Nouvelles recommandations suisses 2023 pour le traitement du diabète sucré de type 2

De nombreux médecins se demanderont pourquoi il y a déjà de nouvelles recommandations? La réponse est simple: depuis les dernières recommandations de 2020, il y a eu beaucoup d’études de points finaux cardiovasculaires qui doivent être classées. En outre, certains nouveaux médicaments, qui ont été ou seront introduits en 2023, n’ont pas encore été pris en compte. En outre, il existe certes les directives européennes et américaines sur le diabète, mais elles sont à notre avis trop compliquées pour les internistes généralistes et les médecins de famille. L’objectif du groupe de travail suisse était d’élaborer des recommandations simples, étape par étape, qui puissent être bien mises en œuvre par tous les médecins (1).

Many physicians will ask themselves, why are there already new recommendations? The answer is simple: since the last recommendations of 2020, there have been many cardiovascular endpoint studies that need to be classified. In addition, there are some new drugs that have been or will be introduced in 2023 that have not yet been considered. In addition, there are the European and American guidelines on diabetes, but in our opinion they are too complicated for the general internist and GP. The goal of the Swiss working group was to develop simple step-by-step recommendations that can be easily implemented by all physicians (1).
Key words: Diabète, diabète sucré de type 2, Endocrinologie

Recommandations thérapeutiques en Suisse

La figure 1 résume les comorbidités les plus fréquentes dans le diabète sucré de type 2 en Suisse, ainsi que leur prévalence. Toutes les comorbidités ont fait l’objet de progrès importants et de nouvelles connaissances au cours des dernières années. La seule comorbidité, très fréquente chez les diabétiques, pour laquelle il n’existe pas encore de recommandations thérapeutiques universelles et qui nécessite encore un important travail de recherche est la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD), également appelée aujourd’hui stéatose hépatique métabolique associée (MAFLD), car cette forme est très souvent associée à un syndrome métabolique, à l’obésité et au diabète (50-70%). Le terme non alcoolique a été remplacé par celui d’alcoolique, car une consommation légère à modérée d’alcool est tout de même assez fréquente dans ce groupe de population. Ce que l’on sait déjà, c’est que le GLP-1 RA et le GLP-1/GIP RA peuvent réduire la stéatose hépatique et la progression vers la fibrose et que les inhibiteurs du SGLT-2 ont également un effet positif, la perte de poids étant probablement le facteur le plus important.

La figure 2 résume les principes généraux du traitement, mais il convient de noter que les lipides et la pression artérielle doivent également être pris en compte et que l’utilisation du GLP-1 RA et des inhibiteurs du SGLT-2 doit être indépendante de l’HbA1c.

La figure 3 présente un guide étape par étape sur la manière dont le diabète de type 2 doit être traité. La première étape définit l’indication principale pour l’utilisation des antidiabétiques modernes. Si l’accent est mis sur le traitement de la maladie rénale chronique ou de toutes les formes d’insuffisance cardiaque, il convient d’envisager un traitement combiné initial par la metformine et les inhibiteurs du SGLT-2. Si l’indication principale est la perte de poids et la protection cardiovasculaire (notamment la prévention de l’apoplexie), l’association metformine et GLP-1 RA doit être favorisée. Les GLP-1 RA fonctionnent également en cas d’IMC <28, l’Office fédéral de la santé publique a introduit cette restriction afin de réduire la fréquence de prescription. La question se pose parfois de savoir pourquoi la metformine est toujours utilisée? La metformine est le seul médicament qui inhibe nettement la gluconéogenèse hépatique et elle a été utilisée comme traitement de première ligne dans toutes les études cardiovasculaires en point final. De plus, une grande méta-analyse portant sur plus de 40 études et plus d’un million de patients atteints de diabète sucré et d’une maladie coronarienne a montré une réduction significative des décès d’origine cardiovasculaire et de la mortalité totale de 19, respectivement 33%, et les événements cardiovasculaires ont également été réduits de manière significative de 17% (Han Y, et al, Cardiovas Diabetol 2019;18:96).

La deuxième étape consiste à combiner les inhibiteurs du SGLT-2 avec le GLP-1 RA, indépendamment de l’HbA1c. Cette triple combinaison représente le traitement idéal du diabète sucré de type 2 en réunissant tous les avantages des deux groupes de substances: réduction de la réduction de la MACE en 3 points, de l’apoplexie non fatale, de la mort cardiovasculaire, de l’insuffisance cardiaque, de la néphroprotection et de la réduction de la mortalité globale. Un nouveau médicament qui sera mis sur le marché suisse à l’automne 2023 est le tirzépatide (Mounjaro®), un double GLP-1/GIP RA, autorisé pour le diabète de type 2 et utilisé à une dose de 5-15 mg. Les effets sur l’HbA1c et le poids sont comparables à ceux du semaglutide (1,0 ou 2,4 mg (Wegovy® autorisé pour l’obésité). Il n’existe cependant qu’une comparaison directe avec 1 mg de sémaglutide vs. 5-15 mg de tirzépatide, le tirzépatide étant supérieur en termes de réduction du poids et de l’HbA1c.

Les inhibiteurs de la DPP-4 ne sont en fait utilisés que si l’IMC est <28 ou si les GLP-1 RA ne peuvent pas être utilisés en raison d’effets secondaires gastro-intestinaux.
Le principal problème avec la triple combinaison est le remboursement des coûts par les caisses d’assurance maladie. Si l’on commence par le médicament le plus cher, le GLP-1 RA, la caisse maladie rembourse pratiquement toujours l’inhibiteur du SGLT-2, qui est aussi cher qu’un inhibiteur du DPP-4. Si l’on commence par l’association d’un inhibiteur du SGLT-2 et de la metformine, l’utilisation du GLP-1 RA nécessite actuellement la plupart du temps une garantie de prise en charge des coûts. On peut contourner cette difficulté en posant l’indication de l’inhibiteur du SGLT-2 soit pour la maladie rénale chronique, soit pour toute forme d’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée (>40%) est la forme prédominante du diabète de type 2 (3/4 des cas) et les inhibiteurs du SGLT-2 sont le seul traitement efficace pour l’HFpEF. L’indication du GLP-1 RA serait donc le traitement du diabète. Des efforts sont en cours de la part de toutes les entreprises pharmaceutiques impliquées pour que l’OFSP élimine ces limitations, car la triple combinaison représente l’option thérapeutique préférée au niveau national et international.

L’étape 3 suit, si l’HbA1c ne se situe pas dans la zone cible malgré la tri-thérapie, on utilise alors l’insuline (le manque d’insuline concerne 25% de tous les patients atteints de diabète sucré de type 2). La forme la plus simple est l’administration une fois par jour d’une insuline basale à action ultra-longue comme la glargine 300 ou l’insuline dégludec (Toujeo® ou Tresiba®). On commence généralement avec 10 U par jour ou 0,2 U/kg et on augmente de 2 unités une fois par semaine. L’alternative serait, surtout si la glycémie augmente fortement après un ou deux repas principaux, d’administrer une insuline co-formulée comme Ryzodeg®, qui se compose de 30% de NovoRapid® à courte durée d’action et de 70% de Tresiba®. Cette insuline peut être administrée une ou deux fois par jour au moment des repas contenant le plus de glucides ou au moment du repas où la glycémie postprandiale augmente le plus. Une comparaison directe avec un système de bolus de base dans le diabète de type 2 a montré qu’il était possible d’obtenir la même HbA1c, mais avec moins d’hypoglycémies avec l’insuline Ryzodeg® administrée deux fois par jour.

L’ objectif HbA1c dans le diabète sucré de type 2

Comme il n’y a pas de risque d’hypoglycémie avec une double ou triple combinaison (metformine, inhibiteur du SGLT-2, GLP-1 RA ou inhibiteur de la DPP-4), l’objectif est HbA1c <6,5% ou aussi proche de la normale que possible pour toutes les personnes de moins de 65 ans. Si l’âge est >65 ou 80 ans, on peut être un peu plus indulgent. La figure 4 illustre ces recommandations. Ce n’est qu’en cas de traitement à l’insuline ou aux sulfonylurées, ces dernières n’étant plus recommandées, que l’on ne souhaite pas atteindre une HbA1c trop basse, en raison du risque d’hypoglycémie. L’HbA1c devrait cependant toujours être < 8,0% pour tous les groupes d’âge, même en cas de traitement à l’insuline.

