Que savent les Suisses des facteurs de risque cardiovasculaire?

Les maladies cardiovasculaires sont associées à une forte charge de morbidité et constituent la première cause de mortalité. Les principaux facteurs de risque cardiovasculaire, tels que l’ hypertension, l’ hyperlipidémie et un éventuel diabète, peuvent être efficacement traités par des médicaments. Une connaissance suffisante du sujet est également nécessaire pour favoriser une bonne adhésion au traitement. Un questionnaire anonyme a été diffusé via un magazine de santé et 3 166 participants y ont répondu. Outre les données démographiques, l’ état de santé, la connaissance des valeurs personnelles (par ex. tension artérielle, cholestérol) et l’ évaluation des facteurs de risque ont été relevés et publiés en détail dans PRAXIS (1). Cet article en résume les principaux résultats. La majorité des personnes interrogées étaient conscientes de la fréquence des maladies cardiovasculaires et de la possibilité de les traiter. L’ exercice physique et l’ alimentation ont été reconnus comme des facteurs particulièrement importants. La pression artérielle et l’ indice de masse corporelle étaient les valeurs personnelles les mieux connues. Le tabagisme, le cholestérol, l’ hypertension et le manque d’ activité physique ont été estimés comme les facteurs de risque les plus importants. Les résultats montrent une connaissance de base réjouissante, mais aussi des lacunes. Une proportion significative a sous-estimé le risque lié au tabagisme. Les auteurs de l’ étude soulignent l’ importance de la communication médecin-patient et de l’ éducation basée sur les preuves pour promouvoir la prévention et l’ adhésion au traitement. La majorité des personnes interrogées ont rejeté l’ affirmation selon laquelle les maladies cardiovasculaires sont principalement une invention de l’ industrie pharmaceutique.

Cardiovascular disease (CVD) is a major cause of morbidity and mortality. Major cardiovascular risk factors such as hypertension, hyperlipidaemia and diabetes can be effectively treated with medication. A prerequisite for good adherence to treatment is also sufficient knowledge on the part of those affected. An anonymous questionnaire was distributed through a health magazine and was completed by 3’ 166 participants. Demographic data, health status, knowledge of personal values (e.g. blood pressure, cholesterol) and assessment of risk factors were collected. This is a short version of the original article published in PRAXIS (1). The majority of respondents were aware of the prevalence and treatability of cardiovascular disease. Exercise and diet were identified as particularly important factors. Blood pressure and body mass index were the best known personal values. Smoking, cholesterol and physical inactivity were considered the strongest risk factors. The results show an encouraging level of basic knowledge, but also deficits. A significant proportion underestimated the risk of smoking. The authors of the study emphasise the importance of doctor-patient communication and evidence-based education to promote prevention and adherence to treatment. The majority of respondents rejected the statement that cardiovascular disease is mainly an invention of the pharmaceutical industry.
Keywords: Cholesterol, hypertension, Diabetes mellitus, obesity, cardiovascular risk factors

Introduction

Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité en Suisse. Elles entraînent des coûts annuels d’ environ 27.8 milliards de CHF, soit 4 % du produit intérieur brut (2). La prévention et le traitement ont un grand potentiel pour réduire ce risque de manière significative (3). Des études montrent toutefois qu’ il reste beaucoup à faire en matière de mise en œuvre des mesures de prévention (2, 4–8). L’ objectif de ce travail, qui vient d’ être publié dans son intégralité dans la revue PRAXIS (1), était d’ étudier les connaissances de la population sur les facteurs de risque cardiovasculaire et la possibilité de les influencer afin d’ optimiser les futures stratégies de prévention. L’ article suivant résume les principaux résultats de cette étude.

Méthodologie

L’ enquête sur les données sociodémographiques, les informations sur l’ état de santé individuel et les maladies cardiovasculaires antérieures ainsi que les déclarations générales sur les maladies cardiovasculaires a été réalisée sous forme d’ enquête en ligne par le biais du magazine «Doktor Stutz», qui s’ adresse aux profanes en médecine. L’ appel d’ offres et la collecte des données ont eu lieu entre le 28/11/24 et le 8/01/25. Les participants pouvaient approuver ou désapprouver les questions en cochant «oui», «plutôt oui», «plutôt non» ou «non»; il y avait en outre la possibilité de répondre «ne sait pas».

Une autre question demandait aux participants s’ ils connaissaient «très précisément», «approximativement» ou «pas du tout» leurs propres valeurs de tension artérielle, de glycémie, de cholestérol et d’ indice de masse corporelle (IMC).

Une valeur numérique croissante de 1 pour «pas du tout» à 5 pour «très fort» a été attribuée à la question sur les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, en fonction du degré d’ influence potentielle sur le risque cardiovasculaire estimé par les participants. Cette pondération par les participants a été multipliée par le nombre de réponses respectives afin d’ obtenir une pondération globale des différents facteurs de risque.

L’ état de santé personnel a été jugé bon par 60.2 % (1871), moyen par 25.8 % (804), très bon par 12.4 % (387) et mauvais par seulement 1.5 % (46).

Résultats

Au total, 3 166 réponses ont été enregistrées, et dans 2671 cas, le questionnaire a été entièrement rempli. Les femmes étaient nettement surreprésentées, représentant 79.5 % (2149) des participants contre 20.5 % (554) d’ hommes. 32.9 % (1025) des personnes ont déclaré souffrir d’ une maladie cardio-vasculaire, contre 66.2 % (2059) qui ont répondu par la négative. La majorité des participants (61.2 %, 1902) étaient âgés de 59 à 79 ans, 16.5 % (513) avaient entre 39 et 58 ans, 8.6 % (266) étaient âgés de plus de 79 ans et 0.8 % (24) avaient moins de 39 ans. La majorité (1542, 49.6 %) a indiqué comme standard de formation avoir terminé l’ école obligatoire, 46.2 % (1435) disposaient d’ une formation professionnelle supérieure (examen professionnel fédéral/examen spécialisé), 9.7 % (302) d’ un diplôme d’ une haute école spécialisée et 5.6 % (174) d’ un diplôme universitaire ou d’ une EPF.

Déclarations sur les maladies cardio-vasculaires

Deux mille sept cent quatre-vingt-treize (88.2 %) participants ont répondu à la question sur les maladies cardio-vasculaires. 53.9 % (1587) des personnes interrogées ont déclaré que les maladies cardiovasculaires sont fréquentes, 30.7 % (973) ont répondu plutôt oui, et très peu ont nié en totalité (34.1 %, soit 106). 1505 répondants (53.9 %) ont estimé que les maladies cardiovasculaires pouvaient être bien traitées par les médicaments. 38.6 % des personnes interrogées (1079) ont répondu qu’ elles étaient principalement faciles à traiter, tandis que 2.5 % (70) ont répondu par la négative. À la question de savoir si les maladies cardiovasculaires sont un phénomène normal lié à l’ âge, 46.1 % (1289) des personnes ont répondu que c’ était (plutôt) le cas, tandis que 43.3 % (1 210) ont répondu tout à fait ou plutôt l’ inverse. L’ influence positive de l’ activité physique (2720; 97.3 %) ou d’ une alimentation saine (2413; 86.4 %) a été majoritairement approuvée. 78.5 % (2 194 personnes) ont rejeté l’ affirmation selon laquelle les maladies cardio-vasculaires sont principalement une invention de l’ industrie pharmaceutique.

Connaissance de ses propres valeurs

2766 personnes interrogées (87.4 %) ont donné des indications à ce sujet. La plupart des personnes interrogées connaissaient leur propre tension artérielle: 64.3 % (1781 personnes) ont déclaré la connaître très précisément, et 33 % (913 personnes) la connaissaient tout de même approximativement. La deuxième valeur la plus courante était l’ indice de masse corporelle, que 55.7 % (1 543 personnes) connaissaient très précisément. Seuls 7.8 % (217 personnes) ne le connaissaient pas du tout. 37.2 % (1031 personnes) connaissaient leur taux de glycémie de manière très précise et 32.2 % (891 personnes) de manière au moins approximative. En ce qui concerne le cholestérol, 39.2 % (1086 personnes) ont déclaré le connaître très précisément, tandis que 25.2 % (697 personnes) ont déclaré ne pas connaître du tout leur taux de cholestérol.

Facteurs de risque pour les maladies ­cardiovasculaires

2706 répondants (85.5 %) ont donné leur avis sur les facteurs de risque cardiovasculaire. Avec une valeur totale cumulée de 10 687, soit une moyenne de 3.97, le tabagisme était le facteur de risque le plus fortement pondéré. Plus de 50 % ont évalué ce facteur comme un facteur de risque très important. Toutefois, 16.1 % (435 personnes) estimaient que le tabagisme n’ était pas du tout un facteur de risque. Le cholestérol et la pression artérielle ont été considérés comme des facteurs de risque importants, avec des valeurs totales de 10 706 et 10 650 et des valeurs moyennes de 3.97 et 3.95 (médiane 4 dans les deux cas, IQR 4–5), presque à égalité, suivis par le manque d’ activité physique, avec une valeur totale de 10 641 (moyenne 3.95, médiane 4, IQR 4–5), que 39.7 % (1073 personnes interrogées) ont considéré comme un facteur de risque très important. Le diabète sucré a été moins pondéré en tant que facteur de risque cardiovasculaire, avec un total de 9465 et une valeur moyenne de 3.51 (médiane 4, IQR 3–5). Le diabète n’ a pas du tout été considéré comme un facteur de risque par 13.6 % des personnes interrogées (367 répondants). Viennent ensuite les antécédents familiaux (9509; 3.52 %), la consommation de fast-food (9105; 3.39 %), le stress (8861; 3.28 %), la consommation d’ alcool (8542; 3.16 %) et l’ augmentation du poids corporel (8301; 3.08 %).

Discussion

À notre connaissance, le présent sondage est la première enquête réalisée en Suisse auprès de non-spécialistes de la médecine. Il a permis de recueillir des estimations du risque cardiovasculaire en général, des connaissances sur les facteurs de risque individuels et la possibilité d’ influencer ces facteurs. Les résultats de l’ enquête révèlent une prise de conscience réjouissante des facteurs de risque, en particulier au sein du lectorat d’ un magazine de santé. Il existe néanmoins des lacunes dans les connaissances, par exemple en ce qui concerne la perception du cholestérol et l’ importance de l’ activité physique. Il convient de noter que 13.5 % (435 répondants) n’ ont pas évalué le tabagisme ou ne l’ ont considéré que comme un facteur de risque mineur (29; 1.1 %), ce qui indique qu’ il est nécessaire de poursuivre l’ éducation. Malgré les connaissances générales, de nombreux patients n’ atteignent pas les niveaux de pression artérielle et de cholestérol recommandés, ce qui souligne l’ importance d’ une meilleure communication entre le médecin et le patient.

Les résultats de notre enquête doivent être interprétés dans le contexte de l’ échantillon interrogé. La répartition par âge correspond au lectorat typique d’ un magazine de santé: plus de 60 % des participants avaient entre 59 et 79 ans, un âge où l’ intérêt pour les thèmes de santé, et en particulier pour les maladies cardiovasculaires, augmente avec une prévalence élevée. Des études montrent que le niveau d’ éducation, mais pas le revenu, a une influence sur les facteurs de risque cardiovasculaire, notamment sur le taux de cholestérol dû à l’ alimentation (9). Bien que le niveau d’ éducation de notre échantillon ne révèle pas de biais en faveur des universitaires (11.3 %), on peut supposer que la plupart des participants sont déjà familiarisés avec le sujet, notamment en tant que lecteurs d’ un magazine de santé, et peuvent être considérés comme plus instruits à cet égard. La prévalence autodéclarée des maladies cardiovasculaires se situe, avec 33.9 %, dans la fourchette attendue; selon l’ Enquête suisse sur la santé, 27.6 % des personnes âgées de 55 à 64 ans et 45.8 % des personnes âgées de 65 à 74 ans souffrent d’ une maladie cardiovasculaire (10). Il convient également de noter que la proportion de femmes parmi les participants (près de 80 %) est nettement supérieure à celle des hommes, ce qui reflète probablement leur plus grand intérêt pour les thèmes de santé.

