Quel type de diabète sucré est présent ?

Situation de départ

Un employé de commerce de 49 ans a reçu un diagnostic de diabète sucré de type 2 par hasard lors d’ un examen de routine en 2015. On lui a alors prescrit 2 x 1 g de metformine par jour à un taux d’ HbA1c de 6,6% et, par la suite, du Janumet 50/1000 mg 2 x par jour. Sous ce régime, l’ HbA1c est restée pratiquement inchangée. Il y a environ 5 mois, du Jardiance 10 mg/jour lui a été administré en plus de Janumet. Il a bien toléré les deux préparations, mais l’ HbA1c est resté stable à environ 6,5 %.
Le patient est athlétique, et joue au football régulièrement. Il est dérangé par le fait d’ avoir perdu environ 6 kg depuis qu’ il a été diagnostiqué diabétique en 2015, bien qu’ il se soit entraîné à peu près au même niveau et ait un peu réduit sa consommation de glucides. Il se sent toujours fatigué et épuisé. Il boit peu d’ alcool (au maximum un verre standard par semaine) et n’ a jamais eu de douleurs abdominales dans le passé.

Anamnèse personnelle

Diabète sucré de type 2 sans atteinte secondaire des organes depuis 2015. Goutte.

Anamnèse familiale

Père atteint de diabète sucré de type 2, diagnostiqué à l’ âge de 35 ans, actuellement sous insulinothérapie, a toujours été mince.

Médicaments actuels

Allopurinol 300 mg p.o. 1-0-0 prise irrégulière
Janumet 50/1000 mg p.o. 1-0-1
Jardiance 10 mg p.o. 1-0-0

État clinique

Taille 183 cm, 69 kg, IMC 20,6 kg/m2, PA 118/75, pouls 56/min, réflexes rotulien et achilléen symétriques, monofilament 10/10 des deux côtés, sens de vibration 7/8 des deux côtés, tour de taille 84 cm.

Résultats de laboratoire

HbA1c 6,3 %
eGFR selon CKD-EPI 72 ml/min
LDL 2,6 mmol/L HDL 1,5 mmol/L
triglycérides 1,13 mmol/L

Y a-t-il des doutes quant au diagnostic du diabète de type 2 Autres considérations thérapeutiques et diagnostiques ?
l Il n’ y a pas de syndrome métabolique avec un IMC de 20,6 kg/m2 et un tour de taille de < 94 cm.
l La perte de poids non désirée sous traitement par antidiabétiques oraux avec la metformine, la sitagliptine et l’ empagliflozine avec un taux d’ HbA1c inchangé n’ est pas typique pour un diabète sucré classique de type 2. Avec une perte de poids de 6 kg, nous pourrions nous attendre à une réduction de l’ HbA1c d’ au moins 1-2 %.
l Le taux de cholestérol HDL élevé et les triglycérides dans la norme plaident contre le diabète sucré de type 2. Typiquement, le diabète sucré de type 2 présente wun cholestérol HDL bas (< 0,9 mmol/L) et des triglycérides élevés (> 1,7 mmol/L) dans le statut lipidique à jeun. Le cholestérol LDL n’ est pas aussi pertinent pour la différenciation.
l Anamnèse familiale : père mince, atteint de diabète sucré de type 2 depuis son jeune âge, ce qui soulève des doutes sur le type de diabète de son père.
l L’ indication d’ un bloqueur SGLT-2 est-elle bonne pour le patient ? Si la sécrétion d’ insuline est potentiellement faible, l’ inhibiteur SGLT-2 peut entraîner une augmentation du glucagon, de la cétogenèse et de l’ acidocétose euglycémique.

En résumé

Le diagnostic de diabète sucré de type 1 est probable si l’ on se base sur l’ anamnèse. Les anticorps spécifiques du diabète (anti-GAD, -IA2, -ZnT8, -cellules des îlots pancréatiques) étaient négatifs. Ceux-ci sont positifs chez 10 à 15 % de tous les patients atteints de diabète sucré de type 1. Il n’ existe aucune preuve anamnestique d’ un diabète sucré spécifique (la saturation normale en ferritine /  transferrine exclut l’ hémochromatose ; l’ absence de douleurs abdominales et les selles normales (pas de stéatorrhée) plaident contre une pancréatite chronique).
L’ arrêt des antidiabétiques oraux établis ainsi que l’ administration d’ insuline de base tout d’ abord, et ensuite l’ insuline en bolus, a permis à notre patient de reprendre son poids corporel athlétique comme avant le diagnostic du diabète sucré. De plus, la fatigue a disparu.

Prof. Dr. med.Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Dr. med. Matthias Ernst

USZ Zürich

matthias.ernst@usz.ch

RL: Participation d‘Advisory Boards et honoraires de conférencier
avec Novo
Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.
ME: Frais de voyage et de congrès d’Eli Lilly et Ipsen.

  • Pensez à un diabète sucré de type 1 chez des patients minces ou à un diabète spécifique (diabète pancréatoprive) en cas de douleurs abdominales récurrentes, de stéatorrhée ou de consommation accrue d’ alcool. Si une insuffisance pancréatique est suspectée, nous pouvons déterminer la présence d’ élastase-1 pancréatique dans les selles.
  • Dans l’ anamnèse, demandez toujours le poids / l’ IMC des personnes diabétiques de la famille du patient et renseignez-vous plus précisément sur les diabétiques maigres. Il faut aussi considérer qu’ un enfant, dont l’ un des parents est atteint de diabète sucré de type 1, a un risque d’ environ 3 à 6 % de développer un diabète de type 1.
  • L’ état lipidique à jeun aide à différencier le diabète sucré de type 2 du diabète sucré de type 1 ou d’ un diabète spécifique.

Les effets secondaires des thérapies oncologiques

Les effets secondaires des thérapies oncologiques sont souvent remarqués pour la première fois dans le cabinet du médecin de premier recours. Des situations d’ urgence peuvent survenir à tout moment dans toutes les thérapies oncologiques. En particulier, l’ urgence oncologique d’ une neutropénie fébrile ne doit en aucun cas être négligée. Chez les patients sous immunothérapie, la diarrhée et les endocrinopathies graves sont des urgences potentielles. En outre, il existe également de nombreux symptômes assez rares ou peu spécifiques. Ces symptômes ne peuvent pas toujours être identifiés en détail comme, par exemple, un effet secondaire ou qui peuvent être distingués des complications tumorales ou des maladies concomitantes. Si de nouveaux symptômes inhabituels apparaissent, il faut communiquer avec l’ oncologue traitant. En effet, une bonne communication entre le médecin de premier recours et l’ oncologue est la clé du succès du traitement de nos patients.

Le traitement des patients en oncologie est complexe et nécessite une bonne coopération entre les médecins de premier recours et les médecins des différentes disciplines concernées. Les patients cancéreux peuvent être confrontés à une multitude de symptômes, pouvant être causés par la maladie sous-jacente, comme l’ effet secondaire des thérapies oncologiques, ou même par des facteurs complètement différents. Il n’ est pas rare que les symptômes soient traités pour la première fois et que les situations d’ urgence soient reconnues en premier dans le cabinet du médecin de premier recours. Compte tenu du nombre sans cesse croissant de traitements oncologiques, il n’  est pas facile de suivre les effets secondaires typiques. Cependant, en plus d’ un grand nombre d’ effets secondaires rares, certains sont très courants et devraient donc être connus du médecin de premier recours.

Les principes du traitement oncologique

Afin d’ aborder la question des effets secondaires oncologiques, il est d’ abord nécessaire de distinguer quel ty pe de thérapie est impliqué. En effet, l’ oncologie s’ est considérablement diversifiée ces dernières années. Alors qu’ il y a quelques années, la chimiothérapie classique représentait la majorité des traitements, les thérapies moléculaires ciblées et les immunothérapies ont maintenant été ajoutées et joue un rôle de plus en plus important. En outre, il existe d’ autres formes de thérapie telles que les thérapies endocriniennes, la radiothérapie et les procédures d’ ablation locale. Les combinaisons thérapeutiques sont également courantes. Une distinction importante dans le traitement des effets secondaires est de savoir si la thérapie est curative ou palliative. Le but du traitement palliatif est de prolonger la vie du patient tout en préservant sa qualité de vie. Il est donc très important d’ éviter les effets secondaires qui affectent le patient. D’ autre part, les effets secondaires puissants sont plus susceptibles d’ être acceptés dans le cadre d’ une thérapie curative afin de pouvoir poursuivre la thérapie aussi complètement que possible.

