à 50 % ou une amélioration nette du sommeil, de la qualité de vie, de l’ état fonctionnel et une reprise des activités sociales. En cas de non atteinte de ces objectifs après 4 semaines au plus, l’ opioïde devra être arrêté de manière progressive (diminution de 25-50 % par semaine jusqu’ à l’ arrêt). En cas de pour-
suite de la thérapie, une nouvelle évaluation du traitement se fera au plus tard après 6 mois et une diminution de la dose ou un arrêt sera envisagé (11, 14).
La forme galénique à privilégier est la forme orale, mais l’ instauration d’ un patch est parfois envisageable, notamment en cas de trouble de la déglutition ou de problème d’ adhésion. Un traitement laxatif osmotique ou irritatif devrait accompagner la prescription.
Chez les patients âgés souffrant d’ insuffisance rénale, les antalgiques de choix sont la buprénorphine, et l’ hydromorphone, et éventuellement le fentanyl patch, qui ne s’ accumulent pas en cas de fonction rénale altérée (15). Il est à noter que c’ est la formule de Cockroft, prenant en compte le poids, qui devrait être utilisée pour estimer la fonction rénale des personnes âgées ayant une masse musculaire diminuée.
En cas d’ atteinte hépatique, on préférera des opioïdes glucoronoconjugués, tels que la morphine et l’ hydromorphone. La buprénorphine ou le fentanyl sont une alternative possible (16, 17).
En raison d’ un risque élevé d’ interaction pharmacocinétique, il est raisonnable d’ éviter la prescription de codéine et d’ oxycodone chez les patients polymédiqués et de prêter une attention particulière à la survenue d’ effets indésirables ou d’ une réponse thérapeutique insuffisante en cas de prescription d’ autres opioïdes substrats des cytochromes P450 (CYP), comme le tramadol (CYP 2D6) ou le fentanyl (CYP 3A4/5) (18). Leur effet peut être modifié en présence d’ interactions médicamenteuses ou d’ un polymorphisme génétique des CYP. Ceci est particulièrement valable dans le contexte de la pandémie actuelle à Sars-CoV2 (COVID-19), dont une des thérapies à l’ essai, le lopinavir/ritonavir (Kaletra®), inhibiteur des CYP3A4/5 et CYP2D6, entraîne un risque de surdosage ou d’ inefficacité thérapeutique en cas d’ administration d’ opioïdes substrats de ces enzymes. Il convient dans ces situations de privilégier la buprénorphine, ou la morphine qui éviteront une partie de ces interactions et de s’ informer du risque.
Par ailleurs, on limitera la polymédication autant que possible, en particulier les traitements sédatifs afin de réduire le risque de chute.
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Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.
Comment faire d’ un groupe de parole en EMS un outil thérapeutique ?
La personne âgée, qui plus est celle vivant en établissement médico-social (EMS), est bien trop souvent considérée sous le prisme de sa stigmatisation et de son coût sociétaire. Loin de l’ appellation « institutions totales », décrites par Erwin Goffman (1), ce n’ est pourtant que tardivement, à partir des années 70, que la notion d’ « humanisation » apparaît dans les institutions pour personnes âgées, au sens où on l’ entend aujourd’ hui, c’ est à dire le questionnement du « bien faire », et le développement de pratiques de soins allant dans ce sens.
Comprendre alors la façon dont les résidents s’ accaparent la notion de « bien-être » où d’ « humanisation » dans ce double contexte, est particulièrement intéressante. Elle a fait l’ objet de toute mon attention durant mes années de pratique professionnelle en maison de retraite et a régulièrement alimenté ma réflexion sur le vieillissement et la vie en institution.
Sous les appellations « lieu de vie », « accompagnement personnalisé », « bien-être », « humanité », parfois même « humanitude (2) » se cache une mission commune à chaque EMS : faire d’ un lieu d’ accueil définitif un lieu de vie « humanisé », où cohabitent en bonne entente l’ ensemble du personnel et des résidents.