Les participants étaient divisés sur la question de savoir si les maladies cardio-vasculaires étaient un phénomène naturel lié à l’ âge. Cela est peut-être dû au fait qu’ un pourcentage élevé d’ entre eux est convaincu que ces maladies peuvent être influencées de manière positive par un mode de vie actif (97.3 %) et une alimentation saine (86.4 %). Les problèmes d’ adhésion sont fréquents dans le quotidien médical, de sorte que nous nous attendions à une attitude sceptique vis-à-vis des thérapies médicamenteuses ou de l’ industrie pharmaceutique. L’ information des personnes interrogées sur leurs propres valeurs est meilleure que prévu, mais toujours insuffisante: 64.3 % déclaraient connaître leur tension artérielle «très précisément»; dans une étude d’ Oliveiria et al. auprès de patients hypertendus, 91 % ont par exemple déclaré être conscients de l’ importance d’ un traitement antihypertenseur pour eux, mais 41 % seulement connaissaient leur propre tension artérielle (11). Dans une étude plus ancienne de Murdoch et al., des patients ayant fait l’ objet d’ une mesure du cholestérol ont été interrogés sur leur statut lipidique et leur taux de cholestérol, et seuls 19 % d’ entre eux se souvenaient précisément de leur taux, notamment lorsqu’ il était associé à des recommandations diététiques (12). Ce résultat correspond aux résultats qualitatifs de Goldman et al. qui montrent que les recommandations concrètes de traitement sont particulièrement importantes pour les patients (13).

Cet article est une traduction de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 04_2025

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Aerzteverlag medinfo AG

Pr Thomas Rosemann

Hôpital universitaire de Zurich
Institut de médecine générale
Pestalozzistrasse 21
8091 Zurich

Dre Andrea Rosemann

Hôpital universitaire de Zurich
Institut de médecine générale
Pestalozzistrasse 21
8091 Zurich

Pr Thomas F. Lüscher

MediS – Medizin im Schauspielhaus
Rämistrasse 34
8001 Zurich

Royal Brompton & Harefield Hospitals
77 Wimpole Street Outpatients and Diagnostics
London W1G 9RU

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Les résultats indiquent que la connaissance de l’ importance des facteurs de risque cardiovasculaire dans les groupes de population concernés par la prévention cardiovasculaire est plus importante qu’ on ne le pense.
  • Cependant, les connaissances ne garantissent pas à elles seules l’ adhésion au traitement, mais elles constituent une condition préalable décisive. Il est possible que de nombreux médecins sous-estiment la volonté des patients à suivre des thérapies fondées sur des preuves.
  • Les résultats sont encourageants dans la mesure où les connaissances de base existantes, complétées par une information complète, par exemple au moyen de scores de risque (13), devraient créer les conditions nécessaires pour atteindre des niveaux d’ atteinte des objectifs plus élevés que ceux que l’ on observe actuellement.

1. Rosemann T, Lüscher TF, Rosemann A. Was wissen Schweizerinnen und Schweizer über kardiovaskuläre Risikofaktoren? Praxis 2025; 114:86-91.
2. Rosemann T, Bachofner A, Strehle O. [Cardiovascular diseases in Switzerland – Prevalence and care]. Praxis (Bern 1994). 2024;113(3):57-66.
3. Roth GA, Johnson C, Abajobir A, Abd-Allah F, Abera SF, Abyu G, et al. Global, Regional, and National Burden of Cardiovascular Diseases for 10 Causes, 1990 to 2015. J Am Coll Cardiol. 2017;70(1):1-25.
4. Marz W, Dippel FW, Theobald K, Gorcyca K, Iorga SR, Ansell D. Utilization of lipid-modifying therapy and low-density lipoprotein cholesterol goal attainment in patients at high and very-high cardiovascular risk: Real-world evidence from Germany. Atherosclerosis. 2018;268:99-107.
5. Aminorroaya A, Yoosefi M, Rezaei N, Shabani M, Mohammadi E, Fattahi N, et al. Global, regional, and national quality of care of ischaemic heart disease from 1990 to 2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017. European Journal of Preventive Cardiology. 2021;29(2):371-9.
6. Ray KK, Molemans B, Schoonen WM, Giovas P, Bray S, Kiru G, et al. EU-Wide Cross-Sectional Observational Study of Lipid-Modifying Therapy Use in Secondary and Primary Care: the DA VINCI study. Eur J Prev Cardiol. 2021;28(11):1279-89.
7. Huber CA, Meyer MR, Steffel J, Blozik E, Reich O, Rosemann T. Post-myocardial Infarction (MI) Care: Medication Adherence for Secondary Prevention After MI in a Large Real-world Population. Clin Ther. 2019;41(1):107-17.
8. Di Ganghi SB, R. Grischott, T. Burgstaller, J. Senn O., Rosemann, T. Markun S. Arterial Hypertension Control and Treatment in Swiss General Practice – cross sectional study using routine data from the FIRE primary care database. (submitted)
9. Potvin L, Richard L, Edwards AC. Knowledge of cardiovascular disease risk factors among the Canadian population: relationships with indicators of socioeconomic status. Cmaj. 2000;162(9 Suppl):S5-11.2
10. 2023 Pages. Assessed at OBSAN at https://ind.obsan.admin.ch/indicator/monam/herz-kreislauf-erkrankungen-praevalenz-alter-15 on 26.06.2023
11. Oliveira SA et al. Hypertension knowledege, awarenes and attitudes in a hypertenisve population. J Gen Intern Med 2005;20(3): 219-225
12. Murdoch M, Wilt TJ. Cholesterol awareness after case finding: do patients really know their cholesterol number? Am J Prev Med 1997;13(4):284-289
13. Goldmann RE et al. Patients’ perceptions of cholesterol, cardiovascular disease risk, and risk communication strategies. Ann Fam Med 2006; 4: 205-212

Maladie d’ Alzheimer – préparation du système dans le contexte de nouveaux développements

L’ autorisation éventuelle de nouvelles thérapies à base d’ anticorps monoclonaux pour la maladie d’ Alzheimer pose des défis aux systèmes de santé du monde entier. Dans le présent travail, l’ association Swiss Memory Clinics (SMC) procède à une analyse des ressources disponibles et identifie les éventuels points de tension dans leur déploiement. La gestion d’ éventuelles limitations en matière de capacités représente un défi qui nécessite des mesures à différents niveaux. Notre analyse montre aussi que nous disposons en Suisse de bonnes conditions pour intégrer de nouveaux développements dans les structures de soins existantes.

The potential authorisation of new monoclonal antibody therapies for Alzheimer’s disease poses challenges for healthcare systems around the world. In this paper, the Swiss Memory Clinics (SMC) association analyses the available resources and identifies potential points of tension in their deployment. Managing potential capacity limitations is a challenge that requires measures at various levels. Our analysis also shows that we have good conditions in Switzerland for integrating new developments into existing care structures.
Keywords: Alzheimer’ s disease, dementia, therapy, health care

Contexte

Actuellement, environ 156 900 personnes vivent avec une démence en Suisse, et ce chiffre devrait atteindre 315 000 personnes en 2050. Chaque année, 33 800 nouvelles démences sont diagnostiquées (1). Depuis sa création le 20 mai 2008, la SMC s’ engage dans toute la Suisse en faveur d’ un diagnostic et d’ un traitement de haute qualité et largement disponible des troubles neurocognitifs – en particulier des différentes formes de démence (2, 3, 4, 5).

Les thérapies anti-amyloïdes (AAT) ne sont pas encore disponibles en Suisse. Deux études de phase 3 avec les anticorps monoclonaux lecanemab (6) et donanemab (7) ont pu montrer des résultats positifs significatifs sur tous les critères d’ évaluation cliniques et paracliniques (p. ex. qualité de vie) dans le traitement des troubles cognitifs légers (MCI) et de la démence légère de la maladie d’ Alzheimer (MA) sur une période de 18 mois. Ces médicaments sont déjà utilisés dans certains pays (par exemple aux États-Unis, au Japon et en Chine). L’ Agence australienne des mèdicaments s’ est prononcée contre l’ autorisation du lecanemab. En Grande-Bretagne, l’ autorité d’ homologation s’ est prononcée en faveur d’ une autorisation en excluant les personnes présentant le plus grand risque d’ effets secondaires, mais le National Institute for Health and Care Excellence s’ est prononcé contre une prise en charge par le National Health Service pour des raisons médico-économiques. L’Agence européenne des médicaments (EMA) et la Commission européenne se sont finalement elles aussi prononcées récemment en faveur d’une autorisation du lecanemab, à l’exclusion des personnes présentant le plus grand risque d’effets secondaires. En Suisse, les préparations sont actuellement soumises à la procédure d’ autorisation auprès de Swissmedic.

Les AAT nécessitent de nombreuses ressources du système de santé en ce qui concerne le diagnostic, l’ application des thérapies et le monitoring. Une analyse de Hlavka et al. menée dans six pays européens montre que des limitations au niveau des capacités pourraient conduire à ce que plus d’ un million de patients souffrant de troubles cognitifs légers dus à la MA évoluent vers le stade de la démence, alors qu’ ils sont sur une liste d’ attente pour un traitement spécialisé (8). Ce chiffre est toutefois nettement surestimé, car nous savons désormais que seule une minorité de la population éligible est susceptible de bénéficier de l’ AAT (voir ci-dessous).

Nous aimerions expliquer ci-dessous dans quelle mesure nous estimons que le système de santé suisse pourrait gérer l’ introduction d’ une telle thérapie.

Aperçu des Swiss Memory Clinics (SMC)

Les données présentées ci-après reposent pour la plupart sur une enquête menée par l’ association SMC auprès de ses membres afin de recenser les caractéristiques structurelles et procédurales du traitement interdisciplinaire.

Les médecins de famille sont souvent le premier point de contact pour les patients et leurs proches et fonctionnent comme les principaux référents pour le traitement dans les cliniques de la mémoire (MC). Les processus de cette collaboration ont été décrits dans le cadre des recommandations diagnostiques SMC au sens d’ une stratégie de «case finding» (3, 4).

Avec environ 5.44 MC pour 1 000 000 d’ habitants, la Suisse présente une densité élevée d’ unités de soins interdisciplinaires spécialisées en comparaison internationale. S’ y ajoutent des offres en dehors du réseau SMC.

Le Tab. 1 ci-dessous présente l’ évolution au sein du réseau SMC entre 2018 et 2023. On constate une nette augmentation du nombre de MC et des ressources en personnel par MC accompagnée d’ une augmentation des délais d’ attente.

Disponibilité du diagnostic
L’ accès au diagnostic est globalement très bon. Des examens neuropsychologiques par MC et par an sont réalisés dans 83 % des cas. Tous les MC ont accès, au sein de leur institution ou par le biais de coopérations, aux examens de laboratoire, à l’ IRM, au FDG-PET, au diagnostic du LCR et à l’ EEG, 89 % ont également accès au PET amyloïde.

Répartition des diagnostics
La répartition des diagnostics en 2023 est présentée dans la Fig. 1. Les données sont basées sur des estimations. Une MA représente 65 % des cas. Dans 39 % la MA est un stade de MCI ou de démence légère.

