Une infection commune à ne pas banaliser !

La grippe saisonnière est une maladie infectieuse virale aiguë due aux virus influenzae A/H1N1, A/H3N2 et influenzae B. Encore trop souvent considérée comme une affection bénigne par le plus grand nombre, elle est très contagieuse et associée à des complications parfois graves. La grippe est à l’  origine de 1000 à 5000 hospitalisations et 1500 décès chaque année en Suisse dont 90 % chez les 65 + (www.bag.admin.ch). Cependant, la mortalité ne représente que la face émergée de l’  iceberg. La grippe favorise également la décompensation de maladies chroniques et peut agir comme un facteur de déclin fonctionnel notamment chez les patients les plus âgés et fragiles (1, 2).

La prévention vaccinale est la mesure la plus efficace pour lutter contre la grippe, même si l’  exacte efficacité des vaccins actuels reste débattue (3-6). Les recommandations en matière de vaccination contre la grippe saisonnière sont inchangées depuis 2013 (www.infovac.ch). La vaccination est recommandée annuellement chez les personnes dites à risque accru de complications, leurs proches, et chez les professionnels de la Santé (tab. 1) (1). Il n’  y a à ce jour pas d’  évidence d’   une réduction de l’  efficacité avec ce schéma de vaccination (7). Certains bénéfices en matière de couverture antigénique ont même été suggérés (8).

La grippe en chiffres

En Suisse, la grippe est à l’  origine de 112 000 à 275 000 consultations médicales chaque année (selon le système de surveillance Sentinella). Durant la saison grippale 2017/18, sur les 15 semaines qu’  ont duré l’  épidémie (sur la période du 1er octobre 2017 au 21 avril 2018), les principaux virus circulants étaient l’  influenzae B du lignage Yamagata (66 %) et le virus A/H1N1 pdm 09 (23 %) ; les virus A/H3N2 et B du lignage Victoria n’  ont été que sporadiquement isolés.
Durant toute l’  épidémie, le taux de consultations hebdomadaires était au-dessus du seuil épidémique de 68 consultations pour 100 000 habitants avec deux pics au cours de la deuxième et de la quatrième semaine de 2018 (358 et 352 consultations/100 000 habitants) qui étaient inférieurs à ceux mesurés en 2008/09, 2012/13, 2014/15 et 2016/17.
Si l’  incidence était maximale chez les enfants de 0 à 4 ans (6258 consultations/100 000 habitants), les 65 + était la classe d’  âge la moins infectée avec tout de même 2549 consultations/100 000 habitants. Avec près de 4 % de la population ayant consulté un médecin de premier recours durant la période épidémique (3950 premières consultations/100 000 habitants), il s’  agit de la valeur la plus élevée enregistrée en Suisse depuis 2000 (+ 46 % de la moyenne des 10 dernières saisons). La principale raison est avant tout la longueur exceptionnelle de l’  épidémie ; en moyenne au cours des dix dernières années, la durée des saisons grippales était de 10,5 semaines (www.bag.admin.ch).
Chez les 65 +, le nombre de décès n’  a que très légèrement dépassé les valeurs attendues au début mars 2018. Chaque année, cette surmortalité témoigne de l’impact de l’  épidémie dans cette population et du risque d’  évolution grave chez les personnes vulnérables. Parmi l’  ensemble des cas de grippe déclarés, 7 % appartenait au groupe des personnes présentant un risque accru de complication et 30 % pour les 65 +. Une pneumonie a été diagnostiquée dans 4 % de l’  ensemble des cas ; le plus souvent parmi les plus âgés (12 %) et le plus rarement chez les enfants ≤ 4 ans (1 %). Près de 1 % des personnes suspectés d’  affection grippale et 9 % de celles avec une pneumonie ont été hospitalisées. La proportion la plus élevée d’  hospitalisations pour suspicion de grippe était enregistrée chez les 65 + (3 %). Les 65 +  enregistraient aussi le plus haut taux de détection intra-hospitalière (54 % vs. 33% chez les 30-64 ans) (www.bag.admin.ch).
Durant la saison 2017/18, environ 7 % des personnes déclarées pour suspicion de grippe avec un statut vaccinal connu avaient été préalablement vaccinées. Cette proportion était plus importante dans les groupes chez qui l’  OFSP recommande la vaccination (tab. 1), avec 31 % chez les 65 + et 39 % chez les personnes à risque accru de complications témoignant du peu d’  efficacité du vaccin. Ces données ont été confirmées à l’  échelle internationale. Un traitement antiviral, dans la plupart des cas par un inhibiteur de la neuraminidase, a été administré chez 1 % des personnes déclarées avec une grippe ; 11 % ont reçu un traitement antibiotique, probablement en raison d’  une surinfection bactérienne (www.bag.admin.ch).

La grippe est contagieuse avant les symptômes et parfois même asymptomatique

La grippe se transmet par contact direct avec une personne infectée (éternuement, toux jusqu’  à 1 mètre), notamment dans des espaces clos. Les virus grippaux peuvent aussi rester vivants jusqu’  à 48 heures sur des surfaces inertes. Comme il a été estimé qu’  un individu adulte peut toucher jusqu’  à 40 fois son visage par heure avec ses mains, les manipulations d’objets et les contacts avec des surfaces inertes « contaminés » (tab. 1: poignées de portes, bouton d’  ascenseur, rampe d’  escalier, billet de banque, etc.) sont une réelle voie de transmission à ne surtout pas banaliser (9). Les personnes contaminées peuvent transmettre les virus de la grippe à d’  autres même si elles ne se sentent pas (encore) malades (9) sur leur lieu de travail, à la maison et/ou dans les institutions de santé telles que les EMS ou les hôpitaux.
Près d’ un tiers des personnes infectées par un des virus de la grippe saisonnière ne présente aucun des symptômes spécifiques (10). Ces personnes peuvent néanmoins transmettre le virus. La vaccination contribue fortement à diminuer le risque de contagion (11). Les professionnels de la Santé sont parmi les plus fortement exposés au risque de contracter la grippe. De plus, les arrêts de travail pour maladie qui en résultent impliquent souvent une charge de travail supplémentaire pour les collègues en période épidémique et/ou des contraintes de réorganisation en rapport avec le recours à du personnel intérimaire notamment dans les EMS et les hôpitaux (12).

La grippe en clinique

Après contamination, les symptômes grippaux apparaissent généralement en un à trois jours. La grippe saisonnière se manifeste par une sensation de malaise général, une brusque poussée de fièvre, des frissons, des maux de tête, des arthro-myalgies, une perte d’ appétit et des vertiges. La seconde phase se caractérise par l’  intensification des symptômes respiratoires (toux sèche, maux de gorge, enrouement, rhinite). La fièvre dure en générale 3 à 8 jours et la convalescence 7 à 15 jours mais peut se prolonger au-delà (13). Cependant chez les personnes âgées et/ou celles présentant des affections chroniques, la grippe est loin d’  être une maladie bénigne et peut s’  accompagner des complications (14). Les plus fréquentes sont les pneumonies infectieuses. Primaires, elles sont dues à la virulence directe du virus de la grippe ; secondaires, à une surinfection bactérienne (14).

Les pneumonies au cours de la grippe

Deux formes de pneumonies peuvent survenir au cours de la grippe. La pneumonie grippale, d’  origine virale, se manifeste par une détresse respiratoire aiguë quelques jours après le début de l’  infection. Les pneumonies bactériennes se développent généralement plus secondairement (13, 15, 16).

