Contrôle des symptômes non douloureux en médecine palliative

Les patients souffrant d’ un cancer à un stade avancé présentent en moyenne 11 symptômes. Parmi ces symptômes, la douleur est l’ un des plus fréquent, mais elle est de loin le seul qui puisse être soulagé avec des médicaments ou des approches non médicamenteuses. Cette revue établit un aperçu global de la prise en charge de six autres symptômes fréquemment rencontrés en fin de vie : la dyspnée, les nausées/vomissements, la fatigue, l’ anorexie, l’ état confusionnel et les râles du mourant.

Les soins palliatifs ont comme objectif principal l’  amélioration de la qualité de vie des personnes qui sont atteintes d’ une maladie évolutive terminale. Un moyen pour améliorer cette qualité de vie réside dans le contrôle des multiples symptômes dont les patients souffrent. Une évaluation systématique de ces symptômes avec l’ échelle Edmonton Symptom Assessment Scale (ESAS) permet de dépister et de quantifier neuf d’ entre eux. Cette échelle d’ auto-évaluation a été adaptée et validée en version française et peut constituer un outil facile à mettre en place pour suivre l’ évolution des symptômes (1).

La dyspnée

La dyspnée, définie comme une sensation subjective d’ un inconfort respiratoire, fait partie des symptômes les plus fréquemment exprimés par le patient. Elle est souvent accompagnée d’ angoisses et de peur de suffocation. Des prévalences jusqu’ à 75 % sont décrites chez des personnes en fin de vie (2). La prise en charge la plus efficace reste l’ optimisation du traitement de la maladie responsable de la sensation de dyspnée. A ce titre, les traitements de l’ insuffisance cardiaque et de la bronchopneumonie chronique obstructive (BPCO) sont maintenus le plus longtemps possible, même en approchant la fin de vie. En terme de traitement à visée symptomatique, la molécule qui s’ est avérée la plus efficace est la morphine (3). Son mode d’ action n’ est pas encore entièrement élucidé, mais des récepteurs µ ont été trouvés dans l’ arbre bronchique. Il s’ agit donc probablement d’ un effet lié à cette classe de médicaments, ce qui ouvre la possibilité d’ utiliser aussi les autres opiacés, malgré l’ absence d’ études bien menées. La crainte d’ une détresse respiratoire est infondée si la voie d’ administration est orale, le dosage adapté et la titration faite progressivement (Box 1) (4).
Comme autre alternative, on peut proposer au patient de diriger un ventilateur sur son visage lors des moments de dyspnée. Cette thérapeutique est désormais aussi efficace que l’ oxygénothérapie (5). Or aucune étude n’ a, jusqu’ à present, démontré l’ efficacité de cette dernière contre un placebo, en l’ absence d’ hypoxémie (6).
Les benzodiazépines sont souvent associées aux opiacés en cas de dyspnée chronique même en l’ absence de preuve scientifique (7). La prudence est pourtant nécessaire en raison d’ effets secondaires qui se multiplient avec les opiacés. L’ indication principale doit rester la prise en charge de l’ anxiété qui peut accompagner la sensation de dyspnée. Une titration progressive en commençant avec des petites doses est recommandée.

Les nausées et vomissements

Les nausées et vomissements (n/v) en soins palliatifs sont relativement fréquents. En cas de cancer jusqu’ à 70 % des patients sont concernés (8). Cependant, les autres maladies terminales telles que l’ insuffisance cardiaque ou rénale et la BPCO provoquent également des n/v chez 50 % des malades (2). Certaines causes spécifiques, telles que la chimio- ou radiothérapie, le traitement par opiacés, une atteinte gastro-intestinale, des troubles métaboliques ou une atteinte intracérébrale (métastases, hypertension intra-crânienne) peuvent être identifiées et traitées; mais la plupart du temps aucune cause ou au contraire une origine multifactorielle est rencontrée chez ces patients (9). La métoclopramide est la molécule de première intention pour les n/v induites par les opiacés et les troubles métaboliques. La réponse est dose-dépendante et nécessite parfois une titration jusqu’ à 80mg/j (10). En cas de n/v induits par chimio- ou radiothérapie l’ ondansétron s’ est avéré très efficace (11). Les corticostéroides sont indiqués lors d’ hypertension intracrânienne, mais peuvent également être prescrits comme adjuvant à d’ autres antiémétiques (12). Finalement, l’ halopéridol est indiqué en cas de contrôle insuffisant par les autres antiémétiques, et lors d’ un iléus intestinal mécanique (13). L’ iléus se manifeste chez 3-15 % des patients avec un cancer, et principalement chez ceux atteints de cancers ovariens (20-50 %) et coliques (10-29 %)(14). Selon l’ endroit, l’ origine de l’ obstruction, les souhaits du patient et son état général, une intervention chirurgicale peut être envisagée, voire la pose d’ un stent ou d’ une gastrostomie de décharge. Pourtant, la plupart du temps, une prise en charge symptomatique est indiquée (15). Sur un plan médicamenteux, on peut agir sur trois axes : 1) les nausées ; 2) la sécrétion et l’ inflammation intestinale ; 3) la douleur (16). Les détails du traitement médicamenteux se trouvent dans le tableau 1.

La fatigue

La fatigue peut être perçue comme un symptôme habituel auquel on ne porte que très peu d’ attention. Pourtant, elle peut avoir un impact majeur sur la qualité de vie. Sa prévalence se situe en moyenne aux alentours de 60 %, toutes maladies confondues, avec nettement plus de patients sous traitement de chimio- ou radiothérapie (17). Pour dépister une fatigue, l’ European Association of Palliative Care propose la question simple « Vous sentez-vous inhabituellement fatigué ou faible ? » avant de quantifier la fatigue avec l’ ESAS (17). Certaines causes secondaires telles que les infections, les troubles métaboliques et endocriniens, l’ anémie, pour n’ en nommer que quelques-uns, sont à explorer et à traiter dans la mesure du possible et du raisonnable. Une approche multidimensionnelle s’ impose (Tab. 2). Les traitements médicamenteux sont plutôt décevants et c’ est surtout l’ exercice physique qui a démontré une certaine efficacité (18). Toutefois, un essai par corticostéroides (p.ex déxaméthasone 4-8 mg par jour) pendant 5 jours peut être effectué. S’ il est concluant, on peut continuer le traitement pendant un maximum de deux semaines; au-delà l’ effet s’ estompe. D’ autres études chez des patients jeunes atteints de cancer montrent de bons résultats sous méthylphenidate. Cependant son profil d’ effets secondaires invite à la prudence chez les patients âgés.

L’ anorexie

L’ anorexie est définie comme un manque d’ appétit ou une réduction des apports nutritifs. Elle est très fréquente dans la phase terminale des maladies oncologiques (85 % (19)), mais aussi dans les insuffisances cardiaques, rénales ou pulmonaires (50 % (20)). Souvent, l’ anorexie est une des préoccupations principales de l’ entourage et une source d’ inquiétude. Sa prise en charge se fait donc de façon individuelle après une évaluation approfondie qui comprend non seulement l’ anamnèse des habitudes alimentaires, la présence de facteurs favorisant l’ anorexie (Box 2), mais aussi la représentation de l’ alimentation et les attentes du patient et de son entourage. Les facteurs favorisant l’ anorexie sont à traiter dans la mesure du possible. A un stade précoce de la maladie, une nutrition artificielle peut être envisagée. Au stade avancé (espérance de vie < 3 mois) une alimentation plaisir est à privilégier. Souvent une adaptation des portions, leur fréquence, la texture, mais aussi du contenu s’ avèrent nécessaire. L’ aide d’ une diététicienne peut être bénéfique. Des suppléments nutritifs oraux sont parfois indiqués. Comme médication qui stimule l’ appétit, on peut proposer une cure par corticostéroïdes (prednisone 0.5mg/kg/j ou dexaméthasone 0.1 mg / kg/j) dont l’ efficacité est déjà perceptible après 5 jours, mais qui s’ estompe au-delà de 2 semaines (21).

L’ état confusionnel

L’ état confusionnel est présent chez 13-88 % des patients avec une incidence qui augmente vers la toute fin de vie (22). Chez 30-50 %, l’ état confusionnel est précipité par des causes réversibles (infection, fécalome/constipation, rétention urinaire, troubles électrolytiques, médicaments). En fonction de l’ état de santé du patient et le pronostic, on peut envisager de chercher et traiter ces causes tout en proposant un traitement symptomatique en parallèle. Cependant, une étude récente a démontré, en comparant l’ halopéridol et la risperidone à des mesures non-pharmacologiques, que ces dernières étaient plus efficaces pour soulager les patients que les neuroleptiques (23). Une approche non pharmacologique est donc à privilégier. Bien entendu que si la souffrance, notamment en cas d’ état confusionnel hyperactif, est importante, l’ administration de neuroleptique est indispensable. Les molécules et dosages se trouvent dans le tableau 3.

