Qu’ est-ce que le décollement de rétine ?

Vous voyez des flashs, des petits éclairs, des toiles d’araignée et des fils dans votre champ visuel ? Vous voyez un voile qui monte dans votre champ visuel ? Ce sont des symptômes qui ne doivent pas être négligés. Ils sont potentiellement annonciateurs d’ un décollement de rétine, maladie rare, mais qui représente une urgence ophtalmique qui, si elle n’ est pas traitée à temps, peut mener à la cécité. Voici comment la reconnaitre à temps et comment la soigner le plus rapidement possible.

Le décollement de rétine est la conséquence de la séparation de la rétine neurosensorielle de l’ épithélium pigmentaire rétinien, causée par la présence de liquide dans l’ espace sous-rétinien (1).
Il existe différentes types de décollement de rétine (1):

  • primaire ou rhegmatogène, causé par la présence d’ une déchirure rétinienne (rhegma, grec – rupture, fissure, déchirure), et donc pas dû à une maladie (fig. 1) (1).
  • secondaire, provoqué par une maladie. Il peut avoir 2 origines :
    o tractionelle, i.e. chez les patients atteints d’ une rétinopathie diabétique proliférative avancée (1)
    o exsudative, i.e. chez les patients avec une tumeur intraoculaire (1).
    Les décollements de rétine rhegmatogènes (DR) (fig. 1) sont les plus fréquents, et nous allons nous concentrer sur eux.

Epidémiologie et étiologie du décollement de rétine

L’ incidence du DR est estimée à 1 : 10 000 par an, augmentant d’ environ 3,5% à 5,8 % durant la première année et de 9 % à 10 % dans les 4 ans qui suivent dans l’ œil controlatéral (2). Les déchirures rétiniennes, à l’  origine de la plupart des DR, sont le résultat d’une traction vitréo-rétinienne dynamique sur la rétine périphérique (1) (fig. 1).
L’ influence de divers facteurs, comme l’  âge ou une myopie élevée, peut entraîner des modifications dans la structure du vitré, où des poches remplies de liquide se forment dans un gel auparavant homogène (ce processus est appelé liquéfaction ou synérèse) (3). Le liquide pénètre dans l’ espace entre le vitré et la rétine, provoquant le collapse du vitré et sa séparation de la rétine, d’ abord aux endroits où la connexion entre le vitré et la rétine est le plus faible. Lorsque le vitré se sépare de la rétine (processus normal et physiologique avec l’ âge), certaines parties de la rétine subissent une traction importante ; c’ est à ce moment-là qu’ une déchirure rétinienne peut se produire.

Les différentes déchirures rétiniennes

La plupart des déchirures rétiniennes se produisent dans la partie supérieure de la rétine, le plus souvent en supéro-temporal (1).
Il existe deux types de déchirures rétiniennes qui se produisent en raison d’ une traction entre le vitré et la rétine: le fer à cheval (traction présente sur le bord de la déchirure) et les trous avec opercule (une partie de la rétine est arrachée et flotte sans traction dans le vitré) (1, 3). Des trous peuvent également apparaitre sans traction. Ce sont des trous trophiques, causés par un amincissement de la rétine dans le cadre de maladies dégénératives, telles que la myopie forte ou la dégénérescence rétinienne en palissades (1, 3). La dialyse rétinienne correspond à la désinsertion localisée de la rétine à sa périphérie (ora serata). Elle est provoquée par un traumatisme oculaire contondant, avec la base du vitré attaché à son bord postérieur (3). Le traitement des déchirures rétiniennes sans liquide sous-rétinien consiste en une coagulation par laser (1, 3). Toutes les déchirures ne sont pas traitées par laser (1, 3). Mais les indications du traitement par laser ne font pas le sujet de cet article.
Si le liquide pénètre depuis l’ espace rétro-hyaloïde (l’ espace entre la partie postérieure du vitré et la rétine) par la déchirure rétinienne, la rétine neurosensorielle se sépare de l’ épithélium pigmentaire rétinien et le décollement de rétine rhegmatogène se produit (fig. 1) (1, 3).
Il existe des facteurs qui favorisent le développement du DR. Il est connu que les DR sont un peu plus fréquents chez les hommes (60 %) âgés de 40 à 60 ans (1-3). Les facteurs qui prédisposent le DR sont (4): aphakie / pseudophakie, myopie, traumatisme (contusion), interventions intraoculaires compliquées, décollement de rétine dans l’ autre œil ou antécédents familiaux positifs pour le DR, dégénérescence rétinienne périphérique (surtout en palissade), maladies infectieuses de la rétine, troubles vitréo-rétiniens héréditaires (par exemple, syndrome de Stickler), glaucome. Chacune de ces conditions provoque des modifications dans la structure de la rétine et / ou du vitré lui-même et, par conséquent, crée des conditions propices au DR (4).

Les symptômes du décollement de rétine

Le patient souffrant de DR se présente chez l’ ophtalmologue assez rapidement. L’ œil est normalement calme et blanc. Les symptômes les plus fréquents sont (1, 3) :
1. baisse de vision brusque
2. présence d’ une voile ou rideau dans une partie du champ visuel qui s’ élargit progressivement (fig. 2)
3. les symptômes de la déchirure rétinienne peuvent précéder les symptômes de DR:
1. les flashes ou les éclairs (une conséquence de la traction sur la rétine),
2. des toiles d’ araignée et des fils dans le champ visuel (opacités dans le vitré ou présence d’ hémorragie vitréenne).

Le diagnostic du décollement de rétine

Le diagnostic du DR est basé sur l’ examen ophtalmologique avec les pupilles dilatées et sur une bonne anamnèse (1-4), i.e. la position du voile dans le champ visuel correspond à la partie de la rétine surélevée, qui est « inversée » dans l’ œil (la figure 2b montre le voile en inférieur qui correspond à un DR supérieur). L’ examen standard comprend : l’ acuité visuelle, la pression intraoculaire, l’ examen de la partie antérieure de l’ œil à la lampe à fente et ensuite l’ examen du vitré et du fond d’ œil avec les pupilles dilatées. Dans le vitré, on peut observer de la « poussière de tabac », c’ est-à-dire de petites parties de l’ épithélium pigmentaire rétinien déchirées (1, 3). Le diagnostic définitif est posé par ophtalmoscopie indirecte, lorsque la rétine décollée avec une ou plusieurs déchirures peut être observée (fig. 3A). Dans le cas où la déchirure de la rétine a aussi déchiré un vaisseau sanguin de la rétine, il y a une hémorragie vitréenne, qui empêche l’ophtalmoscopie indirecte. Dans ce cas, le diagnostic définitif est posé par l’ échographie (fig. 3B). Dans les plus grands hôpitaux, bien équipés, une imagerie de la rétine est faite aussi en supplément (OCT = la tomographie en cohérence optique), qui donne des informations microscopiques précises des changements dans les couches rétiniennes (fig. 3C) (1, 3). Ces informations peuvent aider pour estimer la récupération fonctionnelle.
Le degré de la récupération fonctionnelle a été associé à la durée du DR, au degré de myopie, à l’ âge et à la persistance du liquide sous-rétinien (5). La sensibilité visuelle est directement liée à la densité des photorécepteurs (cellules hautement spécialisées pour la vision) dans la rétine. La zone la plus dense des photorécepteurs est la macula, responsable de la vision centrale (c’ est-à-dire de la lecture). Étant donné que la mort des photorécepteurs commence dans les douze premières heures et culmine à 2-3 jours après le DR, il est important d’ effectuer une chirurgie le plus rapidement possible (6, 7, 8).

Le traitement du décollement de rétine

Le décollement de rétine rhégmatogène représente une vraie urgence ophtalmique. Si le DR n’ est pas traité, il peut mener à la cécité permanente. Le seul traitement possible pour un DR est la chirurgie (1, 3).
La macula représente une petite partie de la rétine, proche du nerf optique, d’ environ 350 microns radius, avec une grosse concentration de cônes (les photorécepteurs, i.e. les cellules hautement spécialisées pour la vision) (1). La macula est la seule partie de la rétine responsable de la vision précise. L’ atteinte maculaire joue un rôle majeur dans l’ évaluation de l’ urgence de la chirurgie du DR (1, 3, 5, 6, 8). Si elle n’ est pas touchée par le DR, il est nécessaire de réaliser le traitement le plus tôt possible, tandis que les DR avec la macula décollée peuvent attendre quelques jours.
L’ urgence de l’ opération dépend également de la localisation des déchirures rétiniennes, de la forme du DR (par exemple, si le DR est localisé très en périphérie, en nasal, ou en inférieur, ça donne au chirurgien un peu plus de temps pour organiser la chirurgie), de la durée du DR (un DR chronique, présent depuis plus de 30 jours, ne représente plus une vrai urgence), de l’ état de l’ autre œil et d’ autres comorbidités (1, 9).
Il existe deux types de chirurgie pour le DR (9) :

  • la vitréctomie pars plana (PPV)
  • le cerclage

ou, on peut combiner ces deux méthodes.
La base des deux méthodes chirurgicales est la fermeture de toutes les déchirures rétiniennes (par kryopexie, ou par laser-photocoagulation), le drainage du liquide sous-rétinien et la tamponnade postopératoire, qui est principalement utilisée dans le PPV (9, 10).
La technique le plus souvent utilisée est la PPV (fig. 4). Elle implique une approche intraoculaire. Avec le développement des instruments ces dernières vingt années, le taux de réussite des opérations a augmenté de façon significative (10). Aujourd’ hui, la PPV est réalisée en plaçant des trocarts (trois ou éventuellement quatre petits tunnels de 23G, 25G ou 27G) à travers la sclère, au niveau pars plana. Les trocarts servent à réaliser la partie principale de l’ opération, c’ est-à-dire, pour entrer dans l’ œil avec des instruments afin d’ enlever le vitré, aspirer le liquide sous-rétinien, fermer les déchirures et ajouter des agents pour tamponner la rétine (gaz ou l’ huile de silicone). Certains agents de tamponnade restent dans l’ œil jusqu’à ce qu’ ils soient résorbés (air ou différents gaz, qui sont expansibles) ou jusqu’ à ce qu’ils soient éliminés par une nouvelle intervention chirurgicale (l’ huile de silicone) (9, 10). Après l’ opération, durant la première semaine, le positionnement du patient est très important, afin de bien « repasser la rétine » et éliminer le liquide sous-rétinien (9).
Le cerclage est une méthode plus ancienne toujours utilisée dans certaines indications (fig. 5) (10). Il s’ agit d’ une approche externe, sans entrer dans l’ œil. Cette technique est préférable chez les jeunes patients. Une fois que la projection sclérale de la déchirure rétinienne est localisée par ophtalmoscopie indirecte, la kryopexie est réalisée au même endroit afin de créer une cicatrice. Au même endroit, un plomb est placé, suturé à la sclère. Le plomb va fermer la déchirure par l’ extérieur. Aussi, chez certains patients, le cerclage (comme une ceinture) est placé sous les muscles extra-oculaires droits, pour diminuer la traction circulaire entre le vitré et la rétine (10).