Situations particulières: Maladie rénale chronique, insuffisance cardiaque et patients âgés et fragiles

Environ 25% des patients suisses atteints de diabète de type 2 souffrent d’une maladie rénale chronique. Malheureusement, beaucoup ne sont pas diagnostiqués, car la détermination de l’albuminurie est effectuée chez moins de 30% des patients. Dans le cas de la maladie rénale chronique, les inhibiteurs du SGLT-2 sont le groupe de médicaments préféré, suivis par les GLP-1 RA, qui peuvent être administrés jusqu’à un eDFG de 15 ml/min. Un nouveau médicament, disponible sur le marché depuis le 1er juin 2023, est un nouvel antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes non stéroïdiens, la finérone (Kerendia®). Ce nouveau médicament est indiqué en cas d’IRC avec un eDFG de 25-59 ml et une microalbuminurie et un eDFG de 25-75 ml/min et une macroalbuminurie et peut être utilisé en association avec des inhibiteurs du SGLT-2.

Pour le dépistage précoce de l’insuffisance cardiaque, il est recommandé d’interroger tous les patients sur les symptômes typiques (dyspnée, orthopnée, réduction de la capacité d’effort, fatigue, œdème des chevilles). Si un ou plusieurs symptômes sont présents et/ou si l’ECG présente des anomalies, le NT-proBNP ou le BNP doivent être déterminés. Si les valeurs sont élevées, les patients doivent être adressés à un cardiologue pour une échocardiographie. Cet examen permet de diagnostiquer l’insuffisance cardiaque et de la classer en HFrEF, HFmEF ou HFpEF en fonction de la fraction d’éjection systolique. La figure 5 illustre le déroulement de cet examen. Outre le traitement établi pour l’HFrEF (inhibiteurs de l’ECA/sartans, diurétiques, bêtabloquants, antagonistes de l’aldostérone), les inhibiteurs du SGLT-2 sont recommandés pour la fraction d’éjection préservée et réduite. Les inhibiteurs du SGLT-2 sont le seul groupe de médicaments présentant une réduction significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF).

Les patients >65 ans souffrent souvent de maladies gériatriques typiques et présentent souvent une malnutrition, même s’ils sont obèses (figures 6 et 7). Chez ces patients, on souhaite éviter l’effet coupe-faim du GLP-1 RA et on préfère les inhibiteurs de la DPP-4. La linagliptine (Trajenta®) est privilégiée, car la dose ne doit pas être adaptée au eDFG. L’effet rénocardioprotecteur des inhibiteurs du SGLT-2 est également incontesté dans ce groupe.

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Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 08_2023

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

RL: Participation à des Advisory Boards et honoraires de conferencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

  • Les recommandations les plus modernes et les plus simples pour le traitement du diabète sucré de type 2 ont été présentées dans une version courte.
  • Contrairement aux recommandations précédentes, les recommandations actuelles sont toutes basées sur de nombreuses études cardiovasculaires finales qui documentent ces étapes.
  • L’approche thérapeutique holistique repose cependant toujours sur l’évaluation individuelle du patient et sur l’acceptation du traitement par le patient. L’algorithme thérapeutique proposé doit constituer une aide simple à suivre.

(1) Giacomo Gastaldi, Barbara Lucchini , Sebastien Thalmann, Stephanie Alder,
Markus Laimer, Michael Brändle, Peter Wiesli. Roger Lehmann; Working group of the SGED/SSED, Swiss recommendations of the Society for Endocrinology and Diabetes (SGED/SSED) for the treatment of type 2 diabetes mellitus (2023), Swiss Med Wkly 2023;153;40060 doi.org/10.57187/smw.2023.40060

Approche psychothérapeutique des SCPD

Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) rendent complexe la prise en charge des patients déments. Ils témoignent d’ une souffrance intense chez le patient et pèsent sur son entourage (famille et/ou équipe de soin). Le risque est de considérer ces manifestations comme le problème du patient et de passer à côté de ce qui active et renforce la manifestation des SCPD. Nous proposons ici une perspective psychothérapeutique de la compréhension des SCPD en les considérant comme une problématique issue de l’ interaction entre le patient et l’ environnement dans lequel il évolue. De ce point de vue, la compréhension de ce qui provoque la survenue des SCPD comme la manifestation de difficultés ressenties par le patient dans ce système est la clef pour mettre en place des interventions efficaces.

The behavioral and psychological symptoms of dementia (BPSD) make the treatment of dementia patients complex. They testify to the patient’s intense suffering and place a burden on his or her environment (family and/or care team). There is a risk of considering these manifestations as the patient’s problem and overlooking them, which activates and reinforces the manifestation of BPSD. We propose here a psychotherapeutic perspective for understanding BPSD by viewing it as a problem arising from the interaction between the patient and the environment in which they live. From this perspective, understanding what causes the onset of BPSD as a manifestation of the patient’s perceived difficulties in this system is key to developing effective interventions.
Key Words: dementia, BPSD, psychology

Plus de 146’ 500 personnes sont affectées par une démence aujourd’ hui en Suisse, et ce nombre devrait doubler d’ ici 2050. Ainsi les démences représentent l’ un des plus grands défis sociaux, économiques et de santé publique actuels. En plus de l’ atteinte cognitive, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) font partie de la présentation clinique des démences. Les SCPD, aussi dénommés symptômes neuropsychiatriques, sont définis comme des signes et des symptômes reflétant une altération de la perception, du contenu de la pensée, de l’ humeur ou du comportement (1). Les manifestations cliniques peuvent se présenter non seulement sous forme d’ apathie, dépression, anxiété, agitation et insomnie mais également sous forme d’ errance, d’ opposition aux soins, d’ agressivité et d’ idées délirantes (2, 3, 4). Ces symptômes peuvent survenir dans tous les types de démence et représentent un défi pour le patient et son entourage. Ils sont en effet associés à une détresse émotionnelle élevée, une diminution de la qualité de vie, une péjoration sur le plan fonctionnel, des hospitalisations fréquentes, un risque de négligence et/ou d’ abus, et à une mortalité plus élevée (5).

Compréhension psychologique des SCPD

Il existe différents modèles de compréhension des SCPD (6). Dans cet article nous adoptons un modèle de compréhension psychologique des SCPD qui part du postulat que les SCPD sont l’ expression d’ un besoin inassouvi. Dans cette logique, le traitement des SCPD consiste en trois étapes : 1) identifier et décrire les SPD ; 2) cerner la problématique sous-jacente à leur manifestation (identifier la souffrance du patient qui provoque les SCPD) ou en d’ autres termes, de comprendre quel est le besoin du patient sous-jacent à cette manifestation ; 3) définir des interventions à partir de cette compréhension du problème, c’ est à dire mettre en place des moyens pour combler ce manque (7). Si les moyens proposés sont pertinents, ils permettront la diminution, voir disparition des SCPD.

Identification et description des SCPD

L’ utilisation d’ instruments de cotation permet une description et une documentation précises des SCPD. Ils favorisent un suivi précis de ces manifestations tant dans la phase d’ investigation que dans l’ évaluation de l’ efficacité des mesures mises en place.
Dans cette optique les instruments de cotation suivants peuvent être une aide pour les professionnels.

  • Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield ; (8)
  • Inventaire neuropsychiatrique de Cummings ; (9)
  • Nursing Home Behavior Problem Scale – version française ; (10)
  • Échelle de dépression gériatrique ; (11)
  • Échelle de Cornell (dépression associée à un trouble neurocognitif) ; (12)
  • Inventaire de l’ apathie ; (13)

Il est à noter que la plupart de ces instruments prévoit l’ évaluation par un tiers : soignant ou proche aidant.

Évaluation des SCPD

L’ évaluation des SCPD repose sur une démarche clinique et structurée qui évalue 3 domaines : l’ anamnèse passée et récente du patient, ainsi que l’ observation du patient dans son quotidien (contexte actuel). Celle présentée ici s’ inspire du document « Démarche d’ intervention clinique d’ évaluation des SCPD » développé par l’ équipe de mentorat du Centre d’ Excellence sur le Vieillissement de Québec (14).
Par ailleurs, cette évaluation peut être complétée en se référant aux neuf besoins de Boettcher : le territoire, la communication, l’ estime de soi, la sécurité, l’ autodétermination, le temps, l’ identité personnelle, le confort et la compréhension (15).

Relevons que le recueil des données anamnestiques se fera autant que possible auprès du patient. Il sera complété par un entretien avec les proches et l’ étude détaillée du dossier. Les proches et les soignants qui s’ occupent régulièrement du patient fournissent une aide précieuse dans la compréhension du patient (personnalité prémorbide, habitudes de vie, valeurs) et des observations utiles quant à ce qui se passe pour lui au niveau intrapsychique et relationnel. Enfin, l’ observation des comportements du patient en situation de soin permet d’ identifier les situations problématiques mais également des stratégies qui permettent d’ éviter le déclenchement de certains comportements.

