Démence et autonomie

Outre les problèmes de santé aigus, les patients expriment souvent des craintes pour l’ avenir, la perte de mobilité ou le déclin des capacités cognitives. Un entretien sur les directives anticipées permet d’ aborder ces craintes et d’ analyser la perspective individuelle en termes de qualité de vie. Il est à chaque fois passionnant et précieux d’ apprendre à quel point les points de vue sont différents, par exemple en ce qui concerne une maladie de démence.

Une ancienne correspondante à l’ étranger pour la NZZ avec une histoire de vie remarquable s’ exprime ainsi : « La démence n’est pas un problème pour moi si je ne reconnais plus personne et, si je ne peux plus formuler une phrase correcte, ce n’est pas grave. Tant que je profite de la vie avec mes sens, que je chante et que je danse et que je peux me réjouir des fleurs, je veux vivre ». A l’ inverse, un ancien juge en chef souhaite que l’ on retienne ceci : « A partir du moment où je ne peux plus aborder une discussion de manière différenciée, je perds ma dignité et je ne veux plus vivre ainsi. Au premier signe de démence, je demande de mettre fin à ma vie avec Exit ».

La charge de morbidité de l’ ensemble des symptômes de la démence, avec une dégradation continue des capacités cognitives, émotionnelles et sociales, n’ est pas jugée par tous avec la même gravité. Malgré tout, la majorité des personnes interrogées a peur de cette maladie et nous devons nous pencher sur les questions juridico-médico-éthiques entre la capacité de discernement, la démence progressive, le désir d’ autonomie et l’ autorisation de recourir au suicide assisté.

Les directives de l’ ASSM sur « l’ attitude face à la fin de vie et à la mort », adoptées par la FMH en mai 2022, constituent les « garde-fous » face au suicide assisté. Avec l’ exemple du juge en chef, j’ essaie d’ explorer la marge de manœuvre. La condition de la présence de symptômes de maladie et de limitations fonctionnelles médicalement perceptibles est facilement remplie par le diagnostic de démence basé sur un test. L’ argument d’ un désir de mourir durable, indépendant de tiers, peut également être prouvé par des entretiens continus. A mon avis, la présence simultanée d’ une souffrance subjective insupportable, compréhensible pour des tiers, dans le cadre d’ une démence et d’ une capacité de discernement illimitée en matière de suicide est un exercice d’ équilibre très difficile. En d’ autres termes, tant qu’ une réflexion personnelle illimitée sur le suicide est possible, la démence peut difficilement être considérée comme une souffrance insupportable. Ce n’ est pas la maladie, mais la peur de ce qui pourrait arriver qui est insupportable pour le patient. Il n’ est peut-être pas impossible d’ accompagner des patients dans une telle situation avec le souhait d’ un suicide assisté. Mais il est certain que le moment de l’ aide au suicide chez les patients déments doit être coordonné très soigneusement, progressivement et en concertation avec d’ autres médecins spécialistes, afin que la glace fragile juridico-médico-éthique ne se brise pas sous nos pieds.

Malgré ma position libérale envers de l’ assistance au suicide et mon engagement en faveur de l’ autonomie des patients, le désir de mourir en cas de diagnostic de démence est certes compréhensible, mais également problématique d’ un point de vue social. Je pense qu’ il est important que les obstacles juridico-médico-éthiques restent absolument à des niveaux élevés. Sinon, il pourrait en résulter une pression sociale, de sorte que les patients se perçoivent de plus en plus comme un fardeau pour leur entourage et la société, et se sentent poussés à prendre une décision aussi radicale. La notion d’autonomie doit donc aussi être considérée dans ce contexte social.

Dr Vera Stucki-Häusler

L’ auteur a publié cet éditorial en allemand dans le magazine
« der informierte @rzt », la traduction en français a été réalisée par les éditeurs.

Dr. med.Vera Stucki-Häusler

Aerzteverlag medinfo AG
Dr. med. Vera Stucki-Häusler
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8703 Erlenbach

stucki@medinfo-verlag.ch

RETO KRAPFs Medical Voice (août)

Dernières parutions

La chirurgie bariatrique meilleure que les médicaments pour la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD/NASH) – encore peut-être ?

Dans un passé récent, diverses interventions médicamenteuses ont été évaluées pour la stéatose hépatique non alcoolique. De nombreux résultats sont prometteurs. Il est donc intéressant de savoir si l’effet des médicaments peut être comparable à celui de la chirurgie bariatrique. En plus d’une réduction de poids conservatrice, les médicaments utilisés dans cette étude étaient la pioglitazone, une thiazolidinedione, et le liraglutide, un agoniste du récepteur de GLP-1. Les médicaments ne sont pas ou pas encore en mesure de battre la chirurgie bariatrique, car les taux de rémission de la stéatose hépatique non alcoolique ou de la stéatohépatite étaient presque 4 fois plus élevés après une opération de l’estomac par voie basse ou par tube que dans le groupe traité par médicaments. Les patients examinés étaient tous en surpoids et la plupart d’entre eux présentaient un diabète sucré de type 2. Comme il semblerait qu’en Suisse jusqu’à 25% de la population présente une stéatose hépatique non alcoolique, la question de l’effet des nouveaux médicaments, qui n’ont pas encore été testés ici, éventuellement aussi en combinaison et soutenus par une consommation accrue de café, est d’une très grande importance pour le système de santé. Une histoire avec une suite nécessaire et importante…. !

The Lancet 2023, doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00634-7, redigé le 9.05.2023

Comment diagnostiquer le “long covid” ?

Long Covid est une conséquence syndromique à long terme des maladies Covid-19. La maladie est difficile à diagnostiquer, par exemple à distinguer des séquelles à long terme d’une maladie aiguë grave en soi ou d’un syndrome de burn-out, entre autres. Dans la plus grande cohorte prospective de patients adultes (la cohorte “RECOVER”, qui compte actuellement près de 10 000 participants), on essaie de regrouper les symptômes afin de rendre le diagnostic de “long-covid” plus reproductible. Ceci est important pour l’évaluation future de l’efficacité des essais de traitement de ce syndrome parfois très éprouvant pour les personnes concernées et leur entourage. Un “score”, pour l’instant réservé à la recherche clinique, a permis de mieux définir la maladie. Les symptômes individuels les plus fréquents du syndrome (6 mois après le début de la maladie aiguë) étaient les suivants : Malaise après un effort physique (environ 90%), fatigue et lassitude (environ 85%), sensation de brouillard dans la tête (environ 65%), palpitations, vertiges et symptômes gastro-intestinaux (60% chacun). Les maladies de Long-Covid avec les variantes précédentes d’Omikron étaient ou sont généralement plus longues et plus graves. Le travail a en outre constaté que parmi les patientes et les patients admis dans la cohorte à partir du 1er décembre 2021 dans un délai maximal de 30 jours après une infection aiguë à Covid-19, le long-Covid est apparu dans 10% des cas. Cette fréquence, la durée de la maladie et la gravité des symptômes font de Long-Covid un défi médical majeur pour la prévention, le traitement et la rééducation !

JAMA 2023, doi:10.1001/jama.2023.8823, redigé le 31.05.2023

Stress émotionnel et maladies inflammatoires de l’intestin

On sait depuis longtemps qu’il existe un lien temporel entre les phases de vie stressantes (perte d’emploi, problèmes de couple, crises familiales, par exemple) et les poussées et l’intensité des symptômes des maladies inflammatoires de l’intestin, et de nouvelles études ont permis d’établir un lien de cause à effet. Comme pour d’autres formes de stress, ces personnes souffrent d’une augmentation chronique des concentrations de cortisone. L’effet de la cortisone, généralement anti-inflammatoire, n’est toutefois pas direct. En effet, des taux de cortisone endogènes chroniquement élevés entraînent des poussées inflammatoires par un mécanisme indirect. L’inflammation est médiée par les monocytes, le TNF (le tumor necrosis factor) et enfin le CSF-1 (colony-stimulating factor 1). Ces deux dernières cytokines sont produites par les cellules neuro-entériques. Bien entendu, ce travail est aussi un rappel pour que les médecins s’occupent encore mieux de la santé mentale de ces patients. Mais comme les situations émotionnelles difficiles à long terme peuvent toucher tout le monde et sans avertissement, il serait important d’évaluer les antagonistes des récepteurs des glucocorticoïdes à action topique entérale ou ceux du CSF-1 ou de son récepteur. Cela permettrait peut-être de contrôler plus rapidement et mieux les exacerbations des maladies inflammatoires de l’intestin induites par un stress émotionnel chronique.

