L’ insuffisance rénale chronique est une maladie longtemps silencieuse, dont le diagnostic précoce est primordial afin d’ établir une prise en charge et des traitements permettant d’ en ralentir la progression et de diminuer la morbi-mortalité associée. Une approche multidisciplinaire est indispensable.
L’ insuffisance rénale chronique (IRC) est une maladie très prévalente et grevée d’ un haut taux de morbi-mortalité, particulièrement cardiovasculaire(1). La détection des patients qui en souffrent n’ est toutefois pas aisée, puisque la maladie rénale chronique reste silencieuse jusque dans les stades avancés. Il existe néanmoins plusieurs mesures permettant de ralentir sa progression, raison pour laquelle il est important de la rechercher activement, surtout chez les patients à risque. Par ailleurs, même si cette prise en charge précoce ne permet pas d’ éviter l’ évolution vers l’ insuffisance rénale dite terminale, c’ est-à-dire nécessitant le recours à la dialyse ou/et à la transplantation rénale, elle diminue la morbi-mortalité associée à l’ IRC.
Classification de l’ Insuffisance Rénale Chronique
Afin d’ aider le médecin dans sa prise en charge des patients insuffisants rénaux chroniques, une classification tenant compte à la fois de la valeur du débit de filtration glomérulaire (DFG) mais également de l’ albuminurie, a été développée. Cette classification caractérise la maladie rénale en 5 stades de sévérité croissante, indépendamment de la néphropathie sous-jacente (Table 1)(2).
L’ IRC est définit par la société internationale de néphrologie- KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcomes) comme une altération de la fonction rénale avec un DFG < 60 ml / min/1.73 m2 et/ou de la structure rénale depuis au moins 3 mois, une albuminurie > 30 mg / j, des anomalies du sédiment urinaire, une dysfonction tubulaire, des anomalies structurelles à l’ imagerie rénale, ou la transplantation rénale.
Le DFG est le meilleur index de la fonction rénale. Plusieurs équations pour le calcul du DFG ont été développées au cours des années (Cockcroft-Gault, MDRD, etc). L’ équation CKD-EPI est la plus fiable et est largement utilisée depuis 2009(3). Le DFG est exprimé en ml / min / 1.73 m2. La valeur est donc ajustée à une surface corporelle standardisée ce qui permet de l’ estimer sans connaitre le poids et la taille du patient. Chez les patients avec des surfaces corporelles très différentes, il est important de désajuster la valeur du DFG à la surface corporelle afin d’ obtenir une valeur représentative de la filtration glomérulaire notamment pour l’ adaptation des doses de médicaments. Par ailleurs, la formule CKD-EPI utilisée prend en compte la créatininémie. La valeur de créatinine dépendant de la masse musculaire, cette équation n’ est pas suffisamment précise si elle est utilisée chez un patient cachectique, obèse ou dénutri. Dans ces différents cas, on utilisera alors une variante l’ équation CKD-EPI basée sur la cystatine C (4). Plusieurs calculateurs sont disponibles en application (Qxmd calculate, etc).
Etiologie de l’ Insuffisance Rénale Chronique
L’ anamnèse détaillée permettra de rechercher des antécédents médicaux tels qu’ une hypertension ou un diabète, une histoire de maladie lithiasique, une anamnèse familiale positive de maladie rénale, des antécédents d’ infections urinaires à répétition, d’ hématurie, d’ œdèmes, ainsi que des symptômes systémiques compatibles avec une maladie immunologique ou inflammatoire. Il ne faut pas oublier la prématurité, la pré éclampsie, la prise chronique médicamenteuse et les épisodes d’ insuffisance rénale aigüe, à rechercher dans les antécédents. L’ examen clinique est assez peu spécifique hormis la palpation des reins polykystiques, mais doit comporter une mesure soignée de la tension artérielle, ainsi que la recherche de souffles cardiaques et vasculaires ainsi que d’ éventuelles lésions cutanées. Les causes les plus fréquentes d’ insuffisance rénale chronique dans la population sont le diabète et l’ hypertension. A elles deux, ces pathologies comprennent environ 60% des causes d’ IRC. Néanmoins, ce chiffre est surestimé en raison de la difficulté à différencier une hypertension primaire d’ une hypertension secondaire à une maladie rénale. En revanche, les glomérulonéphrites et les néphrites interstitielles sont sous-diagnostiquées.
Le bilan biologique a pour but de préciser le diagnostic suspecté par l’ anamnèse et l’ examen clinique ainsi que d’ évaluer les conséquences de l’ IRC. Le bilan de départ doit comprendre la recherche d’ une anémie, de troubles électrolytiques, acido-basiques et du métabolisme phosphocalcique, de même qu’ un sédiment urinaire complet. Le sédiment urinaire permettra de rechercher une hématurie voire de l’ identifier comme glomérulaire ou non-glomérulaire (selon les laboratoires). Par ailleurs, le rapport protéinurie/créatininurie sera quantifié par un spot urinaire. Un bilan immunologique, une immunoélectrophorèse des protéines à la recherche d’ une gammapathie monoclonale ainsi qu’ un dépistage des sérologies virales HIV, HBV et HCV doivent être considérés. L’ analyse structurelle des reins (taille, épaisseur corticale, différentiation corticomédullaire, kystes, rein unique) ainsi que leur vascularisation sera précisée par un ultrason de l’ appareil urinaire, qui permettra également d’ exclure une cause obstructive. Une biopsie rénale sera envisagée dans le syndrome néphrotique d’ origine non diabétique, dans les glomérulonéphrites rapidement progressives ou si l’ étiologie de l’ insuffisance rénale n’ est pas claire malgré les examens.
Prise en charge
Une fois le diagnostic établi, le traitement peut être spécifique comme par exemple un traitement immunosuppresseur dans la néphrite lupique ou métabolique comme le contrôle optimal du diabète dans la néphropathie diabétique. Dans toutes les situations, la prise en charge des patients souffrant d’ insuffisance rénale chronique comporte des mesures « néphroprotectrices » afin de ralentir la progression de la maladie. Parmi celles-ci, le traitement de l’ hypertension est essentiel, car son impact est le plus important sur la progression de l’ IRC. Les cibles de l’ hypertension ont été récemment révisées. Les guidelines européennes de 2018 préconisent de viser une tension artérielle systolique comprise entre 130 et 139 mmHg(5). Au-delà de cette cible, un traitement antihypertenseur sera introduit, en association avec des mesures hygiéno-diététiques telles que l’ activité physique et la restriction en apport sodé (< 5g de sel/24h). Les inhibiteurs de l’ enzyme de conversion (IEC) et du système rénine-angiotensine (SRA) seront à prescrire en priorité, en raison de leur effet néphroprotecteur démontré. Les deux autres interventions qui freinent la progression sont la restriction protéique et la correction de l’ acidose métabolique. La restriction protéique modérée (0.8 g de protéines / kg poids corporel / jour) comporte peu de risque de malnutrition, et est facile à implémenter(6). Une restriction plus importante, plus efficace, nécessite un suivi diététique et se discute de cas en cas.
Un point primordial de la prise en charge est l’ éviction des néphrotoxiques, qu’ il s’ agisse de médicaments (ex. AINS), de l’ exposition au produit de contraste (dans la mesure du possible), ou de situations pouvant engendrer une déshydratation aigue, elle-même responsable d’ une insuffisance rénale aigue. Le patient doit être éduqué afin qu’ il prenne l’ habitude de stopper transitoirement ses traitements anti hypertenseurs, ou ses diurétiques en cas de diarrhées, vomissements, ou lors de fortes chaleurs, ou qu’ il discute avec son médecin traitant l’ introduction de nouveau médicament par un tiers. En effet, il est indispensable d’ être attentif lors de la prescription des médicaments à leur mode d’ élimination et d’ adapter la dose en cas d’ élimination rénale. L’ éduction thérapeutique prend ici toute son importance pour amener le patient à comprendre sa maladie et son évolution, les enjeux du traitement et l’ amener à devenir actif dans sa prise en charge médicale. Par ailleurs, les recommandations KDIGO préconisent la prescription d’ une statine chez tous patients de plus de 50 ans connu pour une IRC, quelles que soient les valeurs du bilan lipidique en raison du risque cardiovasculaire très élevé associé à l’ IRC.
