La méningite chez l’ enfant

La méningite chez l’ enfant est un tableau clinique dangereux avec un taux de mortalité élevé. Il est crucial que le diagnostic suspecté soit posé et que les mesures adéquates soient prises dès le premier contact dans le cabinet. Le présent article vise à fournir une aide dans de telles situations, non pas dans le sens d’ un article de revue, mais plutôt comme guide pratique.

Vignette clinique

Une fillette de 3 ans est présentée au médecin de famille de service en novembre. Elle a un rhume depuis 3 jours, une toux légère, une fièvre allant jusqu’ à 38,9 °C (température tympanique), une otalgie du côté gauche et a vomi deux fois. Ses deux frères et sœurs ont également un rhume. L’ anamnèse personnelle n’ est pas remarquable. Seuls les vaccins de base ont été administrés. L’ état général de la patiente est légèrement réduit, elle est larmoyante et affectueuse. Au status, un tympan rouge à gauche et un pharynx légèrement rougi sont perceptibles. L’ auscultation des poumons (à travers le T-shirt, parce que la patiente pleure et se défend) est normale. Le diagnostic présumé d’ otite moyenne aiguë gauche est posé. Une analgésie fixe est prescrite de même que la recommandation d’ une visite de suivi chez le pédiatre le jour suivant. A la sortie du cabinet, la jeune fille refuse de partir, elle est portée par sa mère. Deux heures plus tard à la maison, elle vomit plusieurs fois et a des crampes. Le service d’ ambulance est prévenu. Aux urgences de l’ hôpital pédiatrique : GCS 13, FR 30/min, FC 160/min, temps de recapillarisation centrale 4 sec, périphérie froide. Un méningisme se fait remarquer. Prise d’ hémocultures et de septicémie en laboratoire, compensation volumique et administration d’ antibiotiques. Après une détérioration supplémentaire, transfert à l’ unité de soins intensifs, où l’ on procède à l’ intubation et à la ventilation. Au cours des heures qui suivent, l’ état se stabilise et il n’ y a plus de crises. L’ imagerie du SNC (système nerveux central) est sans particularité. La ponction lombaire montre une pléïocytose du LCR (liquide cérébro-rachidien). La microbiologie rapporte une croissance de diplocoques Gram positif à partir de l’ hémoculture. L’ analyse PCR du LCR montre S. pneumoniae. Après la 3ème journée, la fille peut être transférée dans le service de pédiatrie.

Après l’ introduction avec des informations générales, les points les plus importants de l’ anamnèse et de l’ examen sont résumés en fonction des différentes catégories d’ âge. En outre, la septicémie comme évolution possible de la maladie sera rappelée et enfin, la prévention et donc les vaccinations recommandées seront discutées.

Introduction

La méningite bactérienne de l’ enfance est généralement causée par l’ invasion des muqueuses par les bactéries après la colonisation du nasopharynx. Dans la suite de la maladie, la propagation hématogène et finalement l’ invasion du SNC se produit en traversant la barrière hémato-encéphalique. En fonction de la situation immunitaire et de la charge bactérienne, une septicémie peut également survenir. En pédiatrie, la septicémie est définie comme une réponse immunitaire dysrégulée à une infection qui entraîne le dysfonctionnement d’ un ou de plusieurs organes. Les tableaux cliniques de la septicémie et de la méningite peuvent être parallèles. Il est important de rechercher activement les signes de septicémie chez l’ enfant en plus des signes de méningite, car cela peut être crucial pour une prise en charge immédiate.
Les bactéries responsables de la méningite aiguë purulente sont principalement S. pneumoniae, N. meningitidis, H. influenzae de type b (Hib) et les streptocoques du groupe B (SGB). Chez les nouveau-nés et les nourrissons de moins de 3 mois, les streptocoques du groupe B sont les agents pathogènes les plus courants, chez les nourrissons de plus de 3 mois et jusqu’ à 9 ans ce sont S. pneumoniae et N. meningitidis et chez les adolescents N. meningitidis. Le pic de fréquence de la méningite bactérienne se situe dans les deux premières années de la vie. Les méningococcies ont un 2ème pic de fréquence à l’ adolescence. Les pneumocoques provoquent la forme la plus grave de méningite bactérienne chez les nourrissons et les jeunes enfants. L’ évolution des infections à pneumocoques comporte de nombreuses complications et une guérison neurologique incomplète est plus fréquente que lors de méningite à méningocoques ou de méningite Hib. La méningite à pneumocoques a le taux de mortalité le plus élevé parmi les agents pathogènes classiques de la méningite (1-3). En Suisse, l’ incidence des infections invasives (y compris la méningite) chez les enfants de moins de 5 ans a diminué de manière spectaculaire, passant de 44 à 1,5 sur 100 000 en 21 ans, depuis l’ introduction de la vaccination anti-Hib en 1991. L’ introduction des vaccins conjugués anti-pneumococciques (PCV7 et PCV13 en 2005 et 2011, respectivement) a réduit l’ incidence de 37 à 9 en 6 ans. L’ incidence des infections méningococciques invasives a diminué après l’ introduction des vaccins conjugués (MCV-C et MCV-ACWY en 2006 et 2011, respectivement) en 9 ans de 6,3 à 3,9 chez les enfants de moins de 5 ans et de 2,3 à 0,7 chez les adolescents. Pourtant les pneumocoques restent les agents pathogènes les plus courants de la méningite bactérienne chez les enfants de plus de 1 mois (4-6). La méningite aseptique ou virale est beaucoup plus fréquente (incidence de 70 sur 100 000 chez les nourrissons). Le plus souvent (80-90%), cette forme est causée par des entérovirus, étant plus fréquente pendant les mois d’ été et d’ automne (7, 8).

Facteurs de risque de la méningite bactérienne (9) :

  • Âge < 2 ans et adolescents
  • Pas de vaccination (pneumocoque, Hib, méningocoque)
  • Asplénie, immunodéficience (primaire ou secondaire), maladie systémique sous-jacente
  • Maladie infectieuse récente (voies respiratoires ou otite moyenne)
  • Malformations anatomiques (ORL, SNC)
  • Implant cochléaire
  • Contacts récents avec des patients atteints de méningite (école, crèche, garderie postscolaire)
  • « Crowding » (service militaire, centres d’ accueil)
  • Voyager dans les zones d’ endémie méningococcique comme l’ Afrique subsaharienne

Présentation – ce que les parents rapportent et ce qu’ il faut leur demander

Les signes et les changements d’ état général classés dans le tableau 1 peuvent se manifester lentement et progressivement sur quelques jours, mais aussi de façon fulgurante en quelques heures. Les enfants de moins de deux ans représentent un défi majeur pour l’ évaluation (1, 10, 11). Ce que leurs parents rapportent (ce qu’ ils ont remarqué, ce qui les inquiète) est particulièrement important pour ces patients. Laissez les parents vous guider quand ils disent, par exemple, que leur bébé est anormalement somnolent, pleure différemment, respire bizarrement ou n’ établit plus de contact visuel. Les enfants atteints de méningite purulente aiguë sont généralement dans un état général plus grave que les enfants atteints de méningite virale.

Status

Les nourrissons anxieux ne doivent pas être séparés de leurs parents dans la mesure du possible. L’ examen primaire peut également être effectué avec l’ enfant assis ou couché sur les genoux de la personne qui s’ occupe de lui. Une approche systématique et donc l’ évaluation rapide d’ un enfant malade est nécessaire. Lors de la première évaluation des risques les examens suivants sont utiles :

  • État général : conscience, tonus, contact visuel, interaction, communication, possibilité de consoler l’ enfant, douleurs
  • Respiration : position du corps, sons respiratoires, signes de dyspnée, fréquence respiratoire, saturation en oxygène
  • circulation : pâleur, cyanose, extrémités froides, temps de recapillarisation, fréquence cardiaque

Ensuite, une évaluation précise et complète doit être réalisée. L’ enfant doit TOUJOURS être complètement déshabillé et examiné de la tête aux pieds. Lors du status, il est important de rechercher non seulement les signes neurologiques (tels que l’ irritabilité, la sensibilité au toucher, le méningisme, les déficits focaux) mais aussi les signes de septicémie (tab. 2), car ceux-ci peuvent déjà se manifester comme un signe avant-coureur de la méningite ou en même temps que celle-ci. Dans le contexte de la septicémie, les adultes réagissent principalement par une résistance vasculaire systémique diminuée (choc chaud). En revanche, les nouveau-nés et les nourrissons ont souvent une résistance vasculaire élevée (choc froid) dans la phase précoce de la septicémie. Un temps de recapillarisation prolongé, des extrémités froides et une tachycardie sont les signes classiques d’ un état de choc précoce où la pression artérielle est toujours maintenue (choc compensé). À l’ état décompensé, un trouble de la conscience et une hypotension artérielle débutante sont typiques. La chute de la tension artérielle chez les enfants est un signe tardif et est souvent proche d’ un collapsus circulatoire complet (11, 12). La mesure correcte de la pression artérielle chez les nourrissons et les jeunes enfants n’ est pas toujours facile et ne doit pas être possible dans le cabinet du médecin de famille.

À Noter

Il faut encourager les parents à se présenter de nouveau avec l’ enfant si la situation se détériore. Un diagnostic suspecté n’ est que la « meilleure supposition » et n’ est jamais infaillible tant qu’ il ne peut être confirmé par des résultats correspondants. Si les symptômes progressent et que l’ évolution ne correspond pas au diagnostic suspecté, il faut le reconnaître et être prêt à reconsidérer le cas. Des erreurs se produisent si les médecins restent fixés sur leur diagnostic initial présumé.

