Mise à jour – Dépression au cours de la vieillesse

Bien que les dépressions présentent certaines caractéristiques typiques de la vieillesse, elles sont diagnostiquées selon les mêmes critères que chez les personnes plus jeunes. Les causes organiques et, en particulier dans le cas de troubles cognitifs prononcés, la démence, doivent être exclues. Selon la gravité de la maladie, les patients dépressifs âgés doivent également être traités simultanément par des interventions psychosociales individuelles ainsi que par une thérapie psychothérapeutique et psychopharmacologique.

Avec une prévalence de 5 à 10 %, la dépression est le trouble mental le plus fréquent chez les personnes âgées de plus de 65 ans (1). La dépression liée à l’ âge est diagnostiquée selon les critères de la CIM-10 (2) ou du DSM-5 (3). Des méthodes psychométriques telles que l’ échelle de dépression gériatrique sont également souvent utilisées (4). Les patients atteints de maladies physiques chroniques souffrent souvent de troubles dépressifs. Les lésions cérébrovasculaires, les inflammations chroniques ou les changements hormonaux et immunologiques liés à l’ âge peuvent affecter l’ intégrité de la circulation frontale, l’ amygdale et l’ hippocampe, augmentant ainsi la vulnérabilité à la dépression (5). En outre, des stress psychosociaux spécifiques à la vieillesse, tels que l’ isolement social, sont des facteurs de risque de dépression (6). Les symptômes végétatifs et l’ altération des fonctions exécutives, de l’ attention, du traitement de l’ information, de la vitesse psychomotrice et de la mémoire de travail sont courants. En particulier, les modifications vasculaires sous-corticales jouent un rôle important dans la physiopathologie de la dépression chez les personnes âgées (7)  : il existe un concept de dépression vasculaire défini par les résultats correspondants de l’ imagerie par résonance magnétique (8-11).
Le risque de suicide est nettement plus élevé chez les personnes âgées, en particulier chez les hommes âgés, que dans la population générale (12). Globalement, la dépression chez les personnes âgées présente des caractéristiques qui la distinguent des troubles dépressifs chez les plus jeunes (13). Par exemple, les états dépressifs sub-syndromaux, moins sévères, semblent être plus fréquents chez les personnes âgées que chez les plus jeunes (14). Cela peut conduire à ce que le trouble soit mal reconnu chez les personnes âgées et considéré comme faisant partie du processus de vieillissement. Le trouble dépressif sub-syndromal peut être davantage associé à des plaintes somatiques et moins associé à des comorbidités psychiatriques chez les personnes âgées que chez les patients plus jeunes (15).

Diagnostic et comorbidité

En particulier dans le cas des premiers troubles dépressifs chez les personnes âgées, les causes organiques cérébrales ou autres causes somatiques doivent être clarifiées par un diagnostic différentiel. Comme laboratoire de base, il est recommandé d’ effectuer une formule sanguine et la chimie de routine (électrolytes, calcium, glucose, tests de fonctions hépatiques et rénales), un dosage de la vitamine B12 et de la TSH. En outre, il convient de procéder à une neuroimagerie structurelle, si possible par résonance magnétique. Selon le degré de suspicion clinique, d’ autres examens (sanguins, LCR, etc.) peuvent être indiqués.

Différenciation par rapport à la démence

La dépression au cours de la vieillesse est souvent associée à une déficience cognitive et la démence peut s’ accompagner de symptômes dépressifs, si bien qu’ un diagnostic différentiel des deux syndromes n’ est souvent pas facile. En particulier, si des troubles cognitifs manifestes apparaissent chez des dépressifs âgés, ils doivent être étroitement surveillés et, si nécessaire, le développement d’ une démence doit être exclu (16). Olin et ses collègues (17,  18) ont proposé des critères pour distinguer la dépression majeure de la dépression dans la maladie d’ Alzheimer (MA). Selon ces critères, une dépression due à la MA peut être diagnostiquée lorsque tous les critères de la démence de type Alzheimer sont remplis et que trois (ou plus) symptômes dépressifs typiques sont observés au cours d’ une période de deux semaines. L’ un des symptômes au moins doit être soit une humeur dépressive, soit une altération de l’ affect. Les symptômes sont souvent moins graves et moins constants que dans le cas d’ une dépression grave. Ils ne durent souvent pas plus de six mois (19). L’ âge au début, la gravité et le déroulement des changements cognitifs, les troubles de mémoire subjective et les altérations typiques du rythme sommeil-éveil peuvent aider à établir un diagnostic différentiel.
La MA est une entité clinique typiquement caractérisée par un syndrome amnésique progressif avec des troubles cognitifs et comportementaux supplémentaires (20). Ce syndrome amnésique de type hippocampique est caractérisé par une faiblesse d’ encodage (problèmes de stockage du contenu mental) (21). Cela conduit à une détérioration du rappel libre qui ne peut être améliorée par des aides à la récupération (22).
Dans le cas d’ un trouble dépressif, il n’ y a pas de réel déficit de mémoire ; on observe plutôt des problèmes d’ attention qui affectent les stratégies d’ encodage ou de récupération (23). Par conséquent, le diagnostic différentiel entre la MA et un trouble dépressif pur peut être amélioré en utilisant des techniques d’ investigation neuropsychologique qui combinent l’ encodage avec des indices sémantiques et la facilitation de la récupération avec les mêmes indices (24,  25). L’ amélioration de la mémoire lors d’ une exposition répétée et de la facilitation se retrouve généralement dans la dépression, tandis qu’ une courbe d’ apprentissage plate malgré une exposition répétée, un oubli rapide, le manque d’ efficacité des indices de mémoire et des intrusions sont typiques de la MA.

Biomarqueurs pour distinguer la dépession de la MA

Il n’ existe pas de marqueurs biologiques établis pour la dépression mais trois marqueurs biologiques pertinents ont par contre été établis pour la MA dans le LCR: Total tau (T-tau, un marqueur reflétant la dégénérescence axonale corticale), phospho-tau (P-tau, un marqueur reflétant la phosphorylation tau et les faisceaux neurofibrillaires pathologiques typiques de la MA), et la forme longue de 42 acides aminés de l’ amyloïde β (Aβ1-42, un marqueur de la pathologie des plaques) (26). Ces biomarqueurs peuvent être utilisés pour déterminer si les patients présentant des symptômes dépressifs présentent des changements pathologiques de la MA. La dépression en soi ne conduit pas à une altération des biomarqueurs de type MA dans le LCR, c’ est-à-dire une augmentation des concentrations de T- et P-tau et une réduction des niveaux de Aβ1-42 (27), même si une légère réduction des concentrations de Aβ1-42 ait aussi été signalée dans la dépression pure (28). Une constellation d’ anomalies des biomarqueurs LCR de la MA présente une spécificité d’ environ 90 % par rapport à la neuropathologie de la MA, mais ne permet pas d’ exclure la présence concomitante d’ une dépression (29).
La quantification de l’ atrophie de l’ hippocampe en imagerie par résonance magnétique (IRM) et des lésions de la substance blanche du cerveau pourrait aider à distinguer la dépression liée à l’ âge de la démence. Les épisodes dépressifs récurrents peuvent également entraîner une atrophie de l’ hippocampe, tandis qu’ un nombre élevé de lésions de la substance blanche est un marqueur associé à la dépression tardive et à la démence vasculaire (30,  31).
Les études comparant l’ étendue de l’ atrophie de l’ hippocampe dans la dépression liée à l’ âge et dans la MA rapportent généralement une atrophie beaucoup plus prononcée dans la MA. Le cortex cingulaire et le précunéus semblent être les meilleures localisations pour distinguer la MA de la dépression (32).

Dépression et comorbidité

La dépression est une maladie concomitante chez près d’ un quart des patients atteints de la maladie de Parkinson (33). Ces patients sont particulièrement sensibles aux effets secondaires moteurs (extra-pyramidaux) et de tensionnels (hypotension orthostatique) de certains traitements antidépresseurs (34).
La dépression est également fréquemment présente en présence de problèmes de dépendance chez les personnes âgées (35). En particulier, l’ apparition combinée d’ un trouble dépressif et d’ une dépendance à l’ alcool est associée à un risque élevé de suicide (36). L’ association dépression et dépendance aux benzodiazépines est également élevée chez les personnes âgées (37), souvent en raison de la prescription inappropriée de benzodiazépines au lieu d’ antidépresseurs.
Il existe un lien étroit entre la dépression chez les personnes âgées et les maladies cardiovasculaires. Les événements cardiovasculaires augmentent le risque de dépression, et la dépression est également associée à un risque accru de maladie cardiovasculaire. Le risque de cardiopathie ischémique est 1,5 à 2 fois plus élevé. À l’ inverse, environ 20 % des patients ayant subi un infarctus du myocarde souffrent de dépression, ce qui multiplie par 3,5 la mortalité dans les six premiers mois suivant l’ événement (38).
La dépression est également associée à un risque accru de diabète sucré, d’ obésité et d’ hypertension (39). La relation entre la dépression et le syndrome métabolique est bidirectionnelle.
Finalement, on sait depuis longtemps que les médicaments sont des causes iatrogènes de dépression. En particulier, des associations avec la dépression ont été décrites pour les bêta-bloquants non sélectifs, les corticostéroïdes systémiques, les antagonistes du calcium et les benzodiazépines (40).

Traitement

Selon la gravité de la maladie, les patients dépressifs âgés doivent bénéficier d’ une prise en charge associant simultanément interventions psychosociales individuelles, thérapie psychothérapeutique et traitement psychopharmacologique.
Les interventions psychosociales visent à réduire les symptômes dépressifs, à diminuer le risque de suicide, à maintenir les contacts sociaux et à améliorer le sentiment d’ efficacité personnelle. Ainsi, l’ auto-assistance guidée, la psychoéducation, la formation à la résolution de problèmes, l’ activation physique, la thérapie récréative (activités de loisirs satisfaisantes), les techniques de relaxation, l’ amélioration des compétences sociales, l’ ergothérapie et les thérapies artistiques (musicothérapie, thérapie artistique, thérapie du mouvement et de la danse) semblent être utiles (41).

Psychothérapie

Des procédures de psychothérapie spécifiques sont également efficaces pour la dépression chez les personnes âgées (42). Les procédures et techniques établies dans le cadre du traitement psychothérapeutique de la dépression dans les premières phases de la vie peuvent en principe être adoptées pour les personnes âgées, mais doivent parfois être adaptées selon la situation, exigeant en particulier plus d’ élasticité et de flexibilité de la part des thérapeutes. Différentes approches spécifiques peuvent ainsi être combinées et sont actuellement explorées. (43).

Psychopharmacothérapie

L’ utilisation d’ antidépresseurs est également indiquée chez les patients âgés souffrant de dépression modérée à sévère, bien que leur efficacité puisse diminuer avec l’ âge (44,  45).
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) se révèlent efficaces chez les personnes âgées (46). Le syndrome de sécrétion inappropriée d’ ADH (SIADH) est un effet indésirable relativement fréquent. Pour le citalopram et l’ escitalopram, un allongement du QTc a été décrit et une dose limite ainsi qu’ une contre-indication pour l’ association avec des médicaments susceptibles d’ allonger le temps QTc ont été établies. La sertraline semble avoir le profil avantages/risques le plus favorable dans la classe des ISRS.
Chez les patients âgés, il existe de bonnes preuves de l’ efficacité de l’ inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine et de la nor-adrénaline (IRSN), la duloxétine (47,  48) et la venlafaxine (49,  50). Les deux molécules semblent avoir un effet positif sur les troubles cognitifs et la douleur (51). Il convient de noter des effets secondaires urinaires (rétention) et un possible effet de la venlafaxine sur la tension artérielle.
Dans plusieurs études, le moclobémide a également montré une bonne efficacité antidépressive avec une influence positive sur les troubles cognitifs chez les patients âgés (52). Une combinaison avec des antidépresseurs sérotoninergiques est contre-indiquée.
L’ efficacité du bupropion a été démontrée dans deux études contrôlées par placebo et une étude comparative avec la paroxétine chez des patients âgés. Là aussi, il semble y avoir un effet positif sur les troubles cognitifs. (53). Il convient de noter que le bupropion abaisse le seuil épileptique, c’ est pourquoi la substance est contre-indiquée en cas d’ épilepsie.
La mirtazapine est également efficace chez les patients âgés (54). L’ influence sur les troubles du sommeil, l’ appétit, la douleur sont des avantages potentiels, mais il existe un risque accru d’ induction d’ un syndrome des jambes sans repos.
Le trazodone a montré son efficacité chez les patients âgés dans des études contrôlées par placebo et des études comparatives, en particulier avec un effet positif sur le sommeil et la cognition (55). Il existe un risque légèrement accru de troubles de la conduction cardiaque.
Une étude contrôlée par placebo avec preuve d’ efficacité positive et diverses études cliniques ouvertes existent pour l’ agomélatine jusqu’ à l’ âge de 75 ans (56). Il semble y avoir un effet positif sur le sommeil et la cognition. Il est recommandé de surveiller la fonction hépatique (57).
La vortioxétine est un antidépresseur multimodal qui, dans une étude randomisée contrôlée avec des dépressifs plus anciens, a montré un effet significativement supérieur à celui du placebo et un effet équivalent à celui d’ une substance de comparaison (47). Des effets particulièrement positifs sur la cognition ont été démontrés.
Les extraits de millepertuis sont approuvés pour le traitement de la dépression légère et modérée chez les jeunes patients. Il n’ existe pas de données concernant les patients âgés. En raison de son potentiel d’ interaction (induction du CYP450 et de la glycoprotéine P), il doit être utilisé avec prudence, en particulier chez les patients âgés polymédiqués (1).
Bien que l’ efficacité des antidépresseurs tri- et tétracycliques soit bien établie chez les patients âgés (58), ils ne doivent pas être utilisés comme médicaments de première ligne chez les patients âgés en raison de leurs effets indésirables (effets anticholinergiques, orthostatiques et cardiovasculaires).