Intervention

Il n’ existe pas d’ évidence terme à terme entre la manifestation d’ un SCPD et la réponse à lui donner. La prise en charge du patient nécessite donc de s’ adapter à chaque situation spécifiquement : il s’ agit de comprendre ce qui se passe pour lui et de répondre à cette cause. Dans une approche psychothérapeutique des SCPD, les interventions non-médicamenteuses seront privilégiées en réponses à ces difficultés. La médication psychotrope est cependant indiquée dans les cas de SCPD sévères ou réfractaires aux interventions non-médicamenteuses ainsi que dans les cas de risque imminent pour la sécurité de la personne ou d’ autrui. Pour une vue d’ ensemble sur les traitements médicamenteux nous recommandons les guidelines sur le traitement des SCPD de la Société Suisse de Psychiatrie et Psychothérapie de la Personne Âgée (SPPA)(16). Précisons que la médication est utile pour apaiser le symptôme mais ne permet pas de traiter ses causes. Seule la compréhension des raisons sous-jacentes au SCPD va permettre un traitement efficace et durable du symptôme.

La démence, en particulier lorsqu’ elle se complique par des SCPD, rend difficile l’ accès au patient. La confrontation à ces comportements induit le risque d’ oublier le patient (sa personnalité, son individualité et son parcours de vie) et, dès lors, le risque de renforcer les attitudes problématiques dont on ne cernerait pas la pertinence. Les approches non médicamenteuses ont comme postulats essentiels le respect de la dignité du patient, une vision holistique du patient allant au-delà de la maladie et l’ évitement de l’ infantilisation.

Les mesures possibles pour traiter les SCPD consistent en des interventions individuelles, ciblées sur le comportement du patient, mais également en des interventions systémiques incluant les proches et/ou les soignants afin d’ adapter l’ environnement aux besoins du patient. Le tableau ci-dessous propose une vue d’ ensemble (non exhaustive) de ces interventions.

Comme déjà indiqué précédemment, il est essentiel d’ inclure les proches et les soignants dans la démarche d’ évaluation des SCPD. Ensuite, il s’ agira de tenir informées les familles de ce qui est mis en place pour prendre en charge le patient. Les inclure tout au long de la démarche permet une compréhension partagée du problème, du projet de soins et des attentes. Cela nécessite d’ ouvrir le dialogue (en évitant un ton scolastique) : les soignants transmettent leur compréhension des SCPD et la proposent de manière ouverte aux proches. Cela ne doit cependant pas se faire à l’ exclusion patient, il est essentiel de continuer à le considérer comme un interlocuteur malgré ses pertes cognitive ; il reste en effet le premier concerné par les décisions prises (placement, changement de traitement, adaptation de l’ environnement). Il s’ agira de l’ inclure dans les échanges : l’ informer des décisions et le préparer aux changements). Dès lors, il est souhaitable de prévoir des entretiens de soutien psychologique et d’ information (entretiens de réseau par exemple) qui incluent aussi bien les

proches que le patient, dans une démarche commune. Cela favorise une transmission claire et récurrente de la part des professionnels envers le patient et ses proches tout au long de la prise en charge.

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Dr Leonardo Zullo M.D.

Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé
Hôpital de Prangins, Ch. Oscar Forel
1197 Prangins

Leonardo.Zullo@chuv.ch

Psychologue Romaine Dukes

Psychologue associée
Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé au SUPAA
Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Romaine.Dukes@chuv.ch

Les auteurs n’ont aucun conflit d’intérêts à déclarer en relation avec cet article.

  • Les SCPD se présentent sous des formes diverses, ils témoignent d’ une grande détresse émotionnelle du patient et génèrent un stress important pour son entourage (proches et/ou soignants)
  • L’ approche psychothérapeutiques postule que la mise en place de mesures repose sur la compréhension du besoin sous-jacent à la manifestation comportementale
  • Le travail avec les proches aide les soignants dans leur compréhension de des enjeux sous-jacents des SCPD.
  • L’ utilisation des informations amenées par les proches permet la préservation de la personnalité du malade
  • Inclure les proches dans ces démarches leur offre un soutien face à une situation éprouvante en termes émotionnels et permet de les impliquer dans la mise en place d’interventions systémiques.

1. Finkel SI, E Silva JC, Cohen G, Miller S, & Sartorius N. Behavioral and psychological signs and symptoms of dementia: a consensus statement on current knowledge and implications for research and treatment. International psychogeriatrics. 1997; 8 (S3), 497–500.
2. Kaufer DI, Cummings JL, Ketchel P, Smith V, MacMillan A, Shelley T, et al. Validation of the NPI-Q, a brief clinical form of the neuropsychiatric inventory. J Neuropsychiatr Clin Neurosci. 2000; 12(2):233–9.
3. Lyketsos CG, Carrillo MC, Ryan JM, Khachaturian AS, Trzepacz P, Amatniek J, et al. Neuropsychiatric symptoms in Alzheimer’s disease. Alzheimers & Dementia 2011; 7(5): 532–9.
4. Kales HC, Gitlin LN, Lyketsos CG. Assessment and management of behavioral and psychological symptoms of dementia. BMJ. 2015; vol. 350.
5. Kales HC, Gitlin LN, Lyketsos CG. Management of neuropsychiatric symptoms of dementia in clinical settings: recommendations from a multidisciplinary expert panel. J Am Geriatr Soc. 2014; 62(4): 762–9.
6. Cohen-Mansfield J. Nonpharmacological interventions for persons with dementia. Alzheimer’s Care Today. 2005; 6(2): 129-145.
7. Tible OP, Riese F, Savaskan E, von Gunten A. Best practice in the management of behavioural and psychological symptoms of dementia. Ther Adv Neurol Disord. 2017;10(8): 297-309.
8. Micas M, Ousset PJ, Vellas B. Évaluation des troubles du comportement. Présentation de l’échelle de Cohen-Mansfield. La Revue Fr. de Psychiatrie et Psychol. Médicale, 1997; 151-157.
9. Cummings J., Mega M., Gray K., Rosenberg-Thompson S., Carusi D. A., & Gornbein J. The Neuropsychiatric Inventory: Comprehensive assessment of psychopathology in dementia. Neurology. 1994; 44(12): 2308-2314.
10. Ray WA., Taylor JA., Liechtenstein MJ. & al. The nursing home behavior problem scale. Journal of Gerontology, 1992, 47(1): M9-M16.
11. Yesavage J., Brink T., Rose T., Lum O., Huang V., Adey M., Leirer O. Development and validation of a geriatric depression screening scale: a preliminary report. J of Psych Res. 1983;17: 37-49.
12. Alexopoulos GS, Abrams RC, Young RC, Shamoian CA. Cornell Scale for Depression in Dementia. Biol Psychiatry. 1988; 23(3):271-84.
13. Robert PH., Clairet S., Benoit M., Koutaich J., Bertogliati C., Tible O., Caci H., Borg M., Brocker P., & Bedoucha P. The apathy inventory: assessment of apathy and awareness in Alzheimer’s disease, Parkinson’s disease and mild cognitive impairment. International journal of geriatric psychiatry. 2002; 17(12): 1099–1105.
14. Rey S., Voyer P., & Juneau L. Prise en charge des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Perspective infirmière : revue officielle de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. 2016 ;13(4) :56–60.
15. Boettcher EG. Preventing violent behavior. An integrated theoretical model for nursing. Perspectives in Psychiatric Care. 1983; 21(2): 54-58.
16. Savaskan E, Bopp-Kistler I., Buerge M. et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD). Praxis (16618157), 2014, vol. 103, no 3.

« Vademecum » pour les médecins de premier recours

La migraine est une maladie neurologique fréquente qui touche plus d’un million de personnes en Suisse. Elle se caractérise par une hypersensibilité récurrente dans le cadre de laquelle – outre le principal symptôme, le mal de tête – la lumière, les bruits, les odeurs, le toucher ou les mouvements sont ressentis comme gênants. Les médecins de famille jouent le rôle le plus important, en particulier chez les patients migraineux peu touchés. En cas de souffrance accrue, notamment en cas de restrictions dans la vie professionnelle et privée ou de résultats thérapeutiques insatisfaisants, il est vivement recommandé de faire appel à des neurologues ou à des spécialistes des maux de tête. Cet article fait le point sur les principales possibilités de diagnostic et de traitement.