L’ instauration rapide d’ une thérapie (antibiotique et compensation volumique) permet de sauver des vies. Pour les nourrissons de moins de 3 mois en état général réduit il faut toujours initier une hospitalisation. Les clarifications en laboratoire (p.ex. hémogramme, CRP) ne sont pas utiles, car elles ne sont pas pertinentes.
Si l’ on suspecte une méningite mais que l’ état général soit bon et que les paramètres de circulation soient stables, l’ enfant peut être transféré par transport privé. Il n’ est pas non plus conseillé de procéder à des clarifications en laboratoire dans ce cas. La méningite ne peut être diagnostiquée que par une ponction lombaire. Si un transfert immédiat n’ est pas possible en cas de suspicion de méningite et/ou de septicémie purulente ou s’ il subit des retards, le traitement initial suivant est recommandé :

  • Apport en oxygène
  • Remplissage volumique avec une solution cristalloïde équilibrée, administrée en bolus (p.ex. solution de Ringer) 20 ml/kg
  • Ceftriaxone (une seule fois) en perfusion courte i.v. / i.m. Dose : 100 mg/kg p.c. (dose unique maximale : 4g)

Prévention – Vaccinations

Comme le montrent les chiffres des dernières années, le risque de contracter une méningite aux conséquences potentiellement mortelles ou aux dommages neurologiques à long terme peut être considérablement réduit par une immunisation adéquate. Les vaccins suivants (tab. 4) sont à recommander activement.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 01_2019

Fabia D. Büttcher

Praxis Ottenbach
Affolternstrasse 21
8913 Ottenbach

Dr. med. Michael Büttcher

Leitung Pädiatrische Infektiologie,
Luzerner Kantonsspital
6000 Luzern 16

michael.buettcher@luks.ch

Les auteurs affirment qu’ il n’ y a pas de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Bien que l’ incidence de la méningite bactérienne diminue, son taux de mortalité reste élevé.
  • Les enfants de moins de 2 ans sont les plus fréquemment touchés. La présentation n’ est pas spécifique dans cette catégorie d’ âge. Donc : pensez-y !
  • S. pneumoniae est l’ agent pathogène le plus courant de la méningite bactérienne chez les enfants de moins de 5 ans. Il existe un vaccin efficace. C’ est maintenant l’ une des vaccinations de base. Recommandez-la activement !
  • Les méningococcies ont un deuxième pic à l’ adolescence. N’ oubliez pas la vaccination de rappel !
  • La septicémie et la méningite peuvent survenir ensemble. Faites attention aux symptômes d’ alarme, liés aux catégories d’ âge, que vous avez repérés de l’ anamnèse et du status.
  • Un enfant que l’ on soupçonne d’ avoir une méningite ou une septicémie bactérienne doit être transféré immédiatement à la clinique pédiatrique la plus proche avec les services de transport d’ urgence.

1. Kim KS. Acute bacterial meningitis in infants and children. The Lancet Infectious Diseases 2010;10(1):32–42.
2. Sáez-Llorens X, McCracken GH Jr. Bacterial meningitis in children. The Lancet 2003;361(9375):2139–48.
3. Shane AL, Sánchez PJ, Stoll BJ. Neonatal sepsis. Lancet 2017;390(10104):1770–80.
4. BAG. Invasive H. influenzae Erkrankungen 1988–2011. 2013;1–5.
5. BAG Bulletin. Invasive Meningokokkenerkrankungen 2007–2016. 2018;5:1–8.
6. BAG. Pneumokokkenerkrankungen 2012. 2015;1–8.
7. Mount HR, Boyle SD. Aseptic and Bacterial Meningitis: Evaluation, Treatment, and Prevention. Am Fam Physician 2017;96(5):314–22.
8. Martin NG, Iro MA, Sadarangani M, Goldacre R, Pollard AJ, Goldacre MJ. Hospital admissions for viral meningitis in children in England over five decades: a population-based observational study. The Lancet Infectious Diseases 2016;16(11):1279–87.
9. Lundbo LF, Benfield T. Risk factors for community-acquired bacterial meningitis. Infect Dis (Lond) 2017;49(6):433–44.
10. Swanson D. Meningitis. Pediatrics in Review 2015;36(12):514–24.
11. Buettcher M, Schlapbach LJ, Stocker M. Sepsis bei Kindern – alles anders? Notfall Rettungsmed. 2018 https://doi.org/10.1007/s10049-018-0506-8
12. Mathias B, Mira JC, Larson SD. Pediatric sepsis. Current Opinion in Pediatrics 2016;28(3):380–7.

Arthropathies à dépôts de cristaux

La prévalence de l’ hyperuricémie et de la goutte a augmenté régulièrement dans tous les pays industrialisés ces dernières années. L’ hyperuricémie entraîne non seulement des dépôts d’ urates dans les articulations, les structures proches des articulations (par ex. gaines tendineuses, bourses séreuses) et, plus rarement, dans les organes internes, mais elle est également en association avec une augmentation du risque cardiovasculaire, probablement une détérioration de la fonction rénale et éventuellement une augmentation de la tension artérielle. Dans cet article, les mesures actuelles de diagnostic et de traitement sont compilées et le diagnostic différentiel de la pseudo-goutte est également expliqué.

Au cours de l’ évolution – dans la transition de la vie dans l’ eau à la vie sur terre – des taux d’ acide urique plus élevés ont dû apporter des avantages. Par conséquent, certains reptiles de grade supérieur et tous les primates sont dépourvus de l’ enzyme uricase, qui décompose l’ acide urique en allantoïne dans tous les autres organismes. Simultanément, 90 % de l’ acide urique filtré est réabsorbé dans nos reins.
Cependant, les changements dans les habitudes alimentaires, l’ augmentation de l’ espérance de vie (diminution de la fonction rénale) et d’ autres facteurs font qu’ aujourd’ hui nous sommes principalement confrontés aux conséquences négatives de l’ hyperuricémie. La plupart des laboratoires définissent l’ hyper-uricémie comme un taux d’ acide urique supérieur à 420 µmol/l. Le produit de solubilité, en revanche, se situe à 360 µmol/l, c’ est-à-dire que l’ acide urique commence à précipiter à des valeurs plus élevées. Pour cette raison une valeur inférieure à 360 µmol/l est visée pour le traitement d’ abaissement de l’ acide urique.

Clinique et diagnostic

L’ arthrite goutteuse aiguë est généralement une monoarthrite qui se manifeste de façon suraiguë (avec des douleurs, des rougeurs et des gonflements importants) et affecte de préférence les membres inférieurs. Plus la clinique est typique, plus le diagnostic est probable. Cependant, le diagnostic différentiel doit toujours considérer une infection ou une pseudo-goutte (chondrocalcinose). Le gold-standard pour un diagnostic fiable reste la détection microscopique de cristaux d’ urates dans le prélèvement de l’ articulation affectée (fig. 1.) (ou celui du tissu) ou d’ identifier des dépôts d’ urates par échographie à haute résolution (fig. 2.) ou, à la rigueur, par tomodensitométrie à double énergie (les deux méthodes d’ imagerie sont très spécifiques, mais nécessitent un certain dépôt d’ urates pour être détectées et peuvent donc être faussement négatives, surtout dans les premiers stades).
La détermination de l’ acide urique sérique est moins utile au diagnostic lors d’ une crise (il peut même être plus faible qu’ en dehors d’ une crise), mais elle est importante pour le contrôle de la thérapie de base visant la réduction de l’ acide urique. Les signes accrus d’ inflammation (CRP, VS) et une leucocytose vont bien ensemble avec l’ inflammation aiguë de la goutte, mais ne sont bien sûr pas spécifiques à celle-ci.

Traitement

Traitement de la goutte aiguë

En plus du refroidissement local, il faut administrer des anti-inflammatoires puissants, c’ est-à-dire des anti-inflammatoires non stéroïdiens (s’ il n’ y a pas de contre-indication) ou des stéroïdes soit systémiques soit (mieux) administrés par voie intra-articulaire (si’ il n’ y a pas d’ infection suspectée) ou de la colchicine (bien qu’ elle ne soit pas officiellement approuvée en Suisse). Dans des cas particuliers, un inhibiteur de l’ interleukine-1 peut être administré par voie sous-cutanée en collaboration avec un rhumatologue en utilisation « off label ».

Traitement de base de l’ hyperuricémie

Des mesures non médicamenteuses (mode de vie) doivent être recommandées pour chaque patient. En ce qui concerne la nutrition, un régime alimentaire réduit est très utile en cas de surpoids (le risque d’ acide urique et de goutte augmente de façon linéaire avec l’ IMC). En outre, tous les patients doivent limiter la consommation de protéines animales au profit de protéines laitières et, si possible, éviter les boissons sucrées contenant du fructose, les jus de fruits et la bière. La prise en charge générale d’ un patient atteint d’ hyperuricémie comprend également l’ attention portée aux facteurs de risque cardiovasculaire les plus couramment associés.
Selon la situation, un traitement de base avec des médicaments (qui réduisent l’ acide urique) doit être envisagé après la première crise de goutte, mais est certainement indiqué en cas de plusieurs crises par an, en cas d’ insuffisance rénale simultanée ou si des calculs rénaux, tophi ou calculs d’urates existent déjà. Le traitement est initié après la disparition de la crise aiguë et doit conduire à une réduction fiable de l’ acide urique < 360µmol/l (en présence de tophi, de destruction articulaire ou de crises fréquentes < 300 µmol/l). En conséquence, la dose est progressivement augmentée et l’ acide urique est contrôlé régulièrement jusqu’ à ce que la valeur cible soit atteinte (« treat to target »). Il faut noter et expliquer au patient que, d’ une part, des crises aiguës de goutte peuvent se reproduire au début de la réduction du taux d’ acide urique (et que par conséquent il faut prescrire une prophylaxie d’ AINS à faible dose, de stéroïdes, par exemple 5 mg de Spiricort, ou 0,5 mg de colchicine pendant les premières semaines, soit au moins réserver des médicaments pour le traitement des crises !), et il faut lui expliquer que d’ autre part, même avec un traitement de base correct, on ne peut s’ attendre à une absence totale de crises qu’ après de nombreux mois. Le risque d’ effets secondaires est plus faible si les inhibiteurs de l’ acide urique sont dosés progressivement et augmenté progressivement (« start slow and go slow »).
Les inhibiteurs de la xanthine oxydase allopurinol ou fébuxostat restent le premier choix de médicament. Ce dernier n’ est pris en charge par les caisses maladies en Suisse que si des effets secondaires se produisent sous l’ allopurinol, s’ il y a une contre-indication ou si l’ effet est insuffisant. En cas de fonction rénale normale, il est recommandé de commencer par une dose de 100 mg d’ allopurinol, puis d’ augmenter progressivement la dose de 100 mg, par ex. toutes les 4 semaines, jusqu’ à ce que le niveau cible d’ acide urique soit atteint. Si nécessaire, l’ allopurinol peut être dosé sans problème jusqu’ à 600 mg/jour. En cas de fonction rénale limitée, la dose de départ doit être adaptée à la clairance de la créatinine. Souvent, ces patients ne reçoivent aucun traitement ou un traitement insuffisant pour réduire l’ acide urique par crainte des effets secondaires ; cependant, tant l’ expérience clinique que les données scientifiques de plus en plus nombreuses montrent qu’ une réduction adéquate de l’ acide urique améliore fréquemment la fonction rénale ou ralentit la progression de l’ insuffisance rénale.
Si l’ allopurinol entraîne des effets secondaires ou si son effet est insuffisant, le fébuxostat peut être utilisé, également en augmentant peu à peu les doses, commençant par 40 mg/j et augmentant jusqu’ à 80 mg/j. Contrairement à l’ allopurinol, aucun ajustement de dose n’ est nécessaire en cas d’ insuffisance rénale. Cependant, le fébuxo-stat doit être utilisé avec prudence chez les patients souffrant de cardiopathie ischémique.
Une troisième possibilité est l’ administration d’ uricosuriques (uniquement en cas de fonction rénale normale !), soit le probénécide (attention aux interactions !), soit le lésinurad (uniquement en combinaison avec l’ allopurinol).
Comme pour tous les traitements médicamenteux à long terme, une bonne information du patient et des contrôles réguliers sont tout aussi importants pour une adhérence optimale à la thérapie. Idéalement, le patient souffrant de la goutte connaît son taux d’ acide urique (et le taux cible) tout comme chaque patient diabétique connaît son taux d’ HbA1c.