Après la chirurgie

Le taux de succès anatomique (rétine recollée) des deux techniques est d’ environ 95% (2, 10). La récupération fonctionnelle peut varier.
Bien que le DR ne soit pas une maladie qui atteigne les deux yeux en même temps, le risque d’ atteinte de l’ autre œil est quand même un peu plus élevé chez les patients qui ont déjà subi un DR (2). Il est conseillé de continuer un suivi régulier chez un ophtalmologue, avec la dilatation des pupilles.

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Dre Jelena Potic, PhD

Unité de chirurgie vitréo-rétinienne
Hôpital Ophtalmique Jules-Gonin
Fondation Asile des Aveugles
Département d’ Ophtalmologie
Université de Lausanne
Avenue de France 15
1004 Lausanne

jelena.potic@fa2.ch

Pr Thomas J. Wolfensberger

Unité de chirurgie vitréo-rétinienne
Hôpital Ophtalmique Jules-Gonin
Fondation Asile des Aveugles
Département d’ Ophtalmologie
Université de Lausanne
Avenue de France 15
1004 Lausanne

retinechirurgicale@fa2.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

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  • Si vous apercevez dans votre champ visuel, de façon soudaine, les symptômes suivants, une visite chez l’ ophtalmologue est impérative :
    o des flashs et des éclairs
    o des toiles d’araignée et des fils
    o un voile
    o une baisse de vision.
  • Si le diagnostic de la déchirure rétinienne est posé, un traitement au laser sera immédiat. Si le diagnostic du décollement de rétine est confirmé, c’ est un chirurgien qui opérera la rétine. Le seul traitement possible pour le décollement de rétine est la chirurgie. La prise en charge chirurgicale est assez rapide, mais c’ est le chirurgien qui pose l’ indication définitive et qui décide du moment adéquat pour l’ opération.
  • L’ opération standard pour un décollement de rétine s’ appelle la vitrectomie pars plana. La réussite anatomique est haute, mais la récupération fonctionnelle peut varier.

Hypnose et douleur chronique

Chacun de nous, à travers sa représentation de la douleur, en influence sa perception ; quel que soit le type de douleurs. L’  hypnose médicale est un procédé qui peut moduler les perceptions. Dans les cas de douleurs chroniques, elle permet en plus au patient de devenir acteur de sa prise en charge, par l’ apprentissage de l’ autohypnose.

La douleur est une expérience subjective *. Elle est ressentie très différemment selon les individus. Elle est définie comme chronique lorsque la sensation douloureuse excède trois mois ou devient récurrente (1). Avec sa chronicisation, les facteurs psychosociaux, comportementaux et relationnels occupent une place croissante dans l’ expérience douloureuse (2). Dès lors, il devient nécessaire de recourir à une approche plus globale du patient, souvent pluridisciplinaire, associant plusieurs types de traitements ; notamment non médicamenteux (3, 4). L’  hypnose peut être l’ une des approches, non pas alternative mais complémentaire, qui apportent de l’ aide au patient.

L’ hypnose permet d’ induire un état de conscience propice à réaliser un travail psychologique ou psychosomatique

C’ est à travers une communication spécifique que le praticien en hypnose emmène un individu dans un état hypnotique, appelé communément « transe » (5). Au cours de celle-ci, « l’ attention de la personne hypnotisée est focalisée sur une pensée, une image, une sensation, une activité, alors que les évènements extérieurs sont ignorés. Cet état est proche de situations naturelles et banales de la vie quotidienne, notamment lorsque nous sommes spontanément absorbés par nos pensées […] » (6). C’ est une expérience singulière et subjective : elle est variable d’ un individu à l’ autre, mais aussi d’ un jour à l’ autre pour une même personne.

La transe n’ est pas une vue de l’ esprit

On a pu la mettre en évidence grâce aux progrès de l’ imagerie cérébrale fonctionnelle (7, 8) et sur des tracés électroencéphalographiques (9).

Exercée dans le cadre d’ une activité soignante, on parle d’ hypnothérapie

L’ hypnose thérapeutique est pratiquée pour de nombreuses indications qui ne se cantonnent ni à l’ antalgie ni à la psychothérapie. Sa pratique requiert une formation théorique et pratique adéquate et reconnue. Elle se distingue de « l’ hypnose de spectacle » d’ abord par son usage thérapeutique, impliquant le strict respect de chartes éthiques +, et par une conduite non autoritaire (fig. 1). Une fois en état d’ hypnose, le thérapeute accompagne et guide le sujet par des suggestions ‡ pour activer ses ressources internes, afin d’ atteindre l’ objectif de soin choisi.

L’ autohypnose

Créer soi-même et pour soi-même l’ état d’ hypnose s’ apprend en quelques séances. L’ intérêt majeur de l’ autohypnose est de favoriser l’ autonomisation du patient, en lui mettant à disposition un « outil » qu’ il pourra utiliser lorsqu’ il en ressentira le besoin (10). Son apprentissage est essentiel dans la prise en charge d’ un patient souffrant de douleur chronique.

En théorie, tout le monde est hypnotisable…

…puisqu’ il s’ agit d’ induire un état naturel que nous éprouvons tous, sans effort, à un moment ou à un autre dans une journée. C’ est plus difficile à démontrer en laboratoire pour des raisons méthodologiques, mais les études tendent à confirmer les impressions cliniques (11).
En pratique, certaines personnes sont plus réceptives que d’ autres ; certaines situations aussi. La qualité du lien thérapeutique et l’ expérience du thérapeute influencent grandement les chances de succès.

Avertissement !

Utiliser l’ hypnose ne dispense pas le thérapeute d’ une évaluation préalable pluridimensionnelle rigoureuse. Il s’ agit d’ écarter un diagnostic somatique traitable. S’ il n’ est pas médecin, le praticien en hypnose délèguera cette évaluation ou s’ assurera qu’ elle a déjà eu lieu.
En tant que processus de communication s’ inscrivant dans une relation d’ aide, l’ hypnose ne possède pas de « contre-indications » formelles ou de possibles « effets secondaires ». Son usage thérapeutique nécessite un savoir-faire ; elle peut être délétère si le thérapeute est incompétent ou manque de formation (5). Elle est habituellement déconseillée pour des patients non stabilisés psychiquement (troubles psychotiques aigus et paranoïa), sauf peut-être maniée par un psychiatre (12).
Les mauvais effets colportés sont le plus souvent expliqués par un usage inadéquat. Utilisée par quelqu’ un de correctement formé, la pratique de l’ hypnose est sûre (13, 14). Elle a même un profil d’ effets secondaires extrêmement positif dans les situations de douleurs chroniques (10, 15). Rappelons qu’ au cours d’ une séance d’ hypnose, l’ individu reste conscient de ses actes et de ses paroles.

L’ efficacité antalgique de l’ hypnose est maintenant bien établie (16)

Elle est efficace dans des situations de douleurs très diverses (14, 17). Elle a, à titre d’ exemple, été étudiée dans (liste non exhaustive) : les céphalées de tension et la migraine, la fibromyalgie, l’ algodystrophie, les douleurs du membre fantôme, le syndrome de l’ intestin irritable, la maladie de Crohn, les douleurs viscérales de la drépanocytose, les lombalgies chroniques, les douleurs de la sclérose en plaques ou de la polyarthrite…
Signalons que certaines analyses suggèrent que les personnes souffrant de douleur neuropathique pourraient être plus susceptibles de répondre à l’ hypnose que les individus souffrant de douleurs non neuropathiques (18).

Efficace pour « traiter » la douleur chronique ?

L’ hypnose en tant que traitement de la douleur chronique a été étudiée dans quelques essais randomisés, avec des preuves incertaines d’ effet bénéfique, ou d’ effet peu important sur la douleur chronique autodéclarée (14). À ce jour et à notre connaissance, une seule méta-analyse (2012) compare l’ efficacité de l’ hypnose (comme intervention principale) à des « soins standards » pour traiter spécifiquement la douleur chronique (19). Cette synthèse recense 12 études publiées et écrites en anglais (dont 6 essais randomisés), incluant au total 669 participants souffrant de douleurs présentes depuis 11,5 ans en moyenne (écart-type 1,76 année). Le critère principal d’ évaluation retenu est la douleur ou l’ intensité de la douleur autodéclarée à la fin de l’ intervention. Signalons d’ emblée la grande hétérogénéité des études incluses dans cette méta-analyse. Les résultats des mesures de l’ effet de l’ hypnose, même entachées de limitations méthodologiques, montrent que l’ hypnose a une efficacité modérée et significative dans le traitement de la douleur chronique (g de Hedges § =  0,6 ; IC 95 % [0,03 – 1,17] ; p < 0,05).
Ainsi, les données scientifiques actuelles, même si elles manquent encore de robustesse scientifique, confortent l’ efficacité de l’ hypnose en approche supplémentaire et complémentaire pour prendre en charge ces patients complexes, elle ne saurait en être le seul traitement.