Cell 2023, doi.org/10.1016/j.cell.2023.05.001, redigé le 29.05.2023

Pontages numériques en cas d’aphasie et de syndrome médullaire

Différents travaux montrent qu’une sonde implantée dans du tissu cérébral sain permet de déduire l’activité neuronale et de la transmettre pour analyse à un ordinateur haute performance. Sur cette base, celui-ci peut transmettre un signal à des parties de la moelle épinière restées saines et présentant une réaction motrice. Le récent rapport selon lequel un patient paraplégique a retrouvé sa capacité à marcher, y compris à monter des escaliers, est fascinant. C’est aussi un succès de la recherche médico-physique à l’EPFL et au CHUV à Lausanne (1). Des progrès neurotechnologiques similaires peuvent également rendre la parole à des patients aphasiques, par exemple en cas de sclérose latérale myatrophique ou d’accident du tronc cérébral, et ce à une vitesse d’élocution respectable de 60 mots par minute ! Cette technique est désormais utilisée à titre expérimental dans la rééducation après un accident vasculaire cérébral. (2).

1. Nature 2023, doi.org/10.1038/s41586-023-06094-5 (2023), 2. Journal of Neurorestarautology 2023, doi.org/10.1016/j.jnrt.2023.100054, redigé le 31.05.2023

C’est aussi bon à savoir

Quels sont les patients qui répondent le mieux à la perte de poids induite par les agonistes du GLP-1 ?

Dans l’étude dont il est question ici, l’obésité est divisée en 4 types cliniques principaux : La sensation de satiété n’apparaît qu’après l’ingestion de grandes ou trop grandes quantités de calories (ce que l’on appelle le “cerveau affamé”) ou les patients se sentent rassasiés après des repas normaux, mais ont à nouveau faim peu après (ce que l’on appelle l'”intestin affamé”). En outre, le travail délimite les formes d’obésité en cas de faim induite par les émotions en raison d’un stress psychique et une forme d’obésité en cas de métabolisme lent avec une consommation de calories plus faible (ou un métabolisme de base plus faible). Les agonistes du GLP-1, notamment le sémaglutide, le liraglutide et le tirazépatide*, semblent être particulièrement efficaces dans le cas de l’obésité avec “intestin affamé”, puisque la perte de poids après un an de traitement était presque deux fois plus importante que pour les autres formes. Les auteurs supposent que dans cette forme d’obésité, les taux de GLP-1 endogènes sont bas pour des raisons qui restent à élucider, et que les médicaments mentionnés correspondent donc pour ainsi dire à une thérapie de substitution. Les agonistes du GLP-1 sont également de plus en plus prescrits en cas d’obésité sans diabète et de complications induites par l’obésité, comme la stéatose hépatique non alcoolique. Ils peuvent être nécessaires à vie. Du moins, l’obésité réapparaît dans les mêmes proportions en l’espace de quelques mois après leur arrêt. La sécurité à long terme de ces médicaments doit donc encore faire l’objet d’une attention détaillée dans des études correspondantes, par exemple dans des études de cohorte contrôlées.

Nature 2023, doi: https://doi.org/10.1038/d41586-023-01712-8, redigé le 26.05.2023 Nature 2023, doi: https://doi.org/10.1038/d41586-023-01712-8, redigé le 26.05.2023
* Le tirazépatide est un agoniste double. Il imite le GLP-1 (glucagon-like peptide 1) et le peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP).

Toujours et encore controversé

Pneumonie acquise en ambulatoire : les glucocorticoïdes, oui ou non ?

Il semble que nous devions encore vivre avec des incertitudes dans ce domaine après de très nombreuses années. Le point de vue de base était qu’en cas de pneumonie grave, une réponse immunitaire excessive à l’infection pouvait conduire à une inflammation contre-productive, nuisible à l’hôte. Les preuves permettant de limiter efficacement cette inflammation à l’aide de glucocorticoïdes au profit des patients étaient maigres, mais aussi variables : parfois oui, parfois non. Deux études récentes ne parviennent pas aux mêmes conclusions : En cas de pneumonie sévère acquise en ambulatoire, l’administration de glucocorticoïdes, concrètement de méthylprednisone, n’a pas permis d’améliorer l’évolution dans une population américaine (1). Une étude multicentrique française a toutefois montré que l’hydrocortisone réduisait de manière impressionnante la mortalité à 28 jours chez ces patients, soit de près de 12 à plus de 6%. De même, le nombre de patients nécessitant une intubation ou des médicaments vasoactifs était nettement inférieur sous hydrocortisone (2). L’éditorial d’accompagnement n’est pas concluant sur la question de savoir pourquoi les résultats étaient si différents (3). Alors que faire maintenant ? Ne rien faire et dire qu’il n’y a pas de preuves ou donner de l’hydrocortisone et espérer que les patients aient de la chance ? Je recommande d’administrer de l’hydrocortisone (200 mg per infusionem par jour pendant 4 à 7 jours) aux patient(e)s qui ont besoin d’un traitement médical intensif. Ceci également en raison de la bonne tolérance du traitement à l’hydrocortisone choisi. En même temps, il faut garder à l’esprit que tout n’a pas encore été clarifié de manière indubitable et que des surprises et de nouveaux concepts pourraient bien nous arriver.

Intensive Care Medicine 2022, doi.org/10.1007/s00134-022-06684-3, 2. NEJM 2023, doi: 10.1056/NEJMoa2215145, 3. NEJM 2023,
DOI: 10.1056/NEJMe2302544

La médecine au-delà de ses frontières

Depuis quand s’embrasse-t-on ?

Ce n’est peut-être pas une question qui fait le tour du monde, mais il semble important de savoir que la science distingue deux formes de baisers : Le baiser familial et amical et le baiser romantique et érotique. Cette dernière habitude est plus ancienne qu’on ne le pensait jusqu’à présent : Le premier baiser érotique documenté date de 2500 ans avant J.-C. en Mésopotamie. Le baiser ne se limite pas aux humains, même si la plupart des espèces animales se reniflent plutôt qu’elles ne s’embrassent. Le baiser a également servi et sert encore de phase de test pour initier des partenariats. Secondairement, il pourrait également y avoir eu un échange, au moins du microbiome oropharyngé. La propagation d’infections en est une conséquence négative, bien que celle-ci ait pu ou puisse encore induire une stimulation immunitaire et donc un renforcement des défenses immunitaires.

Science 2023, doi: 10.1126/science.adf0512, redigé le 04.06.2023

Prof. Dr. med. Reto Krapf

krapf@medinfo-verlag.ch

Douleurs abdominales – fréquentes, mais pas banales

Les douleurs abdominales sont fréquentes dans la pratique quotidienne. On peut distinguer les douleurs abdominales aiguës et chroniques ainsi que les troubles organiques ou fonctionnels. En outre, la localisation des douleurs est déterminante et il convient de prendre en compte les maladies systémiques ou extra-abdominales qui se manifestent dans la cavité abdominale. Il est particulièrement important de savoir si les douleurs abdominales s’accompagnent d’une menace aiguë pour la personne concernée. Dans ce cas, une action rapide est très importante pour le pronostic ultérieur. En cas de douleurs abdominales chroniques, il est parfois possible et nécessaire d’établir un diagnostic détaillé afin d’exclure également des pathologies plus rares.

Abdominal pain is common in daily practice. A distinction can be made between acute and chronic abdominal pain and between organic and functional complaints. Furthermore, the localisation of the pain is decisive and systemic or extra-abdominal diseases manifesting in the abdom- inal cavity should also be considered. Of particular importance is the decision whether the abdominal pain is accompanied by an acute threat to the affected person. In this case, fast action is crucial for the further prognosis. In the case of chronic abdominal pain, a detailed diagnosis is sometimes possible and necessary in order to be able to exclude rarer clinical pictures.

