L’ eczéma anal 

L’ eczéma (péri-) anal est un motif de consultation assez fréquent dans le cabinet du médecin généraliste. En raison d’ un sentiment de honte et de tabou, le premier contact avec un médecin n’ a souvent lieu que tardivement, lorsque le patient souffre déjà beaucoup. Il n’ est pas facile de poser un diagnostic, car les symptômes décrits et la présentation clinique sont généralement très hétérogènes. Ce bref aperçu se concentre sur la clarification et le traitement approprié en fonction de l’ étiologie de l’ eczéma anal.

Présentation de cas :

Un patient de 77 ans a été vu par les collègues du service de gastro-
entérologie avec des lésions cutanées périanales qui démangeaient beaucoup depuis plusieurs mois. Dans l’ anamnèse le patient décrit un nettoyage très minutieux de ses parties intimes et, en plus du papier de toilette, des lingettes sont utilisés pour le nettoyage quotidien. En outre, il existe une dermatite atopique avec sensibilisation de type I au pollen.
Cliniquement, on observe un érythème périanal avec des lésions éparses, avec des bords indistincts (fig. 2). Des hemorroïdes ou d’ autres affections proctologiques ont déjà été exclues par les collègues de la gastro-entérologie. Comme une sensibilisation de contact semblait possible sur la base de l’ anamnèse, un examen épicutané a été effectué.
Cet examen a révélé une sensibilisation de contact à divers composants de produits topiques dans la zone périanale, en particulier à la méthylisothiazolinone (lingettes humides) et le mélange de parfums/colophane (ingrédient de nombreuses crèmes) (fig. 1). Le diagnostic d’ eczéma anal allergique de contact a donc été posé et on a conseillé au patient d’ arrêter tous les produits de soins de la peau et de passer à la vaseline simple pour les soins de la peau. Avec ces mesures, ainsi qu’ une application à court terme d’ un stéroïde topique de classe II, une guérison complète est survenue en quelques semaines.

Sur la base de l’ étiologie on distingue 3 formes d’ eczéma anal.
L’ eczéma anal allergique de contact est causé par des ingrédients (soins de la peau ou parfums) de crèmes à application topique, d’ agents proctologiques ou de lingettes humides. Selon le moment de son apparition, l’ eczéma anal peut avoir une évolution aiguë ou chronique, cliniquement, la limite est floue (fig. 2). Il est important de recueillir des informations détaillées, d’ identifier l’  allergène et de faire un test épicutané pour identifier l’ allergène. Les allergènes de contact sont nombreux. Outre les divers parfums, les anesthésiques locaux tels que la lidocaïne et la benzocaïne, le thiomersal (également le thimérosal), la méthylisothiazolinone (conservateurs dans certaines crèmes et médicaments), le baume du Pérou (Myroxylon pereirae), l’ extrait de camomille et le menthol ont été décrits comme provoquant des allergies (1, 3).

L’ eczéma anal atopique se rencontre souvent chez les patients ayant une prédisposition atopique. En plus des sites de prédilection typiques de l’ eczéma atopique, comme le visage, les coudes et les jambes, l’ arrière des genoux, la zone anogénitale est également fréquemment touchée (fig. 3).

Dans l’ eczéma anal atopique, le patient se plaint généralement d’ un prurit sévère. D’ autre part, l’ inspection ne révèle souvent que des troubles discrets cutanés discrets. En cas d’ évolution chronique et de prurit important, il n’est pas rare de trouver un eczéma lichénifié (1, 2).

L’ eczéma anal toxique cumulatif se produit généralement à la suite de divers facteurs, qui provoquent une irritation à long terme de la peau périanale. Il y a souvent une incontinence fécale ou un problème anatomique, des changements tels que des hémorroïdes ou marisques, qui interfèrent avec l’ hygiène anale et conduisent ainsi à une macération généralement bien délimitée de la peau périanale (fig. 4). D’ autres causes peuvent être une transpiration augmentée (p.ex., en cas d’ obésité) ou un manque de l’ hygiène intime ou l’ excès d’ hygiène avec des détergents agressifs ou du papier toilette rugueux.
Comme diagnostic différentiel une infection par Candida ou par des streptocoques, dans le sens d’ une dermatite périanale streptogène doit aussi être envisagée (1, 2).

Le diagnostic

Afin d’ éviter les rechutes et la chronification de l’ eczéma anal, la recherche de la cause déclenchante doit se faire au moyen d’ une méthode aussi standardisée que possible.

Une anamnèse détaillée est essentielle afin d’ identifier la cause de l’ eczéma anal. En plus de la date de l’ apparition et l’ évolution de l’ eczéma il faut rechercher les symptômes principaux tels que des démangeaisons, des brûlures, des suintements et des douleurs. L’ anamnèse doit examiner la possibilité d’ une éventuelle diathèse atopique et le type d’ hygiène anale (excessive/insuffisante). En outre, l’ anamnèse doit chercher des troubles proctologiques (hémorroïdes, fistules anales, etc.), et adresser le comportement sexuel (rapports anaux, lubrifiants, utilisation de préservatifs), les maladies sexuellement transmissibles dans les antécédents personnels et pour les personnes âgées de plus de 50 ans, une coloscopie antérieure. L’ examen standard comprend l’ inspection et le toucher rectal, qui sont faciles à réaliser dans le cabinet du médecin généraliste. L’ inspection doit idéalement porter sur l’ ensemble du tégument. Ainsi, dans le cas du psoriasis, par exemple en plus des points de prédilection typiques sur les côtés extenseurs des extrémités (coude, genou) ou sur l’ os du sacrum, des modifications cutanées typiques sont également fréquemment observées dans la région anogénitale (fig. 5). Un frottis, par exemple pour détecter une dermatite streptococcique périanale, peut contribuer à clarifier la situation. Le prélèvement d’ un échantillon dans le cas de tinea corporis (fig. 6) ou de candidose doit être effectuée en cas de doute.

En cas de suspicion d’ eczéma anal allergique de contact, un test épicutané doit être réalisé dans le cadre du bilan de base. Il devrait comprendre la série standard, la série des fragrances et inclure les préparations ainsi que les produits de soins de la peau du patient. La proctoscopie et la rectoscopie sont réservées aux médecins expérimentés. En cas de doute, il convient d’ orienter le patient vers une consultation proctologique. Ceci s’ applique en particulier lors d’ anomalies à la palpation dans le canal anal, s’ il s’ agit d’ un patient VIH, si l’ on suspecte une néoplasie intraépithéliale anale (NIA) et lors de résultats qui ne répondent pas au traitement dans un délai adéquat. Les biopsies doivent également être réalisées par un dermatologue ou un proctologue (fig. 7).

La thérapie

Les mesures décrites ci-dessous sont également valables pour toutes les variantes de l’ eczéma. Hygiène anale appropriée : un nettoyage excessif de la zone intime, ainsi qu’ une hygiène anale insuffisante peuvent souvent favoriser l’ eczéma anal et doivent être corrigés. Le nettoyage quotidien à l’ eau claire, sans savon est recommandé. La peau doit ensuite être séchée à l’ aide d’ une serviette ou d’ un sèche-cheveux à air froid. Les vêtements serrés doivent, si possible, être évités. Les sous-vêtements permettant d’ évacuer la transpiration, en coton par exemple, sont à privilégier.

Éviter les substances toxiques cumulées et les allergènes de contact : L’ évitement de ces substances est la condition préalable du traitement d’ un eczéma anal allergique de contact. L’ utilisation de lingettes humides, de nettoyants et de déodorants parfumés doit être arrêtée.

Le traitement des maladies proctologiques : Les plus courantes sont les hémorroïdes qui provoquent des démangeaisons, des douleurs, des saignements ou une sensation de défécation incomplète. La présence d’ une fistule anale ou d’ un sinus pilonidal peut également entraîner un suintement et ainsi une macération cutanée, qui peut à son tour entraîner un eczéma périanal (1). Une perturbation de la continence pour de diverses raisons peut provoquer un changement de l’ environnement humide et favoriser ainsi le développement de l’ eczéma périanal.