Les thérapies spécialisées

En cas de résistance à la thérapie, il convient de consulter un spécialiste.
Tout d’ abord, il faut augmenter la dose en déterminant les niveaux plasmatiques. De plus, en déterminant le génotype ABCB1, la situation pharmacocinétique au niveau de la barrière hémato-encéphalique peut être incluse dans la planification de la thérapie. Environ 70 % de tous les antidépresseurs disponibles sont empêchés de franchir la barrière hémato-encéphalique pour atteindre le tissu cérébral par les P-glycoprotéines (P-gp), appelées molécules de transport. Le schéma génétique de la glycoprotéine P est ancré dans le gène ABCB1, présent chez l’ homme sous différentes variantes. Selon le génotype ABCB1, un antidépresseur pénètre plus ou moins facilement dans le tissu cérébral (59). Si ces mesures n’ aboutissent pas, il faut soit changer d’ antidépresseur, soit combiner deux antidépresseurs, soit suivre un traitement d’ augmentation. En raison de la polypharmacie fréquente chez les patients âgés, un changement de substance semble être le plus judicieux (60). Si des combinaisons sont envisagées, une combinaison d’ ISRS ou d’ IRSN avec de la mirtazapine ou du bupropion est recommandée chez les jeunes patients en raison des preuves disponibles (61). L’ association d’ un antidépresseur et d’ un antipsychotique est recommandée en cas de dépression accompagnée de symptômes psychotiques.
Le lithium et les antipsychotiques atypiques (quétiapine, aripiprazole, olanzapine) en plus des antidépresseurs conviennent pour une stratégie d’ augmentation (62,  63). Un plus grand nombre d’ études chez les patients âgés montrent les avantages de l’ ajout du lithium par rapport à l’ utilisation d’ antipsychotiques. Cependant, les antipsychotiques sont plus faciles à doser et il n’ est pas nécessaire de surveiller le taux sanguin. Pour l’ augmentation du lithium chez les patients âgés, un taux sanguin de 0,4 mmol/l peut être suffisant (0,4-0,6 mmol/l pour la prévention des rechutes). Si aucune réponse clinique n’ est observée après quatre semaines, un changement de stratégie doit être envisagé. Si l’ augmentation est réussie, le traitement combiné doit être poursuivi pendant au moins un an (64). En général, un dysfonctionnement rénal grave et des maladies cardiovasculaires graves, ainsi que des troubles de l’ équilibre en sodium, sont considérés comme des contre-indications à l’ ajout du lithium. Lorsque des antipsychotiques atypiques sont administrés, les éventuels effets anticholinergiques doivent être pris en compte, car ils peuvent aggraver les performances cognitives et favoriser le délirium, en particulier dans les cas de démence comorbide.
La privation de sommeil est également un traitement très efficace avec peu d’ effets secondaires chez les patients âgés atteints de dépression, dont l’ effet s’ installe rapidement chez environ 60  % des patients (65, 66). Cependant, la plupart des patients rechutent après une nuit de sommeil réparateur, de sorte qu’ une combinaison avec des antidépresseurs est généralement recommandée.
La luminothérapie dans le traitement de la dépression saisonnière semble également être efficace chez les patients plus âgés (67).
La thérapie électroconvulsive (ECT) est également efficace chez les patients âgés (68). Ce traitement est principalement utilisé pour traiter la dépression résistante aux médicaments. Cependant, l’ ECT entraîne souvent des rechutes, c’ est pourquoi une pharmacothérapie antidépressive d’ accompagnement est généralement nécessaire (69). L’ amnésie peut être plus forte chez les personnes âgées. (70). La stimulation magnétique transcrânienne répétée (SMTr) semble également être efficace chez les patients âgés (71).
L’ esketamine, sous forme de spray nasal, est indiqué en association avec un ISRS ou un SNRI chez les adultes souffrant de dépression majeure réfractaire (TRD). Un TRD est défini comme un épisode dépressif modéré à sévère actuel n’ ayant pas répondu à au moins deux thérapies antidépressives différentes. Dans une étude menée sur des patients de plus de 65 ans, l’ administration supplémentaire d’ esketamine n’ a pas montré de supériorité par rapport au placebo dans les analyses primaires. Dans des analyses secondaires, des effets positifs ont été constatés chez les 65-74 ans et chez les patients qui avaient fait une première expérience de dépression avant l’ âge de 55 ans. Cela indique l’ hétérogénéité étiologique de la dépression à un âge avancé, en particulier avec une proportion plus élevée de facteurs organiques cérébraux, qui doivent être pris en compte dans le traitement (et aussi dans la planification des études) (72).

Cet article est une traduction de «der informierte arzt»03-2020

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pr DrThomas Leyhe †

Gérontopsychiatrie
Médecine Gériatrique Universitaire FELIX PLATTER
Burgfelderstrasse 101, 4055 Bâle
et Centre de Gérontopsychiatrie
Cliniques Psychiatriques Universitaires de Bâle
Wilhelm Klein-Strasse 27
4002 Bâle

Aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

◆ Les dépressions sont les troubles mentaux les plus fréquents chez les personnes âgées.
◆ Les causes organiques, en particulier, doivent être exclues au moyen de diagnostics complémentaires ciblés.
◆ Dans le cas de troubles cognitifs prononcés, un diagnostic différentiel de démence doit être envisagé.
◆ Même à un âge avancé, les patients dépressifs doivent être traités simultanément par des interventions psychosociales individuelles ainsi que par une thérapie psychothérapeutique et psychopharmacologique, en fonction de la gravité de la maladie.

1. Hatzinger M, Hemmeter U, Hirsbrunner T, Holsboer-Trachsler E, Leyhe T, Mall JF, Mosimann U, Rach N, Trächsel N, Savaskan E. Recommendations for Diagnosis and Therapy of Depression in Old Age Practice (Bern 1994). 2018 ; 107(3):127-144.
2. Organisation mondiale de la santé. Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes. 10e rév. Genf, 2007.
3. Association américaine de psychiatrie. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition. Washington, DC, 2013.
4. Yesavage JA, Brink TL, Rose TL, Lum O, Huang V, Adey M, Leirer VO. Développement et validation d’une échelle de dépistage de la dépression gériatrique : rapport préliminaire. J Psychiatr Res 1982-1983;17(1):37-49.
5. Sexton CE, Mackay CE, Ebmeier KP. Revue systématique et méta-analyse des études d’imagerie par résonance magnétique sur la dépression à un âge avancé. Am J Geriatr Psychiatry. 2013;21(2):184-95.
6. Alexopoulos GS : Dépression chez les personnes âgées. Lancet 2005;365:1961-970.
7. Steffens DC, Potter GG. Dépression gériatrique et déficience cognitive. Psychol Med 2008;38 (2):163-75.
8. Krishnan KR, Taylor WD, McQuoid DR, MacFall JR, Payne ME, Provenzale JM, Steffens DC. Caractéristiques cliniques de la dépression ischémique sous-corticale définie par l’imagerie par résonance magnétique. Biol Psych 2004;55:390-7.
9. Krishnan KRR, Hays JC, Blazer DG. Dépression vasculaire définie par IRM. Am J Psychiat 1997;154:497-501.
10. Steffens DC, Krishnan KRR Neuroimagerie structurelle et troubles de l’humeur : résultats récents, implications pour la classification et orientations futures. Biol Psych 1998;43:705-12.
11. Pimontel MA, Reinlieb ME, Johnert LC, Garcon E, Sneed JR, Roose SP. La validité externe de la dépression vasculaire définie par l’IRM. Int J Geriatr Psychiatry 2013;28(11):1189-96.
12. Miniño AM, Arias E, Kochanek KD, Murphy SL, Smith BL. Décès : données finales pour 2000. Natl Vital Stat Rep 2002;50:1-119.
13. Naismith SL1, Norrie LM, Mowszowski L, Hickie IB. La neurobiologie de la dépression à un âge avancé : caractéristiques cliniques, neuropsychologiques, neuroimagerie et physiopathologiques. Prog Neurobiol 2012;98(1):99-143.
14. Baer N, Schuler D, Füglister-Dousse S, et autres : La dépression dans la population suisse. Observatoire suisse de la santé, Rapport de l’Obsan 1998:56.
15. Devanand DP, Nobler MS, Singer T, et al : La dysthymie est-elle un trouble différent chez les personnes âgées ? Am J Psychiatry 1994 ; 151 : 1592–1599
16. Leyhe T, Reynolds CF III, Melcher T, Linnemann C, Klöppel S, Blennow K, Zetterberg H, Dubois B, Lista S, Hampel H : Un défi commun aux personnes âgées : Classification, chevauchement et thérapie de la dépression et de la démence. Alzheimers Dement. 2017;13(1):59-71.
17. Olin JT, Katz IR, Meyers BS, Schneider LS, Lebowitz BD. Critères de diagnostic provisoires pour la dépression de la maladie d’Alzheimer : justification et contexte. Am J Geriat Psychiat 2002;10:129-41.
18. Olin JT, Schneider LS, Katz IR, Meyers BS, Alexopoulos GS, Breitner JC et al. Critères de diagnostic provisoires pour la dépression de la maladie d’Alzheimer. Am J Geriat Psychiat 2002;10:125-28.

19. Devanand DP, Jacobs DM, Tang MX, Del Castillo-Castaneda C, Sano M, Marder K, et al. L’évolution des caractéristiques psychopathologiques dans la maladie d’Alzheimer légère à modérée. Arch Gen Psychiatry 1997;54(3):257-63.
20. Dubois B, Feldman HH, Jacova C, Dekosky ST, Barberger-Gateau P, Cummings J, et al. Critères de recherche pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer : révision des critères NINCDS-ADRDA. Lancet Neurol 2007;6(8):734-46.
21. Dubois B, Albert ML. MCI amnésique ou maladie d’Alzheimer prodromique ? Lancet Neurol 2004;3:246-48.
22. Tounsi H, Deweer B, Ergis AM, Van der Linden M, Pillon B, Michon A, Dubois B. Sensitivity to semantic cuing : an index of episodic memory dysfunction in early Alzheimer disease. Alzheimer Dis Assoc Disord 1999;13:38-46.
23. Fossati P, Harvey PO, Le BG, Ergis AM, Jouvent R, Allilaire JF. Performance de la mémoire verbale des patients ayant eu un premier épisode dépressif et des patients souffrant de dépression récurrente unipolaire et bipolaire. J Psychiatr Res 2004;38:137-44.
24. Grober E, Buschke H. Véritable déficit de mémoire dans la démence. Dev Neuropsychol 2006;3:13-36.
25. Buschke H, Sliwinski MJ, Kuslansky G, Lipton RB. Diagnostic de la démence précoce par le test de la double mémoire : le codage de la spécificité améliore la sensibilité du diagnostic et la spécificité de la ville. Neurology 1997;48:989-97.
26. Rosén C, Hansson O, Blennow K, Zetterberg H. Fluid biomarkers in Alzheimer’s disease – current concepts. Mol Neurodegener 2013;8:20. doi:10.1186/1750-1326-8-20.
27. Gudmundsson P, Skoog I, Waern M, Blennow K, Zetterberg H, Rosengren L, Gustafson D. Existe-t-il un profil de biomarqueur du LCR lié à la dépression chez les femmes âgées ? Psychiatry Res 2010;176(2-3):174-8.
28. Nascimento KK, Silva KP, Malloy-Diniz LF, Butters MA, Diniz BS. Plasma et liquide céphalorachidien amyloïde-β niveaux dans la dépression de fin de vie : Une revue systématique et une méta-analyse. J Psychiatr Res 2015;69:35-41.
29. Ewers M, Mattsson N, Minthon L, Molinuevo JL, Antonell A, Popp J,et al. biomarqueurs du LCR pour le diagnostic différentiel de la maladie d’Alzheimer : Une étude multicentrique internationale à grande échelle. Alzheimers Dement 2015;11(11):1306-15.
30. Alexopoulos GS, Meyers BS, Young RC, Campbell S, Silbersweig D, Charlson M. Hypothèse de la “dépression vasculaire”. Arch. Gen. Psychiatry 1997;54:915-922.
31. Krishnan KR, Hays JC, George LK, Blazer DG. Résultats à six mois pour la dépression vasculaire liée à l’IRM. Dépression Anxiété. 1998;8(4):142-6.
32. Boccia M, Acierno M, Piccardi L. Neuroanatomie de la maladie d’Alzheimer et de la dépression de fin de vie : Une méta-analyse des études IRM basée sur les coordonnées. J Alzheimers Dis 2015;46(4):963-70.
33. Marsh L : Dépression et maladie de Parkinson : état des connaissances actuelles. Curr Neurol Neurosci Rep 2013 ; 13 : 409.
34. Chen JJ, Marsh L : La dépression dans la maladie de Parkinson : Identification et gestion. Pharmacothérapie 2013 ; 33 : 972-983.
35. Devenand DP : troubles psychiatriques comorbides dans la dépression de fin de vie. Biol Psychiatry 2002 ; 51 : 236-242.