La pneumonie grippale

La pneumopathie à virus influenzae est une complication majeure mais rare. Elle concerne préférentiellement les enfants de moins de 2 ans et les 65 +. Généralement bénigne et de courte durée chez l’  enfant, elle est gravissime chez l’  adulte (13).
Elle se caractérise par une toux fébrile suivie d’ une dyspnée, puis l’ apparition d’ une cyanose. La radiographie du thorax va montrer un infiltrat nodulaire ou réticulo-nodulaire avec ou sans foyer de condensation. Le scanner retrouvera des images de condensations péribronchiques et / ou sous pleural ainsi que des images en verre dépoli. L’ aspect radiologique et les caractéristiques cliniques peuvent mimer en tout point un syndrome de détresse respiratoire aiguë. La pneumonie grippale correspond à une atteinte directe du parenchyme pulmonaire par le virus grippal avec soit atteinte des alvéoles avec œdème hémorragique intra-alvéolaire soit de l’  inter-stitium et induction d’  une fibrose aiguë (avec généralement des séquelles respiratoires). Dans les formes les plus graves, une prise en charge en milieu de réanimation est le plus souvent nécessaire. Parfois une myocardite est associée. Dans sa forme maligne, elle survient en général dans les 24 premières heures de l’  infection mais peut survenir jusqu’  à 10 jours après le début de la grippe. Le risque de développer une pneumopathie grippale résulte d’ une réponse complexe impliquant un système immunitaire sidéré d’ une part et les caractéristiques du virus d’ autre part.
Les sujets âgés, particulièrement les plus dépendants et vivant en institution, ainsi que ceux ayant des comorbidités cardiovasculaires et/ou respiratoires constituent habituellement le groupe le plus à risque. Quoi qu’ il en soit, selon les sous-types de virus, les groupes les plus à risque peuvent varier, comme par exemple au cours des pandémies de 1918 et 2009 où les sujets jeunes étaient préférentiellement atteints. La mortalité reste élevée, de l’  ordre de 30 % avec un décès survenant généralement dans les 4 jours (13), notamment en cas de coinfections par Staphylococcus aureus ou Streptococcus pneumoniae (17).

Les pneumonies bactériennes

Les surinfections bactériennes s’  observent dans toutes les tranches d’  âge et représentent la complication la plus fréquente (16-18). Les lésions provoquées par le virus influenza favorisent la prolifération bactérienne dans le tractus respiratoire (16). Les germes les plus fréquemment isolés sont S. aureus, S. pneumoniae et Hæmophilus influenzae. Contrairement à la pneumonie à S. aureus, les pneumonies à pneumocoque et Haemophilus surviennent généralement plus tard, entre 2 et 3 semaines après le début des symptômes grippaux, et peuvent être traitées en ambulatoire selon les mêmes modalités et recommandations de prise en charge qu’ une pneumopathie aiguë communautaire non compliquée. Les surinfections sont également favorisées par des lésions préexistantes associées à certaines pathologies chroniques notamment. Cela explique pourquoi la grippe est une maladie grave chez les 65 +, les insuffisants respiratoires et/ou cardiaques, les diabétiques et est alors associée à une morbimortalité très supérieure. La ré-analyse des pièces d’  autopsie pulmonaires des personnes décédées de la pandémie grippale de 1918 a confirmé que la grande majorité des décès alors n’  avait pas été directement liée à la seule virulence du virus influenza, mais bien à des surinfections par S. pneumoniae et S. aureus (19). Si l’  évolution est le plus souvent favorable sous une antibiothérapie adaptée, le pronostic dépend cependant avant tout du terrain sous-jacent et est bien plus sombre chez des patients âgés, fragiles, polymédiquées et polymorbides.

Prévention : la vaccination, recommandée chaque année, est le moyen le plus efficace

La vaccination reste la prévention la plus simple, efficace et économique chez les personnes à risque de complications (tab. 1), celles qui s’  en occupent ou leur entourage, dans les milieux de soins, les collectivités, et la vie courante. La période idéale de vaccination va de mi-octobre à début décembre. Les autres mesures préventives, notamment les règles d’  hygiène, même si elles sont indispensables, restent un complément à la vaccination antigrippale mais ne peuvent la remplacer. En l’  absence de vaccin ou de traitement spécifiques des autres infections respiratoires hivernales, les masques, les appareils de protection respiratoire et l’  hygiène des mains ainsi que les mesures barrières (isolement « gouttelettes », éloignement social) en structure institutionnelle mais aussi en ambulatoire sont de ce fait les seules armes efficaces (20-22).
En matière de recommandation vaccinale, chez l’  adulte, il n’  y a pas d’  arguments cliniques particuliers à privilégier un vaccin trivalent (3 souches grippales – pour la saison 2017/18 : A/H1N1pdm09 = A/Michigan/45/20154, A/H3N2 = A/Hong Kong/4801/2014, B Victoria = B/Brisbane/60/2008) à un vaccin tétravalent (4 souches grippales – pour la saison 2017/18 Trivalent + B Yamagata = B/Phuket/3073/2013). Tous les vaccins autorisés en Suisse sont inactivés et exempts de mercure et d’ aluminium. Les vaccins disponibles et autorisés pour les adultes sont : Agrippal®, Fluarix®, Influvac® et Mutagrip®. Fluarix Tetra® est un vaccin quadrivalent. De plus, le vaccin Fluad® qui contient un adjuvant (MF59C) qui en renforce l’ efficacité (23) est plus particulièrement recommandé chez les 65+ (www.sevaccinercontrelagrippe.ch) (24). Si les vaccins sont disponibles pour tous, la priorité est la vaccination des personnes appartenant à un groupe à risque de complications (tab. 1) (www.infovac.ch).
La composition des vaccins est déterminée chaque année en février par l’ Organisation mondiale de la santé (OMS). Depuis 2013-2014 dans l’  hémisphère nord, l’  OMS formule également des recommandations sur la composition de vaccins quadrivalents. Pour la saison 2018/2019 la composition du vaccin trivalent a été modifiée en ce qui concerne les souches A/H3N2 (A/Singapore/INFIMH-16-0019/2016) et B-Victoria (B/Colorado/06/2017) afin de mieux couvrir les virus en circulation. La souche supplémentaire influenzae B contenue dans le vaccin tétravalent est inchangée. Sans adjuvant, les vaccins sont disponibles depuis la fin du mois de septembre.
Globalement, la vaccination permet de réduire de 70 % le risque de grippe chez un adulte en bonne santé lorsque les souches vaccinales correspondent bien aux souches circulantes (ce qui n’  a pas été le cas notamment durant la saison 2015/16) (5). L’  âge et les capacités immunitaires du vacciné (24) contribuent à expliquer pourquoi la protection vaccinale s’  abaisse à 30-40 % chez les seniors (3, 4). En milieu institutionnel, la vaccination du personnel et des résidents conduit à une réduction de 46 % des pneumonies, de 45 % des hospitalisations, et des décès dus à une grippe ou une pneumonie de 42 % (25, 26). Chez 5 % des personnes vaccinées, des réactions similaires aux symptômes grippaux sont décrites. Elles ne sont pas la grippe, mais le témoin de la réponse immunitaire à la vaccination. Si les adjuvants améliorent l’  immunogénicité des vaccins, ils augmentent aussi la réactogénicité, qui se résument le plus souvent à des réactions au point d’  injection plus intenses mais souvent bénignes (1).
Durant la saison grippale 2017/18, la couverture des souches circulantes par le vaccin trivalent était faible (29 %) compte tenu de la prépondérance du virus B lignage Yamagata contenu uniquement dans le vaccin tétravalent (95 % de protection). Si l’  efficacité vaccinale a été estimée à 25-52 % selon la catégorie d’  âge (souche A/H1N1pdm09 : 55-67 % ; virus B : 36-55 %), les vaccins trivalents ont néanmoins démontré une efficacité contre l’  influenzae B/Yamagata en raison d’  une protection croisée entre les lignages (49- 77 %) (www.bag.admin.ch). Ces données proviennent des USA car aucune étude d’  efficacité n’  a été réalisée en Suisse.
De façon intéressante, les effets immunomodulateurs de la VitD ont été considérés dans la prévention de la grippe et des infections respiratoires saisonnières (27). Dans un essai randomisé contrôlé en long séjour, Ginde et al. ont montré qu’  une supplémentation par 100 000 UI/mois de VitD réduisait l’  incidence des infections respiratoires aiguës (2) comparativement à une supplémentation selon les recommendations habituelles de 400-1000 UI/jour (28). Si les effets anti-infectieux de la VitD sont de mieux en mieux documentés, aucune donnée actuellement ne confirme un effet de la supplémentation en VitD sur l’  amélioration de l’  immunogénicité des vaccins antigrippes (29).