Le traitement topique

Le traitement topique dépend de l’ étiologie sous-jacente et de la morphologie de la dermatose (fig. 8). En cas de lésions cutanées aiguës suintantes ou de transpiration abondante dans la région anale, des astringents peuvent être appliqués sous la forme de bains de siège (Tannosynt liquide, 1-2x/jour). Les tanins contenus dans le thé noir ont également un effet asséchant et peuvent être appliquées sous forme de compresses humides. En outre, les préparations à base de zinc, anti-inflammatoires et le plus souvent sans allergènes, favorisent la cicatrisation des plaies. Les topiques avec différents contenus en eau et en graisses sont disponibles (pâte pour plaies d’ oxyplastine, pâte ZinCream Medinova), qui peuvent être appliqués plusieurs fois par jour. Si l’ on soupçonne un eczéma de contact, il faut appliquer, si possible, notamment avant les tests épicutanés, uniquement des topiques sans allergènes, tels que la formulation de base d’ huile dans de l’ eau Unguentum emulsificans aquosum (formulation magistrale Ung. Emulsificans, p.ex. 30 ad Aqua 100) ou de la vaseline blanche. Comme thérapie anti-inflammatoire pour tous les eczémas (péri-)anaux, mais surtout l’ eczéma atopique, les stéroïdes de classe II sont utilisés à court terme. L’ application 1x/jour ne doit pas dépasser une période de 2 à 3 semaines (diminution progressive) (hydrocortisone, p.ex. Locoid émulsion fluide ou crème 0.1%) (4).

Il existe un certain nombre de produits combinés sur le marché, principalement pour le traitement des hémorroïdes, qui associent des stéroïdes et des anesthésiques locaux ou des antiseptiques (Scheriproct, Synalar, Faktu ong avec disp). D’ une part, ces préparations sont efficaces en ce qui concerne les effets analgésiques et antiprurigineux, mais d’ autre part elles ne doivent pas être utilisées en présence d’ infections bactériennes ou de mycoses concomitantes. En outre, il existe un risque d’ allergie de contact, et la durée de l’ application ne doit pas dépasser 2 semaines (5).

Les inhibiteurs de la calcineurine tels que le Tacrolimus (Protopic®) et le Pimecrolimus (Elidel®) sont utilisés dans l’ eczéma persistant (péri-) anal pour économiser les stéroïdes. Non seulement dans l’ eczéma atopique ou de nombreuses autres dermatoses inflammatoires, les deux agents présentent un effet anti-inflammatoire élevé sans les effets secondaires typiques des stéroïdes ou une absorption systémique importante. En outre, les inhibiteurs topiques de la calcineurine n’ entrainent pas assez souvent une amélioration rapide du prurit, qui est un symptôme majeur de l’ eczéma anal. Cependant, sauf dans le cas de la genèse atopique, il s’ agit d’ une utilisation Off-label (6, 7).

Article traduit de « der informierte arzt » 03-2021

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. univ. Julia Kandinger

Julia Kandinger
Hausarztpraxis Grossfeld
Grossfeldstrasse 1
7310 Bad Ragaz

julia.kandinger@hin.ch

Prof. Dr. med. Dr. sc. nat. Antonio Cozzio

Kantonsspital St. Gallen
Rorschacher Strasse 95
Haus 20
9007 St. Gallen

antonio.cozzio@kssg.ch

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ Le diagnostic de l’ eczéma (péri-)anal est souvent retardé par l’ autothérapie personnelle du patient ainsi qu’ un tabou social ou un sentiment de honte.
◆ Afin d’ éviter la récurrence et la chronification de l’ eczéma anal, la recherche de la cause déclenchante doit se faire au moyen d’ une clarification standardisée (frottis/test allergique/biopsie).
◆ La thérapie topique est basée sur les instructions d’ une hygiène anale correcte ainsi que sur les résultats après avoir déterminé l’ étiologie et la morphologie sous-jacentes de de la dermatose.
◆ En cas de constatations palpatoires dans le canal anal, chez les patients VIH, lors de suspicion de néoplasie intraépithéliale anale (NIA) et de résultats qui ne répondent pas aux traitements médicaux dans un délai adéquat, une orientation vers une consultation de proctologie pour évaluation et, si nécessaire, une biopsie est indiquée.

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8. Niedner R, Ziegenmeyer J. Dermatika, Therapeutischer Einsatz, Pharmakologie und Pharmazie, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft Stuttgart;1992 (Fig. 4)

Les troubles du sommeil et de l’  éveil  – Une mise à jour

Les médecins généralistes rencontrent régulièrement des patients souffrant de troubles du sommeil dans leur cabinet. Les patients se plaignent le plus souvent de fatigue, de somnolence, de difficultés à s’  endormir ou à rester endormi, ou d’  un réveil précoce. Avec une prévalence globale d’  environ 44% dans les cabinets de médecine générale suisses, les troubles du sommeil sont une maladie fréquemment rencontrée (1).

Tout d’   abord, il est important de clarifier les termes avec le patient : la fatigue diurne décrit une fatigue mentale et physique précoce, tandis que la somnolence diurne décrit une forte tendance à s’  endormir à des moments inappropriés. Les causes des troubles du sommeil sont multiples et requièrent une approche systématique afin de pouvoir établir un diagnostic et d’  initier  un traitement adapté (fig. 1).

Anamnèse du sommeil

En plus d’   une anamnèse complète, tenant compte des médicaments pris et de la situation professionnelle (travail posté, charge de travail quotidienne/hebdomadaire), un agenda du sommeil sur 2 semaines constitue une première étape diagnostique. Il convient de reprendre avec le patient le déroulé d’un cycle de 24 heures et de recueillir les éléments suivants : heures de coucher et de lever, latence d’  endormissement, sensations désagréables ou mouvements des jambes au repos, durée d’  éveil, la fréquence des visites aux toilettes, le temps de latence pour s’  endormir après s’  être réveillé pendant la nuit, les rêves pénibles et les rêves agités (2). Une durée de sommeil allongée de plus de 90 minutes pendant le week-end comparativement à la semaine fournit des indications d’  une éventuelle insuffisance de sommeil.

Les commentaires d’  un ou d’  une partenaire fournissent également des indications importantes : ronflement, pauses respiratoires nocturnes et mouvements pendant le sommeil. Alors que les parasomnies comme le somnambulisme et les terreurs nocturnes affectent jusqu’ à 10 % des enfants (3), des comportements anormaux pendant le sommeil, tels que la réalisation des rêves chez les adultes doivent être clarifiés par un spécialiste du sommeil.
L’  anamnèse du sommeil est complétée par le recueil des antécédents médicaux (maladies chroniques, douleurs). De nombreux médicaments perturbent le sommeil ou sont sédatifs et peuvent ainsi provoquer une somnolence diurne (tab. 1). En outre, les valeurs des fonctions hépatiques et rénales, les paramètres du bilan martial, y compris la ferritine, la vitamine D, la tension artérielle, le TSH, le poids et la taille du corps doivent être déterminés. Un examen rapide de la gorge donne une indication de l’  étroitesse des voies aériennes supérieures. Ceci, associé à un tour de cou important rend la présence de troubles respiratoires liés au sommeil plus probable (4, 5).

Le patient insomniaque

Une grande partie des patients souffrant de troubles du sommeil et de l’  éveil se plaignent de difficultés à s’  endormir, à dormir toute la nuit ou d’  un réveil précoce. Si les symptômes persistent pendant plus d’  un mois, et si la qualité de vie en journée du patient est altérée, une insomnie peut être diagnostiquée (6). Il est important d’  évaluer l’  insomnie non seulement comme un symptôme concomitant, secondaire d’une pathologie sous-jacente, mais aussi comme une maladie diagnostiquée indépendante. En effet, une insomnie non traitée peut entraîner une dépression et l’  aggravation de comorbidités (7-9). Une étude récente montre une prévalence de 36% des symptômes d’  insomnie dans les cabinets de médecins généralistes, 11% remplissant les critères de l’  insomnie chronique (10).

À l’  aide de l’  anamnèse du sommeil, il est possible de faire la distinction entre un problème d’  insomnie chronique et un trouble du rythme circadien ou du rythme veille-sommeil (travail posté), un manque de structuration quotidienne des rythmes avec des heures de lever irrégulières et un chronotype tardif («night owl»).

Syndrome des jambes sans repos

Les troubles du mouvement liés au sommeil, tels que le syndrome des jambes sans repos (SJSR) ou des mouvements périodiques de jambes, sont des causes souvent méconnues d’  un trouble de l’  endormissement ou du maintien du sommeil (11). Les quatre critères cliniques obligatoires pour le diagnostic du SJSR sont :
(i) dysesthésies dans les jambes associées à un besoin irrésistible de bouger les jambes (ii) survenant exclusivement au repos et pendant la relaxation (iii), améliorées par le mouvement et (iv) s’  accentuant en soirée. Des antécédents familiaux de SJSR, une réponse au traitement dopaminergique et la preuve par polysomnographie de mouvements périodiques des jambes pendant le sommeil appuient le diagnostic (12). Des causes secondaires du SJSR peuvent être une carence en fer, une insuffisance rénale grave, certains médicaments (ISRS, neuroleptiques, antiémétiques et effets paradoxaux du traitement dopaminergique) ou survenir lors d’  une grossesse ; ces situations se distinguent du SJSR idiopathique. Quelle qu’ en soit la cause, une supplémentation en fer par voie orale est toujours recommandée au départ si le taux de ferritine est inférieur à 75 µg/mL.