Traitement
L’ IRC se complique de plusieurs perturbations biologiques, qui peuvent être corrigées par des adaptations que ce soit au niveau diététique ou des traitements. Ces adaptations sont essentielles même si elles ne modifient pas toutes la progression vers l’ insuffisance rénale terminale. Elles modifient en revanche la morbi-mortalité cardiovasculaire et la qualité de vie.
L’ anémie rénale est un diagnostic d’ exclusion (7). Elle est rare au-dessus d’ un DFG de 30 ml / min / 1.73 m2 (8). Avant de retenir le diagnostic d’ anémie rénale, des carences en vitamine B12, folates et fer doivent être exclues. Par ailleurs, la recherche de spoliation doit être effectuée si l’ anamnèse ou les antécédents le font suspecter. Une cause hématologique doit également être évoquée. A noter que la carence martiale se définit chez le patient IRC par une ferritine < 300-500 µg / l associée à une saturation de la transferrine < 30%. Le cas échéant, la substitution martiale s’ administre de préférence par voie intraveineuse. Après correction des carences, si l’ anémie persiste, le traitement consiste en des injections d’ EPO, pour viser une valeur d’ hémoglobine comprise entre 100 et 115 g / l. Les injections se font par voie sous-cutanée.
Une autre complication fréquente en cas d’ IRC est la survenue d’ hyperkaliémie. En plus du défaut d’ excrétion rénale, plusieurs médicaments régulièrement prescrits dans l’ IRC peuvent augmenter le risque (ex : IEC, SRA, spironolactone…)(9). Une diminution des aliments riches en potassium (fruits et légumes essentiellement) doit être conseillée avec si nécessaire une consultation diététique. Il n’ est pas rare qu’ il faille stopper des médicaments hyperkaliémants voire de prescrire des résines qui captent le potassium digestif. Une surveillance régulière de la kaliémie est nécessaire.
L’ hyperphosphatémie favorise les calcifications vasculaires et est associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire (10). Il est donc essentiel de la corriger même s’ il est difficile de démontrer l’ impact des interventions sur la mortalité. L’ apport de phosphates étant exogène, une consultation diététique sera très utile afin de conseiller le patient sur les aliments et boissons à éviter. Cette consultation devra se faire en tenant compte des autres ajustements diététiques mentionnés ci-dessus (apports protéiques, apports en potassium, etc). Si l’ approche diététique est insuffisante, deux types de chélateurs du phosphate sont à notre disposition. Tout d’ abord, les chélateurs calciques : ceux-ci comportent un risque augmenté de calcification vasculaire surtout si l’ apport de calcium élémentaire est supérieur à 1500 mg/j (alimentation comprise). Leur utilisation est conseillée aux patients présentant une hypocalcémie ou un bilan calcique négatif. Les chélateurs non calciques sont préférés en cas d’ hypercalcémie. Leur efficacité n’ est pas supérieure, mais les risques d’ hypercalcémie sont diminués. Leurs effets sur les calcifications vasculaires montrent une tendance favorable mais les évidences sont faibles. En revanche, les prix sont nettement plus élevés et leur prescription peut être restreinte (ou non remboursée) chez le patient non dialysé. N’ étant pas absorbés, ils sont généralement bien tolérés mais des effets secondaires digestifs tels des douleurs abdominales, une constipation ou des nausées peuvent survenir. L’ acidose métabolique est également une complication de l’ insuffisance rénale (11). Elle se définit par une valeur de bicarbonates inférieure à 22 mmol / l. L’ acidose métabolique peut aggraver une hyperkaliémie. Nous recommandons une correction par l’ administration de bicarbonates per os, en visant un taux sanguin normal (12). La correction de l’ acidose métabolique ralentit la progression de l’ IRC, réduit la déminéralisation osseuse, et améliore le bilan nutritionnel.
Quand l’ IRC s’ aggrave, l’ avis du spécialiste peut devenir nécessaire (Table 2)(13). Le néphrologue pourra également aborder au cours de sa consultation, les sujets de la substitution rénale par la dialyse ou la transplantation rénale au moment opportun.
L’ insuffisance rénale chronique nécessite donc une prise en charge globale afin d’ en ralentir la progression.
Dre Cyrielle Alves
HUG, Service de Néphrologie
Département des Spécialités de Médecine
4, rue Gabrielle Perret Gentil
1211 Genève 14
cyrielle.alves@hcuge.ch
Pr Pierre-Yves Martin
HUG, Service de Néphrologie
Département des Spécialités de Médecine
4, rue Gabrielle Perret Gentil
1211 Genève 14
Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.
La détection précoce de l’ IRC est essentielle afin de ralentir sa progression.
L’ éviction de tout néphrotoxique est indispensable.
Un bon contrôle biologique permettra de diminuer la survenue de complications cardiovasculaires.
1. Webster et al. Chronic Kidney Disease. Lancet 2017;389(10075):1238-1252.
2. KDIGO 2012 Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Management of Chronic Kidney Disease
3. AS Levey et al. A new equation to estimate glomerular filtration rate. Ann Intern Med. 2009;150(9):604-12.
4. Dharnidharka et al. Serum cystatin C is superior to serum creatinine as a marker of kidney function: A meta-analysis. Am J Kidney Dis 2002;40:221-6.
5. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Journal of Hypertension 2018
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10. Palmer, Gardner M Tonelli. Phosphate-Binding Agents in Adults With CKD: A Network Meta-analysis of Randomized Trials. Am J Kidney Dis 2016 (68)
11. Kraut N. Madias. Metabolic acidosis of CKD: an update. Am J Kidney Dis 2016 ;67(2):307-17.
12. A Rossier et al. Sodium bicarbonate to slow the progression of chronic kidney disease. Rev Med Suisse 2011;7(284):478-82.
13. NA Smart et al. Early referral to specialist nephrology services for preventing the progression to end-stage kidney disease. Cochrane Database of Systematic Reviews 2014
Situation de départ :
Un pianiste de 56 ans atteint de diabète sucré de type 2 vient passer un examen médical. En tant que pianiste et chef d’ orchestre, il a un style de vie irrégulier et refuse toute mesure de sang capillaire. Il aime manger, son poids est stable, mais il aimerait perdre du poids (fig. 4). Il est physiquement actif et nage un kilomètre par jour.
Quelles sont les options pour abaisser l’ HbA1c ?
1. Remplacement de la combinaison metformine / inhibiteur de la DPP-4 par celle de la metformine + des inhibiteurs de SGLT-2, par exemple l’ empagliflozine. Il peut être plus aisé pour le patient de prendre une combinaison de médicaments, Jardiance Met®. Effets secondaires possibles: balanite, éventuellement pollakiurie (augmentation du volume urinaire, CAVE syndrome de la prostate obstructive).
Effets positifs cardiovasculaires et rénaux et perte de poids (fig. 1)
RL: Participation d‘Advisory Boards et honoraires de conférencier avec Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca. ME: Frais de voyage et de congrès d’Eli Lilly et Ipsen.
La qualité de vie est la meilieure thérapie.
Sans insuffisance cardiaque, les GLP-1-RA sont la meilleure solution pour les patients souffrant d’obésité et d’hyperplasie prostatique.
Utilisation principale des bloqueurs GLP-1-RA et de SGLT-2 avant l’ insulinothérapie.
Pensez à toutes les classes de médicaments et choisissez la sub-stance ou la combinaison avec les meilleures données probantes en fonction des priorités du patient.
Les patients diabétiques ont un très haut risque de développer une complication cardiovasculaire telle qu’ un infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque ou un accident vasculaire cérébral. La survenue de ces complications est responsable d’ un excès de mortalité chez ces patients par rapport à la population générale. Du point de vue rénal, le risque d’ insuffisance rénale chronique (IRC) chez les sujets avec un diabète de type 2 (DM 2), est d’environ 35%. En Suisse, comme dans l’ ensemble des pays développés, le diabète constitue aujourd’ hui la première cause d’ insuffisance rénale terminale (IRT) chez les patients de plus de 50 ans (1).