Les râles du mourant

L’ encombrement bronchique haut qui porte aussi le nom « râles du mourant » se manifeste les derniers jours de vie, voire les heures précédant le décès. Jusqu’ à 92 % des personnes le présentent. Lors de troubles de la conscience, le réflexe de la déglutition est diminué, laissant les sécrétions s’ accumuler dans la trachée et les bronches. L’ air passant crée ainsi des vibrations oscillatoires perçues comme râles. Cet encombrement n’ est pas à confondre avec celui provoqué par une congestion alvéolaire due à une infection pulmonaire ou une décompensation cardiaque. Même si ce bruit peut être très gênant pour les proches, il n’ y a aucune évidence que ces râles engendrent une gêne quelconque au patient. Une prise en charge médicamenteuse ne s’ impose donc pas nécessairement (24). En premier lieu, il est important de chercher le contact et la communication avec les proches pour les rassurer. Toutefois, si une diminution de ces sécrétions est souhaitée, un essai de traitement médicamenteux anti-muscarinique peut être tenté, même si l’ effet de ces substances n’ a jamais été démontré contre un placebo (25). En Suisse, trois substances sont disponibles (tab. 4). Une autre option est l’ aspiration mécanique qui devrait être utilisée avec parcimonie, car à risque d’ être traumatique en cas d’ utilisation répétée.

Conclusion

Afin de rendre la fin de vie des patients confortable, le médecin a plusieurs substances médicamenteuses à disposition pour contrôler un certain nombre de symptômes. Toutefois, l’ écoute, le soutien relationnel et l’ accompagnement des proches ont également leur place dans la prise en charge globale d’ une personne avec une maladie évolutive terminale.

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Dre Petra Vayne-Bossert

Hôpitaux Universitaires de Genève
Hôpital de Bellerive
Service de médecine palliative
11 chemin de la Savonnière
1245 Collonge-Bellerive

petra.vayne-bossert@hcuge.ch

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • L’ évaluation régulière des symptômes peut se faire facilement avec l’ échelle ESAS.
  • La dyspnée répond bien à des petites doses de morphine.
  • Plusieurs molécules sont à disposition pour gérer les nausées et vomissements en soins palliatifs, dont la métoclopramide, l’ ondansétron et l’ halopéridol.
  • La fatigue est un symptôme insidieux auquel on ne porte que peu d’ attention. Un essai par corticoïde peut apporter une certaine amélioration.
  • L’ état confusionnel est très fréquent en toute fin de vie. Une approche non-pharmacologique est à privilégier, mais parfois des petites doses de neuroleptiques s’ avèrent nécessaires.

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3. Abernethy AP, Currow DC, Frith P, Fazekas B. Prescribing palliative oxygen: a clinician survey of expected benefit and patterns of use. Palliative medicine. 2005;19(2):168-70.
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Douler radiale au poignet après une chute

Une chute sur le poignet peut également entraîner des blessures lors d’ un traumatisme de faible intensité. Certaines pathologies sont radiologiquement invisibles ou seulement visibles avec le temps. Les plus courantes douleurs radiales post-traumatiques du poignet sont les fractures, l’ absence d’ union, l’  arthrose activée ainsi que les causes ligamentaires et tendineuses.

Une chute sur le poignet peut entraîner des blessures même après un traumatisme à faible intensité. En plus de l’ anamnèse et de l’ examen clinique, la radiographie standard du poignet en 2 plans fait partie du diagnostic de base. Certaines pathologies sont radiologiquement invisibles ou seulement visibles au cours de la maladie ; par conséquent, une immobilisation du poignet ainsi qu’ une réévaluation après 2 semaines est recommandée même en présence d’ une radiographie montrant aucune lésion.

Fracture du radius distal

Représentant ¼ de toutes les fractures, cette fracture fait partie des plus fréquentes de l’ homme adulte avec deux pics de fréquence : les jeunes hommes (traumatisme de haute intensité) et les femmes à partir de 50 ans (traumatisme de faible intensité). Cliniquement, on observe un gonflement, un hématome ainsi qu’ éventuellement une déformation locale. La circulation sanguine périphérique, la sensibilité et les capacités motrices doivent être testées. Le diagnostic est confirmé radiologiquement.
Une fracture non déplacée peut être traitée par immobilisation de l’ avant-bras avec un plâtre pendant 6 semaines. Le déplacement secondaire ou le tassement de la fracture doivent être exclus par des radiographies répétées après 1, 2 et 4 semaines. En cas de luxation secondaire ou de critères d’ instabilité initiale (selon Lafontaine), une procédure opératoire doit être discutée :

  • Inclinaison dorsale > 10°.
  • Zone de débris dorsaux
  • Fracture intraarticulaire
  • fracture du cubitus
  • Âge > 60 ans

Dans le cas de fractures complexes, il est conseillé de procéder à un examen par tomodensitométrie avant l’ opération.
La question de la minéralisation osseuse se pose chez les patients de plus de 50 ans. En 2011, une étude (1) a trouvé de l’ ostéoporose chez 18 % des patients ayant subi une fracture du radius entre 50 et 59 ans et chez 25 % des 60-69 ans (groupes témoins sans fracture : 5v% et 7 %, respectivement). Les patients de sexe masculin présentaient également un taux accru d’ ostéoporose. De plus, les patients présentant une fracture du radius courent un risque 2 à 3 fois plus élevé de subir une fracture près du corps vertébral ou de l’ articulation de la hanche lors d’ une fracture. Pour la prévention secondaire, il est donc judicieux de poursuivre le diagnostic et le traitement précoce de l’ ostéoporose.

Lésions du scaphoïde

Fracture du scaphoïde

Avec 60 % des cas, c’ est la fracture la plus fréquente des os carpiens. En raison de l’ anatomie complexe et de la vascularisation sensible, le traitement est souvent difficile. 80 % du flux sanguin passe par une branche dorsale de l’ artère radiale rétrograde du côté distal. En raison de cette vascularisation, plus une fracture est proximale, plus elle devient compliquée (union retardée, pseudarthrose, nécrose avasculaire).
Les radiographies initiales peuvent également être non-renseignantes en présence d’ une fracture du scaphoïde. En cas de suspicion clinique de fracture (douleur dans la Tabatière anatomique et Tuberculum scaphoideum, enflure, déviation ulnaire douloureuse), le poignet doit être immobilisé pendant 2 semaines, suivi par une imagerie répétée. Si les radiographies restent non concluantes, il faut procéder à d’ autres examens d’ imagerie (tomodensitométrie ou IRM). L’ IRM est plus appropriée pour la détection des fractures occultes (2).
Les fumeurs ont un temps de consolidation ainsi qu’ un taux de non-syndicalisation significativement plus importants que les non-fumeurs ; il est donc important de motiver les fumeurs à arrêter/faire une pause dans leur consommation de nicotine.
Les fractures non disloquées du tiers distal peuvent être traitées par une immobilisation de 4 à 8 semaines avec un plâtre de l’ avant-bras. Dans le cas de fractures du tiers moyen, l’ immobilisation dure généralement de 8 à 12 semaines, dans le tiers proximal jusqu’ à 6 mois. Aucune étude n’ a démontré que l’ inclusion du pouce dans l’ immobilisation augmente le taux de consolidation (3). Une vis à compression axiale raccourcit le temps de consolidation et augmente le taux de consolidation. En plus de la localisation, les fractures instables sont également un critère d’ indication pour une chirurgie :

  • Déplacement latéral ≥ 1 mm
  • Angle intra-scaphoïdien latéral > 35° (déformation dite de bosse)
  • Angle scapho-lunaire > 60°.
  • Perte osseuse / fracture comminutive

L’ examen tomodensitométrique permet d’ évaluer le taux de pénétration osseuse.

Pseudarthrose

Les principales causes du développement de la pseudarthrose scaphoïde sont :

  • Fracture non diagnostiquée / diagnostiquée tardivement
  • Fracture proximale
  • Dissociation >1mm

Si elle n’ est pas détectée, elle entraîne avec le temps des modifications du carpe dûes à l’ instabilité, qui peuvent entraîner une arthrose progressive et même une panarthrose du poignet (SNAC-Wrist grade IV (scaphoid non union advanced collapse)). Après un nouveau traumatisme au poignet, la douleur peut être aiguë ou peut augmenter graduellement.
De même, une arthrose préexistante (rhizarthrose, arthrose STT, arthrose radiocarpienne) peut être activée par une chute et devenir douloureuse. Les radiographies ciblées aident au diagnostic. Dans la plupart des cas, une immobilisation par attelle et un traitement AINS de plusieurs jours suffisent.