Le but n’ est pas tant la disparition de la douleur que d’ apprendre à mieux vivre avec elle

La pratique de l’ hypnose amène un patient souffrant de douleur chronique à la vivre différemment, ce qui améliore sa qualité de vie, en rendant possible le maintien ou la reprise d’ activités sociales, professionnelles ou privées.
Les bénéfices attendus sont à la fois de l’ ordre du soulagement, mais aussi de la prévention de la douleur : « diminution du nombre de crises, de leur intensité, mais aussi de l’ angoisse liée à la douleur, voire de l’ anticipation anxieuse de l’ apparition des symptômes lors d’ une crise » (11) ; sans compter les retombées économiques, aussi bien individuelles que pour le système de santé, réelles ou potentielles (exemple : réduction de la consommation de médicaments antalgiques, donc potentiellement de la iatrogénie médicamenteuse) **.
Parmi les bienfaits obtenus qui ne sont pas nécessairement la cible du traitement (soulagement de la douleur), citons les améliorations de la qualité du sommeil, de la créativité, de la confiance en soi, de l’ humeur et de la socialisation (15).

Plus qu’ un outil complémentaire, plus qu’ un simple mode de communication

La relation thérapeutique, dans laquelle un patient souffrant de douleur chronique partage sa souffrance avec un thérapeute, est le noyau de l’ interaction hypnotique. Fort de cette alliance, de ce lien de confiance, le thérapeute offre au patient un espace protégé dans lequel il va pouvoir explorer sa souffrance jusqu’ à trouver comment la transformer – en modifiant ses perceptions et son vécu (5).
Le praticien en hypnose par une écoute particulière devient capable de déceler certaines raisons cachées qui contribuent à la persistance d’ une douleur et faire alors un travail de recadrage (20). En effet, des éléments contextuels ou de communication humaine peuvent entretenir perversement une douleur. Ainsi la répétition perpétuelle, voire rituelle, des plaintes et la recherche permanente d’ une explication, d’ un soulagement concourent à créer une empreinte mnésique négative (5).
En replaçant l’ individu en tant que sujet, avec toutes ses dimensions et ses ressources, au cœur de la prise en charge (et non plus seulement sa douleur), l’ hypnose facilite et encourage la résilience et l’ autohypnose, l’ autonomisation du patient.

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Dr Julien Le Breton

Hôpitaux Universitaire de Genève (HUG)
Hôpital des Trois-Chêne
Service de gériatrie
Chemin du Pont-Bochet 3
1226 Thônex

julien.lebreton@hcuge.ch

Dre Adriana Wolff

Hôpitaux Universitaire de Genève (HUG)
Service d’ anesthésiologie
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

adriana.wolff@hcuge.ch

Le Dr Le Breton et la Dre Wolff sont tous deux hypnothérapeutes et membres du « Programme Hypnose HUG » (PHH), dont la Dre Wolff est co-directrice.

  • L’ hypnose prend en compte le patient dans sa globalité (dimension sociale, cognitive, sensorielle et émotionnelle) et s’ appuie sur l’ activation de ses ressources.
  • À travers le travail hypnotique, le thérapeute peut amener un patient qui se plaint de douleur chronique à la vivre autrement et ainsi améliorer sa qualité de vie.
  • L’ hypnose est une thérapie brève ; un soulagement peut souvent être obtenu en peu de séances.
  • L’ apprentissage de l’ autohypnose est essentiel dans la prise en charge d’ un patient souffrant de douleur chronique.

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20. Bourgeois P. Le contrôle de la douleur par l’hypnose : De la suggestion à
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Le cancer de la prostate en cinq questions

Cet article vise à survoler l’ actualité du cancer de la prostate, vu par l’ urologue, au travers de cinq questions permettant de ne couvrir que très partiellement cette thématique étendue. Ainsi la première question traite de l’ incidence du cancer de la prostate et la deuxième passe en revue les différents facteurs de risques. La troisième question introduit le sujet très débattu du dépistage de ce cancer fréquent. La quatrième question fait le point sur la modalité d’ imagerie qui a révolutionné la stratification du risque et le diagnostic. Finalement, la cinquième question met en perspective l’ évolution robotique en chirurgie oncologique de la prostate.

Le cancer de la prostate est le 2ème cancer le plus fréquent chez l’  homme dans le monde, après le cancer du poumon. Toutefois, dans les pays à produit intérieur brut élevé, par exemple les Etats-Unis, l’ Europe de l’ ouest et la Suisse, le cancer de la prostate est de loin le plus fréquent. Il est estimé que plus d’ un million de cancers de prostate sont diagnostiqués dans le monde chaque année, ce qui représente plus de 15% de tous les cancers chez l’ homme (1). Le risque de développer un cancer de la prostate augmente avec l’ âge ; l’ âge moyen au moment du diagnostic est de 69 ans. Il est le plus souvent asymptomatique et de ce fait le dépistage prend tout son sens.

Existe-t-il une augmentation de l’ incidence du cancer de la prostate ?

En raison de l’ augmentation de l’ espérance de vie et de l’ utilisation de moyens de dépistage et de diagnostic, de plus en plus de cancers sont détectés. Grâce aux différents traitements à disposition, l’ espérance de vie après un diagnostic de cancer de la prostate augmente dans la plupart des pays.
L’ incidence du cancer de la prostate varie énormément d’ une région à l’ autre, selon l’ utilisation d’ un dépistage (examen par toucher rectal et dosage du PSA dès 50 ans) et selon le vieillissement et l’ espérance de vie moyenne de la population masculine. Les pays les plus touchés sont les Etats-Unis, l’ Australie et l’ Europe (environ 100 cancers par 100 000 habitants). L’ incidence la plus faible est observée en Asie avec 5-10 cas de cancer de prostate par 100 000 habitants (1, 2). En Suisse, plus de 6 000 hommes sont nouvellement diagnostiqués d’ un cancer de la prostate chaque année. Le cancer de la prostate représente donc de loin le cancer le plus fréquent chez l’ homme suisse, devant le cancer du poumon (2 600 cas par an) et le cancer du côlon (2 400 cas par an). Par comparaison, le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez la femme en Suisse est le cancer du sein (6 000 nouveaux cas par an) (3). Malgré les disparités d’ incidence entre pays, dépendamment des politiques de dépistage, nous assistons à une augmentation de 3-10% de l’ incidence du cancer de la prostate par an dans la majorité des pays européens (4). Le vieillissement de la population et le dépistage expliquent en partie cette augmentation. Fort heureusement, la mortalité liée au cancer de la prostate diminue dans la plupart des pays européens.

A-t-on découvert des facteurs de risque modifiables ?

Les causes et facteurs de risque du cancer de la prostate sont partiellement identifiés.
Il existe clairement une prédisposition génétique puisqu’ un homme dont le père a présenté un cancer de la prostate a deux fois plus de risque de développer un cancer qu’ un homme sans histoire familiale de cancer. Si le père et un frère ont été diagnostiqués, ce risque est cinq fois supérieur à la population sans histoire familiale. Si le père et deux frères ont présenté un cancer de prostate, le risque est dix fois supérieur (5, 6). Les hommes d’ Afrique ou de descendance africaine sont plus à risque de développer un cancer de la prostate, souvent aussi à un âge plus jeune et de progression plus agressive (7). Les études génétiques ont identifié plus d’ une centaine de gènes (par exemple GSTP1, TMPRSS2, HOXB13, BRCA1/2) jouant un rôle probable dans la survenue du cancer de la prostate (8). Suite à l’ observation d’ une augmentation du risque de cancer de prostate chez les émigrés japonais (faible risque de cancer de prostate) vivant aux Etats-Unis (9), une multitude de facteurs diététiques et environnementaux ont été suspectés. Toutefois, à ce jour, aucun facteur n’ est clairement établi. Le tableau 1 ci-dessous résume les différents facteurs de risque étudiés et les conclusions des études (10). Toutefois, ces études peinent à établir tout lien de causalité. De ce fait, aucune stratégie préventive n’ est recommandée.

Quel est le rôle du dépistage par le PSA en 2020 ?

Le dépistage du cancer de la prostate est l’ un des sujets les plus controversés de l’ histoire médicale. Inutile donc de tenter de mettre fin au débat en quelque lignes dans cet article. La littérature récente démontre toutefois les aspects suivants :

  • Le dépistage permet de détecter plus de cancers à un stade localisé (11).
  • Depuis que la US Preventive Services Task Force a découragé le dépistage (12), une augmentation des cas de cancer de prostate métastatique continue d’ être observée au États-Unis (13).
  • La mise à jour de l’ étude ERSPC avec un suivi à 16 ans montre des « number needed to screen » et « number needed to treat » intéressants, de 570 et 18 patients, respectivement (14), en dessous des mêmes indices pour le cancer du sein. Sur la base de ces observations, l’ European Association of Urology recommande un dépistage individualisé chez des patients informés à risque de cancer de la prostate (tab. 2) ayant une espérance de vie de >10-15 ans (15). Bien qu’ une multitude d’ autres marqueurs biologiques (sanguins et urinaires, tab. 3) soient disponibles, aucun n’ a pour l’ instant surpassé le PSA en pratique courante (15). Néanmoins, ces derniers permettent souvent une meilleure stratification du risque et pourraient éviter un certain nombre de biopsies (16).

L’ IRM représente-t-elle l’ outil diagnostic ultime ?

Au cours des 10 dernières années, l’ IRM multiparamétrique de la prostate s’ est progressivement imposée comme un outil de stratification du risque et d’ aide au diagnostic. Elle permet de diagnostiquer et localiser plus de cancers significatifs (ISUP grade ≥2) et moins de cancer non-significatifs (ISUP grade 1 ou cancer de <5mm) (17). Ainsi, le schéma toucher rectal – PSA – biopsies transrectales systématiques (12 biopsies permettant l’ échantillonnage des 6 régions prostatiques) a été modifié par l’ IRM (fig. 1). Avec une sensibilité de plus de 90% pour la détection des cancers significatifs, la question se pose de savoir si les biopsies ciblés (généralement 1-3 biopsies dans la lésion cible visualisée par l’ IRM) seules pourraient être entreprises, en omettant les biopsies systématiques. Le tableau 4 résume les résultats des différentes études (15). Au final, pour l’ instant en pratique courante, les biopsies systématiques et ciblées sont réalisées en complémentarité.
L’ IRM représente donc un outil puissant permettant d’ améliorer la précision du diagnostic et permet une meilleure stratification du risque. Toutefois, la variabilité inter-observateurs n’ est pas encore résolue et limite donc son utilisation à des centres experts. De plus, la méthode de ciblage (tab. 5) peut faire défaut et ainsi aboutir à une biopsie faussement négative.