Le traitement : la place des antiviraux

Des antiviraux contre la grippe sont disponibles en Suisse et leur utilisation permet d’  éviter des complications sévères et des décès dans les situations à risque. Dans l’  idéal, ils doivent être administrés au plus tôt après le début de la maladie. Le traitement empirique des patients suspects d’  avoir une grippe n’  est habituellement pas recommandé. Un traitement antiviral est indiqué pour les patients dont la maladie respiratoire est sévère, durant la période d’  épidémie avec des symptômes grippaux de moins de 48 heures (30).
Les inhibiteurs de la neuraminidase (oseltamivir, zanamivir) limitent la diffusion des virus en dehors des cellules infectées et les inhibiteurs de la protéine M2 (amantadine, rémantadine) limitent la pénétration du virus dans la cellule. Ils réduisent efficacement les complications et plus généralement l’  évolution des symptômes. Si la grande majorité des virus y sont encore sensibles, certaines mutations conduisent à des résistances (neuraminidase : H275Y et E119V ; gène de la protéine M2 : Ser31). Les taux de résistance pour les virus grippaux en circulation sont sous étroite surveillance. L’  OMS peut fournir en temps réel les informations relatives à l’  utilisation possible dans la prise en charge thérapeutique ou prophylactique (par ex. épidémie en communautés fermées, institution, etc.) (30, 31). Ainsi, durant la saison 2017/2018, un seul des 91 virus analysés dans le réseau Sentinella présentait une résistance contre l’  oseltamivir et globalement les cas de résistance sont rares (Europe < 0.3 % et USA : 1 % des A/H1N1pdm09, et 0 % pour les autres virus) (www.bag.admin.ch).

Conclusion

La grippe est l’  infection qui, en Suisse, tue chaque année le plus de personnes et notamment les 65 +. La vaccination chez les personnes âgées est une priorité tout comme chez tous les adultes du groupe 1 et les professionnels de la Santé. Selon une enquête de l’  OFSP (n = 3605) ciblant les personnes qui auraient dû être vaccinées durant la saison 2017/18, seuls 32 % des 65 + l’  étaient et 25 % des porteurs de maladies chroniques. Si 18 % des professionnels de la santé s’  étaient fait vacciner en 2014/15, 21 % en 2015/16 et 25 % en 2016/17, le taux de couverture s’  est abaissé à 20 % durant la saison 2017/18. Pour la première fois, cette enquête a aussi ciblé les personnes en contact régulier avec une personne à risque et le taux de vaccination n’  était que de 7 % (www.bag.admin.ch). Si les mesures de protection individuelles (port de masque et hygiène des mains) sont un bon complément, il faut redoubler d’  effort pour améliorer les taux de couverture vaccinale chez les patients à risque et les professionnels de santé (tab.  2A et 2B).

Dr. med. Pierre-Olivier Lang, PhD

Genolier Klinik und Montchoisi Klinik
Route du Muids 3
1272 Genolier
plang@genolier.net

plang@genolier.net

L’    auteur n’   a aucun conflit d’   intérêt en relation avec cet article.

  • La grippe est une infection virale aiguë très contagieuse.
  • La grippe provoque des épidémies annuelles avec un pic hivernal.
  • La grippe est un problème majeur de santé publique notamment dans les populations dites à risque ce qui inclut toutes les personnes ≥ 65 ans.
  • Dans un tiers des cas, la grippe reste asymptomatique mais la personne est contagieuse et peut transmettre le virus à tout son entourage.
  • Les professionnels de la Santé sont particulièrement à risque d’  être infectés et de transmettre la grippe.
  • La vaccination est actuellement encore le moyen de prévention le plus efficace ; les mesures de protection individuelles sont un bon complément.
  • En cas de grippe, les antiviraux sont plus efficaces s’  ils sont administrés durant les 48 premières heures.

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Aspects urologiques de la lithiase rénale

Au cours des 20 à 25 dernières années, les calculs rénaux sont devenus une maladie répandue en raison de changements dans le mode de vie et les habitudes alimentaires. La prévalence de la maladie a presque doublé pendant cette période. Les causes de la formation du calcul urinaire ne sont, en fin de compte, pas clairement élucidées. Cependant, les facteurs nutritionnels tels que la haute consommation de viande, les composants alimentaires riches en acide et la consommation excessive d’ alcool jouent un rôle important aux côtés des facteurs génétiques, de l’ apport en liquides et des conditions climatiques (1-3).

Le diagnostic et le traitement des calculs urinaires sont de plus en plus réguliers chez les médecins généralistes. L’ article suivant donne un aperçu du diagnostic, de la thérapie et de la métaphylaxie moderne de la lithiase rénale.

Diagnostic de calculs urinaires

En plus de l’  anamnèse et de l’ examen physique, l’ examen urinaire/ l’ analyse de laboratoire et l’ imagerie diagnostique sont d’ une importance fondamentale pour confirmer le diagnostic présumé d’ un calcul urinaire. En effet, en plus de la taille et de la localisation des calculs, l’ imagerie fournit des informations supplémentaires sur les pathologies associées ainsi que sur la fonction rénale (1, 2). Grâce à la disponibilité généralisée de l’ échographie et de la tomodensitométrie (TDM), ces procédures ont remplacé l’ ancienne procédure standard du pyélogramme intraveineux. En effet, cette dernière était d’ une grande précision.

Examen urinaire et laboratoire

L’ analyse d’ urine est une composante importante du diagnostic initial. La présence d’ une microhématurie peut confirmer le diagnostic présumé de néphropathie. La détection simultanée de bactéries combinée avec une augmentation de la CRP et des leucocytes peut être le signe d’ une infection compliquée des voies urinaires. En raison du danger d’ une stase urinaire septique menaçante et vitale, une clarification rapide et, si nécessaire, un drainage du rein est indiqué dans ces cas. La simple administration d’ une antibiothérapie ne suffit pas. Un test par culture d’ urine avec antibiogramme et de plus amples examens d’ imagerie diagnostique sont requis.

Échographie

Dans les cas aigus, l’ échographie est l’ imagerie de premier choix du praticien (1, 2). Un calcul rénal ou urétéral est représenté comme structure hyperéchogène avec annulation du son dorsal. Particulièrement dans le cas des calculs urétéraux, le calcul ne peut pas être détecté directement. De plus, le seul signe de l’ obstruction du drainage (4) est une dilatation du système pyélocaliciel du rein. En l’ absence de détection directe ou indirecte de calculs dans l’ échographie, il n’ est pas possible d’ exclure de manière fiable la présence d’ un calcul urétéral. En cas de suspicion clinique d’ un calcul urétéral, il faut procéder à une clarification supplémentaire au moyen d’ une TDM native.

Tomodensitométrie

En raison de sa bonne disponibilité, de son faible coût, de sa haute sensibilité et de sa spécificité, la TDM native est aujourd’ hui le Gold standard en matière de diagnostic de la lithiase urinaire. Elle donne des informations détaillées sur l’ anatomie des voies urinaires, les pathologies associées, le degré de dilatation ainsi que la localisation et la densité des calculs. Tous ces paramètres sont importants pour la planification ultérieure du traitement et devraient être inclus dans les recommandations du traitement (5-7). L’ imagerie par résonance magnétique (IRM) ne joue aucun rôle dans le diagnostic des calculs car ces derniers ne sont pas visibles par cette méthode.