Lésion ligamentaire scapho-lunaire

Le mécanisme typique de l’ accident est une chute sur le poignet en hyperextension et en déviation cubitale.
Semblable à la pseudarthrose scaphoïde, la rupture de la SL peut mener de l’ instabilité carpienne à l’ arthrose progressive consécutive du poignet (SLAC-Wrist (Scapho Lunate Advanced Collapse)).
Cliniquement, on observe une tuméfaction dorsoradiale, des mouvements restreints et une faiblesse. Il y a un sentiment d’ instabilité et de craquements mats qui peuvent être provoqués par le test de Watson (fixation du pôle scaphoïde distal et déviation radiale simultanée). En plus des radiographies standard (distance SL, angle SL, signe du joint torique), des images de comparaison latérale dynamique sont également utiles si l’ on soupçonne une rupture du ligament scapholunaire: l’ une (pa) en déviation cubitale, l’ autre (pa) en poing fermé pour visualiser une fente SL élevée. L’ examen IRM a une sensibilité de 65 à 90 %. En matière de sécurisation des diagnostics, l’ arthroscopie du poignet est la référence.
La thérapie dépend du degré de la lésion ainsi que de l’ âge de la lésion et tient compte d’ une modification de la cinématique du carpe, de la présence d’ une malposition (repositionnable ou fixe) et de la présence de signes d’ arthrose dans le poignet.

Irritation du premier compartiment des tendons extenseurs

Un coup direct au-dessus du radius styloïde ou une hyperabduction du pouce peut provoquer une irritation ou un saignement dans le premier compartiment des extenseurs ainsi que dans les tendons du pollicis longus abductor et du pollicis brevis extensor. Cliniquement, les symptômes de tendinite de Quervain (gonflement douloureux du premier compartiment des tendons extenseurs, extension MP douloureuse et abduction radiale du pouce, test Finkelstein positif) sont impressionnants. Si la branche superficielle du nerf radial qui y circule est également contusionnée, des dysesthésies peuvent survenir dans sa zone d’ innervation. Sur le plan thérapeutique, un traitement conservateur par immobilisation stricte du poignet, y compris du pouce, et des AINS, est principalement recommandé. Les cas réfractaires au traitement peuvent être traités par infiltration stéroïdienne perifocale dans le premier compartiment du tendon extenseur (taux de succès d’ environ 70 %). La division chirurgicale du premier compartiment du tendon extenseur peut être utilisée comme dernier recours. La convalescence dure environ 3-4 semaines.

Ganglion au poignet

Le ganglion est une protubérance en forme de sac sans revêtement épithélial, qui est relié à une articulation ou à la gaine du tendon par une tige et est rempli d’ une masse gélatineuse de glucosamine, d’ albumine, de globuline ainsi que d’ acide hyaluronique. La pathogenèse réelle demeure incertaine. En plus de la hernie synoviale et de la dégénérescence des mucoïdes, de nouvelles théories suspectent l’ existence de contraintes (par exemple, l’ étirement) sur la connexion synovio-capsulaire, censées stimuler la production mucine, qui est ensuite exsudée par la capsule et est le constituant principal du ganglion (4). Selon le degré d’ activité, la taille des ganglions et les symptômes fluctuent (douleur, réduction de la force de préhension). Si l’ on soupçonne la présence d’ un ganglion symptomatique occulte, l’ IRM peut apporter une confirmation diagnostique. Si la douleur ne disparaît pas après  immobilisation et AINS, une excision chirurgicale doit être envisagée (taux de récidive de 10 à 15 %). Le taux de récidive après une ponction est à 50 %.
Cependant, la plupart des ganglions se constituent sans traumatisme antérieur, de sorte que la question de la cause du traumatisme est souvent ambiguë.

Dr. med. Salomé Bruneau

DS Praxis
Buchenstrasse 4
6210 Sursee

s.bruneau@ds-praxis.ch

L’  auteur n’  a déclaré aucun conflit d’  intérêts en rapport avec cet article.

  • Même de simples chutes avec des radiographies négatives peuvent entraîner de graves blessures au poignet, une réévaluation est donc indispensable.
  • La clarification et le traitement ciblés de l’ ostéoporose chez les patients âgés présentant des fractures du radius distal peuvent réduire le nombre de fractures importantes postérieures avec les conséquences sociales et socio-économiques correspondantes.
  • Les fractures non traitées du scaphoïde ainsi que les ruptures du ligament scapho-lunaire peuvent évoluer vers la panarthrose du poignet.
  • Un ganglion du poignet étant devenu symptomatique après une chute n’ est généralement pas considéré comme une conséquence d’ un accident par les assureurs accident et son origine post-traumatique ne peut pas être prouvé. En effet, il était très probablement déjà présent avant l’ accident.

1. Oyen J, Brudvik C, Gjesdal CG, et al. osteoporosis as a risk factor for distal radius fractures : a case-control study. J Bone Joint Surg Am 2011 ; 93 : 348-56
2. Kukla C, Gaebler C, Breitenseher MJ, et al. fractures occultes du scaphoïde. L’ utilité diagnostique et les répercussions économiques indirectes de la radiographie par rapport au balayage par résonance magnétique. J Hand Surg Br 1997;22(6) :810-813.
3. Buijze GA, et al. avec et sans immobilisation du pouce pour les fractures du scaphoïde non déplacées et peu déplacées : un essai multicentrique randomisé et contrôlé. J Hand Surg Am 2014, 39 :621-7
4. angelides et al. ganglions de la main et du poignet. Dans : Hunt T., Wiesel S. eds Operative Techniques in Hand, Wiesel S. eds Operative Techniques in Hand, Wrist, and Elbow Surgery, ed 2 2016 ; 1311-1314

Le Syndrome de Diogène dans la pratique psycho-gériatrique

Le Syndrome de Diogène décrit une série de modifications comportementales et affectives chez la personne âgée à l’ interface de différentes catégories diagnostiques. En tant qu’ entité clinique-frontière et mal définie il attire un intérêt croissant autant sur le plan clinique que sur le plan social, ainsi que dans le domaine de la santé publique et de la recherche. Cet article décrit la définition de la maladie, les critères diagnostiques et les aspects psychopathologiques, ainsi que les mesures d’évaluation et de traitement.

Initialement apparu en 1913 sous le terme de « mendiants thésauriseurs » dans un article d’ Ernest Dupré dans le Paris Médical et repris dans l’ un de ses ouvrages en 1925, le syndrome de Diogène fut à nouveau décrit en 1966 par Macmillan et Shaw (effondrement sénile), deux gériatres américains (1) qui dirigèrent sa première investigation approfondie (2). Ce syndrome n’ a été officiellement nommé qu’ en 1975 par Clark et al. qui décrivirent 30 patients gériatriques avec des traits de personnalité tels que la suspicion, la tendance à la mise en garde et à l’ hostilité, lesquels furent admis à l’ hôpital dans un état de négligence corporelle et d’  insalubrité sévères (2). Le syndrome est aussi connu comme auto-négligence, insalubrité sénile, rejet social chez les âgées ou encore – dans la littérature allemande – comme « maison en désordre ». Plus tard, en 1982, Post utilisa le terme de « réclusion sénile » et argumenta qu’ il ne s’ agissait pas d’ un syndrome mais seulement d’ un stade final d’ un trouble de la personnalité (2). Le syndrome a progressivement été défini comme un défaut des soins personnels et sociaux, reflétant ainsi un point de vue de soins plutôt social que psychiatrique (2). En 2013, l’ Association Psychiatrique Américaine inclura dans la DSM-5 le Syndrome d’ entassement qui se rapproche du syndrome de Diogène. L’ entassement fut défini par Frost et Hard comme l’ acquisition de possessions inutiles ou de valeur limitée, provenant de la vie quotidienne, lesquelles empêchent les activités en encombrant l’ espace vital (3). Et même si la DSM-5 désigne le trouble de l’ entassement (syllogomanie) comme une condition distincte, elle reconnait cependant une potentielle association avec l’ auto-négligence. Contrairement à ce que l’ on pourrait supposer, le Syndrome de Diogène constitue une situation clinique grave avec un taux de mortalité s’ élevant jusqu’ à 50% au cours des 4 premières années après son diagnostic (4).
Le Syndrome de Diogène doit son nom à Diogène de Sinope, le philosophe grec minimaliste et l’ un des premiers cyniques, qui préconisa les principes de l’ autosuffisance, et la satisfaction délié(e) des possessions matérielles. Il dormait (selon certains) dans un tonneau ou dans des bâtiments publics, mendiant pour manger, réduisant ainsi ses besoins terrestres au strict minimum. Ses idéaux étaient la liberté émotionnelle, le manque de honte, l’ audace, ainsi que le mépris de l’ organisation sociale. Le nom du syndrome est une référence à l’ isolation (« reclusiveness » de la littérature anglo-saxonne) et au rejet du monde externe pratiqués par le philosophe. D’ autres noms furent ainsi proposés pour le Syndrome de Diogène (lui-même exonéré selon Cybulska (2)) comme Havisham, le personnage des Grandes Espérances de Dickens. Mais c’ est finalement Diogène qui fut retenu pour la légende de son habitat en forme de tonneau, auquel peut parfois ressembler la demeure de ces patients, tant l’ espace qu’ il leur reste pour vivre est exigu. Cependant, ce nom peut varier en fonction des cultures et il est ainsi appelé syndrome de Plioushkine, en référence à l’ ouvrage « Les Âmes mortes » de Gogol, en Russie (1). Un rejet suspicieux du monde plutôt qu’ un désir de démontrer une autosuffisance sans possessions matérielles est le critère majeur du syndrome de Diogène. Pour cette raison, les retraits sociaux conscients ou basés sur des principes d’ ordre idéologique, souvent portés par un idéal de plénitude narcissique, ne sont pas inclus dans la définition du syndrome de Diogène. Il en est de même pour les cas cliniques aigus et transitoires (2).

