Seigneur, protège-nous des (pseudo-) experts

Apartir de l’  hiver 2020, notre quotidien a été dominé par la survenue d’ une pandémie virale qui a rapidement pris des proportions exceptionnelles et qui a eu des effets souvent
tragiques pour toute l’ humanité. Le virus, quelle que soit finalement son origine, réussit à combiner une capacité d’ infecter avec juste assez de létalité pour se répandre et rendre malade un maximum de personnes, en profitant probablement d’ une
démographie explosée, de notre obsession de mobilité et de l’ existence d’ énormes réservoirs de populations défavorisées et exposées sans protection aux maladies transmissibles.

Face au poids évident de la maladie, aux témoignages poignants du personnel hospitalier, face aussi à la tristesse des gens ayant perdu un de leur proche, on reste perplexe de voir un nombre impressionnant de citoyens/ennes de ce pays mettre en doute non seulement l’ efficacité des différentes mesures, en particulier la vaccination, mais l’ existence de la maladie même, avec le résultat que malgré un effort remarquable au niveau des cantons, presque la moitié de la population n’ est à ce jour toujours pas vaccinée. On se demande comment, dans un pays jouissant d’ un niveau d’ éducation élevé, autant de gens peuvent mettre en doute quasi l’ ensemble de la science et de l’ évidence et se réfugier dans toutes sortes d’ excuses, allant de l’ ignorance au complotisme, en passant par des prises d’ ésotérisme, typiques pour une société de riches.

Cette remise en question de la science est contre-productive et préoccupante. Force est malheureusement de reconnaître que certains « représentants » de la science et de l’ état y ont contribué de manière plus ou moins consentante. Nous avons tous et toutes été stupéfait(e)s de découvrir combien d’ experts en pandémie virale nous avons parmi nous. Sans douter du travail
sérieux de la plupart des chercheurs/euses dans ce domaine, j’ ai été progressivement irrité d’ entendre, jour après jour, toute sorte d’ «experts» sortis de leurs laboratoires et de devant leurs ordinateurs, pour se répandre le plus souvent dans des spéculations basées sur bien peu d’ expérience sur le terrain. La plupart du temps, il s’ agissait de déclamer que l’ apocalypse était devant la porte et qu’ il fallait rapidement enfermer les citoyens/ennes – par définition inférieur(e)s en savoir et en intelligence – dans leurs maisons et les empêcher de vivre. Bien sûr que les médias adorent les scoops sentant le soufre et qu’ une carrière académique prépare mal à l’ exercice de l’ interview télévisée, mais on aurait quand même souhaité un peu plus de retenue. C’ est un jeu dangereux parce que les gens qui ne croient plus les porteurs officiels de l’ évidence tendent à se tourner vers les fournisseurs de réponses simples et complaisantes.

Les experts ne sont pas les seuls en cause, évidemment. Le virus lui-même nous a plusieurs fois pris à contre-pied. Loin de moi de tomber dans le dos du ou des gouvernements, personne ne savait ce qui allait se passer, et la Suisse ne s’ en est pas si mal sortie. Malheureusement, la communication officielle est restée à ce jour peu professionnelle, scientifiquement souvent douteuse, et n’ a pas toujours soutenu la confiance dans les institutions. Bien sûr, le fédéralisme n’ est pas l’ outil idéal pour affronter une crise aiguë, et la politisation des décisions par certains partis a contribué à rendre les décisions difficiles et à semer le doute. Et finalement, il y aura toujours des sceptiques irréductibles. Au moins dans notre petit coin de la planète, ils ont le droit et la liberté d’ exprimer leurs doutes.

Une gestion de crise est requise de la part des autorités et une réponse professionnelle de la communauté scientifique est indispensable lors d’ une crise comme celle de COVID-19. Même si la liberté d’ expression est un droit fondamental, l’ opinion publique et le savoir commun ne constituent pas un libre-service pour chaque petit malin, professeur(e) ou non, qui s’ offre son petit moment de gloire médiatique. Un scientifique professionnel n’ est pas celui qui montre qu’ il sait beaucoup de choses, mais bien celui/celle qui reconnaît les limites de ce savoir. La virologie, l’ épidémiologie et l’ immunologie ont fait d’ énormes progrès, mais il reste beaucoup d’ inconnues. Un modèle informatique nourri avec des informations incomplètes ne produira jamais que des propositions incomplètes ou même fausses. Cela ne le rend pas inutile, mais il est capital de commenter ces informations de manière critique et en évitant de parler avant d’ être sûr que l’ on a quelque chose à dire.