Manque potentiel de soins dans le contexte de l’ AAT

Malgré l’ infrastructure suisse relativement développée en ce qui concerne les soins aux personnes atteintes de démence, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’ autorisation d’ une AAT pourrait entraîner une limite dans la trajectoire des soins. Il y a encore quelques inconnues à ce sujet, par exemple on dispose encore de peu de données sur les effets cliniques à long terme et sur la sécurité en cas d’ utilisation prolongée. Néanmoins, une évaluation est d’ ores et déjà nécessaire pour estimer si la Suisse sera en mesure de fournir ces traitements en temps voulu.

Diagnostic
En Suisse, on estime que le taux d’ incidence annuel des démences est de 32 900. Environ 15 000 cas sont examinés chaque année dans les MC. En cas d’ augmentation des orientations vers le diagnostic précoce dans le contexte des nouvelles possibilités thérapeutiques, les MC estiment que l’ amélioration de l’ efficacité et l’ extension de l’ offre permettraient de réaliser 3000 examens supplémentaires par an dans toute la Suisse.

Une augmentation progressive de la demande de bilans MC jusqu’ à 20 000 à 25 000 par an (60–75 % de l’ incidence annuelle) est un scénario réaliste, ce qui pourrait dans un premier temps avoir une influence négative sur les délais d’ attente jusqu’ au premier bilan.

Traitement
Les premières données issues de la prise en charge montrent que, compte tenu des recommandations actuelles d’ utilisation des nouvelles substances dans une population de MA dans les MC, seuls environ 8 à 17 % des cas pourraient éventuellement être éligibles pour une AAT, selon les critères d’ inclusion et d’ exclusion appliqués (9, 10, 11). Pour les MC en Suisse, cela signifierait actuellement, pour une population initiale de MA d’ environ 5850 cas (39 % des 15 000 cas de MC), approximativement 468 à 995 nouveaux patients éligibles pour une AAT par an. Ce nombre pourrait augmenter au fur et à mesure que le diagnostic précoce se développe (voir ci-dessus). Il n’ est pas encore possible d’ estimer combien d’ entre eux consentiront effectivement pour un traitement et cela dépendra fortement des évaluations du rapport bénéfice/risque des groupes d’ intérêt concernés. Il est probable que seule une fraction des patients éligibles accepterait de suivre une AAT.

Les ressources pour la mise en œuvre de thérapies par perfusion sont loin d’ être disponibles dans toutes les MC. Dans 65 % des cas, on ne sait pas encore dans quelle mesure il est possible d’ implémenter des places de thérapie dans les réseaux MC. Dans 32 % des MC, 15 places de thérapie hebdomadaires sont directement ou indirectement indiquées comme disponibles, ce qui correspond à une capacité moyenne d’ environ 180 thérapies par perfusion par semaine. En fonction de la fréquence d’ application, cela donne une capacité annuelle de 360 à 720 patients AAT. La capacité de perfusion dans le réseau MC pourrait vraisemblablement être augmentée au fil du temps par des mesures organisationnelles et des coopérations ciblées. En outre, une durée de traitement limitée dans le temps ainsi que des formes d’ application sous-cutanées en cours de développement pourraient améliorer la situation.

Aperçu
L’ augmentation anticipée des besoins en ressources pour les examens spécialisés en cas d’ autorisation de nouvelles AAT contraste avec les pénuries de ressources dans le domaine du personnel spécialisé, avec une tendance à l’ augmentation des temps d’ attente et une capacité d’ extension limitée à environ 18 000 de bilans par an. Les estimations des lacunes potentielles en matière de capacités pour les thérapies par perfusion sont incertaines et vont de 0 à 635. Nous ne prévoyons toutefois pas de lacunes importantes à long terme. L’ accès aux diagnostics complémentaires par appareillage ou par chimie de laboratoire semble poser peu de problèmes à la Suisse. Les mesures qui peuvent contribuer à compenser le manque de ressources comprennent l’ intensification des coopérations à l’ intérieur et à l’ extérieur des institutions respectives ainsi que les développements diagnostiques et thérapeutiques (voir ci-dessous, Tab. 2).

Mesures et conditions-cadres

En raison des connaissances spécialisées nécessaires, qui requièrent de longues périodes de formation et de perfectionnement, ainsi que de la pénurie générale de personnel qualifié dans le secteur de la santé, une augmentation rapide du personnel pour compenser le manque de soins semble irréaliste. Des processus d’ amélioration continue visant à augmenter la productivité des professionnels existants, tels que la numérisation ou la délégation, ainsi que la mise en place de coopérations semblent plus appropriés. Il sera essentiel de savoir dans quelle mesure il sera possible de poser des indications précises et efficaces avec des processus d’ évaluation allégés et d’ étendre les capacités de perfusion. Les aspects suivants doivent notamment être pris en compte:
• Utilisation de nouvelles technologies de biomarqueurs, comme les biomarqueurs sanguins et l’ augmentation par l’ intelligence artificielle.
• Nouvelles formes de collaboration entre les soins primaires et les MC.
• Mise en place et développement de capacités de perfusion par des coopérations ciblées.
• Formes d’ administration limitées dans le temps et par voie sous-cutanée.
• Gestion efficace des effets secondaires potentiels grâce à des coopérations ciblées.

Conditions cadres nécessaires:
• Rôle central de coordination des experts en démence pour garantir la qualité du traitement et de l’ indication, et grande importance accordée à une information minutieuse et centrée sur le patient ainsi qu’ aux aspects médico-éthiques.
• Recommandations professionnelles concernant le diagnostic et le traitement appropriés ainsi que l’ élaboration de procédures opératoires standard.
• Amélioration des données de base par la promotion de la recherche sur les soins et le développement d’ un registre.
• Procédure uniforme de garantie de prise en charge des coûts pour la période entre une éventuelle décision positive de Swissmedic et l’ admission sur la liste des spécialités.

Conclusions

Le système de santé suisse ne sera pas facilement en mesure d’ offrir un accès à tous les patients dans un délai raisonnable en cas d’ autorisation d’ une AAT. Des ajustements importants seront nécessaires. Au vu de notre analyse, il apparaît toutefois que nous disposons de structures et de mesures permettant de minimiser le risque que les patientes et les patients connaissent une progression de leur maladie en attendant un traitement spécialisé.

La gestion d’ éventuelles limitations en termes de capacités constitue un défi qui nécessite des mesures à différents niveaux. Le manque de ressources en personnel, notamment, rend difficile la mise en œuvre de la création et de l’ extension d’ autres offres. La politique (nationale et cantonale), les universités, les hôpitaux/cliniques, les sociétés de discipline médicale, les établissements de formation postgraduée et les cadres sont ici sollicités.

Les auteurs sont d’ avis qu’ en cas d’ autorisation, l’ accès à l’ AAT devrait être possible pour tous les patients éligibles et intéressés.

Abréviations
SMC Association Swiss Memory Clinics
AAT Thérapie anti-amyloïde
MCI Trouble cognitif léger
MA Maladie d’ Alzheimer
MC Memory Clinics
FTLD Dégénérescence lobaire frontotemporale
LBD Démence à corps de Lewy
SCD Déclin cognitif subjectif

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Cet article est une deuxième impression de PRAXIS 11_12_2024:
Rafael Meyer et al, Alzheimer-Krankheit – Systembereitschaft im Kontext neuer Entwicklungen

Andreas Monsch 3, Gilles Allali 7, Nadège Barro-Belaygues 1, 4, Stefanie Becker 6, Markus Bürge 8, Giovanni B. Frisoni 9, Dan Georgescu 1, 2, Anton Gietl 1, Hans H. Jung 10, Aurelien Lathuiliere 1, 5, 9, Kathrin Lindheimer 11, Karl-Olof Lovblad 9, Tatjana Meyer-Heim 1, 4, Julius Popp 1, 2, Olivier Rouaud 1, 7, Marc Sollberger 12, Ansgar Felbecker 1, 5

1 Swiss Memory Clinics (SMC), 2 Schweizerische Gesellschaft für Alters­psychiatrie und -psychotherapie (SGAP), 3 Schweizerische Vereinigung der Neuropsychologinnen und Neuropsychologen (SVNP), 4 Schweizerische Fachgesellschaft für Geriatrie (SFGG), 5 Schweizerische Neurologische Gesellschaft (SNG), 6 Alzheimer Schweiz, 7 Centre hospitalier universitaire vaudois, 8 Berner Spitalzentrum für Altersmedizin Siloah BESAS, 9 Hôpitaux Universitaires de Genève, 10 Memory Clinic, Klinik für Neurologie, Universitätsspital Zürich, 11 Spital Affoltern, 12 Felix Platter Spital, Universitäre Altersmedizin Basel

Dr. med. Rafael Meyer

Psychiatrische Dienste Aargau AG
Klinik für Konsiliar-, Alters- und Neuropsychiatrie
Husmatt 1
5405 Baden-Dättwil

rafael.meyer@pdag.ch

Les auteurs de cette publication ont déclaré tous les conflits d’intérêts pertinents. Si vous souhaitez de plus amples informations, veuillez contacter le Secrétariat à l’adresse suivante: info@swissmemoryclinics.ch.

  • L’ autorisation (éventuelle) de nouvelles thérapies à base d’ anticorps monoclonaux pour la maladie d’ Alzheimer pose des défis aux systèmes de santé, aussi en Suisse.
  • Notre analyse montre que nous disposons en Suisse de bonnes conditions pour intégrer de nouveaux développements dans les ­structures de soins existantes.
  • En cas d’ autorisation l’ accès à l’ AAT devrait être possible pour tous les patients éligibles et intéressés.

1. https://www.alzheimer-schweiz.ch/fileadmin/dam/Alzheimer_Schweiz/Dokumente/Ueber_Demenz/Zahlen-Fakten/Factsheet_DemenzCH_2024_DE.pdf
2. https://www.swissmemoryclinics.ch/smc-ueber-uns/portraet/
3. Bürge M, Bieri G, Brühlmeier M, Colombo F, et al. Die Empfehlungen der Swiss Memory Clinics für die Diagnostik der Demenzerkrankungen [Recommendations of Swiss Memory Clinics for the Diagnosis of Dementia]. Praxis (Bern 1994). 2018;107(8):435-451
4. Popp J, Meyer-Heim T, Bürge M, Ehrensperger M, et al. Die Empfehlungen der Swiss Memory Clinics für die Diagnostik der Demenzerkrankungen – ein Update. Swiss Memory Clinics, Nationale Plattform Demenz. 2024
5. Klöppel S, Meyer-Heim T, Ehrensperger M, Rüttimann A, et al. Therapieempfehlungen Demenz. Swiss Memory Clinics, Nationale Plattform Demenz. 2024
6. Van Dyck CH, Swanson CJ, Aisen P, Bateman RJ, et al. Lecanemab in Early Alzheimer’ s Disease. N Engl J Med. 2023;388(1):9-21
7. Sims JR, Zimmer JA, Evans CD, Lu M, et al. Donanemab in Early Symptomatic Alzheimer Disease: The TRAILBLAZER-ALZ 2 Randomized Clinical Trial. JAMA. 2023;330(6):512-527
8. Hlavka JP, Mattke S, Liu JL. Assessing the Preparedness of the Health Care System Infrastructure in Six European Countries for an Alzheimer’ s Treatment. Rand Health Q. 2019;8(3):2
9. Pittock RR, Aakre JA, Castillo AM, Ramanan VK, et al. Eligibility for Anti-Amyloid Treatment in a Population-Based Study of Cognitive Aging. Neurology. 2023;101(19):e1837-e1849
10. Chiabotti PS, Rouaud O, Allali G. Reader Response: Eligibility for Anti-Amyloid Treatment in a Population-Based Study of Cognitive Aging. Neurology. 2024;102(9):e209375.
11. Dobson R, Patterson K, Malik R, et al. Eligibility for antiamyloid treatment: preparing for disease-modifying therapies for Alzheimer’ s disease. Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry. 2024;95:796-803.