Un traitement symptomatique supplémentaire est administré en fonction de la gravité et des comorbidités, et consiste principalement en un traitement dopaminergique ou avec des alpha-2-delta ligands (gabapentine, prégabaline). Avec ces derniers, le risque de syndrome d’augmentation (réaction paradoxale avec expansion temporelle et topographique des symptômes) est nettement plus faible (13).

Situations de stress

L’  insomnie est souvent associée à un trouble de l’  humeur ou de l’  anxiété, qui ne remplit toutefois pas les critères d’  une pathologie mentale primitive. Les cauchemars font également partie de cette catégorie :
ils doivent être pris au sérieux et peuvent être traités efficacement par Imagery Rehearsal Therapy (14). L’  indice ISI (Insomnia Severity Index) permet d’  évaluer la gravité de l’  insomnie (15). Selon les lignes directrices, une polysomnographie est uniquement recommandée en cas de suspicion d’  un trouble respiratoire sous-jacent lié au sommeil, d’une suspicion de mouvements au cours du sommeil ou s’  il n’  y a pas d’  amélioration avec le traitement (16).

Thérapie cognitivo-comportementale

La thérapie de choix pour le traitement de l’  insomnie est la thérapie cognitivo-comportementale de l’  insomnie (TCCI). Son efficacité a été démontrée à la fois à court et à long terme et chez les patients plus âgés (17). Ses éléments-clés sont la restriction du temps passé au lit (augmenter la pression du sommeil en réduisant le temps passé au lit) et le contrôle du stimulus (utiliser le lit uniquement pour dormir). Plus d’  informations sur l’  éducation au sommeil, les recommandations d’  hygiène du sommeil et les exercices de relaxation sont également enseignés. Les programmes TCCI en ligne (www.somn.io, www.ksm-somnet.ch) se sont révélés efficaces lors d’  essais cliniques (18,  19). En outre, des applications sont déjà disponibles (7Schläfer, sleepio). Une thérapie médicamenteuse peut soutenir la TCCI, mais n’  est pas recommandée pour un traitement à long terme. Les somnifères peuvent être utiles pour une intervention à court terme, d’  une durée maximale de 4 semaines. Les médicaments de type composés Z (zopiclone, zolpidem) sont préférables aux benzodiazépines classiques en raison du profil d’  effets secondaires et du potentiel de dépendance de ces dernières. Les antidépresseurs stimulant l’  endormissement, comme la trazodone, constituent une alternative efficace pour améliorer la qualité du sommeil (16). Bien que la TCCI est recommandée dans les directives, seulement 1% des patients dans les cabinets de médecine générale suisses reçoivent actuellement ce traitement (10).

Le patient hypersomniaque

La somnolence diurne excessive désigne une pression de sommeil accrue avec une tendance insurmontable à dormir pendant la journée (6). Cela entraîne une diminution des performances et de la participation dans les tâches et activités de la vie quotidienne, au travail (circulation routière) et dans la société. L’  échelle de somnolence d’  Epworth (ESS) mesure la probabilité subjective de s’  endormir dans différentes situations (20). La somnolence excessive pendant le jour est définie par un score sur l’ESS ≥ 10 (échelle de 0 à 24). La cause la plus fréquente de la somnolence diurne excessive chez les jeunes est l’  insuffisance chronique de sommeil (21, 22). En revanche, la fatigue diurne fait référence à l’  épuisement mental et physique. La fatigue peut être évaluée par le score de gravité de la fatigue (Fatigue Severity Scale, FSS) (23).

Troubles respiratoires liés au sommeil

Les troubles respiratoires liés au sommeil font partie des étiologies fréquentes de somnolence diurne excessive et de fragmentation du sommeil. Il s’  agit le plus fréquemment d’  interruptions ou de limitations de la respiration (apnées et hypopnées) pendant le sommeil. Le plus fréquent de ces troubles, le syndrome d’  apnées obstructives du sommeil est diagnostiqué lorsque l’  index d’  apnée-hypopnée (IAH) est > 15/h ou lors d’  un IAH > 5/h en plus d’  un autre symptôme typique (6) : ronflement, pauses respiratoires observées par l’  entourage, prise de poids, nycturie, bouche sèche et maux de tête. Les femmes présentent souvent des symptômes moins prononcés que les hommes (voir l’  étude de cas ci-dessous).
Chez les femmes, l’  apnée obstructive du sommeil peut se présenter de manière atypique sous forme de troubles du sommeil ou de somnolence diurne. S’  il y a une faible probabilité pré-test d’  apnée du sommeil (STOP-BANG test), une polysomnographie est recommandée. Si la probabilité pré-test est élevée, une polygraphie respiratoire ambulatoire peut être réalisée (24, 25). La polysomnographie peut également être utilisée pour différencier l’  apnée centrale du sommeil ou le syndrome d’  hypoventilation associé au sommeil. Concernant le traitement de l’  apnée du sommeil modérée à sévère (IAH > 15/h), une ventilation nocturne en pression positive continue ou, en fonction de la limitation du débit respiratoire, une orthèse d’avancée mandibulaire est recommandée. D’  autres mesures d’  accompagnement sont : la réduction du poids (une réduction de 10 % réduit de moitié l’  IAH et entraîne souvent une amélioration des symptômes (26)), l’  exercice physique régulier, l’  entraînement des muscles des voies aériennes supérieures, l’  arrêt de la consommation d’  alcool en soirée et des médicaments myorelaxants (notamment les benzodiazépines).

Hypersomnies

L’  hypersomnie centrale est un diagnostic différentiel rare mais important de somnolence diurne excessive. La narcolepsie, qui est principalement due à une réaction auto-immune contre les neurones hypocrétinergiques de l’  hypothalamus, fait partie de ce groupe de maladies. Elle se divise en deux sous-types : dans le cas de la narcolepsie de type 1 (NT1), des cataplexies surviennent en plus d’  une somnolence diurne excessive. Il s’  agit de courts épisodes de perte de tonus musculaire avec une conscience préservée, déclenchés principalement par une expérience émotionnelle claire (positive). Les autres symptômes pouvant survenir au cours du sommeil et de l’  éveil sont des paralysies du sommeil (hypnagogiques ou hypnopompiques, si elles surviennent respectivement à l’  endormissement ou au réveil), des hallucinations liées au sommeil et la fragmentation de sommeil. La détection d’  une diminution du niveau d’  hypocrétine dans le liquide céphalo-rachidien (≤ 110 pg/ml) est spécifique de la NT1. En revanche, les patients atteints de narcolepsie de type 2 ne présentent pas de cataplexies ni de taux abaissés d’  hypocrétine. Les symptômes sont moins prononcés que ceux des patients souffrant de NT1 (27, 28). Un autre sous-type important d’  hypersomnie centrale est l’  hypersomnie idiopathique, qui se caractérise par un sommeil non réparateur, de longues périodes de sommeil (> 10 heures) et une somnolence diurne excessive. Les patients présentent généralement un réveil difficile (ivresse de sommeil au réveil) et une somnolence prolongée (29). La narcolepsie de type 2 et l’  hypersomnie idiopathique sont toutes deux des diagnostics d’  exclusion et requièrent un recours à un service spécialisé en médecine du sommeil, avec polysomnographie et réalisation de tests diurnes évaluant la vigilance. Les patients bénéficient d’  un traitement par des médicaments stimulants de l’  éveil.

Livia G. Fregolente, MD
Dipl. Biol. Albrecht P. A. Vorster
Dr. med. Jurka Meichtry
Prof. Dr. med. Claudio L. A. Bassetti
Universitätsklinik für Neurologie, Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18, 3010 Bern
claudio.bassetti@insel.ch

Article traduit de « der informierte arzt » 08-2021

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Livia G. Fregolente, MD

Universitätsklinik für Neurologie
Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18
3010 Bern

Dipl. Biol. Albrecht P. A. Vorster

Universitätsklinik für Neurologie
Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18
3010 Bern

Les auteurs n’   ont déclaré aucun conflit d’   intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’  anamnèse est un élément central de l’  évaluation d’  un trouble du sommeil et de l’  éveil ainsi que la réalisation d’un agenda du sommeil pendant deux semaines.
◆ L’ anamnèse médicale est complétée par des questionnaires spécifiques (Epworth-Sleepiness Scale, Fatigue Severity Score, Insomnia Severity Index).
◆ Si les tableaux cliniques suivants sont suspectés, nous recommandons d’adresser le patient à un centre de sommeil et de l’éveil pour une co-évaluation : hypersomnie d’origine centrale, syndrome d’augmentation d’  un SJSR, trouble respiratoire associé au sommeil ayant une faible probabilité pré-test, parasomnies, insomnie chronique.
◆ Pour les patients souffrant d’  insomnie, la thérapie cognitivo-comportementale est la thérapie de premier choix, qui est désormais également disponible en ligne.