Migraine is a common neurological disorder that affects more than 1 million people in Switzerland. It is characterized by a recurring hypersensitivity disorder in which, in addition to the main symptom of headache, light, sounds, smells, touch or movement are also perceived as disturbing. Especially for less severely affected migraine patients, family doctors are the most important treatment partners. In case of higher suffering pressure, especially in case of increased absence from work and private life or unsatisfactory therapy success, the involvement of neurologists or headache specialists is highly recommended. This article provides an update on the most important diagnostic and therapeutic options.
Key Words: migraine, hypersensitivity, diagnosis, therapy

Diagnostic

La classification internationale des céphalées (ICHD-3) distingue différentes formes de migraine (1). D’une part, la migraine est classée comme épisodique ou chronique en fonction du nombre de jours de céphalées par mois, 15 jours étant une limite arbitraire. Récemment, des spécialistes renommés des céphalées ont proposé de fixer cette limite à 8 jours déjà, étant donné qu’à partir de cette fréquence, le handicap/la gêne dans la vie quotidienne augmente également de manière significative (2). Même si la migraine fait partie des troubles neurologiques les plus prévalents et que l’on estime que plus d’un million de personnes sont concernées en Suisse, on peut partir du principe que 80 à 90% d’entre elles ont moins de 4 jours de migraine par mois et ne sont guère gênées dans leur vie quotidienne en dehors de ces jours.

La migraine peut être décrite par la survenue récurrente d’hyper­sensibilité aux stimuli, dans le cadre de laquelle, outre le symptôme principal des maux de tête, la lumière, le bruit, les odeurs, le toucher ou le mouvement sont perçus comme gênants. Environ 1⁄6 des patients rapportent en outre des déficiences neurologiques passagères (visuelles, sensorielles, motrices, cognitives), qui commencent généralement avant les céphalées et se développent en quelques minutes. Cela permet de faire la classification suivante : les migraines avec ou sans aura, sachant qu’il existe également des auras isolées, la migraine hémiplégique familiale ou encore le « Visual Snow » comme complication de la migraine. Certaines variantes de migraines principalement pédiatriques (migraines abdominales, vomissements cycliques) devraient également être rencontrées occasionnellement dans les soins de base. Dans l’appendice de l’ICHD-3, la migraine vestibulaire est également mentionnée depuis peu ainsi qu’une migraine purement menstruelle/ associée aux règles. Les hormones, en particulier la chute des œstrogènes, ne sont pas seulement le déclencheur des crises, mais aussi une raison importante pour laquelle les femmes sont environ trois fois plus touchées pendant les années de fertilité. En ce qui concerne les éléments « déclencheurs », il faut certainement tenir compte du fait que les signes/symptômes précurseurs des crises de céphalées, comme l’hypersensibilité aux stimuli ou l’envie de sucreries, sont parfois mal interprétés. L’approche des 3E s’impose donc comme gestion des éléments « déclencheurs » : Expérimenter et documenter – Éliminer les éléments « déclencheurs » évidents – s’Exposer aux éléments « déclencheurs » présumés (tableau 1). La question de savoir si l’utilisation de nouvelles technologies, telles que les applications mobiles (wearables), apporte un bénéfice à long terme ou si elle se concentre trop sur le problème n’est pas encore définitivement résolue.

Mécanismes

La physiopathologie de la migraine est complexe et fait intervenir plusieurs facteurs (3). On suppose qu’une interaction complexe entre des facteurs génétiques, neurochimiques et environnementaux conduit à la fois à la maladie et au déclenchement des différentes crises. Le système trigémino-vasculaire ainsi que différents neurotransmetteurs, comme le calcitonin gene-related peptide (CGRP), jouent également un rôle central. Ces dernières années, des progrès importants ont été réalisés, notamment dans le domaine de la prophylaxie médicamenteuse, pour laquelle je renvoie également à des articles antérieurs publiés dans la revue « der informierte arzt » (4, 5).

Traitement aigu

Les patients souhaitent un médicament qui agit rapidement et qui leur permette de fonctionner à nouveau au quotidien (professionnel). Il peut s’agir d’analgésiques, de combinaisons avec des antiémétiques ou de triptans. La présence depuis 30 ans déjà des agonistes des récepteurs de la sérotonine parle certainement aussi en faveur de leur sécurité. Ils pourraient même être utilisés de manière plus ciblée et plus fréquente, par exemple aussi pendant la grossesse (6), en particulier en l’absence d’alternatives. Les ditans constituent une nouvelle classe de substances spécifiques, mais la demande d’autorisation pour le lasmiditan a été retirée. En revanche, nous pouvons toujours compter sur l’introduction des gépants, avec le rimégépant comme premier représentant. Cet antagoniste du CGRP de petite molécule occupe une place particulière, car il peut également être utilisé en traitement prophylactique. Étant donné qu’il n’y a jusqu’à présent aucune preuve que les gépants entraînent une chronicisation de la migraine en cas de surutilisation (CMI), même le seul traitement des crises pourrait améliorer la fréquence des migraines à long terme (7).

Prophylaxie médicamenteuse

Les recommandations thérapeutiques pour les céphalées primaires de la Société suisse des céphalées (SSC, www.headache.ch) paraîtront prochainement dans leur 11e édition et énumèrent, outre les nouvelles substances actives, les médicaments établis de longue date. Il est certain que les effets secondaires de ces derniers sont plus variés et plus fréquents, mais ils peuvent parfois aussi avoir un effet positif – s’ils sont utilisés de manière ciblée – et améliorer ainsi l’adhérence (8).

Comme nous l’avons déjà mentionné, le CGRP joue un rôle clé dans les crises de migraine, en particulier dans l’apparition de la douleur. Les inhibiteurs de ce système développés ces dernières années offrent aux patients une option prometteuse pour le traitement de la migraine. Les premières études cliniques d’observation montrent que l’efficacité et la sécurité des études d’autorisation de mise sur le marché peuvent être reproduites, même partiellement améliorées (9). Ces médicaments coûteux sont toutefois très limités dans leur utilisation et ne peuvent être prescrits que par des neurologues. Une étude comparative directe de l’érénumab et du topiramate a montré non seulement une meilleure adhérence, mais aussi une plus grande efficacité, de sorte que l’anticorps du récepteur CGRP peut désormais être utilisé en Allemagne comme traitement de deuxième ligne (10).

Non médicamenteux

Les facteurs liés au mode de vie, tels que l’alimentation, les habitudes de sommeil, la gestion du stress et l’activité physique, peuvent influencer la fréquence et la gravité des migraines. Il est important que les patients reconsidèrent leurs habitudes et changent leur mode de vie. Dans une étude récemment publiée, nous avons pu montrer que cela peut non seulement être prometteur, surtout dans le cadre de la gestion de la santé en entreprise (GSE), mais aussi apporter un bénéfice économique direct, compte tenu d’un « retour sur investissement » supérieur à 1:5 (11).

La neurostimulation externe du nerf trijumeau montre également dans des études des effets doubles, tant pour la crise que pour la prophylaxie. La plupart des caisses maladie participent aux coûts de la thérapie et on peut même s’attendre à une nouvelle adaptation des critères de la LiMA par l’OFSP. Il existe également des études contrôlées sur la stimulation du nerf vague, la stimulation transcrânienne à courant continu et même, plus récemment, sur la neuromodulation à distance (« remote »).

Le tableau 1 présente d’autres possibilités non médicamenteuses permettant aux personnes concernées d’influencer positivement la migraine.

Recommandation

Les médecins de premier recours jouent le rôle le plus important dans le traitement, en particulier chez les patients migraineux peu touchés. En règle générale, le diagnostic peut être posé rapidement, éventuellement à l’aide d’une liste de signes d’alerte et de symptômes (12). Un journal peut aider à identifier d’éventuels schémas (comme une corrélation hormonale) et à mieux évaluer la souffrance. Si celle-ci est sévère – en règle générale en cas de 5 jours de migraine par mois – il est possible de commencer un traitement de préventif conformément aux recommandations de la SSC. Si la souffrance est accrue, notamment en cas de restrictions dans la vie professionnelle et privée ou de résultats thérapeutiques insatisfaisants, il est certainement recommandé de faire appel à des neurologues ou à des spécialistes des céphalées.

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Pr Andreas R. Gantenbein

Spécialiste en neurologie
Neurologie am Untertor
Erachfeldstrasse 2
8180 Bülach
www.neurologie-untertor.ch

andreas.gantenbein@zurzachcare.ch

honoraires pour des conseils et/ou des exposés des entreprises suivantes : AbbVie, Almirall, Biomed, Eli Lilly, Grünenthal, Lundbeck, Neurolite, Novartis, Pfizer, TEVA.