36. Morin J, Wiktorsson S, Marlow T, et al : Trouble de la consommation d’alcool chez les personnes âgées ayant fait une tentative de suicide : Une étude comparative. Am J Geriatr Psychiatry 2013 ; 21 : 196-203.
37. Assem-Hilger E, Jungwirth S, Weissgram S, et al : L’utilisation des benzodiazépines chez les personnes âgées : un indicateur de dépression gériatrique mal traitée ? Int J Geriatr Psychiatry 2009 ; 24 : 563-569
38. Evans DL, Charney DS, Lewis L, et al : Les troubles de l’humeur chez les malades: examen scientifique et recommandations. Biol Psychiatry 2005 ; 58 : 175-189.
39. Penninx BWJH, Milaneschi Y, Lamers F, Vogelzangs N : Comprendre les conséquences somatiques de la dépression : mécanismes biologiques et rôle du profil des symptômes de la dépression. BMC Med 2013 ; 11 : 129-143.
40. Baldwin RC : La dépression à un âge avancé. Oxford ; Oxford University Press : 2010.
41. Dirmaier J, Krattenmacher T, Watzke B, Koch U, Schulz H, Barghaan D : Éléments de traitement fondés sur des preuves dans la réadaptation des patients souffrant de dépression – Une revue de la littérature. Psychother Psych Med 2010; 60 : 83-97.
42. Huang AX, Delucchi K, Dunn LB, Nelson JC : Une revue systématique et une méta-analyse de la psychothérapie de la dépression à la fin de la vie. Am J Geriat Psychiat 2015 ; 23 : 261-273
43. Melcher T, Leyhe T. Psychothérapie pour la dépression liée à l’âge. Suisse Arch Neurol Psychiatr. 2015;166(03):78-86
44. Nelson JC, Delucchi K, Schneider LS : Efficacité des antidépresseurs de deuxième génération dans la dépression de fin de vie : une méta-analyse des preuves. Am Geriatr Psychiatry 2008 ; 16 : 558- 567
45. Tedeschini E, Levkovits Y, Iovieno N, Ameral VE, Nelson JC, Papakostas GL : Efficacité des antidépresseurs pour la dépression tardive : une méta-analyse et une méta-régression d’essais randomisés contrôlés par placebo. J Clin Psychiatry 2011 ; 72 : 1660-1668.
46. Roose SP, Sackeim HA, Krishnan KR, et al : Old-Old Depression Study Group. La pharmacothérapie antidépressive dans le traitement de la dépression chez les personnes très âgées : un essai randomisé et contrôlé par placebo. Am J Psychiatry 2004 ; 161 : 2050–2059
47. Katona C, Hansen T, Olsen CK : Une étude randomisée, en double aveugle, contrôlée par placebo, référencée par la duloxétine, à dose fixe, comparant l’efficacité et la sécurité du LU AA21004 chez des patients âgés souffrant de dépression majeure. Int Clin Psychopharmacol 2012 ; 27 : 215-223.
48. Robinson M, Oakes TM, Raskin J, Liu P, Shoemaker S, Nelson JC : Traitement aigu et à long terme du trouble dépressif majeur de la fin de vie : duloxétine contre placebo. Am J Geriatr Psychiatry 2014 ; 22 : 34-45.
49. Allard P, Gram L, Timdahl K, Behnke K, Hanson M, Søgaard J : Efficacité et tolérabilité de la venlafaxine chez des patients âgés souffrant de dépression majeure: un essai comparatif randomisé en double aveugle de 6 mois avec le citalopram. Int J Geriatr Psychiatry 2004 ; 19 : 1123-1130.
50. Ibor JJ, Carrasco JL, Prieto R, Garcia-Calvo C : Groupe d’étude Ceres. Efficacité et sécurité de la venlafaxine à libération prolongée chez les patients âgés dépressifs. Arch Gerontol Geriatr 2008 ; 46 : 317-326
51. Raskin J, Wiltse CG, Siegal A, et al : Efficacité de la duloxétine sur la cognition, la dépression et la douleur chez les patients âgés souffrant de troubles dépressifs majeurs : un essai de 8 semaines, en double aveugle, contrôlé par placebo. Am J Psychiatry 2007 ; 6 : 900-909.
52. Amrein R, Stabl M, Henauer S, Affolter E, Jonkanski I : Efficacité et tolérabilité du moclobémide par rapport au placebo, aux antidépresseurs tricycliques et aux inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine chez les patients âgés déprimés : aperçu clinique. Can J Psychiatry 1997 ; 42 : 1043-1050.
53. Weihs KL, Settle EC, Batey SR, Houser TL, Donahue RM, Ascher JA : Le bupropion à libération prolongée contre la paroxétine dans le traitement de la dépression chez les personnes âgées. J Clin Psychiatry 2000 ; 61 : 196-202.
54. Hoyberg OJ, Maragakis B, Mullin J, et al : Une comparaison multicentrique en double aveugle de la Mirtazapine et de l’amitriptyline chez des patients âgés déprimés. Acta Psychiatr Scand 1996 ; 93 : 184-190.
55. Gerner R, Estabrook W, Steuer J, Jarvik L : Traitement de la dépression gériatrique avec du trazodone, de l’imipramine et un placebo : une étude en double aveugle. J Clin Psychiatry 1980 ; 41 : 216-220.
56. Heun R, Ahokas A, Boyer P, Gimenez-Montesinos N, PontesSoares F, Olivier V : L’efficacité de l’agomélatine chez les patients âgés souffrant de troubles dépressifs majeurs récurrents : une étude contrôlée par placebo. J Clin Psychiatry 2013; 74 : 587-594.
57. Howland RH : une évaluation des avantages et des risques de l’agomélatine dans le traitement de la dépression majeure. Drug Saf 2011 ; 34 : 709-731
58. von Wolff A, Hölzel LP, Westphal A, Härter M, Kriston L : Selective serotonin reu ptake inhibitors and tricyclic antidepressants in the acute treatment of chronic depression and dysthymia : a systematic review and meta-analysis. J Affect Disord 2013 ; 144 : 7-15.
59. Breitenstein B, Scheuer S, Brückl TM, et al : Association des variantes du gène ABCB1, concentration plasmatique des antidépresseurs et réponse au traitement: Résultats d’une étude clinique randomisée. J Psychiatric Res 2016 ; 73 : 86-95.
60. Rocha FL, Fuzikawa C, Riera R, Hara C : Combinaison d’antidépresseurs dans le traitement du trouble dépressif majeur : une revue systématique et une méta-analyse. J Clin Psychopharmacol 2012 ; 32 : 278-281.
61. Bauer M, Pfennig A, Severus E, Whybrow PC, Angst J, Möller HJ : World Federation of Societies of Biological Psychiatry (WFSBP) Guidelines for Biological Treatment of Unipolar Depressive Disorders, Part 1 : Mise à jour 2013 sur le traitement aigu et la poursuite du traitement des troubles dépressifs unipolaires. World J Biol Psychiatry 2013 ; 14 : 334-385.
62. Maust DT Oslin DW, Thase ME : Aller au-delà de la monothérapie antidépressive pour une réponse incomplète dans la dépression non psychotique de fin de vie : un examen critique. Am J Geriatr Psychiatry 2013 ; 21 : 973-986.
63. Mulsant BH, Blumberger DM, Ismail Z, Rabheru K, Rapoport MJ : Une approche systématique de la pharmacothérapie pour la dépression majeure gériatrique. Clin Geriatr Med 2014 ; 30 : 517-534.
64. Bschor T : Lithium dans le traitement des troubles dépressifs majeurs. Drugs 2014 ; 74 : 855-862.
65. Hemmeter UM, Hemmeter-Spernal J, War JC : La privation de sommeil dans la dépression. Expert Rev Neurother 2010 ; 10 : 1101-1115.
66. Hernandez CR, Smith GS, Houck PR, et al : La réponse clinique à la privation totale de sommeil et au sommeil de récupération dans la dépression gériatrique : indicateurs potentiels du résultat du traitement antidépresseur. Psychiatry Res 2000 ; 97 : 41-49.
67. Sumaya IC, Rienzi BM, Deegan JF 2nd, Moss DE : Le traitement par lumière vive diminue la dépression chez les personnes âgées institutionnalisées : une étude croisée contrôlée par placebo. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2001 ; 6 : M356-60.
68. Stek ML, Wurff van der FFB, Hoogendijk WJG, Beekman ATF : thérapie électroconvulsive pour les personnes âgées dépressives. Cochrane Database Syst Rev 2003;2 : CD003593.
69. Jelovac A, Kolshus E, McLoughlin DM : Relapse following successful electroconvulsive therapy for major depression : a meta-analysis. Neuropsychopharmacologie 2013 : 38 ; 2467–2474.
70. Sackheim HA, Prudic J, Nobler MS, et al : Effets de la largeur d’impulsion et du placement des électrodes sur l’efficacité et les effets cognitifs de la thérapie électroconvulsive. Brain Stimul 2008 ; 1 : 71-83.
71. Sabesan P, Lankappa S, Khalifa N, Krishnan V, Gandhi R, Palaniyappan L : stimulation magnétique transcranienne pour la dépression gériatrique : Promesses et pièges. World J Psychiatry. 2015 ; 5 : 170–181.
72. Ochs-Ross R, Daly EJ, Zhang Y, Lane R, Lim P, Morrison RL, Hough D, Manji H, Drevets WC, Sanacora G, Steffens DC, Adler C, McShane R, Gaillard R, Wilkinson ST, Singh JB. Efficacité et sécurité du spray nasal à l’eskétamine plus un antidépresseur oral chez les personnes âgées souffrant de dépression résistante au traitement – TRANSFORM-3. Am J Geriatr Psychiatry. 2019 Oct 17. pii : S1064-7481(19)305

L’ érysipèle chronique récurrent

L’ érysipèle est caractérisé par un érythème clairement délimité, ne touchant que l’ épiderme et le derme, accompagné de fièvre, de lymphangite et de douleur. Divers facteurs de risque, notamment le lymphœdème, peuvent entraîner un érysipèle chronique récurrent. Le traitement conséquent des facteurs de risque peut minimiser le risque de récidive. Pour ce faire, il est nécessaire de reconnaître les diagnostics différentiels potentiels. Le traitement comprend une thérapie au stade aigu et éventuellement une prophylaxie à long terme.

Environ 10 % des patients atteints d’ érysipèle aigu ont une récidive dans les 6 mois et 30  % dans les 3 ans (1). Les personnes âgées sont les plus touchées. Les chiffres exacts sur la répartition par sexe ne sont pas disponibles. Une distribution saisonnière avec une incidence accrue en été peut être observée (2). En fonction des facteurs de risque présents, les régions du corps prédisposées sont les parties inférieures des jambes, les pieds, et les bras, mais n’ importe quelle partie de la peau peut être affectée. Les facteurs de risque sous-jacents ne concernent généralement pas le visage et la tête. Lors d’ une première infection, l’  érysipèle se manifeste souvent dans la région tibiale, alors qu’ en cas de récidives ce sont surtout les pieds qui sont affectés (2). Il n’ existe cependant actuellement pas de données complètes concernant ce phénomène.

Etiopathogénie

Facteurs de risque

Une barrière cutanée perturbée, comme dans la dermatite de stase, une onychomycose et la dermatomyosite, peut constituer un point d’ entrée pour une récidive de l’ érysipèle. Les lésions facilitent l’ invasion bactérienne des tissus (3). Le facteur prédictif le plus important de récidive de l’ érysipèle est la présence d’ un lymphœdème chronique (1). Des érysipèles à répétition entraînent des lésions progressives et irréversibles des vaisseaux lymphatiques. L’ œdème riche en sérum qui en résulte constitue donc un risque supplémentaire de récidive. Les troubles du flux lymphatique peuvent aussi être causés par des lésions des vaisseaux lymphatiques dues à des infections, une radiothérapie et des interventions chirurgicales. Ces dernières comprennent, par exemple, la lymphadénectomie en cas de maladie tumorale et la saphénectomie en cas de pontage. En outre, la neuropathie chez les diabétiques, l’ insuffisance veineuse chronique et l’ obésité sont également des facteurs de risque. En particulier, le diabète sucré est considéré comme un facteur favorisant la fasciite nécrosante (4). Très rarement, des immunodéficiences primaires peuvent contribuer à la pathogenèse de l’ érysipèle récurrent. En fin de compte, le lymphœdème reste le facteur déterminant pour le développement d’ un érysipèle récurrent (fig. 1).

Facteurs de protection

Il est intéressant de noter que les patients atteints de BPCO sont moins susceptibles de présenter un érysipèle récurrent (6). Une explication possible pourrait être les antibiothérapies fréquentes pour le traitement des infections pulmonaires.