Effets secondaires

Fréquence des effets secondaires
Il est difficile de se prononcer sur la fréquence des effets secondaires des thérapies oncologiques, car les enquêtes et les publications systématiques ne sont généralement effectuées que dans le cadre d’ études d’ enregistrement clinique. Les groupes de patients inclus dans les études diffèrent cependant souvent de la population de patients effectivement traités dans la vie clinique quotidienne, par exemple concernant l’ âge et les comorbidités. C’ est pourquoi, on observe parfois des fréquences d’ effets secondaires différentes. Cependant, les effets secondaires fréquemment attendus peuvent généralement être clairement différenciés des effets secondaires rares. C’ est le cas, par exemple, de la chute des cheveux, qui est très probable avec certaines chimiothérapies et peut presque être exclue avec d’ autres traitements. Des mesures préventives pour la gestion de la toxicité sont fermement intégrées dans les traitements actuels, par exemple l’ utilisation prophylactique d’ antiémétiques, prévenant généralement les nausées sévères. Un guide de pratique (1) publié par l’ European Society of Medical Oncology (ESMO) est disponible spécifiquement pour la prophylaxie antiémétique.

Classification des effets secondaires
Une autre distinction importante dans le cas des effets secondaires des thérapies oncologiques est la question de la durée ou de la réversibilité. Bien que de nombreux symptômes soient d’ une toxicité aiguë, il existe aussi des effets toxiques cumulatifs qui sont retardés, à long terme et parfois irréversibles. C’ est le cas, par exemple, de la neurotoxicité liée à l’ oxaliplatine, qui n’ apparaît souvent qu’ après quelques mois ou même après la fin du traitement et qui peut conduire à une altération significative de la vie quotidienne (2). En oncologie, les CTCAE (Common Terminology Criteria for Adverse Events) du National Institute of Health sont utilisés pour classifier le type et la gravité des effets secondaires (3). La gravité des effets secondaires est divisée en 5 degrés (tableau 1). En règle générale, seuls les effets secondaires du deuxième et du troisième degré sont cliniquement pertinents, car ils nécessitent souvent une pause ou un ajustement posologique de la chimiothérapie et doivent aussi souvent être traités. L’ exemple de la diarrhée le démontre bien. En effet, à partir d’ une diarrhée du deuxième degré (définie comme 4 à 6 selles liquides par jour), il y a une certaine baisse du niveau de vie quotidienne du patient. A partir d’ une diarrhée du troisième degré (définie comme > 7 selles liquides par jour), une perte importante de liquide est probable et une hospitalisation devrait être envisagée. Le tableau 2 résume les urgences oncologiques, nécessitant en général une hospitalisation.

Effets secondaires courants de la chimiothérapie
Les effets secondaires les plus fréquents de la chimiothérapie, quelle qu’ en soit la nature, sont certainement des changements dans la numération globulaire ainsi que des troubles gastro-intestinaux tels que la diarrhée et la nausée. La raison vient du principe général de l’ inhibition de la prolifération, selon lequel les organes en régénération continuelle tels que la muqueuse gastro-intestinale ou le système hématopoïétique sont affectés au même titre que la tumeur. En raison de la fréquence de ces effets secondaires, il est logique que les médecins de premier recours traitants soient également familiers avec la façon de les traiter. Les directives de pratique librement accessibles de la Société européenne d’ oncologie médicale (ESMO) ainsi que la directive S3 sur la thérapie de soutien de la DGHO (4, 5) offrent une bonne assistance à cet égard. En outre, une brochure gratuite de la ligue Suisse contre le cancer sur le thème des thérapies tumorales médicamenteuses peut être utilisée comme un bon guide pour les patients et leurs proches (6).Pour le traitement de la diarrhée liée à la chimiothérapie, des mesures de soutien telles que des médicaments antidiarrhéiques tel que le lopéramide sont conseillées. Un autre bon exemple est la neutropénie. Une neutropénie passagère est un effet secondaire attendu pour de nombreuses chimiothérapies. On distingue la neutropénie modérée (neutrophiles entre 500 et 1000 / μl) et la neutropénie sévère (neutrophiles < 500 / μl). En principe, la neutropénie n’ exige aucune mesure obligatoire. Toutefois, l’ oncologue traitant doit être informé des valeurs de laboratoire avec preuve de neutropénie. S’ il y a un risque élevé de neutropénie fébrile, l’ oncologue traitant considérera déjà l’ utilisation du G-CSF au moment de planifier la chimiothérapie. Les facteurs de risque de neutropénie fébrile sont énumérés au tableau 3. Une neutropénie fébrile, c’ est-à-dire une simultanéité de la neutropénie et de fièvre (> 38,5°C ou > 38°C mesurés deux fois en périphérie), est une urgence oncologique et nécessite une hospitalisation immédiate, un diagnostic d’ infection ainsi qu’ un traitement par un antibiotique à large spectre. En principe, la fièvre est donc un signal d’ alarme chez les patients sous chimiothérapie et doit toujours être clarifié immédiatement.

Effets secondaires spéciaux
Certains des agents chimiothérapeutiques fréquemment utilisés ont un profil d’ effets secondaires très spécifique. Des mesures ou des contrôles concrets sont donc nécessaires. Les anthracyclines comme la doxorubicine sont souvent utilisées dans le traitement du cancer du sein. Ils sont susceptibles d’ être cardiotoxiques, avec une cardiotoxicité aiguë et cumulative. Par conséquent, les patients traités par des anthracyclines doivent être surveillés pour déceler d’ éventuels symptômes cardiaques. La cisplatine étant néphrotoxique, des contrôles réguliers de la fonction rénale sont nécessaires. Le traitement à la capécitabine (5-FU par voie orale) peut entraîner le syndrome main-pied : une kératinisation souvent douloureuse des surfaces internes des mains et des pieds. L’ utilisation de crèmes contenant de l’ urée peut être utile à cet égard. L’ oxaliplatine et les taxanes (docétaxel, paclitaxel) peuvent à leur tour provoquer des polyneuropathies périphériques avec engourdissements et des paresthésies des doigts et des orteils.

Les effets secondaires des agents immunothérapeutiques
Le principe d’ action de l’ immunothérapie diffère sensiblement des autres méthodes de traitement oncologique. Les inhibiteurs dits « checkpoint » sont des anticorps monoclonaux permettant de surmonter l’ immunité des lymphocytes T aux cellules tumorales en bloquant les récepteurs/ligands inhibiteurs. Cela conduit à la désinhibition du système immunitaire, qui peut désormais reconnaître la tumeur comme étrangère à l’ organisme et l’ attaquer. Selon ce principe d’ action, le spectre des effets secondaires des immunothérapies diffère considérablement des thérapies conventionnelles. L’ activation du système immunitaire peut entraîner des inflammations auto-immunes de divers organes. Les manifestations possibles sont une dermatite, une pneumonite, une colite, une hépatite ou une inflammation d’ organes endocriniens tels que la glande thyroïde ou la glande pituitaire. La fréquence des effets indésirables de haut grade liés au système immunitaire causés par les thérapies mono-immunes est de 7 à 18 % (7). Par conséquent, les patients sous immunothérapie doivent toujours faire l’ objet d’ une surveillance pour déceler les symptômes cliniques ainsi que les valeurs hépatiques. La TSH doit également être surveillée régulièrement. En ce qui concerne les urgences cliniques, il convient d’ insister en particulier sur la diarrhée, qui nécessite toujours une clarification chez les patients sous immunothérapie. En effet, une diarrhée persistante peut rapidement entraîner une déshydratation importante. Une cause infectieuse doit être écartée et, si l’ on soupçonne une colite auto-immune, un traitement aux corticostéroïdes doit être envisagé à un stade précoce. Par conséquent, en cas de diarrhée persistante, il faut toujours communiquer avec l’ oncologue traitant ou hospitaliser le patient.

Dr. med. Till Wallrabenstein

St. Claraspital AG
Tumorzentrum
Kleinriehenstrasse 30
4058 Basel

tumorzentrum@claraspital.ch

Prof. Dr. med. Dieter Köberle

St. Claraspital AG
Tumorzentrum
Kleinriehenstrasse 30
4058 Basel

tumorzentrum@claraspital.ch

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article

  • L’ évaluation initiale et le traitement des effets secondaires légers à modérés relèvent de la responsabilité du médecin de premier recours.
  • La neutropénie fébrile sous chimiothérapie ou la diarrhée persistante sous immunothérapie sont des exemples d’ urgences oncologiques graves nécessitant une hospitalisation.
  • En cas d’  incertitude concernant les effets secondaires rares et spéciaux, il faut communiquer avec l’  oncologiste traitant.