Key Words: acute abdominal pain, chronic abdominal pain, diagnosis, therapy

Épidémiologie

Les douleurs abdominales font partie des symptômes les plus fréquents en cabinet ainsi qu’à l’hôpital et sont l’une des causes les plus fréquentes de consultation médicale. Selon une étude de 1999, environ 50% des adultes déclarent des douleurs abdominales. Environ 5 à 10 % de toutes les présentations aux urgences ont lieu pour cette raison. Les douleurs abdominales chroniques ou récurrentes constituent la cause la plus fréquente d’orientation vers un gastro-entérologue. Dans 35 à 51% des cas, l’origine des douleurs n’est pas claire. L’éventail des symptômes va de la maladie bénigne à la maladie potentiellement mortelle.

L’âge du patient est également décisif pour déterminer dans quelle mesure il pourrait souffrir d’une maladie organique. Alors que jusqu’à 40% des patients de moins de 50 ans présentent des douleurs abdominales non caractéristiques, ce chiffre tombe à 16% chez les patients
de plus de 50 ans et les causes des douleurs sont plutôt organiques (tableau 1).

Classification

Abdomen aigu

Il est particulièrement important de déterminer s’il est question d’un abdomen aigu. Il s’agit alors de l’un des tableaux cliniques les plus importants de la médecine viscérale et il requiert une grande expérience clinique. Un abdomen aigu est défini comme une douleur abdominale intense d’apparition soudaine et d’une durée de moins de 24 heures. L’abdomen aigu se caractérise par des douleurs abdominales prononcées avec une tendance à l’aggravation rapide de l’état. Les principaux symptômes de l’abdomen aigu sont :

  • douleurs abdominales intenses
  • irritation péritonéale
  • dépression circulatoire
  • perturbation de la motricité intestinale
  • détérioration de l’état général (tachycardie, hypotension)

Selon la localisation des troubles, il est déjà possible de délimiter les diagnostics différentiels (tableau 2).

Douleurs abdominales chroniques

Il peut être difficile de distinguer les douleurs chroniques des douleurs aiguës. Une définition fréquente est une durée des douleurs de plus de 12 semaines. Il est cependant probablement plus judicieux de décider, sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique, s’il s’agit d’un processus aigu, progressif ou chronique.

En cas de processus chroniques, l’anamnèse permet souvent de limiter les causes possibles. Dans le cas d’une longue histoire de maladie, les troubles peuvent changer ou être modulés par des facteurs externes, comme par exemple un gain secondaire de maladie.

Plus de la moitié des patients souffrant de douleurs abdominales chroniques présentent des troubles fonctionnels au sens d’un estomac irritable ou d’un syndrome du côlon irritable. Il est important d’être attentif aux symptômes d’alarme qui rendent probable un événement organique. Il s’agit notamment d’un âge supérieur à 50 ans, d’une tumeur palpable, d’une perte de poids, de la présence de mucus et de sang dans les selles, d’une anémie ou de l’apparition soudaine de diarrhées ou de douleurs.

Anamnèse

Le caractère aigu du tableau clinique détermine le degré de détail de l’anamnèse. En cas de tableau clinique aigu, il convient de poser des questions ciblées sur le début ou le caractère de la douleur, la localisation de la douleur (initiale et actuelle) et d’éventuels événements antérieurs, en fonction de l’état général.

Chez les patients stables ou souffrant de douleurs abdominales chroniques, il est judicieux de procéder à un examen détaillé de la médication, des maladies et des opérations antérieures.

Examen clinique

L’examen clinique commence par une inspection. La posture du patient peut être un indice :
En cas de colique biliaire ou urétérale, les patients sont généralement très agités et se tortillent dans tous les sens, alors qu’en cas de péritonite, ils restent allongés et évitent tout mouvement. L’inspection de l’abdomen doit permettre de déceler des cicatrices indiquant des opérations antérieures ainsi que des gonflements ou des rougeurs.

L’auscultation est ensuite effectuée. Il convient de différencier si les bruits intestinaux sont normaux, amplifiés, surélevés, atténués ou absents.
En complément, la percussion peut fournir des informations sur la présence d’un météorisme et si les troubles peuvent être attribués à celui-ci.
Dans la situation aiguë, la palpation de l’abdomen sert surtout à déclencher une douleur à la pression ou un péritonisme. Les signes classiques sont par exemple le signe de Murphy en cas de cholécystite aiguë (arrêt de l’inspiration en raison de la douleur lors de la palpation dans la partie supérieure droite de l’abdomen) ou une douleur à la pression dans la partie inférieure droite de l’abdomen au-dessus du point de Lanz et du point de McBurny en cas d’appendicite aiguë.

En fonction de la présence d’une obésité, il est également possible de palper un foie ou une rate hypertrophiés.

Il convient également de prêter une attention particulière aux éventuelles hernies de la paroi abdominale, par exemple dans les aines ou au niveau de cicatrices.

Diagnostic

Examens de laboratoire

Les examens de laboratoire font partie du diagnostic de base en cas de douleurs abdominales. Il convient de déterminer la formule sanguine, les électrolytes, les valeurs rénales, le statut urinaire ainsi que la protéine C-réactive. En fonction de la maladie suspectée, il faut ajouter les valeurs hépatiques ou pancréatiques, le lactate ou les D-dimères. Chez les femmes en âge de procréer, il est nécessaire de déterminer le taux de bêta-HCG, notamment en vue d’un diagnostic ultérieur par scanner-abdomen. En outre, en cas de douleurs abdominales hautes, il faut également penser à une cause extra-abdominale, comme un infarctus du myocarde.

Procédures d’imagerie

La première chose à faire, si disponible, est de réaliser ou de demander une échographie de l’abdomen. Selon l’expertise, elle permet de détecter ou d’exclure différentes maladies telles qu’une cholécystite, une cholécystolithiase, une appendicite ou un iléus. Une cause urologique des troubles, comme par exemple une urolithiase, peut également être prise en compte dans le diagnostic différentiel en présence d’une congestion pelvienne.
D’autres examens d’imagerie, tels qu’un scanner de l’abdomen ou une IRM, peuvent alors être effectués si le diagnostic n’est pas encore clair ou s’il doit être confirmé.

Examens complémentaires

Le recours à d’autres examens dépend en particulier du degré d’urgence de l’événement. En situation d’urgence, une œsophagogastroduodénoscopie en cas d’hémorragie gastro-intestinale haute ou une angiographie après détection d’une hémorragie artérielle avec possibilité d’une hémostase interventionnelle peuvent être réalisées. Si les troubles sont plutôt subaigus ou chroniques, une coloscopie, une entéroscopie ou une endoscopie capsulaire ou une IRM-Sellink peuvent être indiquées pour examiner l’intestin grêle. L’ultima ratio en cas de troubles abdominaux inexpliqués est la laparoscopie diagnostique, qui permet également de détecter des adhérences intra-abdominales.

De plus, en cas de suspicion d’une cause extra-abdominale, une radiographie du thorax et un électrocardiogramme doivent être effectués.

Traitement

Conservateur

Un traitement conLes douleurs abdominales sont l’une des causes les plus fréquentes de consultation au cabinet médical ou aux urgences.iaire ou d’urolithiase, dans la mesure où il existe une forte probabilité d’évacuation spontanée des calculs. Dans ces cas également, une hospitalisation est souvent nécessaire.

En cas de douleurs abdominales chroniques, le traitement conservateur est au premier plan. Il est toutefois important, en cas de symptômes d’alarme, de procéder à un examen clinique plus approfondi et, le cas échéant, à un traitement chirurgical.

Opératoire

Dans environ 90% des cas d’abdomen aigu, un traitement chirurgical est nécessaire. Aujourd’hui, il est possible de le faire par laparoscopie dans la plupart des cas. Cependant, selon les résultats, une laparotomie peut encore être nécessaire en cas de péritonite étendue ou de multiples opérations antérieures.