Définition, description et critères diagnostiques

La définition du Syndrome de Diogène chez les individus âgés inclut la constellation classique des symptômes répertoriés dans la littérature clinique, soit :
i) une négligence physique excessive (rapport au corps)
ii) une insalubrité domestique
iii) un isolement social (rapport aux autres) et
iv) un entassement excessif (rapport aux objets) (2)

De ces symptômes, les trois premiers constituent des critères secondaires qui en association avec l’ incapacité à demander de l’ aide médicale ou sociale (critère primaire obligatoire), permettent de retenir le diagnostic d’ une forme complète (25 % des cas). La majorité des syndromes sont en réalité incomplets ne présentant qu’ un à deux des critères secondaires. En tout, 14 formes cliniques furent décrites par Montfort et al. (5).
La négligence physique et l’ insalubrité domestique peuvent prendre des formes extrêmes, interpellantes sur le plan social. Le rapport au corps se traduit par l’ absence d’ hygiène, les patients portant des vêtements sales et troués, couverts d’ insectes et d’ excréments. Dénutris, ils peuvent présenter des blessures parfois infectées ou encore un attrait pour la conservation de leurs selles qui s’ empilent sur le sol allant jusqu’ à former un second plancher ou de leur urine dans des bocaux qui se surajoutent aux objets entassés.
La perturbation du rapport aux autres se manifeste par le repli et l’ isolement. Les patients peuvent se retrouver sans chauffage ni électricité, sans ressources ou compte bancaire, en rupture de correspondance avec qui que ce soit y compris l’ Etat et ne se faisant déloger que par la force des interventions médicosociales (1).
Le rapport aux objets, désigné par le terme de syllogomanie, se traduit par l’ accumulation d’ objets sans lien – contrairement à une collection – les uns avec les autres, lesquels envahissent les pièces à vivre en réduisant l’ espace vital à quelques mètres carrés. Le syndrome d’ entassement jadis fut considéré comme une forme atypique du Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC). En 1996, Frost et Harti proposaient un modèle comportemental qu’ ils appelèrent « entassement compulsif », articulé autour de quatre facteurs dont i) un déficit du traitement de l’ information, ii) un trouble de l’ attachement, iii) des comportements d’ évitement et, iv) des pensées erronées quant à la nature des possessions. Dès 2004, cet entassement compulsif a été séparé progressivement du TOC pour être désigné en 2010, lors de la rédaction de la DSM-5, comme entité diagnostique à part entière, classée dans la catégorie des Troubles anxieux, en grande partie du fait des liens historiques préexistants. Elle décrit des difficultés persistantes à jeter ou à se séparer de possessions, sans rapport avec leur valeur, dues à un besoin persistant de conserver des objets et à une douleur associée à leur séparation. Ces difficultés résultent en l’ accumulation de possessions qui encombrent et désordonnent les zones de vie – si ces zones à vivre sont rangées, ce n’ est que grâce à l’ intervention d’ un tiers –, provoquent une angoisse cliniquement significative, ou une détérioration des zones sociales, fonctionnelles ou importantes, incluant le maintien d’ un environnement sécurisé pour soi et autrui. L’ accumulation d’ objets n’ est pas expliquée par une pathologie médicale (par exemple accident vasculaire cérébral), ou une autre maladie mentale (par exemple obsessions dans un trouble obsessionnel compulsif, ralentissement et asthénie dans une dépression, délire dans une schizophrénie, troubles cognitifs dans une maladie neurocognitive, restriction de centres d’ intérêts dans un trouble du spectre autistique).
À ces critères se rajoutent deux spécificités, que le clinicien peut évaluer :

  • « avec acquisitions excessives » si aux difficultés à se séparer des possessions le patient rajoute également une tendance à l’ acquisition d’ objets non nécessaires et pour lesquels le manque de place est clair ;
  • avec bon / pauvre / absence d’ introspection (insight) : selon les capacités du patient à reconnaître que l’ accumulation et les comportements associés sont problématiques ou pas.

Au premier abord, l’ entassement excessif semble n’ être qu’ une dimension du syndrome de Diogène, ce dernier comportant en plus une dimension d’ absence de demande d’ aide ainsi qu’ un trouble de l’ image du corps dont le symptôme le plus marquant est l’ état d’ incurie dans lequel le patient peut vivre. En théorie, le syndrome de Diogène pourrait ainsi exister sans entassement excessif sur la base d’ une négligence physique excessive (rapport au corps), d’ une insalubrité domestique et d’ un isolement social. Cependant on peut constater que les dimensions d’ accumulation d’ objets et de dégradation de l’ hygiène personnelle et du domicile sont souvent étroitement liées aboutissant dans la plupart des cas à un tableau commun (1).

Données épidémiologiques

L’ incidence annuelle du Syndrome de Diogène est estimée de 0.5 pour 1000 de la population âgée de 60 ans ou plus, vivant à domicile. Cependant le syndrome pourrait ne pas être suffisamment identifié en passant inaperçu parce qu’ il pourrait imiter d’ autres troubles du comportement ou cognitifs (2). Une étude française plus récente de Montfort et al. a retrouvé une prévalence de 1.6 cas pour 10 000 habitants (5). La tranche d’ âge dans l’ étude de Clark et al. est de 62 à 92 ans (moyenne à 79 ans) bien que des individus plus jeunes furent décrits (30.9 % des cas d’ un échantillon avaient moins de 65 ans). Selon Shah et Reyes-Ortiz, le Syndrome de Diogène n’ a pas de spécificité pour un statut socio-économique ou professionnel quelconque, et il parait avoir la même prévalence pour les deux sexes. D’ autres auteurs considèrent le syndrome comme une entité qui affecte habituellement des seniors vivant seuls, plus souvent des femmes et en général les veuves. Bien que la plupart des cas concerne des individus vivant seuls, il y a des situations rapportées chez des fratries et des couples, appelées « Diogène à deux » ou « Diogenes’  syndrome by proxy » (6). Certains auteurs ont décrit des situations de femmes avec des enfants vivant dans des conditions d’ auto-négligence en posant des dilemmes éthiques importants aux praticiens impliqués. La perte d’ un proche qui prenait soin du patient semble être le facteur précipitant le plus important dans un tiers des cas.
Il y a peu de données sur l’ applicabilité du concept de Syndrome de Diogène tel que décrit par la littérature occidentale à la population non Caucasienne. Chan et al. ont décrit un tel trouble du comportement dans une série de cas de patients âgés à Hong Kong mais ces rapports restent rares (2).

Aspects psychopathologiques

Le Syndrome de Diogène est considéré par Didier Anzieu comme une tentative compensatrice du Moi endommagé (Moi-Peau avec son rôle triple i) d’ enveloppe psychique de contenance, ii) de barrière entre le dehors et le dedans, ainsi que iii) de lieu d’ échange entre le sujet et son environnement (7, 8).
En tant que psychopathologie primaire, le Syndrome de Diogène est probablement rare. Dans au moins les deux tiers des cas il est associé à une comorbidité neuropsychiatrique (4), ce qui conduit les auteurs à lui attribuer plutôt un caractère transnosographique (1). Il ressort d’ une étude publiée en 2000, cinq étiologies principales :
i) trouble mental organique (notamment démence, dont le ratio est en faveur des démences frontotemporales plutôt que de type Alzheimer ou vasculaire), ii) troubles délirants (schizophréniques et non schizophréniques), iii) troubles anxieux (notamment TOC), iv) trouble du développement mental préexistant et v) troubles de l’ humeur. Chacun de ces troubles peut être associé à un abus de substance, notamment d’ alcool (1). En tant que syndrome isolé, la syllogomanie peut apparaitre en cas de plusieurs tableaux psychiatriques, tels que trouble obsessionnel compulsif, trouble de la personnalité anankastique, schizophrénie, démence, anorexie mentale, ou autisme (3). Ces conclusions sont assez proches de celles de Montfort et al. qui retrouvent un trouble psychiatrique dans la moitié des cas et un trouble démentiel dans un quart des cas de syndrome de Diogène (1). A titre d’ exemple, un syndrome de
Diogène a été retrouvé chez 15 % des adultes âgés avec démence et un syndrome d’ entassement, et il est souvent associé à une auto-négligence chez 23 % des patients avec démence modérée et sévère (4). En fait, les patients avec une démence développent progressivement une inaptitude à prendre soin d’ eux-mêmes, ainsi que d’ estimer la valeur des divers objets, ce qui est à l’ origine de leur accumulation et entassement. L’ étude de Eastern Baltimore conclut à une prévalence de 15 % de démence chez les sujets avec effondrement social modéré et sévère, deux fois plus par rapport à la population générale. Neary et al. dans leur étude de consensus diagnostique, désigne comme caractéristique justifiant le diagnostic d’ une démence frontotemporale-variante comportementale, le déclin de l’ hygiène personnelle. Lebert et al. ont constaté la présence fréquente du Syndrome de Diogène (36 %) chez les sujets souffrant de démence frontotemporale-variante comportementale (2) au point qu’ elle peut être considérée à leurs yeux comme un facteur prédisposant de ce syndrome (5). Le pronostic est défavorable avec un taux de mortalité à 46 % durant les cinq ans qui suivent, éventuellement en raison des complications physiques (insuffisance cardiaque congestive, maladie vasculaire cérébrale, pneumonie, carences nutritionnelles) (6), issues de leur incapacité à réaliser leur situation et / ou à se déterminer valablement face à celle-ci) (1). L’ atteinte du lobe orbitofrontal joue ici un rôle prédominant dans la mesure où il implique un défaut de cognition sociale avec une baisse de l’ intérêt pour les soins personnels et le désencombrement de l’ environnement. De plus, les patients avec des lésions fronto-limbico-striatales peuvent être incapable d’ inhiber la tendance à l’ accumulation (4).
Exception faite des troubles du spectre démentiel, il est proposé que le Syndrome de Diogène soit considéré comme un dénominateur commun possible des différents troubles psychiques, dont le TOC, le Syndrome Gilles de la Tourette, ainsi que d’ autres troubles associés avec la syllogomanie (4, 9). Certains auteurs ont étudié le rôle de la famille dans le syndrome de Diogène. Malgré la grande hétérogénéité des observations, les points les plus saillants sont : (i) le respect de l’autodétermination de la personne concernée et de sa vie privée ; (ii) le sentiment de frustration après plusieurs tentatives d’ aide; (iii) le sentiment d’impuissance, de honte et de peur face à l’  excentricité de la personne concernée ; (iv) la dégradation du rapport humain; (v) l’ insouciance amenant à une non prise en considération d’ une conduite pathologique ; (vi) la méconnaissance du mode de vie de la personne en raison de son isolement.