Agent pathogène

L’ agent pathogène le plus fréquent dans l’ érysipèle est le streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (Streptococcus pyogenes). Les streptocoques du groupe C, G ou B font également partie du spectre pathogène. Ces derniers se produisent principalement chez les patients atteints de diabète sucré, lors d’ une chirurgie tumorale et après une radiation. Chez les patients immunosupprimés, les germes gram-négatifs tels que Pseudomonas aeruginosa et Escherichia coli jouent également un rôle. Le staphylocoque doré peut provoquer un tableau clinique similaire et est l’ agent pathogène le plus courant dans la cellulite, également fréquemment détecté dans le phlegmon (6).

Diagnostic

Présentation clinique et diagnostic

Le diagnostic est posé cliniquement. La triade typique de l’ érysipèle comprend l’ érythème, la fièvre et la lymphadénite. L’ érysipèle récurrent présente un tableau clinique moins prononcé avec une rougeur discrète et une hyperthermie, ainsi que des modifications mineures de la formule sanguine. Ceci est dû notamment à des modifications cutanées préexistantes comme dans l’ insuffisance veineuse chronique, le lymphœdème et les dermatoses telles que l’ intertrigo et la mycose des pieds (Tinea pedis). Les hémocultures sont systématiquement recommandées. L’ obtention de biopsies ou de matériel d’ aspiration des lésions ne fournit souvent pas de preuve culturelle de l’ agent pathogène. Les tests de résistance sont utiles en présence de staphylocoques dorés, en particulier en cas de suspiçion d’ un staphylocoque doré résistant à la méthicilline (4). Une biopsie ou un prélèvement par aspiration doit être effectué principalement chez les personnes immunodéprimées, en cas de lésions dues à des morsures d’ animaux ou en cas de staphylocoques dorés résistant à la méthicilline (5).

Complications

Un traitement inadéquat ou l’ absence de traitement de l’ érysipèle, ainsi que les facteurs de risque sous-jacents, peuvent entraîner une récidive de l’ érysipèle. Des complications surviennent chez environ 25 à 31 % (6) des patients. L’ incidence croissante des récidives entraîne des lésions irréversibles des vaisseaux lymphatiques, qui sont également considérées comme le facteur prédictif le plus important de la récidive. Les complications dermatologiques comprennent la sclérose, les modifications pigmentaires et la pachydermie. D’ autres conséquences peuvent être l’ éléphantiasis inflammatoire, l’ insuffisance veineuse, les abcès et la propagation des infections (septicémie, ostéomyélite, arthrite, tendinite septique).

Diagnostics différentiels

Pour poser un diagnostic correct, il est important de connaître les tableaux cliniques semblables. Les diagnostics erronés les plus courants sont la dermatite de stase aiguë et les piqûres d’ insectes sévères (7).
L’ érysipèle est une infection cutanée superficielle limitée à l’ épiderme et au derme. La cellulite, par contre, touche également les tissus sous-cutanés. Cliniquement, il est souvent impossible de distinguer l’ érysipèle de la cellulite, surtout dans les premiers stades. Par conséquent, on utilisera généralement des antibiotiques qui sont également efficaces contre le staphylocoque doré (4).

  • Dermatite de stase aiguë : la zone érythémateuse est moins brillante et touche généralement les deux jambes. Elle s’ accompagne d’ un œdème qui peut être enfoncé plus profondément et d’ une dermatoliposclérose palpable. En présence d’ un lymphœdème, l’ œdème aigu récurrent de stase est une cause fréquente d’ erysipèle. Le diagnostic différentiel avec l’ érysipèle est difficile mais important pour éviter l’ administration inutile d’ antibiotiques.
  • Réaction aux piqûres d’ insectes : après certaines piqûres de moustiques, un érythème brillant avec des extensions en forme de langue peut apparaître en quelques heures, plus rapidement que dans l’ érysipèle. La symptomatologie générale est légère.
  • Fièvre méditerranéenne périodique : l’ érythème récurrent peut ressembler de près au tableau de l’ érysipèle. Les symptômes d’ accompagnement comprennent la fièvre, des symptômes arthritiques, péritonitiques et pleuraux.
  • Erythème migrant : l’ érythème pâle indolore, nettement délimité, à propagation centrifuge, n’ a pas d’ extension et est moins aigu que l’ érysipèle.
  • Dermatite de contact : après contact, un érythème prurigineux et nettement délimité apparaît en quelques heures. Il n’ y a pas de symptômes généraux.
  • Herpès zoster : au stade initial, la douleur est importante. Au cours de la maladie, des vésicules apparaissent et la propagation est limitée à un dermatome, contrairement à l’ érysipèle.
  • Erysipéloïde : les localisations sont souvent les mains et les doigts après contact avec la volaille, les porcs et les animaux marins. Au début, il y a une plaque rouge-livide plate et, au fur et à mesure de son évolution, un éclaircissement central avec un bord livide nettement délimité. Le diagnostic se fait par voie microbiologique ou histologique.
  • Thrombophlébite : l’ induration douloureuse en forme de cordon peut être la cause de l’ érysipèle.
    Erysipela carcinomatosum : le tableau clinique d’infiltration dure ne survient pas de manière aiguë.
  • Lymphangite aigüe : elle se caractérise par une rougeur linéaire le long d’ un trajet lymphatique, généralement sans symptômes généraux prononcés.

Traitement

Les patients ont besoin d’ une thérapie interdisciplinaire. L’ accent est mis sur le traitement des facteurs déclenchants afin de garantir une barrière cutanée et des tissus mous intacts. Cela permet une utilisation ciblée des antibiotiques et le maintien d’ un microbiome intact. Les mesures non pharmacologiques ont une importance capitale dans le traitement de l’ érysipèle récurrent.

Thérapie non-médicamenteuse

La mesure la plus importante est le traitement du site d’ entrée, comme la mycose des pieds, et les bons soins de la peau. Un traitement des troubles du drainage lymphatique est nécessaire. Le traitement par compression avec des bandages élastiques, le drainage lymphatique manuel ou par appareil sont importants. En raison du risque de propagation de l’ infection, le drainage lymphatique en cas d’ inflammation active ne doit être effectué que sous traitement antibiotique.

Traitement aigu

Au stade aigu, une antibiothérapie par amoxicilline/acide clavulanique 3 x 625 mg/jour est indiquée. La décision d’ opter pour un traitement oral ou intraveineux dépend de la gravité de l’ infection et des comorbidités existantes. En cas d’ allergie à la pénicilline, on utilisera la clindamycine 3 x 300 mg/jour par voie orale ou 3 x 600 mg/jour par voie intraveineuse (4).

Durée du traitement

La durée recommandée du traitement au stade aigu est de 5 à 7 jours.

Prophylaxie

L’ assainissement du site d’ entrée et le traitement des facteurs prédisposants sont les éléments les plus importants.

Récidive

Après l’ évaluation des risques, le patient reçoit des instructions exceptionnelles pour une mise en route rapide et indépendante des antibiotiques.

Evaluation des risques de l’ antibioprophylaxie

La prophylaxie antibiotique intermittente diminue le nombre de récidives mais ne doit être administrée qu’ après consultation d’ un spécialiste des maladies infectieuses. Compte tenu des données contradictoires, elle nécessite une évaluation minutieuse des risques et bénéfices. Des études montrent le bénéfice d’ une antibiothérapie à long terme surtout après la première récidive, d’ autres études décrivent un bénéfice après 3-4 récidives (5, 8).
Une prophylaxie à long terme peut être administrée avec la pénicilline V (phénoxyméthylpénicilline) 250 mg 2x/jour per os (5, 9, 10). En prophylaxie, l’ administration perorale est indiquée et mieux prouvée que le traitement parentéral (11). Lors de problèmes d’ observance thérapeutique, un traitement intramusculaire de 2 à 3 semaines par benzylpénicilline-benzathine (Tardocillin®) est recommandé. Si aucune récidive n’ est survenue après 6 mois, l’ intervalle peut être prolongé (11, 12). Il n’ existe pas de benzylpenicilline benzathine dépôt en Suisse, la substance doit donc être importée de l’ étranger, par exemple la Tardocilline®, qui est fabriquée en Allemagne. Aucune autorisation spéciale n’ est requise pour l’ utilisation en Suisse de préparations autorisées par l’ UE. La pénicilline G benzathine peut être commandée auprès des pharmacies hospitalières ou des pharmacies internationales. En cas d’ allergie à la pénicilline, la Clarithromycine 250 mg/j peut être utilisée par voie orale pendant 12 mois, il n’ y a cependant pas d’ évidence concernant la dose recommandée. Lérythromycine n’ est plus recommandée en raison de ses effets indésirables et de son taux d’ absorption défavorable (11). La prophylaxie des rechutes par la pénicilline sur une période de seulement 6 mois peut réduire le risque de rechute d’ environ 50 % (13).

Autres traitements médicamenteux

L’ association de corticostéroïdes et d’ antibiotiques dans le traitement de l’ érysipèle doit être envisagée, en particulier dans les cas graves et à haut risque de récidive (14). Un traitement concomitant à la cortisone peut entraîner une amélioration rapide de la douleur, de la fièvre et des résultats locaux. Il n’ existe cependant pas beaucoup de données ni de recommandations concernant l’ administration de corticostéroïdes dans l’ érysipèle chronique.

Récidive malgré une prophylaxie antibiotique

Une raison courante et quotidienne de la récidive est une compliance médicamenteuse insuffisante. Des effets secondaires indésirables ainsi que l’ ’utilisation incorrecte ou manquante de l’ antibioprophylaxie figurent parmi les raisons les plus fréquentes de la récidive de l’érysipèle (tab. 1).


Pour poser un diagnostic correct, la connaissance des diagnostics différentiels possibles est nécessaire. Une culture permettant de différencier les streptocoques des staphylocoques peut être utile pour le choix des antibiotiques (15).

Article traduit de «der informierte arzt » 05_2021

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med.Kristina Hersch

Spital Männedorf
Asylstr. 10, 8708 Männdedorf

Dr. med. Dominik Schneider

Spital Männedorf
Asylstr. 10, 8708 Männdedorf

d.schneider@spitalmaennedorf.ch

Les auteurs n’  ont aucun conflit d’  intérêts à déclarer en rapport avec cet article.

◆ Les éléments les plus importants pour la prophylaxie de l’ érysipèle récurrent sont le traitement d’ une perturbation de la barrière cutanée ainsi que d’ autres facteurs prédisposants tels que le lymphœdème.
◆ Une éventuelle antibiothérapie à long terme doit être évaluée soigneusement et en consultation avec un infectiologue.
◆ Un traitement concomitant avec des corticostéroïdes doit être envisagé en cas d’ érysipèle récurrent.

1. Jorup-Rönström C, Britton S. Recurrent erysipelas: predisposing factors and costs of prophylaxis. Infection. 1987 Mar-Apr;15(2):105-106.
2. Brishkoska-Boshkovski V, Dimitrovska I, Kondova-Topuzovska I. Clinical Presentation and Laboratory Characteristics in Acute and Recurrent Erysipelas. Open Access Maced J Med Sci. 2019;7(5):771-774.
3. Seybold U, Erysipel: Wann wird es kritisch? MMW Fortschritte der Medizin 2018 . 10 / 160
4. Bassetti S, Haut- und Weichteilinfektionen: Zellulitis, Erysipel und nekrotisierende Fasziitis, Schweiz Med Forum 2013;13(35):672–677
5. Thomas KS, Crook AM, Nunn AJ, et al. Penicillin to prevent recurrent leg cellulitis. N Engl J Med. 2013;368(18):1695-1703.
6. Inghammar M, Rasmussen M, Linder A. Recurrent erysipelas–risk factors and clinical presentation. BMC Infect Dis. 2014;14:270.
7. Sunderkötter, C. and Becker, K. (2015), Häufige bakterielle Infektionen der Haut-und Weichgewebe: Klinik, Diagnostik und Therapie. JDDG: Journal der Deutschen Dermatologischen Gesellschaft, 13: 501-5
8. Stevens DL, Bisno AL, Chambers HF, et al. Practice guidelines for the diagnosis and management of skin and soft tissue infections: 2014 update by the Infectious Diseases Society of America [published correction appears in Clin Infect Dis. 2015 May 1;60(9):1448.
9. Oh CC, Ko HC, Lee HY, Safdar N, Maki DG, Chlebicki MP. Antibiotic prophylaxis for preventing recurrent cellulitis: a systematic review and meta-analysis. J Infect. 2014;69(1):26-34.
10. Dalal A, Eskin-Schwartz M, Mimouni D, et al. Interventions for the prevention of recurrent erysipelas and cellulitis. Cochrane Database Syst Rev. 2017;6(6):CD009758. Published 2017 Jun 20.
11. S2k Leitlinie: Kalkulierte parenterale Initialtherapie bakterieller Erkrankungen bei Erwachsenen AWMF-Registernummer 082-006
12. Brishkoska-Boshkovski V, Kondova-Topuzovska I, Damevska K, Petrov A. Comorbidities as Risk Factors for Acute and Recurrent Erysipelas. Open Access Maced J Med Sci. 2019;7(6):937-942.
13. Thomas K, Crook A, et al. Prophylactic antibiotics for the prevention of cellulitis (erysipelas) of the leg: results of the UK Dermatology Clinical Trials Network’s PATCH II trial. Br J Dermatol. 2012;166(1):169-178
14. Solomon M, Barzilai A, Elphasy H, Trau H, Baum S. Corticosteroid Therapy in Combination with Antibiotics for Erysipelas. Isr Med Assoc J. 2018;20(3):137-140.
15. Koster JB, Kullberg BJ, van der Meer JW. Recurrent erysipelas despite antibiotic prophylaxis: an analysis from case studies. Neth J Med. 2007;65(3):89-94.