Cependant, les personnes institutionnalisées subissent une double ambivalence: ils vivent à la fois au centre d’ un espace de type « domestique (3) » (on leur répète suffisamment qu’ ils sont chez eux): c’ est le temps ralenti de la relation aux autres, des animations, des sorties, des repas, qui fait sens dans une structure domestique dédiée au bien-être; mais ils vivent également au centre d’ un espace de type « industriel », où ont lieu des pratiques professionnelles quasi hospitalières (administrations de médicaments, surveillance de paramètres vitaux, réflexions partagées sur les bonnes pratiques de soins, colloques d’ attitude, etc.), puisque ces espaces sont dédiés au «care », à la prise en soins, tout cela dans un temps compté, organisé, mais surtout limité par les exigences institutionnelles.
Posture professionnelle
En effet, depuis plusieurs années, j’ ai à cœur de développer dans ma fonction de médecin-gériatre une approche singulière de l’ individu âgé et institutionnalisé. Celui-ci est souvent injustement condamné et tout particulièrement par le grand public, parce que mis à l’ écart d’ un monde qui pourtant exploite largement la vieillesse dans l’ économie de la santé.
Mon travail quotidien dans les EMS du Canton de Genève m’ autorise à observer à quel point cette stigmatisation est impropre et souvent abusive. Les personnes âgées institutionnalisées sont sans aucun doute au cœur des préoccupations des soignants des résidences. Cependant, face à la généralisation des pratiques de soin et aux réflexions aboutissant à la création de nouvelles catégories de vulnérabilité, les personnes âgées courent le risque de devenir des invisibles, si l’ on n’ y prend pas garde. Elles pourraient « disparaître » dans les tâches techniques, dans le temps compté des soins, mais également de l’ esprit des proches et d’ un plus large public, parce qu’ elles permettent que se mettent en place des gestes et des décisions qui ne les concernent plus. Cette mise à l’ écart structure souvent la mentalité des personnes âgées, au point qu’ elles-mêmes s’ effacent « naturellement » devant certaines décisions les concernant. C’ est la « délégation du souci de soi aux professionnels » (4).
Les résidents d’ EMS revendiquent rarement, mais dans des situations de grande vulnérabilité, vouloir vivre au centre d’ un espace où se jouent les liens et la vie réelle. « Nous avons quitté la vie extérieure, en venant à l’ EMS. Pourtant, on doit vivre encore. Il faut donc bien s’ occuper de nous, et nous laisser décider comme des citoyens. »
Les données démographiques sont quant à elle presque toutes unanimes : l’ espérance de vie totale augmente, ainsi que l’ espérance de vie en bonne santé (5). Mais alors qu’ autrefois, l’ organisation du temps de vie était plutôt linéaire, sous la forme « éducation-travail-retraite », aujourd’ hui, il n’ est plus permis de penser le temps de cette manière. Les conditions sociales actuelles (faible natalité, grand âge, chômage, précarité, divorce) nous obligent à redessiner les biographies, et du coup, la retraite – et bien-sûr la vieillesse – peut se concevoir dans une toute autre perspective.
Description et déroulement du projet thérapeutique
C’ est autour de toutes ces constatations que j’ ai voulu réorganiser ma pratique médicale, et qui a abouti, entre autres, à la création d’ un groupe de parole que j’ anime avec des résidents d’ EMS, et dont le but est de réunir quelques résidents volontaires autour d’ un moment dégagé des soins, afin de partager des idées, des réflexions, en privilégiant la relation à soi, mais aussi à l’ autre, relation utilisée comme moyen mais aussi comme outil au « mieux vieillir ». Finalement, s’ engager à (re)penser et (re)mettre en action des schémas de réflexion sur ce qui pourrait faire une vie heureuse en EMS.
Après six mois d’ échanges, le résultat a été éloquent : les premières séances ont été le lieu de partage d’ idées très générales autour de modifications souhaitées par les résidents pour s’ aménager une vie plus agréable au sein de l’ institution (affichage de certaines informations, amélioration de l’ éclairage, création d’ une boîte à idée, choix des séances de cinéma, avis sur les repas, idées de sorties, etc.). Même si les critiques étaient vives, le ton était plutôt détaché du résident lui-même, et les changements voulus ont plutôt été évoqués que concrétisés.