1. Headache Classification Committee of the International Headache Society (IHS) The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition. Cephalalgia. 2018; 38(1):1-211.
2. Chalmer MA et al. Proposed new diagnostic criteria for chronic migraine. Cephalalgia. 2020; 40(4):399-406.
3. Goadsby PJ et al., Pathophysiology of Migraine: A Disorder of Sensory Processing. Physiol Rev, 2017; 97(2):553-622.
4. Gantenbein AR, Pohl H. Update Migräne. der informierte arzt 2021; 2:22-4.
5. Stoyanova-Piroth G, Gantenbein AR, Sandor PS. Neue Antikörper in der Migräneprophylaxe – wann und wie einsetzen? der informierte arzt 2021; 11:3-5.
6. Robblee J. A survey study of headache specialists’ comfort with triptan contraindications. Headache. 2023 (Epub ahead of print).
7. Gantenbein AR, Kleinschmidt A. Is the right way to go in between? : Rimegepant as needed provides preventive benefit. A comment on: monthly migraine days, tablet utilization, and quality of life associated with rimegepant-post hoc results from an open label safety study (BHV3000-201). J Headache Pain. 2023; 24(1):33.
8. Sándor PS, Gantenbein AR. Positive Nebenwirkungen in der Migränetherapie. Schweizer Zeitschrift für Psychiatrie & Neurologie 2013; 1:13-15.
9. Gantenbein AR et al. Interim results of the Swiss quality of life and healthcare impact assessment in a real-world erenumab treated migraine population (SQUARE study). J Headache and Pain 2022; 23(1):142.
10. Reuter U et al. Erenumab versus topiramate for the prevention of migraine – a randomised, double-blind, active-controlled phase 4 trial. Cephalalgia 2022; 42(2):108-18.
11. Schaetz L et al. Impact of an employer-provided migraine coaching program on patient burden and engagement. Headache 2020; 60(9):1947-60.
12. Do TP et al. Red and orange flags for secondary headaches in clinical practice: SNNOOP10 list. Neurology 2019; 92(3):134-44.

La technologie dans le traitement du diabète de type 1

Chez une patiente de 61 ans, un diabète sucré de type 1 est connu depuis l’âge de 30 ans. De plus, elle présente dans son anamnèse personnelle une maladie de Basedow et une anémie pernicieuse et remplit donc les critères d’un syndrome polyendocrinien auto-immun. Le diabète est traité par une insuline basale (Tresiba, 12 U par jour) et du Novorapid pendant les repas (cumul d’environ 26 U par jour). Le contrôle de la glycémie est toutefois insuffisant depuis de nombreuses années (HbA1c 7,5-9%). Depuis 10/18, la patiente utilise un système de surveillance du glucose en continu (Dexcom). Elle a ainsi pu réduire sa peur des hypoglycémies. Cependant, en raison de cette peur, elle n’applique pas de manière fiable l’écart entre l’injection et le repas. En d’autres termes, l’insuline rapide est injectée au moment du repas et non 15 à 30 minutes avant celui-ci.

Points importants de l’anamnèse personnelle

La patiente souffre, dans le cadre du syndrome polyendocrinien auto-immun, d’un diabète sucré de type 1 (DI 1991), de la maladie de Basedow (depuis 1998) et d’une anémie pernicieuse (DI 2009). Elle présente en outre une dyslipidémie, qui est bien contrôlée par des médicaments.

Évolution

Dans l’ensemble, la patiente n’est pas technophile. Néanmoins, elle s’est engagée il y a un an dans une tentative de traitement par pompe à insuline.
En collaboration avec les experts/es en conseil de diabétologie, une pompe à insuline basée sur des algorithmes a été installée. Malheureusement, la patiente a arrêté ce traitement après peu de temps, bien que les taux de glycémie s’étaient fortement améliorés. L’interruption du traitement par pompe à insuline était due au fait que la patiente se sentait dépassée.

Conclusions

Le contrôle de la glycémie est insuffisant en cas de diabète sucré de type 1 à long terme. Il est frappant de constater que la dose d’insuline basale est relativement faible par rapport à l’insuline rapide du repas (on pourrait s’attendre à ce que le rapport soit plus équilibré). L’absence d’intervalle entre l’injection et le repas pourrait expliquer les fortes augmentations de la glycémie postprandiales.

Question

  • Comment la surveillance de la glycémie chez la patiente peut être améliorée ?
  • Pourquoi la patiente a-t-elle interrompu le traitement par pompe à insuline malgré l’amélioration de la glycémie ?

Mesures et traitement proposés

  • Comme mesure « à court terme », nous avons insisté sur l’importance de l’intervalle entre les injections et les repas, afin d’éviter les hausses de glycémie postprandiales.
  • Parallèlement, nous essayons de réduire progressivement la dose d’insuline basale au profit de l’insuline rapide du repas.
  • A long terme, un nouveau passage à un traitement par pompe à insuline basée sur des algorithmes serait judicieux. Il existe cependant un certain pourcentage de patient(e)s qui se montrent réticent(e)s avec des outils techniques (surveillance continue de la glycémie/pompes à insuline). Il ne faut pas mettre la pression aux patients, mais il faut tout de même leur redemander au cours de l’évolution de la maladie, s’il est possible d’envisager une nouvelle adaptation. La patiente était d’accord et elle va revoir les différents modèles de pompes à insuline avec l’expert(e) en conseil de diabétologie.

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PD Dre méd. Claudia Cavelti-Weder

Clinique d’ Endocrinologie, de Diabétologie et de Nutrition clinique
Hôpital Universitaire de Zurich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Claudia.Cavelti-Weder@usz.ch

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

RL: Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca. CCW: L’ auteur n’ a pas de conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

Stroke mimics et Stroke chaméléons

Le diagnostic clinique d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en situation d’urgence représente un grand défi pour les médecins, d’autant plus qu’il faut prendre la bonne thérapie sous la pression du temps et sachant qu’un diagnostic erroné risque un pronostic défavorable. Cet article traite des «stroke mimics» et des «stroke chameleons», qui constituent des difficultés fréquentes dans le diagnostic clinique d’un ACV.

The clinical diagnosis of stroke in an emergency situation is a major challenge for physicians, especially since the correct therapy should be chosen under time pressure and a misdiagnosis can be associated with an unfavorable prognosis. This article is about “stroke mimics” and “stroke chameleons”, which are common pitfalls in clinical stroke diagnosis.
Key Words: Stroke Mimics, Stroke Chameleons, Stroke.

L’ AVC présente une incidence globale en augmentation rapide et constitue une urgence médicale absolue. C’ est dans la situation préhospitalière sans imagerie (p. ex. au cabinet médical) qu’un diagnostic clinique rapide et correct est d’une grande importance pour permettre au patient de bénéficier au plus vite d’une thrombolyse. Les signes et symptômes typiques d’un AVC sont les suivants : l’apparition soudaine d’un déficit neurologique focal d’intensité maximale au début. Il existe cependant des témoignages cliniques atypiques qui peuvent compliquer le diagnostic ou conduire à un diagnostic erroné.

Il convient de distinguer les 2 groupes suivants:

I) stroke mimics: nous entendons par là un syndrome clinique qui ressemble à une attaque cérébrale aiguë, mais dont la cause n’ est pas imputable à une ischémie cérébrale («diagnostic faussement positif»).

II) stroke caméléons: il s’ agit de syndromes cliniques atypiques par rapport à une attaque cérébrale et qui ne font donc pas penser au diagnostic différentiel d’ un AVC, mais dont la cause peut être attribuée à une ischémie cérébrale («faux diagnostic négatif»).

Un diagnostic correct est décisif pour un traitement adéquat et le pronostic. En effet, les diagnostics erronés de stroke mimics entraînent des examens (CT/IRM) et des traitements (thrombolyse, antithrombotiques) pas nécessaires qui, d’ une part, génèrent des coûts inutiles et, d’autre part, exposent les patients à des risques thérapeutiques supplémentaires (notamment risque d’hémorragie). En revanche, les diagnostics erronés de stroke caméléons sont liés à un traitement aigu manqué ou omis (thrombolyse), ce qui entraîne un pronostic défavorable. L’ omission de la prévention secondaire est en outre liée à un risque accru de récidive. Nous allons maintenant aborder plus en détail ces diagnostics différentiels de l’ AVC.

Stroke mimics

Les causes les plus fréquentes de stroke mimics sont les crises de migraine, les crises d’ épilepsie ou les troubles fonctionnels, suivies par des causes plus rares telles que l’ hypoglycémie, les infections ou les déséquilibres électrolytiques.

Migraine avec aura

La migraine avec aura est l’une des causes les plus fréquentes de stroke mimics. Typiquement, les crises de migraine avec aura motrice ou dysphasique peuvent être mal interprétées en tant qu’ attaque cérébrale. Pour compliquer encore les choses, les causes les plus fréquentes d’ AVC chez les jeunes patients (foramen ovale persistant et dissections) sont souvent associées à des migraines. En outre, il n’ est pas rare que l’ attaque cérébrale aiguë soit accompagnée de céphalées, en particulier en cas d’ infarctus postérieur ou, plus souvent, d’ hémorragie cérébrale (1). Concernant la migraine, la plupart des auras sont sensitives ou visuelles, ce qui peut être mal interprété comme un déficit focal. Une extension rapide des symptômes pendant quelques minutes est un signe d’aura, surtout si elle est précédée ou suivie de maux de tête. En cas d’aura visuelle, les deux yeux sont typiquement concernés (binoculaire).