Une piqûre de tique avec des conséquences

La patiente, âgée de 27 ans, a développé de la fièvre, des céphalées et une sensibilité à la lumière après une piqûre de tique périombilicale. Un ulcère à croûte centrale est apparu à l’ endroit de la piqûre de tique, accompagné d’ une lymphadénopathie douloureuse inguinale gauche. De plus, la patiente a développé des troubles neurocognitifs. En raison de titres d’ IgM et d’ IgG fortement élevés pour Francisella tularensis, une tularémie avec atteinte du système nerveux central a pu être diagnostiquée. Après un traitement de dix jours avec de la gentamicine et de la ciprofloxacine, les céphalées ont régressé, mais les symptômes neurocognitifs ne se sont améliorés que lentement.

The 27-year-old patient developed fever, headache, and light sensitivity after a tick bite in the periumbilical region. At the site of the tick bite, a centrally crusted ulcer appeared, accompanied by painful inguinal lymphadenopathy on the left side. Additionally, the patient developed neurocognitive impairments. Due to significantly elevated IgM and IgG titers for Francisella tularensis, a diagnosis of tularemia with central nervous system involvement was made. After a ten-day treatment with gentamicin and ciprofloxacin, the headaches subsided, but the neurocognitive symptoms improved only slowly.
Keywords: Tularemia with central nervous affection, tick-borne diseases with central nervous affection, Ulcer following tick bite

Anamnèse et résultats

La patiente, âgée de 27 ans, remarque une tique dans la région périombilicale gauche et l’ enlève. Trois jours plus tard, elle commence à souffrir de maux de tête, de sensibilité à la lumière, de nausées et de fièvre. Elle se rend chez son médecin généraliste. En raison d’ une inflammation importante (CRP 86 mg/l, leucocytes 7.3 x 103/µl (valeurs normales: CRP < 5 mg/l, leucocytes 3.9–10 x 103/µl) et une rougeur autour du point de piqûre, le médecin de famille a prescrit de l’ amoxicilline pendant six jours, en supposant un érythème migrant dû à une infection à la bactérie Borrelia. L’ ibuprofène n’ a soulagé les maux de tête que temporairement. Une «sensation de brouillard dans la tête» persistait. Cinq jours après le traitement antibiotique, la patiente se présente aux urgences avec un ulcère douloureux à l’ endroit de la morsure de tique et des douleurs à l’ aine gauche. L’ examen physique a révélé une plaie recouverte de fibrine au niveau de la piqûre de tique, avec une rougeur autour et des lésions cutanées papulo-pustuleuses d’ environ 4 x 2 cm avec induration sous-cutanée (Fig. 1). Dans l’ aine gauche, on a trouvé un ganglion lymphatique de 7 mm, sensible à la pression et mobile, compatible avec une lymphadénopathie réactive à l’ échographie. Le taux de CRP était élevé (67 mg/l), les leucocytes normaux (6.61 x 103/µl). La patiente a été autorisée à quitter l’ hôpital après avoir suivi un traitement symptomatique. Une semaine plus tard, elle s’ est présentée à nouveau à la consultation de son médecin traitant car elle se sentait de plus en plus faible et ne pouvait plus travailler. L’ ulcère purulent persistait au niveau du nombril. Les valeurs d’ inflammation étaient légèrement élevées (CRP 29 mg/l, leucocytes 6.6 x 103/µl). En cas de suspicion de surinfection bactérienne après une piqûre de tique, un traitement à la clindamycine a été instauré. Lors du contrôle chez le médecin généraliste deux jours plus tard, les valeurs d’ inflammation étaient en légère baisse (CRP 21 mg/l, leucocytes 7 x 103/µl). La patiente et son entourage ont toutefois signalé un ralentissement psychomoteur croissant et un changement de personnalité.

Diagnostic différentiel

La piqûre de tique suivie d’ une rougeur et du développement d’ un ulcère au niveau du point de piqûre, accompagnée d’ une lymphadénopathie douloureuse et de troubles neurocognitifs, fait penser en premier lieu aux tableaux cliniques suivants:

Borréliose de Lyme

Avec 650 000 à 850 000 cas par an, la maladie de Lyme est la maladie transmise par vecteur la plus fréquente en Europe. Elle est provoquée par différentes espèces de Borrelia burgdorferi, des bactéries spiralées anaérobies à Gram négatif de la famille des spirochètes. 3 à 30 jours après la transmission, un érythème migrant, une éruption cutanée qui s’ étend, peut se développer au niveau de la piqûre de tique. Parfois, des ganglions lymphatiques enflés peuvent apparaître. Chez les patients non traités, la maladie peut se propager et entraîner des symptômes généraux, d’ autres manifestations cutanées, une neuroborréliose précoce, une cardite et, après des mois, voire des années, des manifestations tardives telles que l’ arthrite ou une neuroborréliose tardive. Les manifestations cutanées après une piqûre de tique et les symptômes neurologiques de notre patiente pourraient indiquer une neuroborréliose de Lyme précoce. Cependant, l’ ulcère cutané de la patiente ne ressemblait pas à un érythème migrant, dont le diagnostic est clinique. Pour diagnostiquer une neuroborréliose, il faut déterminer l’ indice sérum-liquide des anticorps spécifiques (1).

Méningo-encéphalite à tiques (FSME)

La méningo-encéphalite à tiques est provoquée par le virus FSME, qui appartient au groupe des flavivirus. Seul un tiers des infections sont symptomatiques. Après une période d’ incubation de quatre à vingt-huit jours, les patients présentent de la fièvre, des douleurs musculaires et un état d’ épuisement. Après deux à sept jours, une phase asymptomatique et apyrétique d’ environ dix jours apparaît, suivie d’ une deuxième phase fébrile avec méningite ou méningo-encéphalite. Pendant la phase symptomatique initiale, le diagnostic sérologique spécifique est encore négatif. Dans cette phase, la détection du virus dans le sang par PCR serait possible. Dans la deuxième phase, le diagnostic sérologique est positif (2). Les troubles neurologiques de la patiente pourraient correspondre à une FSME, mais l’ évolution de la maladie chez notre patiente n’ a pas été bipartite, elle a été symptomatique tout au long. En outre, la FSME ne provoque généralement pas de lésions cutanées prononcées au site de la piqûre de tique.

Tularémie

La tularémie est provoquée par la bactérie aérobie facultativement intracellulaire Gram-négative Francisella tularensis (3). La transmission se fait généralement par l’ intermédiaire de vecteurs, à savoir les tiques et les moustiques. Une autre voie de transmission est le contact direct avec des mammifères infectés, généralement des rongeurs, ou l’ ingestion de viande crue provenant d’ un animal infecté. L’ infection peut également se produire par l’ eau contaminée et l’ inhalation d’ aérosols contaminés, par exemple lors d’ activités agricoles (4–7).

La tularémie peut se manifester par un large éventail de symptômes cliniques, allant de l’ absence de symptômes à la mort. Après une période d’ incubation de trois à cinq jours, les bactéries se propagent à partir du site de l’ infection (selon la voie d’ infection, il peut s’ agir de la piqûre d’ insecte, des conjonctives, du tractus gastro-intestinal ou respiratoire) via le système lymphatique jusqu’ aux ganglions lymphatiques régionaux, où la réplication a lieu. Ensuite, la dissémination se produit, ce qui peut entraîner des symptômes grippaux. On distingue généralement six formes de la maladie (7): les formes ulcéreuse et glandulaire se caractérisent par une lymphadénopathie régionale avec (ulcéreuse) ou sans (glandulaire) lésion cutanée. La forme oculoglandulaire se manifeste par une conjonctivite avec lymphadénopathie cervicale. La forme oropharyngée se présente par une pharyngite et parfois des ulcères oropharyngés avec lymphadénopathie cervicale. La forme respiratoire se manifeste par une pneumonie aiguë ou subaiguë. La forme typhoïde se caractérise par une évolution grave avec septicémie (4, 8). De nombreuses complications peuvent survenir. La formation d’ abcès ganglionnaires est la plus fréquente, touchant environ 30 % des patients atteints de lymphadénopathie. Plus rarement, d’ autres organes sont touchés, par exemple la cardite, ou une méningite et une méningo-encéphalite peuvent survenir (4, 8, 9). Avec un ulcère au niveau de la piqûre de tique et une lymphadénopathie concomitante, notre patiente présente les signes typiques de la tularémie ulcéro-glandulaire. Les symptômes neurologiques pourraient indiquer une méningo-encéphalite concomitante. Compte tenu de ces considérations de diagnostic différentiel et du tableau clinique grave de la patiente, il est fortement recommandé de procéder à des examens complémentaires pour établir un diagnostic plus précis et planifier le traitement.

Autres examens et évolution

En cas de suspicion d’ encéphalite, le médecin de famille a prescrit un électroencéphalogramme (EEG), une ponction lombaire et une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale. L’ EEG a révélé un ralentissement régional de l’ hémisphère gauche.

L’ IRM n’ a révélé aucun signe pathologique structurel indiquant une encéphalite. La ponction lombaire a révélé un nombre de cellules mononucléaires de trois cellules/µl avec des protéines normales et un indice sérique de liquide céphalorachidien négatif pour la borréliose et l’ encéphalite à tiques. La patiente a été orientée vers une consultation neurologique pour un examen plus approfondi. Deux mois après l’ apparition des premiers symptômes, on a diagnostiqué une tularémie avec atteinte cérébrale, avec des titres d’ IgG et d’ IgM fortement élevés pour Francisella tulariensis (IgG 123.7 U/ml [valeur normale < 10], IgM 241.5 U/ml [valeur normale < 10]). Le nombre de cellules dans le liquide céphalo-rachidien étant normal, les critères formels de la méningite n’ étaient pas remplis, bien que la ponction lombaire ait été effectuée près de deux mois après les premiers symptômes. La patiente a été hospitalisée pendant dix jours pour recevoir un traitement par gentamicine 350 mg par voie intraveineuse une fois par jour et ciprofloxacine 500 mg par voie orale deux fois par jour. La nouvelle IRM n’ a pas révélé de corrélats morphologiques d’ une encéphalite. Un EEG répété a montré un ralentissement focal temporo-occipital à droite et, dans une moindre mesure, temporo-occipital à gauche. Dans le cadre de l’ évaluation cognitive de Montréal, la patiente a obtenu 26 points sur 30. Sous traitement, les maux de tête ont complètement disparu. En raison de la lente régression des symptômes neurocognitifs, la patiente a été orientée vers un service de rééducation neurologique en milieu hospitalier. À sa sortie de l’ hôpital, elle souffrait d’ une sensation subjective de faiblesse du côté droit du corps sans parésie cliniquement manifeste, de difficultés à trouver ses mots, de paraphasies phonémiques avec ralentissement du langage spontané et de déficits importants dans les fonctions attentionnelles, mnésiques et exécutives. Les symptômes se sont améliorés au cours de la rééducation neurologique. Deux mois plus tard, des troubles cognitifs persistent, se traduisant par une fatigue mentale accrue au quotidien, qui entraîne une réduction de la charge de travail. Il n’ y a plus de symptômes somatiques.