Thrombose veineuse profonde

La thrombose veineuse profonde est l’ une des deux manifestations (l’ autre est l’ embolie pulmonaire) de la maladie thromboembolique veineuse qui représente une des principales causes de morbidité et mortalité cardiovasculaire.
Le but de cet article est de réviser les connaissances concernant la prévention et le traitement de la TVP.

La thrombose veineuse profonde (TVP) est l’ une des deux manifestations (l’ autre est l’  embolie pulmonaire) de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) qui représente une des principales causes de morbidité et mortalité cardiovasculaire avec une prévalence dans la population générale de 1 - 2/1000 (1).
Bien qu’ une TVP puisse survenir secondairement à un facteur de risque transitoire (p.e. chirurgie, traumatisme, immobilisation prolongée, etc.) ou persistant (cancer, antécédents MTEV, thrombophilie, etc.), dans 20 à 40% des cas il n’ y a pas de facteur déclenchant évident. Dans ce cas nous parlons de TVP idiopathique ou non provoquée (2).
Les symptômes classiques d’ une TVP (douleur, œdème et rougeur) sont très aspécifiques et pour cette raison la suspicion de TVP doit toujours être confirmé par un test objectif. Le duplex veineux est le test de choix pour confirmer une TVP (3). Le but de cet article est de réviser les connaissances concernant la prévention et le traitement de la TVP.

Prévention

La plupart des patients hospitalisés ont au moins un facteur de risque de MTEV, et environ 40% ont trois facteurs de risque ou plus (tab. 1) (4). Sans une thromboprophylaxie adéquate, la prévalence de TVP chez les patients hospitalisés est d’ environ 10-20% chez les patients médicaux, 10 - 40% après chirurgie générale et 40-60% après chirurgie orthopédique majeure (notamment chirurgie pour prothèse de hanche, prothèse de genou et fracture du fémur) (tab. 2) (4).
En chirurgie orthopédique majeure, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ont longtemps représenté la pierre angulaire de la prévention de la MTEV (5). Les guidelines proposaient comme deuxième choix également l’ héparine non fractionnée à doses abaissées (HNF - DB), le fondaparinux, les AVK et même l’ Aspirine (5). La durée de la prophylaxie recommandée est de 35 jours post opératoires. Depuis quelques années, des nouveaux anticoagulants oraux directes (ACOD) sont disponibles (6). Rivaroxaban, apixaban et dabigatran ont démontré une efficacité et sécurité au moins superposable aux HBPM dans la prévention de la MTEV après chirurgie orthopédique (7, 8). A noter néanmoins que le dabigatran n’ a pas encore été autorisé en Suisse dans cette indication.
Dans les cas de chirurgie non orthopédique, les HBPM, le fondaparinux et l’ HNF-DB se sont révélés efficaces (9). Les ACOD n’ ont pas été testés et ne sont donc pas recommandés. La durée de l’ anticoagulation après chirurgies majeures telles que gastro-intestinales, gynécologique, cardio-thoracique, neurologique ou urologique devrait être d’ au moins 5 - 7 jours, mais à poursuivre jusqu’ à remobilisation complète (9). En cas de risque thrombotique élevé (p.e. chirurgie oncologique abdominale ou pelvienne), une prolongation de la prophylaxie jusqu’ à 4 semaines est recommandée (9).
Chez les patients médicaux, une thromboprophylaxie est également recommandée en cas de pathologie sévère aiguë (pneumonie, décompensation cardiaque, etc.), à mettre en balance avec le risque hémorragique du patient. Plusieurs modèles (scores) pour identifier les patients à risque thrombotique élevé ont été développés (10). HBPM, fondaparinux et HNF-DB sont recommandées par les guidelines (11) pour une durée de 10-14 jours. Les ACOD ne sont pas autorisés en Suisse dans cette indication.
Le bénéfice d’ une extension de la prophylaxie jusqu’ à 4 semaines a été démontré chez les patients âgés > 75 ans, de sexe féminin et avec mobilité réduite (12).
En parallèle d’ une prophylaxie pharmacologique ou en cas de contre-indication à celle-ci, des mesures de prophylaxie mécanique peuvent être utilisées de routine (11). Les bas de compression graduée, les appareils à compression intermittente, ou des pompes au niveau des pieds sont les systèmes les plus utilisés avec une efficacité équivalente (11).

Traitement

Traitement anticoagulant

Le traitement de la TVP se compose de trois phases (fig. 1):
initiale correspondant aux premiers 5 - 21 jours après le diagnostic ; au long terme (les premiers 3 - 6 mois) et traitement prolongé au-delà des premiers 3 - 6 mois. Les deux premières phases sont obligatoires pour tous les patients avec TVP, la troisième est à considérer pour les patients avec risque élevé de récidive thrombotique (3, 13).
Durant la phase initiale les patients bénéficient d’ un traitement parentéral (par HBPM, Fondaparinux ou HNF) avec un relais par AVK ou utilisent les ACOD à doses élevées (fig.1). L’ HBPM est le traitement parentéral de choix, mais le fondaparinux est une alternative également efficace. L’ HNF est préférable chez les patients avec insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 mL / min) (3, 13).
Pour le traitement au long terme les AVK ou les ACOD peuvent être utilisés. Ces derniers se sont révélés au moins aussi efficaces que les héparines et AVK avec l’ avantage d’ être donnés à dose fixe, sans nécessité de monitoring de laboratoire et avec moins d’ interactions avec la nourriture ou d’ autres médicaments pris en parallèle. Ils sont, de plus, probablement plus sûrs que le traitement par héparine / AVK, notamment en terme de risque hémorragique (14). Les ACOD doivent donc être considérés comme premier choix chez les patients présentant un épisode de TVP aiguë (3, 13). Etant éliminés principalement par les reins ils sont contre-indiqués en cas d’ insuffisance rénale sévère. Ils ne sont également pas recommandés en cas de poids supérieurs à 120 kg (6). Dans ces situations, les AVK sont préférables (3, 6, 13). Enfin, chez les patients avec TVP dans un contexte de cancer actif, un traitement avec HBPM seule pour au moins 3 - 6  mois est recommandé (3, 13). Le traitement par HBPM seule est supérieur au traitement par héparine / AVK avec une réduction du risque de récidive thrombotique d’ environ 50% (15). Deux études ont récemment démontré une non-infériorité de l’ edoxaban (16) et du rivaroxaban (17) par rapport aux HBPM dans le traitement des TVP cancer-associés mais au prix d’ une augmentation significative du risque de saignement majeur, surtout au niveau gastro-intestinal (15-17).

Thrombolyse

Le rationnel pour l’ utilisation de la thrombolyse dans les patients avec TVP est qu’ une résolution précoce de la thrombose pourrait empêcher le développement du syndrome post-thrombotique (SPT). Toutefois, le rôle de la thrombolyse a été considérablement réduit après la publication de l’ étude ATTRACT (18). Dans cette grande étude clinique, qui a recruté 692 patients avec TVP proximale aiguë, l’ ajout d’ une thrombolyse par cathéter à l’ anticoagulation n’ a pas réduit le risque de SPT mais a, par contre, accru le risque de saignement majeur (18). La thrombolyse doit donc être réservée à des cas sélectionnés (p.e. risque vital pour le membre à la suite d’ une TVP avec phlegmasie) (3, 13).

 Filtre veine cave inférieure

La pose d’ un filtre dans la veine cave inférieure est indiquée chez les patients présentant une TVP proximale aiguë avec contre-indication absolue à l’ anticoagulation thérapeutique. En dehors de cette indication la pose d’ un filtre n’ est pas indiquée (3, 13). Parmi les complications majeures nous retrouvons la thrombose du filtre et son déplacement qui peut compromettre un retrait ultérieur. Pour cette raison, l’ anticoagulation doit être débutée et le filtre retiré dès que possible.

Compression élastique

Le but de la compression est de soulager les symptômes veineux et éventuellement de prévenir le SPT. L’ efficacité des bas de compression dans la prévention du SPT a été remise en question par l’ étude SOX qui n’ a pas montré des bénéfices dans la prévention du SPT (19).
Toutefois, le port de bas de compression reste une option raisonnable pour contrôler les symptômes de TVP proximale aiguë (20). A noter que la compression doit être utilisée avec prudence chez les patients avec artériopathie grave des membres inférieurs.

