Suicide des personnes âgées, exploration et accompagnement

Le risque est grand de minimiser le potentiel suicidaire des patients âgés en adhérant à une vision du monde selon laquelle, à partir d’ un certain âge, la vie ne vaudrait plus la peine d’être vécue. Vision souvent véhiculée par les patients eux-mêmes. Il s’ agit donc de questionner les idées de mort, tout en gardant à l’ esprit les indicateurs d’ un risque suicidaire et les circonstances augmentant ce risque.

There is a great risk of minimising the suicidal potential of elderly patients by adhering to a world view that, after a certain age, life is no longer worth living. Indeed this view is often conveyed by the patients themselves. It is therefore necessary to question the thoughts of death, while keeping in mind the indications of a suicidal risk and the circumstances that increase this risk.
Key Words: suicidal risk/potential, elderly patients

Spécificité du suicide chez la personne âgée

En Suisse, selon les données statistiques de l’ OFS publiées dans le bulletin de l’ observatoire suisse de la santé, le taux de suicides aboutis est nettement plus élevé chez les personnes âgées que dans les autres tranches d’ âge (1) bien qu’ il n’ y ait pas de différences significatives en ce qui concerne le taux de tentatives de suicides. Cette différence est encore plus marquée chez les hommes que chez les femmes (2). Ces statistiques ne tiennent pas compte des situations dites de suicide passif où la personne âgée se laisse mourir (3) ni des suicides assistés. Le fort taux de mortalité lié au suicide dans la population âgée s’ explique par une plus grande fragilité somatique ainsi qu’ une forte intentionnalité qui conduit à des tentatives de suicide planifiées et potentiellement plus dangereuses (4, 5).

Le suicide peut se comprendre commme une tentative de trouver une solution, un moyen de quitter une situation face à laquelle on ne voit pas d’ issue. Certains auteurs (6, 7) le décrivent comme un mode automatique dans lequel l’ individu en proie aux idées suicidaires se coupe de la réalité qui l’ environne, perdant de vue les alternatives au geste suicidaire. Il s’ agit bien d’ un état psychique altéré qui se distingue d’ un processus d’ intégration d’ une étape de vie.

Parler de la mort, évoquer la finitude de la vie fait partie des questionnements liés au vieillissement et se retrouve dans la clinique du patient âgé. Dès lors, il peut être compliqué pour les professionnels de distinguer ce qui relève d’ une normalité (penser la mort et s’ interroger sur la fin de vie) de ce qui relève de l’ expression d’ un mal-être (vouloir en finir avec la vie) et doit être pris en charge spécifiquement.

Exploration du processus suicidaire

L’ exploration du processus est un travail complexe et qui nécessite de prendre du temps. Bien qu’ on puisse craindre, selon une idée reçue, qu’ évaluer les idées suicidaires incite à un passage à l’ acte, les recherches montrent que ce n’ est pas le cas (8). Selon le formulaire UDR proposé par le Groupe Romand de Prévention du Suicide, il s’ agit d’ explorer et tenir compte de trois dimensions (9) : l’ urgence, le danger et les risques.

Urgence et danger

Lorsque qu’ un ou plusieurs signes laissent entrevoir un risque suicidaire, il est important de discuter avec le patient pour construire une compréhension commune de ce qui fait crise à ce moment-là pour lui (10). Cela permet de rencontrer la personne et d’ évaluer l’ urgence d’ une intervention, en partant de la situation présente puis en remontant dans le temps pour aller explorer les idées suicidaires récentes (deux derniers mois), puis plus anciennes. L’ évaluation du danger nécessite de questionner si un plan suicidaire a été élaboré, des moyens imaginés et l’ accessibilité des moyens. Dans la mesure du possible, les moyens à disposition seront éloignés (restitution des armes à feu, limitation des médicaments au domicile, autres).

Signaux d’ alerte

Le suicide est fortement corrélé à la présence d’ une maladie psychiatrique, en particulier la dépression (11). Ici aussi, il s’ agit de ne pas banaliser des symptômes dépressifs que l’ on considérerait à tort comme normaux à un certain âge et de les évaluer en détails. Certains changements de comportement peuvent être le signe d’ une dépression ou indiquer un processus suicidaire débutant. Il est notamment question des attitudes s’ apparentant à un désinvestissement des activités (arrêt d’ activités jusque-là source de plaisir) et un évitement de l’ autre (repli social) (3). L’ évocation de démarches pour un suicide assisté (!) doit également inciter à évaluer la présence d’ une dépression sous-jacente (11).

Les symptômes de dépression s’ expriment souvent sous forme de plaintes somatiques chez les patients de cet âge. Dès lors, les plaintes somatiques récurrentes (maux de dos, crampes d’ estomac, problèmes de transit) ou sans causes objectivées ainsi que les douleurs résistant aux traitements médicamenteux doivent alerter en tant qu’ indice de dépression sous-jacente. Relevons également que la dépression à l’ âge avancé peut prendre, en particulier chez les hommes, la forme d’ une irritabilité et d’ une tolérance amoindrie (11).

Il peut être utile d’ utiliser une échelle de la dépression (12, 13) pour investiguer la symptomatologie dépressive du patient et, éventuellement, suivre son évolution. Au-delà de chiffrer le niveau de dépression, ces échelles peuvent être l’ occasion d’ ouvrir la discussion sur ces points et encourager le patient à exprimer un mal-être. Même en l’ absence d’ un risque suicidaire, la présence d’ une dépression nécessite une prise en charge adaptée.

Différents indices sont à retenir comme signaux d’ alerte (5) nécessitant l’ exploration du processus suicidaire :
– Expression verbale d’ un désespoir (sentiment d’ être un fardeau, souhait de mourir)
– Comportements ayant une valence autodestructrice (arrêt des médicaments, refus de l’ alimentation)
– Changement comportemental (régler ses affaires, préparer son enterrement, ruptures relationnelles)
– Survenue d’ un événement ayant valeur de facteur précipitant

Facteurs de risque

Facteurs précipitants
En lien avec les risques épidémiologiques développés ci-dessous, plusieurs circonstances peuvent être des déclencheurs d’ un passage à l’ acte, parce qu’ elles confrontent directement aux pertes vécues par l’ adulte âgé : décès d’ un proche, annonce d’ un diagnostic de démence, retrait du permis de conduire, placement. Il s’ agit également de tenir compte de la situation des proches aidants au moment du placement du proche aidé, tout particulièrement pour les conjoints (14). En effet, alors que le placement est un soulagement du point de vue de la charge de travail auprès de son proche, il peut être vécu comme un échec (ne pas avoir pu prendre soin de l’ autre jusqu’ au bout à domicile), une perte de rôle, voire une perte du sens de la vie. D’ autres circonstances moins facilement identifiables sont également des facteurs précipitants, tels que des conflits avec les enfants, l’ absence de personnes ressources (ami hospitalisé, concierge absent etc.) car ils diminuent l’ étayage de la personne âgée et la renvoient à un sentiment de dépendance ou d’ isolement.

Risques épidémiologiques
L’ âge avancé représente un risque épidémiologique en soi, cette période de vie étant marquée par de nombreuses pertes aussi bien internes (perte de ses propres compétences) qu’ externes (perte de l’ étayage social). De plus, certaines pertes peuvent en précipiter d’ autres (perte des facultés cognitives qui induit la perte de l’ autonomie qui induit le placement en EMS).

Le fait d’ avoir vécu des traumas dans le parcours de vie (maltraitance, abus, guerre) rend plus susceptible un passage à l’ acte à l’ âge avancé, la capacité à refouler ces événements diminuant avec l’ âge (15). Les personnes ayant fait un passage à l’ acte sont particulièrement à risque d’ une nouvelle tentative de suicide dans les deux ans qui suivent (16). Chaque tentative de suicide augmente le risque d’ une nouvelle tentative de suicide ainsi que sa dangerosité, de même que les scénarios suicidaires passés. Il s’ agit donc d’ être attentifs aux patients ayant une histoire de passage à l’ acte en gardant à l’ esprit que certaines tentatives de suicides ont l’ apparence d’ un accident (prise excessive d’ un médicament, mauvaise chute) et peuvent être difficiles à cerner.

Attitudes

L’ hospitalisation en milieu psychiatrique est souvent recommandée en cas de projet suicidaire défini pour des patients présentant une dépression sévère. Lorsque le processus suicidaire n’ est pas trop engagé, une prise en charge ambulatoire peut être proposée à condition q s ayant fait une tentative de suicide, le risque de récidive est élevé et doit être pris en compte pour la mise en place de mesures adaptées. Ce contexte de crise peut être une opportunité de proposer un accompagnement thérapeutique jusque-là refusé. Par ailleurs, plusieurs centres psychiatriques en Suisse proposent une intervention psychothérapeutique brève (Attempted Suicide Short Intervention Program (17) dont l’ objectif est très précisément la prévention d’ une récidive et qui est proposée en complément à la prise en charge des patients ayant fait un premier passage à l’ acte.
Enfin, la prise en charge psychiatrique du patient suicidaire âgé tiendra compte des facteurs déclencheurs de manière à réduire le risque (5). Elle sera assortie d’ un accompagnement psychosocial ou d’ autres mesures utiles comme la fréquentation d’ un centre d’ accueil de jour pour réduire le sentiment d’ isolement et de solitude.

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Psychologue Romaine Dukes

Psychologue associée
Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé au SUPAA
Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Romaine.Dukes@chuv.ch

Dre Anne-Laure Serra

Médecin associée
Service Universitaire de Psychiatrie de l’ Age Avancé
Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’ intérêt en relation avec cet article.

◆ Parler de la mort fait partie de la clinique de la personne âgée.
◆ La dépression et les intentions suicidaires des personnes âgées ne doivent pas être minimisées.
◆ Il est important d’intégrer les aspects médicaux et les aspects sociaux dans la prise en charges des patients âgés suicidaires.

1. Peter C. et Tuch, A. Pensées suicidaires et tentatives de suicide dans la population suisse. Obsan Bulletin 7/2019, 2019.
2. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/etat-sante/mortalite-causes-deces/specifiques.html
3. Charazac-Brunel M. Le suicide des personnes âgées. Erès, 2014
4. Conwell Y., Duberstein P. R., Cox C. et al. Age differences in behaviors leading to completed suicide. The American Journal of Geriatric Psychiatry, 1998, vol. 6, no 2, p. 122-126.
5. Lavigne-Pley C. Le suicide chez les personnes âgées. Canadian Journal of
Community Mental Health, 2009, vol. 6, no 1, p. 57-77.
6. Michaud L., Bonsack C., Dorogi Y. et al. Prévention du suicide : rencontrer,
évaluer, intervenir. Médecine et hygiène, 2017.
7. Rudd M. D. et Brown G. K. A cognitive theory of suicide: Building hope in
treatment and strengthening the therapeutic relationship, 2011.
8. Dorogi Y., Michaud, L. et Saillant, S. Comment parler du suicide et évaluer la situation? in Michaud L., Bonsack C., Dorogi Y. et al. Prévention du suicide:
rencontrer, évaluer, intervenir. Médecine et hygiène, 2017.
9. Dorogi Y., Saillant S. et Michaud L. Les enjeux de la rencontre avec la personne suicidaire – Apports du Groupe romand prévention suicide (GRPS), Rev Med Suisse, 2019/643 (Vol.5), p. 644–649.
10. Serra A.-L., Mendez M. et Ducraux, D. La personne âgée suicidaire in Michaud L., Bonsack C., Dorogi Y. et al. Prévention du suicide: rencontrer, évaluer, intervenir. Médecine et hygiène, 2017.
11. Minder J., Ajdacic-Gross V. et Hepp U. Suicide de la personne âgée. In: Forum Médical Suisse. EMH Media, 2018. p. 230-235.
12. Kok R. M. et Reynolds C. F. Management of depression in older adults: a review. Jama, 2017, vol. 317, no 20, p. 2114-2122.
13. Pocklington C, Gilbody S, Manea L, McMillan D. The diagnostic accuracy of brief versions of the Geriatric Depression Scale: a systematic review and meta-analysis. Int J Geriatr Psychiatry. 2016;31(8): 837-857.
14. Schulz R., Belle S. H., Czaja, S. J. et al. Long-term care placement of dementia
patients and caregiver health and well-being. Jama, 2004, vol. 292, no 8, p. 961-967.
15. Balard F. Convoquer le traumatisme pour expliquer le suicide des personnes âgées. Etudes sur la mort, 2021, no 1, p. 155-170.
16. Beautrais A. L. Further suicidal behavior among medically serious suicide attempters. Suicide and Life-Threatening Behavior, 2004, vol. 34, no 1, p. 1-11.
17. Keller R., Saillant S., Gysin-Maillart A., Michaud L. ASSIP : nouvelle modalité thérapeutique après un geste suicidaire, Rev Med Suisse, 2021/751 (Vol.7),
p. 1602–1605.