L’ hypertension artérielle est l’ un des facteurs de risques les plus importants pour l’ apparition d’ évènements cardiovasculaires (CV) ainsi que pour la progression des maladies rénales. Dans l’ insuffisance rénale, la prévalence de l’ hypertension est élevée et augmente avec la baisse de la filtration glomérulaire pour atteindre une prévalence de l’ ordre de 80 à 90% aux stades les plus avancés. Chez les patients diabétiques, l’ hypertension est fréquemment associée à une perturbation du rythme circadien caractérisée par une augmentation de la pression artérielle nocturne et une perte de la baisse physiologique de la pression la nuit (dipping). L’ absence de « dipping » est en elle-même associée à une augmentation des atteintes d’ organes cibles. Chez les diabétiques, on constate aussi une prévalence élevée d’ hypertension artérielle masquée, environ 40%. L’ hypertension masquée est définie comme une pression artérielle normale au cabinet médical mais élevée hors du contexte médical.
Selon les recommandations de la Société Européenne d’ Hypertension, la prise en charge de tout patient hypertendu doit tenir compte non seulement des valeurs de pression artérielle mais aussi des comorbidités et du risque cardiovasculaire (CV) du patient (2). Ce dernier est influencé par trois facteurs : 1) le niveau des valeurs de la pression artérielle, 2) la présence d’ autres facteurs de risque CV et 3) la présence d’ un diabète ou d’ une insuffisance rénale ou l’ existence d’ une atteinte d’ organes cibles (IRC, insuffisance cardiaque ou accident vasculaire cérébral). Selon ces critères, les patients diabétiques sont à haut risque et doivent impérativement être traités pour l’ ensemble de leurs facteurs de risque. Sur le plan du traitement antihypertenseur, il est aujourd’ hui recommandé de débuter avec un bloqueur du système rénine-angiotensine (RAS) car c’ est le meilleur moyen de baisser simultanément la pression artérielle et la protéinurie. Si une combinaison médicamenteuse est nécessaire pour atteindre les valeurs cibles, l’ association d’ un bloqueur du RAS et d’ un anticalcique semble préférable à l’ association d’ un bloqueur du RAS et d’ un diurétique.
Néphropathie diabétique
La néphropathie diabétique évolue progressivement sur des années et la progression de l’ atteinte rénale diabétique est influencée par de nombreux facteurs métaboliques, génétiques et hémodynamiques (3). Sur le plan de la clinique et du laboratoire, elle se manifeste initialement par une augmentation de la pression artérielle et une augmentation de la filtration glomérulaire due à une hyperfiltration. Puis, apparaît une micro-albuminurie qui va progresser vers une macro-albuminurie et une détérioration plus ou moins rapide de la fonction rénale (diminution de 5 à 10 ml / min / année du taux de
filtration glomérulaire en l’ absence de prise en charge) (tab. 1).
Le but de la néphroprotection est de ralentir voire de stopper cette progression en intervenant à plusieurs niveaux. D’ abord, par une bonne prise en charge des facteurs de risque comme le tabagisme, l’ obésité et l’ inactivité physique. Ensuite, par un bon contrôle des glycémies qui est essentiel pour prévenir l’ ensemble des complications liées au diabète. Et enfin, par la réduction de la protéinurie et le contrôle de la pression artérielle. Le contrôle glycémique est également crucial pour prévenir l’ ensemble des complications micro- et macro-vasculaires du diabète, y compris la néphropathie.
Aujourd’ hui, on peut considérer qu’ il existe deux piliers importants pour protéger la fonction rénale des patients souffrant d’ un diabète de type 2, à savoir le blocage du système rénine-angiotensine et l’ inhibition du co-transport sodium/glucose au niveau rénal par les inhibiteurs de SGLT2. Ces deux approches seront discutées ci-dessous.
Les bloqueurs du système rénine-angiotensine :
la base de la prévention
Le blocage du système rénine-angiotensine permet non seulement de baisser la pression artérielle systémique mais aussi de réduire la pression intraglomérulaire en induisant une vasodilatation de l’ artériole efférente. Par ce biais, les inhibiteurs du RAS diminuent l’ hyperfiltration qui est une cause reconnue de sclérose des glomérules. C’ est par ces 2 mécanismes conjoints que les bloqueurs du système rénine-angiotensine ont démontré un effet protecteur, qu’ il s’ agisse des inhibiteurs de l’ enzyme de conversion ou des antagonistes des récepteurs de l’ angiotensine 2.
Trois grandes études cliniques ont démontré que le blocage des récepteurs de l’ angiotensine 2 diminue le risque d’ IRT chez les patients avec un diabète de type 2 et que l’ on peut ralentir la progression de la néphropathie en partie indépendamment du contrôle de la pression artérielle. Il s’ agit des études IDNT (Irbesartan Diabetic Nephropathy Trial) (4), RENAAL (Effets du losartan chez les patients diabétiques de type 2 avec une néphropathie) (5) et IRMA (Irbesartan et micro albuminurie chez les patientes hypertendus et diabétique type 2) (6). Depuis la publication de ces études clés, de nombreuses études ont confirmé l’ observation en utilisant d’ autres médicaments de la même classe ainsi que des inhibiteurs de l’ enzyme de conversion (IEC) de l’ angiotensine.
Pour rappel, IDNT était une étude randomisée qui a inclus 1715 patients hypertendus avec une néphropathie diabétique dans le cadre d’ un diabète de type 2 (4). Les patients ont reçu soit de l’ irbesartan (300 mg par jour), soit de l’ amlodipine (10mg par jour), soit un placebo. La cible du traitement était une pression artérielle ≤ 135 / 85 mmHg dans tous les groupes. Les paramètres principaux observés étaient le doublement de la créatinine sérique de référence, l’ évolution vers l’ insuffisance rénale terminale ou la survenue d’ un décès. La durée moyenne du suivi était de 2,6 ans. Les résultats ont montré que le risque de progression de l’ insuffisance rénale, ou de survenue d’ un décès est de 20% inférieur chez les patients qui ont reçu de l’ irbe-sartan par rapport au groupe placebo est de 23% inférieur par rapport au groupe amlodipine.
L’ étude RENAAL, également randomisée et conduite en double aveugle, a inclus 1513 patients et comparait le losartan (50 à 100 mg une fois par jour) à un placebo en plus d’ un traitement antihypertenseur standard comprenant, selon besoin, un antagoniste du calcium, un diurétique et un alpha- ou bêta-bloquant (5). Ces patients ont été suivis pour une moyenne de 3,4 ans. Les objectifs étaient les mêmes que dans IDNT. Les résultats ont montré que le losartan diminue l’incidence du doublement de la créatinine (réduction du risque relatif de 25%) et de l’insuffisance rénale terminale (réduction de 28%) mais qu’il n’a eu aucun effet sur le taux de mortalité global. Finalement, la protéinurie a été réduite de 35% par rapport au groupe placebo. Il est important de relever que l’ administration d’ un ARB ou d’ un IEC s’ associe souvent à une élévation initiale de la créatininémie. Cependant, une étude réalisée avec le losartan, a démontré une association positive entre la diminution initiale de l’eGFR et la préservation de la fonction rénale.
Finalement, l’ étude IRMA a inclus 590 patients hypertendus souffrant de diabète type 2 et présentant une micro-albuminurie. Elle a comparé l’ irbesartan (150 mg ou 300 mg / jour) à un placebo. Les patients ont été suivis pendant 2 ans et les résultats ont montré que l’irbesartan diminue la micro-albuminurie et prévient le développement d’ une macro-albuminurie indépendamment de son effet hypotenseur (6).
Ces études sont donc à la base des recommandations de prescrire les inhibiteurs du système rénine-angiotensine chez les patients avec une atteinte rénale diabétique. Toutefois, malgré ces données importantes, près de la moitié des patients avec une néphropathie diabétique continue de péjorer leur fonction rénale avec le temps, ce qui suggère qu’ il reste encore des possibilités d’ améliorer la néphroprotection du patient diabétique.
Les inhibiteurs de SGLT2 : une nouvelle opportunité de prévention rénale
Au cours de dernières années, de nombreux médicaments anti-diabétiques ont été développés et mis sur le marché. Parmi eux, certains ont démontré des propriétés néphroprotectrices et les résultats les plus impressionnants ont été obtenus avec les inhibiteurs de la réabsorption de glucose (SGLT2) au niveau du tubule proximal du rein (7). En effet, les inhibiteurs de SGLT2 induisent une glucosurie qui entraîne d’ une part une baisse des glycémies et de l’ hémoglobine glyquée comparable aux antidiabétiques oraux classiques comme la metformine, et d’ autre part une diminution de la pression intra-glomérulaire par réduction du diamètre des artérioles afférentes qui amènent le sang dans les glomérules. En outre cette classe de médicaments diminue le poids, abaisse la pression artérielle systolique et diastolique (de 4 à 6 et de 1 à 2 mm Hg respectivement) (8), ce qui peut avoir un impact favorable sur les complications rénales et cardio vasculaires liées au diabète. Les effets secondaires les plus fréquents sont les infections génitales (mycoses vaginales essentiellement).