La conciliation médicamenteuse dans le parcours de soins

L’ entrée et la sortie d’ hôpital sont des points critiques pour la continuité des soins et sont associés à un taux d’ erreurs médicamenteuses élevé. La conciliation médicamenteuse aux différents points de transition, procédé permettant d’ améliorer le transfert de l’  information médicamenteuse entre l’ hôpital et la ville, a été identifiée comme prioritaire par l’ OMS. Des difficultés de mise en place de ce processus ainsi que des évidences parfois faibles quant aux bénéfices cliniques pour les patients ont jusqu’ ici limité son déploiement en Suisse. Ces éléments, combinés à la difficulté d’ obtention de l’ information sur les médicaments aux points de transition, appelle à des solutions d’ optimisation du processus dans l’ attente d’ une amélioration du flux de l’ information médicamenteuse au-travers du dossier électronique du patient.

Introduction

La transition des soins du patient entre l’ ambulatoire et l’ hôpital est associée à un haut risque d’ erreurs médicamenteuses, définies comme l’ omission ou la réalisation d’ un acte non intentionnel impliquant un médicament durant le processus de soins, pouvant être à l’ origine d’ un risque ou d’ un événement indésirable pour le patient (1). Ces erreurs sont plus à risque de survenir chez le patient âgé, population qui présente souvent plus de co-morbidités et une polymédication. Les effets indésirables (EIs) liés aux médicaments sont dus à des erreurs médicamenteuses dans plus de la moitié des cas (2) et surviennent majoritairement aux points de transition entre la ville et l’ hôpital (3-5).

Processus en trois étapes

La conciliation médicamenteuse se définit comme « un processus formalisé, interactif et pluridisciplinaire dans lequel les professionnels de santé travaillent en partenariat avec les patients pour assurer un transfert précis et complet des informations sur les médicaments du patient aux interfaces de soins » (6). Elle vise à établir la liste la plus exhaustive des médicaments pris par le patient et à détecter et justifier toute divergence entre deux listes médicamenteuses à différents moments du parcours de soins du patient (7). Elle a été définie comme l’ un des cinq axes prioritaires de l’ OMS dans le cadre de son projet « High 5S  » pour améliorer la sécurité des patients (8). Le processus de conciliation médicamenteux est utilisé dans de nombreux pays. Or, en Suisse, la conciliation médicamenteuse est encore très peu développée (9).
L’ établissement d’ une conciliation médicamenteuse devrait se faire idéalement à toutes les étapes du parcours de soin du patient. Celle-ci comporte 3 étapes, dont (i) la réalisation du bilan exhaustif et complet des médicaments pris actuellement par le patient par la recherche active d’ informations sur les traitements du patient, ii) la comparaison du bilan des médicaments du patient avec la nouvelle ordonnance du prescripteur et (iii) l’ actualisation de la prescription et du dossier patient. Cette démarche certes indispensable peut être négligée car elle nécessite des compétences et des ressources en personnel qualifié, ainsi qu’ un temps dédié conséquent pour son élaboration (9, 10).

Les bénéfices cliniques de la conciliation médicamenteuse

Il est bien établi que la conciliation médicamenteuse permet de diminuer le nombre de divergences médicamenteuses aux points de transition (11, 12). Ces divergences peuvent être de différentes natures. Elles peuvent concerner la posologie, la galénique, l’ horaire et la fréquence d’ administration, le principe actif ou la spécialité. Des omissions ou des duplications de traitement sont également possibles. En termes d’ impact clinique pour le patient et le système de santé, quelques revues systématiques et méta-analyses ont évalué l’ efficacité de la conciliation sur la survenue des EIs, la mesure de l’ utilisation des ressources en soins de santé et la mortalité (12-16).
Les évidences sont faibles quant à un bénéfice de la conciliation sur la survenue des EIs potentiels ou évitables, avec toutefois un effet marqué sur la diminution du nombre d’ hospitalisation lié à un EI (risque relatif (RR) 0.33 IC 95 % 0.20 – 0.53) (12). Concernant les recours aux soins, une diminution cliniquement significative du nombre de réadmissions à l’ hôpital (RR 0.81, IC 95 % 0.70-0.95) ou de visites aux urgences (RR 0.72, IC 95 % 0.57-0.92) toutes causes confondues (15) a pu être démontrée. Toutefois, une diminution non significative du nombre de réhospitalisations (RR 0.72, IC 95 % 0.5-1.18) ou de la durée de séjour (RR 0.48, IC 95%-1.04 -1.99) a été rapportée et aucun effet sur la mortalité (RR 0.75, IC 95 % 0.27 – 2.08) (11). Il est à noter une grande hétérogénéité des études du fait de variations méthodologiques marquées d’ une étude à une autre (définition des divergences, procédure de collectes des données, lieu de conciliation), ce qui rend la comparaison entre études difficiles et pourrait expliquer certains résultats négatifs (11, 13, 15).

Barrières et facilitateurs à la conciliation médicamenteuse à la transition ville-hôpital

Les patients âgés sont particulièrement à risque de subir un EI lié à la prise d’ un médicament et ils présentent un risque d’ hospitalisation accru. On note également une prévalence plus importante de troubles cognitifs et de troubles visuels, qui, combinés à la polymédication, les met à risque de moins bien connaitre leur traitement et leur indication. On constate également un risque augmenté dans le nombre d’ intervenants pouvant jouer un rôle dans le processus de prescription (médecin traitant, médecins spécialistes, médecins de l’ hôpital) et d’ administration (pharmacie, soins à domicile) des médicaments. Plusieurs problématiques liés à la conciliation médicamenteuse peuvent également survenir pendant le séjour hospitalier qui implique souvent de multiples transitions en soins avec le passage par les urgences, les soins aigus et parfois un centre de traitement et de réadaptation (CTR) avant le retour à domicile. Le traitement est également modifié de manière courante à l’ hôpital pour se conformer aux listes de traitement des hôpitaux.

A l’ admission la principale difficulté réside dans l’ obtention d’ une liste complète et exhaustive du traitement habituel du patient. Ce processus se complexifie avec la pluralité des sources d’ information (médecin traitant, médecin spécialiste, pharmacie, patients, proches, soins à domicile) avec des risques importants de divergences (17-19). Le manque de disponibilité de la juste liste du patient à l’ admission et l’ identification sous-optimale des traitements du domicile augmentent le risque d’ EIs et affaiblit le processus de conciliation de sortie. La pharmacie, au cœur de la délivrance du médicament, apparaît comme une source à privilégier également dans la récolte de l’ information en complémentarité des informations transmises par le médecin traitant (19).

La conciliation de sortie est une autre étape importante du processus qui doit remplir les objectifs de respecter la continuité de prise du même médicament en amont et en aval de l’ hospitalisation. Durant le séjour hospitalier, plusieurs modifications du traitement sont effectuées en raison de l’ état et des pathologies du patient. La majorité de ces changements est intentionnelle et il est important de les documenter. Les divergences non-intentionnelles se constituent principalement d’ omissions, des substitutions de traitement et des erreurs de dose ou de posologie (9, 20). Le manque de justification des changements à la sortie, le délai d’ envoi de ces informations au médecin traitant et le peu de communication des informations aux pharmacien d’ officine ou au personnel soignant à domicile est une barrière importante à la continuité des soins (21). Comme suggéré dans une étude (22), le manque de documentation de l’ information sur les modifications thérapeutiques du patient est susceptible de provoquer en cascade une incompréhension de la part du médecin traitant, des modifications potentiellement inutiles du traitement, et des problèmes d’ adhésion pour le patient. La corrélation positive entre le nombre de divergences non documentées dans la lettre de sortie et le nombre de modifications à un mois a d’ ailleurs été rapportée (20).

L’ élaboration d’ un document de sortie capable de refléter les traitements réconciliés avec les traitements pris à domicile et y intégrant les modifications de traitements et leur justification aurait un impact positif sur la suite de la prise en charge du patient. Elle permettrait en outre d’ améliorer l’ intégration des pharmaciens d’ officine dans le processus mais aussi les patients ou proches-aidant dont la participation active pourrait contribuer à la prévention des erreurs médicamenteuses (21).

Perspectives

De nombreux documents de conciliation médicamenteuse ont été développés sous format papier ou électronique, de façon isolée ou dans des réseaux de soins incluant patients et professionnels de la santé. Le déploiement du dossier électronique du patient devrait permettre de centraliser les données, dont les médicaments au-travers du plan de médication partagé. D’ ici là, il est impératif qu’ une prise en charge interprofessionnelle soit renforcée entre médecins, pharmaciens, soignants et autres professionnels de la santé, en partenariat avec le patient et les proche-aidants pour permettre une meilleure transmission de l’ information sur le médicament et sécuriser la continuité des soins entre l’ hôpital et la ville.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Claire Coumau, Pharmacienne

Centre de Recherche et d’ Innovation en Sciences Pharmaceutiques
Cliniques
Centre Hospitalier Universitaire et Université de Lausanne
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne

Claire.Coumau@chuv.ch

Dr Kristof Major

Médecin
Service de Gériatrie et de Réadaptation Gériatrique
Centre Hospitalier Universitaire et Université de Lausanne
Chemin de Sylvana 10
1066 Epalinges

Kristof.Major@chuv.ch

Pre Chantal Csajka

Centre de Recherche et d’ Innovation en Sciences Pharmaceutiques
Cliniques
Centre Hospitalier Universitaire et Université de Lausanne
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne

Chantal.Csajka@chuv.ch

Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ Le manque de transmission et de documentation de l’ information médicamenteuse engendre des risques médicamenteux aux points de transition du parcours de soin du patient.
◆ La conciliation médicamenteuse s’ avère être un moyen efficace de détection, de correction des erreurs médicamenteuses et de transmission des modifications thérapeutiques aux interfaces hôpital-ville.
◆ Une collaboration interprofessionnelle renforcée permettant une transmission facilitée de l’ information sur les traitements permettrait d’ améliorer la continuité des soins.