Thérapie conservatrice et interventionnelle des calculs

La thérapie des calculs rénaux doit toujours être une recommandation individuelle adaptée à la situation (fig. 1). Elle est basée sur l’ analyse clinique, l’intensité de la douleur, la localisation ainsi que la taille des calculs et des pathologies associées. De petits calculs urétéraux peuvent se détacher spontanément et ne nécessitent souvent pas d’ intervention (8). L’ introduction dans les années 80 de la lithotripsie par ondes de choc extracorporelles (LOCE) a révolutionné +  la thérapie des calculs urinaires en brisant les calculs sans les toucher. Pendant des années, cette thérapie a été considérée comme le Gold standard et a été utilisée principalement pour toutes les maladies lithiasiques urinaires. De nouveaux développements et miniaturisations des lithotripteurs ont permis de réduire ainsi que de simplifier l’ utilisation technique de ces dispositifs par rapport à la première génération de la « baignoire à calculs ». Cependant, l’ efficacité a plutôt diminué en raison de ces changements techniques. D’ autres avancées techniques de ces dernières années ont, à nouveau, conduit à un changement de paradigme dans le traitement des calculs urinaires. Le développement d’ endoscopes plus fins et plus flexibles permet aujourd’ hui d’ effectuer une endoscopie à faible risque de l’ ensemble du tractus urinaire. En outre, elle représente, en combinaison avec la lithotripsie au laser, une procédure standard dans le traitement des calculs rénaux et urétéraux. Toutefois, l’ urétéro-rénoscopie (URS) a des limites pour des charges de calculs très élevées dans le rein. Dans ces cas, l’ ablation minimalement invasive des calculs parvoie endoscopique percutanée, la néphrolitholapaxie percutanée (NLPC), est très importante (9-11).

Thérapie conservatrice

Les petits calculs urétéraux (< 5 mm) ne nécessitent souvent pas de thérapie interventionnelle. Des études ont montré que jusqu’ à 95 % de ces calculs se détachent spontanément. Dans le cas de concréments plus importants (> 5 mm), le taux d’ élimination spontanée diminue considérablement. Les patients suivant un traitement conservateur doivent faire l’ objet d’ une surveillance étroite. L’efficacité de la thérapie médicamenteuse explosive (TME) avec des alpha-bloquants et des analgésiques n’ est finalement pas claire. Cependant, nous pouvons tout de même soutenir une élimination spontanée (12, 13). Une semaine plus tard, une réévaluation échographique devrait avoir lieu. Si le traitement est infructueux et/ou douloureux à cause de longues phases d’ expulsion, un traitement interventionnel peut être indiqué.

Thérapie interventionnelle

En plus de la LOCE, l’ URS est actuellement le traitement de choix pour les calculs rénaux et urétéraux (fig. 2). Grâce à cette procédure, les taux d’ élimination des calculs sont très élevés. De plus, dans les mains du praticien expérimenté, les risques et effets secondaires sont faibles (14). Le taux d’ élimination élevé après un seul traitement est l’ avantage décisif de l’ URS par rapport à la LOCE. Dans le cadre des soins d’ urgence, un cathéter Pigtail est généralement inséré dans l’ uretère. De cette manière, l’ uretère se dilate en une semaine et l’ URS peut être effectuée avec moins de risques ainsi qu’ avec un taux d’ élimination des calculs plus élevé. L’ urine doit tout de même être tamisée puisque même un cathéter Pigtail couché peut entraîner une élimination spontanée de calculs.
La NLPC est également utilisée aujourd’ hui pour des charges importantes de calculs avec épanchement partiel ou complet dans le bassinet rénal s’ il y a des calculs situés dans les diverticules du calice rénal ou bien après une URS non réussie. De nos jours, les opérations ouvertes pour éliminer les calculs sont très rares.

Métaphylaxie

En raison de la forte probabilité de récidive des calculs urinaires, la cause de l’ urolithiase doit être clarifiée. L’ analyse des calculs urinaires est ici d’ une importance primordiale. Des éclaircissements supplémentaires devraient suivre en fonction des risques. En particulier, les patients présentant les caractéristiques suivantes sont considérés comme étant à risque élevé et devraient être soumis à un examen spécifique de métaphylaxie des calculs urinaires par un spécialiste :

  • Récidives fréquentes (plus de 3 épisodes de calculs en 3 ans)
  • Enfants et adolescents
  • Formation de calculs déterminée génétiquement (cystinurie, hyperoxalurie primaire, acidose des tubules rénaux, xanthinurie)
  • Hyperparathyroïdie
  • Maladie gastro-intestinale (maladie de Crohn, colite ulcéreuse, statut après chirurgie bariatrique)
  • Formation de calculs due à une infection
  • Calculs d’ acide urique (goutte)
  • Rein unique
  • Néphrocalcinose
  • Grandes masses de calculs bilatérales
  • Anamnèse familiale positive
  • Troubles du transit urinaire
  • Groupes professionnels exposés (pilotes, marins, militaires)
Dr. med. Stephan Bauer

Zentrum für Urologie Zürich, Klinik Hirslanden
Witellikerstrasse 40
8032 Zürich

stephan.bauer@hirslanden.ch

L’ auteur a déclaré aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article.

  • L’  échographie est le premier choix pour le diagnostic primaire ainsi que pour le suivi. La tomodensitométrie à faible dose est utilisée pour approfondir le diagnostic dans les situations aiguës ainsi que pour la planification du traitement.
  • En cas de coliques néphrétiques aiguës, une analgésie avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens est recommandée. En cas de persistance de la douleur et/ou d’ infection urinaire avec des signes accrus d’ inflammation, il faut procéder au drainage de l’ urine à l’ aide d’ un cathéter Pigtail.
  • Le traitement conservateur peut être effectué au moyen d’ analgésiques ainsi qu’ avec une thérapie médicamenteuse explosive. Un suivi étroit par échographie est indiqué.
  • L’ URS a presque remplacé la LOCE dans la thérapie interventionnelle des calculs urétéraux et rénaux. En fonction de la taille et de l’ emplacement des concréments, une thérapie individuelle peut être planifiée en utilisant des procédures mini-invasives. L’ URS a le taux le plus élevé d’ élimination complète des calculs après une seule intervention.
  • Des éclaircissements supplémentaires devraient prendre place en fonction de la classification des groupes à risque.

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Helicobacter pylori

L’Helicobacter pylori (Hp) est l’une des infections chroniques les plus courantes chez l’Homme, la transmission se produisant le plus souvent dans l’enfance (1). En Suisse, la prévalence est estimée à environ 12%. Cependant, elle est certainement plus élevée pour les personnes nées à l’étranger (2). L’Hp a une importance pathophysiologique majeure dans les ulcères gastroduodénaux (90–95% des ulcères duodénaux et 60–90% des ulcères gastriques sont Hp-positifs) (3, 4). Elle est aussi l’une des causes de nombreuses autres maladies, dont le lymphome du MALT (5), ainsi que l’adénocarcinome de l’estomac (6). L’Hp est donc également classifié par l’OMS comme cancérogène de classe  I (7). Cet article présente le diagnostic et la thérapie actuellement utilisés dans le cabinet du médecin généraliste.

La découverte de l’Hp par B.J. Marshall et J.R. Warren en 1983 a provoqué un changement de paradigme en gastro-entérologie dont l’importance a été reconnue par l’attribution du prix Nobel de médecine à ces chercheurs en 2005. Les indications actuellement recommandées pour les tests d’Hp sont présentées dans le tableau 1 (8, 9) ci-dessous.

Quel test pour quel patient ?

Une distinction fondamentale doit être faite entre les méthodes invasives (prélèvement de biopsie avec histologie, immunohistologie et PCR) et les méthodes non invasives (antigène des selles, test respiratoire C13, sérologie et test respiratoire). Les sérologies sont rarement pertinentes, parce qu’elles ne permettent pas de faire la distinction entre infection active et éradication réussie. Dans la pratique, le test de l’’antigène des selles est recommandé. En effet, il est simple et très précis. Alternativement, un test d’haleine ayant des caractéristiques et des coûts comparables peut être utilisé. Il est important que les essais soient effectués dans des conditions optimales. En effet, pour éviter des résultats faussement négatifs, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) devraient être interrompus 2 semaines avant le test et les traitements antibiotiques 4 semaines avant (10). La question de savoir si une endoscopie avec prélèvement de biopsie est indiquée fait l’objet d’une discussion controversée, en particulier concernant les patients souffrant de troubles dyspeptiques non spécifiques. L’endoscopie précoce (scope-and-treat) favorise une amélioration plus importante des symptômes, ainsi que la satisfaction des patients. Cependant, les coûts de l’endoscopie précoce sont bien plus élevés par rapport aux tests d’Hp non invasifs (test-and-treat) (11). Pourtant, l’endoscopie est fortement indiquée pour les patients âgés de plus de 50 ans ou s’il y a des symptômes d’alarme tels que la perte de poids, l’anémie, la dysphagie ou les saignements gastro-intestinaux (8, 9).