De plus, les patients rapportent des phénomènes de stimulation positifs, tels que des sensations d’éblouissement ou des phénomènes de flash, qui persistent même lorsque les paupières se ferment. En cas de troubles visuels dus à l’ ischémie, le début est toutefois très aigu, en cas d’ amaurose fugace, seul un œil est concerné (monoculaire) et les patients rapportent des phénomènes négatifs (« tout est noir/obscur »). Il faut tenir compte du fait qu’ en cas de migraine, les maux de tête se font de plus en plus rares avec l’ âge et que les auras peuvent être isolées. D’ autre part, la prudence est de mise lors de la première présentation d’une symptomatologie d’aura, pour laquelle on recommanderait plutôt généreusement une imagerie (IRM) en cas de doute. Enfin, il ne faut pas oublier que la migraine peut se manifester de manière très différente (avec de grandes variations dans la durée et la dynamique des céphalées et des phénomènes d’aura ainsi que dans l’intensité des troubles), de sorte que la migraine elle-même est discutée comme mimic et caméléon de maladies neurologiques (2,3).

L’ évaluation est particulièrement difficile chez les patients qui ne remplissent pas les critères de la migraine et qui se présentent avec le premier épisode de symptômes sensoriels ou aphasiques transitoires. La migraine hémiplégique est très rare : les premiers épisodes surviennent généralement avant l’ âge de 20 ans et ont tendance à être moins fréquents avec l’ âge, mais à durer plus longtemps (4).

Crise d’épilepsie

Les crises d’ épilepsie sont également une cause très fréquente de stroke mimics. Un déficit moteur post-ictal peut faire suite à une crise focale de courte durée non diagnostiquée. Le développement d’une faiblesse focale après une crise a été décrit par Robert Bentley Todd en 1849 et est probablement dû à une suractivité suivie d’un épuisement du cortex moteur primaire. Le diagnostic peut être difficile lorsqu’une crise constitue la première manifestation d’un accident vasculaire cérébral ou lorsque la cause de la crise d’épilepsie est un accident vasculaire cérébral touchant la circulation antérieure, dans le sens d’ une épilepsie d’origine structurelle. L’ IRM avec les séquences DWI et ADC (coefficient de diffusion apparent) sont essentielles pour distinguer les anciens et les nouveaux AVC ischémiques (5). En fonction des zones cérébrales touchées, d’ autres déficits peuvent apparaître, comme des troubles du langage, des symptômes sensitifs ou des pertes du champ visuel.

Troubles fonctionnels

Les troubles fonctionnels se manifestent souvent par une faiblesse aiguë ou des troubles sensitifs difficiles à localiser sur le plan neuro-anatomique. Il existe souvent un facteur déclenchant, comme une situation de panique ou de stress aiguë. Lors du diagnostic de troubles fonctionnels, les résultats positifs de l’ état neurologique, l’ incohérence (p. ex. la jambe ne peut pas bouger pendant l’examen, mais le patient peut aller normalement aux toilettes) et les incongruités (p. ex. hémiparésie avec préservation complète du visage) ainsi que l’ indifférence par rapport au degré de gravité de l’atteinte peuvent être utiles pour le diagnostic. Le signe de Hoover et la déviation sans pronation en cas de paralysie du bras sont d’autres exemples qui parlent en faveur d’une faiblesse fonctionnelle.

Autres causes

Une hypoglycémie se présente normalement avec des symptômes autonomes, mais elle peut aussi se présenter seule avec des symptômes neurologiques focaux. C’est pourquoi il est toujours recommandé de déterminer la glycémie en cas de défaillance aiguë, en particulier chez les patients à risque (p. ex. traitement à l’insuline ou aux sulfonylurées). Une septicémie ou des déséquilibres électrolytiques tels que des hyponatrémies peuvent également simuler un stroke mimic, notamment chez les patients multimorbides âgés. Mais la septicémie peut également favoriser une attaque cérébrale par le biais d’une hypercoagulabilité.

En cas de vertige aigu, le test HINTS (Head impulse, Nystagmus, Test du Skew – test de l’inclinaison) (6, 7) peut être utile pour différencier un vertige central d’un vertige périphérique. Un test d’impulsion de la tête négatif avec un nystagmus changeant de direction et une skew déviation a une sensibilité et une spécificité très élevées pour un AVC. Il ne faut pas oublier non plus que des maladies chroniques peuvent parfois débuter de manière aiguë (p. ex. crise myasthénique aiguë, sclérose en plaques avec présentation apoplectiforme, hémorragie de tumeurs ou abcès épiduraux).

Stroke mimics et thrombolyse

La prévalence des stroke mimics est élevée (jusqu’à 25%) dans les centres qui disposent d’un scanner en situation aiguë (5). Cela signifie que même les patients sans attaque cérébrale peuvent être traités par thrombolyse intraveineuse. Un symptôme important chez ces patients est par exemple une aphasie sévère sans hémiparésie (3). Heureusement, le taux de complications est extrêmement faible chez ces patients (hémorragie cérébrale 0,5%, œdème oral/au niveau de la langue 0,3%) (8). Dans les centres disposant d’ une IRM pour les diagnostics aigus, le taux de faux positifs peut être réduit. Le taux de diagnostics erronés peut être nettement réduit.

Stroke caméléons

Une attaque cérébrale peut être confondue à tort avec une lésion périphérique des nerfs, un délire ou une syncope. Le risque d’erreur de diagnostic est justement plus élevé chez les jeunes patients et ceux qui présentent des symptômes légers ou un coma. Les AVC touchant la circulation postérieure sont plus souvent ignorés, notamment lorsque ces patients se présentent avec des symptômes plutôt atypiques, comme une confusion sans signes de latéralisation (9, 10).

Diminution de la vigilance

Le syndrome « top of the basilar » est causé par une occlusion de la partie distale de l’ artère basilaire ; les patients peuvent se présenter avec une perte de conscience et une tétraplégie (11). Les modifications pupillaires et les signes oculomoteurs fournissent des indices, mais un scanner ou une angiographie par résonance magnétique sont généralement nécessaires pour confirmer le diagnostic (11). Des troubles de la conscience peuvent également survenir en cas d’ infarctus thalamique bilatéral, généralement en association avec une paralysie du regard vertical (12). Les situations insidieuses sont celles où le patient est victime d’ un AVC peropératoire touchant la circulation postérieure et présente des troubles de la conscience persistants post-opératoires, attribués à l’ anesthésie (fig. 1).

Confusion aiguë

Les AVC peuvent s’accompagner de confusion, d’ excitation ou d’ agitation et être pris à tort pour un délire. Les infarctus du lobe pariétal ou ceux au niveau du territoire de l’artère choroïdienne antérieure sont typiques et peuvent provoquer une confusion aiguë. Un indice clinique utile est l’ apparition soudaine de la confusion (phase très aiguë) chez un patient auparavant asymptomatique (fig. 2).

Troubles moteurs aigus

L’ hémichorée, l’ hémidystonie ou l’ hémiballisme se produisent en cas de lésions touchant les ganglions de la base. Des mouvements toniques rythmiques peuvent parfois indiquer une ischémie du tronc cérébral.

Ces mouvements peuvent être des secousses rythmiques en forme de crise, parfois accompagnées de contractions musculaires toniques prolongées. Les AIT (accidents ischémiques transitoires) de type limb shaking se manifestent par des mouvements rythmiques, involontaires et saccadés des membres dus à une sténose sévère de l’ artère carotide interne. Ces AIT hémodynamiques peuvent être déclenchées par une diminution du débit sanguin cérébral, par exemple lors d’un changement de position ou d’un effort physique, et peuvent être confondues avec des crises d’épilepsie focales. Le syndrome de la main étrangère est défini comme un mouvement involontaire et incontrôlable, mais apparemment ciblé, d’un membre supérieur. En cas d’ infarctus dans la région du corps calleux, différents comportements moteurs anormaux et involontaires peuvent se produire (12) (fig. 3).

Monoparésie pseudo-périphérique

Moins de 5% de tous les AVC se manifestent par une monoparésie isolée (touchant généralement le bras), qui peut être diagnostiquée à tort comme une paralysie nerveuse périphérique (12). La plupart de ces AVC sont dus à des lésions sous-corticales, mais 30% sont causés par des lésions corticales. Cependant, une parésie isolée de la main est généralement d’ origine corticale (hand knob infarction) et peut typiquement simuler une lésion des nerfs périphériques (13, 14).

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 04_2023

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Luiz Alexandre Dalla Vecchia

Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne

Pr Dr Marcel Arnold

Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne

Pr Dr Hakan Sarikaya

Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’ intérêt en relation avec cet article.