1. Erreurs médicamenteuses… En bref: Réseau Francais des Centres Régionaux de Pharmacovigilance 2019 [11.04.2021]. Available from: https://www.rfcrpv.fr/erreurs-medicamenteuses-bref/.
2. Laroche ML, Roux B, Grau M. Iatrogénie médicamenteuse chez la personne âgée, comprendre et agir. Actualités Pharmaceutiques. 2017;56(571).
3. Veyrier M, Bachalat N, Guenegou AL, Anne B, Leglise P, Huchon Becel D. [Securing the therapy management during the leave permissions for the elderly patients]. Annales pharmaceutiques francaises. 2016;74(3):212-21.
4. Ledroit M, Megne-Wabo M, Berroneau A, Xuereb F, Breilh D. Conciliation médicamenteuse et lien ville-hôpital. Actualités pharmaceutiques. 2017;571:39–41.
5. Berthe A, Fronteau C, Le Fur É, Morin C, Huon JF, Rouiller-Furic I, et al. Medication reconciliation: a tool to prevent adverse drug events in geriatrics medicine. Geriatrie et psychologie neuropsychiatrie du vieillissement. 2017;15(1):19-24.
6. Assuring Medication Accuracy at Transitions in Care : Medication Reconciliation: The High 5S project; 2014 [04.12.2020]. Available from: https://www.who.int/patientsafety/implementation/solutions/high5s/h5s-sop.pdf.
7. Fiche mémo: Préconisations pour la pratique de conciliation des traitements médicamenteux: Société Francaise de Pharmacie Clinique (SFPC); 2015 [07.04.2021]. Available from: http://pharmacie-clinique.fr/wp-content/uploads/2017/08/mmo_conciliation_v110116_dp_valid_16_pages.pdf.
8. Projet “High 5S”, agir pour la sécurité: Organisation Mondiale de la Santé; [07.04.2021]. Available from: https://www.who.int/patientsafety/implementation/solutions/high5s/ps_high5s_project_overview_fs_2010_fr.pdf.
9. Nachar C, Lamy O, Sadeghipour F, Garnier A, Voirol P. Medication reconciliation in a Swiss hospital: methods, benefits and pitfalls. European journal of hospital pharmacy : science and practice. 2019;26(3):129-34.
10. Walsh EK, Kirby A, Kearney PM, Bradley CP, Fleming A, O’Connor KA, et al. Medication reconciliation: time to save? A cross-sectional study from one acute hospital. Eur J Clin Pharmacol. 2019;75(12):1713-22.
11. Redmond P, Grimes TC, McDonnell R, Boland F, Hughes C, Fahey T. Impact of medication reconciliation for improving transitions of care. The Cochrane database of systematic reviews. 2018;8(8):Cd010791.
12. Cheema E, Alhomoud FK, Kinsara ASA, Alsiddik J, Barnawi MH, Al-Muwallad MA, et al. The impact of pharmacists-led medicines reconciliation on healthcare outcomes in secondary care: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. PloS one. 2018;13(3):e0193510.
13. McNab D, Bowie P, Ross A, MacWalter G, Ryan M, Morrison J. Systematic review and meta-analysis of the effectiveness of pharmacist-led medication reconciliation in the community after hospital discharge. BMJ quality & safety. 2018;27(4):308-20.
14. Lehnbom EC, Stewart MJ, Manias E, Westbrook JI. Impact of medication reconciliation and review on clinical outcomes. The Annals of pharmacotherapy. 2014;48(10):1298-312.
15. Mekonnen AB, McLachlan AJ, Brien JE. Effectiveness of pharmacist-led medication reconciliation programmes on clinical outcomes at hospital transitions: a systematic review and meta-analysis. BMJ open. 2016;6(2):e010003.
16. Al-Hashar A, Al-Zakwani I, Eriksson T, Sarakbi A, Al-Zadjali B, Al Mubaihsi S, et al. Impact of medication reconciliation and review and counselling, on adverse drug events and healthcare resource use. International journal of clinical pharmacy. 2018;40(5):1154-64.
17. Giannini O, Rizza N, Pironi M, Parlato S, Waldispühl Suter B, Borella P, et al. Prevalence, clinical relevance and predictive factors of medication discrepancies revealed by medication reconciliation at hospital admission: prospective study in a Swiss internal medicine ward. BMJ open. 2019;9(5):e026259.
18. Abdulghani KH, Aseeri MA, Mahmoud A, Abulezz R. The impact of pharmacist-led medication reconciliation during admission at tertiary care hospital. International journal of clinical pharmacy. 2018;40(1):196-201.
19. Bonhomme J DA, Baum T, Doerper S, Piney D, Dufay E. La juste liste des médicaments à l’admission du patient hospitalisé. Risques et Qualité. 2013;10.
20. Colombe M, Blanchemain S, Six A, Kowalski V, Lescure P. Prévalence des divergences médicamenteuses en sortie de court séjour gériatrique. Le Pharmacien Hospitalier et Clinicien. 2014;49(2):e105.
21. Kennelty KA, Chewning B, Wise M, Kind A, Roberts T, Kreling D. Barriers and facilitators of medication reconciliation processes for recently discharged patients from community pharmacists’ perspectives. Research in social & administrative pharmacy : RSAP. 2015;11(4):517-30.
22. Poldervaart JM, van Melle MA, Willemse S, de Wit NJ, Zwart DLM. In-hospital prescription changes and documentation in the medical records of the primary care provider: results from a medical record review study. BMC health services research. 2017;17(1):792.

Prévention des chutes en 2021 : place de la vitamine D ?

La prévention des chutes a émergé comme une priorité clinique et de santé publique. Dans ce contexte, la place de la vitamine D a suscité un battage scientifique et médiatique tout particulièrement marqué ces trois dernières années, avec une accumulation d’ essais randomisés contrôlés et méta-analyses aux résultats contradictoires, rendant difficile d’ intégrer ces données dans la pratique quotidienne : mais où en est-on aujourd’ hui ? Nous présentons ici les dernières recommandations en matière de prévention des chutes et la place de la supplémentation en vitamine D.

Les chutes affectent un tiers des plus de 65 ans et 50 % des plus de 85 ans chaque année, et demeurent l’ une des principales causes de perte d’ autonomie, de consultations de premier recours, d’  hospitalisation, d’ institutionnalisation prématurée et de morbi-mortalité (1-3). L’ écrasante majorité des fractures chez le sujet âgé survient par ailleurs dans le contexte d’ une chute à basse énergie. Ceci implique la reconnaissance de la pertinence d’ une stratégie d’ action combinée sur les facteurs de risque de chute et d’ ostéoporose pour la prévention de la fracture.
Avec le vieillissement de la population, l’ augmentation du nombre de chutes devrait se poursuivre et avoir un impact majeur sur quasiment tous les aspects de la société. La dissémination de pratiques optimales fondées sur des données probantes tout au long du continuum des soins sont susceptibles de contribuer à endiguer cette tendance préoccupante.

Recommandations de dépistage et prise en charge des chutes chez le sujet âgé

Bien que l’ étiologie d’ une chute soit le plus souvent multifactorielle, une faiblesse musculaire ou des troubles de l’ équilibre et  /  ou de la marche constituent les principaux facteurs de risque, les plus fréquemment retrouvés (2-3). La sarcopénie, caractérisée par une perte de la masse et de la fonction musculaire, sous-tend très fréquemment ces atteintes et est tout particulièrement associée à une augmentation du risque de chute (4-5).
Les recommandations actuelles prônent consensuellement un dépistage du risque de chute systématique annuellement après 65 ans, en se basant sur les antécédents de chutes (i.e., nombre de chutes dans les 12 derniers mois) et l’ évaluation des performances fonctionnelles à partir d’ un test simple (e.g., Short Physical Performance Battery, outil composite évaluant la vitesse de marche sur 4 mètres, l’ équilibre et la force des membres inférieurs à partir d’ un test de lever de chaise (6)) (2,  7-8). Les patients les plus à risque incluent notamment ceux ayant chuté ≥ 2 fois dans les
12 derniers mois, ou ayant consulté aux urgences pour chute, ou ayant chuté une fois dans les 12 derniers mois et présentant des déficits fonctionnels.
Les stratégies d’ intervention multifactorielles (i.e., basées sur une évaluation multifactorielle visant à l’ identification des facteurs de risque, suivie d’ un programme personnalisé de correction des facteurs identifiés) sont recommandées chez les patients les plus à risque, pour autant que les interventions proposées répondent à certains standards et soient strictement monitorées (2, 7-10). L’ efficacité de cette approche pour la prévention des chutes associées à des blessures a été récemment remise en cause (11).
Parmi les interventions reconnues comme individuellement efficaces, et devant être intégrées dans toute approche multifactorielle, figure au premier plan l’ exercice physique. Le niveau d’ évidence de cette intervention dans la prévention des chutes est en effet à ce jour le plus élevé, que les programmes d’ exercice soient réalisés en groupe ou en individuel, pour autant qu’ ils intègrent une forte composante d’ équilibre et soient réalisés à haute dose (e.g., 2 à 3 fois par semaine pendant 3 à 6 mois) (2 ,7-9,12). Les programmes d’ exercice cognitivo-moteurs comme la rythmique Jaques-Dalcroze (13) se sont tout particulièrement révélés très bénéfiques. L’ exercice physique est par ailleurs efficace pour réduire le développement d’ incapacités physiques, y inclus chez les patients les plus fragiles (14). L’ ensemble des patients âgés devraient donc être encouragés à pratiquer un programme d’ exercice régulier.
L’ évidence pour la supplémentation en vitamine D demeure à ce jour plus modérée. En 2018, l’ US Preventive Services Task Force (USPSTF) (8) jugeait même que les données existantes étaient insuffisantes et mettait à jour ses recommandations, se positionnant contre la supplémentation en vitamine D en prévention primaire des chutes chez les ≥ 65 ans vivant dans la communauté, excepté chez ceux avec une insuffisance ou une carence en vitamine D. Différents méga-essais et méta-analyses sont venus depuis renforcer le débat.

Vitamine D, fonction musculaire et chutes chez le sujet âgé

L’ intérêt porté à la vitamine D en prévention des chutes provient d’ études expérimentales et épidémiologiques ayant notamment démontré ses effets sur le muscle squelettique.

Le taux de Vitamine D comme facteur de risque

Un nombre important d’ études observationnelles, en dépit de certaines études négatives, ont ainsi pu mettre en évidence une association entre un taux sérique de 25 (OH)D bas et des altérations des performances musculaires et physiques (e.g., force, équilibre, marche), tout particulièrement chez les sujets carencés (taux sérique de 25 (OH)D < 25 nmol/l) (15-16). Une association inverse entre un taux sérique bas et les chutes est par ailleurs relativement bien établie, la carence en vitamine D s’ étant révélée comme un important déterminant du risque de chute chez les ≥ 65 ans (17-18).
Les effets de la vitamine D sur le muscle sont notamment en lien avec la présence des récepteurs à la vitamine D (« Vitamin D Receptor », VDR) au sein des cellules musculaires sur lesquels la 1,25(OH) 2D peut avoir un effet génomique, par l’ augmentation de la surface des fibres musculaires rapides de type II – à mettre en relation avec la perte sélective de ces fibres qui caractérisent la sarcopénie – et non génomique, notamment par l’ augmentation de la disponibilité du calcium cytosolique via le système de la protéine kinase. Il est à noter que l’ expression des VDR diminue avec l’ âge, entraînant ainsi une diminution de la sensibilité musculaire à la vitamine D. La vitamine D pourrait par ailleurs influencer le risque de chute via d’ autres mécanismes incluant le système nerveux central au sein duquel des VDR s’ expriment également (e.g., au niveau de l’ hypothalamus, de l’ hippocampe, du cortex et du sous-cortex).

Vitamine D et fonction musculaire chez le sujet âgé

Différentes études sont venues démontrer un effet bénéfique de la supplémentation en vitamine D sur la fonction musculaire des sujets âgés, notamment sur la force et tout particulièrement chez ceux avec des taux sériques bas (19-20). La plus large méta-analyse (19), basée sur 30 essais randomisés contrôlés et 5 615 sujets âgés (communautaires et institutionnalisés), rapporte un effet positif modeste sur la force musculaire globale, mais pas d’ effet sur la puissance et la masse musculaire.

Supplémentation en vitamine D et chutes

Un déficit en vitamine D étant hautement prévalent dans la population gériatrique (environ 50 % de la population générale âgée présente un niveau de 25 (OH)D < 50 nmol / l et 80 % < 75 nmol / l), de grands espoirs se sont ainsi tournés vers la vitamine D comme intervention de prévention des chutes, qui plus est au regard de son application simple et de son bas coût relatif.

Une littérature volumineuse

Une myriade d’ essais randomisés contrôlés et méta-analyses se sont accumulés ces deux dernières décennies sur les effets de la supplémentation en vitamine D dans la réduction des chutes et des fractures en milieu communautaire, avec des résultats controversés notamment quant à la réduction des chutes, ayant suscité un important battage scientifique et médiatique tout particulièrement marqué ces trois dernières années et contribuant à remettre en question les pratiques. La disparité de ces résultats peut en grande partie s’ expliquer par la grande hétérogénéité des études notamment en termes de population cible (e.g., taux de base de vitamine D, à haut risque de chute ou non), dose et intervalle entre les doses (e.g., quotidienne ou intermittente), durée d’ étude (e.g., quelques semaines à plusieurs années) et qualité d’ étude (e.g., méthode de suivi des chutes). Il est important de souligner que la plupart des récentes études publiées ont été menées auprès de populations non carencées en relativement bonne santé et ne visaient pas à évaluer directement l’ effet sur les chutes.

La position de l’ US Preventive Services Task Force (USPSTF)

La réévaluation défavorable de l’ USPSTF dans ses recommandations en 2018, concluant à « des certitudes modérées que la supplémentation en vitamine D n’ a pas d’ effet bénéfique » (recommandations grade D) chez les personnes âgées vivant dans la communauté, reflète l’ inconsistance des résultats des essais interventionnels dans la réduction du risque de chute. Les recommandations de l’ USPSTF se basent sur une analyse de 7 essais (n = 7 531 sujets âgés), ayant exclu les études recrutant explicitement des patients avec un déficit en vitamine D, qui ne retrouvait pas d’ effet dans la réduction du nombre de chutes (IRR 0.97, IC95 % 0.79-1.20) et du nombre de patients chuteurs (RR 0.97, IC95 % 0.88 - 1.08) (21).

Avons-nous aujourd’ hui assez d’ évidence pour ou contre la supplémentation en vitamine D dans la prévention des chutes chez les personnes âgées ?