L’ étude EMPA-REG (empagliflozine, cardiovascular outcome and mortality in type 2 diabetes) publiée récemment dans le New England Journal of Medicine, a étudié les effets cardiovasculaires et rénaux de l’ empagliflozine chez les patients diabétiques de type 2, en comparant 10 et 25 mg d’ empagliflozine administré deux fois par jour à un placebo (9). Cette étude a inclus 7020 patients suivis pour une moyenne de 3 ans. L’objectif principal était l’ impact sur la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité globale. Les critères d’évaluation étaient un composite de mortalité cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. L’ étude a aussi investigué les impacts rénaux de ce nouveau traitement tels que le doublement de la créatinine sérique, la progression de la protéinurie, le besoin de dialyse etc. Les résultats ont montré une réduction significative du risque relatif de mortalité cardiovasculaire de 38%, une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 35% et une réduction de la mortalité globale de 32% chez les patients traités avec empagliflozine. En outre, au plan rénal, les bénéfices ont été importants avec une diminution du risque relatif de progression de l’ insuffisance rénale de 39%, y compris chez les patients qui avaient déjà une atteinte rénale (10). La diminution de la progression vers une macroalbuminurie était de 38% et le besoin de dialyse a été réduit de 55% durant la période d’ évaluation. Plus récemment, des résultats similaires ont été publiés avec la canagliflozine dans l’ étude CANVAS (Canaglifozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes) dans laquelle 10 142 patients diabétiques et avec un risque cardiovasculaire élevé, ont été randomisés pour recevoir soit 100 mg de canagliflozine soit un placebo (11). Dans cette étude, le risque relatif de péjoration de la fonction rénale était réduit de 47% et la diminution de la protéinurie était de 18%. Toutefois, le risque d’ amputation semblait plus élevé chez les patients recevant la canagliflozine.
Il est important de signaler que ces bénéfices de néphroprotection obtenus avec les gliflozines l’ ont été chez des patients déjà traités avec une dose maximale d’ un bloqueur du système rénine-angiotensine. Cela indique donc que les effets bénéfiques de l’ inhibition de SGLT2 sont additifs à ceux des inhibiteurs du système rénine-angiotensine comme indiqué dans la figure 1. Cela s’ explique par le fait que les gliflozines agissent sur l’ artériole afférente alors que les inhibiteurs du système rénine-angiotensine agissent sur le glomérule et sur l’ artériole efférente.
Conclusion
La protection rénale constitue aujourd’ hui un aspect très important de la prise en charge des patients diabétiques car l’ insuffisance rénale augmente considérablement le risque de mortalité dans cette population. Les bloqueurs du système rénine-angiotensine associés aux mesures diététiques et au contrôle de la glycémie sont les piliers de la néphroprotection. Toutefois, les résultats récents obtenus avec les inhibiteurs de SGLT2 démontrent que l’ on peut améliorer la néphroprotection de manière significative en les combinant avec le traitement standard actuel. L’ association d’ un bloqueur du système rénine-angiotensine avec un inhibiteur de SGLT2 devrait devenir le traitement de choix pour prévenir la progression de la néphropathie diabétique.
Pr Michel Burnier
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service de néphrologie et hypertension
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne
michel.burnier@chuv.ch
Dr Arlène Ghajarzadeh Wurzner
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service de néphrologie et hypertension
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne
Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.
Tout patient diabétique devrait avoir une évaluation rénale une fois par année au minimum avec un calcul de la filtration glomérulaire estimée (eGFR) et une mesure de l’ albuminurie.
Une prise en charge multidisciplinaire peut aider à améliorer la qualité de vie du patient diabétique, en détectant les problèmes plus tôt.
La combinaison d’ inhibiteur de SGLT2 et d’ un bloqueur du RAS semble apporter une meilleure protection rénale dans le diabète de type 2.
Références:
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Les avancées dans le domaine de la pathogénèse du psoriasis au cour de la dernière décennie, ont abouti au développement de nombreux nouveaux traitements biologiques, ciblant les étapes clés de la pathogenèse. Dans cette revue, nous analyserons le mécanisme d’ action, l’ efficacité et le profil de sécurité de ces nouveaux médicaments.
Le psoriasis est une dermatose auto-immune, chronique, qui peut être associée aux comorbidités systémiques, notamment l’ arthrite psoriasique ou un risque accru pour des évènements cardiovasculaires et qui affecte 2-3% de la population. La recherche au cours de la dernière décennie a permis de mieux comprendre le processus immunitaire impliqué et, en association avec les nouvelles technologies, le développement de thérapies ciblées aux étapes clés de la pathogenèse. Ces traitements ont changé radicalement la prise en charge de patients atteints de psoriasis modéré à sévère, notamment grâce à leur efficacité. Dans cette revue, nous analyserons le mécanisme d’ action, l’ efficacité et le profil de sécurité des nouveaux médicaments biologiques.
Pathogénèse
Le psoriasis est une maladie auto-immune, médiée par les cellules T et des cytokines pro-inflammatoires (1, 2). La majorité des patients souffre d’ un psoriasis en plaques. Les lésions typiques sont des plaques érythémato-squameuses, bien délimitées, qui peuvent couvrir de larges ou plus petites zones du corps (fig 1). Le modèle physiopathologique actuel propose que ce phénotype de psoriasis soit déclenché par des cellules dendritiques dermiques, qui sont activées et produisent des cytokines (Tumor nécrosis factor, TNF, et IL-23) et stimulent l’ activation de cellules CD4+ Th17 et CD8+ Tc17 (3). Une fois activées, ces lymphocytes T, migrent dans l’ épiderme, où ils reconnaissent des autoantigènes épidermiques, comprenant la kératine 7, le peptide antimicrobien LL37 et l’ antigène mélanocytaire ADAMTSL5, et produisent l’ IL-17 et l’ IL-22 (4-11). Les cytokines Th17 vont générer la réponse proliférative de kératinocytes et amplifier la réponse inflammatoire (par production de chémokines et de peptides antimicrobiens), ainsi établissant le phénotype psoriasique.
Le psoriasis pustuleux palmoplantaire (PPPP), le psoriasis pustuleux généralisé (PPG) et l’ acrodermatite continue de Hallopeau constituent un autre phénotype psoriasique, distinct du psoriasis en plaques, le psoriasis pustuleux (fig 1). Concernant ce phénotype, une autre voie inflammatoire a été récemment identifiée, impliquant des mutations de l’ antagoniste du récepteur de l’ IL-36 (IL-36RN) (12, 13), qui aboutissent à une signalisation accrue de l’ IL-36, et à une production accrue d’ IL-1 (14).
Concernant la phase précoce de psoriasis et les formes aiguës de la maladie, telles que le psoriasis érythrodermique et le psoriasis en gouttes, une autre voie inflammatoire qui est basée sur l’ expression de l’ interféron de type I (IFN-α) et a été récemment identifiée. Les cellules dendritiques plasmacytoïdes , une sous-population de cellules dendritiques, secrètent d’ importantes quantités d’ IFN de type I
dans la peau pré-psoriasique, et stimulent l’ activation chronique des cellules dendritiques dermiques (15). Cette voie inflammatoire, liée à l’ IFN de type I est dominante à la phase précoce de psoriasis et est par la suite remplacée dans les plaques chroniques par l’ inflammation liée aux TNF-IL-23-Th17 (16). L’ IFN de type I est également impliqué dans le psoriasis paradoxal, soit le psoriasis induit par les inhibiteurs du TNF-α. Des lésions psoriasiques aiguës peuvent survenir (paradoxalement) comme un effet indésirable chez 2 à 5% des patients sous traitement anti-TNF. Il a été récemment démontré que l’ IFN de type I est élevée en raison du blocage du TNF et que le psoriasis paradoxal est induit par les anti-TNF en l’ absence d’ auto-immunité médiée par les lymphocytes T (17). Le traitement anti-TNF utilisé doit être interrompu dans le psoriasis paradoxal et, si possible, remplacé par un traitement anti-IL-12/23 ou anti-IL-17.