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Polyarthrose de la main

La polyarthrose de l’ articulation de la base du pouce et des articulations interphalangiennes est la cause la plus fréquente de douleur et de déficience fonctionnelle de la main, surtout chez les femmes ménopausées. Le traitement conservateur comprend l’ ergothérapie, les anti-inflammatoires topiques et les injections intra-articulaires de stéroïdes à effet retard. Sur le plan chirurgical, on pratique généralement une arthroplastie sur les articulations IPP, une arthrodèse sur les articulations IPD et une trapézectomie combinée à une interposition de suspension sur l’ articulation de la base du pouce.

La polyarthrose des articulations des doigts est l’  une des maladies les plus courantes de la main, entraînant des douleurs et une gêne fonctionnelle. Bien qu’ elle ne réduise pas la mobilité, elle réduit considérablement la qualité de vie. La prévalence des signes radiographiques de polyarthrose avec rétrécissement de l’ interligne articulaire, ostéophytes et sclérose sous-chondrale est globalement élevée mais varie fortement selon les régions (de 21 % aux États-Unis à 92 % au Japon). La polyarthrose symptomatique, en revanche, est beaucoup moins fréquente, avec une prévalence de
3 à 16 %. Le risque à vie de développer une polyarthrose symptomatique à l’ âge de 85 ans est de 47 % pour les femmes et de 25 % pour les hommes, avec un pic pour les femmes à l’ âge de 50 ans (1).
La pathogenèse de la polyarthrose des doigts est multifactorielle, mais les détails sont encore inconnus. L’ arthrose des doigts est la plus héréditaire, puisqu’ elle représente environ 60 %. La réponse inflammatoire, qui est présente mais beaucoup plus modérée que dans la polyarthrite rhumatoïde, reste controversée en tant que facteur pathogénique et est également considérée comme une conséquence de la destruction des articulations. Outre la génétique, le stress mécanique excessif est probablement le facteur connu le plus important, comme en témoigne la main dominante plus fréquemment touchée. La destruction du cartilage s’ accompagne de la formation d’ ostéophytes marginaux qui peuvent irriter la capsule articulaire et provoquer des douleurs. Au stade final, les composantes articulaires s’ écrasent l’ un sur l’ autre avec des sillons parfois profonds (fig. 1), affectant la mobilité plus que la stabilité. La forme érosive de la polyarthrose, en revanche, présente une destruction plus rapide des parties osseuses également, ce qui entraîne plus fréquemment une instabilité articulaire (1).


Cliniquement, on observe une enflure, des déformations et la formation de nodosités dorsolatérales de plusieurs articulations terminales (d’ Heberden) et médianes (de Bouchard) des doigts ; très rarement, une articulation métacarpophalangienne peut être atteinte de manière isolée. Des ganglions (kystes mucoïdes) peuvent se former au niveau des articulations terminales, qui se perforent dans de rares cas et déversent un liquide gélatineux. Au stade avancé, notamment dans la forme érosive, il peut en résulter une instabilité, une subluxation et une luxation, mais aussi une fusion spontanée, ce qui entraîne une gêne fonctionnelle considérable. Dans le cas d’ une arthrose de l’ articulation de la base du pouce (rhizarthrose), la douleur est proéminente lors de la prise en tenaille ou en pince. La douleur palpatoire est plus facilement provoquée dans la zone de l’ articulation palmo-radiale, un test beaucoup plus sensible que le test par broyage. Au stade avancé, on peut observer une subluxation de l’ articulation de la base du pouce dans le sens radial-dorsal, une contracture d’ adduction du métacarpien I et une hyperextension compensatoire de l’ articulation métacarpophalangienne (déformation en Z), ce qui est associé à un handicap fonctionnel sévère, car la 1ère commissure ne peut pratiquement plus être ouverte. La rhizarthrose accompagne souvent l’ arthrose de l’ articulation STT, mais elle est moins souvent symptomatique et peut être différenciée de la première par une extension du poignet et une abduction radiale douloureuses. Les symptômes et la douleur ne sont que modérément corrélés avec la gravité radiographique de l’ arthrose. Si la chirurgie est indiquée et planifiée, des radiographies conventionnelles dans 2 plans (doigt, pouce exactement postérieur-antérieur latéralement) ainsi que le poignet exactement postérieur-antérieur latéralement sont nécessaires pour l’ évaluation de l’ articulation STT.

Traitement conservateur

Le traitement conservateur consiste à préserver les fonctions, à réduire la douleur et à fournir un suivi et une éducation à long terme au patient. La mesure la plus durable pour préserver la fonction de la main est d’ encourager le patient à utiliser ses mains régulièrement et de manière aussi diversifiée que possible, que ce soit dans la vie quotidienne ou pour les travaux manuels, mais aussi pour le sport ou le jardinage. L’ ergothérapie (conseils ergonomiques, distribution d’ aides, pose d’ attelles et d’ orthèses de stabilisation) (fig. 2) peut compenser une détérioration temporaire ou rétablir des fonctions, mais n’ est souvent pas disponible à long terme. Par conséquent, la motivation du patient à rester indépendant et actif, à maintenir un programme d’ exercices quotidiens gérables par lui-même (mobilisation et renforcement avec de la pâte à modeler/une balle en mousse plastique) est très importante et a un impact significatif sur l’ indépendance et la qualité de vie (2).


L’ évolution de la polyarthrose est généralement cyclique, avec des intervalles prolongés oligosymptomatiques. Les épisodes douloureux sont accompagnés d’ une augmentation de la raideur et de l’ enflure des articulations des doigts. La douleur doit être réduite par le port de doigtiers compressibles la nuit, et la mobilité doit être entraînée avec des bandages élastiques de type Quengel ainsi qu’ au moyen de pâte à pétrir en silicone. L’ application locale d’ onguents contenant des AINS et de la capsaïcine doit être préférée à l’ administration systémique (2, 3).
Les exacerbations de la douleur, surtout lorsqu’ elles sont associées à des douleurs de repos et de nuit, peuvent être efficacement réduites par des injections intra-articulaires d’ une préparation de cortisone retard. Bien que cet effet soit controversé dans la littérature (4), notre expérience est très bonne à cet égard. L’ infiltration d’ une articulation de la base du pouce douloureuse est efficace au bout de 2 à 3 jours et produit souvent un effet sur plusieurs mois. De nombreux patients se débrouillent à plus long terme avec 2 ou 3 infiltrations par an. Les infiltrations au niveau des articulations IPD et IPP et celles avec des préparations d’ acide hyaluronique sont un peu moins efficaces (fig. 3).

Traitement chirurgical

Un traitement conservateur de la douleur ayant perdu son efficacité est la principale indication de la chirurgie, ainsi que la destruction prononcée et l’ instabilité subséquente des articulations (forme souvent érosive). Les ganglions articulaires/kystes mucoïdes ne sont excisés que s’ ils sont douloureux, très gros ou perforants. Cela peut être combiné avec une synovectomie, l’ ablation des ostéophytes et la dénervation. En règle générale, l’ arthroplastie (remplacement de l’ articulation) est effectuée sur l’ articulation IPP. La plupart de l’ expérience a été acquise avec les prothèses silastiques utilisées depuis les années 1960, des charnières flexibles et monoblocs en silicone, qui sont insérées dans les cavités médullaires adjacentes sans ostéointégration (fig. 1). Elles présentent un faible taux de complications, permettent une amplitude de mouvement moyenne de 60° (fortement dépendante de l’ amplitude de mouvement préopératoire) et gardent un effet thérapeutique à 10 ans d’ environ 90 % (5, 6). Le remplacement de la prothèse est plus facile que celui des prothèses de surface (2 pièces, couple d’ usure PE métal ou pyrocarbone) car il n’ y a pas de connexion fixe à l’ os. Le seul avantage des prothèses de remplacement de surface est une plus grande stabilité (surtout latérale), c’ est pourquoi elles sont installées surtout à l’ articulation IPP de l’ index ou du majeur. Le taux de révision est légèrement plus élevé, et la mobilité et le taux de survie sont légèrement moins bons qu’ avec les prothèses silastiques (7). Si le profil de charge est élevé (travailleur manuel), on peut également envisager une arthrodèse, qui est très stable et présente un faible taux de révision (8). Au niveau de l’ articulation DIP, une arthrodèse est généralement réalisée à 0°, mais dans le cas d’ un profil de charge spécial/élevé (artisan), elle peut être réalisée en légère flexion de 10-30°. Si une mobilité est nécessaire au niveau de l’ articulation IPD (musicien, instrument à cordes), une prothèse silastique peut également être utilisée. La durabilité est similaire à celle de l’ articulation IPP, et l’ amplitude de mobilité est d’ un bon 30° (9).
Au niveau de l’ articulation de la base du pouce, la trapézectomie, généralement associée à une suspension et à des interpositions avec un tendon autologue, est l’ intervention la plus courante avec une réduction fiable de la douleur et un faible taux de révision (10). De même, l’ arthrose coexistante de l’ articulation STT peut être co-traitée. L’ inconvénient potentiel de la trapézectomie est la réduction résiduelle de la force de préhension lors de la pince pouce-index et de la prise en tenaille. Les prothèses de la base du pouce de différents types (joint à rotule en 2 parties, interposition pyrocardienne, remplacement du trapèze) peuvent avoir une bonne fonction initiale mais ne sont toujours pas standard en raison du taux de révision plus élevé (11).
Si une rhizarthrose sévère avec subluxation et déformation en Z est présente, elle doit être stabilisée en plus par une capsulodèse ou une arthrodèse dans l’ articulation métacarpienne (fig. 3). Dans le cas d’ un profil de charge élevé (artisan, agriculteur), l’ arthrodèse robuste de l’ articulation de la base du pouce est souvent utilisée. En ce qui concerne les résultats cliniques, aucune différence significative n’ a été constatée à ce jour entre les techniques susmentionnées (10). Au stade initial de la rhizarthrose, une ostéotomie basale étendue de l’ os metacarpien I (fig. 4) peut augmenter la surface de contact de l’ articulation et ainsi obtenir une réduction de la douleur (12). La stabilisation ligamentaire (lig. intermetacarpale I-II) de l’ articulation a un effet similaire en améliorant la congruence des surfaces articulaires. Malgré de bons résultats, ces interventions ne sont pas très courantes car elles doivent être réalisées à un stade plus précoce.