Arthropathie à dépôts de pyrophosphate de calcium (« chondrocalcinose », « pseudo-goutte »)

Avec l’ âge, la prévalence des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium dans les cartilages hyalins et fibreux augmente (ce qu’ on appelle la chondrocalcinose). Les causes et les mécanismes exacts de ce type de chondrocalcinose, dite primaire, sont encore inconnus. Sur le plan épidémiologique, les femmes sont un peu plus fréquemment touchées ; les groupes familiaux sont également décrits. Chez les patients plus jeunes (c’ est-à-dire avant l’ âge de 50 ans), un dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium peut déjà se produire dans certaines maladies métaboliques (par ex. l’ hémochromatose, l’ hypomagnésémie, l’ hyperparathyroïdie – on parle alors de chondrocalcinose secondaire).

Clinique et diagnostic

Cette maladie de dépôt de cristaux est également considérée comme le « caméléon » de la rhumatologie, car elle peut se manifester de nombreuses façons :

  • résultats radiographiques asymptomatiques (« chondrocalcinose »)
  • arthrite aiguë (« pseudo-goutte ») (fig. 3)
  • arthrose progressive dans les articulations qui ne sont pas principalement touchées par l’ arthrose (typiquement : carpe, articulations MCP, épaule, genou, hanche) ; lésions méniscales
  • arthropathie destructive à évolution rapidement progressive (en particulier l’ articulation de la hanche, l’ articulation de l’ épaule)
  • oligo-/ polyarthrite chronique (arthrite « pseudo-rhumatoïde »)
  • ressemblant à la polymyalgie
  • syndrome de la « dent couronnée » (angl. crowned dens syndrome – CDS) (« pseudoméningite » due à des dépôts de calcium dans les ligaments atlanto-axiales)

En plus du tableau clinique respectif, le diagnostic comprend également la détection microscopique de cristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide synovial ou de calcifications pathognomoniques du cartilage dans la radiographie conventionnelle (fig. 4.) ainsi que dans l’ échographie à haute résolution (ou dans la tomodensitométrie en cas d’ un syndrome de la dent couronnée).

Traitement

Les mêmes principes s’ appliquent au traitement de l’ arthrite aiguë (« pseudo-goutte ») qu’ à celui de l’ arthrite goutteuse. Il n’ existe cependant pas de véritable thérapie de base (ou traitement causal). Si les crises sont fréquentes, on peut essayer la colchicine ou, au mieux, une supplémentation en magnésium. En cas d’ oligo- à polyarthrite avec une évolution plutôt chronique, il faut essayer un traitement de base avec le méthotrexate.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2020

Dr. med. Andreas Krebs

Rheuma- und Osteoporose-Zentrum Kloten
Kalchengasse 7
8302 Kloten

andreaskrebs@hin.ch

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • La détection microscopique des cristaux reste le gold-standard du
    diagnostic. L’ imagerie moderne peut aider, car elle est très spécifique, mais sa sensibilité est limitée.
  • Traitement de base de l’ acide urique par allopurinol ou (en cas d’ effets secondaires ou de contre-indications) par fébuxostat. Commencer
    par de faibles doses, augmentation graduelle et cohérente de la dose jusqu’ à ce que la valeur cible de l’ acide urique de 360µmol/l ou 300µmol/l soit atteinte (« treat to target »).
  • Penser aux mesures non médicamenteuses et aux comorbidités.
  • La chondrocalcinose est une cause fréquente de monarthrite aiguë chez les personnes âgées. Une radiographie conventionnelle contribue souvent au diagnostic.

Aujourd’ hui, demain ou jamais ?

Des preuves toujours plus évidentes montrent qu’ avec un programme de dépistage précoce du cancer pulmonaire, à l’ aide d’ une computertomographie à faible dose (LDCT), permet de réduire la mortalité au sein d’ une population à risque de manière significative. De nouvelles données démontrent qu’ une stricte sélection des participant-e-s dans un programme de dépistage par LDCT et une mesure volumétrique des nodules pulmonaires réduit la fréquence des faux positifs. Le « groupe suisse d’ implémentation du dépistage du cancer du poumon » (CH – LSIG), une communauté de travail multidisciplinaire de groupes d’ intérêt et d’ expert-e-s, soutient la mise en place d’ un programme suisse de dépistage du cancer du poumon. Le présent article traite du dépistage du cancer pulmonaire, qui est par ailleurs un des projets de démarrage de la « commission d’ experts pour la détection précoce du cancer » mis en œuvre en 2018, dans le cadre du projet pilote de la stratégie nationale de lutte contre le cancer.

Le cancer pulmonaire, avec 3 200 décès par année, est la cause la plus fréquente de décès associée à un cancer en Suisse (1). Chaque année, 4 300 nouveaux cas de cancer pulmonaire sont diagnostiqués (4  363 en 2015, 4  252 en 2014, 4  293 en 2013). Le principal facteur de risque pour le cancer du poumon est le tabagisme, avec un laps de temps de 20 à 30 ans entre l’ incidence et la mortalité. Ceci explique aussi pourquoi, en Suisse, la mortalité chez les patient-e-s du cancer du poumon baisse chez les hommes, mais augmente encore chez les femmes.

Grâce à la computertomographie à faible dose, il est possible de dépister précocement un cancer du poumon

Le cancer pulmonaire a une phase préclinique de plusieurs années, durant laquelle il est détectable, mais souvent asymptomatique ; pendant cette période, un traitement chirurgical efficace et curatif est une option. C’ est pourquoi diverses méthodes de dépistage précoce ont été étudiées ces 20 dernières années. La computertomographie à faible dose (LDCT) est un procédé d’ imagerie sensible qui permet de détecter le cancer pulmonaire à un stade précoce. Aujourd’ hui, de plus en plus de preuves démontrent qu’ une stratégie de diagnostic et thérapeutique adéquate peut faire baisser le taux de mortalité, non seulement pour le cancer pulmonaire mais la mortalité de manière générale. L’ étude américaine du National Lung Screening Trial (NLST) a pu abaisser la mortalité liée au cancer du poumon de 20 % (réduction du risque relatif), ce qui correspond à un «number needed-to-screen» d’ environ 320 pour prévenir un décès par cancer pulmonaire (2). A la conférence mondiale du cancer pulmonaire en 2018, les résultats de l’ étude NELSON – menée en Hollande et en Belgique – avaient été présentés pour la première fois. Il avait été démontré que la mortalité liée au cancer pulmonaire pouvait baisser de 26 % (3). Au sein d’ un sous-groupe de femmes, le dépistage par LDCT avait même pu permettre de faire baisser le taux de mortalité de 50 %. L’ étude NELSON est importante, car elle analyse les nodules pulmonaires suspects avec la volumétrie, ce qui permet de réduire significativement les faux positifs, en comparaison avec le NLST. L’ étude italienne MILD et l’ étude allemande LUSI, publiées récemment, ont pu démontrer sur une période de 8-10 ans l’ avantage d’ un dépistage précoce par LDCT, avec 36 à 39 % de réduction du risque relatif de mortalité du cancer pulmonaire et une réduction du risque relatif de la mortalité générale de 20 % (4, 5). Il devient ainsi évident qu’ un dépistage précoce peut permettre de sauver des vies.
En outre, une étude de micro-simulation, publiée il y a peu, a pu démontrer qu’ en Suisse cela serait fort probablement une intervention efficiente au niveau des coûts (environ 30 000 francs suisse par année de vie sauvée) (6). Les États-Unis, la Grande Bretagne et la Pologne sont pour l’ instant les seuls pays où un programme de dépistage par LDCT est mené ou en préparation sur le conseil de plusieurs communautés d’ experts. En Europe, de nombreux pays attendent la publication de l’ étude NELSON et le renouvellement de l’ évaluation des technologies de santé, sur laquelle sera basée l’ introduction d’ un programme de dépistage du cancer pulmonaire. Cette hésitation est en partie imputable au taux de résultats d’ analyses faussement positifs du NSLT, avec de potentiels effets secondaires dû à un diagnostic invasif, des examens ou traitements supplémentaires. Bien que le dépistage par LDCT sera fort probablement efficace au niveau des coûts (cela reste relatif), il faut prendre en compte des surcoûts substantiels (soit des coûts absolus) : avec un taux de participation au dépistage de 10 % sur la population potentiellement à risque, on peut chiffrer une surcharge de 16 millions de francs par année en Suisse.
Le dépistage précoce par LDCT est déjà proposé depuis de nombreuses années à des personnes asymptomatiques par des prestataires suisses, notamment une fondation (http://www.lungendiagnostik.ch), avec des hôpitaux privés associés.
Aujourd’ hui, il existe en Suisse un vide pour le dépistage du cancer pulmonaire. Pour une mise en œuvre et un financement durable d’ un programme de dépistage par LDCT de haute qualité, il sera nécessaire de prendre en compte, dans la stratégie future, divers groupes d’ intérêts, des potentiel-le-s participant-e-s aux prestataires de service en passant par divers acteurs du domaine de la santé.