Thérapie

Il existe d’innombrables programmes d’éradication de l’Hp différant considérablement en termes de combinaisons de médicaments et de durée. La triple thérapie italienne (métronidazole, clarithromycine et IPP) et française (amoxicilline, clarithromycine et IPP) sont bien établies en Suisse, en particulier pour l’expérience d’éradication primaire. En outre, il existe des combinaisons de quatre médicaments pouvant être utilisées comme thérapie concomitante (amoxicilline, métronidazole, clarithromycine et IPP), séquentielle (amoxicilline et IPP, puis métronidazole, clarithromycine et IPP) ou quadruple thérapie hybride (amoxicilline et IPP, puis amoxicilline, métronidazole, clarithromycine et IPP). Dans les pays anglophones, la quadruple thérapie contenant du bismuth (métronidazole, tétracycline, bismuth et PPI) est fréquemment utilisée. Pylera®, la préparation combinée contenant du bismuth, est autorisée en Suisse. L’enregistrement dans la liste des spécialités est prévue pour 2018. Elle est cependant déjà disponible sur ordonnance en Allemagne. Les taux d’éradication atteints avec Pylera® sont extrêmement élevés (> 90%) (12, 13). Toutefois, l’inconvénient est qu’il faut prendre 3 x 4 comprimés de Pylera® par jour et 2 x 1 comprimé d’un IPP (un total de 14 comprimés / jour) afin d’obtenir une dose suffisante.
Au cours des dernières années, l’augmentation de la résistance de la population aux agents antimicrobiens a conduit à des taux d’éradication plus faibles, où la résistance à la clarithromycine est le facteur décisif (14). Cependant, la prévalence de la résistance varie considérablement d’une région à l’autre. Pour cette raison, les recommandations thérapeutiques doivent toujours être adaptées à la situation locale de résistance (10). Malheureusement, les données sont limitées pour la Suisse. Toutefois, la résistance à la clarithromycine est estimée être faible pour les personnes nées en Suisse (≤ 15%), tandis qu’elle est plus élevée pour les personnes nées à l’étranger (≥ 15%) (15, 16). La résistance fréquente au métronidazole est cliniquement moins habituelle (15, 16). Cependant, si elle se manifeste en même temps que la résistance à la clarithromycine, il en résulte des taux d’éradication plus faibles dans les thérapies ne contenant pas de bismuth (19). La résistance à l’amoxicilline est à peine existante (< 5 %) (20). Le tableau 2 donne une recommandation pour le choix du traitement d’éradication de l’Hp sur la base des directives internationales actuelles (8, 9).

Contrôle de l’éradication et échec du traitement

Si un traitement d’éradication est mis en œuvre, son succès devrait également être vérifié. Comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, le moment opportun de l’examen, ainsi que les exigences de test correctes (2 semaines sans IPP, 4 semaines sans traitement antibiotique) sont importants. En cas d’échec thérapeutique, une thérapie de deuxième ligne doit être effectuée (tab. 2). En cas de nouvel échec, une nouvelle gastroscopie avec biopsie pour prouver la résistance aux macrolides (PCR) ou une culture avec détermination complète de la résistance doit être effectuée.

Conclusion

Au cours des dernières années, la prévalence de l’infection a nettement diminuée. Cependant, l’Hp n’a pas perdu de sa pertinence clinique depuis sa découverte. En effet, d’une part, la liste des indications thérapeutiques est complétée continuellement, d’autre part, les résistances rendent une éradication efficace de plus en plus difficile, ce qui signifie que l’Hp restera un problème médical actuel à l’avenir.

Dr Lara Hitz

Gastroenterologie und Hepatologie
Medizinische Universitätsklinik Kantonsspital Baselland
Rheinstrasse 26
4410 Liestal

PD Dr Emanuel Burri

Gastroenterologie und Hepatologie
Medizinische Universitätsklinik Kantonsspital Baselland
Rheinstrasse 26, 4410 Liestal

emanuel.burri@ksbl.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

  • L’infection à Helicobacter pylori est fréquente et peut entraîner des maladies secondaires importantes.
  • La liste des indications du traitement d’éradication s’allonge constamment.
  • La détermination de l’antigène des selles est une méthode de détection simple et fiable pour l’Hp. Les sérologies doivent être effectuées avec prudence, car elles ne peuvent pas distinguer entre l’infection active et le statut après éradication.
  • En cas d’infection soupçonnée à Hp, une gastroscopie est nécessaire seulement si des symptômes d’alerte existent ou si une maladie subséquente de l’infection est recherchée.
  • Lors du choix du traitement antibiotique pour l’éradication de l’Hp, il faut tenir compte du pays d’origine, ainsi que des antibiothérapies précédentes.
  • Le contrôle de l’éradication doit être effectué au plus tôt quatre semaines après la fin de l’antibiothérapie et après une interruption de deux semaines des IPP.

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Hyperactivité vésicale de la personne âgée : du diagnostic au traitement

L’hyperactivité vésicale est la combinaison d’une urgenturie et d’une pollakiurie qui résulte d’une perturbations du contrôle végétatif et/ou d’une atteinte myogène (1). La génération d’une contraction involontaire et précoce du détrusor limite alors la capacité fonctionnelle de la vessie (normalement 300-600 cm3). Associée ou non à un autre trouble fonctionnel et/ou une incontinence urinaire (IU), l’hyperactivité vésicale altère la qualité de vie et est un facteur de risque de chute, de fracture, de déclin fonctionnel et d’entrée en institution (1).

L’hyperactivité vésicale (HV) de la personne âgée est cependant souvent occultée par les patients (gêne, banalisation, résignation, honte, crainte) et/ou les professionnels (gêne, banalisation). Sa prise en charge est souvent médiocre (1). Le dépistage des troubles fonctionnels urinaires devrait cependant être systématique dans cette population.
Spécifiquement, pour l’HV, il s’agit de l’identifier, d’en caractériser la ou les causes (fig. 1), d’évaluer son intensité et son retentissement et enfin d’élaborer une prise en charge adaptée aux souhaits du patient, à son état fonctionnel, ses capacités cognitives, ses comorbidités et leurs traitements.

Démarche diagnostique

Elle doit permettre de distinguer les HV induites par une pathologie potentiellement curable, de celles associées aux maladies neurologiques qui néces-sitent des investigations spécialisées, et des HV a priori idiopathiques (fig. 1) (1).

Anamnèse

Elle précisera les deux symptômes cardinaux (urgenturie + pollakiurie, ± IU), leur durée d’évolution et le mode évolutif. Il est important d’identifier le niveau de gêne au quotidien par rapport à la pollakiurie. Les symptômes de troubles de la vidage: attente initiale, poussée à la miction, sensation de résidu, etc. ainsi qu’une dysurie ou des douleurs associées sont à demander. Une nycturie doit être systématiquement recherchée (2). Les antécédents et le contexte seront précisés. L’infection et les pathologies intra-vésicales (tumeurs, calculs, corps étrangers) ainsi que les obstructions infra-vésicales constituent des causes réversibles. Les atteintes neurologiques médullaires et/ou centrales sont souvent irréversibles et parfois progressives. En l’absence de cause identifiable, on parle d’HV idiopathique. Il faut systématiquement rechercher les facteurs favorisants/aggravants et notamment les médicaments (fig. 1) (1).