Article traduit de « der informierte arzt » 04_2021

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Pr Dr Andreas Schweizer

Hôpital universitaire Balgrist
Forchstrasse 340
8008 Zurich

andreas.schweizer@balgrist.ch

L’ auteur a déclaré recevoir de Medacta des honoraires de consultation par cas pour les ostéotomies par guide 3D.

◆ La douleur et la gêne fonctionnelle des articulations des doigts dues à la polyarthrose sont principalement traitées de manière conservatrice.
◆ Les anti-inflammatoires locaux, les attelles, les bandages de compression décongestionnants et l’ ergothérapie sont utilisés.
◆ Les options chirurgicales comprennent l’ arthroplastie, l’ arthrodèse et la chirurgie des tissus mous, la première étant indiquée principalement au niveau des articulations IPP et de la base du pouce, la seconde au niveau de l’ articulation IPD.

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Faut-il un dépistage de l’ anévrisme de l’ aorte abdominale ? 

L’ anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) représente encore un risque important de mortalité pour les hommes de plus de 65 ans, malgré une prévalence en baisse. Jusqu’à présent en Suisse, aucun programme national de dépistage n’a été mis sur pied, bien que les données scientifiques favorisent cette piste. Dans le présent article, j’ aimerais défendre l’idée du dépistage de l’ AAA en Suisse. Je souhaite également vous exposer les différentes lacunes de connaissances et les doutes existants au sujet du dépistage.

Les hommes de plus 65 ans, en particulier les fumeurs et anciens fumeurs, sont les plus touchés par l’ AAA. Le risque de rupture lié dépend fortement du diamètre de l’ anévrisme, qui, normalement, augmente avec l’ âge. Une opération est indiquée en cas de symptômes, d’ accroissement rapide du diamètre (> 1 cm/an) ou à partir d’ un diamètre de 5.5 cm. Dans le cas de petits anévrismes, le risque de rupture est bas et ne justifie donc pas une intervention, raison pour laquelle les contrôles échographiques sont privilégiés (1).
Malheureusement, il faut considérer encore aujourd’ hui le risque de mortalité comme élevé en cas de rupture. Une grande partie des patients meurent encore avant d’  arriver à l’ hôpital, et le taux de mortalité est de plus de 30% dans le cas d’ une opération d’ urgence (2). En Suisse, en 2017, environ 300 personnes ont été hospitalisées après qu’ une rupture d’ AAA ait été diagnostiquée (3). Contrairement à d’ autres pays européens, comme le Danemark ou la Grande Bretagne, nous ne disposons pas d’ un programme national de dépistage (4). Les raisons de cette situation ne sont pour moi pas évidentes, lorsqu’ on pense par exemple au programme de dépistage déjà mis en place dans le domaine de l’ oncologie. Je vous donne ici un aperçu des données probantes penchant en faveur d’ un programme de dépistage. En raison de l’ absence d’ un programme national de dépistage, les médecins de premier recours ont un rôle central dans la détection précoce de l’ AAA.

Un programme de dépistage utile devrait remplir les critères suivants (5) :

  • La maladie doit avoir un impact significatif sur la qualité de vie.
  • Des possibilités de traitement acceptables doivent exister.
  • Existence d’ une période de latence asymptomatique, durant laquelle le diagnostic et le traitement de la maladie entraînent une réduction de la morbidité et de la mortalité.
  • Le traitement de la maladie pendant la phase de latence doit amener de meilleurs résultats qu’ une prise en charge après l’ apparition de symptômes.
  • La pose du diagnostic doit être bon marché et peu contraignante.

Il s’ avère que le dépistage pour l’ AAA remplit ces critères de manière idéale. Quatre grandes études randomisées ont déjà été consacrées à comprendre si le dépistage pour l’ AAA pouvait réduire la mortalité auprès du groupe cible (les hommes de plus de 65 ans) dans le cas d’ anévrisme (6-9). Deux de ces études ont été menées en Grande Bretagne, une au Danemark et une autre en Australie. Une seule de ces quatre études a été dédiée à la même question concernant les femmes (10). A chaque fois, la méthode de diagnostic utilisée a été l’ échographie, qui permet de poser un diagnostic exact dans 98.5 % des cas (fig. 1) (11).


La méta-analyse de la Bibliothèque Cochrane a démontré une réduction significative de la mortalité spécifique à l’ anévrisme d’ environ 40 % chez les hommes des groupes ayant été dépisté, après trois à cinq ans de suivi (Odds Radio 0,95, 95 % CI 0,85-1,07)(12). Cela s’ applique également, bien que dans une faible mesure, à la mortalité totale, qui a été réduite dans les groupes dépistés même après un long suivi (rapport de risque de 0,987, IC à 95 % 0,975-0,99, p = 0,03) (13). Sur la base des données de l’ étude britannique MASS (Multicentre Aneurysm Screening Study), le modèle suivant peut être créé : en supposant que 80 % des patients inscrits viennent au dépistage et que la mortalité postopératoire d’ une chirurgie élective d’ un anévrisme est de 5 %, ce qui est plutôt élevé selon les normes actuelles, 240 hommes doivent être invités pour éviter un décès prématuré de 10 ans lié à un anévrisme (nombre nécessaire pour le dépistage  = 240) (14). Plusieurs systèmes de santé nationaux (comme par exemple le Preventive Services Task Force, les lignes directrices du NICE) ont estimé que cette mesure était rentable.
Comme mentionné plus haut, le dépistage chez les femmes n’ a été analysé que dans le cadre de petites études. En raison de la prévalence plus faible de l’ AAA chez les femmes et surtout en raison de leur apparition plus tardive dans la vieillesse, l’ étude de Chichester n’ a pas pu établir de réduction de la mortalité associée à l’ AAA. La fréquence accrue des comorbidités chez les personnes âgées, qui augmentent le risque en cas d’ opération, et le taux de rupture plus élevé dans les groupes de contrôle et de dépistage expliquent ce résultat (10).
Les critiques soulignent des dommages potentiels qui pourraient être provoqués par le dépistage. Ceux-ci sont à chercher, d’ une part, dans la morbidité et la mortalité des interventions électives déclenchées par le dépistage. D’ autre part, certaines études constatent une influence négative du dépistage sur la qualité de vie et demandent, bien que cette influence soit faible, que l’ on dispose de plus de données à ce sujet (15).
Un autre point de discussion est le fait que dans le suivi de l’ étude MASS, une diminution de l’ effet protecteur du dépistage a été observée après environ huit ans. Cela était dû à des ruptures d’ anévrisme chez des patients qui étaient encore considérés comme normaux au moment du dépistage. La moitié de ces patients présentaient déjà une ectasie aortique (diamètre 2-2,9 cm) au moment du dépistage. Afin de compenser cet effet, un contrôle est généralement proposé à ces patients après 5 à 10 ans. Comme il s’ agit d’ un petit nombre de personnes, peu de ressources sont nécessaires (16).
Toutes les études contrôlées et randomisées ont débuté au siècle dernier et nous savons que la prévalence (alors de 4 à 7 %), ainsi que l’ incidence de rupture de l’ AAA, sont plutôt en baisse (17). L’ utilisation plus courante des techniques endovasculaires, qui n’ ont pas été utilisée lors de l’ étude MASS, a entraîné une réduction de la mortalité péri-opératoire. En outre, les examens de tomodensitométrie et d’ IRM dans d’ autres disciplines ont entraîné une augmentation constante du diagnostic précoce opportuniste des AAA. L’ espérance de vie de l’ ensemble de la population a augmenté. Il est donc légitime de se demander si les résultats de ces études sont encore valables aujourd’ hui, pour les raisons susmentionnées.
Cela a pu être démontré de manière impressionnante en Suède. La diminution de la prévalence de l’ AAA à 1,5 % (IC 1,5 %-1,6 %) est pour ainsi dire compensée par une diminution de la mortalité péri-opératoire dans le groupe de dépistage à 0,9 %. Il en résulte un rapport coût-efficacité supplémentaire de 7  770 euros par QUALY (Quality Adjusted Life Year Gain), ce qui est considéré comme efficace pour un programme de dépistage (<25 000 euros) (18). Actuellement, dans l’ étude danoise VIVA, une réduction de la mortalité – toutes causes confondues – pourrait également être démontrée par le dépistage de la population (19). Il existe donc de nombreuses preuves de la pertinence du dépistage de l’ AAA au niveau de la politique de santé pour la population d’ aujourd’ hui. Ces deux études contredisent ainsi l’ opinion commune selon laquelle les AAA seraient de nos jours de toute façon (co-)détectés tôt ou tard lors d’ un autre examen radiologique.