Durée anticoagulation/prolongation du traitement

Après un premier épisode de TVP, le risque de récidive à 12 mois après arrêt de l’ anticoagulation est faible (1%) si l’ évènement était secondaire à un risque transitoire majeur (p.e. chirurgie); intermédiaire (4-5%) si secondaire à un facteur transitoire médical (p.e. maladie inflammatoire aiguë); élevé (jusqu’ à 9-10%) en cas de TVP non provoquée; très élevé (jusqu’ à 15-20%) en cas de facteurs de risque persistants (cancer actif, syndrome anticorps antiphospholipides et autre thrombophilie sévère).
Une durée d’ anticoagulation de 3 mois est recommandée après le premier épisode de TVP pour les patients avec faible risque de récidive (3, 13). Pour tous les autres patients, la durée de l’ anticoagulation doit être individualisée en considérant le risque de récidive sans anticoagulation (tab. 3), le risque hémorragique sous anticoagulation et les préférences du patient (3, 13).
En cas de prolongation du traitement, les ACOD à dosage standard et les AVK (INR 2,0-3,0) peuvent être utilisés. Deux études cliniques récentes ont montré l’ efficacité et la sécurité de l’ apixaban (21) et du rivaroxaban (22) à dosage abaissé (apixaban 2,5 mg, 2 x / j et rivaroxaban 10 mg, 1 x / j) après 6 mois de traitement standard (cf fig. 1).

Conclusion

La TVP représente une des principales causes de morbidité et mortalité cardiovasculaire. Chez les patients hospitalisés une prophylaxie adéquate doit être adopté en cas de facteurs de risque thromboemboliques. Les ACOD et les HBPM sont les molécules de premier choix en chirurgie orthopédique majeure. Les HPBM lors de toutes autre conditions de risque thromboembolique. Des mesures de prophylaxie non-pharmacologiques peuvent être utilisées en association avec les médicaments chez les patients à risque élevé ou comme alternative en cas de contre-indication à l’ anticoagulation.
Les ACOD ainsi que l’ association HBPM / AVK et l’ HBPM seule (chez les patients avec cancer actif) sont les options thérapeutiques disponibles pour le traitement de la TVP. La durée de l’ anticoagulation recommandée est de 3 mois si risque faible de récidive. Pour tous les autres patients, la durée de l’ anticoagulation doit être individualisée.

Cet article a été publié dans “info@coeur+vaisseau 5/2018.”

Dr Adriano Alatri

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service d’ Angiologie
Chemin de Mont-Paisible 18
1011 Lausanne

adriano.alatri@chuv.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

  • Chez les patients hospitalisés une prophylaxie adéquate doit être adoptée en cas de facteurs de risque thromboemboliques.
  • Les ACOD et les HBPM sont les molécules de premier choix pour la thromboprophylaxie en chirurgie orthopédique majeure. Les HPBM lors de toutes autres conditions de risque thromboembolique.
  • Les ACOD ainsi que l’ association HBPM/AVK sont les options thérapeutiques disponibles pour le traitement de la TVP.
  • L’  HBPM seule est le traitement de choix chez les patients avec TVP et cancer actif. L’ edoxaban et le rivaroxaban sont une alternative possible chez les patients à risque hémorragique faible.
  • La durée de l’ anticoagulation recommandée est de 3 mois en cas de faible risque de récidive. Pour tous les autres patients, la durée de l’ anticoagulation doit être individualisée.

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9 Gould MK, Garcia DA, Wren SM, Karanicolas PJ, Arcelus JI, Heit JA, Samama CM. Prevention of VTE in nonorthopedic surgical patients: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest. 2012; 141: e227S-e77S.
10 Stuck AK, Spirk D, Schaudt J, Kucher N. Risk assessment models for venous thromboembolism in acutely ill medical patients. A systematic review. Thromb Haemost. 2017; 117: 801-8.
11 Kahn SR, Lim W, Dunn AS, Cushman M, Dentali F, Akl EA, Cook DJ, Balekian AA, Klein RC, Le H, Schulman S, Murad MH. Prevention of VTE in nonsurgical patients: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest. 2012; 141: e195S-e226S.
12 Hull RD, Schellong SM, Tapson VF, Monreal M, Samama MM, Nicol P, Vicaut E, Turpie AG, Yusen RD. Extended-duration venous thromboembolism prophylaxis in acutely ill medical patients with recently reduced mobility: a randomized trial. Ann Intern Med. 2010; 153: 8-18.
13 Kearon C, Akl EA, Ornelas J, Blaivas A, Jimenez D, Bounameaux H, Huisman M, King CS, Morris TA, Sood N, Stevens SM, Vintch JR, Wells P, Woller SC, Moores L. Antithrombotic Therapy for VTE Disease: CHEST Guideline and Expert Panel Report. Chest. 2016; 149: 315-52.
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16 Raskob GE, van Es N, Verhamme P, Carrier M, Di Nisio M, Garcia D, Grosso MA, Kakkar AK, Kovacs MJ, Mercuri MF, Meyer G, Segers A, Shi M, Wang TF, Yeo E, Zhang G, Zwicker JI, Weitz JI, Buller HR. Edoxaban for the Treatment of Cancer-Associated Venous Thromboembolism. N Engl J Med. 2018; 378: 615-24.
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20 Kahn SR, Comerota AJ, Cushman M, Evans NS, Ginsberg JS, Goldenberg NA, Gupta DK, Prandoni P, Vedantham S, Walsh ME, Weitz JI, American Heart Association Council on Peripheral Vascular Disease CoCC, Council on C, Stroke N. The postthrombotic syndrome: evidence-based prevention, diagnosis, and treatment strategies: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation. 2014; 130: 1636-61.
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Véganisme et risque cardiovasculaire 

Le véganisme connaît un intérêt médiatique croissant en prônant un style de vie dépassant un régime exclusivement végétal favorable à la santé pour rejeter toute forme d’ exploitation animale. Basé sur un récent rapport de la Commission fédérale sur l’ alimentation, cet article décrit l’ insuffisance des évidences scientifiques pour recommander ce type de régimes pour la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires ischémiques.

Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végétal. Au-delà de ce simple choix alimentaire, le véganisme rejette par principes éthiques et philosophiques la légitimité de toute forme d’ exploitation animale. Selon ses adeptes les plus militants, le véganisme constituerait la solution à privilégier, dans le respect des animaux, de l’  environnement, tout en favorisant une alimentation équilibrée comme source de santé et de bien-être pour les humains. Au cours de ces dernières années, l’ activité et les revendications des mouvements véganes ont trouvé un écho de plus en plus large dans les médias, en suscitant débats et incertitudes chez les consommateurs qui montrent un intérêt croissant pour les conséquences sur leur santé de tout ce qu’ ils mangent.
La publication récente du rapport de la Commission fédérale de l’ alimentation intitulé «  Régimes végétaliens: analyse des avantages et des inconvénients sur le plan nutritionnel et pour la santé  »  a servi de base à la rédaction du présent article focalisé sur le risque cardiovasculaire (CV) des régimes véganes et sur les recommandations pour la prévention des maladies cardiovasculaires ischémiques (MCVI) (1).