Nouveautés concernant le diagnostic et le traitement des céphalées en grappe

Bien que les céphalées en grappe soient les troisièmes céphalées primaires les plus fréquentes, elles sont presque négligées ou inconnues. Cela semble parfois incompréhensible, car ces céphalées présentent un phénotype extrêmement pathognomonique ainsi que des formes particulières. Le nom vient en effet du fait que les crises de maux de tête, plutôt brèves, surviennent généralement de façon brutale « en amas » – en anglais « cluster » -, souvent suivant un schéma saisonnier. Avec une prévalence de 1 pour 1000, la Suisse compte pratiquement autant d’habitants touchés par ces céphalées que par la sclérose en plaques.

Even though cluster headaches are the third most common primary headache, they are a bit neglected or unknown. This seems sometimes incomprehensible, since these headaches have an extremely pathognomonic phenotype as well as specific patterns. Indeed, the name comes from the fact that the rather short-lasting headache attacks usually occur in clusters, not infrequently with a seasonal pattern. With a prevalence of 1 per 1000, virtually the same number of residents in Switzerland are affected as by multiple sclerosis.
Key Words: cluster headache, primary headache, headache diagnosis & treatment

La douleur provoquée par les céphalées en grappe est considérée comme l’ une des plus intenses qui soient et suscite même des idées suicidaires chez certains patients, raison pour laquelle on parle également de « suicidal headache » dans les pays anglophones. La nette surreprésentation chez les hommes, de 4 à 8 versus un cas chez les femmes, a été quelque peu corrigée à la baisse par des études épidémiologiques menées ces dernières années. Le fait que près de 90% des patients fument ou ont fumé reste cependant un phénomène non expliqué jusqu’ à présent.

La cause n’ est pas entièrement élucidée ; un dysfonctionnement de l’ hypothalamus, du ganglion parasympathique sphénopalatin ou du système trigéminovasculaire joue certainement un rôle. Comme pour la migraine, le neurotransmetteur PRGC (peptide relié au gène calcitonine, en anglais : CGRP, Calcitonin Gene-Related Peptide) semble jouer un rôle important dans l’ apparition de la douleur.

Diagnostic

Le diagnostic des céphalées en grappe repose, comme pour toutes les céphalées (primaires), sur une anamnèse approfondie, un examen physique neurologique et, le cas échéant, sur d’ autres diagnostics d’ exclusion. En particulier lors de la première apparition, en cas de présentation atypique ou, de manière générale, en présence de symptômes d’ alerte (“red flags”, (1)), une imagerie est certainement justifiée. L’ imagerie par résonance magnétique s’ impose en premier lieu.

L’ aspect (phénotype) est extrêmement typique et se distingue nettement des céphalées de tension et de la migraine (tableau 1). Les douleurs sont strictement unilatérales, généralement localisées autour de l’ œil et durent en moyenne une à deux heures en l’ absence de traitement – ou en cas de traitement insuffisant. Les crises elles-mêmes peuvent survenir plusieurs fois par jour et les patients se réveillent très souvent la nuit à cause de la douleur. Pendant la crise, des symptômes trigémino-autonomiques ipsilatéraux apparaissent : œil rouge et larmoyant (lacrymation, injection conjonctivale), gonflement des paupières, congestion nasale ou rhinorrhée. Contrairement aux migraineux qui, en raison de leur hypersensibilité marquée aux stimulations sensorielles recherchent le plus souvent le calme et l’ obscurité, les patients atteints de cluster font état d’ agitation ou de troubles. Il est également possible qu’ il existe des formes mixtes, certainement des comorbidités ou des symptômes qui se chevauchent (2).
L’ International Headache Society (IHS, ICHD-3, en français : Société internationale des céphalées, SIC) a défini des critères de diagnostic spécifiques pour les céphalées en grappe (tab. 2). En outre, on distingue une forme épisodique et une forme chronique, selon si les phases de maux de tête (épisodes, « bouts ») durent seulement quelques semaines ou mois, ou plus de 9 mois sans interruption.

Une étude récente a développé un questionnaire de dépistage, appelé SMARTED-Scale, avec cinq questions clés : SMoking, Awakening, Restlessness, TEaring, Duration. Si les patients avaient fumé, étaient réveillés la nuit par les crises de douleur, rapportaient une agitation pendant les douleurs, un œil larmoyant et une durée de trois heures maximum, il en résultait une sensibilité de 98% et une spécificité de 65% (3).

Traitement

Le traitement des céphalées en grappe n’ est pas toujours facile et nécessite une approche individuelle. Il existe différentes options qui peuvent être essayées en fonction de la sévérité des symptômes, de la forme (épisodique ou chronique) et de la réponse du patient au traitement. Les différentes possibilités de traitement sont décrites ci-dessous et sont toujours actualisées dans les recommandations thérapeutiques de la Société suisse des céphalées (4).

Traitement aigu

Le traitement aigu a pour but de stopper ou d’ atténuer les douleurs le plus rapidement possible. Pour l’ oxygénothérapie à haute dose (7-15 l/min pendant 10-15 min), les céphalées en grappe ont été récemment intégrées comme indication dans la LiMA. Malheureusement, les Ligues pulmonaires cantonales ne prennent plus toutes en charge le conseil et les soins aux patients. SOS Oxygène offre une alternative possible dans toute la Suisse.

Sur le plan médicamenteux, les triptans à action rapide constituent le premier choix : sumatriptan* 10-20mg par voie nasale ou 6mg s.c. ou zolmitriptan 5mg par voie nasale. Les petites molécules antagonistes des récepteurs du peptide lié au gène de la calcitonine (CGRP), étant plus récentes, n’ ont pas encore été suffisamment étudiées. Les anesthésiques locaux sous forme de spray nasal ou de gouttes locales offrent une possibilité plus expérimentale. La stimulation transcutanée du nerf vague a fait l’ objet d’ études positives et a déjà été approuvée par la FDA aux États-Unis. Des appareils de stimulation correspondants sont également partiellement disponibles en Suisse.

Prévention

L’ infiltration locale du nerf grand occipital représente également une possibilité efficace et sûre (6). Le principal problème réside dans les effets secondaires à long terme des corticoïdes, qui ne permettent pas un traitement continu.

Différents médicaments sont recommandés comme prophylaxie médicamenteuse à long terme : Le vérapamil, le topiramate (100-200mg), la mélatonine (10mg) ou le lithium peuvent être utilisés. Ces médicaments ont des modes d’ action différents et peuvent être choisis individuellement en fonction de la gravité de la maladie et de la tolérance. Pour le vérapamil, des contrôles réguliers de l’ ECG sont recommandés et il n’ est pas rare que des doses assez élevées (>480mg/d) soient nécessaires. Le lithium doit être ajusté en fonction du taux sérique.

De grandes études ont été faites (pour la première fois) investiguant les nouveaux anticorps concernant le système CGRP en cas de céphalées en grappe épisodiques ainsi que chroniques. Une seule de ces études a révélé des résultats positifs, ce qui n’ a pas suffi jusqu’ à présent aux autorités européennes de réglementation des médicaments pour que ces derniers soient pris en charge par les caisses-maladie (7,8). Pour certains patients sélectionnés, ces médicaments peuvent tout à fait représenter une option de traitement. Une réponse peut généralement être observée rapidement, c’ est-à-dire après quelques semaines déjà, ce qui peut être utile pour une prise en charge des coûts selon l’ art. 71 OAMal.

Procédés neuromodulateurs

La stimulation vagale, déjà mentionnée, a également montré des effets préventifs dans les études. La stimulation cérébrale profonde (SCP) n’ est pratiquement plus utilisée en raison du taux de complications plus élevé. Pendant un certain temps, la stimulation invasive du ganglion sphénopalatin (GSP) a constitué une bonne option thérapeutique, mais cette thérapie n’ est plus disponible depuis la faillite de l’ entreprise. La stimulation du nerf occipital reste une option pour les céphalées en grappe chroniques réfractaires. Une étude néerlandaise publiée récemment a montré des effets positifs à long terme et une bonne acceptation par les patients, de sorte que l’ intervention a été intégrée dans l’ assurance maladie (9). Une certaine ambiguïté subsiste, car la stimulation « sham », qui devait servir de contrôle, a également montré un effet.

Autres formes de thérapie

Lorsque les thérapies standard ne sont pas efficaces, il est évident que les patients essaient de nombreuses autres thérapies en rapport avec cette maladie douloureuse grave. Il vaut certainement la peine de conseiller les patients à ce sujet, notamment pour prévenir d’ éventuels effets secondaires nocifs. Il n’ y a pas encore de preuves scientifiques pour les médecines alternatives et complémentaires. En revanche, on trouve des travaux prometteurs, mais encore expérimentaux, sur les substances hallucinogènes comme la psilocybine ou le LSD (10, 11). Il existe de premières indications selon lesquelles ces substances sont en mesure de soulager les céphalées en grappe en influençant le cerveau et en réduisant la sensibilité à la douleur. Il est toutefois important de souligner qu’ en raison de leur nature illégale et de leurs effets indésirables potentiels, l’ utilisation de substances hallucinogènes ne constitue pas encore une option thérapeutique établie et que des recherches supplémentaires sont nécessaires dans ce domaine.

*Indications pour les céphalées en grappe ne sont pas données dans la littérature professionnelle (réd.).

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2023

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Pr Andreas R. Gantenbein

Spécialiste en neurologie
Neurologie am Untertor
Erachfeldstrasse 2
8180 Bülach
www.neurologie-untertor.ch

andreas.gantenbein@zurzachcare.ch

Honoraires pour conseils et/ou exposés des entreprises suivantes : AbbVie, Almirall, Biomed, Eli Lilly, Grünenthal, Lund- beck, Novartis, TEVA.

◆ Il existe de nombreuses approches thérapeutiques différentes pour les céphalées en grappe. Il reste important que le diagnostic soit correctement posé et que le traitement soit adapté individuellement au patient, car chaque patient peut réagir différemment aux différentes options.
◆ La Société suisse des céphalées (SSC) prépare actuellement, avec le soutien de la Fondation Werner Dessauer, un registre des patients souffrant de céphalées en grappe, ce qui pourrait à l’ avenir fournir des informations importantes sur le diagnostic, la gestion des douleurs et les options thérapeutiques.