La chirurgie robotique a-t-elle démontré sa supériorité ?

La chirurgie, comme la radiothérapie, représente le traitement curatif de choix du cancer de la prostate localisé de risque intermédiaire. Elle peut être réalisée par voie ouverte, par laparoscopie standard ou par laparoscopie robot-assistée. L’ évolution robotique combine les avantages de la chirurgie ouverte (manipulation intuitive des instruments simulant le geste de la main du chirurgien, vision 3D) à ceux de la chirurgie laparoscopique (meilleure visualisation du pelvis, diminution des saignements et des infections, réduction de la douleur). Plusieurs études comparant ces différentes techniques n’ ont pas permis d’ asseoir la supériorité de l’ une des techniques sur les autres. Bien que la plupart des études s’ accordent sur une durée de séjour et des pertes sanguines réduites ainsi qu’ une récupération fonctionnelle plus rapide par l’ approche robotique, les résultats oncologiques et fonctionnels à moyen terme semblent comparables (18, 19). Néanmoins, la plupart de ces études sont issues de centres experts ; de ce fait les différences sont certainement marginales et lissées par l’ expérience des chirurgiens et le volume opératoire de ces centres. En pratique, la grande majorité des prostatectomies en Suisse sont réalisées par voie robot-assistée ; la laparoscopie standard a été totalement abandonnée et la chirurgie ouverte est réservée aux rares contre-indications à la chirurgie robotique, aux complications ou aux équipes n’ ayant pas d’ accès au robot.


En définitive, malgré l’ absence de preuves scientifiques formelles de supériorité, la chirurgie robotique s’ impose dans les pays dont le système de santé permet d’ y recourir. Cet outil puissant nécessite toutefois une courbe d’ apprentissage et une maitrise de son environnement afin de parvenir à d’ excellents résultats.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Yannick Cerantola

Spécialiste FMH urologie et urologie opératoire
Urolife
Avenue des Bergières 2
1004 Lausanne

yannick.cerantola@urolife.ch

L’ auteur affirme qu’ il n’ y a pas de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • L’ incidence du cancer de la prostate a tendance à augmenter, principalement en raison de l’ augmentation de l’ espérance de vie et des politiques de dépistage
  • Les facteurs de risques environnementaux ne sont pas clairement établis. De ce fait, aucune prévention ne peut être recommandée. L’ âge, l’ ethnicité et la génétique représentent des facteurs de risques avérés non modifiables.
  • Un dépistage individualisé chez des patients informés, à risque de cancer de la prostate, ayant une espérance de vie de >10-15 ans est recommandé.
  • L’ IRM multiparamétrique de la prostate réalisée avant les biopsies permet de diagnostiquer et localiser plus de cancers significatifs (ISUP grade ≥2) et moins de cancer non-significatifs (ISUP grade 1 ou cancer de <5mm).
  • Bien que la chirurgie robot-assistée n’ ait pas clairement démontré d’ avantage oncologique ou fonctionnel, cet abord est privilégié dans la grande majorité des pays dont le système de santé permet d’ y recourir. L’ expérience du chirurgien demeure le gage de qualité primordial.

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Maux de tête hormonaux chez les femmes

Les femmes sont beaucoup plus souvent touchées par les maux de tête que les hommes. Une cause possible réside dans les fluctuations hormonales, pourtant les causes ne sont pas encore définitivement éclaircies.

Epidémiologie, clarification et classification des maux de tête, en particulier de la migraine

La migraine et les céphalées de tension sont les plus importants maux de tête primaires et sont traités dans les deux premiers chapitres de l’ ICHD-3 (International Classification of Headache Disorders, 3rd Edition). Les autres céphalées primaires comprennent le chapitre 3 (céphalées en grappe) et quelques « raretés », notamment les céphalées primaires de toux ainsi que les céphalées orgasmiques et pré-orgasmiques.
Les autres chapitres de l’  ICHD-3 comprennent les céphalées secondaires classées selon les causes, par ex. les céphalées post-traumatiques (chapitre 5, ICHD), mais aussi la migraine menstruelle lors de fluctuations hormonales ou la migraine causée par les contraceptifs oraux. Étant donné que la migraine provoque de graves souffrances, on parlera principalement de migraine dans la suite de l’ article (tab. 1 : classification ICHD des céphalées liées aux hormones). Cette distinction est importante pour les personnes concernées, car la migraine est non diagnostiquée à 50 % et donc sous-traitée à 50 % – malgré le « Dr Google ».

L’ incidence de la migraine au cours d’ une vie est d’ environ 18v% chez les femmes et 6 % chez les hommes, tandis que les céphalées de tension sont aussi fréquentes chez les hommes que chez les femmes, dans une proportion de 50 à 90 % selon les études. Si les critères de la migraine ne sont pas appliqués de manière scientifiquement stricte mais cliniquement plus faiblement, le taux augmente jusqu’ à 25 % de la population (Göbel 1995). Les céphalées en grappe, en revanche, sont environ huit fois moins fréquentes chez les femmes que chez les hommes. La migraine, les céphalées de tension et les céphalées en grappe couvrent en grande partie l’ âge de la procréation chez les hommes et les femmes. Comme les types de céphalées ne sont pas présents tout au long de la vie, leur prévalence à un moment donné peut être rapportée à 10 % de la population totale si l’ on compte les personnes ayant subi au moins une crise de migraine au cours de l’ année précédant l’ enquête. Ces données et d’ autres données similaires sont recueillies systématiquement et dans le monde entier par l’ OMS – dans le cadre de l’ étude « Global Burden of Disease » – entre autres parce que la migraine accompagne presque toujours la vie professionnelle et entraîne donc des coûts indirects extrêmement élevés pour une économie. Sur la base des extrapolations effectuées à partir des études étrangères, on peut supposer qu’ au moins 600 millions de francs suisses par an sont dépensés en Suisse. Environ 15 % de ce chiffre sont dus aux traitements (consultations, diagnostics, médicaments), 35 % aux absences au travail et 50 % au présentéisme, c’ est-à-dire les pertes au travail dues à des performances réduites, des erreurs et des compensations ultérieures (angl. « presenteeism »).
Quatre observations permettent de suspecter une influence des hormones féminines sur la migraine : premièrement, l’ incidence de la migraine augmente plus fortement chez les femmes après le début de la puberté que chez les garçons. Selon une étude suédoise, les filles et les garçons sont touchés de la même façon par la migraine jusqu’ au début de la puberté (Bo Bille, 1962). Deuxièmement, la prévalence de la migraine augmente fortement au cours du cycle menstruel, tant avant que pendant la période des menstruations. Troisièmement, la progression de la migraine peut être fortement influencée, positivement ou négativement, par les hormones sexuelles féminines et quatrièmement, la grossesse et l’ allaitement ont une très forte influence sur la survenue des crises de migraine.
Les accidents vasculaires cérébraux sont un thème récurrent en relation avec les attaques de migraine. La migraine « simple » sans aura n’ est pas associée à un risque d’ AVC et la migraine avec aura n’ est associée qu’ à un risque très faible d’ AVC. Cependant, le risque d’ insuffisance veineuse chronique (IVC) thrombotique augmente avec l’ utilisation de contraceptifs oraux, surtout si le tabagisme s’ y ajoute. Les jeunes femmes atteintes de migraines avec aura, qui ont recours à la contraception orale et qui fument doivent être averties de cette situation et le tabagisme doit être arrêté.

Clarification

En raison de la prévalence et de l’ incidence élevées chez les femmes, la clarification sérieuse et le traitement de la migraine, en plus de la réduction de la souffrance, sont également importants sur le plan médical et économique. Toujours est-il que la migraine n’ est pas diagnostiquée dans 50 % des cas et qu’ elle est le plus souvent désignée à tort comme céphalée de tension. Il en résulte que les médicaments et les traitements spécifiques à la migraine ne sont pas utilisés. Les patients, les familles et les lieux de travail sont donc souvent inutilement exposés à de grandes souffrances.
La clarification se fait de manière purement clinique par le biais du dialogue, du status neurologique et internistique, étant donné qu’ à ce jour il n’ existe pas de marqueurs de la migraine tels que les valeurs de laboratoire ou l’ imagerie spécifique. Pour les critères de diagnostic, la Classification internationale des troubles de la tête, ICHD-3 (tab. 1 et 2), est aujourd’ hui utilisée dans le monde entier. Comme pour le DSM, le site de l’ IHS (International Headache Society) offre plus de 200 types de maux de tête. La migraine étant également un diagnostic d’ exclusion, un examen IRM est aujourd’ hui indispensable. C’ est la seule façon de détecter les causes occultes et latentes des maux de tête secondaires. Une hémorragie sous-arachnoïdienne due à un anévrisme cérébral manqué est dans la plupart des cas une catastrophe évitable !