Commentaire

La patiente décrite présentait initialement une évolution typique de la tularémie ulcéro-ganglionnaire avec formation d’ un ulcère au point de ponction et une lymphadénopathie douloureuse accompagnée d’ un sentiment de malaise prononcé. En raison de la rareté de la tularémie, le diagnostic n’ a pu être posé que tardivement malgré des consultations médicales répétées. En cas de suspicion clinique de tularémie, il est essentiel de mettre en place le diagnostic approprié et de commencer le traitement antibiotique correspondant afin d’ éviter les complications. Pour poser le diagnostic, il faut que le titre des anticorps spécifiques soit multiplié par quatre, qu’ il soit exceptionnellement très élevé, comme chez notre patiente, ou que l’ agent pathogène soit directement détecté dans le matériel du patient, comme le sang, les tissus de l’ ulcère ou des ganglions lymphatiques, par PCR ou par culture. La détection par culture est rarement possible, car la bactérie doit être transportée rapidement et nécessite des milieux de culture spéciaux (3, 10, 11). Une atteinte du système nerveux central est rare en cas de tularémie (12). Une méningite est décrite entre trois et trente jours après le début de la maladie fébrile dans les formes ulcéroglandulaire et typhoïde (12–14). Des cas de méningite après exposition par inhalation ont également été rapportés (12). D’ autres formes neurologiques rares sont le syndrome de Guillain-Barré et la manifestation sur certains nerfs crâniens (15, 16). Pour traiter la tularémie, on utilise des quinolones, des tétracyclines et, dans les cas graves, des aminosides (17). Depuis 2004, la tularémie chez l’ homme est une maladie à déclaration obligatoire. En 2022, 114 cas ont été signalés, ce qui correspond à une incidence de 1.3 cas pour 100 000 habitants. Une augmentation du nombre de cas est enregistrée depuis 2011, mais le nombre de cas est resté à peu près stable depuis 2017. Cette augmentation est attribuée, du moins en partie, à l’ augmentation du nombre de tests (18). En raison de la clinique typique de la patiente, qui s’ est développée après une piqûre de tique et des titres très élevés pour Francisella tularensis, le diagnostic est confirmé chez notre patiente. Elle a bien répondu au traitement par gentamicine et ciprofloxacine, même si les déficits neurocognitifs n’ étaient pas complètement régressifs.

Abréviations
FSME Méningo-encéphalite verno-estivale
PCR Réaction en chaîne par polymérase
IRM Imagerie par résonance magnétique
EEG électroencéphalographie
SNC système nerveux central

Copyright
Aerzteverlag medinfo AG

Dre Veronika Busch-Hofbauer

Médecine interne générale
Hôpital cantonal des Grisons
Loestrasse 170
7000 Chur

Dr Rolf Sturzenegger

Neurologie
Hôpital cantonal des Grisons
Loestrasse 170
7000 Chur

PD Dre Alexia Cusini

Infectiologie et hygiène hospitalière
Hôpital cantonal des Grisons
Loestrasse 170
7000 Chur

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

  • La tularémie se transmet par la piqûre de tiques ou par contact direct avec des animaux infectés. Elle se manifeste généralement par une phase initiale de symptômes grippaux, suivie de l’apparition d’un ulcère avec lymphadénopathie régionale autour de la morsure de tique.
  • Pour poser le diagnostic, il faut que le titre soit multiplié par plus de quatre, qu’il soit exceptionnellement très élevé ou que l’agent pathogène soit directement détecté.
  • Dans de rares cas, la tularémie s’accompagne d’une atteinte du système nerveux central.
  • Les traitements utilisés sont les quinolones, les tétracyclines et les aminosides en cas d’évolution grave.

1. Zajkowska JM, Eldin C, Talagrand-Reboul E, Raffetin A, Zachary P, Jaulhac B. Immunoserological Diagnosis of Human Borrelioses: Current Knowledge and Perspectives. Front Cell Infect Microbiol. 2020;1:241.
2. Wendt S, Trawinski H, von Braun A, Lübbert C. Durch Zecken übertragbare Erkrankungen: Von der Lyme-Borreliose über das Q-Fieber bis zur FSME. CME (Berl). 2019;16:53–71.
3. Ellis J, Oyston PCF, Green M, Titball RW. Tularemia. Clin Microbiol Rev. 2002;15:631–46.
4. Maurin M, Gyuranecz M. Tularaemia: clinical aspects in Europe. Lancet Infect Dis. 2016;16:113–24.
5. Yeni DK, Büyük F, Ashraf A, Shah MS ud D. Tularemia: a re-emerging tick-borne infectious disease. Folia Microbiol (Praha). 2021;66.
6. Zellner B, Huntley JF. Ticks and Tularemia: Do We Know What We Don’t Know? Front Cell Infect Microbiol. 2019;9.
7. World Health Organization. WHO guidelines on tularaemia : epidemic and pandemic alert and response. World Health Organization; 2007.
8. Evans M, Gregory D, Schaffner W, McGee Z. Tularemia: a 30-year experience with 88 cases. Medicine (Baltimore). 1985;64:251–69.
9. Maurin M. Francisella tularensis, Tularemia and Serological Diagnosis. Front Cell Infect Microbiol. 2020;10.
10. Tärnvik A, Chu MC. New approaches to diagnosis and therapy of tularemia. Ann N Y Acad Sci. 2007;1105:378–404.
11. Porsch-Özcürümez M, Kischel N, Priebe H, Splettstösser W, Finke EJ, Grunow R. Comparison of enzyme-linked immunosorbent assay, Western blotting, microagglutination, indirect immunofluorescence assay, and flow cytometry for serological diagnosis of tularemia. Clin Diagn Lab Immunol. 2004;11:1008–15.
12. Venkatesan S, Johnston C, Mehrizi MZ. A rare case of tularemic meningitis in the United States from aerosolized Francisella tularensis. J Am Coll Emerg Physicians Open. 2020;1:238.
13. Ducatez N, Melboucy S, Bentayeb H, Dayen C, Suguenot R, Lecuyer E, et al. A case of Francisella tularensis meningitis in a 64-year-old man treated with quinolones. Infect Dis Now. 2022;52:107–9.
14. Hofinger DM, Cardona L, Mertz GJ, Davis LE. Tularemic meningitis in the United States. Arch Neurol. 2009;66:523–7.
15. Ylipalosaari P, Ala-Kokko TI, Tuominen H, Syrjälä H. Guillain-Barré syndrome and ulceroglandular tularemia. Infection. 2013;41:881–3.
16. Blech B, Christiansen M, Asbury K, Orenstein R, Ross M, Grill M. Polyneuritis cranialis after acute tularemia infection: A case study. Muscle Nerve. 2020;61:E1–2.
17. Kohlmann R, Geis G, Gatermann SG. Die Tularämie in Deutschland. Deutsche Medizinische Wochenschrift. Georg Thieme Verlag; 2014. p. 1417–22.
18. Bundesamt für Lebensmittelsicherheit und Veterinärwesen BLV, Bundesamt für Gesundheit BAG. Bericht zur Überwachung von Zoonosen und lebensmittelbedingten Krankheitsausbrüchen. 2022.

Démence et suicide assisté: quels enjeux éthiques?

Les enjeux éthiques des demandes de suicide assisté venant des personnes atteintes de démence sont complexes. Il s’agit avant tout de pouvoir adresser leurs préoccupations et explorer leurs motivations et attitudes face à la vie et à la mort. Une demande de suicide assisté peut être exprimée en anticipation du déclin cognitif, mais la réalisation nécessite la capacité de discernement. Si souhaité, l’élaboration d’un projet de soins anticipé permet de discuter des alternatives en cas de complications et des préférences y relatives. Une approche interdisciplinaire de soins palliatifs gériatriques est recommandée afin d’offrir des soins concordant avec les objectifs des personnes et de les respecter dans leurs décisions de fin de vie.

The ethical issues surrounding requests for assisted suicide from people with dementia are complex. First and foremost, we need to address their concerns and explore their motivations and attitudes towards life and death. A request for assisted suicide may be expressed in anticipation of cognitive decline, but its realization requires decision-making capacity. If desired, advance care planning can help discuss and determine alternatives in the event of complications and related preferences. An interdisciplinary approach to geriatric palliative care is recommended in order to provide goal-concordant care and to respect the person’s end-of-life decisions.
Keywords: Dementia, assisted suicide, decision-making capacity, advance care planning

Introduction

Dans le présent article, nous proposons d’aborder quelques enjeux éthiques actuels du suicide assisté chez les personnes atteintes de démence. Comme souvent face à une maladie grave et incurable, les préférences des personnes confrontées à un diagnostic de démence sont très variables et dépendent de leurs valeurs et attitudes face à la vie et à la mort. Certains expriment initialement ne pas s’imaginer vivre avec des troubles cognitifs mais montrent plus tard des signes de plaisir à vivre. D’autres présentent des signes de souffrance existentielle, de perte de sens ou d’une crainte face au déclin cognitif, pouvant motiver une demande de suicide assisté dès l’ annonce du diagnostic. Il s’agit aussi, pour certaines personnes comme Gunter Sachs, de garder le contrôle de leur vie et de ne pas subir une fin de vie qu’elles ne jugent pas digne selon leur échelle de valeur (cf. encadré).

Pour les professionnelles de santé, l’expression d’un désir de mort, voire d’une demande d’assistance au suicide, est un défi qui nécessite des compétences communicationnelles, d’écoute active et de respect des valeurs d’autrui (2). Les soignants ont une obligation déontologique d’essayer de comprendre leurs patients en tant que personnes, et de considérer leurs souffrances et ses potentielles causes. Une évaluation pluriprofessionnelle et interdisciplinaire permet de mieux comprendre les enjeux qui découlent de chaque situation, en impliquant des spécialistes médecins, infirmiers, psychologues, accompagnants spirituels des domaines de la gériatrie, de la psycho-gériatrie et des soins palliatifs, mais aussi des éthiciens et juristes parfois.

Comme le montre le cas de Gunter Sachs, un désir de mort au début d’une démence est souvent motivé par la crainte d’un avenir sombre: les craintes d’être totalement dépendant, de perdre son identité et sa personnalité, d’être un fardeau pour les proches, de souffrir de douleurs ou d’autres symptômes insupportables, et finalement les craintes de ne plus pouvoir contrôler sa vie et de ne plus pouvoir mettre fin à ses jours à cause d’une perte de la capacité de discernement (3). Une revue systématique de la littérature a dévoilé que la démence en soi n’est pas un facteur de risque suicidaire, mais que certains sous-groupes peuvent présenter un risque accru, par exemple dans des situations de patients plus jeunes, en cas de comorbidités, de dépression, de démence sémantique, ou dans la phase initiale après l’annonce du diagnostic (4).

Cadre juridique et déontologique

En Suisse, l’assistance au suicide n’est pas considérée comme une infraction pénale à condition que la personne qui assiste n’ait pas de mobile égoïste (art. 155 Code Pénal suisse, CP). L’euthanasie est cependant interdite (art. 114 CP), contrairement à un nombre croissant d’autres pays (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Canada, Australie, Espagne, Portugal). Dans le cas du suicide assisté la personne désirant mourir garde le contrôle ultime de l’acte: c’est elle qui doit boire la substance létale ou démarrer la perfusion. L’assistance au suicide est uniquement permise si le suicide est volontaire et si la personne a encore sa capacité de discernement par rapport à cet acte. Pour assurer la nature volontaire de l’acte, il est nécessaire d’exclure toutes pressions, manipulations, tromperies ou contraintes intérieures ou extérieures. La capacité de discernement se décline en 4 sous-capacités: la compréhension des informations données de manière compréhensible, l’appréciation de sa propre situation et des conséquences de l’acte, le raisonnement selon la balance des arguments, et finalement le choix personnel exprimé (5). Cependant, l’évaluation de cette capacité est complexe quand elle concerne le suicide assisté et la littérature montre qu’il y a beaucoup d’incertitude et de diversité dans ces évaluations médicales (6).