Puis progressivement le mouvement s’ est enclenché et s’ est précisé autour de la personnalité même des résidents, de leur place à prendre au sein de l’institution, et ils en sont arrivés à évoquer leur difficulté « d’ être » : « J’ ai des difficultés à être quelqu’ un, à me sentir chez moi. »
« On a quitté la vie extérieure, en venant ici. » Mais surtout, ils se sont positionnés face aux autres résidents vivant sous leur toit. « On ne sait pas comment aller vers les autres ; imaginez qu’ ils nous rejettent ! » Comme l’ évoquait D.G Troyansky (7), « Ce sont les autres qui sont ma vieillesse ». La confrontation à l’ image de l’ autre qui pourrait être l’ image de soi, est difficilement acceptable. Bien que l’ institution pour personnes âgées soit dédiée, par définition, à la personne dépendante, certains résidents s’ étonnent de découvrir à quel niveau d’ handicap se trouve la grande majorité des résidents. « Comment faire avec ces personnes, que leur dire ? » L’ approche des personnes lourdement handicapées n’ a pas été résolue à ce jour, mais les résidents du groupe de parole restent soucieux d’ entrer en relation avec les autres résidents. Ainsi, ils ne semblent pas suffisamment être en lien au travers d’ animations proposées hors EMS. C’ est donc bien à l’ intérieur de l’ institution – et donc au cœur de l’ espace « domestique », que semblent se jouer les liens et la vie réelle.
Au fil des séances, les résidents (et surtout quelques femmes habituées jusque-là au silence) ont décrit à quel point ils sont attachés aux soignants mais aussi à quel point cette relation d’ aide est compliquée pour eux. En effet, les pourvoyeurs de soins que sont les soignants naviguent constamment entre l’ espace « domestique » et l’ espace « industriel », entre la distribution d’ un bien-être dépendant de la valeur des soins. Les résidents se disent sensibles au jugement et cherchent à « faire plaisir ». « On est comme une grande famille ici. On ne peut pas se permettre de trop râler. » C’ est bien cette ambivalence-là, entre l’ esprit de famille et la solitude exprimée, additionnée de l’ idée tenace qu’ « on nous a habitué à rien dire » qui pourrait être expliquée par l’ organisation d’ un espace communautaire où la part du « domicile » est insuffisante. « On vit tous sous le même toit, mais on se sent tous seuls. » Garder et faire valoir à tout prix son identité individuelle au sein d’ un collectif non choisi, avec lequel on ne partage sûrement pas les mêmes valeurs, parce que l’ on n’ a pas choisi de vivre ici ensemble, voilà toute la difficulté d’ être en institution.
Puis finalement les participants se sont permis de revendiquer leur droit à l’ indépendance de pensée, à remettre sur le devant de la scène la politique des choix, ce qui va au-delà du registre de la plainte. Ensemble, progressivement, ils ont appris à ne plus se voir seulement comme des personnes âgées vulnérables, mais plutôt comme des acteurs de leur propre vie en devenant des êtres « agissant » vis-à-vis de leur entourage, et notamment vis-à-vis des soignants. « Avant, on savait pas comment bouger. Maintenant, on se bouge, on peut demander. On se sent comme des citoyens. » C’ est ce que j’ aime appeler la « relation engagée comme source d’ apprentissage au « mieux-vieillir ».
Car c’ est précisément là que se joue toute l’ idée du groupe de parole : l’ idée n’ est pas forcément de rompre avec la spirale de la plainte, mais plutôt de créer un terreau pour agrandir l’ espace domestique où la notion de bien-être ne serait pas seulement liée aux actes techniques des soins mais à la mise en valeur de l’ individu dans son chez soi. Car bien qu’ aucun soignant n’ occulte le bien-être des résidents dans leur prise en charge, ils sont constamment en train d’ alimenter le bien-être de la personne dont ils s’ occupent en y associant des tâches dite « industriels », c’ est-à- dire dédiées aux soins. Et cela est incompatible avec la fabrication d’ un espace domestique digne de ce nom.
Ainsi, le groupe de parole a été utilisé comme un outil thérapeutique, où la relation à soi et à l’ autre a engagé le résident à modifier son schéma de se penser. De vulnérable, il est devenu agissant. D’ individu vieillissant, il est devenu citoyen de sa propre existence. De personnage inactif il est devenu « formateur » par une existence enrichie par la relation d’ aide à l’ autre et par une plus grande implication dans son projet de vie.
C’ est à se demander si, dans ce contexte, les schémas de soutien de fin de vie sont encore d’ actualité, et s’ il ne faudrait pas repenser non seulement les structures d’ accueil que sont les EMS (ce qui est déjà largement le cas dans certains cantons de Suisse), mais aussi la « culture » de la vieillesse.