Évaluation et traitement

En raison d’ un manque d’ essais cliniques contrôlés ou encore des séries de cas, il n’ y a pas de recommandations claires concernant la prise en charge pharmacologique et non pharmacologique de ce syndrome (3). L’ opposition des patients aux soins pose des problèmes de gestion, mais aussi d’ ordre médicolégal et éthique, du fait que l’ intervention n’ a habituellement pas lieu sur leur propre demande et ceci en raison du risque que leur état représente pour leur propre sécurité, ainsi que du danger pour leur entourage / environnement qui émane de leur comportement. L’ optimisation de la gestion du Syndrome de Diogène, mis-à-part le traitement des comorbidités associées, devra inclure le meilleur usage possible du dispositif existant dans le domaine des soins. Les structures de jour et les soins communautaires sont plus indiqués que les hôpitaux. Un environnement sécurisant, respectant les désirs des patients dans la mesure du possible, devrait être proposé.

Une évaluation approfondie doit comprendre :

  • une anamnèse détaillée avec une anamnèse des troubles du comportement manifestées
  • un examen sanguin (incluant fer, folates, B12, Calcium, Potassium, protéines, albumine, fonction hépatique et rénal, bilan thyroïdien)
  • Neuro-imagerie à la recherche de signes classiques de démence fronto-temporale
  • Bilan neurocognitif
  • Evaluation de la personnalité
  • Evaluation du degré de l’ insalubrité et de l’ entassement. Des outils utilisés à cet effet sont l’ Echelle de Propreté et de Désordre Environnementaux (10) et l’ Evaluation de l’ Image de Désordre (11).
  • Bilan social

Sur le plan médicamenteux, les antipsychotiques atypiques, l’ acide valproïque et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (effet sur l’ entassement compulsif) se sont avérés efficaces (3). Malgré les efforts, les résultats sont à ce jour peu satisfaisants en raison des problèmes d’ observance au traitement et au suivi mais qui font partie de la problématique intrinsèque au Syndrome de Diogène. Cette réalité souligne la nécessité de recherches cliniques dans ce champ difficile et peu gratifiant afin de définir des guides psycho-gériatriques concernant les soins ambulatoires et communautaires pour cette pathologie difficile à accepter par l’ entourage mais aussi par les soignants.

Dr Konstantinos Kanakakis

Psychiatre FMH
Institut de Psychiatrie et Psychothérapie Fontenette – Cavaliers
Rue de la Fontenette 23
1227 Carouge

constantin.kanakakis@gmail.com

L’   auteur n’   a aucun conflit d’  intérêt en relation avec cet article.

  • Le Syndrome de Diogène constitue un trouble du comportement acquis lequel – sauf exception – concerne les personnes âgées et représente un danger pour leur sécurité (taux de mortalité jusqu’ à 50%) ainsi que pour celle de leur entourage.
  • Le Syndrome de Diogène consiste en une négligence extrême sur le plan de l’ hygiène corporelle et de la tenue vestimentaire, en une incapacité à faire appel à l’ aide, ainsi qu’ en une restriction à l’ extrême de l’ espace vital en raison d’ une accumulation des objets hétéroclites au domicile.
  • Le Syndrome de Diogène malgré la comorbidité complexe psychique et physique qu’ il représente, risque d’ échapper aux soins pour des raisons éthiques et médicolégales.
  • Une prise en soins dans des structures communautaires et de jour est la plus indiquée.

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7. Anzieu D. Le Moi-Peau,2e édition. Paris : Dunod, 1995, p. 291.
8. Anzieu D. Le Moi-Peau. Le dehors et le dedans. Nouvelle Revue de Psychanalalyse 1974;9:195-208
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11. Frost RO, Steketee G, Tolin D, Renaud S. Development and validation of the clutter image rating. J Psychopathol Behav Assess 2008; 30: 193-203

L’ eau minérale sur le banc d’ essai

L’ eau, c’  est l’ eau – ou peut-être quand même pas, comme l’ a montré l’ article de revue «L’ eau minérale sur le banc d’ essai» dans «der informierte arzt» en août 2018. L’ eau minérale contenant par définition un grand nombre de substances dissoutes, cet article supplémentaire se concentre sur le carbonate d’ hydrogène, le sulfate, le silicium et le lithium : sujet peu populaire, mais non moins passionnant.

Carbonate d’ hydrogène

Comme l’ organisme lui-même peut former du carbonate d’ hydrogène sous forme de sel d’ acide carbonique, aucune recommandation n’ existe quant à l’ apport quotidien minimal, bien qu’ il soit indispensable comme tampon de bicarbonate dans le cadre des mécanismes de contrôle physiologique.

Équilibre acide-base 2,0

L’ idée répandue d’ une «hyperacidité» de l’ organisme, telle qu’ elle est souvent représentée dans les méthodes de thérapie médicale complémentaire, remonte à l’ image de l’ équilibre acido-basique à la fin du XIXe siècle, n’ a guère de points communs avec les connaissances pathophysiologiques modernes (1) et n’ est pas suffisamment prouvée comme intervention diététique. Néanmoins, avec un apport élevé en acide alimentaire (ce qui implique un apport élevé en protéines), plus de bases sont mises à disposition par l’ organisme lui-même.

Ostéoporose

Pour atteindre ce but les cellules ostéogènes sont inhibées et les cellules résorbantes stimulées afin de libérer plus de bicarbonate grâce à une résorption osseuse accrue, pour neutraliser les acides. Le phosphate de calcium et le carbonate de calcium sont également extraits de l’ os. Le phosphate et le carbonate servent de tampon aux acides et le calcium libéré au cours du processus est excrété dans l’ urine. Cette perte de minéraux osseux peut favoriser l’ ostéoporose (2, 3). Plusieurs études d’ intervention montrent que la résorption osseuse est inhibée lors d’ une charge acide élevée et de l’ administration simultanée de bicarbonate. Il existe des données valides pour cette hypothèse, provenant d’ études menées avec de l’ eau minérale comme source de bicarbonate.

Calculs urinaires et brûlures d’ estomac

Il faut également mentionner ici qu’ un apport élevé en protéines est également associé à une réduction du pH urinaire et de l’ excrétion de citrate, deux facteurs qui favorisent la formation de calculs d’ oxalate de calcium (4, 5).
Une étude a ainsi démontré que chez les patients présentant des calculs urinaires idiopathiques le pH urinaire pouvait être alcalinisé, non seulement par une restriction protéique à 0,8 mg / kg p.c., mais également par l’ administration d’ eau minérale ayant une teneur en bicarbonate supérieure à 1500 mg/l (6). Dans l’ étude, une quantité d’ eau minérale de 1,4 l/j a été administrée, ce qui correspond à l’ effet d’ un citrate alcalin disponible dans le commerce (7).
La même chose peut également être postulée pour les brûlures d’ estomac et le reflux : en termes purement mathématiques, une eau thérapeutique riche en hydrogénocarbonates peut fournir le même pouvoir tampon acide que les antiacides libres à base de carbonate de calcium/carbonate de magnésium ; quatre études prospectives (8) soulignent l’ intérêt pratique de ce traitement.