1. Do TP, Remmers A, Schytz HW, Schankin C, Nelson SE, Obermann M, Hansen JM, Sinclair AJ, Gantenbein AR, Schoonman GG. Red and orange flags for secondary headaches in clinical practice: SNNOOP10 list. Neurology. 2019;92(3):134-44. doi: 10.1212/WNL.0000000000006697.
2. Chwolka M, Goadsby PJ, Gantenbein AR. Comorbidity or combination – more evidence for cluster-migraine? Cephalalgia. 2023;43(1):3331024221133383. doi: 10.1177/03331024221133383.
3. Pohl H, Joos M, Neumeier MS, Stattmann M, Gantenbein AR, Wegener S. 2023. “Screening for Cluster Headache-Introduction of the SMARTED Scale” Clin Transl Neuroscience. 2023;7(1):1. doi: 10.3390/ctn7010001.
4. Gantenbein A, Palla A, Sturzenegger M. SKG-Therapieempfehlungen für primäre Kopfschmerzen. Swiss Med Forum. 2020;20(1112):182-3. doi: 10.4414/smf.2020.08466.
5. Obermann M, Nägel S, Ose C, Sonuc N, Scherag A, Storch P, Gaul C, Böger A, Kraya T, Jansen JP, Straube A, Freilinger T, Kaube H, Jürgens TP, Diener HC, Katsarava Z, Kleinschnitz C, Holle D. Safety and efficacy of prednisone versus placebo in short-term prevention of episodic cluster headache: a multicentre, double-blind, randomised controlled trial. Lancet Neurol. 2021;20(1):29-37. doi: 10.1016/S1474-4422(20)30363-X.
6. Gantenbein AR, Lutz NJ, Riederer F, Sándor PS. Efficacy and safety of 121 injections of the greater occipital nerve in episodic and chronic cluster headache. Cephalalgia. 2012;32(8):630-4.
7. Dodick DW, Goadsby PJ, Spierings ELH, et al. Safety and efficacy of galcanezumab in patients with episodic cluster headache: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet Neurol. 2019;18(6): 476-86. doi: 10.1016/S1474-4422(19)30048-3.
8. Pohl H, Holle-Lee D, Broicher SD, Schwerdtner I, Gantenbein AR, Gaul C. Galcanezumab bei episodischem und chronischem Clusterkopfschmerz [Galcanezumab for episodic and chronic cluster headache]. Schmerz. 2022. doi: 10.1007/s00482-022-00648-8.
9. Wilbrink LA, de Coo IF, Doesborg PGG, Mulleners WM, Teernstra OPM, Bartels EC, Burger K, Wille F, van Dongen RTM, Kurt E, Spincemaille GH, Haan J, van Zwet EW, Huygen FJPM, Ferrari MD; ICON study group. Safety and efficacy of occipital nerve stimulation for attack prevention in medically intractable chronic cluster headache (ICON): a randomised, double-blind, multicentre, phase 3, electrical dose-controlled trial. Lancet Neurol. 2021;20(7):515-25.
10. Schindler EA, Gottschling C, Weil MJ, Shapiro RE. Psilocybin for the treatment of cluster headaches. Neurol Sci. 2015;36(12): 2363-5. oi: 10.1007/s10072-015-2346-2.
11. Sewell RA, Halpern JH, Pope HG. Response of cluster headache to psilocybin and LSD. Neurology. 2006;66(12): 1920-2. doi: 10.1212/01.wnl.0000219761.05466.43.

L’ ostéoporose – des risques et des opportunités

L’ ostéoporose est fréquente et entraîne, en cas d’ efforts normaux, une augmentation du risque de fractures, typiquement au niveau de la colonne vertébrale, du fémur ou de l’ humérus proximal et du radius distal. Le diagnostic se fait par ostéodensitométrie ou sur la base d’ une fracture typique. Les fractures dues à l’ ostéoporose sont associées à une morbidité et à une mortalité accrues, et l’ objectif du diagnostic de l’ ostéoporose est de prévenir les fractures. L’ ostéoporose doit être dépistée de manière ciblée lors de l’ anamnèse et de l’ examen. Les mesures générales comprennent une vérification de la liste des médicaments, une prévention des chutes et une alimentation adéquate, soutenue par la physiothérapie et l’ ergothérapie ainsi que par des conseils nutritionnels. Si une fracture typique est déjà présente, le diagnostic d’ ostéoporose est posé. Identifiez la fracture et prévenez une nouvelle fracture.

Osteoporosis is a common problem leading to low-impact fractures typically in the spine, proximally at the femur or humerus, and distally at the radius during normal loading. Diagnosis is based on bone densitometry or on a typical fracture. Osteoporotic fractures are associated with disability and increased mortality. The goal of an intervention is to prevent fractures. Osteoporosis should be specifically sought in history and examination. General measures include a review of the medication list, prevention of falls, and adequate nutrition. If a typical fracture is already present, the diagnosis of osteoporosis is established: capture the fracture and prevent the next fracture.
Key Words: osteoporosis, fractures, risks, diagnosis, interventions

Le diagnostic d’ ostéoporose désigne une modification de la structure osseuse qui a valeur de maladie et dont la fréquence augmente avec l’ âge, surtout chez les femmes post-ménopausées et, environ 10 ans plus tard, également chez les hommes. La maladie se caractérise par une diminution de la masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture du tissu osseux, ce qui entraîne une augmentation de la fragilité osseuse et donc du risque de fracture (1). En raison de la diminution de la masse et de la structure osseuses, l’ os ne peut plus supporter une charge normale. La conséquence physique est la fracture à un endroit typique (généralement au niveau de la colonne vertébrale, y compris le sacrum, du fémur ou de l’ humérus proximal et du radius distal), qui peut survenir spontanément, après une sollicitation normale (p. ex. en se penchant) ou à la suite d’  une simple chute (de la hauteur d’ une personne debout).

L’ ostéoporose peut être diagnostiquée par ostéodensitométrie (DXA ou DEXA = Dual Energy X-ray Absorptiometry) ou cliniquement sur la base d’ une fracture typique.

Sur le plan métrologique, l’ ostéoporose est définie par l’ ostéodensitométrie comme un écart de la densité minérale osseuse de la patiente de ≤ –2.5 DS (déviation standard) (la valeur du T-score) par rapport à un collectif de femmes préménopausées en bonne santé (la valeur du Z-score décrit en revanche le nombre d’ écart-types par lequel la densité minérale osseuse diffère de celle d’ un collectif de femmes du même âge) (1).

Cliniquement, le diagnostic d’ ostéoporose est posé sur la base d’ une fracture typique. Il convient de distinguer une telle fracture (d’ insuffisance) due à l’ ostéoporose d’ une fracture consécutive à un traumatisme « adéquat », comme une chute du haut d’ un mur ou de plusieurs marches d’ escalier, d’ une chute à vélo ou d’ un autre effort important, comme une marche de plusieurs heures dans l’ armée (fracture dite de stress). Il s’ agit de fractures dues à une cause exceptionnelle, mais d’  un os généralement normal. Des chevauchements des types de fractures sont bien entendu possibles. Les fractures dues à l’ ostéoporose sont souvent à l’ origine d’ un handicap plus important, voire d’ une perte totale d’ autonomie, en particulier chez les personnes âgées. De même, ces fractures entraînent une mortalité accrue. L’ objectif du diagnostic de l’ ostéoporose est donc de réduire le risque de fracture et donc de réduire le risque d‘une première fracture ou d‘une nouvelle fracture.

Les risques

Selon des estimations récentes, plus de 500 000 personnes souffrent d’ ostéoporose en Suisse et, pour beaucoup d’ entre elles, le diagnostic n’ est probablement pas connu. Il convient donc d’  investiguer de manière ciblée lors de la consultation. Comme d’ habitude, nous commençons par l’ anamnèse.

Les facteurs de risque connus à ce jour, dont beaucoup ne sont pas directement influençables, constituent l’ indice d’ un risque accru d’ ostéoporose (2). Outre le sexe et l’ âge, les antécédents familiaux d’ ostéoporose connue ou de fractures typiques chez les parents, les antécédents personnels de fractures à partir de 50 ans, une immobilité prolongée après un accident/ une maladie ou une ménopause précoce, respectivement une impuissance d’ origine endocrinienne chez l’ homme, en font partie.
D’ autres facteurs de risque qui ne peuvent pas être modifiés directement sont les maladies du tissu conjonctif comme l’ ostéogenèse imparfaite, le syndrome de Marfan ou le syndrome d’ Ehlers-Danlos.

Les maladies en tant que facteurs de risque sont au moins partiellement influençables, notamment les syndromes de malabsorption, les maladies hématologiques et oncologiques, le VIH ainsi que les maladies endocriniennes et de nombreuses maladies inflammatoires en rhumatologie, gastroentérologie, néphrologie et pneumologie ainsi que les carences en calcium et en vitamine D.

De plus, le risque peut être augmenté ou diminué par des médicaments qui se recoupent en partie avec les facteurs déjà mentionnés.

Les facteurs de risque les plus connus sont, entre autres, le traitement prolongé par glucocorticostéroïdes (et autres immunosuppresseurs) et l’ utilisation d’ inhibiteurs de l’ aromatase.

Parmi les facteurs de risque sur lesquels on peut agir, même si c’ est souvent avec peu de succès, on trouve le tabagisme et la consommation excessive d’ alcool ainsi qu’ un sous-poids avec un IMC inférieur à 20 kg/m2.

Les chutes récurrentes (plus d‘une chute au cours de la dernière année) constituent par ailleurs un facteur de risque majeur suscpetible de majorer le risque de fracture en présence d‘une ostéoporose.

Un indice anamnestique supplémentaire résulte de la comparaison de la taille actuelle avec la taille antérieure, une différence de -5 cm ou, si elle est mesurée de manière standardisée en cabinet médical, de plus de -2 cm étant considérée comme suspecte.
L’ anamnèse approfondie et l’ examen physique, y compris les tests de la marche et de la mobilité (décrits par exemple sur TOP : Tool Osteoporose Plattform), permettent également de rechercher les maladies et les causes qui peuvent entraîner des chutes ou une ostéoporose secondaire.

Un diagnostic de base en laboratoire pour la saisie des causes d’ une ostéoporose secondaire complète le diagnostic.
Les données recueillies permettent d’ évaluer le risque. Celles-ci peuvent se faire par exemple à l’ aide des recommandations de l’ Association suisse contre l’ ostéoporose (ASCO) 2015, ou à l’ aide d’ un outil électronique, comme TOP ou le FRAX (Fracture Risk Assessment Tool) de l’ Université de Sheffield (tab. 2). Dans les deux cas, il n’ est pas obligatoire de saisir une valeur de densité osseuse pour effectuer un premier calcul.

S’  il existe des indices, sur la base de l’ anamnèse, d’ un risque accru de fracture sans qu’ il n’  y ait de fracture, l’ étape suivante consiste à recommander une mesure de la densité osseuse (ostéodensitométrie, DXA). Il convient de préciser que cette mesure n’ est prise en charge par l’ assurance-maladie que si le diagnostic d’ ostéoporose est posé (T-score au niveau de la colonne vertébrale ou du col du fémur ≤-2,5) ou en présence d’ une autre indication spécifique selon la loi sur l’ assurance-maladie (LAMal), sinon cet examen doit être payé par la patiente elle-même (prix actuel : env. 70 CHF). Les résultats de l’ ostéodensitométrie permettent de poser le diagnostic d’ ostéoporose par DXA (selon l’ OMS (1)) et de procéder à un nouveau calcul du risque. Conformément aux propositions de l’  ASCO, il en résulte une indication de traitement individuelle et corrigée en fonction de l’ âge (3). Ici aussi, la prestation des assureurs-maladie ne tient en principe pas compte du calcul du risque, mais uniquement du diagnostic posé et de l’ indication des médicaments selon la liste des spécialités, même si, dans des cas particuliers, un traitement serait parfois cliniquement indiqué même lorsque la DXA ne montre qu‘une diminution de la densité osseuse (ostéopénie).