Trois sous-groupes méritent une attention particulière :

  • Depuis des années, des schémas familiaux de maladies d’ AAA ont été décrits. Cette observation a été scientifiquement prouvée par Emma Larsson et ses collègues, qui ont constaté un doublement du risque de maladie d’ anévrisme chez les parents au premier degré (20). Il en résulte la recommandation d’ un dépistage de l’ AAA dès l’ âge de 50 ans.
  • En raison de l’ association fréquente des AAA avec les anévrismes artériels périphériques, le dépistage est recommandé aux patients atteints d’ anévrismes poplités et périphériques. Ravn et al. ont constaté une coïncidence allant jusqu’ à 40 % des deux maladies dans leur population de patients (21).
  • En raison des facteurs de risque communs tels que l’ abus de nicotine, l’ hypertension et l’ hypercholestérolémie, l’ idée de dépister les patients souffrant de sténose carotidienne, de maladie coronarienne ou de maladies artérielles périphériques pour l’ AAA s’ impose. Cependant, il ne fournit pas de données exactes à ce sujet, et il faut supposer que la prévalence accrue de l’ AAA chez ces patients s’ accompagne également d’ une comorbidité accrue et d’ une espérance de vie réduite. Ceci pourrait réduire l’ utilité du dépistage. Il n’ est donc pas clair si le dépistage de ce sous-groupe est particulièrement recommandable du point de vue de l’ économie de la santé (22).

Nous souhaitons cependant souligner ici l’ importance d’ une prophylaxie secondaire optimale au moyen d’ un traitement anti­agrégant plaquettaire, de statines et de médicaments contre l’ hypertension artérielle. Cela améliore considérablement le pronostic à long terme chez les patients chez qui un AAA ou une ectasie aortique ont été diagnostiqués (23, 24).
La conclusion est que le dépistage de l’ AAA est nécessaire. Je recommande un seul examen échographique de l’ aorte chez les patients de sexe masculin âgés de plus de 65 ans. Les patients dont l’ aorte présente un diamètre supérieur à 5 cm devraient être directement dirigés vers un chirurgien vasculaire. Il n’ y a pas de recommandation de contrôle dans le cas d’ aortes normales de moins de 2 cm de diamètre. Toutes les autres aortes devraient être contrôlées régulièrement par échographie. Un programme national de dépistage aurait sans aucun doute le potentiel de réduire la mortalité liée aux anévrismes dans notre pays.

Article traduit de « der informierte arzt » 2019;9(12):13-14

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Stephan Engelberger

Gefässzentrum
Kantonsspital Baden
Im Ergel 1
5401 Baden

stephan.engelberger@ksb.ch

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’  intérêt avec cet article.

◆ L’  AAA est parfaitement adapté au dépistage en raison de la longue période de latence asymptomatique dans la plupart des cas et de la mortalité élevée en cas de rupture.
◆ Les programmes de dépistage peuvent réduire considérablement la mortalité liée aux anévrismes.
◆ Chez les hommes de plus de 65 ans, une seule échographie de l’  aorte abdominale est donc conseillée.

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Vitamines

Les vitamines sont des substances organiques, qui ne peuvent être synthétisées par l’ organisme et qui se trouvent dans les aliments d’ origine animale ou végétale. Un manque de certaines vitamines peut entraîner des symptômes plus ou moins graves, tout comme un surdosage. Les besoins journaliers et les normes restent débattus, ce qui résulte dans des indications de dosages et de supplémentation hétérogènes. Le but de ce papier est de passer en revue les déficits vitaminiques les plus fréquents et de proposer des indications de dosage et des schémas de substitution.

Les vitamines sont essentielles à une croissance corporelle normale et à l’  activité physiologique. Elles sont divisées en deux catégories : liposolubles (vitamine A, D, E, K) et hydrosolubles (vitamine C, B1, B2, B3, B6, B8, B9, B12).
Le tableau 1 résume les normes, les symptômes en cas de déficit ou de surdosage et les substitutions des principales vitamines.

Vitamines liposolubles

Vitamine A

La vitamine A est aussi appelée acide rétinoïque. Son action se fait au niveau des cellules rétiniennes : les cônes (responsables de l’absorption de la lumière et de la vision en couleur) et les bâtonnets (détection des mouvements et vision nocturne). La vitamine A joue aussi un rôle dans la différentiation cellulaire et l’ intégrité oculaire. Chez les patients à risque de carence en vitamine A (chirurgie bariatrique, maladie digestive avec déficit du métabolisme lipidique), un dosage est indiqué. La substitution se fait per os avec 200 000 UI (60 mg de rétinol) à J1, J2 et J15 (1). En Suisse des capsules à 25 000 UI sont disponibles en pharmacie, ainsi que dans de multiples complexes vitaminiques à plus faibles doses.

Vitamine D

Très peu d’ aliments contiennent naturellement de la vitamine D (sous forme d’ Ergocalciferol ou vitamine D2), en conséquence la synthèse dermique par exposition à la radiation UV est la source principale. La vitamine D, biologiquement inactive, doit être convertie en Cholecalciferol (vitamine D3). Elle est ensuite métabolisée par le foie en Calcidiol (25-hydroxyvitamine D ou 25[OH]D), puis dans le rein en Calcitriol (1,25-dihydroxyvitamine D), forme active de la vitamine D.
La Fondation Internationale pour l’ ostéoporose suggère qu’ un minimum de 75 nmol/L est nécessaire chez la personne âgée pour diminuer le risque de chute et de fracture (2). La vitamine D joue aussi un rôle important dans la régularisation cellulaire, tel que le système immunitaire ou cardiovasculaire.
Il est recommandé de dépister les déficits chez les personnes présentant des situations à risque, (ostéoporose ou ostéomalacie, pathologie rénale chronique, hyperparathyroïdie, malabsorption). Dans le cadre de la prévention des chutes, la question reste sujette à controverse et le dosage de vitamine D n’ est pas recommandé chez les personnes ne présentant pas de facteurs de risques pour une carence en vitamine D (3). Les recommandations de substitution lors d’ une carence (< 25 nmol/l ou 10 ng/ml) sont de 1500-2000 UI/j ou 300 000 UI (7500 µg) x 1 puis 800 UI/j. Concernant l’ insuffisance en vitamine D (25-50 nmol/l ou 10-20 ng / ml), une supplémentation de 800 UI/j ou 5600 UI/sem est recommandée (4). Le surdosage est possible lors d’ une consommation excessive de compléments sur une longue période (toxicité si > 220 nmol / L de Calcidiol sérique).

Vitamine E

La forme active la plus étudiée chez l’ homme de la vitamine E est l’ alpha-tocophérol qui est aussi la plus active biologiquement.
La vitamine E est un antioxydant avec effet protecteur des acides gras polyinsaturés (composants de la membrane cellulaire) de la peroxydation. Un déficit augmente le risque cardiovasculaire, via une oxydation du LDL affectant l’ endothélium vasculaire et facilitant ainsi l’ athérogenèse (5). Cependant l’ évidence dans la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires reste faible quant à une supplémentation en plus d’ un régime riche en vitamine E (6).
Les patients souffrant d’ une malabsorption des graisses sont plus à risque d’ une carence en vitamine E. Pour ces individus, en cas de déficit avéré, la substitution débute à 100 mg/jour (75 UI/j), puis est ajustée pour obtenir des mesures sériques normales d’ alpha-tocophérol, pour autant que les niveaux d’ albumine soient dans la norme (co-transport via l’ albumine). Aucun syndrome de toxicité aiguë de la vitamine E n’ a été décrit.