Révision des médicaments

En présence d’une HV la prise d’un inhibiteur de l’acétylcholin-estérase, de diurétiques de l’anse ou thiazidiques doit être systématiquement recherchée. Ces molécules peuvent accentuer l’urgenturie, la pollakiurie et/ou la nycturie (1). L’ensemble des médicaments ayant un effet antimuscarinique doit aussi être listé (3). L’attention devra se porter aussi sur les molé-cules majorant le risque de rétention (4), notamment en présence d’un résidu post-mictionnel (RPM) > 100 mL.

Examen clinique et évaluation gériatrique

Il recherche des signes neurologiques évocateurs d’une cause sous-jacente, des complications cutanées en cas d’IU ainsi que l’absence de causes locorégionales – gynécologiques, tumeur, malformations – demandant un toucher rectal est chez l’homme. L’analyse fonctionnelle évalue la marche et le risque de chute. Une évaluation cognitive est un préalable essentiel en vue de l’instauration d’un traitement symptomatique (1).

Examens complémentaires

Devant toute HV nouvelle, majorée, ou résistante au traitement un examen cytobactériologique des urines est systématique (5). Les infections seront traitées et en présence d’une hématurie isolée, une cystoscopie devra être envisagée. Le calendrier mictionnel est très utile pour écarter une pollakiurie secondaire à une polyurie (> 3 L de diurèse/24 heures) et apprécier les volumes et les horaires des mictions et des apports hydriques (1). Si le bilan urodynamique est systématique en cas de maladie neurologique ou avant une chirurgie, les indications doivent se limiter aux diagnostics non clairs après une démarche clinique bien conduite ou à l’inefficacité d’un traitement d’épreuve (2). En cas d’origine obstructive, une débimétrie et une mesure du RPM sont à faire (1).

Démarche thérapeutique

Les objectifs de prise en charge doivent être centrés sur la préservation de l’autonomie fonctionnelle et des capacités cognitives. Ils seront formulés selon l’intensité et le retentissement de l’HV et les objectifs du patient avec une application raisonnée et raisonnable des données de la littérature (2). S’il n’existe pas de consensus validé chez les patients âgés, l’approche sera progressive et ajustée à l’état fonctionnel, les fonctions cognitives, les comorbidités et les traitements pris.

En première intention (dans tous les cas):

l’identification des facteurs favorisants / aggravants comportementaux, médicamenteux et de mode de vie (fig. 1) dont la correction améliore souvent les symptômes. Cette étape est particulièrement importante chez les patients les plus fragiles chez qui la prise en charge pharmacologique est souvent plus délicate (6).
Les mesures les plus efficaces sont (1) :

  • suspendre les médicaments potentiellement aggravant
  • assurer une bonne hydratation en limitant les apports le soir et les boissons irritantes (alcool, café, sodas, thés)
  • favoriser le transit en limitant la constipation (alimentation riche en fibres et respect des besoins)
  • privilégier une vie active et une alimentation équilibrée
  • proposer un calendrier de vidange vésicale (passage aux WC à heures fixes et avant les sorties
  • mesures d’ergothérapie concernant l’habillement (velcro à la place de boutons), et l’aménagement de l’environnement (accès facilité et sécurisé aux WC, chaise percée, urinal anti-renversement, étui pénien, …
  • adapter le type et le format des protections

Le sondage vésical n’a pas d’indication dans l’HV même en présence d’une plaie chronique ou d’une escarre (4).

En seconde intention :

La démarche thérapeutique repose sur la neurostimulation du nerf tibial postérieur (TENS) (7) ou les techniques de renforcement du plancher pelvien. Le TENS est efficace et bien toléré (1) et consiste en la stimulation par une électrode collante percutanée en regard du nerf tibial postérieur lors de séances quotidiennes de 20 minutes. Le renforcement musculaire a un effet significatif sur les symptômes et la qualité de vie (8, 9). S’il s’agit d’alternatives efficaces aux médicaments, une bonne coopération des patients est nécessaire. Ces techniques doivent même être proposées avant ou à la place des médicaments
Le traitement médicamenteux repose sur les antimuscariniques et/ou un agoniste des récepteurs β3-adrénergiques. L’efficacité est similaire mais les profils de tolérance sont différents (tab. 1) (1).

  • Les antimuscariniques : Le chlorure de trospium nécessite des prises à distance des repas ; la solifénacine, darifénacine, et fésotérodine sont les molécules les plus récentes. Il faut privilégier celles traversant faiblement (solifénacine, toltérodine) ou pas (trospium, fésotérodine, darifénacine) la barrière hémato-encéphalique (3). Elles sont déconseillés si RPM > 100 mL. En présence d’un traitement par donépézil, rivastigmine, ou galantamine, l’association d’un antimuscarinique est incohérente (3). Les formulations à libération immédiate sont plus efficaces et les formes retard mieux tolérées. Le bénéfice sur le risque de chutes n’a pas été démontré (10).
  • L’agoniste des récepteurs β3-adrénergiques n’a pas d’effets antimuscariniques mais il induit aussi sécheresse buccale, constipation, somnolence et vertiges en plus des effets adrénergiques sur la tension et la fréquence cardiaque (1). Globalement, sa tolérance et son efficacité semblent supérieures à celles des antimuscariniques (11).

Dans tous les cas, les effets secondaires limitent l’observance (tab. 1) et nécessitent une utilisation raisonnée chez les patients fragiles, polymorbides, et/ou polymédiqués. Certaines précautions doivent être systématiquement respectées (tab. 2) (1).

En troisième intention :

L’injection endoscopique dans le détrusor de toxine botulique (12) ou la neurostimulation des racines sacrées (NMS) (13) peuvent être proposer en 3ème intention. Les injections se font sous anesthésie locale et sont efficaces pour 6 mois environ. Elles peuvent cependant perturber la miction normale et favoriser les rétentions (ce qui peut nécessiter transitoirement un auto-sondage). La technique est utile pour les vessies neurologiques mais aussi pour certaines formes idiopathiques (12). Elle ne peut se faire sous anticoagulant ou clopidogrel ; l’aspirine n’est par contre pas une contre-indication (1).
La chirurgie est réservée aux vessies neurologiques ou aux HV secondaire à une obstruction infra-vésicale et aux échappements / résistances à la NMS et à la toxine botulique (1). Il s’agit par contre d’une chirurgie lourde (entérocystoplastie d’agrandissement ou conduit iléal selon Bricker) qui est souvent la solution ultime lorsque toutes les alternatives ont échouées et/ou en cas d’HV très invalidante.

Dr. med. Pierre-Olivier Lang, PhD

Genolier Klinik und Montchoisi Klinik
Route du Muids 3
1272 Genolier
plang@genolier.net

plang@genolier.net

L’auteur n’a aucun conflit d’intérêt en rélation avec cet article.

  • Le diagnostic est clinique et repose avant tout sur l’analyse des
    symptômes
  • Le bilan étiologique et la recherche des facteurs aggravants sont
    indispensables et guident la prise en charge (fig. 1)
  • Le traitement de première intention repose sur les mesures hygiéno-diététiques et comportementales
  • Le traitement pharmacologique n’est qu’un traitement de seconde ligne dont l’efficacité et la tolérance peuvent être limitées
  • L’approche thérapeutique doit être individualisée selon les souhaits
    du patient, son état fonctionnel, ses capacités cognitives, ses comor­bidités et ses traitements

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Hypercholestérolémie familiale

L’hypercholestérolémie familiale (HF) se caractérise par un taux élevé de lipoprotéines de basse densité (LDL-cholestérol) et le développement d’athérosclérose à un âge précoce. Le diagnostic clinique de l’  HF est simple. Le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire et l’utilisation d’  hypolipémiants tels que les statines, l’ézétimibe ou les inhibiteurs du PCSK9 permettent de réduire le risque d’  événement cardiovasculaire précoce. Cette revue résume les outils diagnostiques et algorithmes de prise en charge de l’HF.