Si la solidarité et la résilience collectives ne peuvent pas s’ appuyer sur une voix crédible de la science et des autorités, il ne faut pas s’ étonner qu’ une partie de la population ne croit plus personne et se tourne vers les complotistes et les cinglés de tout bord.

Dr. med.Urs Kaufmann

Bolligen

urs.kaufmann@hin.ch

Assistance ventriculaire en cabinet de médecine générale

Le traitement des patients insuffisants cardiaques a vu une énorme évolution ces dernières années et il existe aujourd’ hui un nombre croissant de patient-e-s qui vivent en dehors de l’ hôpital et bénéficient d’ un système d’ assistance ventriculaire chronique ou Ventricular Assist Device (VAD), d’ un système de pompe supportant un cœur gauche insuffisant, en d’ autres termes.

La plupart des patients supportés par VAD ont une vie (presque) normale à domicile. Ils peuvent pratiquer des activités sportives (légères) (1), certains peuvent même reprendre le travail (2). Aussi bien pour le suivi de leur insuffisance cardiaque que pour des problèmes non cardiaques, ces patients sont et doivent absolument être suivis par leur médecin de premier recours (3).

L’ implantation d’ un VAD est indiquée dans l’ insuffisance cardiaque terminale réfractaire au traitement médicamenteux, pour permettre la survie des patients jusqu’ à la greffe (4) ou lorsqu’  une greffe ne peut pas être envisagée. Bien qu’ il s’ agisse d’ une thérapie coûteuse, elle permet une amélioration significative de la qualité de vie (5, 6). L’ implantation d’ un VAD peut être associée à d’ autres procédures chirurgicales, par exemple une intervention valvulaire ou une opération de pontage aorto-coronarien (7).

Aspects techniques du système de support ventriculaire (VAD)

La pièce centrale du VAD est une pompe constituée d’ un rotor en métal aspirant le sang à travers une canule implantée dans le ventricule gauche et l’ éjectant par un conduit en Goretex dans l’ aorte ascendante, parallèlement à l’ action ventriculaire gauche restante (8). La pompe est alimentée en courant et contrôlée par un câble tunnelisé à la peau, lui-même connecté à un moniteur externe. Le courant est fourni par 2 batteries (fig. 1). Le patient dispose à domicile d’ une station de recharge de ses batteries et de divers câbles dont un câble de secours qui permet de remplacer l’ une des batteries par le courant délivré par l’ allume-cigare d’ une voiture.

La « programmation » de la pompe est effectuée au bloc opératoire puis adaptée au cours de l’ hospitalisation. Le réglage le plus important est celui de la vitesse de rotation de la pompe. D’ autres paramètres non essentiels pour le médecin traitant sont programmés. Les besoins du patient évoluant au cours du traitement, la vitesse de rotation peut être adaptée par le cardiologue spécialisée sur la base d’ examens fonctionnels, tels que l’ échocardiographie (9), l’ étude hémodynamique par cathéter droit ou la combinaison de ces deux méthodes (10).

Suivi cardiologique des patients assistés par VAD

Le suivi cardiologique des patients porteurs d’ un VAD se fait dans l’ institution qui a implanté ces dispositifs. Il a lieu à intervalle régulier, a minima tous les 3 mois. Le suivi médical non spécialisé peut se poursuivre de manière inchangée auprès du médecin généraliste (3). Les problèmes techniques (problèmes de batterie, de chargeur ou du dispositif porteur), doivent être résolus par le centre spécialisé, et ne sont pas sous la responsabilité du médecin généraliste. Les patients reçoivent une formation sur la manière de prendre en charge leur appareil au quotidien (11).

La consultation en cabinet de médecine générale se déroule de manière normale. Le médecin traitant doit cependant savoir qu’ en raison du flux continuel généré par la pompe, il n’ y a pas de pouls mesurable (pas de systole/diastole) mais une pression de débit relativement constante. La tension artérielle est difficile à mesurer et la saturation en oxygène souvent impossible à capter. Lors de l’ auscultation cardiaque et pulmonaire le bruit de ronflement de la machine prédomine. L’ examen abdominal peut être effectué de manière habituelle, toutefois en prenant garde à l’ orifice de la Drive Line (DL).