Chargement de soude

On sait depuis longtemps, grâce à la nutrition sportive, que l’ apport exogène d’ hydrogénocarbonate peut augmenter rapidement et efficacement le pouvoir tampon du sang. Ce qu’ on appelle le Soda-loading (l’ apport de bicarbonate sous forme de poudre à pâte) amène à une élimination accrue de lactate du muscle lors de la production d’ énergie anaérobie, ce qui contribue à maintenir les performances avec le bel effet secondaire que la résistance à l’ insuline est contrecarrée par l’ excrétion accrue des hormones de stress, qui survient également lorsque la charge acide augmente (9).
En règle générale on admet que pour équilibrer la charge acide de 100 grammes de viande, de poisson ou de produits céréaliers riches en protéines comme les pâtes, il faut soit ingérer deux à trois fois plus de légumes, de salades ou de fruits – ou de l’ eau minérale riche en carbonate d’ hydrogène comme boisson !

Sulfate

Par sulfate, nous entendons les sels et esters de l’ acide sulfurique. Comme pour d’ autres molécules, il n’ existe aucune norme pour un apport journalier de soufre, puisque le besoin est couvert par l’ apport d’ acides aminés contenant du soufre (Cystine, Méthionine).
Le fait que les sels de soufre ont un effet laxatif et peuvent être utilisés comme laxatifs est prouvé depuis plus de 100 ans, même s’ ils sont aujourd’ hui moins utilisés. Ainsi, les eaux contenant des sulfates stimulent également la motilité par le biais du faible taux d’ absorption et, en même temps, la contractilité de la vésicule biliaire et la sécrétion de la bile dans le duodénum. Ils existent en toutes 9 études cliniques concernant ces hypothèses, qui aboutissent toutes à la conclusion que l’ eau riche en sulfates est utile en cas de problèmes digestifs fonctionnels.

Constipation fonctionnelle

Dans une belle étude (ECR contrôlé par placebo) comparant l’ efficacité d’ une eau minérale riche en sulfates avec de l’ eau du robinet chez 100 patients souffrant de constipation fonctionnelle, 1 l d’ eau minérale riche en sulfates (1535 mg/l sulfate, 573 mg/l calcium, 105 mg / l magnésium) a été donnée quotidiennement pendant six semaines avec un effet significatif sur la fréquence des selles (2,02 ± 2,22 contre 0,88 ± 1,67) 3 semaines après le début du traitement. Après 6 semaines de consommation quotidienne d’ eau, l’ augmentation de la fréquence des selles n’ était plus significativement différente. L’ effet dans le groupe des sulfates est resté stable, le groupe de l’ eau du robinet montrant une légère augmentation de la fréquence des selles (10). Comme mentionné ci-dessus, d’ autres études existent à ce sujet, mais ne permettent pas de conclusion sur l’ effet du sulfate, puisque des eaux enrichies en magnésium ont également été administrées en même temps. Il est important de mentionner que les patients souffrant de selles fréquentes, de diarrhée et de flatulences peuvent bénéficier d’ un passage à une eau pauvre en sulfate.

Silicium

Le silicium sous sa forme organique d’ acide silicique est impliqué dans de nombreux processus métaboliques de l’ organisme et donc aussi dans la formation des structures du tissu conjonctif de la peau, c’ est pourquoi il est également impliqué dans la guérison des plaies. Jusqu’ à présent, aucune valeur de référence quotidienne n’ a été publiée pour le silicium, car il est classé comme oligo-élément non essentiel. L’ exemple du métabolisme osseux sera utilisé pour montrer qu’ il pourrait encore être utile.

Ostéoporose

Diverses études de cohortes menées au cours des 30 dernières années ont indiqué qu’ un apport plus élevé en silicium est en corrélation avec une masse osseuse plus élevée, ce qui est bien documenté dans une revue systématique (11). Le mécanisme d’ action biologique exact par lequel le silicium influence l’ os n’ est pas encore clair. On pense que le silicium exerce son rôle dans la synthèse du collagène en tant que substance osseuse de base et dans la stabilisation et la minéralisation de la matrice osseuse, et il semble également influer le taux de croissance de l’ os. À l’ heure actuelle, des études d’ intervention sur des modèles animaux et cellulaires appuient ces observations ; ainsi une supplémentation en silicium accompagnée d’ un faible apport simultané en calcium résulte dans une meilleure densité osseuse et une perte osseuse moindre qu’ une faible consommation de calcium sans supplémentation en silicium. Cependant, aucun effet positif de la supplémentation sur la formation osseuse n’ a été trouvé dans le cas d’ un apport élevé en calcium. (12).
Toutefois, étant donné que l’ acide silicique et le silicium ne sont pas nocifs, même en grandes quantités, une alimentation riche en silicium est considérée comme raisonnable (13).

Lithium

En tant qu’ oligo-élément, le lithium n’ est présent dans le corps humain qu’ en très petites quantités. Les besoins quotidiens en lithium ne sont jusqu’ à maintenant pas connus avec précision. On estime qu’ entre 0,6 et 3 mg sont absorbés quotidiennement par l’ eau potable. Ce qui parait intéressant, est qu’ une teneur élevée de lithium dans l’ eau a fait baisser le taux de suicide dans les dépressions dans une étude viennoise en 2011. Ainsi, même une quantité de lithium bien inférieure à la dose thérapeutique recommandée semble déjà avoir un effet sur la santé mentale (14). Les recherches actuelles sur le lien avec la maladie d’ Alzheimer sont également impressionnantes. Selon les résultats d’ une analyse de régression statistique danoise, les résidents âgés étaient moins susceptibles de souffrir de démence si leur eau potable avait une forte teneur en lithium (15). Il existe également une petite étude chez des patients atteints de troubles cognitifs légers et de troubles de la mémoire. Ces sujets ont reçu une dose de 150 à 600 µg de lithium par jour. Dans cette étude contrôlée par placebo, on a observé une légère diminution de la concentration de P-tau (p = 0.02) dans le liquide céphalorachidien après 12 mois. Le test ADAS a également montré une amélioration des résultats (16).
Il n’ est pas nécessaire de revenir aux remèdes thermaux des siècles précédents, mais l’ utilisation ciblée de l’ eau comme prophylaxie ou comme thérapie synergique à bas seuil peut, sur la base de données solides, être appliquée dans le cadre d’ interventions diététiques.

Diana Studerus

BSc Nutritionniste SVDE, spécialisation en nutrition clinique CASCN
Food on Record®
Freie Strasse 59
4001 Bâle

L’    auteur n’    a aucun conflit d’   intérêt en relation avec cet article.

  • Une eau minérale à haut degré de minéralisation (calcium, magnésium) ainsi qu’ une quantité suffisante d’ hydrogénocarbonate et de silicium contribuent de manière significative à la prophylaxie de l’ ostéoporose.
  • En cas de douleurs abdominales de toutes sortes, il est recommandé de vérifier la teneur en sulfate de l’ eau et, si nécessaire, de l’ utiliser à des fins thérapeutiques.
  • Selon les données les plus récentes, le lithium semblent être pertinents pour la santé du cerveau. Ici, l’ eau est une source d’ approvisionnement efficace (voir tableau 1).

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Le diagnostic en cas d’ anémie – les causes sont multiples

De nombreuses carences alimentaires, des maladies acquises ou des maladies génétiques, des thérapies médicamenteuses ou des intoxications peuvent provoquer une anémie. Celle-ci est très prévalente dans le monde et augmente avec l’âge. Le dépistage commence par la numération des réticulocytes dans le sang et le calcul du MCV. Ensuite, d’autres tests de laboratoire doivent être utilisés de manière aussi ciblée que possible. Les nouveaux marqueurs et algorithmes aident notamment à différencier l’anémie ferriprive (IDA) et l’anémie de la maladie chronique (ACD).

Abstract: A variety of nutritional deficiencies, acquired or genetic diseases, pharmaceutical therapies or intoxications can cause anaemia. It is very prevalent worldwide and increases with age. The diagnosis begins with a reticulocyte count in the blood and determination of the MCV. Subsequently, further laboratory tests must be used as specifically as possible. Newer markers and algorithms are particularly helpful in differentiating iron deficiency anaemia (IDA) and anaemia of chronic disease (ACD).
Keys Words: Anaemia, iron deficiency anaemia, anaemia of chronic disease, reticulocytes

L’ anémie, définie comme une diminution de la concentration d’ hémoglobine ou d’ érythrocytes en dessous d’une valeur de référence en fonction du sexe, de l’ âge, de la grossesse et de la génétique est présente dans le monde entier avec une prévalence élevée (30%). Dans ce cadre la masse d’ hémoglobine ou d’ érythrocytes ne permet plus de répondre aux besoins physiologiques (apport d’oxygène aux tissus).