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Dr Stefan Eisoldt

Médecin cadre de la clinique de chirurgie
Spital Männedorf AG, Asylstrasse 10
8708 Männedorf

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ Les douleurs abdominales sont l’une des causes les plus fréquentes de consultation au cabinet médical ou aux urgences.
◆ Les douleurs abdominales aiguës doivent faire l’objet d’un diagnostic et d’une thérapie immédiats, car un retard peut entraîner une aggra­vation significative du pronostic pour certaines pathologies.
◆ Environ 90% des cas d’abdomen aigu nécessitent un traitement chirurgical.
◆ Les douleurs abdominales chroniques peuvent représenter un défi
diagnostique, car les symptômes peuvent changer au cours de la maladie en raison de facteurs externes.

1. Heading RC. Prevalence of upper gastrointestinal symptoms in the general populatio : a systemativ review. Scand J gastroenterol Suppl 1999;231 :3-8
2. De Dombal FT.The OMGE acute abdominal pain survey. Progress report, 1986. Scand J Gastroenterol Suppl 1988 ;144 :35-42
3. Pitts SR et al. National health statistics report; no 7. Hyattsville, MD:National Center for Health Statistics ;2008
4. Sharma P, Sood R, Sharma M, Gupta AK, Chauhan A.J. Comparative study between clinical diagnosis, plain radiography and sonography for the diagnosis of nontraumatic acute abdomen. Family Med Prim Care. 2022 Dec;11(12):7686-7690.
5. Jahn H, Mathiesen FK, Neckelmann K, Hovendal CP, Bellstrom T, Gottrup F: Comparison of clinical judgment and diagnostic ultrasonography in the diagnosis of acute appendicitis: experience with a score-aided diagnosis. Eur J Surg 1997; 163: 433–43
6. Hiller W, Rief W, Brähler E. Somatization in the population:from mild bodily misperceoptions to disabling symptoms. Soc Psychiatry Psychiatric Epidemiol 2006;41:704-712
7. Oberndorff-Klein Wolthuis AH, Brummer RJ, de Witt NJ, Muris JW, Stockbrügger RW. Irritable bowel syndrome in the general practice: an overview. Scnad J Gastroenterol Suppl 2004;241:17-22

Alcool et cœur

La consommation d’alcool appartient aux traditions culturelles en Suisse et plus de 80% de la population en consomment raisonnablement. En excès ses effets néfastes ont bien été caractérisés. Pourtant, les possibles bénéfices cardioprotecteurs demeurent débattus dans la littérature scientifique. Cet article a eu pour but d’examiner les résultats des 10 métanalyses d’un grand nombre de cohortes visant à déterminer l’impact des boissons alcoolisées sur le risque cardiovasculaire selon le niveau de consommation et de les confronter aux recommandations pour la population.

The consumption of alcohol is part of the cultural traditions in Switzerland and more than 80% of the population consumes alcohol at a reasonable level. The harmful effects of excessive alcohol consumption are well documented. Nevertheless, the potential cardioprotective benefits are still debated in the scientific literature. In this article, the results of 10 meta-analyses of a large number of cohorts were examined to determine the effects of alcoholic beverages on cardiovascular risk according to consumption level and compared them with population recommendations.
Key Words: Alcohol, Cardiovascular risk, coronary heart disease, cardioprotection

L’alcool fait partie intégrante de notre culture en Suisse, avec plus de 80% de notre population âgée de 15 ans et plus en reconnaissent sa consommation, dont près de 20% en quantité excessives, c’est-à-dire buvant trop, trop souvent et au mauvais moment, près de 5% sous forme chronique à risque. S’y ajoutent 250 000 à 300 000 personnes alcoolodépendantes [1]. Selon les données statistiques récentes, sa consommation annuelle a globalement diminué de près de 20% entre 2001 et 2021, passant de 126 à 102 litres par personne. Alors que la consommation de spiritueux et de cidre est restée relativement stable en termes d’alcool pur, son recul est observé principalement sur le vin (-27%) et la bière (-12%) [2]. Toutefois, il n’en demeure pas moins que consommé en excès, l’alcool engendre d’importants dommages sanitaires, sociaux et économiques, pourtant un coût global d’environ 4.2 milliards en 2010 [3]. En 2017, 1553 décès ont causé par l’alcool en Suisse chez les personnes entre 15 et 74 ans, ce qui représente 8% des décès de cette tranche d’âge, dont 77% d’hommes et 45% des personnes âgées de 65 à 74 ans. Parmi les 4 principales causes de mortalité figuraient les cancers (36%), les accidents et blessures (21%), les maladies hépato-digestives (21%), ainsi que les CVs (MCV) (10%).[4]. Dans cette même publication, G. Gmel mentionne que le taux de mortalité lié à l’alcool a diminué au cours des 20 dernières années, passant de 56,1 décès pour 100 000 habitants à 34,7 chez les hommes et 14 à 10.7 chez les femmes. Pour les hommes, cette baisse est principalement due à la diminution des accidents et des blessures ainsi que des maladies du système digestif, alors que pour les femmes, c’est la diminution des décès dus aux maladies du système digestif qui joue le rôle le plus important.

Au cours de ces dernières décennies, un grand nombre d’études a montré qu’une réduction du risque cardiaque pouvait être associé à une consommation faible à modérée d’alcool [5-8]. Toutefois, la littérature fait aussi état de résultats divergents et des critiques méthodologiques remettant en cause cet effet [9-12]. Pour d’autres auteurs, les fortes différences entre les doses limite recommandées selon les pays sont de nature à complexifier la standardisation des valeurs de référence [13-16]. Dès lors, article a pour but de reconsidérer l’association entre les habitudes et le niveau de consommation d’alcool et le risque de maladies cardiaques (MC) à la lumière des connaissances scientifiques issues des revues systématiques et méta-analyses publiées à ce jour.

Préambule méthodologique

Pour faire le point le point sur l’impact des habitudes de consommation d’alcool et les MC, cette recherche s’est basée sur les 10 métanalyses recensées récemment par Calabrese I. [17]. Publiées entre 2004 et 2020, ces métanalyses totalisent entre 4 et 44 études réalisées principalement dans les pays européens et ayant inclus des personnes en bonne santé apparente, en majorité de sexe masculin [18-28]. Les auteurs de ces métanalyses ont veillé à ne sélectionner que les études offrant les meilleurs standards de qualité limitant les biais méthodologiques. A noter que leurs critères de jugement n’ont porté que sur le risque de maladie coronarienne ischémique (MCor) et de MCV au sens large, d’où le manque de spécification pour les formes plus rares de MC telles qu’insuffisance cardiaque, cardiomyopathie ou fibrillation auriculaire. Pour cette raison, ces formes plus rares ne seront pas abordées dans cette brève revue.

Consommation d’alcool et maladie coronarienne

Comme mentionné dans le tableau 1, une consommation journalière d’alcool légère à modérée est associée à une réduction significative de l’incidence de MCor dans 9 des 10 méta-analyses, avec risque relatif (RR) oscillant entre 0.64 et 0.81. Cette relation inverse se maintient pour des consommations d’alcool plus élevées, comme cela est rapporté par Yang Y [23]. Dans sa métanalyse, il a observé que par rapport aux non-buveurs, les RR (IC à 95 %) de MCor selon les niveaux de consommation d’alcool étaient de 0.75 (0.70-0.80) pour 12 g./j, 0.70 (0.66-0.75) pour 24 g./j, 0.69 (0.64-0.75) pour 36 g./j, 0.70 (0.64-0.77) pour 60 g./j, 0.74 (0.67-0.83) pour 90 g./j et 0.83 (0.67-1.04) pour 135 g./j, avec globalement le RR le plus bas corrélé à 36 g./j d’alcool consommé. De plus, comme présenté dans le tableau 2, issu de la métanalyse de Zheng Y.L., les RR de MCor sont réduits significativement de manière similaire entre hommes et femmes, en lien avec une consommation modérée d’alcool comprise entre 15 et 30 g./j [21].
Dans l’idée de mieux cerner le bénéfice potentiel d’une consommation élevée chronique (> 60 g./j) sur le risque de MCor, Roerecke M. a calculé les RR selon que les gros consommateurs étaient comparés aux abstinents à vie (1,04 ; 0.83-1.31) ou aux abstinents du moment (0.83 ; 0.70-1.98) [20]. Ce constat démontre le risque de surestimation du bénéfice CV potentiel selon les critères définissant le groupe des abstinents.