Caractéristiques des régimes véganes

Par définition, un régime «  végane  »  exclut tout ingrédient d’ origine animale, mais dont le spectre des autres nutriments peut varier. Ce type de régime se différencie donc des autres formes de régimes tels que :
a) «  végétarien  »  ou «  ovo-lacto-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception du lait, des composants du lait tels que le lactose, des œufs, des composants de l’ œuf et du miel ;
b) «  ovo-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception des œufs, des composants de l’ œuf et du miel ;
c) «  lacto-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception du lait, des composants du lait et du miel.
d) «  végétalien  »  si aucun ingrédient d’ origine animale n’ est présent.
La suppression de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessitant d’ être remplacés par d’ autres sources alimentaires ou par supplémentation pour s’ assurer d’ une alimentation équilibrée (Tab. 1).
De nombreuses études européennes publiées depuis 2015 ont examiné les régimes véganes et calculé l’ apport des nutriments en s’ appuyant sur des listes d’ aliments spécifiques des pays concernés. En ce qui concerne les macronutriments, les valeurs de consommation moyennes satisfont souvent aux recommandations nutritionnelles générales. Toutefois, leur variabilité est très importante, ce qui peut s’ avérer problématique dans le cas des apports en protéines. Selon le peu d’ études ayant collecté des données sur l’ ingestion de fruits et légumes, il apparaît qu’ en moyenne, l’ apport journalier recommandé (trois portions de légumes et deux portions de fruits) est couvert, mais là encore avec une très grande variabilité de cette consommation. Ces éléments laissent supposer qu’ il n’ y a pas de preuve qu’ un régime végane soit toujours associé à un apport riche en fruits et légumes. C’ est pourquoi, il est difficile de présumer qu’ un régime végétalien procure de facto les avantages de ce mode alimentaire sur la santé. Or, il s’ agit là d’ un des axiomes de la plupart des prises de position en faveur d’ un régime végane (1, 2).
Les données relatives aux micronutriments sont souvent limitées par le manque d’ informations spécifiques concernant les choix alimentaires des sujets d’ études, ainsi que le type et les doses des supplémentations. La plupart des études montrent que la supplémentation en vitamine B12, bien que nécessaire, n’ est que partiellement suivie (50-70  % des participants), ce qui peut occasionner un risque CV accru. Si d’ autres carences sont possibles (vitamine D, calcium, etc.) à l’ inverse, par comparaison aux omnivores, les véganes montrent des apports et un profil sanguin plus riches en micronutriments tels que le magnésium, les vitamines C, B1 et B6, l’ acide folique, les caroténoïdes et les polyphénols, d’ où un potentiel bénéfique pour la santé.
En somme, les régimes véganes bien planifiés pourraient couvrir les besoins énergétiques et nutritionnels, mais ils exigent de très bonnes connaissances nutritionnelles, ainsi qu’ une supplémentation basée sur un monitoring sanguin régulier des micronutriments les plus importants.

Prévalence du véganisme, caractéristiques et motivations de ses adeptes

En Europe, il est estimé que 2 à 5  % de la population suivent un régime végétarien, végane inclus. En Suisse, la récente enquête de l’ association Swissveg a fait état de 11 % de végétariens et de 3 % de véganes parmi les 1296 personnes âgées de 15 à 74 ans sondées en 2017. Ces résultats contrastent fortement avec les données de l’ étude menuCH de 2015 comptant 2000 participants adultes, puisque la prévalence des végétariens s’ est chiffrée à 1.77 % et celle des véganes à 0.38  %. Des données plus précises manquent, mais selon les Enquêtes suisses sur la santé, il apparaît qu’ entre 1992 et 2017 la proportion de personnes déclarant ne jamais manger de viande a tout de même triplé, passant de 2 à 6 %.
Les différents sondages montrent, qu’ en Suisse aussi, il s’ agit avant tout de femmes jeunes jouissant d’ un bon niveau de formation et habitant ou travaillant plutôt en ville. Leurs principales motivations de renoncer à la viande correspondent au bien-être des animaux (78 %), ainsi qu’ à des considérations éthiques (60 %) et écologiques (58 %). Mais seuls 35 % d’ entre elles ont invoqué la santé.

Régimes véganes et leur impact sur le risque cardiovasculaire

Privilégiant la consommation de fruits, de légumes, de fibres et d’ hydrates de carbone, l’ apport réduit en graisses et graisses saturées, ainsi que l’ éviction des protéines animales, notamment de viande rouge et de charcuterie, les régimes véganes ont montré, par comparaison aux régimes omnivores, des effets plutôt positifs sur les lipides sanguins, le poids et le contrôle glycémique. Ceci peut présager d’ un impact favorable sur le risque de maladies cardiovasculaires ischémiques (MCVI), de type cardiopathie ischémique (CPI) ou accident cérébrovasculaire (AVC).
Historiquement, Key TJ et al avaient publié en 1999 les résultats d’ une analyse groupée de 5 études prospectives de cohorte faisant état d’ une diminution, toutefois non-significative, des taux de mortalité par CPI (-26  %), ainsi que par AVC (-30 %) chez les personnes véganes par comparaison aux personnes omnivores (3). Largement reportés comme étant favorables, en dépit des limitations méthodologiques majeures, ces données méritent cependant d’ améliorer le niveau d’ évidence scientifique en faveur du véganisme. Or, la revue de littérature scientifique établie jusqu’ en 2018 ne recense malheureusement aucune étude d’ intervention de type RCT, ce qui permettrait de valider adéquatement le bénéfice des diètes véganes sur le risque de MCVI. De fait, l’ essentiel des connaissances actuelles repose sur des études observationnelles.
A ce jour, nous ne disposons malheureusement d’ aucune étude observationnelle ayant cherché à déterminer si les régimes véganes pourraient être associés à une incidence réduite d’ un premier évènement CV, qu’ il s’ agisse d’ une CPI ou d’ un AVC. Bien que l’ opinion générale, voire même certaines prises de position, accordent volontiers des vertus bénéfiques aux régimes véganes, des recherches plus approfondies s’ imposent clairement afin de prouver les avantages potentiels de tels régimes pour la prévention ou le traitement des MCVI (2). En revanche, le risque de mortalité CV associé spécifiquement aux régimes véganes a pu être analysé dans les trois études mentionnées dans le tableau 2 (4-5). Se basant sur les données de «  l’ Adventist Health Study-2 » , une grande étude prospective de cohorte réalisée auprès de 73 308 membres de la communauté adventiste nord-américaine, dont 5 548 véganes et 35 359 omnivores, Orlich MJ et al ont rapporté des résultats contradictoires au terme des 5.6 ans de suivi (4). Alors qu’ ils ont observé une réduction statistiquement significative du taux de mortalité CV globale (-42 %) et coronarienne (-55 %) chez les hommes, ce fut l’ inverse chez les femmes au vu d’ une augmentation non significative de ces risques atteignant respectivement + 18 % et + 39 %.
Ces données contrastent fortement avec les résultats d’ Appleby PN et al découlant des 2 études de cohortes prospectives « l’ Oxford Vegetarian Study » et « l’ EPIC-Oxford Cohort Study »  (5). Poolées pour cette analyse, ces 2 cohortes totalisèrent 60’310 personnes recrutées au sein de la population de Grande Bretagne, dont 2 258 exclusivement véganes et 18  431 omnivores suivis pendant 15 ans ou plus. Globalement, le risque de mortalité coronarienne fut légèrement réduit (-10 %) chez les véganes par comparaison aux omnivores, alors que le risque fut nettement accru, mais de manière non significative, tant pour la mortalité par AVC (+ 61 %) que par mortalité CV globale (+ 21 %).
Ces études de cohorte comportent toutes trois diverses limitations méthodologiques qui affaiblissent le niveau d’ évidence en faveur des bénéfices, voire des désavantages liés aux régimes véganes sur le risque CV.
En conclusion, les données scientifiques acquises à ce jour demeurent trop incertaines pour préconiser les régimes véganes tant à titre de prévention que de traitement des MCVI. C’ est sans doute une des raisons principales au fait que de tels régimes n’ ont pas été inclus dans les recommandations alimentaires pour la prévention des MCVI édictées par les Sociétés suisses, européennes américaines de cardiologie.

Pr Roger Darioli

Président de la Fondation Suisse Nutrition Santé
5, chemin des Fleurs
1007 Lausanne

roger.darioli@unisante.ch

L’ auteur n’ a aucun lien d’ intérêt financier, ni de connivence avec les mouvements véganes, les défenseurs de la cause animale ou les producteurs de viande, pas plus qu’ avec l’ industrie alimentaire. De plus, cet article a été rédigé en toute indépendance, sans aucune contribution financière. De même, le rapport du groupe d’ expert de la Commission fédérale de l’ alimentation a été rédigé en toute indépendance sur la base des connaissances scientifiques publiées entre 2007 et 2018.

  • Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végétal considéré comme source de santé pour les humains, en rejetant toute forme d’ exploitation animale par principes éthiques et philosophiques.
  • La suppression de la viande, du poisson, des oeufs et des produits laitiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessitant
    d’ être remplacés par d’ autres sources alimentaires et par supplémentation pour prévenir le risque de carences nutritionnelles préjudiciables à la santé, notamment cardiovasculaire.
  • A ce jour nous ne disposons d’ aucune publication scientifique ayant évalué l’ influence d’ un régime végane sur la prévention primaire des MCVI. Seul le risque de mortalité CV a été analysé dans trois études prospectives de cohorte qui ont produit des résultats opposés entre bénéfices et risques. Vu l’ absence d’ évidence scientifique suffisante, le véganisme ne figure pas dans les recommandations alimentaires pour la prévention et le traitement des MVCI.