Donc, il existe au moins trois voies inflammatoires distinctes qui peuvent conduire à des phénotypes cliniques distincts dans le psoriasis : les plaques chronique de psoriasis par TNF, le psoriasis pustuleux via IL-36/IL-1 et le psoriasis aigu via l’ IFN de type I.
Cependant, ces voies inflammatoires peuvent coexister et varier dans le temps, chez le même patient.
Thérapies ciblées (traitements biologiques et petites molécules)
La morbidité du psoriasis s’ évalue par des échelles. Un indice qui mesure l’ atteinte et l’ activité de la maladie (PASI : Psoriasis Area and Severity Index) est l’ outil le plus largement utilisé pour la mesure de la sévérité du psoriasis. PASI combine l’ évaluation de la sévérité des lésions et de la zone affectée en un score unique compris entre 0 (pas de maladie) et 72 (maladie sévère). Cet indice sert également à décrire l’ efficacité d’ un traitement. Une réponse PASI 75 / 90 / 100 correspond à une réduction du score PASI de 75 / 90 / 100%.
Anti-TNF : Il y a actuellement trois inhibiteurs du TNF-α qui font partie de l’ arsenal thérapeutique disponible dans le psoriasis modéré à sévère : des anticorps monoclonaux, l’ infliximab (Remicade®) ou l’ adalimumab (Humira®), ou une protéine chimérisée avec le récepteur soluble au TNF (aussi appelée immunoadhésine), l’ etanercept (Enbrel®). Ces médicaments montrent des taux de réponse différents dans le psoriasis, avec l’ infliximab étant la plus efficace (une réponse PASI 75 chez 80% des patients et PASI 90 chez 54%) (18). Un quatrième inhibiteur du TNF, le certolizumab (Cimzia®), qui est pégylé, initialement approuvé pour la maladie de Crohn et l’ arthrite psoriasique est actuellement en phase 3 d’ essais cliniques pour psoriasis. En essai clinique de phase 2, le certolizumab a montré une réponse PASI 75 à 83% des patients (19).
Inhibiteur des interleukines IL-12/IL-23 p 40 : L’ ustékinumab (Stelara®) est un anticorps monoclonal dirigé contre les interleukines 12 et 23 (via la sous-unité commune, p 40). L’ ustékinumab a montré une réponse PASI 75 chez 69% à 90 mg et 75% à 45 mg et une réponse PASI 90 chez 39% à 90 mg et 46% à 45 mg (18).
Thérapies ciblées IL-17 : Il s’ agit des anticorps monoclonaux ciblant l’ IL-17A (sécukinumab et ixékizumab) ou son récepteur (brodalumab). Le sécukinumab (Cosentyx®) a montré une réponse PASI 75 chez 81.6% et une réponse PASI 100 chez 28.6% des patients dans 12 semaines de traitement (20). Sécukinumab montre une réponse thérapeutique très rapide et le résultat peut être maintenue pendant une longue période chez un nombre significatif de patients ayant interrompu leur traitement (21% des patients ont maintenu leur réponse après 1 an et 10% après 2 ans) (21, 22). L’ixékizumab (Taltz®) a montré une réponse PASI 75 chez 89.1% et une réponse PASI 100 chez 35.3% des patients après 12 semaines de traitement (23). Les deux se sont montrés également très efficaces pour le traitement du psoriasis du cuir chevelu et des ongles (24-26). Le brodalumab n’ est pas disponible en Suisse.
Thérapies spécifiques IL-23 : Des agents se sont développés qui lient la sous-unité p19, inhibant seulement l’ IL-23 et pas l’ IL-12 (27, 28). Le guselkumab (Tremfya®), qui a été dernièrement ap-prouvé par Swissmedic, est un anticorps monoclonal dirigé contre l’ interleukine 23 et a montré une réponse PASI 75 chez 85.1% et une réponse PASI 90 chez 73.3% des patients, après 16 semaines de traitement (29). Le tildrakizumab et le risankizumab ne sont pas encore disponibles en Suisse.
Thérapies ciblées IL-36-IL-1 : Sur la base de l’ identification de la voie IL-36-IL-1 dans le psoriasis pustuleux et des cas de rémission rapide après traitement par l’ antagoniste du récepteur de l’ IL-1, l’anakinra, des essais randomisés, contrôlés contre placebo, sont en cours aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et un anticorps contre l’ IL-36 (ANB019) a été développé pour le traitement du psoriasis pustuleux généralisé (études de phase 1).
Thérapies ciblées de l’ IFN type I : le rôle primordial de l’ IFN de type I dans les formes aiguës de psoriasis, y compris le psoriasis érythrodermique et le psoriasis en gouttes, justifie le développement d’ approches thérapeutiques ciblant cette voie. Des anti-IFN-α
et antagonistes du récepteurs α/β de l’ IFN sont actuellement développés et testés dans des essais cliniques pour des maladies autoimmunes telles que le lupus.
Petites molécules : Les avantages des petites molécules par rapport aux traitements biologiques sont le fait qu’ elles peuvent diffuser dans la cellule et cibler les voies de signalisation intracellulaires, qu’elles peuvent être administrées per os et qu’elles sont moins coûteuses. Cependant, les thérapies à petites molécules ont aussi l’ inconvénient d’ avoir une sélectivité de la cible inférieure et d’ exercer des effets hors cible, ainsi qu’ une efficacité plus faible. L’ aprémilast (Otezla®) est un inhibiteur à petites molécules de la phosphodiestérase 4 (PDE4) pris par voie orale, qui est indiqué pour le traitement des patients at-teints de psoriasis en plaques ou d’ une arthrite psoriasique. L’aprémilast n’a montré qu’ une réponse PASI 75 chez 33.1% des patients, après 16 semaines de traitement (30), mais semble être efficace pour le psoriasis palmoplantaire, du cuir chevelu et des ongles (31, 32) et ne nécessite aucune surveillance. Le tofacitinib (Xeljanz®) est un inhibiteur sélectif de la famille des JAK kinases, administré par voie orale. Actuellement, il est indiqué chez les patients atteints d’ une polyarthrite rhumatoïde. Dans les essais cliniques, tofacitinib a montré une réponse PASI 75 chez 59% et PASI 90 chez 39% des patients, à 16 semaines.
Sécurité des thérapies
Il y existe maintenant plusieurs rapports de sécurité à long terme d’ agents biologiques utilisés dans le traitement du psoriasis. Beaucoup d’ entre eux sont des rapports provenant de grands registres prospectifs multicentriques, tels que le Psoriasis Longitudinal Assessment and Registry (PSOLAR), évaluant la sécurité des traitements systémiques conventionnels et des agents biologiques (33).
Réactions allergiques et réactions sur site d’ injection : Des réactions bénignes au site d’ injection, des éruptions cutanées non spécifiques, de la cellulite et des réactions d’ hypersensibilité sont des événements indésirables relativement fréquents. Une grande variété de réactions cutanées causées par des agents biologiques ont été rapportées, allant de réactions bénignes et réversibles au site d’ injection à des réactions allergiques, nécessitant l’ arrêt de l’ agent biologique impliqué (34).
Risque d’ infection : Les données de PSOLAR ont montré que, dans leur ensemble, les produits biologiques n’ augmentent pas le risque d’ infection par rapport aux agents non biologiques. Cependant, lorsque que chaque agent biologique a été examiné séparément, des taux plus élevés des infections graves ont été observés dans les groupes infliximab (2,49 pour 100 patients/années) et adalimumab (1,97) que dans ceux sous étanercept (1,47), ustékinumab (0,83), ou des agents non biologiques (< 1,30) (35). Le TNF-α est une molécule clé dans la formation des granulomes impliqués dans le contrôle des infections par mycobactéries. Les traitements immunosuppresseurs sont associés à un risque accru de réactivation de la tuberculose, conduisant dans la plupart des cas à une maladie disséminée ou extrapulmonaire. Ainsi, le dépistage de la tuberculose est devenu obligatoire avant le traitement avec des médicaments biologiques et une chimioprophylaxie est nécessaire en cas de dépistage positif. D’ autre part, IL-17 joue un rôle important dans la surveillance immunitaire à la barrière cutanéomuqueuse des voies respiratoires et gastro-intestinales ainsi que de la peau (36, 37). Donc, les infections à Candida sont plus fréquentes sous ce traitement (38). Ces infections étaient toutes non graves et n’ ont pas nécessité l’ interruption du traitement (39). En cas d’ infection chronique connue, et si les dermocorticoïdes ne sont pas suffisants, la photothérapie, l’ acitretin ou l’ aprémilast sont proposés.