En ce qui concerne le traitement médicamenteux, il existe aujourd’ hui différents principes thérapeutiques avec des indications en partie spécifiques et limitées. Leurs possibilités d’ utilisation ont déjà été suffisamment décrites ailleurs (3). Il convient toutefois de souligner que les mesures non médicamenteuses telles que l‘élimination de facteurs susceptibles de provoquer des chutes (cordons électriques, tapis,…), l’ entraînement de la force et de la coordination pour la prévention des chutes ainsi qu’ une alimentation complète avec un apport suffisant en calcium, en vitamine D et en protéines et, le cas échéant, la fourniture de moyens auxiliaires, contribuent au moins autant à la prévention des fractures. La physiothérapie, l’ ergothérapie et les conseils nutritionnels peuvent rendre de précieux services dans ce domaine.

Les chances

Si la patiente présente une fracture typique du fémur, du corps vertébral, du sacrum ou de l’ humérus sans traumatisme adéquat, la question de l’ ostéoporose est déjà résolue et le diagnostic d‘ostéoporose est posé. La détection de ces patientes est maintenant la tâche la plus urgente ; c’ est dans cette situation que le risque de nouvelles fractures est le plus grand : les secondes fractures surviennent dans 40 à 60 % des cas au cours des deux premières années (3).

L’ absence de traitement après une fracture typique étant un problème mondial, l’ International Osteoporosis Foundation (IOF, https://www.osteoporosis.foundation) a développé le programme « Capture The Fracture » (https://www.capturethefracture.org). L’ objectif est d’ améliorer la détection et le traitement de l’ ostéoporose au niveau national et international et de réduire le manque de soins aux patientes afin de diminuer les fractures et leurs conséquences (morbidité, mortalité, coûts financiers).

Selon le résumé de la grande étude européenne sur l’ ostéoporose, dont les données concernent également la Suisse, on peut s’ attendre à ce que plus de 500 000 personnes, dont plus de 80 % de femmes, ont souffert d’ ostéoporose en Suisse en 2019 (4). Durant la même période, environ 80 000 fractures ostéoporotiques typiques sont survenues. Sur la base des données FRAX pour la Suisse, on estime que plus de 80 % des patientes présentant un risque élevé de (nouvelles) fractures ne reçoivent pas de traitement adéquat. Les observations quotidiennes laissent supposer qu’ une grande partie de cette « lacune dans le traitement » concerne des patientes ayant déjà subi des fractures ostéoporotiques. Et c’ est là que réside la grande opportunité de savoir comment améliorer la prise en charge de vos patientes par des moyens simples : Cherchez dans l’ anamnèse des patientes à risque des indices de fracture ostéoporotique, c’ est-à-dire : recherchez dans vos listes de diagnostics des fractures déjà survenues (p. ex. « fracture du col du fémur ou fracture fémorale pertrochantérienne »), examinez à nouveau les radiographies existantes de la colonne vertébrale (surtout thorax latéral et colonne lombaire) et cherchez des fractures vertébrales (souvent non décrites et souvent non douloureusement invalidantes du point de vue de l’ anamnèse). Vous êtes presque sûr d’ obtenir des résultats. S’ il n’ y a pas de fracture, calculez le risque de fracture à l’ aide de l’ un des outils mentionnés. Mesurez ensuite la densité osseuse et traitez selon les recommandations actuelles avec les mesures généralement recommandées et, si cela est indiqué, avec des médicaments. De cette manière, vous éviterez des fractures et leurs conséquences.

Pour une meilleure lisibilité et en raison du collectif de patientes, la forme féminine a été choisie, les hommes étant toujours inclus.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 01_2023

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Thomas Vogt

Médecine gériatrique universitaire Felix Platter
Burgfelderstrasse 101
4055 Bâle

Rhumatologie Hôpital universitaire de Bâle
Spitalstrasse 21/Petersgraben 4
4031 Bâle

Dre Evmarie Zeiner

Rhumatologie Hôpital universitaire de Bâle
Spitalstrasse 21/Petersgraben 4
4031 Bâle

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’ ostéoporose entraîne une augmentation du risque de fracture.
◆ En l’ absence de fracture, il est possible d’ évaluer le risque à l’ aide des recommandations de l’ Association suisse contre l’ ostéoporose (ASCO) 2015, avec le TOP ou avec le FRAX (Fracture Risk Assessment Tool) de l’ Université de Sheffield (voir tab. 2).
◆ Une ostéoporose peut être diagnostiquée par ostéodensitométrie
(ostéodensitométrie : DXA ou DEXA = Dual Energy X-ray Absorptiometry) ou sur la base d’ une fracture typique.
◆ Les secondes fractures après une fracture ostéoporotique surviennent dans 40 à 60% des cas au cours des deux premières années. Il est donc urgent de dépister et de traiter les patientes ayant déjà subi une fracture ostéoporotique.
◆ Des mesures non médicamenteuses visant à la prévention des chutes telles que l‘élimination des risques liés à l‘environnement, un entraînement de la force et de la coordination pour prévenir les chutes ainsi qu’ une alimentation complète avec un apport suffisant en calcium, en vitamine D et en protéines et même, le cas échéant, un approvisionnement en moyens auxiliaires sont des contributions importantes à la prévention des fractures.

 

1. World Health Organization. (1994). Assessment of fracture risk and its
application to screening for postmenopausal osteoporosis: report of a WHO study group [meeting held in Rome from 22 to 25 June 1992]. World Health
Organization. (https://apps.who.int/iris/handle/10665/39142)
2. Johnston CB, Dagar M. Osteoporosis in Older Adults. Med Clin North Am 2020 Sep;104(5):873-884
3. Ferrari S, Lippuner K, Lamy O, Meier C. 2020 recommendations for osteoporosis treatment according to fracture risk from the Swiss Association against
Osteoporosis (SVGO). Swiss Med Wkly 2020;150:w20352
4. Willers C, Norton N, Harvey NC, Jacobson T, Johansson H, Lorentzon M, McCloskey EV, Borgström F, Kanis JA. Osteoporosis in Europe: a compendium
of country-specific reports. Arch Osteoporos 2022;17(1):23.

La thérapie par inhalation en cabinet de médecine générale

Les inhalateurs permettent d’ atteindre directement les maladies des voies respiratoires, en particulier l’ asthme et la BPCO. L’ administration locale permet de réduire considérablement les effets secondaires systémiques des médicaments utilisés. Il existe différentes formes d’ inhalation qui doivent être choisies en fonction des besoins du patient et des conditions physiques. La médication dépend du tableau clinique. Les directives pour l’ asthme (GINA) et la BPCO (GOLD) ont prévu des nouveautés importantes ces dernières années, dont chaque médecin de famille devrait être conscient. Un facteur important qui impose aux médecins dispensateurs une certaine limite dans le choix des inhalateurs est la nécessité pour une pharmacie privée de cabinet médical de se limiter à quelques médicaments pour un tableau clinique.

Inhalatives can be used to directly treat respiratory diseases, especially asthma and COPD. Local administration drastically reduces the systemic side effects of the drugs used.There are various forms of inhalation, which must be selected depending on the needs of the patient and physical conditions. The medication depends on the clinical picture. Here the guidelines for asthma (GINA) and COPD (GOLD) have provided relevant innovations in recent years, which every family doctor should be aware of. An important factor that imposes a certain limitation on self-dispensing physicians in the choice of inhalers is the need for a practice pharmacy to limit itself to a few medications for one clinical picture.
Key Words: respiratory diseases, inhalation, asthma, COPD

Comment les médicaments atteignent-ils le noyau de la maladie

Autrefois, on traitait les refroidissements des voies respiratoires supérieures avec un bol d’ infusion de camomille chaude que l’ on tenait au-dessus de la tête. L’ évaporation produit de grosses gouttelettes qui, après avoir pénétré dans les voies respiratoires supérieures, y sont déposées par impaction. Un système d’ inhalation moderne peut en revanche produire de très fines gouttelettes de 1 à 5 μm. Dans le cas de l’ inhalation humide avec un nébuliseur (par ex. type Pari Boy®), cela se fait par la pression de nébulisation. Les plus petites gouttelettes/particules sont en mesure d’ atteindre les voies respiratoires périphériques où elles sont partiellement sédimentées. Cela prend du temps, raison pour laquelle la respiration doit être retenue après une inspiration profonde.

Le dépôt intrabronchique dépend non seulement de la taille des particules, mais aussi de l’ intensité du débit inspiratoire. Si l’ inspiration est rapide et forte, ce qui est nécessaire avec un inhalateur à poudre (DPI) pour que de fines particules puissent se former, la part de dépôt central est plus élevée qu’ avec un aérosol-doseur (AD) moderne sous forme de «solution pour inhalation» ou un inhalateur « soft mist » qui produit un doux brumisat (type Respimat®). Avec ces derniers, la nébulisation est activée manuellement et non par l’ inhalation. Cela permet une inhalation très lente avec une meilleure déposition périphérique.

Pour et contre des différents dispositifs d’ inhalation

Différents systèmes d’ inhalation existent sur le marché : les inhalateurs à poudre (DPI), les aérosols-doseurs (AD), l’ inhalateur « soft mist » Respimat® et l’ inhalation humide par nébulisation. On distingue ici les nébuliseurs conventionnels des nébuliseurs à maillage (Pari Velox®, Philips Innospire Go®).

Différents facteurs font que l’ un ou l’ autre système d’ inhalation est à privilégier pour chaque patient. Il s’ agit de la capacité de coopération lors de l’ inhalation, qui dépend également de l’ âge, la force inspiratoire, la praticabilité (transport au quotidien) et la résistance aux conditions environnementales (chaleur, froid).

Les aérosols-doseurs existent depuis les années 50 du siècle dernier, c’ est-à-dire qu’ ils ont fait leurs preuves, sont peu coûteux et relativement faciles à ingérer. Les nouveaux AD contenant le médicament en solution dans le gaz propulseur HFA (p. ex. Alvesco®, Foster®) produisent de très petites particules avec une bonne déposition dans les voies respiratoires les plus étroites, ce qui peut être un avantage, notamment en cas d’ asthme. En conséquence, le dépôt en niveau du larynx est faible, de sorte que les corticostéroïdes topiques (CSI) sous cette forme entraînent plus rarement des maux de la bouche ou un enrouement. Dans le cas des AD conventionnels, une dispersion a lieu, c’ est-à-dire qu’ il faut secouer l’ AD avant l’ inhalation pour que le médicament sous forme de poudre se répartisse brièvement et uniformément dans l’ HFA. Sans agitation, seul le gaz propulseur serait nébulisé. Malheureusement, l’ HFA renforce l’ effet de serre beaucoup plus que le CO2, de sorte que l’ utilisation de l’ AD devrait ainsi être réduite. L’ AD est très sensible au froid. Même lors de températures <50, par exemple aux sports d’ hiver, l’ AD ne peut servir à rien (1).