Situations typiques au cabinet de médecine générale

Les patients porteurs de VAD sont dépendants de leur système d’ assistance et ont indiscutablement un risque non négligeable de complications résultant de ce traitement : un problème technique du système peut rapidement déboucher sur une situation d’ urgence. En plus, ces patients ont un risque infectieux élevé parce que le système est un corps étranger complexe avec une porte d’ entrée potentielle permanente au niveau de la sortie du câble de contrôle, et enfin ils doivent être continuellement anticoagulés, ce qui implique le risque de saignements et de thromboses.

Les urgences

Les situations les plus menaçantes résultent généralement d’ une dysfonction du système, d’ un accident vasculaire cérébral ou d’ une complication hémorragique. Pour le médecin généraliste quatre thèmes spécifiques aux porteurs de VAD devraient être connus (tab. 1) :

Le contrôle des conditions de fonctionnement optimales de la pompe (VAD) :
Les patients porteurs d’ un VAD doivent être anticoagulés de manière stricte et bien contrôlée avec des anti-vitamines K, parce que le contact du sang avec les parties constituantes du système (métal, titane) entraîne une activation du système de coagulation (12). Le monitoring régulier de l’ anticoagulation et la communication sans délai avec le centre implanteur si la valeur d’ INR sort des intervalles prédéfinis (habituellement entre 2.0-3.0) est probablement le point le plus crucial de la prise en charge de ces patients par la ou le généraliste au cabinet de médecine générale.
La tension artérielle joue un rôle prépondérant dans la performance de la pompe. Plus exactement, la différentielle de pression entre le ventricule gauche (peu modifiable) et la pression régnant dans l’ aorte (la pression artérielle). Plus la différentielle est importante (plus le patient est « hypertendu ») moins la pompe pourra produire de débit (13). Idéalement, la pression moyenne (MAP) est maintenue autour de 80-90 mmHg (14). Cette pression doit être mesurée au moyen d’ une manchette manuelle et d’ une sonographie Doppler (3). L’ absence de pulsatilité rend la mesure avec un appareil de mesure automatique souvent impossible. Une MAP inhabituelle et/ou supérieure à 110 mmHg doit être communiquée au centre implanteur.

Les complications associées à la thérapie
La complication la plus fréquente est l’ infection avec une situation septique éventuelle (15). Elle touche entre 10 et 50 % des patients (16, 17). Une infection prend généralement son origine au point de sortie cutané de la DL. Localement, le patient se plaindra de douleur, éventuellement aiguë (souvent le signe d’ un abcès), mais l’ infection peut aussi se manifester par une démangeaison locale associée à une augmentation de l’ écoulement au niveau du pansement. Un examen local est nécessaire sans toutefois retirer le pansement, à la recherche de signes locaux d’ infection et pour obtenir tôt des cultures bactériologiques. Le laboratoire inflammatoire habituel (CRP, répartitions) est indiqué. Une antibiothérapie empirique ou guidée par un antibiogramme n’ est à débuter qu’ après discussion avec le centre implanteur.

Des complications redoutées sont celles liées à l’ anticoagulation et l’ anti-agrégation, avec la survenue aussi bien de thromboses que de saignements. Hormis les symptômes neurologiques classiques (AVC et AIT), un signe « subtil  » de thrombose est la présence d’ une macro-hémoglobinurie (urine « coca-cola »). Celle-ci peut être le signe d’ une déstabilisation de l’ hélice au niveau de la pompe, provoquant une hémolyse massive et peut être associée à une auscultation typique avec ton rugueux. De nouvelles céphalées doivent également être agressivement explorées, dans la mesure où les saignements, particulièrement les hématomes sous-duraux, peuvent se manifester de manière atypique. L’ anticoagulation ne doit toutefois jamais être arrêtée sans prise de contact avec le centre spécialisé.
L’ insuffisance cardiaque droite, reflétée en général par une surcharge volémique et parfois par une insuffisance rénale ou hépatique est fréquente. Si les œdèmes des membres inférieurs sont quasiment ubiquitaires et souvent multifactoriels (insuffisance veineuse, effet secondaire des anticalciques), un signe inquiétant est la diminution des besoins en antivitamine K pour maintenir le même INR, la perte d’ appétit et/ou la tension sous-diaphragmatique droite (bendopnée). Le poids est à surveiller très régulièrement. Si possible, le patient doit être impliqué dans la gestion de son poids.

L’ état général du patient
Que les patients munis d’ un VAD soient en attente ou pas d’ une transplantation, leur qualité de vie, leur capacité à être transplantés et leur survie après la transplantation sont liées à leur condition physique globale (19). Une optimisation de l’ hygiène de vie et du poids est donc cruciale. Ici aussi, la collaboration avec le médecin traitant pour assurer une coordination efficace entre les soins hospitaliers et ambulatoires (diététicien, physiothérapeute, ergothérapeute, psychiatre) est importante.