Vitamine K

La vitamine K, aussi appelée phylloquinone (vitamine K1 – sources végétales) et ménaquinone (vitamine K2 – produite par les bactéries intestinales), est essentielle à l’ activation des facteurs de coagulation II, VII, IX, X, protéine C/S. Toute cause de malabsorption des lipides peut entraîner une carence en vitamine K. Les antibiotiques peuvent contribuer aussi à une carence en affectant les bactéries intestinales.
La possibilité d’ une carence doit être évaluée en mesurant le temps de prothrombine (TP) et en dosant les facteurs vitamine K dépendants. Une supplémentation unique de 10 mg de vitamine K par voie orale est suffisante (administration i.v. ou sous-cutanée aussi possible en cas de malabsorption). Il n’ y a pas de risque de surdosage connu.

Vitamine B12 et Vitamine B9 (Folates)

Les vitamines B12 et B9 sont nécessaires à la formation des cellules hématopoïétiques, ainsi qu’ au bon fonctionnement neurologique. La vitamine B12 joue un rôle capital dans le métabolisme de l’ homocystéine, dont l’ augmentation représente un facteur de risque d’ artériosclérose et de maladies cardiovasculaires (7). Les symptômes neuropsychiatriques peuvent être présents même en l’ absence d’ anémie ou de macrocytose (8). L’ acide folique est aussi important durant la grossesse, notamment pour la formation du tube neural (8, 9).
Une carence en vitamine B12 se développe généralement sur des années, car les réserves biologiques sont élevées, au contraire une carence en folates peut se développer en quelques semaines. L’ anémie pernicieuse fait référence à une malabsorption en vitamine B12 causée par des autoanticorps qui ciblent le facteur intrinsèque, les cellules pariétales gastriques ou les deux.
Dans la pratique, la dose usuelle pour les adultes est de 1000 mcg une fois par semaine jusqu’ à ce que la carence soit corrigée, puis une fois par mois pendant 3 mois. Chez les adultes ayant une absorption normale, l’ administration orale est également efficace au même dosage (11, 12). En raison de leur structure, les folates alimentaires ne sont absorbés qu’ à concurrence de 50 % par l’ intestin, l’ acide folique synthétique est absorbé à presque 100 %. La carence en folates est traitée avec de l’ acide folique oral (1 à 5 mg par jour) (9).
De rares cas d’ hypersensibilité ou d’ éruptions acnéiformes avec de la vitamine B12 ont été rapportés.

La vitamine B1 (thiamine)

La vitamine B1 sert de catalyseur (coenzyme nécessaire à la catalyse) dans la conversion du pyruvate en acétyl coenzyme A et est impliquée dans de nombreuses activités métaboliques, dont le cycle de l’ acide tricarboxylique (11, 12). De plus, elle participe à l’ initiation de la propagation de la conduction nerveuse. Une carence en thiamine (< 30 µg/L) provoque des phénotypes cliniques de béribéri et de syndrome de Wernicke-Korsakoff (13). Les recommandations actuelles préconisent d’ administrer entre 200 et 500 mg de thiamine par voie intraveineuse 3  x / jour pendant 5-7 jours, puis 100 mg 3  x / jour per os pour 1-2 semaines, puis 100 mg per os 1 x / jour (14). Il n’ y a pas de risque connu de surdosage.

Conclusion

Les déficits vitaminiques varient selon la région géographique. En Suisse, le déficit en vitamine D reste le plus fréquent, notamment en raison de la moindre exposition au soleil pendant l’ hiver. Cependant, les réserves biologiques de vitamine B12 et B9, en raison de son implication dans le métabolisme érythrocytaire, peuvent rapidement s’ épuiser, si l’ alimentation n’ est plus suffisante à combler les besoins métaboliques (ex : alimentation végétarienne).
Cliniquement, la plupart des déficits vitaminiques sont réversibles de manière efficace. Néanmoins, le déficit aigue en vitamine B1 (lors d’ un éthylisme chronique par exemple), peut amener à des conséquences neurologiques graves et irréversibles. D’ autres déficits, comme la vitamine B12 ou E, suite à un déficit chronique et prolongé, peuvent aussi causer des atteintes irréversibles.
Le schéma de substitution idéal reste débattu. Une alimentation équilibrée reste le gold standard, mais lorsqu’ une substitution est nécessaire les indications de substitution des vitamines B1, B12, B9 et K sont bien reconnues, tandis que la vitamine D reste un sujet de débat avec des multiples schémas utilisés dans la pratique clinique.

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Dr Mauro Silva

Service de médecine interne et réadaptation Loex Bellerive
Département de réadaptation et gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Hôpital de Loex
151 Rte de Loex
1233 Bernex

Pr Christophe Graf

Service de médecine interne et réadaptation Loex Bellerive
Département de réadaptation et gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Hôpital de Loex
151 Rte de Loex
1233 Bernex

christophe.graf@hcuge.ch

Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Les vitamines sont essentielles à une croissance corporelle normale et à l’ activité physique. Elles se divisent en lipo- et hydrosolubles et se trouvent dans les aliments d’ origine animale ou végétale.
◆ Les besoins journaliers, les normes et le schéma idéal de substitution restent débattus. Le manque ainsi que le surdosage de certaines vitamines peuvent entraîner des symptômes plus ou moins graves, voire irréversibles. Une alimentation équilibrée reste le gold standard.
◆ En Suisse, le déficit en vitamine D, dû notamment à la moindre exposition au soleil en hiver, est le plus fréquent. Les réserves de vitamine B12 et B9 peuvent vite s’ épuiser si l’ alimentation (p.ex. végétarienne) ne comble pas les besoins métaboliques.

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Diagnostic et traitement de l’ hypertension

Selon la Fondation Suisse de Cardiologie l’  hypertension artérielle est le diagnostic le plus fréquemment posé par les médecins en Suisse (1). Les personnes souffrant d’ hypertension artérielle ne sont pas malades et ne ressentent généralement aucun symptôme. Cependant, les personnes souffrant d’ hypertension artérielle ont un risque élevé de tomber malade : selon la gravité, les personnes souffrant d’ hypertension artérielle non traitée ont un risque deux à dix fois plus élevé d’ accident vasculaire cérébral, de crise cardiaque ou d’ insuffisance cardiaque.

Le cabinet du médecin généraliste est le lieu idéal pour le diagnostic précoce et le traitement de l’ hypertension. D’ après notre expérience, la plupart des hypertendus ont besoin d’ une combinaison de stratégies non pharmacologiques et pharmacologiques pour atteindre une pression artérielle (PA) normale. Cet article résume les questions relatives à l’ hypertension qui sont importantes pour les cardiologues et les médecins de premier recours.

Comment le diagnostic d’ hypertension artérielle est-il confirmé ?

Si les mesures de la pression artérielle sont supérieures à 140/90 mmHg lors d’ une seule mesure au cabinet, au moins trois mesures supplémentaires dans un délai de quelques semaines doivent confirmer les lectures élevées de la pression artérielle pour être certain de la présence d’ une hypertension. Une mesure unique ou des mesures qui ne sont pas prises au repos ne sont pas utiles pour le diagnostic. En outre, les directives actuelles (2, 3) recommandent de motiver les personnes à mesurer les valeurs de la pression artérielle selon des instructions écrites et, si possible, de mesurer la pression artérielle sur 24 heures. Cet examen permet d’ identifier des formes particulières d’ hypertension (comme l’ hypertension de blouse blanche ou l’ hypertension masquée). Il peut également être utilisé pour détecter l’ hypertension nocturne.
Dans de nombreux patients, cependant, il n’ est pas facile de poser le diagnostic car les valeurs de leur tension artérielle fluctuent beaucoup ou ne sont trop élevées que dans certaines situations de la vie. Les valeurs de la pression artérielle mesurées en présences des symptômes (maux de tête, anxiété, palpitations…) ne doivent pas être comparées aux valeurs normales au repos. Les valeurs normales de la pression artérielle sont résumées dans le tableau 1.

Clarification de l’ hypertension confirmée

Une fois le diagnostic d’ hypertension artérielle confirmé, il est important de déterminer le grade d’ hypertension (tab. 1), d’ exclure toute cause existante de l’ hypertension, d’ évaluer le risque cardiovasculaire global et d’ évaluer les éventuelles lésions organiques.
Les tests détaillés utilisés pour diagnostiquer les différentes formes d’ hypertension secondaire sont résumés dans le tableau 2.