En cas d’ AD conventionnel, il convient d’ utiliser une chambre d’ inhalation (CI) de type Aerochamber® bleu avec embout buccal (pour les enfants >5 ans et les adultes). Cela permet de réduire nettement le dépôt au niveau du larynx qui est autrement élevé. Pour les AD modernes sous forme de «solution», la chambre d’ inhalation n’ est pas nécessaire, sauf si les patients ont des difficultés à coordonner le déclenchement de l’ aérosol et le début de l’ inspiration. En cas de problème de coordination, il est même possible d’ équiper un inhalateur « soft mist » type Respimat® d’ une Aerochamber® (2).

Les inhalateurs à poudre ont été introduits il y a environ 60 ans, d’ abord des inhalateurs monodose, puis multidose. Ils sont généralement faciles à insérer et à emporter. Chez les patients recevant des CSI et qui dépendent de leur voix de par leur profession, un enrouement persistant peut toutefois être limitant. En cas d’  inhalateur DPI, une inspiration vigoureuse est nécessaire pour produire des particules fines. Il existe chez certains fabricants des dummies (par ex. Turbuhaler® rouge), qui permettent de vérifier chez chaque patient si l’ intensité du flux inspiratoire est suffisante pour l’ inhalateur en question. En cas d’ exacerbation, la capacité respiratoire diminue souvent, de sorte que les patients sachant qu’  ils ont des crises d’ obstruction sévère devraient disposer en cas d’ urgence d’ un AD contenant également un bêtastimulant à action rapide.

L’ inhalateur « soft mist » Respimat® est rempli de médicament liquide. Un ressort est tendu par une demi-rotation. Lorsque le ressort est libéré par une pression sur un bouton, il presse une dose mesurée à travers des canaux très fins. Lorsque le liquide ressort, il se forme un très fin nuage d’ aérosol qui peut être inhalé lentement, comme pour l’ AD. Comme le médicament est accompagné de cartouches de réserve et que l’ HFA n’  est pas nécessaire, ce système constitue également une nouveauté du point de vue de la protection de l’ environnement. Malheureusement, aucune demande d’ autorisation de mise sur le marché du Respimat® avec des bêtastimulants à courte durée d’ action ou des CSI n’ a été déposée jusqu’  ici en Suisse.

L’ inhalation humide par nébulisation a perdu beaucoup d’  importance en Suisse. Les médicaments importants n’ existent pas sous forme liquide. Les durées d’ inhalation sont longues, mais un peu plus courtes pour les nébuliseurs à maillage que pour les nébuliseurs de liquides. Leur utilisation se justifie surtout chez les enfants asthmatiques et chez les patients de tous âges atteints de FK (fibrose kystique). Pour ces derniers, il existe des antibiotiques (p. ex. colistine et tobramycine) qui doivent être inhalés régulièrement pour prévenir les exacerbations en cas de colonisation des voies respiratoires par Pseudomonas.

Le système d’ inhalation détermine la technique d’ inhalation

Pour une inhalation correcte, il faut d’ abord expirer, puis inspirer profondément et retenir sa respiration pendant plus de 10 secondes. Au début de la manœuvre d’ inspiration, l’ inhalateur AD ou « soft mist » doit être activé simultanément. Avec un inhalateur DPI, l’ inspiration entraîne automatiquement la libération des particules. L’ avantage est qu’ il n’ est pas nécessaire de coordonner l’ activation et le début de l’ inhalation. D’ un autre côté, l’ inhalation à partir d’ un DPI nécessite un débit respiratoire élevé avec un dépôt partiel au niveau du larynx, et il existe le risque qu’ en cas d’ obstruction aiguë, la pression inspiratoire soit réduite, de sorte que la poudre ne soit pas suffisamment libérée.

L’ inhalation correcte doit être instruite et exercée pour chaque patient. Il est judicieux que le personnel du cabinet soit formé en conséquence. Il faut faire comprendre au patient que l’ inhalation avec un DPI doit être vigoureuse et rapide. En revanche, avec un inhalateur AD et « soft mist », il est important que l’ inhalation soit effectuée très lentement. Il est donc logique, en cas de prescription de plus d’ un inhalateur, de choisir plutôt un traitement combiné, si possible pas deux systèmes qui nécessitent une technique d’ inhalation différente.

L’ instruction unique de la technique d’ inhalation s’ est révélée insuffisante dans la pratique. Lors de consultations répétées, il est donc souhaitable que les patients apportent leur inhalateur et fassent une démonstration de l’ inhalation au personnel formé. La technique d’ inhalation spécifique au dispositif présenté ici peut être consultée sur le site Internet de la Ligue pulmonaire suisse (3) sous forme de clips vidéo et également montrée au patient.

Choix des médicaments pour le patient spécifique

Comme tous les médicaments ne sont pas disponibles dans les quatre formes d’ inhalation possibles, il faut réfléchir avant la prescription à l’ inhalateur le plus approprié pour le patient. On choisit ensuite la bonne substance ou combinaison en fonction du tableau clinique et de la gravité et on vérifie si l’ inhalateur souhaité est disponible avec le médicament choisi. Dans le cas contraire, un compromis est inévitable.

Les médicaments peuvent être divisés en CSI, en bêtastimulants à courte (SABA) ou longue (LABA) durée d’ action et en anticholinergiques (LAMA). En ce qui concerne les LABA, il est important de noter que seul le formotérol a un début d’ action aussi rapide que la Ventoline®, le Bricanyl® ou le Berotec®. Cela a des conséquences pratiques :
Concernant l’ asthme, les directives actuelles de GINA (4) prévoient désormais en première ligne, pour les 5 degrés de sévérité de l’ asthme, que l’ inhalateur d’ urgence ne soit plus un inhalateur SABA, mais un traitement combiné de CSI/formotérol (LABA), car il peut compliquer le contrôle de l’ asthme. Seules les associations suivantes ont été testées dans des études : Symbicort TH® (5) et Foster DA® (6). Concernant l’ asthme léger, cette combinaison n’ est utilisée qu’ en cas de besoin dans les phases stables. En cas d’  asthme modéré et sévère, le médicament peut être prescrit comme traitement de base ou au besoin. Le grand avantage du formotérol est également qu’ il possède une large marge thérapeutique. La quantité normale de formotérol dans une dose de Symbicort TH® 200/6 est de 6μg. A court terme, la dose journalière peut toutefois être augmentée jusqu’ à 72μg au maximum, soit 12 inhalations. Cette forme de traitement porte le nom de MART (maintenance and rescue therapy). Les CSI combinés au formotérol à action rapide en tant que MART présentent également un autre avantage. Les patients peuvent répondre à leur besoin naturel d’ inhaler moins pendant les phases statiques, mais ils remarquent une amélioration rapide d’ une exacerbation naissante en cas d’ augmentation massive des doses dans le cadre d’ une utilisation plus fréquente. Cela leur montre une auto-efficacité de leur action, ce qui améliore à son tour l’ acceptation à long terme.

En cas d’ asthme sévère, l’ ajout d’ un inhalateur LAMA est judicieux

La mise à jour GOLD pour la BPCO (7) a également apporté un changement important. Pendant des années, l’ administration de CSI a été déconseillée en cas de BPCO, car ils peuvent augmenter le risque de pneumonie. Ces dernières années, de nombreuses preuves ont cependant été publiées selon lesquelles l’ inflammation éosinophile typique de l’ asthme apparaît également en présence d’  une BPCO, au sens d’ une coexistence asthme-BPCO (8). De nouvelles études (9) ont clairement montré que chez les patients présentant une éosinophilie sanguine > 0,3 G/l, le risque d’ exacerbation augmente avec un traitement par LAMA/LABA seul. Dans cette situation, les pneumonies ne posaient pas de problème sous les CSI. Cependant, le risque de pneumonie augmente clairement si l’ on prescrit des CSI avec des taux d’ éosinophiles < 0,1 G/l (10). Dans la zone jaune avec des éosinophiles > 0,1 et < 0,3 G/l, un essai thérapeutique peut être entrepris en cas d’ exacerbations fréquentes.

Les chances de trouver une éosinophilie sont maximales pendant l’ exacerbation, avant même l’ administration de corticostéroïdes oraux. Comme la plupart des laboratoires en cabinet médical ne comptent pas les éosinophiles séparément, ces hémogrammes doivent être envoyés séparément à des laboratoires externes.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 04_2023

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

DrThomas Rothe

Pneumologie
Hôpital cantonal des Grisons
Loëstrasse 170
7000 Coire

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ La prescription de médicaments à inhaler en cas d’ asthme et de BPCO nécessite une connaissance suffisante des différents systèmes d’ inhalation ainsi que des recommandations actuelles et des directives.
◆ Lors de la prescription, il faut tenir compte du médicament qui serait idéal pour le patient individuel, mais aussi du système d’ inhalation qui lui convient le mieux.
◆ L’ inhalation avec le médicament prescrit doit être bien instruite. Toutefois, comme des erreurs peuvent se produire au cours du processus, il est indispensable de toujours laisser le patient faire la démonstration de la technique d’ inhalation lors des consultations ultérieures.
◆ Lors de l’ instruction de la technique d’ inhalation, il ne faut jamais oublier que les inhalateurs AD et « soft mist » nécessitent une inspiration très lente, alors que les DPI exigent une inhalation forcée, rapide et puissante.

1. Rothe T, Fronkova A, Pein T, Latshang TD. Physikalische und klinische Aspekte der Inhalations-therapie bei Asthma und COPD. PRAXIS 2020; 109: 1-6
2. Wachtel H, Nagel M, Engel M et al. In vitro and clinical characterization of the valved holding chamber AeroChamber Plus for administering tiotropium Respimat® in 1-5-year-old children with persistent asthmatic symptoms. Resp Med 2018; 137: 181-90
3. https://www.lungenliga.ch/de/krankheiten-ihre-folgen/asthma/richtig-inhalieren.html
4. www.ginasthma.org
5. Bateman E, Reddel H, O’Byrne et al. As needed budesonide-formoterol versus maintenance budesonide in mild asthma. N Engl J Med 2018; 378: 1877-87
6. Papi A, Corradi M, Pigeon-Francisco M et al. Beclometasone-formoterol as
maintenance and reliever therapy in patients with asthma: a double-blind,
randomised controlled trial. Lancet Respir Med. 2013; 1: 23-31
7. www.copdgold.org
8. Miratvitlles M, Alvarez-Guitierrez F, Calle M et al. Algorithm for identification of asthma COPD overlap. Eur Respir J 2017; 49: 1700068 [https://doi.org/10.1183/13993003.00068-2017]
9. Lipson DA et al. Once-daily single-inhaler triple versus dual therapy in patients with COPD. NEJM 2018; 3: 1671-80
10. Martinez-Garcia MA et al. Inhaled Steroids, Circulating Eosinophils, Chronic
Airway Infection, and Pneumonia Risk in Chronic Obstructive Pulmonary Disease. A Network Analysis. J Respir Crit Care Med 2020; 201: 1078-85

Traitement médicamenteux de l’ obésité – Enfin une lueur d’ espoir, mais aussi des zones d’ ombres

L’ obésité est aujourd’ hui considérée comme une maladie chronique qui affecte considérablement la vie des personnes concernées, tant sur le plan de la santé que sur le plan psychologique. Malheureusement, les approches thérapeutiques classiques, qui se concentrent uniquement sur des stratégies cognitives visant à optimiser le mode de vie, en particulier le comportement alimentaire et l’ activité physique, n’ ont qu’ un effet insuffisant sur la réduction de poids visée. Jusqu’ à présent, la chirurgie bariatrique était donc la seule méthode efficace pour réduire durablement le poids corporel et la masse grasse excédentaire des personnes souffrant d’ obésité. Heureusement, il semble qu’ une percée ait été réalisée dans le traitement médicamenteux de l’ obésité, une lueur d’ espoir longtemps attendue. Mais là où il y a de la lumière, il y a aussi de l’ ombre. Nous souhaitons donner ici un aperçu différencié des aspects pratiques du traitement médicamenteux actuel et futur de l’ obésité.