Données actuelles et preuves

Il a été tenté de calculer l’ impact, l’ efficience des coûts, la viabilité et le financement du dépistage par LDCT en Suisse. Comme déjà mentionné, une étude de modélisation a pu montrer que le dépistage par LDCT du cancer du poumon pourrait réduire la mortalité en Suisse à un rapport acceptable entre le risque et les coûts– sachant que le pays a un haut taux de fumeurs. Bien que la viabilité n’ ait pas été systématiquement étudiée pour l’ instant, des premières expériences à l’ hôpital universitaire de Zürich montrent que pour intégrer un programme de dépistage dans l’ actuelle routine clinique, il faut prendre en compte des ressources de personnel substantielles, une adaptation du processus ainsi que des infrastructures adaptées. Ainsi, pour répondre aux exigences d’ un programme de dépistage par LDCT du cancer du poumon, il est nécessaire d’ avoir une équipe spécifique au sein de radiologie, pneumologie et chirurgie thoracique (Pr T. Frauenfelder, communication orale). En outre, ces adaptations ne concernent que les personnes souhaitant vraiment se soumettre à un dépistage (probablement environ 10-20 %). Il n’ existe encore aucune structure pour être informé au sujet d’ un programme de dépistage et du processus de prise de décision. Dans d’ autre pays, comme la Pologne, ce premier pas se fait auprès du médecin de famille, alors qu’ en Suisse, on pourrait imaginer que cela se fasse autant auprès du médecin de famille qu’ auprès d’ une organisation de la santé, comme par exemple la Ligue Pulmonaire.

Le CH-LSIG (Lung Cancer Screening Implementation Group ou groupe suisse d’ implémentation du dépistage du cancer du poumon) a publié un communiqué au sujet du dépistage par LDCT du cancer du poumon dans lequel il établit les exigences de bases pour un futur programme de dépistage précoce (7). Dans ce communiqué, un groupe cible à risque de 300 000 femmes et hommes est défini comme potentiellement qualifié pour faire recours à un dépistage par LDCT. Le groupe d’ expert-e-s conclut qu’ un programme de dépistage dans tout le pays serait faisable, grâce à la répartition géographique des centres de santé et des prestataires de service qui peuvent proposer un dépistage, ainsi qu’ à la nature sélective de l’ examen.

Les données concernant le financement d’ un programme de dépistage du cancer du poumon sont pour l’ instant incomplètes. Bien que l’ étude de modélisation mentionnée plus haut suppose qu’ un tel programme de dépistage précoce pourrait selon toute probabilité être mis en œuvre avec un rapport coût-bénéfice acceptable de moins de 100 000 francs suisses par année de vie sauvée, certains points concernant les coûts absolus et la répartition entre les potentiels porteurs de coûts (assurances maladies, patient-e-s ayant recours au programme de dépistage et des organisations à but non-lucratif comme la Ligue Pulmonaire) restent à éclaircir.
L’  Office fédéral de la santé publique (OFSP) a repoussé l’ évaluation et la décision de l’ établissement d’ un programme national de dépistage du cancer du poumon jusqu’ à la publication des données de l’ étude NELSON.
Les données disponibles à ce jour sont également insuffisantes en ce qui concerne la volonté des participant-e-s potentiel-le-s au programme de dépistage de prendre en charge une partie des coûts ou la possibilité que les prestataires de services prennent en charge les coûts pour les ressources nécessaires en personnel et l’adaptation de l’infrastructure.
A l’ occasion de la conférence mondiale du cancer pulmonaire en septembre 2018, les résultats de l’ étude NELSON ont été présentés, montrant une réduction relative du risque de 26% auprès des hommes – ce qui a provoqué un large soutien au niveau international des société médicales pour la mise en place de programmes de dépistage nationaux (3). Cette idée s’ était déjà propagée à la publication de 2017 du «European position statement on lung cancer screening» (8). A l’ heure actuelle, un programme de dépistage est démarré en Pologne et au Royaume Uni, le NHS est en train d’étendre le programme pilote existant. La société européenne pour les images thoraciques (European Society for Thoracic Imaging, ESTI) est en train d’ établir un processus de certification des radiologues pour le dépistage du cancer du poumon. Cette action est soutenue par les sociétés européennes pour la radiologie et se base sur des webinars ainsi que des cours sur le diagnostic de nodules pulmonaires et l’ utilisation de l’ aide au diagnostic médical (computer-aided diagnosis, CAD).
Il reste, malgré tout, plusieurs questions fondamentales sans réponses jusqu’ ici, ce qui pourra être illustré par le processus de dépistage (schéma 1). Un aspect important est le fait que le dépistage du cancer du poumon est bien plus complexe que la réalisation d’un seul test de dépistage. Le processus commence par l’ information des participant-e-s issu-e-s de la population à risque (par exemple catégorie d’ âge de 60 à 80 ans et au moins 30 paquets par année ou des critères supplémentaires/autres). Le but est que les participant-e-s du programme de dépistage puissent prendre une décision informée de se soumettre ou non à un dépistage par LDCT. Une consultation a lieu après le premier LDCT, afin de discuter des résultats de l’ examination, des facteurs de risque et de décider quels examens encore mener. Dans le cas de lésions suspectes, cela pourrait signifier une procédure de diagnostic ou d’ autres contrôles par la suite. Ce processus de dépistage peut aussi mener à un traitement, qui comprend également un monitoring spécifique.
Il existe de plus en plus de preuves scientifiques en faveur de chaque étape de la procédure du dépistage. Les études NSLT, MILD, LUSI et NELSON, ainsi que l’ étude de modélisation de Tomonaga et al. vont permettre une évaluation future détaillée du processus par son utilité, les effets secondaires et les coûts.

Pertinence du dépistage du cancer pulmonaire dans le contexte suisse

En Suisse et en Europe, le cancer pulmonaire présente le taux de mortalité associé au carcinome le plus élevé, surtout en raison d’un diagnostic tardif à un stade avancé, qui ne permet plus une approche thérapeutique curative. Plusieurs études sur le dépistage du cancer du poumon avec le LDCT montrent clairement une réduction significative de la mortalité liée au cancer du poumon.
Aujourd’ hui, des programmes de dépistage du cancer du poumon sont mis en place aux États-Unis, et plusieurs pays européens en font de même. En Suisse, un débat politique a lieu en ce moment à propos des coûts des soins de la santé, avec des critiques envers les mesures de prévention mises en place, comme le programme de dépistage du cancer du sein. C’ est pourquoi la future prévention du cancer pulmonaire nécessitera l’établissement d’un programme de dépistage fondé sur des données probantes, ainsi que l’ implication active des groupes de personnes concernées.
Le CH-LSIG soutient donc un programme coordonné au niveau national pour la collecte et l’évaluation scientifique des données et des résultats. Le CH-LSIG ne recommande pas de dépistage « opportuniste », mené en dehors d’un programme. Toutefois, si les patient-e-s souhaitent tout de même subir un examen par LDCT, ils/elles doivent être informé-e-s à l’avance des risques et des bénéfices.
Un futur programme suisse devrait être établi avec une approche « bottom-up », incluant les différentes parties prenantes et accompagné scientifiquement par une analyse de la mise en œuvre – l’ objectif principal étant de réduire la mortalité liée au cancer du poumon et les résultats faussement positifs.
Une stratégie aussi large et inclusive vise à intégrer toutes les parties prenantes au cours du processus de mise en œuvre, ce qui constitue une approche novatrice tant au niveau national qu’international. La Suisse peut donc jouer un rôle important dans l’introduction d’un programme de dépistage du cancer du poumon par LDCT, basé sur les meilleures preuves disponibles et utilisant les forces du système de santé suisse.

Questions ouvertes sur la faisabilité

  • Quelles organisations sont en contact avec les participant-e-s potentiel-le-s à un dépistage, issu-e-s de la population à risque ?
  • Quels critères définissent la population à risque, pour établir un «number needed to screen» et un «number harmed» ?
  • Quels aspects entravent et quels sont ceux qui simplifient la mise en place durable d’un programme de dépistage par LDCT pour les prestataires de soins de santé ?
  • Quels prestataires de soins de santé mettent en place des équipes interdisciplinaires et fournissent l’infrastructure nécessaire pour offrir un programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment intègre-t-on le sevrage tabagique dans le programme de dépistage par LDCT afin atteindre le nombre maximum de fumeurs et fumeuses ?
  • Quel régime de dépistage la Suisse devrait-elle utiliser, quels sont les détails du programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment et par qui les nodules sont-ils détectés, analysés et signalés, quel algorithme est mis en œuvre pour la gestion ?
  • Quelles sont les possibilités de collecte de données, de registre et de programme de d’accompagnement de qualité en Suisse ?

Questions ouvertes sur le financement et la durabilité :

  • Comment sont financées l’information, les consultations et la spirométrie avant le LDCT ? Les participant-e-s seraient-ils/elles prêt-e-s à assumer eux-mêmes une partie des coûts ?
  • Est-ce qu’ une taxe supplémentaire sur le tabac pourrait financer une partie du programme de dépistage par LDCT ?
  • A quelle hauteur l’ assurance maladie obligatoire devrait-elle contribuer pour assurer une mise en place durable d’un programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment les prestataires de service de la santé financent-ils les ressources humaines, les équipements techniques, la formation et les infrastructures supplémentaires, indépendamment du remboursement par les caisses d’assurance maladie ?
  • Comment sont financés la collecte de données, les registres et les programmes de qualité ?
  • Comment sont traitées les découvertes fortuites (par exemple, les maladies cardiovasculaires) pour éviter des coûts élevés et inutiles pour le système de santé ?