En 2018 aussi, une méta-analyse de Bolland et al. (22) portant sur diverses variables musculo-squelettiques concluait également que la vitamine D n’ avait pas d’ effet cliniquement relevant sur le risque de chute (RR 0.97, 0.93-1.02) basé sur 37 essais (n =3 4 144 sujets > 18 ans) et qu’ il n’ y avait « aucune justification d’ entreprendre de nouveaux essais sur la supplémentation en vitamine D pour des résultats musculo-squelettiques ».
Les conclusions de Bolland et al. ont été grandement commentées et fait l’ objet de prises de position, et doivent ainsi être considérées avec grande précaution. Notamment la vaste majorité des études inclues n’ avaient pas été conçues pour évaluer les chutes et comportaient un nombre extrêmement limité de patients présentant une carence en vitamine D. Il est à noter également que cette méta-analyse incluait un essai supplémentant à très haute dose (500 000 UI par année; n = 2 256 sujets âgés à haut risque de fracture) ayant révélé une augmentation significative du risque de chutes (23). Différents essais sont ainsi venus souligner paradoxalement une augmentation du risque de chute avec des supplémentations à méga-doses ou à hautes doses intermittentes (24). Dans un essai zurichois par exemple (25) (n = 200 sujets âgés chuteurs) une incidence des chutes plus élevée était retrouvée avec des doses de 60 000 UI/mois administrées sur 12 mois (équivalentes en théorie à 2  000 UI/jour) en comparaison à des doses de 24 000 UI/mois (équivalentes à 800 UI/jour). De même, dans l’ essai ViDOS (n = 237 sujets âgés carencés avec un antécédent de chute) des doses journalières de 4  000–4 800 UI administrées sur 12 mois augmentaient le taux de chuteurs en comparaison aux doses de 1 600 à 3  200 UI / jour (26). Une relation « u-shaped » entre la dose en vitamine D et le risque de chute est suggérée, avec une fenêtre thérapeutique étroite, alors que les mécanismes sous-tendant cette relation doivent encore être élucidés. La dose « toxique » quant à elle est susceptible de différer selon le protocole de traitement, le statut vitaminique de base du patient ou encore le sexe et doit encore être clarifiée (24).
En milieu institutionnel, une revue systématique Cochrane en 2018 concluait en faveur d’ un bénéfice d’ une supplémentation en vitamine D (évidences modérées) dans la réduction du nombre de chutes, basée sur 4 essais (n  =  4  512 sujets âgés institutionnalisés), bien qu’ aucune différence sur le nombre de sujets chuteurs n’ ait pu être relevée (RaR 0.72, IC95% 0.55-0.95; RR 0.92, IC95  % 0.76-1.12) (27). Les sujets incluent dans ces études avaient des taux sériques en vitamine D bas.
Enfin, récemment, dans une étude ancillaire de l’ essai VITAL, un large essai ayant inclus 25  871 sujets communautaires âgés ≥  50 ans, aucun effet bénéfique d’ une supplémentation à 2  000 UI/jour sur 5.3 ans n’ a été retrouvé sur le nombre de chutes, de chutes répétées ou de chutes avec blessures dans la population totale y inclus chez les sujets avec un taux sérique de 25(OH)D de base ≤  30  nmol / L (28). Le nombre de sujets carencés était là encore faible. Les résultats sur les chutes (outcomes secondaires) de méga-essais (> 2  000 sujets) actuellement en cours ou finalisés, notamment les essais DO-HEALTH, TIPS-3 et D-Health, sont grandement attendus. Il reste également à clarifier dans quelle mesure la vitamine D et l’ exercice interagissent.

Conclusion

En milieu communautaire, le bénéfice d’ une supplémentation en vitamine D à des doses quotidiennes de 800-1 000 UI chez les patients âgés de plus de 65 ans en prévention des chutes est probablement faible, mais cette supplémentation peut être recommandée tout particulièrement chez ceux présentant une carence en vitamine D ou à haut risque de l’ être. En institution pour personnes âgées, son efficacité est peu contestée. Les supplémentations intermittentes et/ou à haute dose doivent être évitées.
Les résultats de méga-essais devraient être connus dans les 3 prochaines années et devraient apporter un éclairage supplémentaire sur l’ intérêt d’ une supplémentation en vitamine D chez les patients âgés.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dre Mélany Hars, PhD

Service des Maladies Osseuses, Département de Médecine et
Service de Gériatrie, Département de Réadaptation et Gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève et Faculté de Médecine
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

melany.hars@hcuge.ch

Pr Andrea Trombetti, MD

Service des Maladies Osseuses, Département de Médecine et
Service de Gériatrie, Département de Réadaptation et Gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève et Faculté de Médecine
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

andrea.trombetti@hcuge.ch

Les auteurs déclarent n’ avoir aucun lien d’ intérêt en relation avec le contenu de cet article.

  • L’ exercice physique est reconnu comme l’ intervention la plus efficace en prévention des chutes chez les personnes de plus de 65 ans, que ces programmes d’ exercice soient réalisés en groupe (e.g., rythmique Jaques-Dalcroze) ou en individuel, pour autant qu’ ils intègrent une forte composante d’ équilibre et soient réalisés à haute dose (e.g., 2 à 3 fois par semaine pendant 3 à 6 mois).
  • La plupart des récentes études négatives publiées sur l’ efficacité de la vitamine D dans la prévention des chutes ont été menées auprès de populations non carencées en relativement bonne santé et ne visaient pas à évaluer directement l’ effet sur les chutes.
  • Une supplémentation en vitamine D en prévention des chutes à des doses quotidiennes de 800-1 000 UI est recommandée chez les patients présentant une carence en vitamine D ou à haut risque de l’ être, et ceux institutionnalisés.
  • Les supplémentations intermittentes et/ou à haute dose doivent être évitées.

1. Pahor M. Falls in older adults: prevention, mortality, and costs. JAMA. 2019;321(21):2080-2081.
2. Ganz DA, Latham NK. Prevention of Falls in Community-Dwelling Older Adults. N Engl J Med. 2020;382(8):734-743.
3. Tinetti ME, Kumar C. The patient who falls: “It’s always a trade-off”. JAMA. 2010;303:258-266.
4. Cruz-Jentoft AJ, et al. Sarcopenia: revised European consensus on definition and diagnosis. Age Ageing. 2019;48(1):16-31.
5. Yeung SSY, et al. Sarcopenia and its association with falls and fractures in older adults: A systematic review and meta-analysis. J Cachexia Sarcopenia Muscle. 2019;10(3):485–500.
6. Hars M, Trombetti A. L’ évaluation de la marche, de l’ équilibre et du muscle chez le sujet âgé. Rev Med Suisse. 2013;9(390):1265-71.
7. Panel on Prevention of Falls in Older Persons, American Geriatrics Society and British Geriatrics Society. Summary of the Updated American Geriatrics Society/British Geriatrics Society clinical practice guideline for prevention of falls in older persons. J Am Geriatr Soc. 2011;59(1):148–157.
8. US Preventive Services Task Force, et al. Interventions to prevent falls in community-dwelling older adults: US Preventive Services Task Force Recommendation Statement. JAMA. 2018;24;319(16):1696-1704.
9. Gillespie LD, et al. Interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev. 2012;(9):CD007146.
10. Hopewell S, et al. Multifactorial and multiple component interventions for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev. 2018;7:CD012221.
11. Bhasin S, et al. A Randomized Trial of a Multifactorial Strategy to Prevent Serious Fall Injuries. N Engl J Med. 2020;383(2):129-140.
12. Sherrington C, et al. Exercise for preventing falls in older people living in the community. Cochrane Database Syst Rev. 2019;1:CD012424.
13. Trombetti A, et al. Effect of music-based multitask training on gait, balance, and fall risk in elderly people: a randomized controlled trial. Arch Intern Med. 2011;171(6):525-33.
14. Trombetti A, et al. Effect of Physical Activity on Frailty: Secondary Analysis of a Randomized Controlled Trial. Ann Intern Med. 2018;168(5):309-316.
15. Houston DK, et al. Association between vitamin D status and physical performance: the InCHIANTI study. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. 2007;62(4):440-6.
16. Halfon M, Phan O, Teta D. Vitamin D: a review on its effects on muscle strength, the risk of fall, and frailty. Biomed Res Int. 2015;2015:953241.
17. Annweiler C, Beauchet O. Questioning vitamin D status of elderly fallers and nonfallers: a meta-analysis to address a ‘forgotten step’. J Intern Med. 2015;277(1):16-44.
18. Snijder MB, et al. Vitamin D status in relation to one-year risk of recurrent falling in older men and women. J Clin Endocrinol Metab. 2006;91(8):2980-5.
19. Beaudart C, et al. The effects of vitamin D on skeletal muscle strength, muscle mass, and muscle power: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. J Clin Endocrinol Metab. 2014;99(11):4336-45.
20. De Spiegeleer A, et al. Sarcopenia Guidelines Development group of the Belgian Society of Gerontology and Geriatrics (BSGG). Pharmacological Interventions to Improve Muscle Mass, Muscle Strength and Physical Performance in Older People: An Umbrella Review of Systematic Reviews and Meta-analyses. Drugs Aging. 2018;35(8):719-734.
21. Guirguis-Blake JM, et al. Interventions to Prevent Falls in Older Adults: Updated Evidence Report and Systematic Review for the US Preventive Services Task Force. JAMA. 2018 Apr 24;319(16):1705-1716.
22. Bolland MJ, Grey A, Avenell A. Effects of vitamin D supplementation on musculoskeletal health: a systematic review, meta-analysis, and trial sequential analysis. Lancet Diabetes Endocrinol. 2018;6(11):847-858.
23. Sanders KM, et al. Annual high-dose oral vitamin D and falls and fractures in older women: a randomized controlled trial. JAMA. 2010;303(18):1815-22.
24. Rizzoli R. Vitamin D supplementation: upper limit for safety revisited? Aging Clin Exp Res. 2020 Aug 28. doi: 10.1007/s40520-020-01678-x. Epub ahead of print.
25. Bischoff-Ferrari HA, et al. Monthly High-Dose Vitamin D Treatment for the Prevention of Functional Decline: A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. 2016;176(2):175-83.
26. Smith LM, Gallagher JC, Suiter C. Medium doses of daily vitamin D decrease falls and higher doses of daily vitamin D3 increase falls: A randomized clinical trial. J Steroid Biochem Mol Biol. 2017;173:317-322.
27. Cameron ID, et al. Interventions for preventing falls in older people in care facilities and hospitals. Cochrane Database Syst Rev. 2018;9(9):CD005465.
28. LeBoff MS, et al. VITamin D and OmegA-3 TriaL (VITAL): Effects of Vitamin D Supplements on Risk of Falls in the US Population. J Clin Endocrinol Metab. 2020;105(9):2929–38.

Les problèmes sont plus faciles à identifier que les solutions !

Présentation de cas

Un représentant de commerce de 61 ans se plaint de fatigue et de performances réduites. Ses antécédents familiaux sont sans particularités en ce qui concerne le diabète et les maladies cardiovasculaires, tout comme ses antécédents personnels, à l’ exception d’ un accident de ski avec lésion du ménisque en 2005. Il ne prend aucun médicament, notamment aucun traitement contre le diabète.
Au status clinique 80 kg, 175 cm (IMC 26,1), TA 128  /  92, pouls 88  /  min, AF 16, afébrile. Valeurs de laboratoire  : HbA1c 11,8  % (valeur normale 4,4-5,6), glucose 33,4 mM/L (3,5-5,6), cholestérol total 4,1 mM/L (selon le risque et le HDL), HDL 0,9 mM/    L (>  1,0), LDL 2,7 mM  /  L (selon le risque), triglycérides 1.2 mM  /  L (<  1,7), créatinine 62 umol  /  L (47-110), GFR 123 ml/min/1,73 m2 (≥  90), gazométrie veineuse pH 7,38, HCO3- 26, Na  + 129, K  + 4, Cl- 101, trou anionique 6.
Tests auxiliaires  : peptide C au sucre de 33,4 mM  : 660 pmol  /  L  ; anticorps anti-GAD65, anti-IA2 et anti-insuline AC négatifs  ; ferritine 154 ug/l (norme 30-400) ; élastase pancréatique-1  : 560 ug  /  g de selles (N  >  200).

Quelle est la cause de cette fatigue et de cette intolérance à l’ effort ?

• Diagnostic clinique suspecté : Hypothyroïdie ? Maladie d’ Addison ? Diabète sucré ? Coronaropathie (sténose du tronc principal) ?
• - > D’ après l’ incidence à cet âge, le diabète est le plus probable (12-15  %), suivi par la coronaropathie (5  %) et l’ hypothyroïdie (1  %) ; la maladie d’ Addison est extrêmement rare. Des antécédents familiaux négatifs suggèrent un diabète de type 1. Un diabète de type 2 est peu probable en l’ absence de syndrome métabolique.
• -Dépistage initial du diabète : glycémie à jeun (GPJ) ? Test de tolérance au glucose par voie orale (HGPO) ? HbA1c ?
• - >  Triage initial par HbA1c, en cas de résultat intermédiaire GPJ ou HGPO peu conclusif dans le cas actuel : l’ HbA1c parle en faveur du DT1, l’ absence d’ acidocétose contre.

Examens supplémentaires  ?
• 1. Glucose, peptide C, anticorps, ferritine, élastase pancréatique-1  ?
• 2. Peptide C, ferritine  ?
• 3. Anticorps, ferritine et élastase-1
pancréatique  ?
• 4. Analyse génétique  ?
Réponse : Combinaison no°1. Commentaire  : la valeur du peptide C est faible pour un DT2 (en présence d’ un DT2, les valeurs sont généralement >  1000-2000  pmol / L), les anticorps négatifs n’ excluent pas une carence en insuline et un DT1, la valeur normale de la ferritine exclut une hémochromatose et la valeur normale de l’ élastase-1 pancréatique exclut une insuffisance pancréatique exocrine.
Hypothèse de travail  : carence en insuline et donc un diabète sucré de type 1

Traitement initial ?