Risque oncologique : Les anti-TNF sont liés à un risque légèrement accru de cancers cutanés non mélanocytaires et possiblement après une longue exposition (> 12 mois) à une augmentation globale des taux de malignité (40, 41). Plus de données sont nécessaires pour confirmer ces résultats. Chez des patients avec des antécédents de malignité, la photothérapie, le méthotrexate, l’ acitrétine et l’ aprémilast devraient être favorisés. Cependant, il ne s’ agit pas d’ une contre-indication absolue à la thérapie biologique. Les traitements biologiques doivent être évités chez les patients atteints de tumeurs malignes actives ou de lymphomes. Concernant les autres tumeurs, un intervalle de cinq ans de rémission doit être respecté.
Risque cardiovasculaire : Dans des essais cliniques de phase précoce, l’ ustékinumab a présenté un risque accru d’ événements cardiovasculaires indésirables majeurs, fait qui n’ a pas pu être confirmé dans de plus grands essais (42) et l’ analyse des données PSOLAR n’ a pas montré de risque statistiquement significatif des événements cardiovasculaires majeurs avec l’ un des agents biologiques (43). Des études chez des souris ont montré que la signalisation du TNF-α joue un rôle régulateur crucial dans la régénération musculaire cardiaque (44). Les anti-TNF doivent donc être évités en cas d’ insuffisance cardiaque sévère. Cependant, les anti-TNF inhibitors, le méthotrexate et la photothérapie diminuent le risque cardiovasculaire en diminuant l’ inflammation au niveau cutané.
Risque neurologique : Des maladies démyélinisantes du système nerveux central ou périphérique, comme la sclérose en plaques, ont été signalées sous traitement anti-TNF, même si elles sont extrêmement rares (45). De plus dans certains cas les tentatives de traitement de la sclérose en plaques avec des inhibiteurs du TNF ont augmenté l’ activité de la maladie (46). La survenue de symptômes évocateurs nécessite donc impérativement l’ arrêt du traitement qui est contre-indiqué chez les patients ayant un antécédent personnel d’ une maladie démyélinisant. Néanmoins, comme il reflète un événement rare, l’ association causale entre l’ inhibition du TNF et la sclérose en plaques reste à prouver.
Effets secondaires immunologiques : le traitement anti-TNF peut aggraver des maladies préexistantes ou induire de nouvelles maladies auto-immunes, telles que le lupus érythémateux et le psoriasis paradoxal (47). Ces effets secondaires sont spécifiques de l’ inhibition du TNF et proviennent d’ un déséquilibre entre le TNF et les interférons de type I. En outre, touts les traitements anti-TNF peuvent induire des anticorps antinucléaires chez des patients atteints d’ arthrite psoriasique et/ou de psoriasis, sans conséquences cliniques dans la majorité des cas (48).
Effets secondaires gastroentérologiques : Des perturbations des tests hépatiques ont été décrites, donc un contrôle des tests hépatiques est recommandé avant l’ introduction d’ un traitement biologique. La réactivation des infections d’ hépatite B a été rapportée avec les anti-TNF (fatale chez certains patients). Pour cette raison ils sont donc contre-indiqués chez les patients atteints d’ hépatite B non traitée. Il n’ y a pas d’ évidence de réactivation ou de péjoration en cas d’ hépatite C chronique (49). Parmi les agents biologiques, le blocage de l’ IL-17 ou de l’ IL-12 / IL-23 pourrait en général présenter un meilleur profil d’ innocuité que les anti-TNF concernant leur utilisation chez les patients atteints d’ hépatite virale. La survenue ou l’ aggravation d’ une maladie inflammatoire intestinale a été rapportée chez des patients atteints de psoriasis traités par des inhibiteurs de l’ IL17 (50, 51). Chez les patients souffrant d’ une maladie intestinale inflammatoire anamnéstique ou active, d’ autres options de traitement, surtout des anticorps anti-TNF ou de l’ ustékinumab montrant un effet positif sur la maladie inflammatoire de l’ intestin, doivent être considérées en premier.
Perspectives
Vers un traitement personnalisé du psoriasis Actuellement, le choix du traitement est basé sur le profil de sécurité du traitement, les comorbidités du patient et l’ indication au traitement. Cependant, les récentes découvertes du transcriptome et de la génétique indiquent des voies inflammatoires supplémentaires et suggèrent qu’ une meilleure caractérisation moléculaire et qu’une stratification clinique de la maladie peuvent nous aider à déterminer si un patient est plus susceptible de répondre à un produit biologique donné. Un exemple vient d’ une étude récente, qui a évalué l’ association entre les polymorphismes LCE3B, HLA-Cw6 et TNFAIP3 et la réponse du traitement aux agents biologiques (52): l’ étude a montré que les patients HLA-Cw6-positifs répondaient mieux et plus rapidement à l’ ustékinumab et que TNFAIP3 était associé à une meilleure réponse à l’ inhibition du TNF. Comme HLA-Cw6 est exprimé chez 90% des patients de type 1 (psoriasis précoce, avant l’ âge de 40 ans), cette étude suggère que l’ ustékinumab devrait être utilisé de préférence chez ce type de patient.
En plus de la découverte de biomarqueurs et du développement de traitements personnalisés, le domaine du psoriasis progresse rapidement grâce aux découvertes scientifiques et au développement de nouvelles technologies pharmaceutiques. Un domaine de recherche émergeant se concentre sur les altérations du microbiome (appelé dysbiose) dans la peau psoriasique (54). L’ un des principaux progrès récents dans le domaine des modalités thérapeutiques a été la conception d’ anticorps multi-spécifiques, qui ciblent au moins deux épitopes. Des anticorps bispécifiques qui bloquent à la fois le TNF-α et l’ IL-17 ont été développés et sont actuellement testés dans des essais de phase 1 / 2 pour le psoriasis (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT02243787). Plus récemment, la technologie de génération d’ anticorps trispécifiques a été développée (55). Une autre question est de savoir si la génétique pourra prédire le psoriasis et donc permettre une intervention thérapeutique précoce. Actuellement, plus que 40 loci de susceptibilité ont été identifiés, mais l’ effet de taille de chaque variantes est trop petit pour expliquer l’ hérédité. Un certain nombre d’ études ont toutefois suggéré que la combinaison de plusieurs variantes génétiques pourrait permettre de calculer un score de risque génétique pouvant prédire le développement du psoriasis (56, 57). La capacité de guérir ou de prévenir le psoriasis reste le défi majeur pour le futur.
Pr Curdin Conrad
Service de dermatologie et vénéréologie
Hôpital de Beaumont
Avenue de Beaumont 29
1011 Lausanne
Curdin.Conrad@chuv.ch
Le psoriasis, une dermatose auto-immune, chronique, peut être associé aux comorbidités systémiques, et affecte 2-3% de la population.
Les nouvelles thérapies biologiques et aux petites molécules ciblent les étapes clés de la pathogenèse.
Un domaine de recherche dans la peau psoriasique émerge sur les altérations du microbiome.
Des anticorps multi-spécifiques ciblant au moins deux épitopes présentent un des principaux progrès récents et la technologie de génération d’ anticorps trispécifiques a été développée.
Savoir si la génétique pourra prédire le psoriasis permettrait une intervention thérapeutique précoce.
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Le tabagisme concerne 25% de la population suisse et représente un des principaux facteurs de risque cardiovasculaire (1). Plus de 9000 décès annuels sont attribuables au tabagisme dont 39% sont d’origine cardiovasculaire (2). Parmi les bénéfices de l’ arrêt du tabac, la diminution du risque de développer un événement coronarien est l’ un des plus précoce avec un risque réduit de moitié déjà après deux ans de sevrage tabagique (3, 4). Cet article résume les connaissances actuelles sur interventions médicales d’aide au sevrage tabagique.
Interventions médicales
Différentes interventions augmentent significativement les chances d’arrêt du tabac, notamment le conseil médical et les traitements pharmacologiques (5).