L’ anémie est associée à une morbidité et une mortalité accrue. L’ anémie n’est pas une maladie en soi, mais le résultat de déficiences congénitales ou acquises, y compris de leur combinaison (tab. 1). Comme le diagnostic dépend d’ un nombre relatif (grammes d’hémoglobine par litre de sang total), les états dans lesquels le volume plasmatique est augmenté (dilution) conduisent à une pseudo-anémie (par ex. insuffisance cardiaque, perfusion, grossesse). Les causes des anémies vraies sont très variées et parfois complexes, notamment en cas d’ étiologies concomitantes (fig. 1). En Suisse on peut partir du principe que l’ analytique est précise et que des valeurs de référence adaptées sont indiquées.

À la recherche de l’étiologie

Dans la mesure du possible, il convient de trouver la ou les causes afin d’ établir un pronostic et d’ anticiper un traitement causal (fig. 2). L’ anamnèse (éventuellement en plus de l’ anamnèse familiale) et l’ examen clinique ont une grande importance. L’ alimentation, les saignements, les inflammations, les infections ainsi que les maladies associées (rhumatisme, cancer, maladie intestinale), les thérapies anémiantes et l’ évolution dans le temps doivent être pris en considération. En même temps que la connaissance des prévalences (résidents en maisons de retraite, sportifs soucieux de leur santé, facteurs sociaux, etc.), les résultats cliniques recueillis aident à mieux choisir en matière d’ examens complémentaires. Il existe un (trop) grand nombre de méthodes de laboratoire et autres, pour diagnostiquer les anémies.

Réticulocytes et MCV (indice) pour commencer

Avec un hémogramme simple (aujourd’ hui presque toujours automatisé) on obtient des informations sur le volume corpusculaire moyen de la population d’ érythrocytes présente. On définit 3 groupes, à savoir la microcytose, la normocytose et la macrocytose (correspond en général à l’ examen microscopique du frottis) (fig. 3). En outre, la mesure des érythrocytes immatures, des réticulocytes, est très importante. Cela permet d’  une part de regrouper certains diagnostics différentiels et d’ autre part de déterminer si la production dans la moelle osseuse est freinée ou stimulée. En cas d’ états combinés (p.ex. carence en fer et en vitamine B12), la classification selon la taille des cellules peut échouer. Le frottis sanguin analysé optiquement est, avec un peu d’ expérience, pathognomonique de nombreuses anémies.

Utiliser les analyses de suivi de manière ciblée

En cas de suspicion de troubles dus à l’ absence d’ aliments (apports, ingestion), les valeurs des candidats concernés doivent être déterminées. À cet égard tous les groupes de MCV peuvent être concernés. C’ est justement pour la carence la plus fréquente – l’ anémie ferriprive (IDA) – qu’ il existe des pièges. La ferritine est une protéine de phase aiguë qui augmente en cas d’inflammation de manière non spécifique. De plus, elle ne renseigne que sur les réserves de fer stockées. En cas d’ utilisation comme valeur cible de supplémentation en fer il faut atteindre des valeurs différentes selon la maladie associée (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, grossesse). Il est parfois nécessaire d’ utiliser des marqueurs supplémentaires tels que la saturation de la transferrine, la protoporphyrine de zinc, le récepteur soluble de la transferrine, les paramètres inflammatoires (CRP) ou l’ hépcidine. Des marqueurs plus récents comme le Ret He (= concentration moyenne d’hémoglobine par réticulocyte), %Hypo (pourcentage d’ érythrocytes hypochromes) ou Delta He (Ret He moins Ery He) sont beaucoup plus spécifiques que la ferritine, par exemple, pour distinguer l’ IDA de l’ ACD. L’ indice de ferritine (sTfR/log Ferritin) est également intéressant dans le contexte du diagnostic de la carence en fer (dit « Thomas Plot », fig. 4). En fin de compte, il est recommandé de rechercher d’ autres causes plus rares, tout au plus après une thérapie probatoire infructueuse. Les anémies d’ origine génétique, à savoir les hémoglobinopathies, en particulier les thalassémies, sont tout à fait rares sous nos latitudes. L’ hémogramme donne déjà une indication (polyglobulie en cas d’ anémie légère). Le diagnostic est établi par des analyses spéciales, en cas de thalassémie alpha, par génétique moléculaire. Le déficit en G6PD et le déficit en pyruvate kinase sont d’ autres anémies congénitales. Associées à des maladies des membranes (sphérocytose, etc.), elles ne sont pas si rares et ne sont pas toujours diagnostiquées dans l’ enfance. Dans ce cas, une analyse spéciale est nécessaire.

Les anémies d’ origine clonale maligne sont les syndromes myélodysplasiques (SMD), l’ anémie aplasique (AA) et les leucémies. Ici on observe généralement, outre une anémie, des modifications des leucocytes et/ou des thrombocytes. En présence d’ une macrocytose, l’ anémie au stade précoce d’ un SMD peut être difficile à diagnostiquer. Il est nécessaire d’avoir de l’ expérience dans la microscopie de l’ hémogramme, les analyses d’ exclusion et la biologie moléculaire. Souvent, les anémies sont également associées à des carcinomes sans atteinte de la moelle osseuse ou avec atteinte de la moelle osseuse (myélophtysie). Les mécanismes pathologiques sont le plus souvent contrôlés par des médiateurs inflammatoires. Par ailleurs, les éventuelles (chimiothérapies) peuvent également jouer un rôle.

L’anémie de la maladie chronique (ACD)

L’ anémie de la maladie chronique est la deuxième forme d’ anémie la plus fréquente, avec une augmentation avec l’ âge. Les causes sont multiples. De même, les mécanismes pathologiques. Les causes sont des infections, des tumeurs, maladies rénales et maladies auto-immunes (tab. 2).

Dans la mesure du possible, la maladie sous-jacente doit être traitée, sinon l’ érythropoïétine peut être utilisée, à condition qu’ il y ait suffisamment de fer stocké. Il est de plus en plus clair que l’ hepcidine et l’ érythroferrone jouent un rôle physiopathologique important. Ils aident également au diagnostic, en particulier pour différencier l’ ACD et l’ IDA, comme le montre la figure 5. Malgré des investigations complexes, il existe un pourcentage de cas, pour lesquels aucun diagnostic ne peut être trouvé. Dans l’ analyse des personnes âgées, cela peut représenter jusqu’ à 25% des cas, même en tenant compte de la valeur de référence correctement ajustée.

Pour les illustrations, l’auteur remercie le Pr Lothar Thomas, MVZ Aschaffenburg, Sysmex Europe, Hambourg et la Dre Saskia Brunner, LaboSalamin, Sierre.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 12_2021

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Prof. Dr. med. Andreas Huber

Private Universität im Fürstentum Liechtenstein
Dorfstrasse 24
FL-9495 Triesen

andreas.huber@ufl.li

Dr. sc. nat. Saskia Brunner-Agten

LaboSalamin
Ave. du Rothorn 10, 3960 Sierre

s.brunner@labosalamin.ch

Les auteurs déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

Les réticulocytes et le MCV permettent de préciser le diagnostic
d’anémie.
◆ L’IDA et l’ACD sont les formes d’anémie les plus courantes.
◆ L’anémie en soi n’est pas une maladie, mais a une ou des causes sous-jacentes.
◆ Des marqueurs récents comme Ret He, Delta He, Hepcidine ou l’indice de ferritine sont de bons outils.

sur demande auprès les auteurs

Calprotectine

La calprotectine a été décrite pour la première fois en 1980 comme la protéine L1. Aujourd’ hui, le biomarqueur fécal le plus pertinent dans la pratique clinique est devenu indispensable dans la pratique clinique quotidienne des internistes et des gastroentérologues. Il est fréquemment utilisé dans les cabinets médicaux et les hôpitaux pour diagnostiquer les maladies organiques des maladies gastro-intestinales fonctionnelles.

Maladie inflammatoire chronique de l’ intestin et le syndrome du côlon irritable

Deux entités pathologiques, qu’  il faut souvent distinguer dans les études cliniques, sont les maladies inflammatoires de l’ intestin (angl. inflammatory bowel disease, IBD) et le syndrome du côlon irritable (angl. irritable bowel syndrome, IBS). L’ IBD est répandu dans les pays occidentaux avec une prévalence jusqu’ à 0.5 % en hausse et l’ IBS, avec une prévalence allant jusqu’ à 11,2 %, est l’ une des maladies dites communes.
Comme la calprotectine fécale indique une inflammation dans le tractus gastro-intestinal, elle joue un rôle particulier dans le diagnostic et la thérapie des maladies intestinales inflammatoires chroniques – à savoir la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. La pathophysiologie de ce spectre de maladies est basée sur l’ hypothèse d’ une réponse immunitaire en relation avec le microbiome intestinal. La maladie de Crohn est caractérisée par une inflammation granulomateuse et transmurale qui affecte en principe l’ ensemble du système gastro-intestinal (de la bouche à l’ anus). Dans le cas de la colite ulcéreuse seule la muqueuse est affectée par l’ inflammation, qui peut s’ étendre du rectum au cæcum. En principe, la maladie peut survenir à tout âge, le pic d’ âge dominant se situant chez les jeunes adultes (15-30 ans), bien qu’ un deuxième pic puisse se produire dans la vieillesse (50-80 ans). Dans les maladies fonctionnelles de l’ intestin, dont l’ IBS est l’ entité la plus fréquente, on suppose, entre autres, une dysrégulation de l’ axe intestin-cerveau et une augmentation de la sensibilité à la douleur. Il s’ agit généralement d’ un diagnostic d’ exclusion, pour lequel les critères de Rome IV s’ appliquent.