Today, obesity is regarded as a chronic disease that has a considerable impact on the lives of affected people, both in terms of health and mental health. Unfortunately, classical therapeutic approaches, which focus solely on cognitive strategies to optimize lifestyle, in particular eating and exercise behavior, are insufficiently effective in achieving the desired weight reduction. Until now, therefore, bariatric surgery has been the only effective method for sustainably reducing the body weight and excess fat mass of people with obesity. Fortunately, a breakthrough now seems to have been achieved in the pharmacological treatment of obesity; a long-awaited ray of hope in obesity therapy. But where there is light, there is also shadow. We would like to provide a differentiated overview of practical aspects of current and future drug-based obesity therapy.
Key Words: obesity, medical treatment for obesity, GLP-1 analogues

Après une longue période d’ obscurité, enfin la lumière

Au cours des dernières décennies, le développement de médicaments pour la réduction du poids a été une histoire avec des hauts et des bas (1,2). Toute une série de médicaments a été autorisée pour le traitement de l’ obésité, mais ils ont ensuite disparu du marché, car ils présentaient un taux trop élevé d’ effets secondaires indésirables lors de leur utilisation à grande échelle, ce qui rendait le rapport risque/bénéfice inacceptable. Il est donc d’ autant plus réjouissant de constater que des médicaments ont été développés qui, d’ une part, sont nettement plus efficaces et, d’ autre part, semblent présenter un meilleur rapport bénéfice/risque. Il s’ agit en particulier de substances qui agissent comme agonistes sur le récepteur Glucagon like Peptide (GLP) 1. Nous connaissons ce groupe de substances depuis bientôt deux décennies dans le traitement du diabète de type 2, où elles présentent un grand avantage, non seulement en termes de contrôle glycémique, mais aussi en termes de prévention des maladies cardiovasculaires secondaires. Bien qu’ il n’ existe pas encore d’ études sur les effets cardiovasculaires chez les personnes obèses qui ne souffrent pas de diabète, l’ expérience acquise dans le domaine du traitement du diabète permet d’ espérer que les études en cours sur cette question seront également positives.

Que sont les agonistes du récepteur GLP-1 ?

Le GLP-1 est une hormone endogène sécrétée par des cellules intestinales spécialisées, notamment après l’ ingestion de nourriture. Il s’ agit d’ une hormone peptidique qui est décomposée en quelques minutes dans la circulation sanguine par la dipeptidyl peptidase-4 (DDP-4) et ainsi désactivée. Les agonistes du récepteur du GLP-1 (RA) sont des analogues de l’ hormone originale, qui ont été modifiés de telle sorte que, d’ une part, ils ne sont pas inactivés par la DPP4 et que, d’ autre part, ils circulent longtemps dans la circulation sanguine, par exemple en se liant à l’ albumine. Les médicaments utilisés dans le traitement de l’ obésité sont alors injectés par voie sous-cutanée (s.c.), car l’ absorption des peptides par le tractus gastro-intestinal est en principe possible, mais ne peut être obtenue qu’ au prix d’ efforts importants.

Quels sont les GLP-1 RA disponibles pour le traitement de l’ obésité ?

Deux substances sont actuellement autorisées en Suisse pour le traitement de l’ obésité. Sous le nom de Saxenda®, le liraglutide est utilisé depuis quelques années déjà et est actuellement financé par les caisses-maladie pour une durée maximale de 3 ans, à condition de respecter la limite définie dans la liste des spécialités (tab. 1). Le deuxième médicament autorisé par Swissmedic pour le traitement de l’ obésité porte le nom de Wegovy® et contient la substance sémaglutide, bien connue dans le traitement du diabète sous le nom d’ Ozempic®. Bien qu’ autorisé, Wegovy® n’ est pas encore disponible sur les marchés européen et suisse en raison de la forte demande aux Etats-Unis. Contrairement aux doses utilisées dans le traitement du diabète, des doses nettement plus élevées des substances correspondantes sont utilisées dans le traitement de l’ obésité. Concrètement, la dose maximale de Saxenda® est de 3 mg s.c. par jour et celle de Wegovy® de 2,4 mg s.c. une fois par semaine. Nous aimerions également présenter ici une troisième substance qui n’ a pas encore été autorisée pour le traitement de l’ obésité, mais qui a déjà été testée dans une grande étude de phase 3 chez des personnes souffrant d’ obésité. Ce peptide conçu, appelé tirazépatide, agit de manière agoniste sur le récepteur GLP-1 et sur le récepteur du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP). Il convient de mentionner que cette substance, également appelée bi-agoniste, est déjà autorisée par Swissmedic pour le traitement du diabète de type 2 sous le nom de Mounjaro® (3). Toujours en raison d’ une forte demande aux États-Unis, qui dépasse manifestement les capacités de production actuelles, le médicament n’ est pas encore disponible sur le marché européen et suisse. Actuellement, il est annoncé pour le début de l’ année 2024 pour le traitement du diabète.

Comment agissent les médicaments dans le traitement de l’ obésité ?

L’ effet principal des médicaments mentionnés est une diminution de l’ appétit ainsi qu’ une satiété précoce après la prise alimentaire (4-7). Des études expérimentales ont montré que le traitement des stimuli alimentaires dans le cerveau est nettement influencé par l’ administration de GLP-1 RA (8). Cela permet aux personnes concernées d’ exercer plus facilement un contrôle sur leur comportement alimentaire afin d’ atteindre une restriction énergétique. Malheureusement, il existe également des indices selon lesquels les effets de réduction de l’ appétit s’ atténuent quelque peu après une longue durée de traitement ou sont partiellement masqués par des mécanismes de contre-régulation (5), ce qui pourrait entraîner une reprise du poids corporel. En effet, une étude menée sur 3 ans chez des personnes atteintes de prédiabète a montré que la réduction de poids de 9,2 % obtenue après environ un an n’ a pas pu être entièrement maintenue malgré la poursuite du traitement avec 3 mg de liraglutide, de sorte que la réduction nette du poids n’ était plus que de 7,1 % après 3 ans. En ce qui concerne le traitement avec 2,4 mg de sémaglutide, une étude récemment publiée a montré que la perte de poids maximale atteinte après 68 semaines pouvait être maintenue à un niveau stable sous traitement continu au cours de la deuxième année qui suivait (9) (perte de poids moyenne après 2 ans : 15,2 %).

Relation dose-effet

Les lecteurs moins familiarisés avec la médecine de l’ obésité seront peut-être surpris d’ apprendre qu’ il existe une relation dose-effet bien définie pour les médicaments anti-obésité, comme dans d’ autres domaines pharmacologiques de la médecine. La figure 1 illustre cette relation dose-effet pour le liraglutide et le sémaglutide dans des études de phase 2 (10, 11). Ceci est d’ une grande importance pour la pratique clinique, car l’ adaptation de la dose de GLP-1-RA administrée permet de prévoir et, le cas échéant, de contrôler l’ évolution du poids corporel chez la plupart des patients.

Efficacité des médicaments anti-obésité

Pour illustrer l’ efficacité des substances mentionnées, nous avons regroupé les données de trois grandes études de phase 3 (12-14). D’ un point de vue strictement scientifique, cette comparaison n’ est pas valable, car il ne s’ agit pas de groupes d’ étude tout à fait comparables. De même, le traitement de base au sens d’ une intervention sur le mode de vie, que recevaient aussi bien les groupes verum que les groupes placebo, n’ était pas identique entre les études. L’ indice de masse corporelle (IMC) au début du traitement, qui était de 38 kg/m2 dans les différents groupes de traitement, ainsi que la durée du traitement (liraglutide et tirazépatide pendant 72 semaines, sémaglutide pendant 68 semaines) étaient toutefois bien comparables. Il convient de rappeler ici que le tirazépatide n’ est pas autorisé pour le traitement de l’ obésité et que nous nous sommes limités à la plus forte dose de tirazépatide utilisée dans l’ étude, à savoir 15 mg s.c. par semaine, pour présenter les résultats.

Comme le montre la figure 2, 2,4 mg de sémaglutide une fois par semaine s.c. sont nettement plus efficaces pour réduire le poids que l’ application quotidienne de 1 mg de liraglutide. Cependant, l’ administration hebdomadaire de 15 mg de tirazépatide semble être encore plus efficace. Comme le poids a également légèrement diminué dans les groupes placebo, probablement en raison de l’ intervention simultanée sur le mode de vie, l’ effet net des médicaments doit toujours être calculé en soustrayant la perte de poids obtenue dans le groupe placebo de celle obtenue dans le groupe de traitement médicamenteux (fig. 2).

Un mode de représentation cliniquement pertinent et usuel dans la recherche clinique sur l’ obésité est également l’ indication du pourcentage de personnes traitées dans différentes catégories de réduction de poids. Comme le montre la figure 3, il est clair que beaucoup plus de personnes ont réussi à perdre du poids sous sémaglutide que sous liraglutide, le taux de réussite étant encore nettement plus élevé sous tirazépatide.

Dans l’ ensemble, les effets de réduction du poids des médicaments décrits sont très impressionnants et semblent se rapprocher de l’ efficacité des opérations bariatriques telles que le bypass gastrique Roux-en-Y ou la résection de l’ estomac par tube, qui génèrent une perte de poids à long terme d’ environ 25 à 30 % (15).

Les médicaments ne sont efficaces que tant qu’ on les utilise

L’ obésité est une maladie chronique. Nous partons aujourd’ hui du principe qu’ une fois qu’ un poids corporel a été atteint, le corps du patient se défend par des mécanismes de régulation complexes contre tous efforts pour perdre du poids. Les études scientifiques montrent de manière très cohérente qu’ il y a une reprise du poids corporel dès que le traitement est terminé, qu’ il s’ agisse d’ une intervention alimentaire ou physique, d’ un traitement médicamenteux ou d’ un traitement invasif comme un ballon ou un anneau gastrique. Ce principe de base de la médecine de l’ obésité a une fois de plus été documenté de manière impressionnante pour le traitement au sémaglutide. La figure 4 résume à titre d’ illustration les données de l’ étude STEP 4 (16) et de l’ étude STEP 1 trial extension (17).

Dans l’ étude STEP 4, les personnes incluses ont été randomisées, après 20 semaines de traitement au sémaglutide, soit dans un groupe recevant du sémaglutide, soit dans un groupe recevant un placebo. Dans l’ étude STEP 1 trial extension, le sémaglutide a été arrêté après 68 semaines. Il s’ est avéré qu’ après le passage au placebo ou l’ arrêt du sémaglutide, la reprise du poids corporel était rapide. Par conséquent, le traitement médicamenteux de l’ obésité devrait constituer un traitement permanent pour être efficace à long terme. Cependant, tant du côté des thérapeutes que des patients, il existe encore souvent l’ idée qu’ il suffit de réduire le poids et que cela peut être fait sans autres mesures pharmacologiques ou chirurgicales et sans contrôle cognitif permanent et extrêmement poussé. Au vu des preuves scientifiques, ce souhait doit malheureusement être qualifié d’ obsolète et de naïf. Dans ce contexte, il faut plutôt exiger qu’ avant l’ introduction d’ un traitement médicamenteux de l’ obésité, une information différenciée sur la reprise du poids corporel à laquelle on peut s’ attendre après la fin du traitement pharmacologique soit fournie et qu’ une nouvelle compréhension de la maladie avec une nécessité de traitement durable soit promue de manière analogue au traitement médicamenteux du cholestérol ou de la tension artérielle.