L’ intervention médicale se base sur le modèle des 5 A’s (fig. 1) (6-8):
• Ask : interroger sur tabagisme
• Assess : évaluer le degré de dépendance et la motivation à arrêter de fumer
• Advise : conseiller l’ arrêt du tabac
• Assist : soutenir la démarche d’arrêt
• Arrange : assurer un suivi.
Traitements pharmacologiques
Trois traitements pharmacologiques sont recommandés pour le sevrage tabagique, la substitution nicotinique, la varénicline et le bupropion. Leur efficacité est largement démontrée avec des chances d’ arrêt doublées voire triplées à 6–12 mois (9).
Substitution nicotinique
Les substituts nicotiniques se présentent sous formes de patchs et différentes formes orales comme la gomme, le comprimé, l’ inhalateur ou le spray buccal, avec une efficacité supérieure lors d’une association d’un patch à une forme orale par rapport à l’ usage d’un seul substitut (10). Bien que la nicotine ait des effets sympathomimétiques, la nocivité du tabagisme sur le système cardiovasculaire est principalement liée aux effets du monoxyde de carbone et à l’ action thrombogène induite par de nombreux composants présents dans la fumée du tabac (11). Plusieurs études rapportent qu’en comparaison du placébo, l’ usage de substituts nicotiniques n’augmente pas le risque d’événements cardiovasculaires majeurs (12–14).
Varénicline
La varénicline agit sur les récepteurs nicotiniques avec une action à la fois agoniste atténuant les symptômes de sevrage, et antagoniste bloquant les effets de la nicotine en cas de reprise de cigarettes. Une légère augmentation du risque d’événements cardiovasculaires en association avec la varénicline a été rapportée. Le lien de causalité n’a cependant pas été établi et les résultats de plusieurs études n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque d’événements cardiovasculaires (13–16). Des effets secondaires neuropsychiatriques, parfois avec des idées suicidaires ont été signalés lors de traitement de varénicline. Une importante étude n’a cependant pas montré de différences de risque d’effets secondaires neuro-psychiatriques entre les participants sous varénicline, bupropion, patch de nicotine et le placebo (17). L’ étude ayant exclu les participants avec une maladie psychique non stabilisée ou avec un risque suicidaire, ce traitement reste déconseillé chez ces patients.
Bupropion Enfin, le bupropion est un antidépresseur augmentant les chances de réussite du sevrage tabagique, il peut être associé à un substitut nicotinique avec une efficacité supérieure aux substituts seuls (10, 18). Il présente plusieurs contre-indications, notamment les antécédents ou les situations à risque d’ épilepsie. Il existe aussi un risque d’inter-actions médicamenteuses dues à l’ inhibition du CYP2D6.
Réduction de la consommation
Lorsque le patient ne parvient pas à arrêter de fumer ou n’est pas prêt à arrêter à court terme, une phase de réduction de la consommation soutenue par une substitution nicotinique peut être proposée, tout en maintenant l’ objectif d’un arrêt complet, cette phase de réduction augmentant légèrement les chances de sevrage tabagique à moyen terme (19). Lors d’un traitement de varénicline, un arrêt progressif de la consommation d’une durée d’un à trois mois est également une option possible (20).
Vapotage
Les vaporettes (nous proposons de remplacer le terme « cigarette électronique » au profit de « vaporette », afin de mieux distinguer ce dispositif de la cigarette de tabac) sont des dispositifs produisant un aérosol pouvant contenir de la nicotine. De nombreux modèles et un très large choix de liquides existent. La vente de liquides avec nicotine est désormais autorisée en Suisse depuis fin avril 2018. La quantité de substances nocives présentes dans l’ aérosol produit par la vaporette est généralement très faible, elle varie selon le type de vaporette, du liquide, de l’ utilisation et de l’ entretien du dispositif comme le renouvellement de la résistance. Il est actuellement communément admis que l’ usage de la vaporette à la place des cigarettes réduit considérablement l’ exposition aux substances nocives de la fumée du tabac (21, 22). Malgré des données encore insuffisantes sur l’ efficacité du vapotage pour le sevrage tabagique, une méta-analyse suggère que le vapotage avec nicotine favorise l’ arrêt du tabac (23). En attendant les résultats d’autres études, nous ne devrions pas décourager le vapotage chez les patients qui ne veulent pas ou n’ont pas réussi à arrêter de fumer avec les aides médicamenteuses habituellement recommandées. Dans cette situation, il importe de soutenir la démarche de sevrage tabagique, d’informer le patient sur les connaissances actuelles sur le vapotage et de donner quelques conseils d’utilisation, comme l’ importance de l’ entretien du dispositif.
Cet article est déjà publié dans
« info@coeur+vaisseau 2018;3:8-9 »
Dr Isabelle Jacot Sadowski
Policlinique médicale universitaire
Rue du Bugnon 44
1011 Lausanne
isabelle.jacot-sadowski@chuv.ch
L’ auteure n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
L’arrêt du tabac est une des principales recommandations pour la
prévention des maladies cardiovasculaires.
Le conseil médical et les traitements pharmacologiques d’aide au sevrage tabagique augmentent significativement les chances de succès d’une tentative d’arrêt.
La substitution nicotinique, la varénicline et le bupropion sont trois traitements pharmacologiques recommandés, certaines associations augmentent l’efficacité.
Le vapotage réduit considérablement l’exposition aux substances toxiques par rapport au tabagisme et pourrait aider à arrêter de fumer, le médecin ne devrait donc pas décourager son usage chez les patients ne voulant pas ou n’ayant pas réussi à arrêter de fumer avec les aides médicamenteuses.
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Le veganisme connart un interet mediatique croissant en pronant un style de vie depassant un regime exclusivement vegetal favorable a la sante pour rejeter toute forme d’exploitation animale. Base sur un recent rapport de la Commission federale sur l’alimentation, cet article decrit l’insuffisance des evidences scientifiques pour recommander ce type de regimes pour la prevention et le traitement des maladies cardiovasculaires ischemiques.
Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végé- tal. Au-delà de ce simple choix alimentaire, le véganisme rejette par principes éthiques et philosophiques la légitimité de toute forme d’exploitation animale. Selon ses adeptes les plus militants, le véga- nisme constituerait la solution à privilégier, dans le respect des ani- maux, de l’environnement, tout en favorisant une alimentation équilibrée comme source de santé et de bien-être pour les humains. Au cours de ces dernières années, l’activité et les revendications des mouvements véganes ont trouvé un écho de plus en plus large dans les médias, en suscitant débats et incertitudes chez les consomma- teurs qui montrent un intérêt croissant pour les conséquences sur leur santé de tout ce qu’ils mangent.
La publication récente du rapport de la Commission fédérale de l’alimentation intitulé «Régimes végétaliens: analyse des avanta- ges et des inconvénients sur le plan nutritionnel et pour la santé» a servi de base à la rédaction du présent article focalisé sur le risque cardiovasculaire (CV) des régimes véganes et sur les recomman- dations pour la prévention des maladies cardiovasculaires isché- miques (MCVI) (1).
Caractéristiques des régimes véganes
Par définition, un régime « végane» exclut tout ingrédient d’origine animale, mais dont le spectre des autres nutriments peut varier. Ce type de régime se différencie donc des autres formes de régimes tels que :
« végétarien » ou « ovo-lacto-végétarien » si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’origine animale ne sont inclus, à l’exception du lait, des composants du lait tels que le lactose, des œufs, des composants de l’œuf et du miel ;
« ovo-végétarien» si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’origine animale ne sont inclus, à l’exception des œufs, des com- posants de l’œuf et du miel ;
«lacto-végétarien» si aucun ingrédient ni auxiliaire technolo- gique d’origine animale ne sont inclus, à l’exception du lait, des composants du lait et du miel.
« végétalien» si aucun ingrédient d’origine animale n’est présent.