La directive de l’Académie Suisse des Sciences Médicales « Attitude face à la fin de vie et à la mort », adoptée comme déontologie par la FMH, émet des conditions supplémentaires (7): le médecin doit attester que la personne ait une souffrance insupportable objectivée par un diagnostic ou un pronostic. De plus, les alternatives au suicide assisté doivent avoir été expliquées, discutées et proposées. Selon cette directive, le médecin ne peut apporter une assistance au suicide si le désir de suicide « constitue un symptôme actuel d’un trouble psychique » (7).

Alternatives et enjeux éthiques

Sur le plan éthique, un enjeu majeur est le respect de l’autonomie et de la dignité de la personne atteinte de démence, et des décisions de fin de vie qui en découlent (8). Afin de pouvoir prendre une décision éclairée, la personne capable de discernement doit avant tout être informée de manière complète et objective sur le pronostic de la maladie, les conséquences de celle-ci sur la santé et la fin de vie, les options de projet de soins et les risques et bénéfices de ces options.

Les patients doivent aussi être informés des différentes options légales permettant de soulager la souffrance et d’accompagner la fin de vie, en particulier des soins palliatifs. Comme toutes mesures de soins, les mesures prolongeant la vie et prescrites dans le cadre d’une démence (p.ex. des antibiotiques), ne doivent être entamées que si elles sont alignées avec la volonté autonome de la personne. Afin de respecter au mieux cette autonomie selon l’échelle de valeurs de l’individu, il est primordial de pouvoir engager ces discussions dans la phase précoce de la maladie (« autonomie relationnelle »). Il est recommandé que le patient exprime ses souhaits, valeurs et objectifs de soins en amont avec ses proches, ses médecins et ses soignants, idéalement dans le cadre d’un Projet de Soins Anticipé (ProSA), accompagné par un professionnel qualifié qui anime et documente ces entretiens (9, 10). Dans ce processus, le patient a aussi l’occasion de nommer une personne de confiance comme représentant thérapeutique et de rédiger des directives anticipées. Ces dernières permettent de se déterminer sur les situations dans lesquelles, en cas d’incapacité de discernement, la personne souhaiterait renoncer aux mesures de soins. On ne peut pas diriger son futur soi incapable de discernement à se suicider (comme montré dans le film « Still Alice »), et si on pouvait le faire ceci serait un suicide non volontaire qui devrait être empêché plutôt qu‘assisté.

Le ProSA permet également d’explorer d’autres options possibles, comme celles relatives à l’alimentation et à l’hydratation. Tant qu’une personne garde sa capacité de discernement, un arrêt volontaire de manger et de boire est une décision de fin de vie légitime qui permet de raccourcir sa vie (11). Cependant, il est éthiquement controversé qu’une personne puisse exiger en amont de ne plus recevoir de boissons et de nourriture en cas de démence avancée, surtout si elle montre des signes qu’elle souhaite boire et manger – une offre d’entraide humaine soutenue par le principe bioéthique de bienfaisance (12, 13). La prise hydrique et alimentaire orale n’est pas un traitement médical mais un geste d‘assistance interpersonnelle, tout comme la protection contre le froid. Leur arrêt ne peut pas être prescrit en amont car ceci équivaudrait à un suicide assisté non volontaire (en l‘absence d‘autodétermination), ce qui n’est ni légal ni éthiquement bien-fondé (13, 14).
La démence présumée de Gunter Sachs n’a pas été diagnostiquée et il était connu pour avoir des épisodes dépressifs. Il aurait été mérité d’être accompagné par une équipe médico-soignante et soutenue par une culture de communication ouverte dans une société qui s’engage à respecter les décisions de fin de vie de toutes les personnes, quelles qu’elles soient.

Copyright
Aerzteverlag medinfo AG

Dre Rachel Rutz Voumard

Unité d’éthique clinique,
Institut des Humanités en Médecine, CHUV-UNIL

Dre Eve Rubli Truchard

 Chaire de soins palliatifs gériatriques
Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Avenue Pierre-Decker 9
1011 Lausanne

Pr Ralf Jox

– Unité d’éthique clinique, Institut des Humanités en Médecine, CHUV-UNIL
– Chaire de soins palliatifs gériatriques, Service de soins palliatifs et de support CHUV-UNIL,

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

  • Les personnes atteintes de démence peuvent exprimer une souffrance existentielle, une perte de sens ou une crainte face au risque de déclin cognitif, pouvant motiver un désir de mort précoce à l’annonce du diagnostic.
  • Il est primordial d’écouter leurs préoccupations, les informer de la trajectoire de la maladie, discuter des options de soins et anticiper le projet de soins.
  • Consciente des alternatives possibles, une personne atteinte de démence est plus à même de prendre des décisions existentielles concernant sa vie et sa mort.

1. Der Abschiedsbrief von Gunter Sachs. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 8.5.2011, https://www.faz.net/aktuell/gesellschaft/menschen/wortlaut-der-abschiedsbrief-von-gunter-sachs-1637779.html (accédé le 19.8.2024)
2. Fachgesellschaft für Palliative Geriatrie (FGPG), Grundsatzpapier „Sterbewünsche in der palliativen Geriatrie“. FGPG Berlin 2023, https://www.fgpg.eu/wp-content/uploads/2023/05/GSP-05_Sterbewuensche-Druck.pdf (accédé le 19.8.2024)
3. van Rickstal R, De Vleminck A, Chambaere K, Van den Block L. People with young-onset dementia and their family caregivers discussing euthanasia: A qualitative analysis of their considerations. Patient Educ Couns 2023; Oct:115:107882. doi: 10.1016/j.pec.2023.107882
4. Schmid J, Jox R, Gauthier S, Belleville S, Racine E, Schüle C, Turecki G, Richard-Devantoy S. Suicide and assisted dying in dementia: what we know and what we need to know. A narrative literature review. Int Psychogeriatr 2017;29(8):1247-59.
5. Appelbaum PS. Assessment of Patients’ Competence to Consent to Medical Treatment. New Engl J Med 2007 ;357:1834-40.
6. Mangino DR, Nicolini ME, De Vries RG, Kim SYH. Euthanasia and Assisted Suicide of Persons With Dementia in the Netherlands. Am J Geriatr Psychiatry 2020;28(4):466-77.
7. Académie Suisse des Sciences Médicales. Directives médico-éthiques: Attitude fae à la fin de vie et à la mort. Version de 2018, révisée en 2021. Bâle 2022. https://www.samw.ch/fr/Publications/Directives.html (accédé le 19.8.2024)
8. Académie Suisse des Sciences Médicales. Directives médico-éthiques: Prise en charge et traitements des personnes atteintes de démences, ASSM, Bâle 2018.
9. Bosisio F, Sterie AC, Rubli Truchard E, Jox RJ. Implementing advace care planning in early dementia care: results and insights from a pilot interventional trial. BMC Geriatr 2021;21:573.
10. Bosisio F, Jox RJ, Jones L, Rubli Truchard E. Planning ahead with dementia: what roles can advance care planning play? A review on opportunities and challenges. Swiss Med Wkly 2018:148w14706.
11. Jox RJ, Black I, Borasio GD, Anneser J. Voluntary stopping of eating and drinking: is medical support ethically justified? BMC Med 2017;15(1):186.
12. Largent EA, Lowers J, Pope TM, Quill TE, Wynia MK. When people facing dementia choose to hasten death: the landscape of current ethical, legal, medical, and social considerations in the United States. Hastings Cent Rep 2024 ;54 Suppl 1:S11-21.
13. Jox RJ. Ethische Fragen im Zusammenhang mit der Ernährung von Menschen mit Demenz. Zeitschrift für medizinische Ethik 2022;68:49-61.
14. Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine, Considérations éthiques sur le nouveau droit de la protection de l’adulte, tenant compte en particulier de la démence, prise de position n°17/2011dans l’article en ligne sous www.medinfo-verlag.ch

Partie 9: collaboration des professions de la santé avec l’ industrie

L’ Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) publie des directives médico-éthiques depuis 50 ans. Celles-ci fournissent des informations et des recommandations pour l’ activité quotidienne des médecins et des autres professionnels de santé. La plupart des directives font partie du code de déontologie de la FMH. La revue «Primary and Hospital Care» a présenté le contenu de quelques directives de l’ ASSM à l’ aide d’ exemples tirés de la pratique, sous forme de série. La partie 9 paraît pour la première fois dans «la gazette médicale». Les articles précédents de la série sont disponibles sur: www.assm.ch/directives/cas-pratiques

Une offre de formation continue d’ une entreprise pharmaceutique à un cercle de qualité de médecins de famille soulève des questions sur d’ éventuels conflits d’ intérêts. Les directives de l’ ASSM soulignent que les décisions médicales doivent être indépendantes des incitations financières et exigent des conditions cadres transparentes. Les échantillons gratuits, les honoraires et les programmes cadres luxueux, en particulier, se trouvent à la croisée des chemins entre l’ élargissement des connaissances et les intérêts du marketing.
An offer of further training from a pharmaceutical company to a GP quality circle raises questions about possible conflicts of interest. The SAMS guidelines emphasize that medical decisions must be independent of financial incentives and require transparent framework conditions. In particular, free samples, fees and luxurious supporting programs are caught between knowledge expansion and marketing interests.
Key Words: SAMS guidelines, conflict of interest, free samples, honoraria

Exemple de la pratique: offre de formation continue par un représentant commercial

Le Dr L.M. dirige un cercle de qualité pour médecins de famille en Suisse centrale. Les dix membres de ce cercle, travaillant tous dans le rayon d’ action du même service d’ urgences, se rencontrent une fois par mois à titre professionnel.

Un jour, le représentant commercial de l’ entreprise X est en visite chez le Dr L.M. et lui présente un nouveau médicament hautement efficace pour traiter l’ asthme et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). La substance active de ce médicament n’ est absolument pas comparable aux autres substances disponibles sur le marché pour ces indications. Le médicament doit d’ ailleurs être administré au moyen d’ un inhalateur spécialement développé pour ce produit.

Voici ce que le commercial propose au Dr L.M.: le conseiller médical de l’ entreprise X, lui-même médecin spécialiste en médecine interne et pneumologie, pourrait venir faire une conférence sur l’ asthme et la BPCO spécialement pour les membres du cercle, lors d’ une de leurs prochaines rencontres. Les médecins et leurs assistants pourraient également apprendre à utiliser l’ inhalateur. À la fin de la présentation, les dix membres du cercle de qualité recevraient chacun 10 inhalateurs et 10 emballages originaux gratuits du nouveau médicament, afin de se familiariser personnellement avec leur utilisation. L’ entreprise souhaiterait que les médecins répondent ensuite à trois questions à l’ aide d’ un formulaire spécifique. Pour chaque formulaire renvoyé, l’ entreprise pourrait verser 250 CHF de dédommagement. Si les médecins devaient avoir besoin de plus d’ inhalateurs et d’ emballages du médicament, ils et elles pourraient les acheter à un prix préférentiel. À la fin de la rencontre, le représentant commercial se ferait un plaisir d’ inviter les dix médecins, leurs assistant.e.s et le conseiller médical à prendre un repas ensemble dans un restaurant voisin, récompensé d’ une étoile au guide Michelin.

Que disent les directives de l’ ASSM à ce sujet?

L’ activité médicale doit toujours être axée sur le bien-être des patients et les intérêts de la société. Lorsque des professionnels et des organisations de la santé collaborent avec l’ industrie, les intérêts personnels et les conflits d’ intérêts peuvent influencer le comportement de ces professionnels et affecter leur crédibilité, ainsi que la confiance qui leur est accordée.