L’ hypercholestérolémie familiale (HF) est la maladie génétique autosomale dominante la plus fréquente chez l’  humain. Elle se caractérise par des taux plasmatiques élevés de lipoprotéines de basse densité (LDL-cholestérol) (1). L’  HF est cependant sous-traitée et trop souvent diagnostiquée uniquement après un premier événement cardiovasculaire (2). La prévalence de la forme hétérozygote de la maladie est estimée à 1/200 (0.5%) dans la population générale et atteint 2% chez les patients avec maladie cardiovasculaire (3). La forme homozygote est extrêmement rare et est estimée à 1/300 000.

Pronostic

Les patients avec HF ont 3 à 16 fois plus de risque de développer une maladie cardiovasculaire que la population générale. Cette augmentation du risque est liée à l’  exposition cumulée du LDL-cholestérol dès le jeune âge (4). Dans ce contexte, il est recommandé de ne pas utiliser les scores d’ évaluation du risque cardiovasculaire à 10 ans, tel que le score PROCAM, qui sous-estime le risque cardio-vasculaire.

Définition clinique

L’ histoire familiale a un rôle très important dans l’ identification des patients avec HF. La définition clinique de l’ HF se base sur : a) un LDL-cholestérol persistant à plus de 4.9 mmol/l et b) une histoire familiale d’ hypercholestérolémie sévère ou de maladie cardiovasculaire précoce dans la famille du premier degré (fig. 1). Les
signes cutanés d’ accumulation de lipides dans les tissus doivent être recherchés en cas de suspicion clinique. Le Dutch Lipid Clinic Network Score (DLCN), disponible sur le site du Groupe de travail Lipides et Athérosclérose (GSLA) de la Société Suisse de Cardiologie (www.gsla.ch), permet également de faire un diagnostic clinique d’ HF basé sur ces mêmes critères (tab. 1).

Examens complémentaires

La mesure du LDL-cholestérol doit être réalisée dès 18 ans en présence d’ une histoire familiale d’ hypercholestérolémie ou de maladie cardiovasculaire précoce chez un parent du premier degré, voire plus tôt selon la sévérité de l’ histoire familiale. Le test génétique inclut les gènes LDLR, PCSK9 et APOB par la méthode du séquençage à haut débit. Bien que réalisable dans certains laboratoires privés ou universitaires, ce test est rarement réalisé car il n’ est pas remboursé par les assurances maladie et coute environ 1500 à 2000.–  CHF. C’ est donc la définition clinique basée sur le phénotype qui est utilisé pour proposer une attitude thérapeutique (tab. 1). Le dosage de la Lp(a) est recommandé afin d’ identifier un risque plus élevé de thrombose vasculaire. Chez les patients sans maladie cardiovasculaire pré-existante, un examen vasculaire non invasif peut être effectué à la recherche de plaques d’ athérosclérose asymptomatiques.

Prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire et du style de vie

Le contrôle de l’ ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire et du style de vie reste la clé de voûte de la prise en charge pour réduire le risque cardiovasculaire d’ un traitement hypolipémiant pour réduire le risque cardiovasculaire. (5, 6). Le taux de LDL-cholestérol étant principalement génétiquement déterminé, les bénéfices liés à l’ optimisation du style de vie par l’ alimentation ou l’ activité physique ne s’ expriment pas par une baisse importante du LDL-cholestérol (6).

Prescription de traitements hypolipémiants

Le GSLA (www.gsla.ch) recommande l’ initiation de statines chez les patients avec HF à un âge précoce, sans utiliser les calculateurs de risque à 10 ans, car tous les patients avec HF ont un risque cardiovasculaire par définition élevé. Les figures 2 et 3 résument les algorithmes de prise en charge des patients avec HF en prévention primaire et prévention secondaire respectivement. Ces algorithmes sont basés sur les recommandations du GSLA 2018 et des limitations de remboursement des inhibiteurs du PCSK9 édictées par l’ OFSP en juillet 2017.

Les inhibiteurs du PCSK9

Les statines sont la première ligne de traitement suivie de l’ ézétimibe, puis finalement des inhibiteurs du PCSK9 si le LDL-cholestérol reste élevé, par exemple en cas d’ intolérance aux statines. Bien que très puissants pour abaisser le LDL-cholestérol, il n’ existe encore que peu de données scientifiques sur la sécurité à long terme des inhibiteurs du PCSK9 comparé aux statines (7, 8). La préscription des inhibiteurs du PCSK9 n’ est possible que par un spécialiste de la prévention cardiovasculaire ou du cholestérol, et après accord écrit de l’ assurance maladie du patient.

Adhérence au traitement

La prescription d’ un traitement hypolipémiant à un jeune âge chez les patients avec HF implique de consacrer du temps à l’ éducation du patient. En effet, ce n’ est qu’ après une année de traitement que les bénéfices cardiovasculaires apparaissent, mais il faut attendre au minimum 3 ans de traitement pour que la diminution du risque cardiovasculaire soit maximale (9). L’ adhérence au traitement hypolipémiant joue donc un rôle primordial.

Conclusion

Le contrôle de l’ ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire, du style de vie et la baisse du LDL-cholestérol dès le jeune âge avec un traitement hypolipémiant optimal maintenu au long cours permet de contrer le pronostic cardiovasculaire défavorable de l’ HF.

PD, MER Dr David Nanchen

Unisanté, Centre Universitaire de médecine générale et santé publique
Rue du Bugnon 44
1011 Lausanne

L’ auteur déclare être investigateur pour des études ­cliniques sur les inhibiteurs du PCSK9 dont les sponsors sont Amgen et Pfizer. L’ auteur déclare n’ avoir reçu aucune rémunération personnelle en argent ou en nature de ces industries pharmaceutiques.

  • En présence d’ un LDL-cholestérol élevé ou d’ une histoire familiale d’ hypercholestérolémie ou d’ événement cardiovasculaire précoce,
    une HF doit être suspectée.
  • Le contrôle de l’ ensemble des facteurs de risque et le maintien d’ un style de vie équilibré sont les éléments clés de la réduction du risque cardiovasculaire.
  • Afin d’ éviter une exposition cumulée importante des artères au LDL-cholestérol, l’ initiation du traitement hypolipémiant se fait à un jeune âge en travaillant sur l’ adhérence thérapeutique au long cours.
  • Les statines sont la première ligne de traitement de par leur sécurité
    et efficacité au long cours.
  • Les inhibiteurs du PCSK9 sont une option thérapeutique à utiliser avec l’ aide d’ un spécialiste en cas d’ intolérance aux statines ou persistance d’ un LDL-cholestérol élevé.

1. Hovingh GK, Kastelein JJ. Diagnosis and Management of Individuals With Heterozygous Familial Hypercholesterolemia: Too Late and Too Little. Circulation 2016;134(10):710-2
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10. van Aalst-Cohen ES et al. Clinical, diagnostic, and therapeutic aspects of familial hypercholesterolemia. Sem Vasc Med 2004;4(1):31-41

Cannabis médical : indications gériatriques ?

Le cannabidiol (CBD) est de plus en plus consommé en Suisse mais son effet est peu connu, en particulier dans la population âgée. Cet article vise à déterminer le rationnel, l’ efficacité et les potentiels effets secondaires du cannabis médical dans la population âgée. Une revue de la littérature pour l’ usage du CBD dans les troubles du sommeil a été réalisée. L’ évidence actuelle, reposant sur peu d’ études, est encore trop faible pour encourager la prescription de cannabis médical en gériatrie.

Même si la génération des « baby-boomers », souvent sensibilisée de longue date aux produits dérivés du chanvre, a atteint l’ âge de la retraite, l’ utilisation du cannabis médical (CM) chez le sujet âgé peut paraître incongrue et être restée taboue. Une étude hollandaise randomisée contre placebo (N = 24) a toutefois franchi le Rubicon et testé du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) faiblement dosé pour lutter contre les troubles du comportement chez le patient dément : aucun effet n’ a été constaté en dépit d’ une bonne tolérance (1). Cependant, il est avéré que, chez la souris, le THC améliore les capacités cognitives et a un effet protecteur in vitro sur les plaques amyloïdes (2).
Une synthèse récente sur ce sujet dans le Journal de la Société américaine de gériatrie par Briscoe et Casarett révèle les faibles évidences scientifiques de l’ effet de ces substances sur l’ humain (3). En Suisse, il semble que le Cannabidiol (CBD) soit consommé par l’  adulte âgé dans différentes indications, telle que les troubles du sommeil, l’ anxiété et les douleurs chroniques. Cet article vise à déterminer le rationnel, l’ efficacité et les potentiels effets secondaires du CM dans la population âgée.