La suppression de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessi- tant d’être remplacés par d’autres sources alimentaires ou par sup- plémentation pour s’assurer d’une alimentation équilibrée (Tab. 1). De nombreuses études européennes publiées depuis 2015 ont exa- miné les régimes véganes et calculé l’apport des nutriments en s’appuyant sur des listes d’aliments spécifiques des pays concernés. En ce qui concerne les macronutriments, les valeurs de consom- mation moyennes satisfont souvent aux recommandations nutriti- onnelles générales. Toutefois, leur variabilité est très importante, ce qui peut s’avérer problématique dans le cas des apports en protéi- nes. Selon le peu d’études ayant collecté des données sur l’ingestion de fruits et légumes, il apparaît qu’en moyenne, l’apport journa- lier recommandé (trois portions de légumes et deux portions de fruits) est couvert, mais là encore avec une très grande variabilité de cette consommation. Ces éléments laissent supposer qu’il n’y a pas de preuve qu’un régime végane soit toujours associé à un apport riche en fruits et légumes. C’est pourquoi, il est difficile de présumer qu’un régime végétalien procure de facto les avantages de ce mode alimentaire sur la santé. Or, il s’agit là d’un des axiomes de la plupart des prises de position en faveur d’un régime végane (1, 2).
Les données relatives aux micronutriments sont souvent limitées par le manque d’informations spécifiques concernant les choix alimen- taires des sujets d’études, ainsi que le type et les doses des supplé- mentations. La plupart des études montrent que la supplémentation en vitamine B12, bien que nécessaire, n’est que partiellement suivie (50-70 % des participants), ce qui peut occasionner un risque CV accru. Si d’autres carences sont possibles (vitamine D, calcium, etc.) à l’inverse, par comparaison aux omnivores, les véganes montrent des apports et un profil sanguin plus riches en micronutriments tels que le magnésium, les vitamines C, B1 et B6, l’acide folique, les caroté- noïdes et les polyphénols, d’où un potentiel bénéfique pour la santé. En somme, les régimes véganes bien planifiés pourraient couvrir les besoins énergétiques et nutritionnels, mais ils exigent de très bon- nes connaissances nutritionnelles, ainsi qu’une supplémentation basée sur un monitoring sanguin régulier des micronutriments les plus importants.
Prévalence du véganisme, caractéristiques et motivations de ses adeptes
En Europe, il est estimé que 2 à 5 % de la population suivent un régime végétarien, végane inclus. En Suisse, la récente enquête de l’association Swissveg a fait état de 11% de végétariens et de 3% de véganes parmi les 1296 personnes âgées de 15 à 74 ans sondées en 2017. Ces résultats contrastent fortement avec les données de l’étude menuCH de 2015 comptant 2000 participants adultes, puisque la prévalence des végétariens s’est chiffrée à 1.77% et celle des véga- nes à 0.38 %. Des données plus précises manquent, mais selon les Enquêtes suisses sur la santé, il apparaît qu’entre 1992 et 2017 la proportion de personnes déclarant ne jamais manger de viande a tout de même triplé, passant de 2 à 6 %.
Les différents sondages montrent, qu’en Suisse aussi, il s’agit avant tout de femmes jeunes jouissant d’un bon niveau de formation et habitant ou travaillant plutôt en ville. Leurs principales motivations de renoncer à la viande correspondent au bien-être des animaux (78 %), ainsi qu’à des considérations éthiques (60 %) et écologiques (58 %). Mais seuls 35 % d’entre elles ont invoqué la santé.
Régimes véganes et leur impact sur le risque cardiovasculaire
Privilégiant la consommation de fruits, de légumes, de fibres et d’hydrates de carbone, l’apport réduit en graisses et graisses satu- rées, ainsi que l’éviction des protéines animales, notamment de viande rouge et de charcuterie, les régimes véganes ont montré, par comparaison aux régimes omnivores, des effets plutôt positifs sur les lipides sanguins, le poids et le contrôle glycémique. Ceci peut présager d’un impact favorable sur le risque de maladies cardiova-
sculaires ischémiques (MCVI), de type cardiopathie ischémique (CPI) ou acci- dent cérébrovasculaire (AVC). Historiquement, Key TJ et al avaient publié en 1999 les résultats d’une ana- lyse groupée de 5 études prospectives de cohorte faisant état d’une diminution, toutefois non-significative, des taux de mortalité par CPI (-26 %), ainsi que par AVC (-30 %) chez les personnes véganes par comparaison aux personnes omni- vores (3). Largement reportés comme étant favorables, en dépit des limitations méthodologiques majeures, ces don- nées méritent cependant d’améliorer le niveau d’évidence scientifique en faveur du véganisme. Or, la revue de littéra- ture scientifique établie jusqu’en 2018 ne recense malheureusement aucune étude d’intervention de type RCT, ce qui permettrait de valider adéquatement le bénéfice des diètes véganes sur le risque de MCVI. De fait, l’essentiel des con- naissances actuelles repose sur des étu- des observationnelles.
A ce jour, nous ne disposons malheureusement d’aucune étude observation- nelle ayant cherché à déterminer si les régimes véganes pourraient être associés à une incidence réduite d’un premier évènement CV, qu’il s’agisse d’une CPI ou d’un AVC. Bien que l’opinion générale, voire même certaines prises de position, accordent volontiers des ver- tus bénéfiques aux régimes véganes, des recherches plus approfon- dies s’imposent clairement afin de prouver les avantages potentiels de tels régimes pour la prévention ou le traitement des MCVI (2). En revanche, le risque de mortalité CV associé spécifiquement aux régimes véganes a pu être analysé dans les trois études mentionnées dans le tableau 2 (4-5). Se basant sur les données de «l’Adventist Health Study-2», une grande étude prospective de cohorte réali- sée auprès de 73 308 membres de la communauté adventiste nord-américaine, dont 5548 véganes et 35359 omnivores, Orlich MJ et al ont rapporté des résultats contradictoires au terme des 5.6 ans de suivi (4). Alors qu’ils ont observé une réduction statistiquement significative du taux de mortalité CV globale (-42%) et coronari- enne (-55%) chez les hommes, ce fut l’inverse chez les femmes au vu d’une augmentation non significative de ces risques atteignant respectivement + 18 % et + 39 %. Ces données contrastent fortement avec les résultats d’Appleby PN et al découlant des 2 études de cohortes prospectives «l’Oxford Vegetarian Study»et «l’EPIC-Oxford Cohort Study» (5). Poo- lées pour cette analyse, ces 2 cohortes totalisèrent 60’310 person- nes recrutées au sein de la population de Grande Bretagne, dont 2258 exclusivement véganes et 18431 omnivores suivis pendant 15 ans ou plus. Globalement, le risque de mortalité coronarienne fut légèrement réduit (-10 %) chez les véganes par comparaison aux omnivores, alors que le risque fut nettement accru, mais de manière non significative, tant pour la mortalité par AVC (+ 61 %) que par mortalité CV globale (+ 21 %). Ces études de cohorte comportent toutes trois diverses limitations méthodologiques qui affaiblissent le niveau d’évidence en faveur des bénéfices, voire des désavantages liés aux régimes véganes sur le risque CV.
En conclusion, les données scientifiques acquises à ce jour demeu- rent trop incertaines pour préconiser les régimes véganes tant à titre de prévention que de traitement des MCVI. C’est sans doute une des raisons principales au fait que de tels régimes n’ont pas été inclus dans les recommandations alimentaires pour la prévention des MCVI édictées par les Sociétés suisses, européennes américai- nes de cardiologie.
Prof. Dr. med. Roger Darioli
Chemin des Fleurs 5
1007 Lausanne
roger.darioli@unisante.ch
L’auteur n’a aucun lien d’intérêt financier, ni de connivence avec les ouvements véganes, les défenseurs de la cause animale ou les producteurs de viande, pas plus qu’avec l’industrie alimen- taire. De plus, cet article a été rédigé en toute indépendance, sans aucune contribution financière. De même, le rapport du groupe d’ expert de la Commission fédérale de l’ alimentation a été rédigé en toute indépendance sur la base des connaissances scientifiques publiées entre 2007 et 2018.
Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végétal considéré comme source de santé pour les humains, en rejetant toute forme d’exploitation animale par principes éthiques et philosophiques.
La suppression de la viande, du poisson, des oeufs et des produits lai- tiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessitant
d’ être remplacés par d’ autres sources alimentaires et par supplé- mentation pour prévenir le risque de carences nutritionnelles préjudi- ciables à la santé, notamment cardiovasculaire.
A ce jour nous ne disposons d’aucune publication scientifique ayant évalué l’influence d’un régime végane sur la prévention primaire des MCVI. seul le risque de mortalité CV a été analysé dans trois études prospectives de cohorte qui ont produit des résultats opposés entre bénéfices et risques. Vu l’absence d’évidence scientifique suffisante, le véganisme ne figure pas dans les recommandations alimentaires pour la prévention et le traitement des MVCI.
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