• Metformine ? Associée à un SGLT-2 ? De l’ insuline ? Mesures de mode de vie ?
En cas de diagnostic incertain, un traitement initial à l’ insuline n’  est jamais une mauvaise idée. Il faudra réévaluer la sécrétion d’ insuline après une recompensation de la glycémie déréglée (peptide C et glucose).
La nouvelle classification du diabète a révélé une carence en insuline sans anticorps positifs dans 18 % des cas chez les adultes.
L’ anamnèse familiale négative exclut pratiquement le diabète monogénique (MODY).

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Prof. Dr. med.Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Dr. med. Matthias Ernst

USZ Zürich

matthias.ernst@usz.ch

Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

◆ Chez environ 10 à 20 % des patients dont le diabète vient d’ être diagnostiqué, une classification initiale est difficile.
◆ En cas de décompensation du métabolisme, il faut toujours commencer par administrer de l’ insuline, puis reconsidérer le diagnostic.

Vaccination contre le COVID-19 et grossesse

La pandémie due au virus SARS-CoV-2 sévit depuis maintenant plus d’ un an et a causé plus de 3 millions de décès dans le monde à la fin avril 2021. Alors que la stratégie vaccinale massive a été adoptée par de nombreux pays, la question de la priorisation de l’ accès à la vaccination est centrale. Les populations vulnérables ont été unanimement considérées comme prioritaires dans la lutte contre cette pandémie. La Suisse fait partie des pays qui ont choisi de considérer et protéger les femme enceintes par la vaccination contre le COVID-19.

Die SARS-CoV-2-Pandemie ist nun schon seit über einem Jahr im Gange und hat bis Ende April 2021 weltweit über 3 Millionen Todesfälle verursacht. Während die Strategie der Massenimpfung von vielen Ländern übernommen wurde, ist die Frage der Priorisierung des Zugangs zur Impfung zentral. Gefährdete Bevölkerungsgruppen wurden einstimmig als Priorität im Kampf gegen diese Pandemie angesehen. Die Schweiz zählt zu den Ländern, die sich entschieden haben, schwangere Frauen durch eine Impfung gegen COVID-19 zu berücksichtigen und zu schützen.

Risque de développer une forme sévère de COVID-19 pendant la grossesse

Il est maintenant bien décrit dans la littérature que les femmes enceintes ont un risque plus élevé de développer une forme grave de COVID-19 comparativement aux femmes non enceintes du même âge, avec notamment un risque deux à trois fois plus élevé d’ admission aux soins intensifs selon les auteurs des plus grandes séries (1, 2).
L’ augmentation du risque de forme sévère de COVID-19 pendant la grossesse est particulièrement important chez les femmes présentant certaines comorbidités. L’ hypertension artérielle chronique, les maladies pulmonaires chroniques, le diabète préexistant à la grossesse ainsi que l’ âge maternel et l’ obésité, sont associés à une majoration significative du risque de forme sévère (1).
Concernant la grossesse, le risque d’ accouchement prématuré semble majoré, sans qu’ il soit possible encore aujourd’ hui d’ estimer avec précision cette augmentation. Le taux d’ accouchement prématuré dans les plus grandes séries de patientes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 atteint 15 à 20  % incluant notamment la prématurité induite des formes sévères de COVID-19 nécessitant une césarienne en urgence. La transmission verticale de l’ infection est peu fréquente mais possible, estimée à moins de 5 %, avec un risque de forme néonatale de COVID-19 sévère très rare (3, 4).
L’ augmentation des complications en cas d’ infection à COVID-19 place donc la femme enceinte dans un groupe à risque en particulier lorsque celle-ci présente les facteurs de risque de maladie sévère.

Vaccination et grossesse

Plusieurs vaccins sont recommandés pendant la grossesse notamment contre la coqueluche et la grippe, jugés sûrs et bénéfiques pour la mère, son fœtus et le futur nouveau-né. Ce sont des vaccins inactivés n’ ayant aucun pourvoir infectieux. Les vaccins vivants atténués sont en revanche contre indiqués pendant la grossesse du fait de leur potentiel pouvoir pathogène résiduel théorique.

Nouvelles technologies vaccinales

Les nouvelles technologies vaccinales telles que l’  utilisation d’ acides ribonucléiques, de sous-unités protéiques, et de vecteurs viraux ont été développées ces dernières années. Ces technologies ont été utilisées de manière expérimentale contre le virus de la grippe, HIV, CMV et des études cliniques de phases I et II ont notamment eu lieux contre les virus Zika et Ebola.
Les deux vaccins disponibles à ce jour contre le SarS-CoV-2 en Suisse sont le Pfizer/BNT162b2 et le Moderna/mRNA-1273, tous deux utilisant la technologie de l’ ARNm et consistent en deux injections intramusculaires.
Après injection, l’ ARNm enveloppé dans une capsule lipidique, va rentrer dans les cellules hôtes sans pénétrer dans le noyau de celles-ci. L’ ARNm codant pour la protéine Spike du SARS-CoV-2, va être traduit dans le cytoplasme de la cellule. Une fois la protéine Spike synthétisée, elle sera transportée à la surface des cellules pour y être présentée au système immunitaire et ainsi créer une immunité contre le SARS-CoV-2. L’ ARNm ne contient pas le virus mais seulement le code génétique permettant la fabrication d’ une protéine de surface de l’ enveloppe du virus (Figure 1).
L’ efficacité des vaccins à ARNm Pfizer et Moderna est de 95 % dans la prévention de l’ infection COVID-19 chez les adultes (> 70 000 participants), avec des effets secondaires légers à modérés fréquents et des réactions allergiques graves rares estimées à 1 / 100  000 principalement chez des patients ayant des antécédents de réaction allergiques sévères.(5, 6).

Données concernant les femmes enceintes et la vaccination contre le COVID-19

Les femmes enceintes ont été exclues des essais cliniques des vaccins autorisés en Suisse. Les données d’ expérimentation précliniques sur des rates et des macaques n’ ont montré aucun effet indésirable sur le développement embryonnaire et le déroulement de la gestation (7, 8). Par ailleurs, le profil de ces vaccins ne présentent aucun sur-risque théorique chez la femme enceinte et la balance bénéfice risque penche rapidement en faveur de la vaccination chez ce groupe de patientes à risque de complications.
Pendant les études de phases III (efficacité) des vaccins à ARNm, 53 patientes ont reçu le vaccin ou le placebo sans savoir qu’ elles étaient enceintes. Un nombre égal de grossesses sont survenues dans les groupes vaccinés et placebos, ce qui montre que le vaccin n’ a pas d’ impact sur la fertilité. Le nombre de fausses couches a été identique dans chacun des deux groupes.
Le 10 février 2021, le Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Disease (NIAID) a annoncé lors d’ une conférence de presse à la Maison Blanche, que plus de 20 000 femmes enceintes ont été vaccinées aux Etats-Unis, sans aucun signe d’ appel inquiétant (9).
Au 1er mars 2021, les registres V-safe (10) et Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS)(11) mis au point par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) et la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis rapportent des données de plus de 30000 femmes enceintes exposées au vaccin sans augmentation notable des complications de grossesse.
En terme d’ efficacité, une étude prospective contrôlée publiée en mars 2021 montre une réaction sérologique identique chez les femmes enceintes (n = v84), allaitantes (n = 31) et non enceintes (n = 16), laissant espérer une efficacité similaire du vaccin pendant la grossesse et l’ allaitement (12).
Tous les échantillons de sang du cordon et de lait maternel des patientes vaccinées contenaient des anticorps (12) laissant entrevoir une potentielle immunité passive des enfants à la naissance, qu’ il reste encore à démontrer.
Par ailleurs, le groupe Pfizer BioNTECH a annoncé le 18 février 2021 le lancement d’ une étude de phase II/III chez la femme enceinte.
En Suisse, la vaccination est ouverte aux femmes enceintes présentant des facteurs de risque depuis le 05 mars 2021. Les femmes enceintes ou allaitantes qui présentent les critères d’ éligibilité peuvent, dès le deuxième trimestre de grossesse, demander une prescription spéciale à leur gynécologue traitant. Toutes les informations sont disponibles sur le site de la société suisse de gynécologie (https://www.sggg.ch/). Dans le même temps, les patientes se verront proposer la participation à l’ étude de suivi de la vaccination qui a pour but de monitorer la sécurité des vaccins contre le COVID-19 chez les femmes enceintes.

Adhésion des femmes enceintes à la vaccination

Si la méfiance vis-à-vis des vaccins en général chez la femme enceinte et de surcroît avec un vaccin nouvellement développé peut s’ avérer légitime, le COVID-19 représente un risque non négligeable de complications potentiellement sévères pendant la grossesse, alors que les premières données concernant la vaccination sont extrêmement rassurantes. Les femmes enceintes ont habituellement plus d’ hésitation à recourir aux traitements médicamenteux (13) et ce pour de multiples raisons dont le manque d’ information spécifique à la grossesse (14). Une récente étude a rapporté une hésitation à la vaccination contre le COVID-19 chez les 40 à 50 % des femmes enceintes, due notamment à un manque d’ information. Ceci renforce l’ importance de communiquer aux patientes les données dont nous disposons, certes limitées mais très rassurantes quant à l’ efficacité et la sécurité de la vaccination (15).
Par ailleurs, de nombreuses sociétés savantes dont le CDC (16), l’ American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG) (17), la Society of Materno-Foetal Medicine (SMFM) (18), le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) (19) et le Royal College of Obstetrics and Gynecology (RCOG) (20) se sont prononcées en faveur de la vaccination des femmes enceintes.

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Karine Lepigeon

Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne

Karine.Lepigeon@chuv.ch

PrDavid Baud

Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne

Dr Guillaume Favre

Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne

Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

◆ Für schwangere Frauen mit bestimmten chronischen Erkrankungen oder mit erhöhtem Expositionsrisiko (vor allem Mitarbeiterinnen des Gesundheitswesens) wird die Impfung in der Schweiz aufgrund des erhöhten Risikos einer schweren COVID-19-Erkrankung in dieser speziellen Bevölkerungsgruppe empfohlen.
◆ Die Informationen werden regelmässig aktualisiert unter www.sggg.ch.
◆ Die Adhärenz der Patientinnen ist abhängig vom Zugang zu Informationen spezifisch zur Schwangerschaft, die auf der Website der Schweizerischen Gesellschaft für Gynäkologie und Geburtshilfe verfügbar sind.

Messages à retenir

◆ Pour les femmes enceintes souffrant de certaines maladies chroniques ou présentant un risque d’ exposition accru (en particulier le personnel de santé), la vaccination est recommandée en Suisse en raison de l’ augmentation du risque de forme grave de COVID-19 dans cette population spécifique.
◆ Les informations sont régulièrement mises à jour sur le site
www.sggg.ch.
◆ L’ adhésion des patientes est dépendante de l’ accès à des informations spécifiques à la grossesse, celles-ci sont disponibles sur le site internet de la Société Suisse de Gynécologie Obstétrique.

1. Allotey J, Stallings E, Bonet M, Yap M, Chatterjee S, Kew T, et al. Clinical manifestations, risk factors, and maternal and perinatal outcomes of coronavirus disease 2019 in pregnancy: living systematic review and meta-analysis. BMJ. 1 sept 2020;m3320.
2. Zambrano LD, Ellington S, Strid P, Galang RR, Oduyebo T, Tong VT, et al. Update: Characteristics of Symptomatic Women of Reproductive Age with Laboratory-Confirmed SARS-CoV-2 Infection by Pregnancy Status — United States, January 22–October 3, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 6 nov 2020;69(44):1641‑7.
3. Raschetti R, Vivanti AJ, Vauloup-Fellous C, Loi B, Benachi A, De Luca D. Synthesis and systematic review of reported neonatal SARS-CoV-2 infections. Nat Commun. 15 oct 2020;11(1):5164.
4. Vivanti AJ, De Luca D, Raschetti R, Benachi A. Obstetric and neonatal literature is complex and should be merged to understand perinatal SARS-CoV-2 infection. Ultrasound Obstet Gynecol Off J Int Soc Ultrasound Obstet Gynecol. févr 2021;57(2):351‑2.
5. Poland GA, Ovsyannikova IG, Kennedy RB. SARS-CoV-2 immunity: review and applications to phase 3 vaccine candidates. Lancet Lond Engl. 14 nov 2020;396(10262):1595‑606.
6. InfoVac.ch. Coronavirus (COVID-19) [Internet]. [cité 14 avr 2021]. Disponible sur: https://www.infovac.ch/fr/les-vaccins/par-maladie/coronavirus-covid-19#securite-vaccinale
7. Rasmussen SA, Kelley CF, Horton JP, Jamieson DJ. Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Vaccines and Pregnancy: What Obstetricians Need to Know. Obstet Gynecol. mars 2021;137(3):408‑14.
8. Pfizer-BioNTech. COVID-19 Vaccine VRBPAC Briefing Document [Internet]. [cité 6 avr 2021]. Disponible sur: https://www.fda.gov/media/144246/download
9. Nunez-Smith, M. & Fauci, A. Press Briefing [Internet]. Press briefing by White House COVID-19 response team and public health officials, 10 February 2021. Disponible sur: https://www.whitehouse.gov/briefing-room/press-briefings/2021/02/10/press-briefing-by-white-house-covid-19-response-team-and-public-health-officials-3/
10. Centers for disease Control and Preventio. V-Safe [Internet]. Disponible sur: https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/vaccines/safety/vsafe.html