Introduction

La plante de cannabis contient plus de 100 cannabinoïdes. La majorité des effets est toutefois attribuée au THC pour les propriétés psychoactives. Le CBD, quant à lui, aurait de multiples propriétés, à la fois sédatives, anxiolytiques, antiémétiques, antidystoniques et anti-inflammatoires, sans effet psychotrope néfaste.
Depuis 2017, le CBD a été autorisé en Suisse (4). Dès lors, les points de vente se sont multipliés. Les produits, présentés parfois comme thérapeutiques, doivent contenir moins de 1% de THC. On les trouve sous différentes formes : feuilles ou poudre de chanvre à haute teneur en CBD, extraits sous forme d’ huiles ou de pâtes, ainsi que produits prêts à l’ emploi tels que gélules, compléments alimentaires, liquides pour cigarettes électroniques, succédanés de tabac, huiles parfumées, chewing-gums et pommades. Le marché du CBD étant encore mal régulé, les dosages restent incertains. Le CBD n’ est en effet pas un principe actif autorisé pour les préparations magistrales.

Propriétés pharmacologiques

Le CBD a une mauvaise biodisponibilité de l’ ordre de 10%. Son absorption est lente et erratique. Il est lié aux protéines plasmatiques, il est lipophile et sa demi vie est de 25-36h. Il est métabolisé par le CYP 3A4 (5).
A priori ses caractéristiques pharmacocinétiques sont donc défavorables en gériatrie en raison d’ une augmentation du stockage dans le tissu adipeux et d’ un risque élevé d’ interactions médicamenteuses.
Au niveau pharmacodynamique, il existe deux types de récepteurs : le CB1 (effet marijuana), présent dans tous le SNC et modulant les neurotransmetteurs, et le CB2, retrouvé principalement sur les cellules immunitaires. Le THC lie les 2 récepteurs avec la même affinité, alors que le CBD semble agir en augmentant l’ activité de l’ anandamide, un cannabinoïde endogène.

Indications générales du cannabis médical

La revue de Briscoe et Casarett concernant les évidences scientifiques pour la prescription du CM sont pauvres (3). Il y aurait ainsi une certaine évidence (some evidence) pour améliorer l’ insomnie dans le syndrome d’ apnée du sommeil (cf. infra) et dans la fibromyalgie (id.), dans le traitement des douleurs chroniques principalement neurogènes. Il existe une indication au niveau limité de preuve (limited evidence) pour le syndrome de stress post-traumatique et l’ anxiété sociale avec une étude montrant une diminution de l’ anxiété à la suite d’ une exposition anxiogène (présentation devant public) à la suite d’ un traitement de CBD (400 mg). Il n’ y a en revanche pas d’ évidence dans la Sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Huntington ou de Parkinson.

Indications reconnues

En Suisse, le Sativex®, une combinaison équidosée de THC et de CBD (2.5 mg), est disponible depuis 2014 pour le traitement des douleurs chroniques à titre « compassionnel » et pour la lutte contre la spasticité en lien avec la sclérose en plaque, en cas de non réponse aux autres traitements médicamenteux (5).
Aux États-Unis, le Dronabinol (THC synthétique) est disponible pour les nausées secondaires aux chimiothérapies et en cas de cachexie lors d’ atteinte sidéenne. Le Nabilone (cannabinoïde synthétique proche du THC) est, quant à lui, utilisé pour les nausées après chimiothérapies (3).

Cannabis médical et troubles du sommeil

Nous avons réalisé une revue de la littérature relative à l’ utilisation du CM et en particulier du CBD dans les troubles du sommeil. Il s’ agit en effet d’ une problématique fréquente en gériatrie et les traitements pharmacologiques traditionnels sont grevés d’ effets secondaires majeurs. Il se trouve que le cannabis est utilisé de longue date pour induire le sommeil, le système endocannabinoïde (complexe) intervenant dans le sommeil et dans le rythme veille-sommeil (6).
Une étude brésilienne de 1981 chez le volontaire sain avec insomnie a montré une augmentation de la durée du sommeil et une diminution des réveils précoces après prise de CBD (160 mg) (7). Ces résultats n’ ont pas été répliqués en 2018 sur 26 sujets sains sans insomnie, avec contrôle par polysomnographie (CBD 300 mg 2h avant le sommeil) : absence d’ effet sur le sommeil et son architecture, mais bonne tolérance et absence d’ effets résiduels cognitifs (8).
Une revue narrative a conclu que le CM pourrait avoir un effet plutôt indirect sur le sommeil, qui se traduirait par la diminution de la douleur. Ceci est illustré notamment par une étude (N = 29) avec le Nabilone (proche du THC) dans la fibromyalgie qui s’ est avérée positive (9).
Malgré cela, les études (N = 37) montrent des résultats variables et de nombreux biais (10).
Une revue plus récente de 2017 conclu que le CM peut améliorer l’ endormissement et agir sur l’ architecture du sommeil en augmentant la phase N3 (slow wave sleep) mais à court terme, avec une habituation et des effets rebonds (11).
Indications potentielles en gériatrie
Deux études semblent prometteuses. Un rapport de cas de 4 patients avec maladie de Parkinson a montré une diminution des troubles du sommeil REM avec le CBD (75 ou 300 mg) (12). Une autre étude de 73 patients (âge moyen 54) atteints de syndrome obstructif du sommeil, traités par Dronabinol, a montré une diminution du nombre d’ apnées, une amélioration subjective du sommeil ainsi qu’ une diminution du score d’ Epworth (13).
Toutefois, il n’ existe à ce jour pas d’ étude spécifiquement gériatrique chez des patients polymorbides de plus de 65 ans, même si la tolérance du CM dans cette population semble bonne (14).
Finalement, beaucoup d’ études sont en cours dans des domaines variés. Pour le CBD par exemple, qui semble être une nouvelle panacée, pas moins de 150 études sont enregistrées sur le site ClinicalTrials.gov.

Conclusion

Le CBD ne peut pas être recommandé actuellement, en raison de l’ absence de preuve de son effet et de la paucité des données sur sa toxicité. Le Sativex® (THC et CBD) peut être utilisé en Suisse dans la douleur et en seconde intention dans la spasticité.
Ces molécules « naturelles » sont potentiellement grevées de moins d’ effets secondaires, et pourraient trouver leur place dans l’ arsenal thérapeutique du gériatre comme sédatifs/hypnotiques ou antalgiques. L’ évidence actuelle – reposant sur peu d’ études scientifiques – est encore trop faible pour encourager la prescription de CM en gériatrie.

Dr Lucien Weiss

Service de gériatrie
Avenue de la fusion 27
1920 Martigny

lucien.weiss@hopitalvs.ch

Dr Martial Coutaz M.D.

Service de gériatrie
Avenue de la fusion 27
1920 Martigny

martial.coutaz@hopitalvs.ch

Les auteurs n’ ont aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article.

  • Les principaux effets du cannabis sont médiés par le THC et le CBD qui n’ a pas d’ effet psychoactif.
  • Le système cannabinoïde agit à large échelle dans le corps humain, il est complexe et peu compris mais devrait intéresser le médecin généraliste du fait de la commercialisation récente du CBD sous diverses formes.
  • Les seules indications actuelles du cannabis médical en Suisse sont la douleur en cas d’ échec de tous les autres traitements et pour la spasticité en cas de SEP.
  • Le CBD ne peut pas être recommandé actuellement dans les troubles du sommeil chez le sujet âgé du fait de l’ absence prouvée d’ efficacité.

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