Réflexions sur la pathophysiologie comme base de traitement

La migraine est basée sur une prédisposition génétique et peut être considérée comme une réaction exagérée à des facteurs de stress endogènes (par ex. les hormones) ou externes. Les jumeaux monozygotes ont un taux de concordance pour la migraine d’ environ 80 %, tandis que pour deux personnes quelconques, il est d’ environ 10 %. La migraine est également plus fréquente dans les familles des personnes touchées. En raison de la prévalence plus élevée chez les femmes après la puberté, un héritage pseudo-maternel est évident. La découverte spectaculaire des gènes de la migraine reste réservée à la très rare migraine hémiplégique familiale. Dans la migraine « commune », avec et sans aura, plusieurs gènes sont probablement toujours impliqués simultanément, ce qui rend leur exploration très difficile.
Le système trigéminal-vasculaire est l’ élément clé de la physiopathologie de la migraine et comprend une interaction étroite entre les zones centrales du tronc cérébral et des méninges, principalement avec les vaisseaux sanguins méningées et les nerfs périvasculaires qui sont en relation afférente et efférente avec le tronc cérébral et l’ hypothalamus. De nombreux neurotransmetteurs et neuromodulateurs jouent un rôle dans les nerfs périvasculaires, la sérotonine étant le plus important neurotransmetteur et le CGRP (Calcitonin Gene Related Peptide) le plus important neuromodulateur. Sept agonistes de la sérotonine (les triptans) sont devenus la pierre angulaire du traitement des crises de migraine, tandis que les anticorps contre le neuropeptide CGRP ou son récepteur révolutionnent actuellement la prophylaxie de la migraine. L’ érenumab (Aimovig®, Novartis), le galcanezumab (Emgality®, Lilly) et le frémanezumab (Ajovy®, TEVA) sont des anticorps antimigraineux monoclonaux et doivent être prescrits par des neurologues. L’ Office fédéral de la santé publique (OFSP) a imposé une limitation extrêmement restrictive, complexe et coûteuse. Ainsi, les personnes atteintes de migraines ne peuvent bénéficier des anticorps que si elles peuvent prouver qu’ elles souffrent de migraines au moins 8 jours par mois (soit deux jours par semaine !).
En plus de la sérotonine et du CGRP, des transmetteurs tels que l’ adrénaline, la noradrénaline, la dopamine, l’ histamine et d’ autres jouent un rôle secondaire. De nombreux canaux ioniques du système nerveux central influencent en outre le mécanisme migraineux et sont modulés par un large éventail de médicaments tels que les bêta-bloquants, les antiépileptiques et les antidépresseurs.
Les œstrogènes ont des effets excitateurs et inhibiteurs sur divers neurotransmetteurs tels que la sérotonine, la dopamine, le glutamate, le GABA, les opioïdes, l’ oxyde d’ azote (NO). Des récepteurs d’ œstrogènes ont été découverts sur de nombreux neurones centraux et périphériques, y compris dans diverses parties du système trigéminal-vasculaire. Les œstrogènes modulent l’ expression du CGRP et peuvent modifier la sensibilité à la migraine. Le rôle des progestatifs est moins clair et subalterne.

Hormones féminines

L’ exposition aux hormones féminines propres à l’ organisme fait partie de la vie de chaque femme. À un moment donné de la vie, presque toutes les femmes seront confrontées à l’ administration d’ oestrogènes et de progestérone. Dans la suite de l’ article, nous examinerons l’ interaction entre les maux de tête, en particulier les migraines, et les « hormones ». Les femmes migraineuses sont généralement sensibles aux fluctuations du système nerveux autonome, qu’ elles soient causées par l’ organisme lui-même ou par des facteurs externes, tels que les changements dans les habitudes de sommeil, la consommation de nourriture, en particulier d’ alcool, les réactions de stress aux exigences professionnelles et privées, le stress psychologique lié au travail, à la famille et aux loisirs. Les hormones féminines modifient le SNC de manière directe, par exemple par le biais des récepteurs d’ œstrogènes sur certaines cellules nerveuses.
Environ 50 % des femmes migraineuses réagissent aux fluctuations hormonales du cycle mensuel normal, ce que l’ on peut visualiser au moyen d’ un simple calendrier combiné céphalées-menstruations (fig. 1). On y entre les jours de céphalées et de migraines ainsi que les jours de menstruation. Environ la moitié des personnes concernées souffrent de migraine quelques jours avant le début des saignements, l’ autre moitié en même temps que les menstruations. Seules quelques personnes signalent des migraines quelques jours après un saignement ou pendant l’ ovulation.

Traitement

Crise migraineuse
• NSAR
• Triptans
• Antiémétiques
Prophylaxe
• Mode de vie (y compris les techniques de relaxation, le sport)
• Suppléments alimentaires (magnésium, Q10, vitamine B2)
• Neuromodulateurs tels que les antiépileptiques et antidépresseurs
• Toxine botulique péricrânienne
• Anticorps CGRP

Les préparations hormonales administrées, généralement sous forme de contraceptifs, de mono-préparations ou préparations combinées, ont un effet variable et souvent contradictoire sur l’ évolution de la migraine, car celle-ci peut être déclenchée, voire disparaître, par les hormones féminines. La clinique devient encore plus imprévisible lorsque la migraine se modifie en raison d’ un changement de la préparation hormonale. Cela implique souvent un peu de chance dans le choix des préparations, car il n’ y a pas de prédicteurs de succès ou d’ échec. Le Centre des céphalées de la clinique Hirslanden (Kopfwehzentrum Hirslanden) entretient une collaboration de longue date et mutuellement bénéfique avec le département de gynendocrinologie de l’ Hôpital universitaire de Zurich, sous la direction de la Pre Gabriele Merki-Feld. Plusieurs publications communes sur le passage des préparations combinées en préparations gestagènes ont résulté de cette collaboration.

Grossesse

L’ évolution d’ une migraine pendant la grossesse est beaucoup plus prévisible : environ trois quarts des femmes peuvent jouir d’ une absence souvent totale de migraine, qui dure du troisième mois jusqu’ à la naissance, souvent même jusqu’ au sevrage du bébé. En contrepartie, les femmes enceintes qui signalent des crises de migraine exclusivement pendant leur grossesse viennent parfois nous voir. Le traitement des migraines pendant la grossesse repose essentiellement sur le traitement des crises. Outre le paracétamol, certains antiémétiques et l’ ibuprofène, le sumatriptan (Imigran®) et le naratriptan (Naramig®) peuvent également être utilisés. Pour ces deux substances, la société GlaxoSmithKline a tenu un registre de grossesse, qui a été fermé après environ 800 grossesses sans complications sous sumatriptan et naratriptan, car aucun effet tératogène n’ a été découvert. Pour de nombreuses femmes migraineuses, c’ est un soulagement considérable. Seul le fait de savoir que des traitements contre la migraine sont disponibles pendant la grossesse peut avoir un effet soulageant.

Article traduit de « info@gynécologie+obstétrique » 04_2020

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Dr. med. Reto Agosti

Neurologie FMH, Kopfwehzentrum Hirslanden
Forchstrasse 424
8702 Zollikon
www.kopfwww.ch

Conférences et conseils consultatifs pour Novartis, Lilly, Almirall, Allergan, X-med, TopPharm, Medical Tribune.

  • Dans le courant de leur vie, presque 20% des femmes souffrent de migraine, ce qui provoque de grandes souffrances et d’ importants coûts économiques.
  • La migraine n’ est diagnostiquée que dans 50% des cas. De ce fait, elle est insuffisamment traitée.
  • Les hormones féminines influencent la migraine de multiples manières.
  • La combinaison de la migraine avec aura plus pilule contraceptive plus tabagisme augmente le risque d’ attaque cérébrale et de thrombose.
  • Les multiples options thérapeutiques nouvelles permettent d’ offrir à la plupart des patientes un traitement bon à satisfaisant.

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5. Hartmut Göbel (2012): Die Kopfschmerzen. Ursachen, Mechanismen, Diagnostik und Therapie in der Praxis. Springer, 3. Auflage.

Le zinc – un oligo-élément important

Après le fer, le zinc est quantitativement l’ oligo-élément le plus important pour l’ homme et a des tâches structurelles, régulatrices et catalytiques pour un grand nombre d’ enzymes. Sur le plan clinique, il est important pour la croissance et le développement, la maturation des testicules, les fonctions neurologiques, la cicatrisation des plaies et la défense immunitaire. Dans cet article, les aspects actuels du zinc sont présentés.

Les oligo-éléments sont généralement définis comme des minéraux dont les adultes ont besoin dans des quantités allant de 1 à 100 mg/jour. Il s’ agit entre autres du cuivre, du manganès et du zinc. Le zinc est un métal de transition et est présent dans les composés organiques principalement sous forme de cation divalent. Historiquement, une grave carence en zinc a été reconnue comme une cause d’ hypogonadisme et de nanisme endémiques dans l’ Iran rural, ce qui a permis d’ identifier le zinc comme un oligo-élément essentiel. Ces dernières années, l’ observation selon laquelle une carence subclinique en zinc peut augmenter de manière significative l’ incidence des diarrhées et les infections des voies respiratoires supérieures ainsi que leur morbidité et leur mortalité a suscité un grand intérêt. Outre la carence en fer, en iode et en vitamine A, la carence en zinc est l’ une des plus importantes carences en micronutriments dans le monde.
Les aliments d’  origine animale sont une excellente source de zinc, tout comme les noix et les lentilles. En revanche, les légumes, les fruits et les produits fabriqués à partir de farine blanche ne contiennent que de faibles quantités de zinc. Dans le régime alimentaire occidental, les aliments sont donc souvent enrichis en zinc, et ces produits représentent une source de zinc de plus en plus importante. Pour répondre aux besoins humains, non seulement la teneur absolue en zinc des aliments joue un rôle, mais aussi leur biodisponibilité dans une large mesure. Comme les régimes végétariens contiennent de grandes quantités de phytates, de fibres alimentaires et de caséine, leur biodisponibilité est faible en raison de la formation de complexes de zinc insolubles (1). Un résumé des habitudes alimentaires qui influencent la biodisponibilité du zinc est donné dans le tableau 1.