Concernant le risque de mortalité coronarienne, 3 des 4 métanalyses font état d’une diminution significative des RR selon un effet dose réponse par 2.5-14.9 g. /j (0.79;0.73-0.86), ou par comparaison entre buveurs et non-buveurs (0.88; 0.78-0.99), ou d’une augmentation significative (bénéfique) pour la comparaison inversée entre non-buveurs et buveurs modérés (1.47; 1.21-1.78) [18, 25, 26]. Toutefois, pour Roerecke M. qui a comparé le RR de mortalité coronarienne entre consommateurs légers à modérés (12-23.9 g/j) et abstinents à vie, la diminution du RR n’est pas significative chez les hommes (0.86; 0.73-1.02), alors que chez les femmes le RR est légèrement défavorable (1.03;0.38-1.27) [20]. Ces données montrent que l’impact des différents modes et de niveau de consommation d’alcool sur le RR de mortalité coronarienne reste moins clairement établi, en particulier chez les femmes.

Consommation d’alcool et maladies cardiovasculaires

Le tableau 1 résume aussi les données relatives à l’incidence et à la mortalité CV, dans leur ensemble, qui ont été rapportées dans les 4 métanalyses ayant inclus entre 7 et 15 études de cohorte totalisant plus d’un million de personnes à prédominance masculine. Ce tableau montre qu’une consommation légère à modérée ou modérée d’alcool est associée à une réduction significative du RR de morbidité et mortalité CV oscillant entre 0.68 et 0.85 chez les hommes et dans le collectif entier inclus dans 3 des 4 métanalyses [19, 21, 27], alors que chez les femmes, l’abaissement des RR n’atteint le seuil de signification statistique que dans l’une des 4 métanalyses (0.63; 0.57-0.71) [24].

A l’inverse, une consommation élevée d’alcool est associée chez les hommes cette question n’a été examinée que dans 2 métanalyses

[21,27] révélant une élévation non significative du RR, que dans celle comportant le plus haut niveau de consommation d’alcool (1.32; 0.61-2.86) [27]. Chez les femmes il existe aussi une augmentation non significative du RR dans les 2 métanalyses ayant analysé la question (1.04; 0.74-1.46 et 1.30; 0.74-2.26) [21,24].

Récemment, Ding C. a démontré, sur la base d’étude de cohortes de patients qui avaient déjà été victimes d’un infarctus, d’angine de poitrine ou d’AVC, des effets similaires en lien avec la consommation d’alcool. Ainsi, par rapport aux personnes qui n’avaient jamais bu, il a observé une réduction du risque qui a culminé à 7 g / jour (RR = 0.79; 0,73-0,85) pour la mortalité toutes causes confondues, 8 g / jour (0.73; 0.64-0.83) pour la mortalité CV et 6 g / jour (0.50; 0.26-0.96) pour les événements CV, en restant significative jusqu’à 62, 50 et 15 g/jour, respectivement [28].

Au regard des croyances personnelles et des préférences culturelles, à ce jour aucun modèle cohérent d’un type spécifique de boisson alcoolisée (vin, bière ou spiritueux) réduisant le risque de MCor n’a été confirmé, mais il existe un fort accord épidémiologique concernant la réduction du risque de MCor associée aux différents types de boissons alcoolisées, pour autant que leur consommation ne soit pas excessive [29-31].

Enfin, malgré la rigueur méthodologique inhérente à la conduite des études de cohorte et à ces métanalyses, leurs résultats souffrent tout de même de diverses limitations susceptibles de surestimer les bénéfices potentiels d’une consommation d’alcool faible à modérée [31,32]. S’y ajoutent quelques études, basées sur des randomisations mendéliennes à l’aide de variables génétiques, qui ont remettent en question les possibles avantages de la consommation d’alcool sur le risque CV [33-35], voire-même que toute consommation d’alcool en augmenterait le risque [36].

Enfin, s’il est vrai que les résultats de métanalyses d’études d’observations de cohortes n’ont pas valeur de causalité pour prouver l’effet protecteur de la consommation légère et modérée d’alcool, elles peuvent tout au plus en souligner la plausibilité. En revanche, les caractéristiques de ces données sont reconnues comme utiles pour tenter de définir des limites à ne pas dépasser, tout en prenant en considération la globalité des effets de la consommation d’alcool du point de vue médical, social, professionnel et économique. A cet égard, la Société européenne de cardiologie (SEC) recommande de s’en tenir à une même consommation maximale de 100 g./semaine pour les femmes et les hommes, quantité correspondant à une consommation faible [37]. En Suisse les recommandations émanant de la Commission fédérale pour les problèmes liés à l’alcool correspondent à une consommation légère à modérée, comme suit : les hommes adultes en bonne santé ne devraient pas boire plus de deux boissons standard (20-24 g. d’alcool pur) par jour, en intercalant des journées sans alcool, et en veillant à ne pas boire plus de 5 boissons standard par occasion. Chez les femmes ces limites correspondent à 1 et 4 boissons standard, et les personnes âgées qui réagissent plus à l’alcool devraient réduire leur consommation [38].

Que retenir de ces métanalyses ?

Globalement, les résultats des 10 métanalyses réalisées au cours des deux dernières décennies sont cohérents les uns avec les autres, mettant en évidence un mélange complexe entre une association bénéfique et délétère de la consommation d’alcool et le risque de Mcor et de MCV qui dépend principalement des quantités et de la fréquence de cette consommation. Cette relation est le plus souvent décrite comme curviligne, ou « en forme de J» mais aussi parfois comme une association inverse aplatie [32]. Toutefois, il convient de reconnaître que ces métanalyses n’ont pas eu pour objectif de définir les doses limites de consommation recommandées quant aux bénéfices et risques spécifiques de morbidité et de mortalité coronariennes, CV ou de mortalité totale, comme en témoigne l’absence de courbes graphiques mettant en relation le RR aux différents niveaux de consommation de boissons alcoolisées. Seul Corrao G. fait mention dans sa publication d’une courbe en J, montrant la plus forte réduction du RR de Mcor corrélée à une consommation journalière de 20 g. d’alcool pur, les valeurs du nadir étant comprise entre 72 et 89 g. [17]. Dans sa publication de 2012 portant sur 24 études, Roerecke M. a fixé le nadir à 32 g. par jour pour la mortalité et à 69 g. par jour pour la morbidité par MCor chez les hommes, ces valeurs étant respectivement de 11 g et 14 g. par jour chez les femmes [19], alors que pour Yang Y., le RR le plus bas correspondait à 36 g [23].

Concrètement, ces métanalyses n’ont pas permis de fixer de valeur limite commune à une consommation journalière élevée d’alcool en ce qui concerne le RR CV, notamment chez les femmes. En revanche la limite nsupérieure de 30 g est la plus utilisée. A noter enfin que les limites proposées par Zheng Y.L. dans le tableau 2 semblent intéressantes, mais discutables en l’absence de distinction entre hommes et femmes.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pr Roger Darioli

Président de la Fondation Suisse Nutrition Santé
5, chemin des Fleurs
1007 Lausanne

roger.darioli@unisante.ch

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflits d’  intérêts en rapport avec cet article.

En bref, cette revue des métanalyse conforte la notion que :
◆ la consommation régulière d’alcool est associée à des effets possiblement bénéfiques pour le cœur, en particulier pour la MCor, pour autant qu’il s’agisse d’une consommation légère à modérée, plus réduite chez les femmes que chez les hommes,
◆ la consommation élevée chronique ne paraît pas influencer le risque de MCor, mais elle accroît aussi bien le risque CV que d’AVC,
◆ les résultats acquis à ce jour ne permettent de conclure à un effet un avantage du vin sur les autres formes de boissons alcoolisées,
◆ tout-e patient-e mérite d’être informé sur les effets de l’alcool sur les MCV et de connaître les recommandations de la SEC et celles de la Commission fédérale des problèmes liés à l’alcool en faveur d’une consommation hebdomadaire de préférence inférieure à 100 g. d’alcool pur à moindre risque pour la santé.