Le diagnostic clinique d’un AVC peut s’avérer difficile dans la phaseaiguë sans imagerie. La connaissance des stroke mimics et des caméléons est utile pour un diagnostic précis, d’une part pour éviter des investigations et des traitements inutiles (dans le cas des stroke mimics), de l’autre part pour le dépistage et le traitement des présentations atypiques d’AVC (dans le cas des stroke caméléons).

1. Tentschert, S., Wimmer, R., Greisenegger, S., Lang, W., & Lalouschek, W. (2005).
Headache at stroke onset in 2196 patients with ischemic stroke or transient ischemic attack. Stroke; a Journal of Cerebral Circulation, 36(2). https://doi.org/10.1161/01.str.0000151360.03567.2b
2. Fernandes, P. M., Whiteley, W. N., Hart, S. R., & Al-Shahi Salman, R. (2013, February). Strokes: Mimics and chameleons. Practical Neurology. https://doi.org/10.1136/practneurol-2012-000465
3. Sarikaya, H., Yilmaz, M., Luft, A. R., & Gantenbein, A. R. (2012). Different
pattern of clinical deficits in stroke mimics treated with intravenous thrombolysis. European Neurology, 68(6), 344–349. https://doi.org/10.1159/000337677
4. Thomsen, L. L., Eriksen, M. K., Roemer, S. F., Andersen, I., Olesen, J., & Russell, M. B. (2002). A population-based study of familial hemiplegic migraine suggests revised diagnostic criteria. Brain, 125(6), 1379–1391. https://doi.org/10.1093/brain/awf132
5. Moulin, S., & Leys, D. (2019, February 1). Stroke mimics and chameleons. Current Opinion in Neurology. Lippincott Williams and Wilkins. https://doi.org/10.1097/WCO.0000000000000620
6. Kattah, J. C. (2018). Use of HINTS in the acute vestibular syndrome. An Overview. Stroke and Vascular Neurology, 3(4), 190–196. https://doi.org/10.1136/svn-2018-000160
7. Kattah, J. C., Talkad, A. V., Wang, D. Z., Hsieh, Y. H., & Newman-Toker, D. E. (2009). HINTS to diagnose stroke in the acute vestibular syndrome: Three-step bedside oculomotor examination more sensitive than early MRI diffusion-weighted imaging. Stroke, 40(11), 3504–3510. https://doi.org/10.1161/STROKEAHA.109.551234
8. Erbguth, F. (2017). Stroke Mimics und Stroke Chamäleons-Differenzialdiagnose des Schlaganfalls. Stroke Mimics Und … Fortschr Neurol Psychiatr, 85, 747–764.
9. Arch, A. E., Weisman, D. C., Coca, S., Nystrom, K. V., Wira, C. R., & Schindler,
J. L. (2016). Missed Ischemic Stroke Diagnosis in the Emergency Department by Emergency Medicine and Neurology Services. Stroke, 47(3), 668–673. https://doi.org/10.1161/STROKEAHA.115.010613
10. Richoz, B., Hugli, O., Dami, F., Carron, P. N., Faouzi, M., & Michel, P. (2015). Acute stroke chameleons in a university hospital: Risk factors, circumstances, and outcomes. Neurology, 85(6), 505–511.
11. Luengo-Fernandez, R., Paul, N. L. M., Gray, A. M., Pendlebury, S. T., Bull, L. M., Welch, S. J. V., … Rothwell, P. M. (2013). Population-Based Study of Disability and Institutionalization After Transient Ischemic Attack and Stroke. Stroke, 44(10), 2854–2861. https://doi.org/10.1161/strokeaha.113.001584
12. Tucha, O., Naumann, M., Berg, D., Alders, G. L., & Lange, K. W. (2001). Bilateral thalamic infarction: Clinical, etiological and mri correlates. Acta Neurologica Scandinavica, 103(1), 35–42. https://doi.org/10.1034/j.1600-0404.2001.00141.x
13. Edlow, J. A., & Selim, M. H. (2011, June). Atypical presentations of acute cerebrovascular syndromes. The Lancet Neurology. https://doi.org/10.1016/S1474-4422(11)70069-2
14. Peters, N., Müller-Schunk, S., Freilinger, T., Düring, M., Pfefferkorn, T., & Dichgans, M. (2009). Ischemic stroke of the cortical “hand knob” area: Stroke mechanisms and prognosis. Journal of Neurology, 256(7), 1146–1151. https://doi.org/10.1007/s00415-009-5104-8

Dysfonctions thyroïdiennes chez la personne âgée : l’hypothyroïdie

La prévalence de l’  hypothyroïdie augmente avec l’  âge. Chez la personne âgée, la présentation clinique peut être trompeuse en raison de manifestations non spécifiques, de comorbidités, ainsi que d’  effets indésirables et interactions de certains médicaments. L’  hypothyroïdie manifeste nécessite un traitement par lévothyroxine, notamment en raison de son impact sur les systèmes cardiovasculaire et neurologique, et sur le métabolisme intermédiaire et osseux. Il existe toutefois une controverse persistante si le traitement de l’  hypothyroïdie subclinique est bénéfique.

The prevalence of hypothyroidism increases with age. In older adults, the clinical presentation can be deceptive because of nonspecific manifestations, comorbidities, as well as adverse effects and interactions of certain medications. Overt hypothyroidism requires therapy with levothyroxine, in particular because of the impact on the cardiovascular and neurological systems, and intermediary and bone metabolism. There is ongoing controversy whether the treatment of subclinical hypothyroidism is beneficial.
Key Words: hypothyroidism, older, amiodarone, levothyroxine

Les dysfonctions thyroïdiennes sont fréquentes avec une augmentation de la prévalence de l’ hypothyroïdie chez les individus de >65 ans (1,2). La prévalence de l’ hypothyroïdie en Europe, tout âge confondu, est d’ environ 3 %, avec une proportion plus élevée chez les femmes et une majorité d’ atteinte subclinique (3). Les patients avec une hypothyroïdie subclinique sont à risque de développer une hypothyroïdie manifeste avec une progression annuelle moyenne de 2 à 4 %. Ce risque est accru pour certains patients : les femmes, les patients avec anticorps anti-thyroperoxydase (TPO) positifs, et plus le taux de TSH est élevé (1).

En raison du vieillissement de la population, il est essentiel de connaître les changements physiologiques de la glande thyroïde, les étiologies principales, ainsi que la prise en charge chez la personne âgée.

Physiologie de la thyroïde

Les hormones thyroïdiennes sont essentielles pour le développement, la croissance ainsi que le métabolisme basal. Durant le vieillissement, des changements anatomiques et hormonaux sont subis par la thyroïde. Sur le plan anatomique, on constate une atrophie de la glande, une diminution de la taille des follicules et du contenu en colloïde, ainsi qu’ une augmentation de la fibrose (4). Une augmentation en taille de la glande est également possible, en raison de l’ incidence plus élevée de maladie thyroïdienne nodulaire chez la personne âgée (5). Sur le plan hormonal, la TSH augmente avec l’ âge (6,7). Le taux de T4 libre (T4l) tend à rester dans la norme. Le taux de T3 libre (T3l) quant à lui présente un déclin avec le vieillissement (8).

Diagnostic et dépistage chez la personne âgée

Le diagnostic repose sur le dosage des paramètres thyroïdiens dans le sérum. L’ hypothyroïdie primaire se traduit par une augmentation de la TSH avec une T4l abaissée (hypothyroïdie manifeste) ou dans la norme (hypothyroïdie subclinique). L’ hypothyroïdie subclinique peut être classifiée en deux catégories : modérée avec TSH entre 4 et 10 mU/l et sévère avec TSH >10 mU/l. Le dosage des anticorps anti-TPO et anti-thyroglobuline permet d’ identifier les patients atteints de thyroïdite auto-immune. Les recommandations de dépistage de dysfonction thyroïdienne chez la personne âgée de la Société Française d’ Endocrinologie (9) sont résumées dans le Tableau 1.

Étiologies

Les étiologies principales sont résumées dans le Tableau 2. La thyroïdite auto-immune (thyroïdite de Hashimoto) est la cause la plus fréquente d’ hypothyroïdie primaire (10,11). Les causes transitoires d’ hypothyroïdie sont essentielles à identifier afin de ne pas surtraiter les patients. Il est important de savoir que les inhibiteurs de tyrosine kinases ainsi que les checkpoint inhibitors (inhibiteurs de points de contrôle immunitaire) peuvent entraîner un dysfonctionnement thyroïdien, généralement avec une thyrotoxicose initiale due à une thyroïdite destructrice, suivie d’ une hypothyroïdie.