L’ apport nutritionnel de référence recommandé pour le zinc varie selon l’ âge et le sexe et passe de 3 mg par jour dans la petite enfance à 8 mg par jour pour les femmes adultes et 11 mg par jour pour les hommes adultes (4). Pendant la grossesse et l’ allaitement, le besoin est légèrement plus élevé. Un apport en zinc supérieur à 25 mg par jour n’ est pas recommandé. Au niveau mondial, environ 45 % des adultes ont un apport en zinc insuffisant (5). Dans les pays du tiers monde, la carence en zinc touche environ 2 milliards de personnes, en particulier dans les pays où les céréales sont la principale source de nutriments (6). D’ autre part, l’ utilisation quotidienne de zinc en Suisse, avec 13,2 mg par jour, ainsi que la consommation approximée de 12,5 mg par jour, ont de nouveau légèrement augmenté par rapport à la baisse selon le 5e rapport sur la nutrition en Suisse, et la consommation approximée quotidienne est cependant nettement supérieure à l’ apport pondéré recommandé, ce qui signifie que pour l’ ensemble de la Suisse, on peut supposer un approvisionnement suffisant en zinc (7).
Au cours de la digestion, le zinc contenu dans les aliments est libéré et forme des complexes avec divers ligands. Ces complexes zinc-ligand sont principalement absorbés de manière active et passive dans le duodénum et le jéjunum. L’ absorption du zinc peut être altérée en cas d’ insuffisance pancréatique car les enzymes pancréatiques sont nécessaires à la libération du zinc dans l’ alimentation. Le zinc partage certains composants absorbants communs avec le fer et le cuivre, et ces trois minéraux peuvent rivaliser pour l’ absorption. Comme mentionné ci-dessus, l’ acide phytique réduit l’ absorption du zinc (1) et il a été démontré que l’ apport en zinc et les concentrations plasmatiques sont sensiblement plus faibles chez les personnes suivant un régime végétarien habituel par rapport aux personnes suivant un régime non végétarien (9).
La teneur corporelle totale en zinc chez les adultes est en moyenne de 1,5 à 2,5 g (10), ce qui est similaire à celle du fer. Le sérum ne contient que 0,1% du zinc total de l’ organisme, 2⁄3 sont liés à l’ albumine et 1⁄3 lié à l’ alpha-2-macroglobuline. 98 % du zinc est localisé en intracellulaire. Une grande partie se trouve dans les réservoirs osseux et musculaires à renouvellement lent, d’ autres concentrations élevées se trouvent dans le foie, dans les organes reproducteurs masculins ainsi que dans la rétine et l’ iris (2).
La principale voie d’ excrétion du zinc passe par le tube digestif. Jusqu’ à 10 % du zinc en circulation est également excrété dans l’ urine. L’ homéostasie du zinc est maintenue par une combinaison de changements dans l’ absorption fractionnée et l’ excrétion fécale endogène du zinc.

Le rôle biologique du zinc

Le zinc doit son rôle biologique à sa capacité à former des liens étroits avec certains acides aminés, notamment l’ histidine et la cystéine. Environ 250 protéines contiennent du zinc. Il s’ agit notamment d’ enzymes telles que l’ enzyme de conversion de l’ angiotensine, la phosphatase alcaline, l’ anhydrase carbonique, les polymérases de l’ ADN et de l’ ARN, la superoxyde dismutase cuivre-zinc et la métallothionéine, ainsi qu’ une grande famille de protéines de zinc impliquées dans la transcription des gènes. Au niveau moléculaire, le zinc remplit des fonctions structurelles, régulatrices et catalytiques dans une variété d’ enzymes et est important pour la configuration des protéines non enzymatiques. Le zinc a donc des fonctions structurelles, régulatrices et catalytiques. Il joue un rôle important à la fois dans la division cellulaire et dans l’ apoptose (mort cellulaire programmée) et joue donc un rôle dans la croissance, le développement, la réparation des tissus / la cicatrisation des plaies et les fonctions neurologiques. Il est également impliqué dans le métabolisme des lipides et du glucose ainsi que dans l’ immunité et la réponse aux infections (11).

Quelles maladies antérieures et quels symptômes cliniques suggèrent une carence en zinc ?

Pour l’ essentiel, nous distinguons une carence en zinc primaire d’ une carence secondaire.
La rare acrodermatite entéropathique primaire (AEZ) est une maladie autosomique récessive dans laquelle l’ absorption du zinc est altérée (12). L’ AEZ se caractérise par la diarrhée, la dermatite, l’ alopécie, une mauvaise croissance, l’ irritabilité et la léthargie, ainsi qu’ une mauvaise fonction immunitaire, qui survient généralement après le sevrage et peut entraîner la mort si elle n’ est pas traitée. La supplémentation orale illimitée à forte dose de zinc (30 à 45 mg par jour) entraîne une rémission des symptômes.
Les causes secondaires de la carence en zinc sont dues à une réduction de l’ apport, à la malabsorption, à l’ augmentation de l’ excrétion et aux pertes (tableau 2).

En routine clinique, les symptômes associés à une carence en zinc se retrouvent plus fréquemment dans les maladies chroniques telles que les syndromes de malabsorption (comme les maladies inflammatoires chroniques de l’ intestin), après une grossesse et un très long allaitement. Une réduction de l’ absorption et du stockage du zinc et des cas occasionnels de carence en zinc symptomatique ont également été constatés chez des patients après un pontage gastrique dû à une obésité morbide (13). Les patients atteints de cirrhose alcoolique présentent souvent de faibles concentrations hépatiques en zinc.
Toutes les formes de malnutrition peuvent entraîner une carence en zinc. Dans le contexte de l’ anorexie mentale, il semble y avoir une influence négative mutuelle sur l’ évolution de la maladie, dans laquelle la malnutrition peut conduire à une carence en zinc et vice versa à une suractivation du récepteur NMDA. Cela conduit à des niveaux élevés de glutamate avec pour conséquence une perturbation de la formation des synapses et de la plasticité synaptique (14). Dans l’ anorexie des personnes âgées ayant une mauvaise qualité nutritionnelle, la carence en zinc alimentaire peut être encore accentuée par des médicaments qui augmentent la perte de zinc dans l’ urine, notamment les thiazides, les diurétiques de l’ anse et les bloqueurs des récepteurs de l’ angiotensine (15).
En médecine orthomoléculaire, la cryptopyrrolurie est considérée comme une cause d’ une carence combinée en zinc et en vitamine B6, qui entraînerait divers symptômes concernant le système nerveux, le psychisme, les yeux, les organes digestifs et l’ appareil locomoteur (16). Cependant, comme il a été prouvé que le cryptopyrrole n’ est pas du tout présent dans l’ urine, il a été montré qu’ il n’ y a pas de cryptopyrrolurie pathologique (17) et il n’ y a donc pas d’ études sur ce sujet.
Les symptômes cliniques sont dominés par les modifications dermatologiques, qui se produisent principalement dans les extrémités ou autour des orifices du corps et sont souvent caractérisées par des lésions érythémateuses, vésiculo-bulleuses et pustulaires. Une perte de cheveux supplémentaire avec changement de couleur et facilité d’ arrachage des cheveux, des troubles de l’ odeur et du goût, qui peuvent aggraver la malnutrition par perte d’ appétit. La carence en zinc entrave la croissance et peut entraîner un retard de maturation sexuelle, l’ impuissance, l’ hypogonadisme, l’ oligospermie, l’ alopécie, l’ héméralopie. L’ immunodéficience avec susceptibilité aux infections et le retard dans la cicatrisation des plaies sont également importants. Dans le diabète de type 1 et de type 2, il peut y avoir une hyperzincurie, qui peut jouer un rôle dans le dysfonctionnement immunitaire associé au diabète sucré.

Évaluation du statut du zinc

Comme la concentration plasmatique de zinc ne correspond pas bien aux niveaux tissulaires, les personnes souffrant d’ une carence en zinc ne peuvent pas être identifiées de manière fiable. Bien que la concentration plasmatique soit généralement un bon indice du statut en zinc chez les individus en bonne santé, elle est souvent réduite dans les états de maladie inflammatoire. Les concentrations de zinc dans les globules rouges peuvent fournir une mesure plus utile du statut en zinc pendant les conditions inflammatoires aiguës ou chroniques (18). Plusieurs indices fonctionnels peuvent également être utilisés pour évaluer indirectement le statut en zinc. L’ activité de la phosphatase alcaline peut servir de marqueur de soutien du statut du zinc (4). Comme la plupart du zinc est lié à l’ albumine, sa concentration plasmatiques peut être faussement basse chez les patients atteints d’ hypoalbuminémie (19).
Compte tenu de ces difficultés, une approche pragmatique de l’ évaluation de la carence en zinc s’ est avérée efficace : identifier les symptômes typiques de la carence en zinc et les enregistrer de manière anamnestique, mesurer la concentration de zinc plasmatique en même temps que la CRP (comme mesure de la réponse en phase aiguë, c’ est-à-dire que la concentration plasmatique de zinc peut être faussement basse à des concentrations plasmatiques élevées de CRP), «confirmer» par une valeur basse, prescrire une supplémentation en zinc avec disparition des symptômes et augmentation de la concentration de zinc plasmatique. Étant donné le faible risque d’ une thérapie de remplacement du zinc, elle peut être indiquée chez les patients présentant de faibles taux de zinc, quel que soit leur statut en albumine, en fonction du contexte clinique (19).

Utilisation thérapeutique potentielle du zinc

Les maladies inflammatoires respiratoires

Bien que les préparations de zinc puissent réduire la gravité et la durée des symptômes du rhume, leur utilisation n’ est pas recommandée en raison de leurs avantages incertains et de leurs effets indésirables connus, en particulier l’ anosmie irréversible lorsqu’ elles sont administrées par voie intranasale. Dans une revue systématique portant sur 17 études, le zinc a permis de réduire la durée des symptômes (différence moyenne -1,65 jour, IC à 95 % -2,5 à -0,8) chez les adultes, mais il y avait une hétérogénéité significative entre les études (20). Les effets indésirables, notamment le mauvais goût et les nausées, étaient fréquents dans le groupe zinc dans toutes les études.
En relation avec la pandémie COVID 19, un certain nombre de publications ont paru, émettant l’ hypothèse d’ un effet favorable du zinc sur l’ évolution de la maladie – d’ une part, en raison de l’ effet connu du zinc sur le système immunitaire ; un rapport de 4 cas consécutifs décrit une amélioration symptomatique significative dans les 24 heures suivant le début du traitement au zinc à forte dose (21). Et d’ autre part en raison d’ une synergie possible dans le traitement du COVID-19 avec la chloroquine (22). Cependant, en l’ absence d’ études réelles, il n’ existe aucune preuve de l’ effet bénéfique supposé du zinc.
Enfin, il convient de mentionner une méta-analyse qui a pu démontrer une réduction significative de la mortalité dans les cas de la pneumonie à progression sévère (23).