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Le régime alimentaire FODMAP

Le syndrome du côlon irritable (SCI) ou en anglais «irritable bowel syndrome» (IBS) est un trouble complexe du tractus gastro-intestinal qui se manifeste par des douleurs abdominales associées à des changements dans la composition et/ou la fréquence des selles et constitue un problème très courant dans le cabinet du médecin de premier recours. Le régime dit low-FODMAP, pauvre en oligo-, di- et monosaccharides fermentescibles et en polypoles, est une thérapie nutritionnelle fondée sur les preuves pour les patients souffrant de troubles intestinaux irritables. Dans cet article, les mécanismes d’action possibles de cette forme d’alimentation et son application pratique sont présentés.

On estime que le SCI est à l’  origine de 25 à 50 % des consultations externes dans un cabinet de gastroentérologie. L’  incidence du SCI est similaire dans de nombreux pays malgré des modes de vie différents et se situe entre 5 et 20 %. Le SCI est plus fréquent chez les femmes (surtout celles de moins de 50 ans). Selon la prédominance des symptômes, le SCI peut être divisé en trois types principaux : Diarrhée accentuée (IBS-D), constipation accentuée (IBS-C) ou mixte (IBS-M) avec alternance entre diarrhée et constipation. Un autre symptôme très courant est la flatulence et un ventre gonflé.

Étiologie

L’  étiologie du SCI est très probablement multifactorielle et n’  est pas encore entièrement comprise. Un changement (sensibilisation/interruption) dans l’    axe cerveau-intestinal entraîne des changements dans la motilité et la sécrétion gastro-intestinales et provoque une hypersensibilité viscérale. En outre, des facteurs génétiques, psychologiques, des infections et des modifications du microbiome intestinal, des inflammations et des intolérances alimentaires sont susceptibles de jouer un rôle en modifiant la fonction de barrière intestinale et en augmentant la perméabilité intestinale.

Diagnostic

Il n’  existe actuellement aucun test permettant de diagnostiquer clairement le SCI. Le diagnostic du syndrome du côlon irritable est basé sur des critères cliniques et peut être posé après exclusion de certains signaux d’  alarme et examens spécifiques. Les critères de Rome (actuellement Rome IV) continuent de s’  appliquer et permettent d’  établir un diagnostic dans les conditions suivantes: Les douleurs abdominales doivent être survenues pendant au moins un jour de la semaine au cours des trois derniers mois et être associées à au moins deux des trois critères suivants : selles, changements dans la fréquence des selles, changements dans la morphologie des selles. Les symptômes doivent avoir commencé il y a au moins
6 mois (1). Il faut décider individuellement de l’  importance du diagnostic dans chaque cas, mais en règle générale, il est recommandé de déterminer un taux de calprotectine dans les selles pour exclure une maladie inflammatoire chronique de l’  intestin ainsi qu’  une sérologie de la maladie coeliaque dans le sang. Souvent, cependant, d’  autres tests, y compris une iléo-coloscopie et l’  œsophagogastroduodénoscopie, sont effectués (2).

Thérapie

Le traitement pharmacologique se limite habituellement à l’  utilisation de médicaments symptomatiques. Les analgésiques, les anti-diarrhéiques, les spasmolytiques, les laxatifs, les antidépresseurs tricycliques, les antibiotiques et les probiotiques sont utilisés avec un succès moyen. Outre les approches thérapeutiques pharmacologiques, les thérapies comportementales et les hypnothérapies jouent également un rôle.

Nutrition

Jusqu’  à 70 % des patients atteints de SCI signalent une aggravation des symptômes après avoir consommé certains aliments comme le lait et les produits laitiers, le blé, les oignons, les haricots, les épices, le chou et autres. Les mécanismes potentiels par lesquels les aliments peuvent entraîner des symptômes de SCI sont un réflexe gastrocolique excessif, une influence accrue de l’  eau dans l’  intestin grêle dans les composants alimentaires osmotiquement actifs (par exemple les sucres non absorbables) et la fermentation bac-térienne de polysaccharides et polyols à chaîne courte mal absorbables dans le colon. Seule une fraction des patients atteints de SCI souffrent d’  intolérances ou d’  allergies alimentaires réelles. C’  est pourquoi on essaie depuis de nombreuses années de trouver une option thérapeutique pour les patients atteints du SCI par le biais de la nutrition. Une approche thérapeutique très efficace, éprouvée dans de multiples études randomisées, est maintenant disponible depuis plusieurs années grâce à une intervention médicale nutritionnelle : La ré-duction des aliments contenant du FODMAP dans le régime alimentaire ou «régime pauvre en FODMAP». Une méta-analyse récente a montré 9 essais comparatifs randomisés qui ont démontré l’  efficacité de ce régime (3).

FODMAP

La majorité des patients souffrant de troubles du côlon irritable signalent une aggravation des symptômes après avoir mangé. La langue vernaculaire sait depuis longtemps que «chaque petit haricot donne un petit son» mais ces dernières années, des recherches approfondies, menées notamment par le groupe de recherche du professeur Peter Gibson à Melbourne/Australie, ont permis de différencier plus précisément les composants alimentaires qui peuvent entraîner une aggravation des symptômes chez les patients souffrant de troubles du colon irritable (par exemple les oligosaccharides dans les haricots). Ce groupe d’  aliments a été résumé sous l’  acronyme «FODMAP» qui signifie «fermentable oligo-, di-, monosaccharides and polyols». Selon leur degré de polymérisation, les glucides peuvent être divisés en mono-, di-, oligo- et polysaccharides. Certains glucides peuvent être fermentés, c’  est-à-dire qu’  ils fermentent dans le côlon en raison de l’  absence ou de la concentration réduite d’  enzymes hydrolysantes (p. ex. lactase) ou, dans le cas des monosaccharides, par absorption incomplète dans le petit et le gros intestin. Au cours de ce processus, des gaz bactériens (en particulier de l’  hydrogène et du méthane) sont produits, ce qui peut donner lieu à diverses plaintes. Habituellement, la dilatation des parties de l’  intestin grêle ainsi que l’  hypersensibilité viscérale provoquent une sensation de flatulence.

Tous les FODMAP sont identifiés par les critères suivants

1. Une mauvaise absorption dans l’  intestin grêle résulte soit d’  une faible capacité de transport de l’  épithélium (fructose), d’  une activité réduite des hydrolases dans les villosités (lactose), de l’  absence d’  hydrolases spécifiques (fructanes, galactanes) ou de la présence de molécules trop grandes pour la diffusion (polyols).
2. De petites molécules et donc osmotiquement actives. Cet effet peut être observé, par exemple, dans un FODMAP synthétique, le lactulose, qui a un effet laxatif en augmentant le liquide dans le contenu luminal et en modifiant la motilité intestinale.
3. Une fermentation rapide par les bactéries. La vitesse de fermentation des glucides par les bactéries est déterminée par la longueur de leur chaîne: les oligo- et disaccharides (sucre ménager = saccharose, sucre lactique = lactose) sont fermentés très rapidement par rapport aux polysaccharides comme les fibres hydrosolubles. Les saccharides non résorbés déclenchent un effet osmotique qui entraîne un afflux d’  eau dans l’  iléon et le colon. De plus, ils sont métabolisés dans le côlon par décomposition bactérienne en acides gras à chaîne courte, méthane, dioxyde de carbone et hydrogène, ce qui entraîne la formation de gaz qui provoque des flatulences et – en raison de la pression accrue sur la paroi intestinale – une douleur abdominale.
Les différents FODMAP, illustrés avec des exemples, sont disposés dans la (fig. 1).