Car là où des moyens financiers conséquents sont mis en œuvre pour la formation des soignants, afin qu’ ils développent des pratiques de soin de plus en plus techniques, donc de plus en plus
« justes » (ce que j’ appelle l’ encadrement strict des pratiques), les personnes âgées, elles, n’ ont plus le droit à l’ amélioration, à la progression, à la « formation », une fois arrivée dans leur dernière demeure. Vouloir contrer ce mouvement amènerait à la perspective non plus économiste mais humaniste d’ une volonté d’ inscrire la personne âgée dans une démarche de « formation » (6), au même titre que l’ on participe à la formation des soignants en institution. Là il s’ agirait de favoriser des apprentissages utiles aux besoins liés à la vieillesse et d’ inscrire la personne âgée dans un processus actif d’ échanges de savoir, de services, de pratiques sociales ou communautaires visant à rendre l’ individu vieillissant en un individu « agissant » et en relation. Car nous passons plus de temps à imaginer les personnes âgées qu’ à les voir. Oui, en effet, nous les imaginons à travers le récit de leur vie d’ antan, à l’ Histoire qui s’ est déroulée de façon contemporaine à elles, mais nous les voyons rarement dans le présent, et encore moins dans une perspective d’ avenir.
Conclusion
Je continue de penser que les personnes âgées ont beaucoup à nous apprendre. Engager la conversation avec elles, c’ est un peu comme prendre une leçon de « bonne conduite ». Pas uniquement parce qu’ elles ont beaucoup de choses à dire sur leur vie passée, qui est souvent intéressante, mais surtout parce qu’ elles savent – si l’ on y prend garde – nous dessiner leur futur et nous dire ce qu’ elles en attendent. « On pourrait d’ ailleurs se demander, pour les prochaines fois, ce que c’ est que d’ être vieux ici et maintenant », a suggéré l’ un des résidents du groupe de parole.
Bien souvent, nous passons plus de temps à imaginer les personnes âgées qu’ à les voir. Nous passons plus de temps à parler pour elles, plutôt qu’ avec elles. Il faut reconsidérer les normes : la personne âgée est vulnérable parce que notre société a décidé d’ en faire une catégorie vulnérable. Cela a permis, entre autres, de soumettre les personnes âgées à l’ image que la société se fait d’ elle et attend d’ elle.
Face à la pédagogisation des pratiques, à la construction d’ habitats intergénérationnels, à certaines politiques des soins, il est évident que la personne âgée est au centre de nos préoccupations. Pourtant, il arrive parfois que nous fassions fausse route en prenant des décisions qui ne leur appartiennent pas, parce qu’ il est plus facile d’ assigner la personne vieillissante à un rôle d’ observateur de sa vie, alors qu’ elle devrait absolument en décider la direction. Il devient alors urgent de la responsabiliser en lui redonnant de la voix, car son avenir – et le nôtre certainement – est là, sous nos yeux !
Cet article a été soumis le 28 novembre et a depuis été publié dans la revue spécialisée Curaviva 1/2020.
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Médecin répondant des Résidences RPSA-site Charmilles
Promenade de l’Europe 67
1203 Genève
isawill@hotmail.ch
L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.
1. Goffman E. Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus. Paris, Les Éditions de Minuit, 1979
2. Loffeier I. Panser des jambes de bois? La vieillesse, catégorie d’ existence et de travail en maison de retraite. Paris, Puf, 2015
3. Rimbert G. Le chronomètre et le carillon. Temps rationalisé et temps domestique en maison de retraite. Lien social et politique. n°54, p.93-104, 2005
4. Eynard C. Les vieux sont-ils forcément fragiles et vulnérables? Paris, ERES, 2019
5. Guillermard A.-M. Allongement de la vie; quels défis? Quelles politiques? Paris, La Découverte, 2017
6. Bourne D.J. « Pierre Dominicé (2002). L’ histoire de vie comme processus de formation », L’orientation scolaire et professionnelle [Online], 34/3, 2005
7. Troyansky D.G. Old Age in the Old Regime: Image and Experience in Eighteenth-Century France. Ithaca: Cornell University Press, 1989.
Violence en gériatrie ou « Violence » en gériatrie ?