Quels sont les inconvénients ?

Comme la plupart des thérapies médicamenteuses, les médicaments décrits dans la thérapie de l’ obésité ont également des effets secondaires. Nous avons résumé dans le tableau 2 un aperçu des effets secondaires les plus fréquemment observés dans les trois études analysées. Les troubles gastro-intestinaux sont clairement au premier plan. Ces derniers apparaissent généralement au début du traitement et peuvent souvent être limités par une augmentation lente de la dose. Par la suite, ils disparaissent souvent ou se réduisent au moins à un niveau acceptable. Cependant, certaines personnes ne tolèrent tout simplement pas les médicaments ou présentent une réponse insuffisante au traitement. Dans ce cas, le traitement doit être arrêté rapidement.

Les effets secondaires les plus importants du point de vue clinique sont l’ augmentation de l’ incidence des calculs biliaires symptomatiques, ce qui mène également à une augmentation du taux de cholécystomes. La formation accrue de calculs biliaires ne doit pas être considérée comme une conséquence directe du traitement médicamenteux, mais comme une conséquence de la perte de poids, car d’ autres traitements visant à réduire le poids, comme la mise en œuvre d’ un régime très restrictif sur le plan énergétique ou une opération bariatrique, entraînent également une augmentation de l’ incidence des calculs biliaires.

L’ utilisation de médicaments sans remise en question préoccupe

Les effets secondaires décrits ci-dessus ne sont pas considérés comme problématiques et nous partons du principe qu’ ils ne compromettent pas le rapport risque/bénéfice de manière significative, même à long terme. Ce qui nous inquiète davantage, est l’ utilisation croissante de médicaments sans remise en question critique, notamment quand ils doivent être payés par le patient lui-même, sans réglementation. Ainsi, nous pouvons observer, tant dans notre entourage que dans les médias de masse et sur les canaux des médias sociaux, qu’ il existe un énorme engouement pour les médicaments décrits. De ce fait, il n’ est manifestement pas rare qu’ ils soient utilisés sans indication médicale, sous la motivation d’ une auto-optimisation subjective du poids corporel. Alors que le rapport risque/bénéfice est en faveur de l’ administration de médicaments en cas d’ indication médicale, en raison du risque accru pour la santé lié à l’ excès de poids, ce n’ est très probablement pas le cas pour les personnes qui ne présentent qu’ un faible excès de poids et qui n’ ont pas de comorbidités associées, voire qui ont un poids normal. L’ utilisation irréfléchie des médicaments chez les femmes en âge de procréer qui ne pratiquent pas une anticonception consécutive et chez les femmes qui souhaitent encore avoir un enfant est également potentiellement problématique. Comme il n’ existe à ce jour aucune donnée sur l’ utilisation des médicaments pendant la grossesse, le traitement médicamenteux doit être interrompu avant la survenue d’ une grossesse ou au plus tard au moment où celle-ci est constatée. La reprise rapide du poids à laquelle on peut alors s’ attendre pourrait compliquer considérablement le déroulement de la grossesse et, à long terme, influencer défavorablement le développement métabolique de l’ enfant à naître par des mécanismes épigénétiques de la programmation fœtale. Nous pensons qu’ il est urgent de clarifier ce point sur le plan scientifique, afin que les femmes nécessitant un traitement puissent être informées et conseillées de manière adéquate (18). Compte tenu de cette problématique et de l’ improbabilité d’ études d’ application réalisables dans ce domaine, il est d’ autant plus important de collecter et d’ évaluer scientifiquement les grossesses sous GLP-1 RA. Nous souhaitons donc encourager les collègues qui suivent des patientes ayant entamé une grossesse sous traitement actif à les signaler (19).

Où se situe la limite entre le style de vie et l’ indication médicale ?

Nous savons aujourd’ hui très bien que l’ importance quantitative de l’ excès de poids, mesurée par l’ IMC, ne donne que peu d’ informations sur l’ état de santé de la personne concernée. Le modèle de répartition des graisses, le volume des cellules adipeuses, l’ ampleur de l’ inflammation subclinique et de la résistance à l’ insuline, l’ empreinte génétique et épigénétique et de nombreux autres facteurs déterminent si et quand le surpoids ou l’ obésité entraînent des problèmes de santé. Il ne faut cependant pas oublier les limitations fonctionnelles ainsi que les conséquences psychosociales et socio-économiques de l’ obésité, qui compliquent considérablement la vie des personnes concernées. Dans la pratique clinique, il est donc indispensable de procéder à une évaluation minutieuse avant de recommander un traitement et, le cas échéant, de le mettre en œuvre. La liste des spécialités (LS) définit comme critère de prise en charge d’ un traitement par Saxenda® un IMC de >28 (à 35) kg/m2 associé à l’ existence d’ au moins une comorbidité liée à l’ excès de poids comme le prédiabète, la dyslipidémie ou l’ hypertension artérielle (tab. 3). D’ une part, le fait de concentrer le financement du traitement sur les personnes présentant les comorbidités correspondantes est à notre avis judicieux, mais d’ autre part, la limitation explicite à certaines comorbidités peut être problématique. Outre ces comorbidités définies arbitrairement par l’ OFSP, on pourrait également mentionner le syndrome d’ apnée du sommeil ou la stéatose hépatique ou la stéatohépatite comme comorbidités justifiant un financement. Il faudrait également tenir compte des limitations fonctionnelles, telles que la gonarthrose, ainsi que des troubles psychosociaux dus au surpoids. En fin de compte, il incombe comme toujours au médecin de procéder à une évaluation différenciée de l’ indication potentielle d’ un traitement.

Un accompagnement structuré est de plus en plus nécessaire

En règle générale, l’ utilisation des médicaments anti-obésité décrits devrait être accompagnée de manière structurée, comme cela a toujours été le cas dans les études d’ autorisation. La médication influence considérablement le comportement alimentaire de la personne traitée, de sorte qu’ il s’ agit en particulier de ne pas se contenter d’ une modification quantitative de l’ alimentation, mais de procéder également à une adaptation qualitative. Une consultation diététique qualifiée et concomitante et evt. la thérapie d’ entraînement physique peuvent être très efficaces pour soutenir cette démarche (20).

Absence de financement du traitement de longue durée

Actuellement, le financement du traitement médicamenteux de l’ obésité est limité dans le temps à 3 ans maximum. Nous devons malheureusement partir du principe que cela ne changera pas fondamentalement, du moins à court terme. Cependant, étant donné que l’ obésité est une maladie chronique et qu’ il faut s’ attendre à une reprise rapide du poids après l’ arrêt de la médication, une limitation dans le temps du financement du traitement n’ a aucun sens d’ un point de vue médical. Un autofinancement de la thérapie n’ est pas réaliste pour de nombreuses personnes concernées en raison de leur situation socio-économique défavorable et, de notre point de vue, n’ est pas non plus acceptable dans le contexte de l’ exigence de justice sociale. Tout comme les traitements chirurgicaux bariatriques, la faisabilité d’ un traitement médicamenteux ne devrait pas dépendre du statut socio-économique de la personne concernée. Il n’ est pas acceptable que l’ on finisse par dire : « Des médicaments pour les riches, des opérations pour les pauvres”. Pour éviter une telle évolution, il est urgent que l’ obésité soit enfin reconnue comme une maladie chronique par la société, les professionnels de la santé et surtout les décideurs en matière de réglementation.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2023

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pr Dr Bernd Schultes

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Dr. rer. hum. biol. Barbara Ernst

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Pr Dr Gottfried Rudofsky

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Bernd Schultes indique qu’ il donne des conférences pour les entreprises Novo Nordisk et Elli Lilly et qu’ il participe aux comités consultatifs de ces entreprises. Ces entreprises produisent et/ou font de la recherche, entre autres, sur des médicaments destinés au traitement de l’ obésité. Il a également participé en tant qu’ investigateur à des études cliniques de Novo Nordisk. Dr. rer. hum. biol. Barbara Ernst indique avoir participé en tant que coordinatrice d’ études à des études cliniques de la société Novo Nordisk. Gottfried Rudofsky indique qu’ il a donné des conférences pour les sociétés Novo Nordisk et Elli Lilly et qu’ il a participé aux comités consultatifs de ces sociétés. Il a également participé en tant qu’investigateur à des études cliniques de la société Novo Nordisk.

◆ Le développement de nouveaux médicaments anti-obésité représente un énorme progrès dans la médecine de l’ obésité et aidera à traiter la maladie plus efficacement.
◆ Le traitement médicamenteux de l’ obésité devrait toujours être suivi de manière structurée.
◆ Avant de prescrire un médicament, il convient d’ attirer l’ attention sur le fait que cette thérapie doit être considérée comme une thérapie durable et que les coûts de la médication devront probablement être supportés par les personnes concernées après 3 ans de traitement maximum.
◆ Les personnes à traiter doivent être explicitement informées de la reprise probable du poids corporel après l’ arrêt du traitement ainsi que de la situation peu claire concernant une éventuelle grossesse.
◆ Une utilisation des médicaments sans remise en question critique doit absolument être évitée, même dans le domaine du tiers garant.
◆ La possibilité d’ un traitement médicamenteux de l’ obésité ne devrait pas dépendre du statut socio-économique de la personne concernée. Il faut donc viser un financement durable de la thérapie lorsque l’ indication est donnée.

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20. Lundgren JR, Janus C, Jensen SBK, Juhl CR, Olsen LM, Christensen RM, et al. Healthy Weight Loss Maintenance with Exercise, Liraglutide, or Both Combined. New England Journal of Medicine. 2021 May 6;384(18):1719–30.
21. Spezialitätenliste (SL) – Präparate [Internet]. [cited 2023 Feb 6]. Available from: https://www.xn--spezialittenliste-yqb.ch/ShowPreparations.aspx
22. ElSayed NA, Aleppo G, Aroda VR, Bannuru RR, Brown FM, Bruemmer D, et al. 2. Classification and Diagnosis of Diabetes: Standards of Care in Diabetes—2023. Diabetes Care. 2022 Dec 12;46(Supplement_1):S19–40.
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Apports de l’ hypnose et de la réalité virtuelle chez les patients âgés souffrant de troubles psychiques

Les nouvelles technologies sont omniprésentes dans notre vie. Comme outil à visées sociale et thérapeutique la réalité virtuelle (VR) fait partie de ces technologies dont l’ utilisation peut être bénéfique auprès de la population âgée. Plusieurs études démontrent qu’ elle peut réduire des troubles tels que l’ anxiété et la dépression, encourager le lien social chez les ainés et lutter contre l’ isolement. L’ hypnose, quant à elle, s’ avère un outil thérapeutique millénaire remis au gout du jour. Son utilisation dans la prise en soin des patients âgés souffrant de troubles psychiques présente un intérêt indéniable. En revanche, une adaptation des techniques hypnotiques est nécessaire dans cette population.