Dégénérescence maculaire liée à l’ âge

Le zinc semble jouer un rôle important dans la pathogenèse de la dégénérescence maculaire liée à l’ âge (DMLA). Ceci est confirmé par le fait que les zones de la rétine touchées par la DMLA présentent des concentrations élevées en zinc et que la teneur en zinc et l’ activité de certaines enzymes dépendantes du zinc dans la rétine diminuent avec l’ âge (2). La question de savoir si la supplémentation en zinc pourrait avoir un effet bénéfique sur le risque ou la progression de la DMLA a reçu des réponses contradictoires dans diverses études. Dans une analyse Cochrane, cinq essais contrôlés par placebo sur l’ utilisation du zinc dans le traitement de la DMLA ont été compilés (24). La durée de la supplémentation et du suivi varie de six mois à sept ans. Chez les sujets prenant des suppléments de zinc, la probabilité d’ évolution vers une DMLA tardive (RC 0,83, 95 % IC 0,70 à 0,98 ; 3790 patients ; 3 ECR), vers une DMLA néovasculaire (RC 0,76, 95 % IC 0,62 à 0,93 ; 2442 patients ; 1 ECR) ou à une perte d’ acuité visuelle (RC 0,87, 95 % IC 0,75 à 1,00  ; 3791 patients ; 2 ECR) a été réduite avec des preuves faibles à modérées de relativement 13 à 24 %, de sorte que le bénéfice clinique en termes absolus ne sera probablement pas pertinent par rapport aux options de traitement actuelles.

Utilisation possible en dermatologie

La croissance des cellules, la prolifération des cellules et la cicatrisation des plaies dépendent directement du zinc. Depuis le début des années 1960, des tentatives répétées ont été faites pour prouver l’ effet du zinc sur la cicatrisation des plaies et il a été démontré que la supplémentation systémique en zinc n’ est efficace qu’ en cas de carence avérée en zinc (2). La situation globale des données est modeste. Une analyse Cochrane de 6 études plus petites portant sur un total de 183 patients n’ a révélé aucun effet de la supplémentation orale en zinc sur le taux de guérison des ulcères de jambe artériels et veineux (25). Cependant, si le zinc est appliqué localement, on peut s’ attendre à une forte concentration de zinc dans la zone de la plaie. L’ application topique de zinc conduit à l’ «auto-débridement», a un effet anti-infectieux et favorise la granulation et l’ épithélialisation (26). Dans une étude contrôlée par placebo après une chirurgie du sinus pilonidal, le temps de guérison moyen a été réduit de 8 jours, passant de 62 à 54, et seuls 3 des patients traités localement à l’ oxyde de zinc ont dû être traités par antibiotiques, contre 12 sous placebo (RC 0,16, % IC 0,03 à 0,71, p = 0,007) (27). Des études plus poussées avec une application topique du zinc seraient peut-être plus prometteuses que l’ application systémique.
Dans un article récent, un potentiel intéressant d’ application locale du zinc a été suggéré : l’ acné vulgaire. C’ est une maladie chronique des glandes sébacées qui peut se manifester par des lésions inflammatoires ou non inflammatoires chez les personnes de tout âge. Les traitements standard actuels peuvent provoquer un large éventail d’ effets indésirables, notamment la sécheresse, la desquamation, l’ érythème et même des malformations fœtales et des embolies. Les auteurs ont conclu à partir des études disponibles, malheureusement peu nombreuses, que le zinc était aussi efficace ou moins efficace que la tétracycline orale, aussi efficace ou plus efficace que l’ érythromycine et la clindamycine, et moins efficace que la minocycline orale. Ainsi, le zinc topique s’ est avéré équivalent à l’ érythromycine et à la clindamycine et pourrait être une alternative prometteuse aux autres traitements de l’ acné en raison de son faible coût, de son efficacité et de l’ absence d’ effets secondaires systémiques (28).

Toxicité

Les gens tolèrent un apport élevé en zinc à court terme, jusqu’ à 100 mg/jour (29). Des suppléments de méga-doses ou un apport élevé en zinc provenant d’ aliments ou de boissons contaminés ont été associés à des symptômes gastro-intestinaux non spécifiques tels que des douleurs abdominales, des diarrhées, des nausées et des vomissements (10). Le zinc peut interférer avec l’ absorption du cuivre, et un apport élevé en zinc (> 150 mg/jour) peut entraîner une carence en cuivre, ce qui peut être exploité pour traiter la maladie de Wilson (8). La limite supérieure d’ un apport total sûr à long terme provenant des aliments et des compléments est considérée comme un apport de 25 mg/jour de zinc.

En résumé, on peut conclure pour le zinc ainsi que pour les vitamines et autres oligo-éléments qu’ une carence met en danger diverses fonctions de l’ organisme et donc l’ état de santé et qu’ il convient donc de l’ étudier, de l’ identifier et d’ y remédier à l’ aide de substituts appropriés. D’ autre part, il y a trop peu de preuves d’ une utilisation thérapeutique chez les personnes ayant un taux de zinc normal.

Remerciements : Je tiens à remercier le Dr Reinhard Imoberdorf, de l’ hôpital cantonal de Winterthur, pour avoir revu le manuscrit et ses nombreuses suggestions d’ amélioration.

Article traduit de « der informierte arzt » 08_2020

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. Hans-Kaspar Schulthess

Facharzt FMF Innere Medizin und Gastroenterologie
Neuhausstrasse 18
8044 Zürich

Schulthess_hk@swissonline.ch

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Après le fer, le zinc est quantitativement l’ oligo-élément le plus important pour l’ homme.
  • Les bonnes sources de zinc sont la viande, le fromage à pâte dure, les abats, les crustacés, les céréales complètes, les légumineuses telles que les lentilles et le soja, les noix, les amandes et les graines. En revanche, les légumes, les fruits et les produits fabriqués à partir de farine blanche ne contiennent que de faibles quantités de zinc.
  • Le zinc est important pour la croissance et le développement, la maturation testiculaire, les fonctions neurologiques, la cicatrisation des plaies et le système immunitaire.

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Consommation abusive d’ alcool et cognition

La consommation abusive d’ alcool est fréquemment associée à une atteinte cérébrale et à des troubles neuropsychologiques touchant principalement les fonctions exécutives, mnésiques et de cognition sociale. Nous proposons quelques outils de dépistage de ces troubles, ainsi que les bénéfices de l’ abstinence sur les ressources cognitives.

L’  OFS définit une consommation chronique à risque d’ alcool comme la consommation dès 4 unités d’ une boisson alcoolisée par jour pour les hommes et dès 2 unités par jour pour les femmes. Cette consommation à risque touche 5 % de la population suisse et la part des personnes consommant de l’ alcool de façon quotidienne augmente avec l’ âge, engendrant diverses atteintes telle que la cirrhose alcoolique du foie, les cancers ou les troubles cardiovasculaires (1).
Selon le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux® (DSM-5), le trouble de l’ usage de l’ alcool est défini par un mode d’ usage problématique de l’ alcool conduisant à une altération du fonctionnement ou une souffrance cliniquement significative, caractérisé par la présence, au cours d’ une période de 12 mois, d’ au moins deux critères, tels qu’ un désir de consommation persistant, des désirs infructueux pour diminuer la consommation d’ alcool ou la poursuite de la consommation d’ alcool malgré des problèmes interpersonnels ou sociaux qui en découlent (2).
Une occurrence particulière de la consommation abusive d’ alcool est le « Binge-Drinking », pattern de consommation d’ alcool souvent observé chez les adolescents et les jeunes adultes, qui est défini comme l’ augmentation de la concentration d’ alcool sanguin à un niveau de 0.08 g/dl pendant une période de 2 heures. Des études ont montré que ce pattern de consommation diminuait les capacités exécutives et attentionnelles, avec des différences notées sur le fonctionnement cérébral à l’ imagerie fonctionnelle (aux tâches exécutives, attentionnelles et mnésiques) et sur le plan structurel (diminution de la matière blanche et accélération de la réduction de matière grise) (3, 4).

Impact cérébral structurel

Les effets de l’ alcool sur le cerveau sont avérés sur le plan structurel et fonctionnel ; ils sont dépendants de différents facteurs, notamment : la quantité d’ alcool consommée, l’ âge de début de consommation, la durée de la dépendance et des facteurs démographiques tels que l’ âge, le sexe et l’ éducation (5). La consommation excessive d’ alcool engendre une réduction globale de la densité de matière blanche et une atrophie corticale généralisée (ainsi que sur le cervelet) ; deux systèmes cérébraux sont particulièrement touchés : le circuit fronto-cérébelleux et le circuit de Papez (6, 7) (fig. 1).
Le circuit fronto-cérébelleux comprend le cortex frontal, le thalamus, le pont et le cervelet, impliqué notamment dans le fonctionnement moteur (contrôle de la marche et de l’ équilibre) et exécutif.
Le circuit de Papez, quant à lui, comprend le cortex cingulaire, le thalamus, l’ hippocampe et les corps mamillaires et est impliqué notamment dans la mémoire épisodique (7). Les tableaux cognitifs des patients avec consommation excessive d’ alcool sont marqués par des atteintes des fonctions exécutives et mnésiques, mais également visuo-constructives et dans le domaine de la cognition sociale (fig. 1).

Impact sur les fonctions cognitives

Fonctions exécutives

Sous ce terme sont regroupés les processus cognitifs permettant de planifier, contrôler et monitorer des comportements orientés vers un but, ainsi que d’ adapter des comportements dans des situations nouvelles. Les sous-composants des fonctions exécutives touchés dans une situation de consommation abusive d’ alcool sont notamment : la mémoire de travail (incluant la mise à jour des informations), l’ inhibition, la résolution de problèmes, la déduction de règles et la flexibilité mentale (8, 9).

Capacités mnésiques

La mémoire comprend de multiples sous-composants. Les études ayant mesuré l’ impact de la consommation abusive d’ alcool sur les fonctions mnésiques ont retenu des déficits dans les domaines de (8, 9) :

  • La mémoire épisodique : atteinte des processus d’ encodage, de récupération, d’ identification de la source et du contexte spatio-temporel du souvenir
  • La mémoire prospective : atteinte des capacités à se souvenir de réaliser une action dans le futur
  • La mémoire autobiographique : formée de souvenirs contenus en mémoire épisodique et d’ éléments de connaissance générale sur soi-même (composante sémantique) touchant notamment les périodes de consommation

Confabulations

Les confabulations sont le souvenir d’ événements et d’ expériences qui n’ ont, en fait, jamais eu lieu. Elles sont produites de façon inconsciente (10). Les confabulations provoquées apparaissent généralement suite à une question : les réponses sont erronées mais plausibles. Les confabulations spontanées, quant à elles, apparaissent sans déclencheur et dans le contexte d’ amnésie sévère et de désorientation et ces patients ont tendance à agir conséquemment aux confabulations.