Selon la définition, un conflit d’ intérêts se compose d’ une série de circonstances conduisant ensemble à un risque significatif que des intérêts secondaires influencent la capacité de jugement professionnel de manière exagérée par rapport aux intérêts primaires.

La collaboration entre les professionnels de santé et l’ industrie est réglementée par diverses dispositions légales. Les principales sont la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh), la loi sur l’ assurance-maladie (LAMal), l’ ordonnance sur l’ intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh) et l’ ordonnance sur la publicité pour les médicaments. Les professionnels ont le devoir de respecter ces réglementations. Les directives médico-éthiques complètent et concrétisent ces dispositions.

Les directives de l’ ASSM présentent des principes d’ action permettant:
– d’ identifier les conflits d’ intérêts,
– d’ éviter les conflits d’ intérêts et
– de gérer les conflit d’ intérêts de manière transparente et
proactive.
Les principes suivants, expliqués dans les directives, méritent ici une attention particulière:

Principe de séparation: l’ activité médicale touchant aux patients ne doit pas être influencée par des prestations ou par des avantages offerts, promis ou obtenus. De telles éventualités doivent être clairement mises de côté au moment de prendre des décisions.

Principe de transparence: les liens d’ intérêt et les possibles conflits d’ intérêts qui en découlent doivent être annoncés. Les prestations ou les avantages financiers doivent être déclarés et le montant des avantages financiers reçus devrait être rendu public.

Principe de l’ équivalence: les conflits d’ intérêts doivent être évités dans toute la mesure du possible. Pour éviter les incitations favorisant l’ apparition de conflits d’ intérêts, les prestations et leurs contreparties doivent toujours être proportionnées. Lors de l’ évaluation de la valeur de la contrepartie, il faut vérifier si celle-ci n’ est pas déjà versée via d’ autres prestations légales.

Les directives incitent à une réflexion autocritique concernant les liens de dépendance et les intérêts personnels. Lorsqu’ un risque de conflit d’ intérêts se présente, il y est également recommandé que les contrats avec l’ industrie soient toujours signés par deux personnes de chaque institution. Les accords concernant l’ octroi de prestations et d’ avantages pécuniaires doivent être fixés par écrit. Les cadeaux ou avantages de valeur modeste (au maximum CHF 300/an) ne peuvent être acceptés que lorsqu’ ils sont liés à l’ exercice de la profession, utiles à la pratique médicale et bénéfiques pour les patients.

L’ intégrité professionnelle en relation avec le soutien d’ activités de formation prégraduée, postgraduée et continue signifie que:
– les contenus de la formation et les intervenant.e.s sont choisis indépendamment des organismes de soutien;
– les thèmes spécialisés sont traités de manière objective et reposent sur des critères scientifiques;
– la collaboration avec l’ industrie est réglée par écrit;
– le soutien accordé par l’ industrie est également déclaré par l’ organisateur;
– les sessions de formation continue sont soutenues par plusieurs entreprises (multisponsoring).

Signification des directives pour les médecins du cercle de qualité

Il est important d’ identifier les conflits d’ intérêts liés à la situation décrite en début d’ article. Elle comporte un risque à ne pas sous-estimer que les intérêts primaires soient influencés par des intérêts secondaires. Les intérêts primaires correspondent dans ce cas à la préservation et à l’ amélioration de la santé des personnes atteintes d’ asthme et de BPCO, conformément aux critères d’ efficacité, d’ adéquation et d’ économicité (EAE) au sens de l’ art. 32 de la LAMal. Les intérêts secondaires comprennent la distribution d’ emballages de médicaments gratuits, le dédommagement pour avoir rempli le formulaire et le repas offert. Le montant de CHF 250 par formulaire de trois questions rempli, ainsi que le repas dans un restaurant étoilé sont disproportionnés par rapport à l’ effort fourni par les médecins, ce qui signifie qu’ ils dérogent au principe de l’ équivalence. Selon les directives de l’ ASSM, le repas proposé constitue ce que l’ on nomme un programme annexe, dont le financement par une entreprise pharmaceutique n’ est pas autorisé. Du point de vue de l’ intérêt des patients, l’ offre de fournir des instructions sur la manière correcte d’ utiliser l’ inhalateur ne semble pas problématique.

En ce qui concerne les commentaires attendus des médecins sur les expériences qu’ ils et elles auront faites avec le médicament, on peut partir du principe que l’ objectif visé n’ est pas d’ acquérir de nouvelles connaissances scientifiques ou utiles pour la pratique médicale, mais plutôt de servir les intérêts marketing de l’ entreprise X. De plus, même si le conseiller médical de l’ entreprise X est médecin spécialiste en médecine interne et pneumologie, sa fonction au sein de l’ entreprise l’ empêche d’ être neutre, ce qui signifie qu’ il n’ entre pas en ligne de compte comme conférencier.

Conclusions

Il est reconnu dans les directives que la collaboration entre le corps médical et l’ industrie est une pratique établie depuis longtemps. Elle favorise, en principe, une bonne prise en charge médicale et contribue à l’ enrichissement des connaissances, au développement de nouvelles thérapies, à l’ amélioration des traitements existants et globalement au progrès médical. Elle peut toutefois également générer des liens de dépendance et des conflits d’ intérêts.

Les directives s’ adressent au personnel médical, et plus particulièrement aux médecins, et non à l’ industrie. En effet, ce n’ est pas aux entreprises pharmaceutiques, mais bien aux professionnel.le.s de santé, tel.le.s que mentionné.e.s dans notre exemple, que revient le devoir de reconnaître les conflits d’ intérêts et d’ agir dans le respect des principes expliqués ci-dessus. L’ entreprise devrait toutefois respecter les règles du code de conduite de l’ industrie pharmaceutique en Suisse (Code pharmaceutique, CP).

Sur le principe, c’ est tout à fait envisageable que le cercle de qualité invite un spécialiste d’ un domaine précis pour donner une conférence, en complément au travail collégial du groupe. Cette personne doit en revanche être libre de toute relation de dépendance envers les entreprises pharmaceutiques dont elle présente les produits dans sa conférence. Il n’ est pas uniquement question ici de dépendances financières ou de conflits d’ intérêts, mais aussi, par exemple, du soutien d’ un projet de recherche par une entreprise.

Dans le cas où une entreprise pharmaceutique montrerait de l’ intérêt pour des comptes rendus d’ expériences pratiques à propos de médicaments ayant déjà obtenu une autorisation, il convient d’ examiner cette demande d’ un œil très critique. Il est clairement mentionné dans les directives de l’ ASSM que les études sur des médicaments qui sont réalisées après leur autorisation de mise sur le marché ou l’ évaluation de produits par les utilisateurs doivent porter sur une question scientifiquement pertinente. La mise à disposition de produits à évaluer en échange d’ une appréciation par l’ utilisateur est a priori autorisée. Cette mise à disposition de produits à évaluer et de services associés ne doit toutefois pas récompenser le personnel médical de manière disproportionnée et l’ encourager à acheter, à recommander, à prescrire ou à utiliser les produits ou services en question.

Le Dr L.M., responsable du cercle de qualité de Suisse centrale, et ses collègues médecins de famille répondent aux exigences des directives de l’ ASSM, du moment qu’ ils ou elles:

– invitent un professionnel indépendant.e, connu.e de leur milieu de travail, à venir donner la conférence;
– considèrent la demande de l’ entreprise X à propos d’ un compte rendu de leurs expériences d’ utilisateurs d’ un regard critique et n’ acceptent de collaborer que si l’ objectif premier de cette enquête est d’ obtenir des informations utiles du point de vue scientifique;
– acceptent pour les comptes rendus tout au plus un dédommagement qui soit raisonnable par rapport au travail fourni;
– sont conscient.e.s que la distribution d’ échantillons de produits est un moyen de faire de la publicité pour le médicament et que cela peut influencer leur comportement professionnel;
– ne revendent pas ces emballages dans le sens de l’ art. 9, OITPTh;
– acceptent tout au plus de se voir offrir un repas modeste, dont le sponsoring est assuré par plusieurs entreprises, et que ces entreprises n’ ont aucune influence sur le choix du conférencier ou de la conférencière, ni sur le contenu de la présentation.
Pour terminer, nous recommandons également de consulter à ce sujet le site web de l’ initiative MEZIS, «Mein Essen zahl’ ich selbst (Je paie mon repas moi-même)», lancée en Allemagne contre la corruption des médecins, cf. (https://mezis.de).

Autres directives médico-éthiques de l’ ASSM: www.assm.ch/fr/Publications/Directives.html

PD Dr Klaus Bally 1
Bianca Schaffert-Witvliet 2
lic. theol., dipl. biol. Sibylle Ackermann 3
1 Universitäres Zentrum für Hausarztmedizin, beider Basel et membre de la Commission Centrale d’ Éthique (CCE) de l’ ASSM jusqu’ en 2024
2 APN, Spital Limmattal Schlieren et Vice-Présidente de la CCE de l’ ASSM
3 Responsable du ressort Éthique de l’ ASSM et membre de la CCE de l’ ASSM

Copyright
Aerzteverlag medinfo AG

PD em Dr. med. Klaus Bally

Facharzt für Allgemeine Innere Medizin FMH
Universitäres Zentrum für Hausarztmedizin beider Basel, uniham-bb
Kantonsspital Baselland
Rheinstrasse 26
4410 Liestal

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

1. Collaboration des professions de la santé avec l’ industrie. Directives médico-éthiques de l’ ASSM. 2022, cf. www.assm.ch/collaboration-industrie
2. Emanuel EJ, Thompson DF: The Concept of Conflicts of Interest. In: The Oxford Textbook of Clinical Research Ethics. edn. Edited by Emanuel EJ, Grady C, Crouch RA, Lie RK, Miller FG, Wendler D. Oxford: Oxford University Press; 2008: 758–66.

Troubles digestifs fonctionnels: Côlon irritable et estomac irritable

Les troubles fonctionnels de la digestion, en particulier le syndrome du côlon irritable (SCI) et l’estomac irritable (dyspepsie fonctionnelle, DF), font partie des maladies gastro-entérologiques les plus courantes et affectent considérablement la qualité de vie de nombreuses personnes concernées. La physiopathologie de ces troubles est complexe et comprend une hypersensibilité viscérale, une modification de la motilité intestinale, des dysbioses dans le microbiome ainsi qu’une perturbation de la communication intestin-cerveau. Le diagnostic repose sur des critères cliniques, les symptômes d’alerte nécessitant des examens complémentaires. Le traitement est axé sur les symptômes et comprend une combinaison de mesures médicamenteuses, diététiques et phytothérapeutiques. Une thérapie individualisée et holistique peut contribuer à réduire les symptômes et à améliorer durablement la qualité de vie des patients.

Functional digestive disorders, in particular irritable bowel syndrome (IBS) and functional dyspepsia (FD), are among the most com¬mon gastroenterological disorders and significantly impair the quality of life of many of those affected. The pathophysiology of these disorders is complex and includes visceral hypersensitivity, altered intestinal motility, dysbiosis in the microbiome, and impaired gut-brain communication. Diagnosis is based on clinical criteria, with alarm symptoms triggering further investigation. The therapy is symptom-oriented and includes a combination of medication, dietary and herbal measures. An individualized and holistic therapy can help to reduce the symptoms and sustainably improve the patient’s quality of life.
Key Words: Functional digestive disorders, irritable bowel syndrome and functional microbiome, therapy options

Définition et épidémiologie

Les troubles digestifs fonctionnels, qui comprennent le syndrome du côlon irritable (SCI) et la dyspepsie fonctionnelle, sont appelés « Disorders of Gut-Brain Interaction » (DGBI). Dans le cas de l’estomac irritable, les troubles se concentrent sur le tube digestif supérieur, tandis que dans le cas du côlon irritable, ils concernent le tube digestif inférieur. Ces troubles sont très répandus, touchant environ 10 à 15 % de la population, avec une prévalence plus élevée chez les femmes (1, 2, 3).