Le CH-LSIG (Lung Cancer Screening Implementation Group)

J. Plojoux (Hôpitaux Universitaires de Genève), A. Azzola (Luzerner Kantonsspital), J. Bremerich (Universitätsspital Basel), U. Bürgi (Luzerner Kantonsspital), M. Brutsche (Kantonsspital St. Gallen), A. Christe (Insel- spital und Tiefenauspital), L. Ebner (Inselspital), C. Eich (Zürich), D. Franzen (Universitätsspital Zürich), A. Flatz (Krebsliga Schweiz), Ph. Giroud (Lungenliga Schweiz), J. Heverhagen (Inselspital), N. Horwarth (Clinique des Grangettes), M. Kohler (Universitätsspital Zürich), A. Lovis (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), R. Meuli (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), M. Menig (BAG), X. Montet (Hôpitaux Universitaires de Genève), L. Nicod (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), T. Niemann (Kantonsspital Baden), H.-B. Ris (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), D. Schneiter (Universitätsspital Zürich), S. Stöhr (SUVA), P. Vock (BAG), W. Weder (Universitätsspital Zürich)

Prof. Dr. méd. Paola Gasche-Soccal, Service de Pneumologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Genève
Dr. méd. Catherine Beigelmann-Aubry, Service de Radiodiagnostic et Radiologie Interventionnelle, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
Prof. Dr. méd. Thomas Frauenfelder, Institut für diagnostische und interventionelle Radiologie, Universitätsspital Zürich, Zürich
Prof. Dr. méd. Oliver Gautschi, Medizinische Onkologie, Luzerner Kantonsspital, Luzern
Prof. Dr. méd. Isabelle Schmitt-Opitz, Klinik für Thoraxchirurgie, Universitätsspital Zürich, Zürich
Dr. méd. Yuki Tomonaga, Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention, Universität Zürich, Zürich
Prof. Dr. méd. Stefan Neuner-Jehle, Kollegium f. Hausarztmedizin, Zürich
Prof. Dr. méd. Oliver Senn, Institut für Hausarztmedizin, Universität Zürich, Zürich
Dr. méd. Alexander Turk, Klinik für Innere Medizin, See-Spital, Horgen und Kilchberg
Prof. Dr. méd. Milo Puhan, Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention Institute, Universität Zürich, Zürich

Article traduit de «onkologie » 05_2019.

Prof. Dr. med.Christophe von Garnier

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Lausanne

christophe.von-garnier@chuv.ch

1. Specific causes of death. https://www.bfs.admin.ch/bfs/en/home/statistics/health/ state-health/mortality-causes-death/specific.html (accessed April 24, 2019).
2. Aberle DR, Adams AM, Berg CD, Black WC, et al. Reduced lungcancer morta- lity with lowdose computed tomographic screening. N Engl J Med. 2011 Aug 4;365(5):395-409.
3. De Koning H, Van Der Aalst C, Ten Haaf K, Oudkerk M. PL02.05 Effects of Volu- me CT Lung Cancer Screening: Mortality Results of the NELSON Randomised- Controlled Population Based Trial. J Thorac Oncol 2018; 13: S185.
4. Pastorino U, Silva M, Sestini S, et al. Prolonged Lung Cancer Screening Redu- ced 10-year Mortality in the MILD Trial. Ann Oncol 2019; published online April 1. DOI:10.1093/annonc/mdz117.
5. Becker N, Motsch E, Trotter A, Heussel CP, et al. Lung cancer mortality reduction by LDCT screening-Results from the randomized German LUSI trial. Int J Cancer. 2019 Jun 4. doi: 10.1002/ijc.32486.
6. Tomonaga Y, ten Haaf K, Frauenfelder T, et al. Costeffectiveness of low-do-se CT screening for lung cancer in a European country with high preva-lence of smoking—A modelling study. Lung Cancer 2018. DOI:10.1016/j.lung- can.2018.05.008.
7. Frauenfelder T, Puhan MA, Lazor R, et al. Early detection of lung cancer: A statement from an expert panel of the swiss university hospitals on lung cancer screening. Respiration 2014; 87: 254–64.
8. Oudkerk M, Devaraj A, Vliegenthart R, et al. European position statement on lung cancer screening. Lancet Oncol. 2017. DOI:10.1016/S1470-2045(17)30861-6.

ABI et risque cardiovasculaire

L’  ankle-brachial index (ABI), appelé aussi index cheville-bras voire index de pression systolique, permet de poser le diagnostic d’ artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), et est un marqueur puissant de maladies cardiovasculaires. La pertinence clinique de cet index permet au médecin traitant de suivre avec une attention particulière surtout les patients âgés, souvent peu symptomatiques du fait d’ une mobilisation limitée, mais à haut risque de complications. Le risque évolutif vers des événements cardiovasculaires majeurs (major adverse cardiovascular events, MACE), ainsi des événements majeurs aux membres inférieurs (major adverse limb events, MALE) est réel. Nous ne traiterons pas de la prise en charge de l’ AOMI, mais proposerons des notions récapitulatives sur l’ utilité et l’ interprétation de la mesure de l’ ABI, thème principal de cet article.

L’ ABI correspond au rapport entre la pression systolique la plus élevée mesurée par Doppler continu au niveau pédieux et tibial postérieur, et la valeur tensionnelle systolique la plus haute au niveau huméral. Il est primordial de mesurer la pression humérale bilatéralement, une asymétrie significative pouvant témoigner d’ une sténose sous-clavière même asymptomatique. La valeur de l’ ABI serait erronée en cas d’ utilisation de la pression la plus basse.
Les études ont montré que la mesure de l’ ABI est en principe reproductible (1) . Toutefois, comme pour tout examen opérateur-dépendant, l’ expérience est un facteur déterminant pour une mesure fiable et précise, ceci en particulier chez des patients avec une atteinte oblitérante significative. Le personnel non expérimenté devra s’ entraîner au-delà de quelques essais, même après supervision initiale par un spécialiste (2).

ABI et diagnostic d’ AOMI

Le tableau 1 détaille la correspondance clinique en fonction des valeurs de l’ ABI. Une valeur d’ ABI inférieure ou égale à 0.90 est retenue comme posant le diagnostic d’ AOMI. Des études ont montré une excellente spécificité et une bonne sensibilité, par rapport à l’ angiographie montrant des lésions sténosantes (3). Un ABI est considéré normal entre cette valeur et 1.40 (4). Des valeurs supérieures témoignent d’ une rigidité artérielle, la pression de compression à la cheville étant supérieure à la pression effective dans le vaisseau. La médiacalcose, qui se manifeste principalement en cas de diabète et d’ insuffisance rénale terminale, en est l’ une des causes. Elle n’ est pas en elle-même à l’ origine de sténose intraluminale, mais peut sans autre être associée à une condition oblitérante athéromateuse.
Une valeur d’ ABI dans la norme ne permet pas d’ exclure formellement une AOMI. Une rigidité artérielle débutante peut surestimer partiellement la pression distale. La concordance de la valeur de l’ ABI avec la morphologie des courbes Doppler permettrait de mieux nuancer cet aspect. Toutefois, cette notion nécessiterait d’ analyser des courbes spectrales en plus de la valeur tensionnelle systolique mesurée pour le calcul de l’ ABI. En cas de diabète et/ou d’ insuffisance rénale chronique, la prudence d’ interprétation d’ un ABI dans la norme est donc de mise. Dans ces conditions, la mesure de l’ index orteil/bras (toe/brachial index, TBI) est précieuse. En effet, les artères digitales sont rarement touchées par des calcifications (3), et la valeur de pression mesurée correspond à celle effective dans le vaisseau. Une valeur du TBI inférieure à 0.70 est considérée comme pathologique. Une étude récente a montré que, sur 3760 patients inclus, le 20.5% avait un ABI dans la norme mais un TBI diminué (5). Seule une partie de ces patients avait toutefois un diabète voire une insuffisance rénale chronique, la présence d’ une vasculite pouvant aussi être à l’ origine de cette constellation.

ABI : marqueur d’ AOMI et de risque cardiovasculaire systémique

Ces dernières années ont vu une évolution significative non seulement dans la prise en charge de l’ AOMI, mais aussi dans la prise de conscience que l’ AOMI est un témoin potentiel d’ une atteinte vasculaire plurilocalisée. La pathologie athéromateuse présente en effet un caractère systémique, et n’ est pas seulement spécifique aux membres inférieurs.
Sans entrer dans les détails, rappelons qu’ en cas d’ AOMI, 25-70% des patients présentent une atteinte coronarienne associée, jusqu’ à 20 % une atteinte sténosante carotidienne supérieure à 70%, sans oublier les lésions pouvant survenir dans d’ autres territoires vasculaires, notamment mésentérique et rénal (4).
Un ABI ≤ 0.90 témoigne d’ une AOMI, et est donc associé à une augmentation du risque cardiovasculaire, tant en ce qui concerne la morbidité que la mortalité cardiovasculaire et totale (6). Il est, par ailleurs, intéressant de noter que les informations données par l’ ABI se révèlent significatives au-delà de scores habituellement utilisés pour déterminer le risque cardiovasculaire des patients, comme par exemple le Framingham risk score (3). Un ABI diminué permet, par conséquent, non seulement de poser le diagnostic d’ AOMI, mais représente aussi un puissant marqueur du risque cardiovasculaire, mettant le patient dans une catégorie à haut risque (3, 6-9).
L’ association entre un ABI > 1.40 et une augmentation du risque cardiovasculaire est reconnue (3, 6, 8). Rappelons que, parmi les pathologies associées à des valeurs élevées de l’ ABI, le diabète et l’ insuffisance rénale terminale représentent en elles-mêmes des facteurs de risque cardiovasculaire. Un ABI > 1.40 est surtout associé à des complications cérébrovasculaires (3, 10).