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Nouvelles recommandations suisses 2023 pour le traitement du diabète sucré de type 2

De nombreux médecins se demanderont pourquoi il y a déjà de nouvelles recommandations? La réponse est simple: depuis les dernières recommandations de 2020, il y a eu beaucoup d’études de points finaux cardiovasculaires qui doivent être classées. En outre, certains nouveaux médicaments, qui ont été ou seront introduits en 2023, n’ont pas encore été pris en compte. En outre, il existe certes les directives européennes et américaines sur le diabète, mais elles sont à notre avis trop compliquées pour les internistes généralistes et les médecins de famille. L’objectif du groupe de travail suisse était d’élaborer des recommandations simples, étape par étape, qui puissent être bien mises en œuvre par tous les médecins (1).

Many physicians will ask themselves, why are there already new recommendations? The answer is simple: since the last recommendations of 2020, there have been many cardiovascular endpoint studies that need to be classified. In addition, there are some new drugs that have been or will be introduced in 2023 that have not yet been considered. In addition, there are the European and American guidelines on diabetes, but in our opinion they are too complicated for the general internist and GP. The goal of the Swiss working group was to develop simple step-by-step recommendations that can be easily implemented by all physicians (1).
Key words: Diabète, diabète sucré de type 2, Endocrinologie

Recommandations thérapeutiques en Suisse

La figure 1 résume les comorbidités les plus fréquentes dans le diabète sucré de type 2 en Suisse, ainsi que leur prévalence. Toutes les comorbidités ont fait l’objet de progrès importants et de nouvelles connaissances au cours des dernières années. La seule comorbidité, très fréquente chez les diabétiques, pour laquelle il n’existe pas encore de recommandations thérapeutiques universelles et qui nécessite encore un important travail de recherche est la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD), également appelée aujourd’hui stéatose hépatique métabolique associée (MAFLD), car cette forme est très souvent associée à un syndrome métabolique, à l’obésité et au diabète (50-70%). Le terme non alcoolique a été remplacé par celui d’alcoolique, car une consommation légère à modérée d’alcool est tout de même assez fréquente dans ce groupe de population. Ce que l’on sait déjà, c’est que le GLP-1 RA et le GLP-1/GIP RA peuvent réduire la stéatose hépatique et la progression vers la fibrose et que les inhibiteurs du SGLT-2 ont également un effet positif, la perte de poids étant probablement le facteur le plus important.

La figure 2 résume les principes généraux du traitement, mais il convient de noter que les lipides et la pression artérielle doivent également être pris en compte et que l’utilisation du GLP-1 RA et des inhibiteurs du SGLT-2 doit être indépendante de l’HbA1c.

La figure 3 présente un guide étape par étape sur la manière dont le diabète de type 2 doit être traité. La première étape définit l’indication principale pour l’utilisation des antidiabétiques modernes. Si l’accent est mis sur le traitement de la maladie rénale chronique ou de toutes les formes d’insuffisance cardiaque, il convient d’envisager un traitement combiné initial par la metformine et les inhibiteurs du SGLT-2. Si l’indication principale est la perte de poids et la protection cardiovasculaire (notamment la prévention de l’apoplexie), l’association metformine et GLP-1 RA doit être favorisée. Les GLP-1 RA fonctionnent également en cas d’IMC <28, l’Office fédéral de la santé publique a introduit cette restriction afin de réduire la fréquence de prescription. La question se pose parfois de savoir pourquoi la metformine est toujours utilisée? La metformine est le seul médicament qui inhibe nettement la gluconéogenèse hépatique et elle a été utilisée comme traitement de première ligne dans toutes les études cardiovasculaires en point final. De plus, une grande méta-analyse portant sur plus de 40 études et plus d’un million de patients atteints de diabète sucré et d’une maladie coronarienne a montré une réduction significative des décès d’origine cardiovasculaire et de la mortalité totale de 19, respectivement 33%, et les événements cardiovasculaires ont également été réduits de manière significative de 17% (Han Y, et al, Cardiovas Diabetol 2019;18:96).

La deuxième étape consiste à combiner les inhibiteurs du SGLT-2 avec le GLP-1 RA, indépendamment de l’HbA1c. Cette triple combinaison représente le traitement idéal du diabète sucré de type 2 en réunissant tous les avantages des deux groupes de substances: réduction de la réduction de la MACE en 3 points, de l’apoplexie non fatale, de la mort cardiovasculaire, de l’insuffisance cardiaque, de la néphroprotection et de la réduction de la mortalité globale. Un nouveau médicament qui sera mis sur le marché suisse à l’automne 2023 est le tirzépatide (Mounjaro®), un double GLP-1/GIP RA, autorisé pour le diabète de type 2 et utilisé à une dose de 5-15 mg. Les effets sur l’HbA1c et le poids sont comparables à ceux du semaglutide (1,0 ou 2,4 mg (Wegovy® autorisé pour l’obésité). Il n’existe cependant qu’une comparaison directe avec 1 mg de sémaglutide vs. 5-15 mg de tirzépatide, le tirzépatide étant supérieur en termes de réduction du poids et de l’HbA1c.

Les inhibiteurs de la DPP-4 ne sont en fait utilisés que si l’IMC est <28 ou si les GLP-1 RA ne peuvent pas être utilisés en raison d’effets secondaires gastro-intestinaux.
Le principal problème avec la triple combinaison est le remboursement des coûts par les caisses d’assurance maladie. Si l’on commence par le médicament le plus cher, le GLP-1 RA, la caisse maladie rembourse pratiquement toujours l’inhibiteur du SGLT-2, qui est aussi cher qu’un inhibiteur du DPP-4. Si l’on commence par l’association d’un inhibiteur du SGLT-2 et de la metformine, l’utilisation du GLP-1 RA nécessite actuellement la plupart du temps une garantie de prise en charge des coûts. On peut contourner cette difficulté en posant l’indication de l’inhibiteur du SGLT-2 soit pour la maladie rénale chronique, soit pour toute forme d’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (>40%) est la forme prédominante du diabète de type 2 (3/4 des cas) et les inhibiteurs du SGLT-2 sont le seul traitement efficace pour l’HFpEF. L’indication du GLP-1 RA serait donc le traitement du diabète. Des efforts sont en cours de la part de toutes les entreprises pharmaceutiques impliquées pour que l’OFSP élimine ces limitations, car la triple combinaison représente l’option thérapeutique préférée au niveau national et international.

L’étape 3 suit, si l’HbA1c ne se situe pas dans la zone cible malgré la tri-thérapie, on utilise alors l’insuline (le manque d’insuline concerne 25% de tous les patients atteints de diabète sucré de type 2). La forme la plus simple est l’administration une fois par jour d’une insuline basale à action ultra-longue comme la glargine 300 ou l’insuline dégludec (Toujeo® ou Tresiba®). On commence généralement avec 10 U par jour ou 0,2 U/kg et on augmente de 2 unités une fois par semaine. L’alternative serait, surtout si la glycémie augmente fortement après un ou deux repas principaux, d’administrer une insuline co-formulée comme Ryzodeg®, qui se compose de 30% de NovoRapid® à courte durée d’action et de 70% de Tresiba®. Cette insuline peut être administrée une ou deux fois par jour au moment des repas contenant le plus de glucides ou au moment du repas où la glycémie postprandiale augmente le plus. Une comparaison directe avec un système de bolus de base dans le diabète de type 2 a montré qu’il était possible d’obtenir la même HbA1c, mais avec moins d’hypoglycémies avec l’insuline Ryzodeg® administrée deux fois par jour.

L’ objectif HbA1c dans le diabète sucré de type 2

Comme il n’y a pas de risque d’hypoglycémie avec une double ou triple combinaison (metformine, inhibiteur du SGLT-2, GLP-1 RA ou inhibiteur de la DPP-4), l’objectif est HbA1c <6,5% ou aussi proche de la normale que possible pour toutes les personnes de moins de 65 ans. Si l’âge est >65 ou 80 ans, on peut être un peu plus indulgent. La figure 4 illustre ces recommandations. Ce n’est qu’en cas de traitement à l’insuline ou aux sulfonylurées, ces dernières n’étant plus recommandées, que l’on ne souhaite pas atteindre une HbA1c trop basse, en raison du risque d’hypoglycémie. L’HbA1c devrait cependant toujours être < 8,0% pour tous les groupes d’âge, même en cas de traitement à l’insuline.