Évaluation du risque cardiovasculaire

Pour déterminer le risque cardiovasculaire global, les facteurs de risque cardiovasculaire supplémentaires suivants doivent être évalués chez chaque patient atteint d’ hypertension artérielle : Antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire, âge (hommes > 55 ans, femmes > 65 ans), consommation de tabac/nicotine, obésité, sédentarité, diabète sucré et dyslipidémie. À titre d’ aide, le score AGLA (4), qui calcule le risque absolu d’ avoir un événement coronarien fatal ou un infarctus du myocarde non fatal dans les 10 ans, ou le SCORE (5) de la Société européenne de cardiologie, qui calcule le risque absolu d’ avoir un infarctus du myocarde fatal dans les 10 prochaines années.

Dommages aux organes terminaux liés à l’ hypertension

Un ECG à 12 dérivations, des examens de laboratoire (fonction rénale, sédiment  urinaire), la recherche d’ une microalbuminurie (rapport albumine/créatinine) et d’ une protéinurie doivent être effectués chez tout patient souffrant d’ hypertension artérielle. Une recherche approfondie des lésions des organes terminaux liées à l’ hypertension doit être effectuée sur la base de l’ anamnèse, de l’ examen clinique et des examens techniques de routine suivants.
Spécifique (2, 3) :

  • L’échocardiographie est recommandée chez les patients hypertendus présentant des anomalies à l’ ECG ou des symptômes/découvertes d’ insuffisance cardiaque et peut être envisagée si l’ hypertrophie ventriculaire gauche affecte la suite de la prise en charge.
  • Une échographie rénale et un Doppler de l’ artère rénale doivent être envisagés chez les patients présentant une altération de la fonction rénale, une albuminurie/protéinurie ou une suspicion d’ hypertension secondaire.
  • Test des fonctions cognitives : à envisager chez tout patient hypertendu de plus de 75 ans.

Traitement de l’ hypertension artérielle

Objectif du traitement antihypertenseur

L’ objectif du traitement des patients hypertendus est la réduction à long terme du risque cardiovasculaire. Pour une réduction optimale du risque, il est nécessaire d’ identifier et de traiter tous les facteurs de risque supplémentaires sur lesquels on peut agir.
En général, la pression artérielle doit être < 140/90 mmHg (mesure pratique). Chez la plupart des patients, la pression artérielle doit être abaissée dans la fourchette idéale de 120-130/70-80 mmHg (2, 3).

Changements de mode de vie

Des changements de mode de vie devraient être recommandés à tout patient souffrant d’ hypertension artérielle, quel que soit le grade d’ hypertension et le risque cardiovasculaire. Ces facteurs influencent le moment de l’ initiation d’ un traitement pharmacologique (2, 3). Outre les modifications connues du mode de vie (abstinence de nicotine, régime pauvre en sel, riche en fruits et légumes, restriction de la consommation d’ alcool, entraînement d’ endurance physique, réduction du poids et du stress), d’ autres facteurs tels que l’ exposition au bruit ou à la lumière, le rythme du sommeil doivent être pris en compte.

Traitement pharmacologique

Cinq classes différentes de médicaments sont recommandées comme traitement de première intention de l’ hypertension : Les inhibiteurs de l’ enzyme de conversion de l’ angiotensine (ECA), les antagonistes des récepteurs de l’ angiotensine II (ARA), les bêta-bloquants, les inhibiteurs calciques (IC) et les diurétiques (les thiazides et les diurétiques de type thiazidique tels que la chlortalidone et l’ indapamide) (2, 3).
Les IEC ou les ARA, seuls ou en association avec un antagoniste calcique ou un diurétique, constituent le premier choix (de préférence un thiazidique ou un hydrochlorothiazidique, les diurétiques de l’ anse uniquement en cas d’ insuffisance rénale). L’ utilisation des bêta-bloquants est limitée à des indications spécifiques (2, 3).

Quels patients hypertenus doivent recevoir un traitement pharmacologique et dans quel délai ?

La décision d’ initier un traitement pharmacologique doit être individualisée. Les patients doivent être activement impliqués dans une telle décision. Selon les lignes directrices de l’ ESC/ESH (3), chez les patients atteints d’ une hypertension de grade 2 ou 3, un traitement pharmacologique antihypertenseur doit être initié rapidement en même temps que des modifications du mode de vie. Chez les personnes présentant une pression artérielle normale ou une hypertension de grade 1 et un risque cardiovasculaire très élevé, il convient d’ instaurer un traitement médicamenteux ou, après un certain temps, un traitement non pharmacologique (fig. 1).
Chez la plupart des patients, la pression artérielle reste en dehors de la fourchette cible avec la monothérapie. De plus, l’ association de médicaments de différentes classes a un effet antihypertenseur beaucoup plus marqué que le doublement de la dose d’ un seul agent (6).
C’ est pourquoi les nouvelles directives pour le traitement de l’ hypertension suggèrent l’ utilisation d’ un traitement combiné à un stade précoce et, si possible, sous la forme d’ un médicament combiné à dose fixe en un seul comprimé afin d’ améliorer l’ adhésion du patient (2, 3).
Si un traitement combiné est nécessaire, les lignes directrices recommandent de commencer par un inhibiteur de l’ ECA ou un ARA à longue durée d’ action en association (fixe, si possible) avec un dihydropyridine-CCB à longue durée d’ action ou un diurétique. L’ association d’ un IEC ou d’ un ARA avec un diurétique thiazidique est considérée comme plus bénéfique lorsqu’ un diurétique de type thiazidique (chlortalidone ou indapamide) est utilisé à la place de l’ hydrochlorothiazide (3, 7).
Même en l’ absence d’ études comparatives, les données disponibles suggèrent que les diurétiques thiazidiques tels que la chlortalidone et l’ indapamide doivent être préférés aux diurétiques thiazidiques classiques (p.ex., l’ hydrochlorothiazide et le bendrofluazide) (3, 7, 8).
L’ étape suivante consiste à associer les bloqueurs du SRAA, les antagonistes du Ca et les diurétiques de type thiazide/thiazidique (3).
Si la pression artérielle reste non contrôlée avec cette trithérapie, un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (MR) (c’ est-à-dire la spironolactone ou l’ éplérénone) peut être ajouté (9). Chez les patients présentant une hypertension difficile à traiter/résistante, on peut ajouter des bêta-bloquants, des alpha-bloquants ou des vasodilatateurs directs. En général, l’ utilisation concomitante de bêta-bloquants et d’ inhibiteurs calciques non dihydropyridines doit être évitée car ces deux classes d’ agents diminuent la fréquence cardiaque (3).
Toutefois, les lésions organiques dues à l’ hypertension ne peuvent être évitées que si la pression artérielle est abaissée de façon permanente sur le long terme. Le fait que le traitement antihypertenseur non pharmacologique / pharmacologique doit être un compagnon à vie est difficile à accepter pour de nombreux patients. Des discussions ouvertes entre le médecin et le patient sur les effets positifs, le mécanisme d’ action et les effets secondaires possibles du médicament ainsi que des contrôles réguliers sont essentiels pour une future adhésion.

Contrôles de suivi chez les patients atteints d’ hypertension

Avant et peu après le début d’ un traitement antihypertenseur, il est nécessaire que les patients soient contrôlés par le médecin. Dans ces phases, les mesures effectuées en cabinet et éventuellement la mesure de la pression artérielle sur 24 heures sont très importantes pour le diagnostic et l’ adaptation du traitement. Si certains médicaments sont utilisés, une surveillance de laboratoire peut également être utile (créatinine pour les bloqueurs du SRAA, potassium pour les diurétiques, etc.) La fréquence des contrôles supplémentaires dépend de la gravité de l’ hypertension, de l’ urgence d’ obtenir un contrôle de la pression artérielle et des éventuelles comorbidités.

Cet article est une traduction de l’ article original publié dans info@herz+gefäss 3-2021;19-23.

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◆  L’ hypertension artérielle est le diagnostic le plus fréquemment posé dans un cabinet médical en Suisse.
◆ Par rapport aux personnes dont la tension artérielle est normale, les personnes souffrant d’ hypertension non traitée sont deux à dix fois plus susceptibles de subir un accident vasculaire cérébral ou une crise cardiaque ou de développer une insuffisance cardiaque, selon la gravité.
◆ Un diagnostic correct permet un traitement antihypertenseur précoce, qui peut servir à réduire ces complications et la mortalité.
◆ Des modifications du mode de vie et des médicaments antihypertenseurs sont disponibles pour traiter l’ hypertension : L’ expérience montre que la plupart des patients ont besoin d’ une combinaison de stratégies non pharmacologiques et pharmacologiques.
◆ Des modifications du mode de vie et des médicaments antihypertenseurs sont disponibles pour traiter l’ hypertension : L’ expérience a montré que la plupart des patients ont besoin d’ une combinaison de stratégies non pharmacologiques et pharmacologiques.

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