Implémentation du régime Low FODMAP

Si un diagnostic de syndrome du côlon irritable a été posé, un test facultatif pour le lactose et/ou le fructose peut être effectué en utilisant un test respiratoire H2. Toutefois, ce test n’  est pas obligatoire et certains auteurs recommandent de s’  en passer car, dans la phase initiale de réduction du FODMAP, le lactose et le fructose sont également réduits de manière significative et, selon la tolérance, sont réintroduits ultérieurement. En général, il est recommandé que la thérapie soit accompagnée par une diéticienne qualifiée. Le concept du régime FODMAP est expliqué au début de la consultation nutritionnelle et les aspects individuels sont pris en compte (par ex. intolérances connues, habitudes alimentaires). Des listes positives et négatives sont remises aux patients afin de faciliter le choix de l’  aliment correct. Monash University a lancé la première application pour smartphone en 2012 pour aider les patients à adhérer au régime FODMAP. Après une première analyse nutritionnelle, une réduction ou une omission complète de tous les aliments contenant du FODMAP est généralement effectuée sur une période de six à huit semaines (phase d’  élimination). Si les symptômes du patient s’  améliorent, une réponse est présumée. Par la suite, il est possible de réintroduire l’  un après l’  autre des aliments des groupes FODMAP respectifs (phase de réexposition) pour tester la tolérance individuelle (par ex. miel ou pomme pour le fructose). Chaque FODMAP supplémentaire doit être testé pendant quelques jours avant d’  être éliminé ou complété par d’  autres aliments, et il est utile de tenir un journal des symptômes. Il est ainsi possible d’  élaborer un régime alimentaire adapté aux intolérances individuelles, plus équilibré qu’  un régime strictement pauvre en FODMAP. S’  il n’  y a pas d’  amélioration, la phase de restriction peut être prolongée et/ou des facteurs nutritionnels supplémentaires (par ex. gluten, alcool, etc.) peuvent être discutés. Il est important d’  avoir des attentes réalistes à l’  égard de la thérapie et de savoir que malgré un changement de régime alimentaire, il peut toujours y avoir des plaintes. Tout le monde ne peut pas être à l’  abri des symptômes, mais le régime à faible teneur en FODMAP est actuellement la méthode de traitement nutritionnel la mieux éprouvée pour le syndrome du côlon irritable.

Les chances de succès et les risques de la thérapie FODMAP

Les critiques à l’  égard d’  un régime alimentaire pauvre en FODMAP tiennent surtout au fait que la plupart des études ont tendance à être à court terme et qu’  aucun effet à long terme n’  est donc garanti. Un autre point important de la critique est qu’  en réduisant les prébiotiques tels que les fructanes ou les GOS (galacto-oligosaccharides), les substrats du microbiome intestinal sont réduits et peuvent causer un changement dans la composition et la fonction du microbiome, en particulier des bifidobactéries. Les effets des changements à long terme dans le microbiome ne sont pas clairs. Cependant, il est rare qu’ un régime trop strict entraîne des symptômes de carence, surtout lorsqu’ il y a un suivi par   une diéticienne expérimentée. Bien que les recommandations diététiques générales chez les patients atteints du SCI puissent améliorer les symptômes, le régime à faible teneur en FODMAP présente une réponse chez jusqu’  à 75 % des patients atteints du SCI(4) et peut donc être utilisé comme traitement de première ligne chez les patients atteints du SCI.

Dr Martin Wilhelmi

Gastroenterologie Praxis
8032 Zürich

martin.wilhelmi@bluewin.ch

Pr Stephan Vavricka

Zentrum für Gastroenterologie und Hepatologie
Vulkanplatz 8
8048 Zürich

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

  • Le régime à faible teneur en FODMAP est une thérapie nutritionnelle fondée sur des données probantes pour les patients atteints du syndrome du côlon irritable. Il existe au moins 10 études randomisées et contrôlées qui en confirment l’  efficacité.
  • Jusqu’  à 75 % des patients qui sont disposés à modifier leur régime alimentaire y réagissent.
  • Le régime à faible teneur en FODMAP doit être supervisé par une diététicienne expérimentée.
  • Le app Monash-University est utile dans la mise en œuvre pratique (FODMAP-App : https://www.monashfodmap.com/i-have-ibs/get-the-app/)
  • Les limites du régime alimentaire sont l’  absence de données à long terme et les changements possibles dans le microbiome intestinal.

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Syndrome du côlon irritable

La prévalence du syndrome du côlon irritable (SCI) est estimée à environ 11 % à l’ échelle mondiale et 5 à 10 % en Europe (1, 2). Le SCI est l’ un des dysfonctionnements gastro-intestinaux les plus courants, il est même responsable de 50 % des visites chez le médecin de famille et de 25 % des visites chez le gastro-entérologue (3, 4). Les principaux symptômes du SCI sont des douleurs abdominales, des irrégularités des selles et des flatulences, souvent associées à d’ autres troubles fonctionnels, somatiques et psychiatriques. La qualité de vie des pa-tients atteints du SCI est aussi sévèrement réduite que celle des patients ayant une maladie cardiovasculaire. Ce syndrome a une influence considérable sur la capacité de travail et de la santé publique (5, 6).

Critères diagnostiques

Les nouveaux critères de la classification ROME IV ont entraîné un changement de paradigme. Les maladies gastro-intestinales associées à l’absence de causes somatiques décelables sont maintenant appelées troubles de l’interaction entre le système nerveux central et le tractus gastro-intestinal. Cette appellation et basée sur les résultats de recherches actuelles qui montrent une interaction complexe des processus pathophysiologiques au cours du développement des symptômes (7). Les critères actuels de ROME IV pour le diagnostic fondé sur les symptômes du SCI sont présentés au tableau 1.
Les changements les plus importants par rapport aux précédents critères de ROME III sont la présence obligatoire de douleurs abdominales pendant la défécation et une modification des habitudes fécales. L’ expression «malaise abdominal» a été jugée trop générale.
De plus, l’ amélioration des symptômes du SCI après défécation a été abandonnée au profit d’ un changement des symptômes associés à la défécation dans les critères de ROME IV, car de nombreux patients atteints de SCI avaient également éprouvé des douleurs pendant ou après la défécation et signalé une aggravation des symptômes après défécation (8).
Tandis que les critères de ROME III exigeaient des «douleurs abdominales» au moins 3 jours par mois, les critères de ROME IV exigent la présence de «douleurs abdominales» au moins un jour par semaine au cours du dernier mois. La sensibilité des critères de ROME IV diminue par rapport à ROME III (0,637 vs. 0,731), mais la spécificité augmente (0,971 vs. 0,931), ce qui signifie un nombre inférieur de patients atteints du SCI qui sont mal diagnostiqués (9). Les sous-types du SCI, atteints de diarrhée (SCI-D), de constipation (SCI-C) et le type mixte (SCI-M) ou indéterminé (SCI-I) restent inchangés dans les nouveaux critères de ROME IV (10).

Analyses cliniques et diagnostiques

Le diagnostic du SCI demeure un défi malgré la recommandation de renoncer aux outils diagnostiques de laboratoire et d’imagerie en l’ absence de signes d’ alarme (11). Les résultats des recherches actuelles indiquent une interaction complexe entre processus inflammatoires, perméabilité intestinale accrue, hypersensibilité viscérale, dysbiose, «joint hypermobility», facteurs génétiques et modification de l’ axe cerveau-intestin, mais il manque encore des biomarqueurs qui permettent de poser le diagnostic du SCI (2).
L’ identification des symptômes d’ alarme (âge > 50 ans, perte de poids importante, sang provenant de l’ anus, fièvre, anémie ferriprive peu claire et antécédents familiaux de carcinome du côlon, de maladie coeliaque ou de maladie inflammatoire chronique de l’ intestin (MICI)) est importante dans le diagnostic en raison de sa valeur prédictive négative. Ainsi, la combinaison des critères de ROME remplis et de l’ absence de signes d’ alarme permet un diagnostic de SCI fiable (9, 12, 13). Néanmoins, tant les médecins que les patients sont souvent très désécurisés, ce qui conduit souvent à de nouveaux tests diagnostiques inutiles (14-17).
La première année au cours de laquelle les symptômes du SCI se manifestent est cruciale : l’ exclusion de maladies systémiques pertinentes est importante à ce moment là, car l’ incidence du cancer du côlon, des MICI ou de la colite microscopique augmente dès la première apparition de symptômes du SCI (11, 18) (tab. 2).
L’ exclusion de la maladie coeliaque est particulièrement recommandée chez les patients atteints de SCI-D, car une grande méta-analyse y a montré une probabilité 4 fois plus élevée d’ une présence de maladie coeliaque (19).
L’ analyse non invasive et rentable de la calprotectine dans les selles peut être utile pour distinguer le SCI d’ une MICI, car le risque de MICI lors de taux de calprotectine inférieurs à 40ug/g est extrêmement faible (< 1 %) (20, 21).
Il existe des différences significatives entre les recommandations européennes et américaines pour la coloscopie. Pour le cancer du côlon et les MICI, de vastes études, en partie non prospectives, montrent que seulement 1 % des patients présentant des symptômes typiques du SCI sans signe d’ alarme présentent en fait des néoplasies du côlon ou une MICI (22-24). Sur la base de ces études, la coloscopie aux Etats-Unis n’ est effectuée que sur des patients de plus de 50 ans, en règle générale pour un dépistage. Dans les recommandations européennes, une coloscopie avec biopsies pour exclure la colite microscopique ou une MICI est déjà recommandée pour les patients plus jeunes avec un diagnostic initial de SCI-D (11, 17, 18).
Chez les femmes présentant des symptômes de SCI, un examen gynécologique, y compris une échographie vaginale, est indiqué (18). Bien qu’ il n’ existe aucune preuve concernant l’ utilisation de l’ échographie abdominale dans le diagnostic du SCI, il s’ agit d’ une méthode rapide et rentable pour exclure les pathologies abdominales grossières. Si l’examen de base reste négatif, il convient de renoncer à d’ autres diagnostics et de communiquer et expliquer en détail au patient le diagnostic du SCI. Une réévaluation anamnestique soigneuse à la recherche de signes d’aggravation ou de modifications importantes des symptômes aggravés ou sévèrement modifiés, un examen physique ciblé et un suivi régulier à long terme sont des éléments clés d’ une prise en charge pertinente du SCI.