Cet article s’ intéresse aux situations décrites comme « violentes » et qui concernent, en particulier, les agissements des patients sur leur entourage, familial ou professionnel. Seulement si nous pouvons penser ces épisodes, leur implication sur la définition des limites et leur valence de communication, nous pourrons ensuite les décrypter, leur donner du sens et les inscrire dans un parcours de soin. Un outil de lecture sera présenté comme exemple d’ une démarche clinique intégrée.
Si nous questionnons les équipes des soins à domicile ou des institutions hospitalières, d’ hébergement ou encore, parfois, les proches aidants, les épisodes de « violence » sont la plupart du temps à l’ origine d’ une importante détresse qui peut affecter considérablement la qualité de vie et le sentiment de performance professionnelle.
Il nous semble nécessaire, pour avancer dans la réflexion, d’ opérer une distinction entre les termes de « violence » et d’ « agressivité ». L’ étymologie du mot violence se réfère au latin violentia : l’ utilisation de la force physique (vis) de manière brutale pour imposer sa propre volonté et obliger l’ autre à la soumission (1). Le mot agressivité, par contre, trouve son origine latine en ad-gradi(-gressus), qui implique l’ idée d’ aller vers (2). Pierre Benghozi souligne comme ce n’ est pas le caractère « douloureux ou spectaculaire qui caractérise la violence » mais son action destructrice sur le lien. Si la violence détruit le lien et est agie généralement hors du cadre, l’ agressivité peut trouver place à l’ intérieur du lien et assumer une valeur relationnelle. « L’ agressivité vise à restaurer un lien désavoué. Elle interpelle, convoque, provoque l’ autre. C’ est une forme d’ appel, une tentative de surmonter les impasses à la parole en conflictualisant la relation, de dire ce qui ne peut se dire autrement et espérer être entendu » (3). Sur cette base, nous abandonnerons ici le mot violence car de la violence, en tant que destruction du lien, nous pouvons seulement nous protéger. En revanche, nous souhaitons réfléchir sur les comportements empreints d’ agressivité partant du présupposé que ceux-ci nous informent sur la relation.
L’ agressivité symptôme de la crise
L’ agressivité est un symptôme, un événement morbide qui coïncide avec un autre événement dont il peut être l’ effet ou le signe, un indice, quelque chose qui se passe au même temps. En gériatrie, elle peut se présenter comme symptôme dans des maladies d’ origine très différente qui vont de la douleur physique ou morale, aux pathologies psychiatriques, somatiques, à l’ abus de substances licites ou illicites, aux démences, aux troubles de la personnalité et la liste ne sera jamais exhaustive parce que l’ agressivité est toujours un processus d’ origine multifactorielle. Parallèlement, l’ agressivité peut faire écho, pour ceux qui la reçoivent, avec un sentiment de frustration et honte, ou de remise en question du sens et des limites, ou encore avec un sentiment de solitude.
Que l’ on se place du côté du patient ou du soignant, il est difficile de ne pas ressentir la situation comme un moment de crise. James Hillman souligne l’ importance, dans une situation de crise, de pouvoir déjà lui reconnaître une valeur, avant encore de pouvoir lui attribuer un sens (4). Il s’ agit donc d’ abord de situer le moment et le contexte, pour pouvoir inscrire un épisode dans une histoire relationnelle qui a un avant et un après.
L’ agressivité, un moment dans une histoire
Comment faire alors pour donner de la valeur à ce qui se passe ? Il s’ agit en premier lieu de le reconnaître. Constater la situation, l’ identifier, pouvoir décrire et discuter avec d’ autres, constitue probablement le premier pas pour ne pas banaliser l’ événement et le rabaisser à un rang moins important que d’ autres symptômes. In-scrire un épisode d’ agressivité dans une séquence d’ événements qui inclue un antécédent, un épisode et une conséquence, signifie lui donner le même droit d’ existence que d’ autres symptômes couramment rapportés. Personne ne s’ imaginerait de décrire un symptôme (fièvre, délire, désorientation etc.) sans fournir le contexte dans lequel il se produit et pourtant, souvent, l’ agressivité est mentionnée comme un moment isolé, incompréhensible. Surtout dans les institutions, existe une certaine réticence à mentionner les moments d’ agressivité comme si ceux-ci devaient pointer une situation qui « n’ avait pas bien été gérée », comme s’ il s’ agissait d’ attribuer des fautes (au patient, au soignant, à l’ institution) plus que de relater un symptôme.