Situations particulières: Maladie rénale chronique, insuffisance cardiaque et patients âgés et fragiles

Environ 25% des patients suisses atteints de diabète de type 2 souffrent d’une maladie rénale chronique. Malheureusement, beaucoup ne sont pas diagnostiqués, car la détermination de l’albuminurie est effectuée chez moins de 30% des patients. Dans le cas de la maladie rénale chronique, les inhibiteurs du SGLT-2 sont le groupe de médicaments préféré, suivis par les GLP-1 RA, qui peuvent être administrés jusqu’à un eDFG de 15 ml/min. Un nouveau médicament, disponible sur le marché depuis le 1er juin 2023, est un nouvel antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes non stéroïdiens, la finérone (Kerendia®). Ce nouveau médicament est indiqué en cas d’IRC avec un eDFG de 25-59 ml et une microalbuminurie et un eDFG de 25-75 ml/min et une macroalbuminurie et peut être utilisé en association avec des inhibiteurs du SGLT-2.

Pour le dépistage précoce de l’insuffisance cardiaque, il est recommandé d’interroger tous les patients sur les symptômes typiques (dyspnée, orthopnée, réduction de la capacité d’effort, fatigue, œdème des chevilles). Si un ou plusieurs symptômes sont présents et/ou si l’ECG présente des anomalies, le NT-proBNP ou le BNP doivent être déterminés. Si les valeurs sont élevées, les patients doivent être adressés à un cardiologue pour une échocardiographie. Cet examen permet de diagnostiquer l’insuffisance cardiaque et de la classer en HFrEF, HFmEF ou HFpEF en fonction de la fraction d’éjection systolique. La figure 5 illustre le déroulement de cet examen. Outre le traitement établi pour l’HFrEF (inhibiteurs de l’ECA/sartans, diurétiques, bêtabloquants, antagonistes de l’aldostérone), les inhibiteurs du SGLT-2 sont recommandés pour la fraction d’éjection préservée et réduite. Les inhibiteurs du SGLT-2 sont le seul groupe de médicaments présentant une réduction significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF).

Les patients >65 ans souffrent souvent de maladies gériatriques typiques et présentent souvent une malnutrition, même s’ils sont obèses (figures 6 et 7). Chez ces patients, on souhaite éviter l’effet coupe-faim du GLP-1 RA et on préfère les inhibiteurs de la DPP-4. La linagliptine (Trajenta®) est privilégiée, car la dose ne doit pas être adaptée au eDFG. L’effet rénocardioprotecteur des inhibiteurs du SGLT-2 est également incontesté dans ce groupe.

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Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 08_2023

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

RL: Participation à des Advisory Boards et honoraires de conferencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

  • Les recommandations les plus modernes et les plus simples pour le traitement du diabète sucré de type 2 ont été présentées dans une version courte.
  • Contrairement aux recommandations précédentes, les recommandations actuelles sont toutes basées sur de nombreuses études cardiovasculaires finales qui documentent ces étapes.
  • L’approche thérapeutique holistique repose cependant toujours sur l’évaluation individuelle du patient et sur l’acceptation du traitement par le patient. L’algorithme thérapeutique proposé doit constituer une aide simple à suivre.

(1) Giacomo Gastaldi, Barbara Lucchini , Sebastien Thalmann, Stephanie Alder,
Markus Laimer, Michael Brändle, Peter Wiesli. Roger Lehmann; Working group of the SGED/SSED, Swiss recommendations of the Society for Endocrinology and Diabetes (SGED/SSED) for the treatment of type 2 diabetes mellitus (2023), Swiss Med Wkly 2023;153;40060 doi.org/10.57187/smw.2023.40060

Approche psychothérapeutique des SCPD

Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) rendent complexe la prise en charge des patients déments. Ils témoignent d’ une souffrance intense chez le patient et pèsent sur son entourage (famille et/ou équipe de soin). Le risque est de considérer ces manifestations comme le problème du patient et de passer à côté de ce qui active et renforce la manifestation des SCPD. Nous proposons ici une perspective psychothérapeutique de la compréhension des SCPD en les considérant comme une problématique issue de l’ interaction entre le patient et l’ environnement dans lequel il évolue. De ce point de vue, la compréhension de ce qui provoque la survenue des SCPD comme la manifestation de difficultés ressenties par le patient dans ce système est la clef pour mettre en place des interventions efficaces.

The behavioral and psychological symptoms of dementia (BPSD) make the treatment of dementia patients complex. They testify to the patient’s intense suffering and place a burden on his or her environment (family and/or care team). There is a risk of considering these manifestations as the patient’s problem and overlooking them, which activates and reinforces the manifestation of BPSD. We propose here a psychotherapeutic perspective for understanding BPSD by viewing it as a problem arising from the interaction between the patient and the environment in which they live. From this perspective, understanding what causes the onset of BPSD as a manifestation of the patient’s perceived difficulties in this system is key to developing effective interventions.
Key Words: dementia, BPSD, psychology

Plus de 146’ 500 personnes sont affectées par une démence aujourd’ hui en Suisse, et ce nombre devrait doubler d’ ici 2050. Ainsi les démences représentent l’ un des plus grands défis sociaux, économiques et de santé publique actuels. En plus de l’ atteinte cognitive, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) font partie de la présentation clinique des démences. Les SCPD, aussi dénommés symptômes neuropsychiatriques, sont définis comme des signes et des symptômes reflétant une altération de la perception, du contenu de la pensée, de l’ humeur ou du comportement (1). Les manifestations cliniques peuvent se présenter non seulement sous forme d’ apathie, dépression, anxiété, agitation et insomnie mais également sous forme d’ errance, d’ opposition aux soins, d’ agressivité et d’ idées délirantes (2, 3, 4). Ces symptômes peuvent survenir dans tous les types de démence et représentent un défi pour le patient et son entourage. Ils sont en effet associés à une détresse émotionnelle élevée, une diminution de la qualité de vie, une péjoration sur le plan fonctionnel, des hospitalisations fréquentes, un risque de négligence et/ou d’ abus, et à une mortalité plus élevée (5).

Compréhension psychologique des SCPD

Il existe différents modèles de compréhension des SCPD (6). Dans cet article nous adoptons un modèle de compréhension psychologique des SCPD qui part du postulat que les SCPD sont l’ expression d’ un besoin inassouvi. Dans cette logique, le traitement des SCPD consiste en trois étapes : 1) identifier et décrire les SPD ; 2) cerner la problématique sous-jacente à leur manifestation (identifier la souffrance du patient qui provoque les SCPD) ou en d’ autres termes, de comprendre quel est le besoin du patient sous-jacent à cette manifestation ; 3) définir des interventions à partir de cette compréhension du problème, c’ est à dire mettre en place des moyens pour combler ce manque (7). Si les moyens proposés sont pertinents, ils permettront la diminution, voir disparition des SCPD.

Identification et description des SCPD

L’ utilisation d’ instruments de cotation permet une description et une documentation précises des SCPD. Ils favorisent un suivi précis de ces manifestations tant dans la phase d’ investigation que dans l’ évaluation de l’ efficacité des mesures mises en place.
Dans cette optique les instruments de cotation suivants peuvent être une aide pour les professionnels.

  • Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield ; (8)
  • Inventaire neuropsychiatrique de Cummings ; (9)
  • Nursing Home Behavior Problem Scale – version française ; (10)
  • Échelle de dépression gériatrique ; (11)
  • Échelle de Cornell (dépression associée à un trouble neurocognitif) ; (12)
  • Inventaire de l’ apathie ; (13)

Il est à noter que la plupart de ces instruments prévoit l’ évaluation par un tiers : soignant ou proche aidant.

Évaluation des SCPD

L’ évaluation des SCPD repose sur une démarche clinique et structurée qui évalue 3 domaines : l’ anamnèse passée et récente du patient, ainsi que l’ observation du patient dans son quotidien (contexte actuel). Celle présentée ici s’ inspire du document « Démarche d’ intervention clinique d’ évaluation des SCPD » développé par l’ équipe de mentorat du Centre d’ Excellence sur le Vieillissement de Québec (14).
Par ailleurs, cette évaluation peut être complétée en se référant aux neuf besoins de Boettcher : le territoire, la communication, l’ estime de soi, la sécurité, l’ autodétermination, le temps, l’ identité personnelle, le confort et la compréhension (15).