Le patient asymptomatique est aussi à risque

Il serait erroné de penser que les patients asymptomatiques ne sont pas concernés par l’ augmentation du risque cardiovasculaire. Le concept que la majorité des patients avec une AOMI sont asymptomatiques, doit être nuancé. On estime qu’ environ 30% de ces patients présentent une AOMI dite « masquée ». Il s’ agit de patients présentant une pathologie (orthopédique, rhumatologique, neurologique, etc) limitant l’ effort, et empêchant l’ expression d’ une claudication artérielle. D’ autres patients présentent une neuropathie, par exemple diabétique, supprimant la sensation douloureuse à l’ effort, mais aussi au repos. Il s’ agit donc de patients particulièrement fragiles, avec un risque important de passer d’ un stade asymptomatique à un stade avancé et grave de l’ AOMI.
Même chez les sujets asymptomatiques, un ABI pathologique est associé à un risque cardiovasculaire augmenté (7, 10, 11). L’ évaluation de l’ ABI serait donc en principe à proposer non seulement aux patients symptomatiques, mais aussi à d’ autres classes de patients, comme recommandé par des directives récentes (tableau 2) (4).

L’ ischémie critique : une condition à ne pas sous-estimer

L’ ischémie critique est une condition à haut risque de complications. Il s’ agit d’ une ischémie au repos, symptomatique généralement sous forme de douleurs à l’ avant-pied. Les patients peuvent être réveillés la nuit par les douleurs. Une amélioration, voire une régression de la symptomatologie, peut se manifester lors du passage de la position couchée à assise ou debout, témoignant d’ une réserve de perfusion. Du point de vue des paramètres hémodynamiques, elle se confirme par un ABI < 0.40, par une pression à la cheville < 50 mmHg, une pression digitale < 30 mmHg, ainsi qu’ une mesure transcutanée de pression d’ oxygène < 30 mmHg (4). En cas de symptomatologie au repos, une prise en charge de revascularisation doit être considérée.
Il y a toutefois des patients, en particulier gériatriques, qui restent asymptomatiques, y compris à l’ effort (moindre au vu d’ une mobilisation limitée). Une intervention de revascularisation préventive n’ est pas proposée, hormis dans les cas d’ une menace d’ occlusion d’ un geste interventionnel préalable (occlusion par exemple d’ un pontage qui amènerait le patient à un stade symptomatique). Ces patients asymptomatiques nécessitent toutefois un suivi clinique strict, et une prise en charge immédiate par exemple lors d’ une blessure même minime ou d’ une infection débutante. Ces conditions sont en effet à haut risque évolutif, y compris vers une amputation. L’ état initialement asymptomatique doit être considéré comme particulièrement fragile chez ces patients.
Concernant les complications vasculaires systémiques, lors de condition d’ ischémie critique des membres inférieurs, l’ évolution vers un infarctus du myocarde, un décès cardiovasculaire, et un accident vasculaire cérébral est deux fois plus fréquente par rapport aux stades moins graves d’ AOMI(12).

Dr Luca Calanca

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service d’ Angiologie
Ch. de Mont-Paisible 18
1011 Lausanne

Dr Marco Fresa

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service d’ Angiologie
Ch. de Mont-Paisible 18
1011 Lausanne

Pr Lucia Mazzolai

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service d’ Angiologie
Ch. de Mont-Paisible 18
1011 Lausanne

lucia.mazzolai@chuv.ch

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation à cet article

  • Un ABI ≤ 0.90 permet de poser le diagnostic d’ AOMI et est un marqueur d’ augmentation du risque cardiovasculaire.
  • Les patients avec une AOMI asymptomatique présentent aussi un risque cardiovasculaire augmenté.
  • L’ AOMI est une condition pouvant évoluer vers des complications systémiques et/ou locales graves.
  • Les personnes âgées asymptomatiques, surtout en cas de mobilité réduite, nécessitent un suivi strict et une prise en charge rapide en cas de complications même débutantes.
  • L’ ischémie critique est une condition à haut risque de complications.

1. Casey, S., et al., The reliability of the ankle brachial index: a systematic review. J Foot Ankle Res, 2019. 12: p. 39.
2. Monti, M., et al., Accuracy of in-patients ankle-brachial index measurement by medical students. Vasa, 2016. 45(1): p. 43-8.
3. Aboyans, V., et al., Measurement and interpretation of the ankle-brachial index: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation, 2012. 126(24): p. 2890-909.
4. Aboyans, V., et al., Editor’s Choice – 2017 ESC Guidelines on the Diagnosis and Treatment of Peripheral Arterial Diseases, in collaboration with the European Society for Vascular Surgery (ESVS). Eur J Vasc Endovasc Surg, 2018. 55(3): p. 305-368.
5. Hoyer, C., et al., Risk factors and haemodynamic variables in patients with low toe-brachial index but normal ankle-brachial index. Atherosclerosis, 2019. 289: p. 21-26.
6. Resnick, H.E., et al., Relationship of high and low ankle brachial index to allcause and cardiovascular disease mortality: the Strong Heart Study. Circulation, 2004. 109(6): p. 733-9.
7. Diehm, C., et al., Mortality and vascular morbidity in older adults with asymptomatic versus symptomatic peripheral artery disease. Circulation, 2009. 120(21): p. 2053-61.
8. O’Hare, A.M., et al., Mortality and cardiovascular risk across the ankle-arm index spectrum: results from the Cardiovascular Health Study. Circulation, 2006. 113(3): p. 388-93.
9. Sasaki, M., et al., Low ankle brachial index predicts poor outcomes including target lesion revascularization during the long-term follow up after drug-eluting stent implantation for coronary artery disease. J Cardiol, 2019.
10. Criqui, M.H., et al., The ankle-brachial index and incident cardiovascular events in the MESA (Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis). J Am Coll Cardiol, 2010. 56(18): p. 1506-12.
11. Alves-Cabratosa, L., et al., Role of Low Ankle-Brachial Index in Cardiovascular and Mortality Risk Compared with Major Risk Conditions. J Clin Med, 2019. 8(6).
12. Norgren, L., et al., Outcomes of Patients with Critical Limb Ischaemia in the EUCLID Trial. Eur J Vasc Endovasc Surg, 2018. 55(1): p. 109-117.

Mycose, prurit et dyspareunie

Le prurit génital et la dyspareunie sont des symptômes à la fois courants et complexes dans la vie gynécologique quotidienne. Les symptômes et les tableaux cliniques se chevauchent largement, ce qui peut parfois rendre le diagnostic extrêmement difficile et retarder le début d’ une thérapie adéquate. Cet article vise à donner un aperçu des diagnostics différentiels et se concentre sur la genèse infectieuse.

Prurit génital comme symptôme principal

Le prurit vulvaire ou vaginal est un symptôme majeur courant en gynécologie, en gynécologie de l’ enfant et de l’ adolescent c’ est même le symptôme le plus courant avec plus de 60 % (1). La liste des causes possibles est longue et ce n’ est pas toujours une infection fongique qui en est responsable. Moins de 50 % des femmes ayant un prurit vulvaire ou vaginal souffrent en fait de candidose vulvovaginale. Cependant, en présence de cette dernière, le prurit est le symptôme cardinal qui, dans 90 % des cas, est associé à une candidose vulvo-vaginale (2). En cas de prurit génital, le diagnostic différentiel doit prendre en compte les allergies, les irritations cutanées (produits de soin et d’ hygiène, etc.), les infections de la vulve et/ou du vagin, les maladies internes (par exemple diabète sucré, polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé), l’ atrophie génitale (carence en œstrogènes), les néoplasies, les maladies cutanées chroniques non infectieuses (par exemple lichen scléreux) ou une genèse psychologique (3). Un aperçu des diagnostics différentiels est donné au tableau 1. Le traitement est généralement basé sur la maladie sous-jacente ou, si aucune cause spécifique ne peut être trouvée, il peut être pour une période temporaire de nature purement symptomatique (par exemple, corticostéroïdes locaux, lotion de lavage au pH neutre, crème grasse).

Dyspareunie

La dyspareunie, le rapport sexuel douloureux, touche environ 8-22 % de toutes les femmes (4). Il faut distinguer la dyspareunie superficielle (souvent près de l’ introïtus, lors de la pénétration) de la dyspareunie profonde. Les causes les plus courantes de dyspareunie chez les femmes de moins de 50 ans sont la dermatose vulvaire, l’ endométriose, le syndrome de douleur vulvaire provoquée, le syndrome de douleur pelvienne myofasciale (myofacial pelvic pain syndrome) et la cystite interstitielle / le syndrome vésical douloureux (painful bladder syndrome). L’ atrophie urogénitale est la cause la plus fréquente chez les femmes de plus de 50 ans (5), (6). Le tableau 2 donne un aperçu des diagnostics différentiels les plus importants.
Une classification purement psychologique de la dyspareunie doit être évitée, car différentes composantes sont souvent présentes. Généralement, une sensation de brûlure ou une douleur lancinante se produit avant, après ou pendant les rapports sexuels. L’ intensité peut varier et dépend de la position sexuelle choisie, surtout dans les cas d’ adhérences et d’ endométriose (7).
Une anamnèse détaillée et l’ examen gynécologique constituent la base du diagnostic. Il faut certainement exclure une genèse inflammatoire, infectieuse ou néoplasique (6).
Thérapie : Comme il s’ agit d’ un symptôme, la thérapie est basée sur la maladie sous-jacente. Le traitement symptomatique comprend l’ utilisation de lubrifiants contre la sécheresse vaginale ainsi que l’ utilisation d’ anesthésiques locaux contre les troubles de la vulve. Une attention particulière doit également être accordée à l’ éducation et à l’ information des patientes.

Colpite et vulvovaginite

La vaginite ou colpite est une inflammation du vagin. Souvent, elle s’ accompagne d’ une inflammation des organes génitaux externes, dans ce cas, on parle de vulvovaginite. L’ inflammation peut être causée par une infection, une inflammation ou des changements dans la flore vaginale physiologique (3). La vulvovaginite peut être asymptomatique, mais dans la plupart des cas, elle se manifeste par des symptômes tels que des démangeaisons ou des brûlures vulvovaginales prononcées, une rougeur des parois vaginales ou des organes génitaux externes et des pertes vaginales, parfois malodorantes. La dysurie ou la dyspareunie peuvent également se produire (8).
Les causes les plus courantes sont de nature infectieuse. Les trois causes infectieuses les plus courantes, la vaginose bactérienne, la vulvovaginite à candida et la trichomonase, représentent ensemble environ 90 % des infections (9) (tableau 3). Les causes non infectieuses de la vaginite comprennent l’ atrophie vaginale, les corps étrangers (restes de tampon ou de préservatif), les allergènes et les irritants et d’ autres entités moins courantes comme les maladies systémiques.