Alors, si nous voulons passer du fait de lui donner de la valeur à celui de lui donner du sens, nous devons l’ inscrire dans une histoire.
Putting the P.I.E.C.E.S. together
Divers outils ont été élaborés pour décrire et analyser un événement clinique en milieu gériatrique. « Putting the P.I.E.C.E.S. together » est une démarche canadienne (5), intéressante pour son approche multidisciplinaire et multifactorielle. Surtout lors d’ un travail en équipe pluridisciplinaire, il est fondamental de récolter le plus grand nombre d’ informations avec des valences différentes qui peuvent aider à comprendre un épisode donné. Pour ce faire les auteurs proposent de répondre à 3 questions :
1. Qu’ est-ce qui a changé ? S’ agit-il d’ un nouveau problème ? D’ un ancien problème qui se manifeste aujourd’ hui différemment, ou du même problème qui est appréhendé différemment par l’ entourage ?
2. Quels sont les risques que la situation implique, et quel est leur degré ?
3. Quelle action peut être entreprise ?
Physical (les causes somatiques, les médicaments, le handicap etc.)
Intellectual (les problèmes cognitifs)
Emotional (les troubles de l’ adaptation, de l’ humeur, de la pensée, de la personnalité)
Capabilities (les compétences instrumentales et non de la vie quotidienne)
Environment
Social (le réseau, l’ histoire de vie, les valeurs de référence).
Lors d’ un épisode d’ agressivité, en raison de l’ impact défavorable que celui-ci peut avoir sur le fonctionnement d’ un individu ou d’ une équipe, le risque plus important est de structurer une réponse automatique et immédiate qui laisse peu d’ espace à la valeur de communication que le geste peut avoir. C’ est pour cette raison qu’ utiliser un outil qui nous oblige à prendre en considération plusieurs paramètres peut se révéler intéressant.
Dans le même ordre d’ idée, les auteurs proposent l’ acronyme U.F.I.R.S.T. pour imaginer comment articuler la réponse à travers des interventions qui incluent le patient, l’ équipe, l’ environnement : Understanding, Flagging, Interaction, Reporting/Reflecting, Support, Team.
La réponse : une occasion pour interroger la pratique
Carl Rogers souligne l’ importance d’ être préparés à répondre non seulement aux contenus intellectuels et rationnels de ce qui est dit par un sujet mais aussi (et peut-être surtout) aux émotions qui le sous-tendent (6). Nous pouvons traduire ceci dans une situation d’ agressivité, comme la nécessité de lire le comportement en termes de communication entre deux parties. C’ est pour cette raison que pas seulement l’ action, mais aussi la posture, les convictions et les émotions des deux parties rentrent en jeux. La formation des équipes à la gestion d’ épisodes d’ agressivité devrait souligner des éléments qui sont parfois en apparente contradiction avec les mythes fondateurs du soin. La reconnaissance de la peur, de sa propre agressivité et le renoncement à faire seuls et donc à sa propre toute-puissance, en sont des exemples qui ressortent de l’ activité de supervision d’ équipes multidisciplinaires, un outil puissant pour soutenir la réflexion dans ce genre de situations. Se sentir congruent avec soi-même, reconnaître ses limites et celles de l’ autre, activer plutôt le calme, la flexibilité et la chaleur sont des pistes pour l’ élaboration de programmes de formation qui complètent les indications déjà décrites en littérature dont un exemple est illustré dans la figure 1.
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Spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, Spécialiste
en psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée
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1815 Clarens
alessandra.canuto@hin.ch
L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
1. www.Treccani.it
2. www.etimo.it
3. Benghozi P. La violence n’ est pas l’ agressivité : une perspective psychanalytique des liens. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe. 2010/2
4. Hillman J. Trame perdute. Cortina Editore, Milano, 1985
5. Hamilton P, Harris D, Le Clair k, Collins J. “Putting the P.I.E.C.E.S. Togheter”.
A Model for Collaborative Care and Changing Practice. 6th Edition (R), Canada, 2010
6. Carl R. Rogers, La relation d’ aide et la psychothérapie, ESF, Montrouge, 2019
7. https://www.worksafebc.com/en/resources/health-safety/information-sheets/working-safely-with-dementia-handouts/behavioural-escalation-continuum-model-responding-to-persons-with-dementia?lang=en, visité le 14 avril 2020