Relevons que le recueil des données anamnestiques se fera autant que possible auprès du patient. Il sera complété par un entretien avec les proches et l’ étude détaillée du dossier. Les proches et les soignants qui s’ occupent régulièrement du patient fournissent une aide précieuse dans la compréhension du patient (personnalité prémorbide, habitudes de vie, valeurs) et des observations utiles quant à ce qui se passe pour lui au niveau intrapsychique et relationnel. Enfin, l’ observation des comportements du patient en situation de soin permet d’ identifier les situations problématiques mais également des stratégies qui permettent d’ éviter le déclenchement de certains comportements.

Intervention

Il n’ existe pas d’ évidence terme à terme entre la manifestation d’ un SCPD et la réponse à lui donner. La prise en charge du patient nécessite donc de s’ adapter à chaque situation spécifiquement : il s’ agit de comprendre ce qui se passe pour lui et de répondre à cette cause. Dans une approche psychothérapeutique des SCPD, les interventions non-médicamenteuses seront privilégiées en réponses à ces difficultés. La médication psychotrope est cependant indiquée dans les cas de SCPD sévères ou réfractaires aux interventions non-médicamenteuses ainsi que dans les cas de risque imminent pour la sécurité de la personne ou d’ autrui. Pour une vue d’ ensemble sur les traitements médicamenteux nous recommandons les guidelines sur le traitement des SCPD de la Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie de la Personne Âgée (SPPA)(16). Précisons que la médication est utile pour apaiser le symptôme mais ne permet pas de traiter ses causes. Seule la compréhension des raisons sous-jacentes au SCPD va permettre un traitement efficace et durable du symptôme.

La démence, en particulier lorsqu’ elle se complique par des SCPD, rend difficile l’ accès au patient. La confrontation à ces comportements induit le risque d’ oublier le patient (sa personnalité, son individualité et son parcours de vie) et, dès lors, le risque de renforcer les attitudes problématiques dont on ne cernerait pas la pertinence. Les approches non médicamenteuses ont comme postulats essentiels le respect de la dignité du patient, une vision holistique du patient allant au-delà de la maladie et l’ évitement de l’ infantilisation.

Les mesures possibles pour traiter les SCPD consistent en des interventions individuelles, ciblées sur le comportement du patient, mais également en des interventions systémiques incluant les proches et/ou les soignants afin d’ adapter l’ environnement aux besoins du patient. Le tableau ci-dessous propose une vue d’ ensemble (non exhaustive) de ces interventions.

Comme déjà indiqué précédemment, il est essentiel d’ inclure les proches et les soignants dans la démarche d’ évaluation des SCPD. Ensuite, il s’ agira de tenir informées les familles de ce qui est mis en place pour prendre en charge le patient. Les inclure tout au long de la démarche permet une compréhension partagée du problème, du projet de soins et des attentes. Cela nécessite d’ ouvrir le dialogue (en évitant un ton scolastique) : les soignants transmettent leur compréhension des SCPD et la proposent de manière ouverte aux proches. Cela ne doit cependant pas se faire à l’ exclusion patient, il est essentiel de continuer à le considérer comme un interlocuteur malgré ses pertes cognitive ; il reste en effet le premier concerné par les décisions prises (placement, changement de traitement, adaptation de l’ environnement). Il s’ agira de l’ inclure dans les échanges : l’ informer des décisions et le préparer aux changements). Dès lors, il est souhaitable de prévoir des entretiens de soutien psychologique et d’ information (entretiens de réseau par exemple) qui incluent aussi bien les

proches que le patient, dans une démarche commune. Cela favorise une transmission claire et récurrente de la part des professionnels envers le patient et ses proches tout au long de la prise en charge.

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Dr Leonardo Zullo M.D.

Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé
Hôpital de Prangins, Ch. Oscar Forel
1197 Prangins

Leonardo.Zullo@chuv.ch

Psychologue Romaine Dukes

Psychologue associée
Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé au SUPAA
Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Romaine.Dukes@chuv.ch

Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêts à déclarer en relation avec cet article.

  • Les SCPD se présentent sous des formes diverses, ils témoignent d’ une grande détresse émotionnelle du patient et génèrent un stress important pour son entourage (proches et/ou soignants)
  • L’ approche psychothérapeutiques postule que la mise en place de mesures repose sur la compréhension du besoin sous-jacent à la manifestation comportementale
  • Le travail avec les proches aide les soignants dans leur compréhension de des enjeux sous-jacents des SCPD.
  • L’ utilisation des informations amenées par les proches permet la préservation de la personnalité du malade
  • Inclure les proches dans ces démarches leur offre un soutien face à une situation éprouvante en termes émotionnels et permet de les impliquer dans la mise en place d’interventions systémiques.

1. Finkel SI, E Silva JC, Cohen G, Miller S, & Sartorius N. Behavioral and psychological signs and symptoms of dementia: a consensus statement on current knowledge and implications for research and treatment. International psychogeriatrics. 1997; 8 (S3), 497–500.
2. Kaufer DI, Cummings JL, Ketchel P, Smith V, MacMillan A, Shelley T, et al. Validation of the NPI-Q, a brief clinical form of the neuropsychiatric inventory. J Neuropsychiatr Clin Neurosci. 2000; 12(2):233–9.
3. Lyketsos CG, Carrillo MC, Ryan JM, Khachaturian AS, Trzepacz P, Amatniek J, et al. Neuropsychiatric symptoms in Alzheimer’s disease. Alzheimers & Dementia 2011; 7(5): 532–9.
4. Kales HC, Gitlin LN, Lyketsos CG. Assessment and management of behavioral and psychological symptoms of dementia. BMJ. 2015; vol. 350.
5. Kales HC, Gitlin LN, Lyketsos CG. Management of neuropsychiatric symptoms of dementia in clinical settings: recommendations from a multidisciplinary expert panel. J Am Geriatr Soc. 2014; 62(4): 762–9.
6. Cohen-Mansfield J. Nonpharmacological interventions for persons with dementia. Alzheimer’s Care Today. 2005; 6(2): 129-145.
7. Tible OP, Riese F, Savaskan E, von Gunten A. Best practice in the management of behavioural and psychological symptoms of dementia. Ther Adv Neurol Disord. 2017;10(8): 297-309.
8. Micas M, Ousset PJ, Vellas B. Évaluation des troubles du comportement. Présentation de l’échelle de Cohen-Mansfield. La Revue Fr. de Psychiatrie et Psychol. Médicale, 1997; 151-157.
9. Cummings J., Mega M., Gray K., Rosenberg-Thompson S., Carusi D. A., & Gornbein J. The Neuropsychiatric Inventory: Comprehensive assessment of psychopathology in dementia. Neurology. 1994; 44(12): 2308-2314.
10. Ray WA., Taylor JA., Liechtenstein MJ. & al. The nursing home behavior problem scale. Journal of Gerontology, 1992, 47(1): M9-M16.
11. Yesavage J., Brink T., Rose T., Lum O., Huang V., Adey M., Leirer O. Development and validation of a geriatric depression screening scale: a preliminary report. J of Psych Res. 1983;17: 37-49.
12. Alexopoulos GS, Abrams RC, Young RC, Shamoian CA. Cornell Scale for Depression in Dementia. Biol Psychiatry. 1988; 23(3):271-84.
13. Robert PH., Clairet S., Benoit M., Koutaich J., Bertogliati C., Tible O., Caci H., Borg M., Brocker P., & Bedoucha P. The apathy inventory: assessment of apathy and awareness in Alzheimer’s disease, Parkinson’s disease and mild cognitive impairment. International journal of geriatric psychiatry. 2002; 17(12): 1099–1105.
14. Rey S., Voyer P., & Juneau L. Prise en charge des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Perspective infirmière : revue officielle de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. 2016 ;13(4) :56–60.
15. Boettcher EG. Preventing violent behavior. An integrated theoretical model for nursing. Perspectives in Psychiatric Care. 1983; 21(2): 54-58.
16. Savaskan E, Bopp-Kistler I., Buerge M. et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD). Praxis (16618157), 2014, vol. 103, no 3.