Flore vaginale physiologique

La flore normale du vagin est formée par des lactobacilles (bactéries Döderlein), des bâtonnets Gram-négatifs. Le glycogène est stocké dans les cellules épithéliales squameuses du vagin par action œstrogénique. Le glycogène des cellules épithéliales éliminées est métabolisé par les lactobacilles en lactate, qui est responsable de l’ environnement acide du vagin (8), (9). Ceci maintient la flore vaginale normale et supprime la croissance des germes pathogènes (3). Le fluor vaginal est essentiellement produit par transsudation. Le fluor physiologique vaginal a un pH de 4,0 – 4,5, est blanchâtre, mince, acide, non malodorant et asymptomatique. La quantité normale est < 5 ml/24h.

Vulvovaginite à Candida

La candidose vulvovaginale est la cause la plus courante de prurit et de pertes vulvovaginales et la deuxième cause la plus courante de colpite après la vaginose bactérienne. Cependant, la prévalence exacte est difficile à déterminer, car les espèces de Candida se trouvent dans le tractus génital d’ environ 20 % de toutes les femmes ne présentant pas de signes cliniques d’ infection (colonisation), de sorte que la détection de Candida ne suffit pas à elle seule pour poser un diagnostic (2). Dans une étude américaine récente, 77,5  % des femmes ont déclaré avoir eu une candidose vulvovaginale au moins une fois dans leur vie, dont 34,6 % ont souffert de candidose vulvovaginale récurrente (≥ 4 épisodes par an) (10). La prévalence de la candidose vulvovaginale est la plus élevée chez les femmes en âge de procréer. Au-delà de la ménopause, l’ apparition de la candidose vulvovaginale est inhabituelle, sauf chez les femmes sous œstrogénothérapie. Elle est également inhabituelle chez les filles pré-pubères, chez qui la candidose vulvovaginale est parfois surdiagnostiquée (11).
Contrairement à la vaginose bactérienne, la candidose vulvovaginale ne réduit pas le nombre de lactobacilles vaginaux. Les espèces de Candida sont facultativement pathogènes. Environ 80 % des infections sont causées par Candida albicans, les autres infections sont principalement causées par Candida glabrata ou tropicalis (2). Une infection fongique cliniquement manifeste à Candida ne se développe que si, en plus d’ une numération bactérienne suffisante, il existe une disposition ou des facteurs de risque (2). Les facteurs de risque comprennent le diabète sucré (surtout en cas de mauvais contrôle de la glycémie), l’ utilisation d’ antibiotiques, des taux élevés d’ œstrogènes (contraceptifs oraux, grossesse, œstrogénothérapie) et l’ immunosuppression (11).
Le symptôme dominant est le prurit. Mais on décrit aussi souvent une sensation de brûlure, une rougeur vaginale et une sensation de douleur prononcée. Les petites lèvres peuvent être oedémateuses et enflées. La dysurie et la dyspareunie peuvent également se produire (11). Les pertes sont généralement blanches, épaisses, friables et souvent collantes sur les parois vaginales (2). Mais parfois, elles peuvent être complètement absentes. Le pH vaginal est généralement normal, ce qui permet de distinguer la candidose de la vaginose bactérienne et de la colpite à trichomonas. L’ intensité des symptômes peut varier considérablement, par exemple des symptômes légers à minimes semblent se produire dans les infections à Candida glabrata ou parapsilosis (en particulier dans les infections associées aux cathéters) (11) (2). Le diagnostic se fait par l’ examen des organes génitaux externes, du vagin et du col de l’ utérus. Le col de l’ utérus présente habituellement des résultats normaux. En outre, le diagnostic microscopique doit être effectué à l’ aide de préparations natives. La microscopie optique révèle des fils hyphaliques typiques et ramifiés. Ceux-ci sont formés de spores de candida ellipsoïdes dans un environnement favorable à l’ hôte. En l’ absence de symptômes, leur apparition peut correspondre à une seule colonisation, alors que les fils hyphaliques sont souvent en corrélation avec une maladie symptomatique (2).
En cas de symptômes classiques ainsi qu’ en cas de détection microscopique de Candida, une culture n’ est pas absolument nécessaire. Toutefois, elle doit être effectuée si aucune détection microscopique n’ a été possible avec les symptômes correspondants et un pH normal, ou en cas de symptômes persistants ou récurrents (11). Bien que la détection par PCR montre une spécificité et une sensibilité élevées, elle n’ a guère été utilisée jusqu’ à présent dans le diagnostic de routine.
Comme aucun des symptômes n’ est pathognomonique de la candidose vulvovaginale, il faut tenter de détecter la maladie par microscopie native, coloration de Gram ou culture en cas de soupçon clinique afin d’ éviter un surdiagnostic et un surtraitement subséquent. Comme les autodiagnostics sont souvent erronés, ils doivent être faits avec prudence et l’ autothérapie avec des médicaments en vente libre n’ est pas recommandée. Dans une étude américaine, seule une minorité d’ environ 500 femmes sans formation médicale a pu établir un diagnostic correct (11 % des femmes sans et 35 % des femmes avec une candidose vulvovaginale antérieure) (11).
Thérapie : Il existe plusieurs médicaments disponibles sous différentes formes posologiques. Pour les infections non compliquées, un traitement local avec Clotrimazole ou Éconazole est recommandé (crème 7-10 jours et suppositoires vaginaux 3-6 jours). En cas d’ infection compliquée, un traitement systémique avec une dose unique de Fluconazole 150 mg 1x ou d’ Itraconazole 200mg 2x doit être administré en plus. Dans le cas d’ infections chroniques récurrentes, il existe des schémas thérapeutiques répétitifs.
L’ efficacité du traitement probiotique, par exemple avec les comprimés vaginaux Gynoflor pour restaurer la flore vaginale, n’ a pas été scientifiquement prouvée.
Le traitement du partenaire sexuel asymptomatique ne semble pas être bénéfique pour la patiente.

Dr. med. Jeannette Baldinger

Frauenklinik
Kantonsspital St. Gallen
Rorschacher Strasse 95
9007 St. Gallen

jeannette.baldinger@kssg.ch

Prof. Dr. med. René Hornung

Frauenklinik
Kantonsspital St. Gallen
Rorschacher Strasse 95
9007 St. Gallen

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Le prurit génital est un symptôme courant, mais moins de 50% des femmes présentant ce symptôme ont en fait une candidose vulvovaginale.
  • Dans la plupart des cas, la candidose vulvovaginale s’ accompagne de démangeaisons. Les autres symptômes possibles sont la rougeur, l’ œdème ou la douleur, alors que dans la vaginose bactérienne, les signes d’ inflammation sont généralement absents.
  • La dyspareunie peut avoir des causes multiples. Une anamnèse détaillée et un examen gynécologique soigneux mais précis sont essentiels. Une cause organique doit être spécifiquement recherchée ou exclue.

1. Goerke, K., Steller, J. und Valet, A. Klinikleitfaden Gynäkologie Geburtshilfe. 10. Auflage. München : Urban & Fischer Verlag, 2018.
2. Mylonas, I., Friese, K. und Lauper, U. EGONEplus. Infektiologische Krankheitsbilder. 22. April 2013.
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7. Netter, Frank H. Gynäkologie. Stuttgart : Thieme, 2006.
8. Frobenius, W. and Bogdan, C. Diagnostic Value of Vaginal Discharge, Wet Mount and Vaginal pH – An Update on the Basics of Gynecologic Infectiology. Geburtshilfe und Frauenheilkunde. 2015.
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10. Yano, Junko und Sobek, Jack D. Current patient perspectives of vulvovaginal candidiasis: incidence, symptomes, management and posttreatment outcomes. BMC Women’ s Health. 2019.
11. Sobel, Jack D. UpToDate: Candida vulvovaginitis: Clinical manifestations and diagnosis. 16. Nov. 2018. Candida vulvovaginitis: Clinical manifestations and diagnosis.
12. [Online] https://www.msdmanuals.com/de/profi/gynäkologie-und-geburtshilfe/symptome-gynäkologischer-erkrankungen/vaginaler-juckreiz-und-ausfluss#v1061219_de.
13. Sobel, Jack D. UpToDate: Bacterial vaginosis: Clinical manifestations and diagnosis. 11. Feb. 2019.
14. [Online] http://imdlab.ch/wp-content/uploads/2016/03/Trichomonas-vaginalis.pdf.
15. Petersen, Eiko E. Farbatlas der Vulvaerkrankungen. Freiburg/Br. : Kaymogyn GmbH, 2007.

Les foyers naturels de la FSME sont-elles en expansion en Suisse?

Pour une définition pertinente des foyers naturels de la méningo-encéphalite à tiques ou verno-estivale (FSME), il faut considérer, à part les cas enregistrés cliniquement, aussi les infections d’ animaux provenant de zones où l’ agent pathogène n’ est pas encore apparu chez l’ homme. Les résultats d’ études sur le terrain (1), complétés par des données de cas cliniques, pourraient combler d’ importantes lacunes dans les connaissances sur la propagation du virus FSME. Une approche interdisciplinaire (2) est nécessaire et devrait être mise en œuvre au-delà des frontières départementales et des disciplines scientifiques.

Cet article est consacré à la répartition géographique des zones endémiques de la FSME. Un autre article paru dans le numéro 04_2019 de « der informierte arzt » informe au sujet des pathogènes à tiques fréquents et moins fréquents (3).

Virus de l’ encéphalite à tiques et zones d’ endémie

Le virus FSME a été détecté et isolé pour la première fois en Sibérie orientale en 1937. Déjà en 1931, le médecin Hans Schneider a décrit, dans sa publication « Epidemische akute < Meningitis serosa > », une accumulation de foyers de FSME en Basse Autriche (4). Le virus FSME circule dans un système complexe. Il est maintenu en cycle avec les tiques et les vertébrés dans des foyers dits naturels. La circulation du virus dépend de la coïncidence de certaines conditions botaniques, zoologiques, climatiques et éco-géologiques (4). La tique (Ixodes ricinus) joue un rôle central dans le cycle naturel du virus FSME. Toutes les espèces animales ne sont pas des hôtes sanguins appropriés pour les tiques (chevreuils, cerfs, sangliers) et seule une sélection de ces espèces (rongeurs, insectivores) est capable de servir de réservoir au virus FSME. Le rapport « hôte sanguin » sur « hôte réservoir » détermine si le virus FSME circule ou non à un endroit donné (5).