Prise en charge du SCI – éviter le «furor medicus»

Un grand nombre de patients souffrant de problèmes gastro-intestinaux fonctionnels peuvent être examinés et traités avec succès par leur médecin de famille (25). La prise en charge dans des consultations gastro-entérologiques spécialisées est généralement assurée pour les cas difficiles, présentant des facteurs psychologiques et psychosociaux supplémentaires et des manifestations extra-intestinales (maux de tête et de dos, symptômes urogénitaux, troubles du sommeil, fibromyalgie, dépression). Ces facteurs sont de plus en plus souvent considérés dans la littérature comme des indicateurs d’ une évolution plus grave de la maladie (26, 27).
Les patients atteints du SCI se plaignent souvent d’ un manque d’ empathie, de temps et de compréhension des symptômes décrits ci-dessus de la part de leur médecin traitant. En retour, les médecins sont frustrés par des plaintes persistantes, des consultations d’ urgence fréquentes et la demande d’ autres tests diagnostiques de la part du patient. En l’ absence d’ expérience dans le traitement du SCI, les tests diagnostiques répétitifs et, dans le pire des cas, la chirurgie non indiquée peut entamer un cercle vicieux qui peut conduire à un traitement inadéquat, voire nuisible pour les patients atteints du SCI (28-30). Dans la prise en charge du SCI, il est donc recommandé d’ appliquer un schéma échelonné, qui tient compte à la fois des symptômes et de la gravité du SCI (tab. 3).
Le fondement d’ un traitement efficace du SCI est une relation médecin-patient stable. La médiation et l’ explication (verbale et non verbale) convainquante du diagnostic par le médecin traitant ont une influence décisive sur l’ évolution de la maladie. Une attitude nihiliste à l’ égard des possibilités thérapeutiques doit être évitée à tout prix.
Une communication empathique, centrée sur le patient avec une explication claire du diagnostic et de la pathophysiologie, l’ application de questions ouvertes dans l’ anamnèse, l’ exploration de la compréhension de la maladie de la part du patient et l’ inclusion de celui-ci dans les décisions thérapeutiques servent d’ outil efficace pour améliorer la satisfaction du patient et le succès thérapeutique du SCI (31-34).
L’ étape suivante, en cas de symptômes persistants, est l’ identification de facteurs déclenchants dans les aliments, l’ exclusion des intolérances alimentaires (intolérance au lactose et au fructose) et la recommandation d’un régime riche en fibres alimentaires. De plus, des conseils nutritionnels peuvent être ajoutés pour établir un régime transitoire FODMAP (oligo-, di- et monosaccharides fermentables ; voir aussi l’article de Whilelmi et al. publié dans ce numéro), ce qui peut contribuer à l’ amélioration des symptômes chez certains patients atteints du SCI. Selon les données actuelles, un régime probatoire sans gluten n’ est pas recommandé (35).
Dans le cas de troubles persistants et plus graves, il est recommandé d’ adopter une stratégie de traitement qui soit adaptée au symptôme principal du SCI et éventuellement à tout trouble extra-intestinal existant, y compris les stratégies de traitement psychopharmacologique et interdisciplinaire (tab. 3). Dans la littérature, le succès thérapeutique général de la pharmacothérapie du SCI est estimé entre 8 et 22 % par rapport au placebo (35).

SCI-D

Dans le traitement du SCI-D, le lopéramide est souvent utilisé comme thérapie à court terme. Il n’ a cependant aucun effet sur les douleurs abdominales (36).
Les antagonistes de 5HT3 tels que l’ odansétron montrent une bonne efficacité dans l’ amélioration de la diarrhée, mais pas dans les douleurs abdominales et les ballonnements (35, 36).
Bien que la rifaximine soit un traitement efficace, sûr et à faibles effets secondaires pour la surcroissance bactérienne soupçonnée dans le SCI-D, son efficacité est limitée en raison d’ un taux de récidive élevé et de la nécessité d’ une nouvelle thérapie (37).
Les liants d’acides biliaires (p. ex. la cholestyramine) sont souvent utilisés de façon empirique. Jusqu’ à présent, leur efficacité n’ a été démontrée que dans de petites études non contrôlées (35). Dans la pratique quotidienne, l’ utilisation d’ un agent de gonflement (caoutchouc Sterculia) comme élément de base prouve souvent sa valeur dans le traitement du SCI-D.

SCI-C

Augmenter la teneur en fibres en utilisant par exemple du psyllium ou des laxatifs osmotiques est une option thérapeutique efficace et économique pour améliorer la consistance et la fréquence des selles, bien que les ballonnements et les douleurs ne soient souvent pas améliorés.
Les nouveaux médicaments tels que la lubiprostone, le linaclotide ou du plécanatide montrent une bonne efficacité en ce qui concerne les plaintes de constipation, la douleur et les ballonnements. Cependant, la diarrhée et la nausée sont des effets secondaires courants. Le prucalopride en tant que représentant des agonistes de 5HT4 n’ est approuvé que pour le traitement de la constipation chronique. Néanmoins, il a également des effets positifs sur les douleurs abdominales et les ballonnements dans le SCI-C (35, 37).

Thérapie psychopharmacologique du SCI

Les symptômes SCI graves, réfractaires au traitement et présentant des troubles psychiatriques et extra-intestinaux devraient mener à orienter le patient vers un spécialiste et à le soutenir dans le cadre d’ une consultation spécialisée. L’ utilisation de psychotropes est souvent nécessaire. Les antidépresseurs tricycliques ou les ISRS ont un effet bénéfique non seulement sur les symptômes dépressifs, mais aussi sur l’ insomnie et la douleur (11). L’ efficacité de la gabapentine et de la prégabaline n’ a pas été prouvée dans le SCI, mais elles sont souvent utilisées chez les patients présentant des symptômes d’ anxiété (38).

Options de traitement non pharmacologique en cas de SCI sévère

La thérapie cognitivo-comportementale est l’ option thérapeutique non pharmacologique la plus validée pour une amélioration globale et à long terme des symptômes du SCI avec un «nombre nécessaire à traiter» de (NNR) = 3. L’ hypnothérapie est également efficace pour l’ amélioration globale des symptômes du SCI avec un NNR = 4. Le manque de thérapeutes spécialisés (39) est un facteur limitant dans l’ application de ces thérapies prometteuses.

Dr Henriette Heinrich

Gastroenterologie et Hépatologie UniversitätsSpital
8091 Zurich

Pr Werner Schwizer

Gastroenterologie et Hépatologie UniversitätsSpital
8091 Zurich
Gastroenterologie-Zentrum
Klinik Stephanshorn
Brauerstrasse 95
9016 St-Gall

werner.schwizer@hin.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d‘intérêts en relation avec cet article.
Cet article est une traduction de l’article publié dans « der informierte arzt » 8/2017

  • Le respect des critères de ROME et l’ absence de signes d’ alarme permettent un diagnostic fiable d’ un SCI.
  • Après un examen de base aucun autre examen diagnostique des
    symptômes du SCI ne devrait être effectué.
  • Une relation médecin-patient stable et une communication centrée sur le patient améliorent la satisfaction du patient et l’ évolution de la maladie.
  • Dans la thérapie du SCI, un schéma échelonné devrait être utilisé avec réassurance, pharmacothérapie selon les symptômes et en cas de progressions sévères, le recours aux psychotropes.
  • La thérapie cognitivo-comportementale et l’ hypnothérapie sont des mesures efficaces pour améliorer les symptômes sévères du SCI.

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