La protéine fécale soumise à certaines influences

La calprotectine provient principalement des granulocytes neutrophiles (dans une moindre mesure également des macrophages) et représente 60 % de la production cytosolique de ces cellules. Elle joue un rôle dans le système immunitaire et a même des effets antimicrobiens directs. Elle peut être détectée dans divers fluides corporels selon le degré d’ inflammation, avec des concentrations jusqu’ à six fois plus élevées dans les selles que dans le plasma.
Il existe de nombreux tests commerciaux pour la calprotectine, dont certains présentent une variabilité inter-essais importante (de 5-1000 à 5-8000 μg/g). La plupart des fabricants utilisent un seuil de 50 μg/g comme limite supérieure de l’ intervalle de référence normale.
Récemment, des tests de «point of care» sur le smartphone ont déjà été proposés. Dans les études, cela est perçu par de nombreux patients comme une autosurveillance utile et pourrait vraisemblablement gagner en importance, surtout en période de pandémie. Globalement le clinicien doit noter que la calprotectine peut être influencée par une série de facteurs : l’ âge, les médicaments, les saignements gastro-intestinaux et les variations diurnes. Chez les patients de moins de 4 ans et ceux de plus de 65 ans, des valeurs plus hautes ont été proposées dans la littérature. On pense que, parmi d’ autres facteurs, les changements dans le système immunitaire peuvent jouer un rôle.
Les médicaments qui peuvent entraîner une augmentation de la calprotectine comprennent notamment les AINS (à la fois en usage à court et à long terme). D’ autres médicaments susceptibles d’ augmenter la calprotectine sont énumérés dans le tableau 1. L’ hémorragie gastro-intestinale semble en soi provoquer une augmentation de la calprotectine.

Bien que la protéine ait une distribution homogène dans les selles, il existe une grande variabilité selon l’ heure de la journée : en particulier plus l’ intervalle entre les selles est grand, plus la valeur est élevée. Cela a conduit au fait que les auteurs ont opté dans le passé pour une détermination de la calprotectine dès la première défécation de la journée.
Ceci n’ a finalement pas pu être confirmé par des études de suivi. Néanmoins il peut être utile d’ effectuer deux mesures de calprotectine avant l’ ajustement de la thérapie chez les patients atteints de l’ IBD (1).

La Calprotectine dans le diagnostic (différentiel) des maladies gastro-intestinales

Le diagnostic des maladies gastro-intestinales reste un défi de diagnostic, même pour les gastroentérologues expérimentés. Dans de nombreux cas, il n’ est pas possible de différencier les aspects organiques des aspects fonctionnels des maladies purement sur la base des symptômes. Et les tests de chimie en laboratoire (comme la CRP et les leucocytes) n’ ont pas fait preuve d’ une sensibilité et d’ une spécificité suffisante. C’ est pourquoi d’ autres outils de diagnostic sont nécessaires. L’ endoscopie s’ est établie comme référence, puisqu’ elle combine les avantages de la visualisation directe avec la possibilité de faire une biopsie. Cependant elle nécessite des ressources et peut être inconfortable pour le patient. Par conséquent, la calprotectine fécale en tant que biomarqueur fécal non invasif est un outil de diagnostic très utile. Il convient pour l’ évaluation de l’ activité de la maladie et comme marqueur de l’ état de la guérison des muqueuses. En outre, elle est un prédicteur de poussée ou de récidive (également postopératoire). Ainsi, elle sert également de contrôle thérapeutique. Dans la colite ulcéreuse, une corrélation étroite avec l’ activité clinique, endoscopique et histologique de la maladie a été démontrée, alors que dans la maladie de Crohn, elle est moins liée à l’ activité clinique et plus à l’ activité endoscopique et histologique.
Il est toujours important de prendre en compte que la calprotectine est l’ expression d’ une réaction inflammatoire du tractus gastro-intestinal et, à ce titre, n’ est pas spécifique. Ainsi, les gastro-entérites infectieuses comme les entérites associées aux AINS peuvent provoquer des niveaux élevés. Les maladies comme la colite microscopique, la maladie cœliaque, la diverticulite et les ulcères du tractus gastro-intestinal supérieur peuvent provoquer des niveaux élevés (2).

Valeurs limites possibles pour la calprotectine

L’ interprétation des valeurs individuelles de calprotectine n’ est souvent pas facile. En particulier les augmentations discrètes sont souvent difficiles à interpréter. En principe, les mesures de calprotectine doivent toujours être interprétées dans le contexte de l’ état clinique du patient (douleurs abdominales, fréquence et consistance des selles, accumulation de sang ou de mucus, fistules, manifestations extra-intestinales, etc.). Elles ne doivent jamais être considérées isolément.
Le seuil commun de fabrication de la calprotectine est de 50 μg/g. Cette valeur a certainement sa justification en tant que méthode de dépistage (très grande sensibilité). Cependant, des études ont montré que les valeurs jusqu’ à 200 μg/g ont une valeur prédictive négative élevée allant jusqu’ à 97 %. Ainsi, il semble plausible d’ utiliser cette valeur comme seuil pour différencier les IBDs des maladies fonctionnelles, afin d’ éviter la nécessité d’ une endoscopie supplémentaire.
Toutefois, pour les patients dont la valeur se situe entre 50 et 200 μg/g, une deuxième détermination de la calprotectine doit être effectuée (après l’ élimination des facteurs tels que les AINS) pour vérifier les résultats. Les patients atteints d’ IBD, contrairement aux patients atteints d’ IBS présentent généralement une élévation persistante du taux de calprotectine (généralement > 200 μg/g). Un algorithme pour une détermination de la calprotectine utile est présenté dans la figure 1.
Un seuil possible pour la gestion de la thérapie dans les IBD est de 250 μg/g, ce qui justifie une escalade de la thérapie. Toutefois, cela signifie également que 18 % des patients sans activité de la maladie sont des faux positifs et 20 % avec une activité de maladie sont des faux négatifs. Dans l’ étude STORI, des patients présentant une double immunosuppression initiale avec l’ azathioprine et l’ infliximab, ce dernier a été abandonné. Ici il s’ est montré qu’ une calprotectine supérieure à 300 μg/g était un facteur de risque pour une rechute.

Calprotectine dans les malignités gastro-intestinales

Les néoplasies du tractus gastro-intestinal sont également associées à une réaction inflammatoire des muqueuses. Dans des études, la calprotectine à un seuil de 50 μg/g a montré une sensibilité de 82 % et une valeur prédictive négative de 98 %. Selon ces données, un résultat de test négatif diminue la probabilité de néoplasie dans le tractus gastro-intestinal. Cela a bien sûr permis des implications pour l’ indication de l’ endoscopie. Cependant, il faut toujours tenir compte de l’ état clinique du patient et des directives en vigueur (pas de substitut à la coloscopie de dépistage à partir de 50 ans !). Les carcinomes du tractus gastro-intestinal supérieur peuvent également augmenter les valeurs de la calprotectine.

Dr. med. Houman Azam

Gastroenterologie und Hepatologie Kantonsspital Luzern
Spitalstrasse
6000 Luzern

houman.azam@luks.ch

Dr. med. Daniel Venetz

Gastroenterologie und Hepatologie Kantonsspital Luzern
Spitalstrasse
6000 Luzern

Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ La calprotectine fécale est un biomarqueur qui indique une réponse inflammatoire de l’ intestin qui permet de différencier entre les maladies intestinales organiques et fonctionnelles.
◆ La valeur est soumise à des facteurs d’ influence tels que la médication, le moment de la diminution et le saignement GI. Par conséquent, une deuxième mesure peut être utile avant d’intervenir.
◆ Un seuil de 200 μg/g semble être utile pour distinguer les maladies intestinales fonctionnelles des maladies inflammatoires de l’ intestin. Toutefois, il est toujours important de tenir compte de l’ état clinique du patient et des facteurs de risque.
◆ Dans la gestion thérapeutique des IBD, un seuil de 250 μg/g semble être utile comme marqueur de l’ activité inflammatoire pertinente pour justifier une escalade de la thérapie. Toutefois, la clinique du patient est décisive.
◆ La calprotectine est un marqueur inflammatoire non spécifique. Aussi les néoplasies du tractus gastro-intestinal ainsi que des gastro-entérites infectieuses, les entéropathies associées aux AINS, la maladie cœliaque, la diverticulite, la colite microscopique, et les ulcères du tractus gastro-intestinal supérieur peuvent être la cause de valeurs élevées.

Références :
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2. Burri E. The use of fecal calprotectin as a biomarker in gastrointestinal disease. Expert Rev Gastroenterol Hepatol. 2014; 8 (2): 197-210
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