De nombreux patients souffrent d’une diminution considérable de leur qualité de vie, car les symptômes apparaissent souvent de manière imprévisible. Les patients souffrant de troubles graves sont parfois prêts à prendre des risques considérables pour soulager leurs symptômes (4)

Symptômes et classification

Le syndrome du côlon irritable se subdivise en cinq sous-types:

• IBS-C: avec constipation prédominante;
• IBS-D: avec prédominance de diarrhée;
• IBS-M: avec des habitudes de selles instables.
• IBS-U: IBS non classable.
L’estomac irritable peut quant à lui se présenter sous la forme d’un syndrome douloureux épigastrique (EPS) ou d’un syndrome de détresse postprandiale (SDP). Alors que l’EPS se caractérise par des douleurs et des brûlures dans la partie supérieure de l’abdomen, le PDS se manifeste par une sensation de satiété précoce et de plénitude après les repas.
De nombreux patients présentent des symptômes qui se chevauchent, de sorte qu’il est souvent difficile de faire une distinction claire entre les deux maladies (Fig. 1).


Une méta-analyse a révélé que le chevauchement des symptômes se situe entre 15 et 42 % (6).

Physiopathologie

Les causes exactes ne sont pas encore totalement élucidées. Des études récentes montrent toutefois que différents facteurs contribuent au développement de la maladie (7–13).

• Hypersensibilité viscérale: une sensibilité accrue à la douleur dans le tractus gastro-intestinal.
• Motilité intestinale perturbée: des modifications des schémas de mouvement de l’intestin peuvent entraîner aussi bien de la constipation que de la diarrhée.
• Des modifications du microbiome: les déséquilibres de la flore intestinale jouent un rôle dans l’apparition du SCI.
• Processus inflammatoires et activation immunitaire: les micro-inflammations chroniques peuvent jouer un rôle clé.
• Communication intestin-cerveau altérée: les interactions entre le système nerveux et le tube digestif sont modifiées chez les personnes atteintes.
• Le rôle de l’infection à Helicobacter pylori n’est pas encore totalement élucidé.

Diagnostic

Le diagnostic des troubles digestifs fonctionnels repose principalement sur les critères de ROME IV (14). Pour le SCI, il s’agit de:

– Douleurs abdominales récurrentes au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois.
– Lien entre les douleurs et l’évacuation des selles.
– Modification de la fréquence ou de la consistance des selles.

Pour la dyspepsie fonctionnelle, des symptômes tels qu’une douleur épigastrique, une sensation de plénitude ou de satiété précoce doivent être présents sans qu’une cause organique démontrable puisse être identifiée.

Symptômes d’alarme

Certains de ces symptômes (15 et 16) nécessitent un diagnostic plus approfondi afin d’exclure des maladies graves, notamment:

– des difficultés à avaler.
– perte de poids inexpliquée;
– sang dans les selles ou signes d’anémie;
– vomissements répétés;
– Ballonnements persistants ou présence d’un volume abdominal (ictère);
– Nouvelle apparition de la dyspepsie ou modification des habitudes de défécation chez les patients de plus de 40 ans.
– Indices de perte de sang ou d’anémie;

Options thérapeutiques:

Approches médicamenteuses:

Le traitement vise à améliorer la qualité de vie et à soulager les symptômes.
– Les spasmolytiques peuvent soulager les crampes (17).
– La rifaximine, un antibiotique non résorbable, peut être utilisée chez les patients présentant une mauvaise colonisation de l’intestin grêle (SIBO) (18).
– Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont utiles en cas de dyspepsie fonctionnelle, notamment chez les patients H. pylori négatifs (19).
– Les antidépresseurs, tels que les antidépresseurs tricycliques ou les ISRS, sont utilisés pour soulager la douleur (20, 21).
– Les prébiotiques/probiotiques. Ils semblent être des traitements efficaces pour la DA, bien que les espèces et les souches individuelles qui sont les plus bénéfiques restent floues (22).
– Les prokinétiques favorisent la mobilité gastro-intestinale, notamment dans les cas de SDP (23).

Les produits phytopharmaceutiques

Les substances actives végétales jouent un rôle de plus en plus important dans le traitement:
L’huile de menthe poivrée a un effet analgésique et décontractant (24).
L’huile de cumin réduit les ballonnements et améliore la digestion (25).
Huile de menthe poivrée et huile de cumin combinées (Carmenthin®) (26)
L’anse amère peut réguler la musculature gastro-intestinale (27, 28).
L’artichaut et le curcuma ont des effets antioxydants et anti-inflammatoires (29, 30).
La camomille a des propriétés apaisantes et anti-inflammatoires (31).
Les enveloppes de psyllium favorisent la digestion, en particulier dans le cas du SII-C (32–34).

Mesures diététique

– Le régime Low FODMAP est l’une des interventions alimentaires les plus efficaces, car les aliments riches en FODMAP peuvent provoquer des ballonnements et des diarrhées (35-38).
– Le régime sans gluten peut être utile pour certaines personnes, même en l’absence de maladie cœliaque (39, 40).
– Régime riche en fibres: il soutient le transit intestinal, les enveloppes de psyllium étant particulièrement efficaces (33, 34).

Autres options thérapeutiques:

Outre les médicaments et l’alimentation, il existe d’autres approches:
– Gestion du stress: les facteurs psychologiques tels que le stress et l’anxiété jouent un rôle important dans le SCI et la dyspepsie. Des techniques telles que l’entraînement à la pleine conscience ou la thérapie cognitivo-comportementale peuvent s’avérer utiles.
– L’exercice physique: une activité physique régulière améliore la motilité intestinale et réduit le stress.
– Éducation des patients: une information complète sur la maladie permet aux personnes concernées de mieux gérer leurs symptômes.

Carmenthin® (Menthacarin®): un effet cliniquement pertinent.

Supérieur au placebo.

L’étude a évalué l’efficacité et la sécurité de gélules gastro-résistantes contenant une combinaison fixe de 90 mg d’huile de menthe poivrée et 50 mg d’huile de carvi (Menthacarin®). Des patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle ont été traités avec une gélule de Menthacarin® ou un placebo deux fois par jour pendant 28 jours (41). Les variables primaires d’efficacité étaient la variation intra-individuelle (i) de l’intensité de la douleur et (ii) de la pression, de la lourdeur et de la sensation de plénitude entre les jours 1 et 29, ainsi que l’évaluation (iii) de l’amélioration globale (Clinical Global Impression [CGI] item 2) par les investigateurs au jour 29. Au jour 29, l’intensité moyenne de la douleur avait diminué de 40 % dans le groupe Menthacarin® et de 22 % dans le groupe placebo par rapport à la valeur initiale. Pour la pression, la lourdeur et la sensation de plénitude, une réduction de 43 % a été constatée dans le groupe Menthacarine® et de 22 % dans le groupe placebo. Concernant la pression, la lourdeur et la sensation de plénitude, une réduction de 43 % a été constatée dans le groupe Menthacarin® et de 22 % dans le groupe placebo. Pour les trois paramètres cibles, la supériorité de Menthacarin® par rapport au placebo était statistiquement significative. Six patients (cinq sous Menthacarine® et un sous placebo) ont signalé des événements indésirables qui n’étaient pas liés à l’étude ou qui étaient dus à une aggravation de la maladie étudiée (42). Une autre étude multicentrique prospective, contrôlée par placebo, en double aveugle, a évalué l’efficacité de la Menthacarine® sur les symptômes et la qualité de vie (QoL) chez 114 patients présentant des symptômes de dyspepsie à l’origine de douleurs épigastriques ou de troubles digestifs postprandiaux (32). Les principaux résultats étaient les suivants: Après 2 et 4 semaines, le traitement actif était supérieur au placebo pour soulager les symptômes correspondant au PDS et à l’EPS (p < 0.001 pour tous les cas). Après quatre semaines de traitement, les scores de douleur et d’inconfort ont diminué de 7.6 ± 4.8 et 3.6 ± 2.5 points (analyse complète; moyenne ± écart-type) avec Carmenthin® et de 3.4 ± 4.3 et 1.3 ± 2.1 points avec le placebo.

Toutes les mesures d’efficacité secondaires ont montré l’avantage de Carmenthin®. Carmenthin® s’est avéré efficace pour soulager la douleur et l’inconfort ainsi que pour améliorer la qualité de vie spécifique à la maladie chez les patients atteints de DF. Ces résultats démontrent la bonne tolérance et le rapport bénéfice/risque favorable de Carmenthin® dans le traitement de la dyspepsie fonctionnelle (43). Carmenthin® a également montré son efficacité sur les symptômes typiques du côlon irritable, du syndrome du côlon irritable (SCI) et de la dyspepsie fonctionnelle (DF), qui sont des maladies gastro-intestinales fonctionnelles fréquentes présentant des symptômes similaires. ­L’efficacité et la sécurité de Carmenthin® ont été démontrées dans le traitement de la dyspepsie fonctionnelle. L’efficacité de Carmenthin® sur les symptômes associés à l’intestin irritable chez les patients atteints de DA a été examinée dans une analyse systématique d’essais contrôlés randomisés en double aveugle (43). Trois des cinq essais contrôlés randomisés (ECR) identifiés ont inclus un total de 111 sujets éligibles, ce qui a permis d’établir des statistiques synthétiques et de les inclure dans une analyse de sous-groupe pour les patients atteints de DA présentant des symptômes associés au SCI.

Les valeurs d’intensité de la douleur des patients présentant un syndrome du côlon irritable concomitant ont diminué en moyenne de 50 à 75 % pendant les 28 jours de traitement. L’analyse des sous-groupes indique ainsi des effets positifs du traitement à base de Carmenthin®, comparables à ceux observés chez les patients atteints de DA dans les analyses primaires. Dans les études cliniques, Carmenthin® s’est révélé efficace et sûr lors d’une utilisation à long terme chez les patients souffrant de dyspepsie fonctionnelle. Les résultats du traitement à long terme ont été enregistrés dans une étude ouverte de 12 mois sur le suivi du traitement (44). Les patients avaient auparavant été traités par Carmenthin® (une capsule gastro-résistante deux fois par jour vs placebo) dans le cadre d’une étude clinique en double aveugle de quatre semaines. Pendant le suivi, tous les patients ayant reçu auparavant du verum ou un placebo ont été traités avec une capsule de Carmenthin® deux fois par jour. Les critères d’évaluation étaient les changements d’intensité de la douleur (Fig. 2).

Copyright
Aerzteverlag medinfo AG

Pr Walter F. Riesen

riesen@medinfo-verlag.ch

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

  • Les troubles digestifs fonctionnels, tels que le côlon irritable et l’estomac irritable, sont des maladies fréquentes qui occasionnent un stress considérable pour les personnes qui en souffrent.
  • La pathophysiologie est complexe et comprend des facteurs tels que l’hypersensibilité viscérale, l’altération de la flore intestinale et la perturbation de la communication entre l’intestin et le cerveau.
  • Le diagnostic repose sur des critères cliniques, les symptômes d’alarme nécessitant un examen plus approfondi. Le traitement doit être adapté individuellement et associer des mesures médicamenteuses, phytothérapeutiques et diététiques. L’efficacité et la sécurité du traitement par Carmenthin® ont été démontrées, même en cas d’utilisation à long terme.
  • Une approche globale et centrée sur le patient permet de soulager les symptômes et d’améliorer la qualité de vie.

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