Émotions et cognition sociale

La cognition sociale regroupe les capacités à percevoir et comprendre les interactions sociales. Chez les personnes dépendantes à l’ alcool, le décodage d’ expressions faciales émotionnelles est atteint, en particulier pour les expressions faciales négatives telles que le dégoût ou la colère (8). Un autre déficit est présent dans les capacités à détecter l’ humour et l’ ironie. Certaines études ont mis en évidence des difficultés à ressentir la composante émotionnelle de l’ empathie (ressentir les émotions des autres) alors que sa composante cognitive (comprendre les états mentaux de tiers) serait préservée. Un même pattern est observé au sein de la théorie de l’ esprit (capacité à prédire, anticiper et interpréter le comportement des autres), où l’ aspect émotionnel (émotions/sentiments attribués aux autres) est altéré, mais l’ aspect cognitif (pensées, croyances et intentions attribuées aux autres) parait préservé (8). Enfin, on observe parfois un trouble nommé « alexithymie », qui désigne « l’ incapacité à identifier et décrire ses propres états émotionnels et ceux d’ autrui » (9).

Conscience des troubles

Les troubles cognitifs mesurés chez les personnes alcoolo-dépendantes ont un impact sur la conscience qu’ ils ont de leurs propres troubles, notamment sur le plan cognitif. Les troubles mnésiques les induisent à surestimer leurs capacités, car elles se basent sur leurs performances antérieures pour évaluer leurs capacités cognitives actuelles (8, 9).

Principaux syndromes liés à une consommation abusive chronique d’ alcool (11) :

1. Gayet-Wernicke : l’ encéphalopathie de Gayet-Wernicke est une atteinte neurologique aiguë, provoquée par une déficience en thiamine et caractérisée par une paralysie oculo-motrice, une ataxie et un état confusionnel. La déficience chronique en thiamine provoque différentes lésions cérébrales, qui, au cours du temps, progressent vers un syndrome de Korsakoff ou une démence alcoolique.
2. Syndrome de Korsakoff : il serait le résultat à long terme de l’ encéphalopathie de Gayet-Wernicke, avec une atteinte neurologique plus sévère menant à une atteinte mnésique très importante, perturbant les processus d’ encodage et pouvant aboutir à un syndrome amnésique.
3. Démence alcoolique : troubles de la mémoire avec autres difficultés cognitives telles qu’ une atteinte langagière, motrice, visuelle et/ou des fonctions exécutives.
La démence alcoolique, si détectée de manière précoce, et l’ encéphalopathie de Gayet-Wernicke, sont des atteintes réversibles, tout au moins en partie, si une abstinence d’ alcool est obtenue. Les dommages causés dans le syndrome de Korsakoff sont toutefois irréversibles (fig. 2).
Plus récemment, le terme «détérioration cérébrale liée à l’ alcool» (Alcohol-Related Brain Damage, ARBD) a été adopté en raison du large spectre de troubles cognitifs et neurologiques pouvant être ob-servé (12) ; le DSM-5 a également adopté une description des troubles liés à la consommation d’ alcool dans le contexte d’ un continuum.

Effets après abstinence

L’ abstinence permet fréquemment une diminution des troubles cognitifs. Le processus est toutefois lent (mois à années) et partiel. En effet, les études ont montré que les personnes récemment ab-
stinentes (32-365 jours) conservent des troubles particulièrement marqués dans les domaines de la mémoire, de la vitesse de traitement et des fonctions visuo-spatiales et exécutives. Après plus d’ une année d’ abstinence, les troubles sont généralement observables de manière moins sévère (8, 5).

Dépistage des troubles cognitifs

Le Montréal Cognitive Assessment (MoCA)

Cet outil a été développé afin de détecter des troubles cognitifs légers chez des patients avec un Mild Cognitive Impairment (MCI) et teste donc plusieurs domaines cognitifs. Il a pour avantage d’ être rapidement administré, mais comporte des sous-tests évaluant des capacités souvent préservées chez les patients alcoolo-dépendants (p.ex. la dénomination) (9). Il existe sous forme informatisée et peut être répété car il existe plusieurs versions de cette échelle.

Tester la production de confabulations

Il existe des questionnaires pour tester les confabulations, mais il est également possible d’ en «provoquer» en posant des questions du type «nous sommes-nous déjà vus aujourd’ hui ?».

Évaluer l’ impact des troubles sur la vie quotidienne

L’ Échelle d’ Activité Instrumentale de la Vie Quotidienne (IADL) (13) permet d’ estimer en 4 points le degré d’ autonomie dans la gestion de différentes tâches du quotidien (administration, médicaments, utilisation de moyens de communication et de transport).

Rôle de l’ évaluation neuropsychologique

Ces outils d’ évaluation permettent un dépistage : tout score inférieur à la norme ou cliniquement faible devrait faire l’ objet d’ une investigation neuropsychologique approfondie. L’ examen neuropsychologique permettra de quantifier les troubles cognitifs, de participer à l’ appréciation des capacités d’ autonomie et de discernement et de contribuer à une réflexion sur les mesures nécessaires au meilleur encadrement du patient. Lorsqu’ il est répété, il est également précieux pour apprécier l’ évolution des troubles dans le temps (fig. 3).

Impact des altérations cognitives sur la prise en charge

La présence de troubles cognitifs peut faire partie des facteurs provoquant une rechute. Ainsi, un lien a été mis en évidence entre les déficits mnésiques, exécutifs (difficultés à inhiber des comportements de consommation) et décisionnels des patients avec consommation d’ alcool à risque et une diminution de la motivation et des capacités à apprendre de nouvelles informations (telles que les conséquences de leur consommation sur leur santé) ou à adopter de nouveaux comportements (ce qui nécessite des ressources en termes de prise de décision et de planification) (7).

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Charlene Moser

Psychologue assistante en neuropsychologie (MAS)
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Hôpital Nestlé
Av. Pierre-Decker 5
1005 Lausanne

charlene.moser@chuv.ch

Astrigh Lindemann

Psychologue adjointe spécialiste en Neuropsychologie FSP
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Hôpital Nestlé
Av. Pierre-Decker 5
1005 Lausanne

astrigh.lindemann@chuv.ch

Les auteurs ont déclaré qu’ ils n’ ont aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

  • L’ impact cérébral d’ une consommation abusive d’ alcool est avéré sur les plans structurel et fonctionnel
  • Les fonctions exécutives, mnésiques et de cognition sociale sont les principales fonctions cognitives touchées en cas de consommation d’ alcool abusive
  • Détecter les troubles cognitifs de manière précoce contribue à adapter la prise en charge et l’ adhésion aux thérapies
  • Des échelles brèves de dépistage peuvent être administrées et, en cas de score faible, orienter vers un examen neuropsychologique plus spécialisé

1. Office Fédéral de la Statistique, consulté le 02.06.2020 : https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/determinants/alcool.html
2. American Psychiatric Association. (2015). DSM-5 : Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson.
3. Cservenka, A., & Brumback, T. (2017). The burden of binge and heavy drinking on the brain : Effects on adolescent and young adult neural structure and function. Frontiers in Psychology, 8(1111), 1-13.
4. Lees, B., Mewton, L., Stapinski, L. A., Squeglia, L. M., Rae, C. D., & Teesson, M. (2019). Neurobiological and Cognitive Profile of Young Binge Drinkers : A Systematic Review and Meta-Analysis. Neuropsychology Review(29), 357–385.
5. Crowe, S. F., Cammisuli, D. M., & Stranks, E. K. (2020). Widespread cognitive deficits in alcoholism persistent following prolonged abstinence : An updated meta-analysis of studies that used standardized neuropsychological assessment tools. Archives of Clinical Neuropsychology, 35, 31-45.
6. Maurage, P., & D’Hondt, F. (2017). Troubles cognitifs dans l’alcoolo-dépendance. Remédiation Cognitive, 281-306.
7. Cabé, N., Laniepce, A., Ritz, L., Lannuzel, C., Boudehent, C., Vabret, F., Eustache, F., Beaunieux, H. & Pitel, L. (2016). Troubles cognitifs dans l’alcoolo-dépendance : Intérêt du dépistage dans l’optimisation des prises en charge. L’Encéphale, 42, 74-81.
8. Le Berre, A.-P., Fame, R., & Sullivan, E. V. (2017). Executive functions, memory and social cognitive deficits and recovery in chronic alcoholism : A critical review to inform future research. Alcoholism – Clinical and Experimental Research, 41(8), 1432-1443.
9. Vabret, F., Lannuzel, C., Cabe, N., Ritz, L., Boudehent, C., Eustache, F., Pitel, A. & Beaunieux, H. (2016). Troubles cognitifs liés à l’alcool : Nature, impact et dépistage. La Presse Médicale, 45(12), 1124-1132.
10. Rensen, Y. C., Oudman, E., Oosterman, J. M., & Kessels, R. P. (2020). Confabulations in alcoholic Korsakoff’s syndrome : A factor analysis of the Nijmegen-Venray confabulation list. Assessment, DOI: 10.1177/1073191119899476.
11. Sachdeva, A., Chandra, M., Choudhary, M., Dayal, P., & Anand, K. S. (2016). Alocol-related dementia and neurocognitive impairment : A review study. International Journal of High Risk Behaviors and Addiction, 5(3), e27976.
12. Heirene, R., John, B., & Roderique-Davies, G. (2018). Identification and evaluation of neuropsychological tools used in the assessment of alcohol-related cognitive impairment : A systematic Review. Frontiers in Psychology(9), 1-42.
13. Lawton, M. P., & Brody, E. M. (1969). Assessment of older people : Self-maintaining and instrumental activities of daily living. Gerontologist, 9, 179-186.
14. Groupe de travail du Collège Professionnel des Acteurs de l’Addictologie Hospitalière (COPAAH), 2014. Troubles de l’usage de l’alcool et troubles cognitifs. Alcoologie et Addictologie 36 (4). 335-373