New technologies are omnipresent in our lives. As a social and therapeutic tool, virtual reality (VR) is one of those technologies that can be used to benefit the elderly population. Several studies show that it can reduce disorders such as anxiety and depression, encourage social interaction among the elderly and combat isolation. Hypnosis is an age-old therapeutic tool that has been revived. Its use in the care of elderly patients suffering from psychological disorders is undeniably interesting. However, hypnotic techniques need to be adapted to this population.
Key Words: virtual reality, disorders, hypnosis, elderly

Thérapie par exposition en réalité virtuelle

La réalité virtuelle (RV) est définie comme un ensemble de matériels technologiques permettant aux individus d’ interagir efficacement avec un environnement tridimensionnel en temps réel géré par un ordinateur (1,2). Si les études sont plus nombreuses dans le cadre de l’ analgésie et les réadaptations cognitive et fonctionnelle, la thérapie par exposition en réalité virtuelle (TERV) constitue une véritable indication thérapeutique en santé mentale. Elle permettrait de limiter le recours aux thérapeutiques médicamenteuses tout en ayant un accompagnement personnalisé du patient.

La TERV à l’ aide d’ un visiocasque (Figure 1) permet au patient de vivre des nouvelles expériences sensorielles et même de voyager dans un environnement dynamique voire ludique. La psychiatrie de la personne âgée peut bénéficier de ses apports thérapeutiques puisqu’ elle permet d’ immerger des patients dans des milieux virtuels d’ une façon accompagnée et contrôlée par le thérapeute. Un état de relaxation n’ est pas nécessaire, même si des suggestions de relaxation ou à un degré supplémentaire en combinant l’ hypnose (HRV) peuvent être associés en fonction du propre registre sensoriel, visuel et/ou auditif du patient.

Comme dans le cadre de l’ hypnose classique, l’ hypnose par RV est une « expérience existentielle » permettant de reprendre contact avec son corps, ses sensations et ses émotions.

Indications

1. Troubles anxieux : Les troubles anxieux sont la première indication psychiatrique de la RV. Les situations ou les objets anxiogènes sont modélisés en images de synthèse, la réalité est ainsi remplacée par un environnement virtuel contrôlé qui permet une exposition progressive aux situations anxiogènes. La TERV serait aussi efficace que les TCC classiques dans plusieurs troubles anxieux : phobies spécifiques, phobie sociale, agoraphobie, syndrome de stress post traumatique et addictions (2,3).

2. La dépression : la TERV permet une amélioration de certains symptômes, notamment le sentiment de dévalorisation et l’ empathie envers soi-même avec une diminution des affects négatifs et une diminution de l’ isolement social (2,4). La RV et sa possibilité de voyages virtuels permettraient de lutter contre l’ immobilité et la démotivation secondaire à la dépression.

3. Trouble somatoforme douloureux chronique : L’ immersion permet un détournement de l’ attention sur l’ univers virtuel et offre au patient la possibilité de s’ y évader mentalement (2). Combiné avec l’ hypnose, les sujets hautement hypnotisables rapportaient moins de douleur lors de l’ utilisation d’ outils hypnotiques (hypnose et HRV), tandis que les sujets faiblement hypnotisables rapportaient moins de douleur lors de l’ utilisation de la RV et de la HRV que l’ hypnose seule ou sans traitement. Il semblerait que la RV et l’ hypnose impliquent des mécanismes différents de réduction de la douleur. La modulation de la douleur pourrait être due à des mécanismes de distraction inhérents à l’ environnement RV, alors que la réponse à l’ hypnose résulterait des capacités de suggestibilité des sujets (5).

4. Troubles cognitifs : La création d’ environnements de test personnalisés permet de reproduire les tâches de la vie quotidienne et d’ améliorer la validité écologique du testing cognitif (6,7). La RV serait particulièrement efficace pour améliorer les fonctions exécutives, attention visuelle et les capacités visuo-spatiales ainsi que les symptômes psychologiques associés comme l’ anxiété ou l’ apathie (2,8,9,10,11). Chez les patients souffrant de démence, l’ univers sensoriel se restreint progressivement par déficit ou par manque de stimulation. Dans le cas de démences avancées, l’ usage de la RV se prête bien compte tenu de son utilisation en apparence récréative procurant une stimulation cognitive se basant, plus particulièrement, sur la réminiscence. L’ usage d’ immersion dans un environnement agréable (plage, montagne), couplant des lieux ou des moments familiers avec des musiques les plus adéquates possibles, permet de faire revivre des moments précieux en présence d’ une personne, proche ou soignant. L’ impact émotionnel de l’ expérience en RV améliore l’ humeur, baisse l’ anxiété et le stress et procure un sentiment de détente tout en diminuant l’ apathie (12,13).

Les principales étapes de la TERV sont résumées dans le tableau 1.

Effets secondaires et contre-indications

L’ expérience de réalité virtuelle en 360° est majoritairement appréciée par les personnes âgées. Parmi les effets secondaires, le plus souvent décrit et qui se majore avec l’ âge est le cybersickness ou cybermalaise, caractérisé par des nausées, maux de tête, transpiration, vertiges et troubles de l’ équilibre. Les troubles visuels préexistants, comme cataracte et troubles de la réfraction, sont des limitations partielles qui nécessitent une adaptation technique comme dans l’ interférence avec les prothèses auditives ou le port de lunettes. Une fatigue et des douleurs musculaires dorsales et nucales, perte du sens de la réalité ou dissociation du réel peuvent aussi se manifester (2). Chez les personnes âgées sensibles à ces effets, il est recommandé de choisir des écrans d’ affichage plutôt que des visiocasques et de proposer des environnements interactifs avec des interfaces ciblées, individualisées et pertinentes en fonction de la problématique psychologique du patient.

Hypnose

L’ hypnose accompagne la médecine depuis l’ aube des temps et sa conceptualisation, ainsi que sa pratique ont constamment évolué. Elle suscite bien souvent de la curiosité, du scepticisme autour d’ une méthode parfois considérée comme mystérieuse voire magique ou bien comme un moyen de contrôler le mental. Pourtant, l’ hypnose est un processus naturel, que chacun expérimente au quotidien ou pouvant être induit. Il n’ y a pas de consensus sur la définition de l’ hypnose, le phénomène étant complexe. Toutefois, la Société d’ Hypnose Psychologique la définit comme « un état de conscience incluant une focalisation de l’ attention ainsi qu’ une attention périphérique diminuée, caractérisé par une capacité accrue à répondre à la suggestion » (14). Grâce à l’ imaginaire et la créativité du patient l’ hypnose permet d’ accéder aux ressources internes, de les mobiliser afin d’ initier un changement pour atteindre un objectif thérapeutique. La relation à l’ autre, la considération du patient dans sa globalité et l’ installation d’ une alliance thérapeutique sont capitales pour favoriser une modification de ses perceptions et représentations internes.

Différents types d’ hypnose et déroulement d’ une séance

L’ hypnose thérapeutique se distingue de l’ hypnose de spectacle qui est directive, autoritaire, avec une mise en scène et utilisation de suggestions directes pour un public sélectionné.
L’ hypnose thérapeutique quant à elle peut être appliquée dans différents buts (Figure 2).
Dans l’ arsenal de l’ hypnothérapeute, on peut retrouver plusieurs façons de pratiquer l’ hypnothérapie :
– les outils hypnotiques : synchronisation de la posture, langage hypnotique, observation, repérage des canaux sensoriels, reformulation, métaphores
– l’ hypnose conversationnelle : fait appel aux techniques linguistiques, relationnelles, de focalisation entre autres
– l’ hypnose formelle : la plus répandue étant l’ hypnose ericksonienne (Tableau 2)
– l’ auto-hypnose : plus facile à pratiquer une fois que l’ apprentissage s’ est fait avec un thérapeute

Particularités de l’ hypnose chez les sujets âgés

Le déroulement de la séance d’ hypnose ainsi que les techniques de bases restent globalement les mêmes que chez l’ adulte (15). Une adaptation est nécessaire lorsqu’ il existe des troubles cognitifs, une modification du niveau de la compréhension et de l’ attention, ou des troubles sensoriels. Il y aurait plutôt une augmentation de la suggestibilité avec l’ âge avec une facilité d’ être dissociés (16). L’ effet de positivité (17) lié à un rappel plus facile des informations positives vécues, est à prendre en compte dans cette population afin de réactiver les réussites ou expériences à vécu émotionnel positif.

Le schéma type de l’ hypnose est souvent bousculé chez nos ainés. Leurs transes sont parfois différentes avec un état hypnotique fréquemment haché (retour à l’ état de veille, discussion), un maintien de l’ ouverture des yeux, surtout lorsqu’ il existe des troubles cognitifs. Avec l’ avancée de la perte cognitive, il convient de choisir le bon moment pour le sujet, favoriser la synchronisation, faire des séances de durée plus courte, en marchant ou en discutant, sans laisser de silence et en utilisant des phrases courtes, répétitives, au contenu positif avec des suggestions directes. Il est également important de privilégier les canaux sensoriels pour l’ induction et la focalisation de l’ attention sauf le gustatif à cause du risque de fausse route. Étant donné qu’ il est moins facile d’ accéder aux images internes et à la confusion, aller rejoindre le patient dans sa réalité, privilégier la communication non verbale et accéder aux capacités restantes paraissent être un bon abord (18).

Principales indications et contre-indications de l’ hypnose chez le sujet âgé

Le spectre de l’ application de l’ hypnose médicale est très varié. Il n’ existe que peu de contre-indications à la pratique de l’ hypnose chez la personne âgée, qui sont les mêmes que chez l’ adulte (Tableau 3).

L’ hypnose peut être utilisée comme un outil thérapeutique supplémentaire aux autres traitements, d’ autant plus que c’ est une approche non-médicamenteuse, rapide, rentable, non addictive, dépourvue d’ effets indésirables et sans dangers (28, 29). Son utilisation lors des soins difficiles, de soins d’ hygiène et de gestes douloureux prend alors tout son sens. D’ où l’ importance de former et sensibiliser les équipes qui interviennent auprès de nos aînés et de leur entourage, surtout les proches-aidants, dans le but d’ investir davantage la relation à l’ autre et faciliter la communication (30).

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Dre Montserrat Mendez

Médecin associée
Service Universitaire de Psychiatrie de l’âge avancé :
SUPAA région ouest
Avenue de Reverdil 8
1260 Nyon

Montserrat.Mendez-Rubio@chuv.ch

Dre Tatiana Baltag

Médecin Adjointe
Centre Hospitalier du Valais Romand (CHVR)
Service de Psychiatrie et Psychothérapie Ambulatoire
Centre de Compétences en Psychiatrie et Psychothérapie (CCPP) Sion et Sierre
Rue de Lausanne 63
1950 Sion

Tatiana.Baltag@hopitalvs.ch

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ La TERV est une approche thérapeutique non invasive et facilement utilisable avec les personnes âgées avec une balance bénéfice-effets secondaires positive dans le traitement des troubles anxieux, les troubles de l’ humeur et le trouble somatoforme douloureux.
◆ Chez les patients souffrant de troubles neurocognitifs, la thérapie de réminiscence facilitée par la TERV permet d’améliorer les symptômes psychologiques accompagnants.
◆ La cybermalaise est l’ effet secondaire le plus fréquent directement lié à l’ âge.
◆ L’ hypnose est un processus naturel caractérisé par un état de conscience modifié induit par les suggestions proposées par le thérapeute et un outil thérapeutique complémentaire, permettant d’appréhender la personne dans sa globalité avec un abord humain.
◆ Une adaptation des séances d’ hypnose pour les aînés en fonction des indications et de l’ état cognitif de la personne est nécessaire.
◆ L’ absence d’ effets indésirables et son faible coût devraient encourager davantage de professionnels à être formés surtout s’ ils interviennent auprès de personnes âgées dont l’ état psychique est fragilisé.

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