Dysfonctionnements thyroïdiens secondaire à un traitement par amiodarone

L’ amiodarone est un anti-arythmique de classe III utilisé pour le traitement d’ arythmies cardiaques, dont la fibrillation auriculaire (12,13,14). L’ amiodarone contient deux atomes d’ iode par molécule et 200 mg d’ amiodarone contiennent 75 mg d’ iode total. Le métabolisme hépatique libère environ 6 mg de ces 75 mg dans la circulation (près de 40 fois plus que les besoins quotidiens de 150 µg). Dans des conditions d’ apport nutritionnel adéquat en iode, jusqu’ à 20 % des patients traités par l’ amiodarone peuvent développer une hypothyroïdie et environ 3 % une hyperthyroïdie (15).
L’ amiodarone cause des altérations du bilan thyroïdien, avec augmentation modérée de la T4l, diminution de la T3l, et légère élévation de la TSH au début de la thérapie qui revient généralement aux valeurs de base. Ces changements sont causés, au moins en partie, par une inhibition de l’ activité des déiodinases de type I et II qui catalysent la conversion de T4l en T3l dans les tissus périphériques et au niveau hypophysaire. De plus, en raison de l’ apport excessif en iode par l’ amiodarone, un phénomène de protection, nommé effet Wolff-Chaikoff, se met en place avec pour but de réduire transitoirement la synthèse d’ hormones thyroïdiennes par inhibition de l’ organification de l’ iode intra-thyroïdien. L’ hypothyroïdie sur amiodarone est la conséquence d’ un défaut d’ adaptation à ce mécanisme d’ autorégulation, ce qui va amener à une suppression persistante de la synthèse hormonale. Ce risque est augmenté si une atteinte auto-immune est présente. Le profil thyroïdien est alors typiquement le suivant : TSH ↑, T4l ↓, T3l ↓. Le développement d’ une hypothyroïdie n’ est pas une contre-indication à la poursuite du traitement par amiodarone et une substitution par lévothyroxine doit être introduite (12,13,14,15). La Figure 1 propose un algorithme pour le monitoring des patients sous amiodarone. La thyrotoxciose associée à une thérapie avec amiodarone n’est pas discutée dans cet article.

Syndrome de T3 basse / Non-Thyroidal Illness Syndrome (NTIS)

Les personnes âgées ont fréquemment des comorbidités, avec un risque de NTIS (16), également appelé syndrome de T3 basse ou euthyroid sick syndrome, fréquemment retrouvé dans le cadre de maladie aiguë sévère. Il se caractérise par les modifications biologiques suivantes : T3 totale ↓, T3l ↓, reverse T3 ↑, TSH → ou anormalement ↓, T4 totale → à ↓, T4l → à ↓, selon la durée de la pathologie. Une diminution à la fois de T4 et de T3 est un marqueur prédictif d’ un risque accru de mortalité (17). Ces changements ne sont pas en lien avec une maladie thyroïdienne primaire mais en relation avec la maladie sous-jacente et l’ état nutritionnel. Il s’ agit d’ une réponse adaptative/protectrice dont la physiopathologie reste mal élucidée (18). Les valeurs biologiques lors d’ un dépistage sont donc à interpréter en tenant compte des comorbidités et de l’ état nutritionnel.

Manifestations cliniques

Les manifestations cliniques d’ hypothyroïdie chez la personne âgée sont souvent non spécifiques, voire absentes, ce qui peut retarder le diagnostic. Les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont une asthénie et une faiblesse. De plus, ces patients peuvent souffrir de constipation, d’ inappétence et d’ intolérance au froid. Les manifestations cliniques classiques comprennent la bradycardie, l’ hypertension diastolique, un retard de la phase de relaxation des réflexes périphériques, des œdèmes, une peau sèche et rêche, et une perte de cheveux accrue.

Impact de l’ hypothyroïdie chez la personne âgée

Système cardio-vasculaire

L’ hypothyroïdie manifeste a un impact sur le système cardio-vasculaire avec diminution de l’ output cardiaque, augmentation de la résistance vasculaire et risque de dyslipidémie avec développement d’ athérosclérose. Il y a également un risque accru d’ insuffisance cardiaque (19) et de mortalité cardio-vasculaire (20). L’ implication de l’ hypothyroïdie subclinique dans le développement d’ une insuffisance cardiaque est incertaine. The Cardiovascular Health Study, une étude prospective incluant 4200 patients euthyroïdiens et 680 patients avec hypothyroïdie subclinique, âgés de > 65 ans, n’ a pas montré d’ association entre l’ hypothyroïdie subclinique et l’ insuffisance cardiaque durant un suivi de 10 ans, quel que soit le taux de TSH (21). Cependant, d’ autres études retrouvent une augmentation du risque d’ insuffisance cardiaque, âge-dépendante, avec une TSH >10 mU/l (22).

Système neuropsychiatrique

L’ hypothyroïdie manifeste impacte l’ humeur (ralentissement de la pensée, diminution de l’ attention, apathie, dépression), ainsi que la cognition (mémoire, langage, fonction psychomotrice, fonction exécutive) (23). Le rôle de l’ hypothyroïdie subclinique est moins clair et les données ne sont pas concluantes.

Système musculo-squelettique

Plusieurs études ont démontré une incidence plus élevée de fractures dans le cadre d’ hypothyroïdie manifeste (24, 25). Cependant, d’ autres études (HUNT2) n’ ont pas confirmé ces observations (26). L’ hypothyroïdie peut être associée à une capsulite rétractile, un syndrome du tunnel carpien, une contracture de Dupuytren ou une fibromyalgie (27), ainsi que des symptômes neuromusculaires tel que myalgies, crampes et faiblesse (28).

Thérapie

L’ indication à l’ initiation d’ un traitement pour une hypothyroïdie manifeste est acceptée à l’ unanimité en raison de son impact sur les systèmes cardiovasculaire, neurologique et osseux. Les recommandations de l’ American Thyroid Association (29) sont résumées dans le Tableau 3. La cible de TSH se situe dans la limite supérieure de la norme chez la personne âgée.

En revanche, l’ introduction d’ un traitement substitutif dans le cadre d’ une hypothyroïdie subclinique reste débattue (30). En premier lieu, il est important de s’ assurer que l’ hypothyroïdie subclinique est persistante et non transitoire (31).

L’ étude TRUST, une étude randomisée contrôlée en double aveugle, de 737 adultes de >65 ans avec une hypothyroïdie subclinique persistante, n’ a pas montré d’ effet bénéfique de l’ introduction d’ une substitution en termes de symptômes d’ hypothyroïdie, force de préhension, tension artérielle, et indice de masse corporelle, entre autres (32). De plus, la Leiden 85+ Study a démontré que les individus de >85 ans, avec une TSH élevée, n’ avaient pas d’ augmentation de symptômes dépressifs, de troubles cognitifs ou d’ incapacité dans la vie quotidienne (33). Remarquablement, des taux élevés de TSH étaient associés à une diminution de la mortalité. En outre, l’ augmentation de la TSH a été suggéré comme un marqueur de longévité dans certaines populations (34). L’ utilité de l’ introduction d’ une substitution chez les patients très âgés (>80-85 ans) reste à déterminer. Une approche pour la prise en charge de l’ hypothyroïdie subclinique, en se basant sur les recommandations des sociétés européennes et américaines, est résumée dans la Figure 2.

Conclusion

La prise en charge des dysfonctions thyroïdiennes chez la personne âgée doit tenir compte de nombreux facteurs tels que la fragilité de la population, les comorbidités, les interactions médicamenteuses ou encore les changements physiologiques de la thyroïde durant le vieillissement. Une modification des valeurs biologiques est fréquemment rencontrée chez la personne âgée et n’ est pas toujours considérée comme pathologique mais peut être propre au vieillissement.

L’ initiation d’ un traitement substitutif dans le cadre d’ une hypothyroïdie manifeste est indiquée en raison de son impact sur de multiples organes. Cependant, le défi se trouve dans les situations d’ hypothyroïdie subclinique, pour lesquelles la nécessité de traitement chez la personne âgée reste débattue et doit être personnalisé en fonction de plusieurs facteurs, tels que le taux de TSH, l’ âge du patient et les comorbidités.

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Dre Elisa Gijs

Service d’ endocrinologie, diabétologie et métabolisme
CHUV | Centre hospitalier universitaire vaudois
Université de Lausanne, Hôtel des patients
Avenue de la Sallaz 08
1011 Lausanne

elisa.gijs@chuv.ch

Pr Peter Kopp

Service d’ endocrinologie, diabétologie et métabolisme
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Université de Lausanne, Hôtel des patients
Avenue de la Sallaz 08
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peter.kopp@chuv.ch

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflits d’  intérêts en rapport avec cet article.