Expansion de la FSME en Suisse

La première détection d’ anticorps anti-FSME a été réalisée en Suisse en 1969 dans le sérum de deux personnes malades. Ceci est décrit par Thomas Krech dans sa thèse de doctorat de 1980 (6). L’ Office fédéral de la santé publique (OFSP) enregistre l’ incidence des infections à FSME depuis 1984.
Les zones à risque ont été identifiées sur la base des cas cliniques de FSME en 2011 qui se situaient dans le nord-est de la Suisse (cantons TG, SH, SG, ZH), le Mittelland, l’ Oberland bernois et l’ Alpenrheintal / FL (cf. fig. 1). Dans le cadre de la plus grande campagne suisse de surveillance de la FSME, l’ armée a collecté plus de 65 000 tiques en 2009. Le laboratoire de Spiez a analysé les tiques pour détecter la présence du virus FSME. Les résultats uniques de cette étude sur le terrain (9) ont été intégrés dans la carte actualisée des zones présentant un risque accru de FSME en 2013 (cf. fig. 2) afin d’ améliorer l’ évaluation de ce risque. Parallèlement, l’ OFSP et la Commission fédérale pour les questions de vaccination (CFV) ont décidé de ne plus considérer « la seule détection des tiques infectées » dans leur présentation des zones à risque de FSME et de publier deux cartes, l’ une visualisant les zones d’ accumulation locale de la FSME, l’ autre montrant les zones pour lesquelles la vaccination contre la FSME est recommandée (8).

Recommandation de vaccination contre la FSME 2019 – extension spatiale

La figure 3 montre l’ expansion spatiale des zones à risque de FSME entre 2009 et 2018 avec les sites où l’ on soupçonne des piqûres de tiques (rouge) et, si cette information fait défaut, la commune de résidence (rose) des personnes atteintes de FSME. La figure 4 présente les zones pour lesquelles la recommandation de vaccination contre la FSME est en vigueur depuis février 2019 (10) comme résultat de la gestion pragmatique, par la politique de santé, du nombre croissant des cas de FSME. La vaccination protège contre l’ infection à FSME, mais pas contre la maladie de Lyme. L’ expérience de plus de 40 exposés sur la prévention montre que plus de la moitié du public intéressé ne connaît pas cette distinction (11). La conclusion inverse signifie qu’ une grande partie de la population interprète mal la carte des zones à risque de FSME et estime qu’ il n’ y a aucun risque de tiques en dehors des zones rouges. L’ une des raisons pourrait être l’ utilisation imprécise du terme « vaccination contre les tiques » pour désigner la protection vaccinale contre la FSME.

Zones avec recommandation d’ immunisation contre la FSME ≠  Foyers naturels

Les zones cartographiées où la vaccination contre la FSME est recommandée ne prennent en compte que les cas cliniques. Cette approche médicale présente deux lacunes majeures. Premièrement, la méthode de prendre les cantons comme entité la plus petite pour identifier des foyers naturels de très petite taille est insuffisante. Les foyers naturels sont aussi grands qu’ un demi-terrain de football et ne peuvent être identifiés qu’ à l’ issue de recherches approfondies sur le terrain (12) (13). Deuxièmement, pour le virus FSME, l’ homme est un hôte sans issue qui ne joue aucun rôle dans la propagation du virus. L’ enregistrement des seuls cas humains de FSME donne une image déformée de la propagation spatiale de la FSME (2).

Résultats de la recherche sur la FSME datant de septembre 2019

Le collègue allemand Dobler est internationalement considéré comme une référence dans la recherche sur les tiques (4). Au bout de quarante ans, il a été en mesure d’ identifier des sous-types identiques de FMSE dans les foyers naturels en balisant les sites connus. Ceci est une indication claire de la stabilité du cycle naturel de l’ encéphalite à tiques. D’ autre part, l’ étendue spatiale prouve que les zones endémiques « localisées » de la FSME réagissent aux influences de la nature et de l’ homme.

Paysage, environnement et hôtes

L’ inclusion du paysage dans l’ épidémiologie de la FSME est plus marquée en Europe de l’ Est qu’ en Europe occidentale. La méthode d’ observation de Pavlovsky pour décrire les foyers naturels de FSME (Nidus) n’ est pas moins pertinente aujourd’ hui qu’ en 1939 (14). Les éléments du paysage tels que les vallées fluviales ont une influence sur la propagation du virus (Dobler, données non publiées). Des études sur des animaux sauvages et domestiques montrent que le virus de l’ encéphalite à tiques est plus répandu qu’ on ne le pensait auparavant et qu’ il est présent dans les régions où aucune maladie humaine n’ est apparue (2). Au Kazakhstan et au Kirghizistan, on connaît des régions endémiques situées entre 1 000 et 2 100 mètres d’ altitude (15). Des études menées en République tchèque (16) et en Autriche (17) indiquent que la distribution du vecteur « tique » – parfois infecté par le virus FSME – augmente à des altitudes supérieures à 1000 m. Le changement climatique avec des températures annuelles moyennes plus élevées affecte les tiques et les agents pathogènes. La tendance du taux d’ infection à FSME sous l’ influence du changement climatique est à la hausse (18).

Activités de plein air et de voyage

La FSME est importante dans la médecine de voyage car de plus en plus de cas cliniques surviennent dans des régions non endémiques (ex-Benelux, actuellement Etats-Unis) (4). Plusieurs vaccins bien tolérés sont recommandés pour la protection des voyageurs contre les infections dans les destinations hautement endémiques en Europe, en Russie et en Asie (19). Les destinations touristiques alpines seraient bien avisées de s’ attaquer (pro-)activement au problème des tiques. L’ information sur l’ évolution de la situation de la FSME à haute altitude devrait être inclue dans les informations aux clients. L’ hôte prudent doit fournir des informations sur les risques potentiels existants et les mesures de protection préventive qui contribueront à des vacances actives sans soucis en montagne.

Présentation alternative du risque potentiel associé aux tiques

Les informations actuelles sur la distribution des piqûres de tiques sont publiées sur le géoportail fédéral sous le nom de « Modèle de piqûres de tique 2018 » (20). Le modèle représente le risque d’ attraper une piqûre de tique par temps doux et humide au début de l’ été : zones à forte, moyenne et faible activité des tiques (zones rouges, jaunes et bleues respectives). Il n’ est pas possible de déterminer si les tiques des zones indiquées sont vecteurs d’ agents pathogènes. Les données anonymes relevées de piqûres de tiques (cf. fig. 5, points noirs) de l’ App de prévention « Zecke – Tique – Tick » (21) servent à valider le modèle.
Le projet de recherche de la ZHAW, « Fighting bites with bytes », utilise ces points de données pour développer un modèle dynamique du risque potentiel associé aux tiques (22). Les premiers résultats sont attendus au début de l’ été 2020.

La FSME en Autriche / en Suisse

La population autrichienne est vaccinée entre 82 % et 90 % (23). En Suisse, le taux de vaccination contre l’ encéphalite à tiques chez les enfants de 2, 8 et 16 ans se situe entre 22 % et 75 % (24). La moyenne suisse pour les adultes est de 32,9 % (25).
Entre 2010 et 2017, de nouvelles infections à FSME ont été enregistrées en Autriche, principalement dans l’ Ouest (Tyrol et Vorarlberg) et en partie à des altitudes supérieures à 1000 m. En Suisse, les cas cliniques se sont également propagés dans le sens est-ouest. On peut supposer que le virus FSME circule en Suisse à plus de 1000 m d’ altitude. La détection est une question de temps.

Werner Tischhauser

Umweltingenieur FH ZHAW
A&K Strategy GmbH
ZHAW Wädenswil
Grüental
8820 Wädenswil

tischhauser@ak-strategy.ch

Dr. Rahel Ackermann-Gäumann

Co-Leiterin Molekulare Analytik
Institut für Infektionskrankheiten der Universität Bern
Friedbühlstrasse 51
3010 Bern

En tant que co-fondateur et directeur de la spin-off de la ZHAW « A&K Strategy GmbH », Werner Tischhauser est responsable avec Jürg Grunder de l’ exploitation et du développement de l’ App de prévention « Zecke – Tique – Tick Prevention », qui est soutenue financièrement par l’ OFSP. L’ auteur est impliqué dans le projet de la ZHAW « Fighting bites with bytes – promoting public health with crowdsourced tick prevention ». La Dre Rahel Ackermann n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • L’ extension des zones à risque de FSME, qui a eu lieu lors de la révision de la recommandation de l’ immunisation contre la FSME, est une mise en œuvre pragmatique de la politique sanitaire par les autorités pour attirer l’ attention sur le risque accru d’ infection à FSME et pour inciter davantage de personnes à se faire vacciner contre cette maladie.
  • La dissémination effective des foyers naturels de la FSME – c’ est-à-dire des très petites zones dans lesquelles le virus FSME circule – n’ est pas connue. Jusqu’ à présent, seuls des sites individuels ont été identifiés et décrits de manière aléatoire (9).
  • Dans les zones d’ endémie de la FSME en Suisse, environ 1% (0,5% – 5,5% selon le foyer naturel) des tiques sont infectées et vecteurs du virus FSME (26). Le risque de contracter une infection à FSME après une piqûre de tique est faible. Néanmoins, il convient de se souvenir que chaque année, environ 300 personnes sont atteintes d’ une méningo-encéphalite à tiques accompagnée de symptômes cliniques et que, chaque année, quelques infections à FSME se soldent par un décès. Cela pourrait être évité grâce à la vaccination anti-FSME.
  • Les chiffres montrent que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir que les personnes exposées prennent des mesures préventives et soient vaccinées. Le rôle des médecins en tant que médiateurs des connaissances de base est très important dans ce contexte.

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