Les comorbidités du patient
Pour que les patients porteurs d’ un VAD puissent profiter du traitement, il est important de continuer à traiter d’ éventuelles comorbidités. Une attention particulière doit être portée aux troubles dépressifs (20), la bronchopathie obstructive chronique et le diabète (21).
Ces comorbidités peuvent être abordées de manière classique au cabinet du ou de la généraliste, avec toutefois quelques limitations dues à l’ anticoagulation ou la présence d’ un système mécanique (pas d’ interruption de l’ anticoagulation sauf hémorragie fatale, donc par exemple impossibilité de pratiquer une biopsie lors de colonoscopies, remplacement agressif des « déficits » en fer, etc…). En cas de doute il faut toujours coordonner avec le centre implanteur.
En raison de l’ interaction entre le système immunitaire et les surfaces métalliques de la pompe (22), mais aussi à cause de l’ insuffisance cardiaque elle-même (23), les défenses immunitaires de ces patients sont amoindries. Il est donc important que les vaccinations soient mises à jour au cabinet médical (pneumocoques, hépatite A et B,…) et que le rappel du vaccin contre la grippe soit effectué annuellement, sachant qu’ en cas d’ immunosuppression (Listing pour une transplantation) certains vaccins ne peuvent pas être administrés.

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Dr.Bruno Schnegg

Clinique Universitaire de Cardiologie
Inselspital, Freiburgstrasse 18,
3010 Berne

Bruno.schnegg@insel.ch

Dr.Patrick Lombardo

Cabinet médical du Chauderon
Chemin du Chauderon 1
1071 Chexbres

Dr.Michele Martinelli

Clinique Universitaire de Cardiologie
Inselspital
Freiburgstrasse 18
3010 Berne

Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit
d’ intérêts en relation avec cet article.

◆ Les patients supportés par VAD sont aujourd’ hui une réalité en médecine ambulatoire.
◆ Ils peuvent aspirer à une bonne qualité de vie, mais ils ont besoin d’ un soutien systématique de l’ ensemble de leur réseau de soins après la sortie de l’ hôpital.
◆ Ces patients peuvent et doivent être suivis par leur médecins de premier recours. Mais il faut que ces derniers connaissent les aspects particuliers de ce type de traitement, car ces patients sont dépendants d’ un appareillage compliqué et peuvent être difficiles à examiner.
◆ De plus, les généralistes connaissent normalement bien leur patient et son entourage ainsi que son histoire, ce qui facilite entre autres la détection précoce de complications.
◆ Enfin, la médecine préventive (vaccination, optimisation de l’ état général du patient) est très importante (3).
◆ Le ou la patiente porteur/euse d’ un VAD illustre donc par excellence l’ importance de réseaux de soins bien organisés impliquant une bonne communication entre médecins hospitaliers et médecins généralistes dans le traitement des patients présentant des comorbidités complexes.

1. Fresiello L, Jacobs S, Timmermans P, et al.: Limiting factors of peak and submaximal exercise capacity in LVAD patients PLoS One 15: e0235684, 2020
2. Overgaard D, Grufstedt Kjeldgaard H, Egerod I: Life in Transition: A Qualitative Study of the Illness Experience and Vocational Adjustment of Patients With Left Ventricular Assist Device Journal of Cardiovascular Nursing 27: 394–402, 2012
3. Estep JD, Trachtenberg BH, Loza LP, Bruckner BA: Continuous flow left ventricular assist devices: shared care goals of monitoring and treating patients Methodist Debakey Cardiovasc J 11: 33–44, 2015
4. Rose EA, Gelijns AC, Moskowitz AJ, et al.: Long-term use of a left ventricular assist device for end-stage heart failure N Engl J Med 345: 1435–1443, 2001
5. MacIver Jane, Ross Heather J.: Quality of Life and Left Ventricular Assist Device Support Circulation 126: 866–874, 2012
6. Stehlik Josef, Estep Jerry D., Selzman Craig H., et al.: Patient-Reported Health-Related Quality of Life Is a Predictor of Outcomes in Ambulatory Heart Failure Patients Treated With Left Ventricular Assist Device Compared With Medical Management Circulation: Heart Failure 10: e003910, 2017
7. Mehta P, Imamura T, Juricek C, et al.: Combined Left Ventricular Assist Device and Coronary Artery Bypass Grafting Surgery: Should We Bypass the Bypass? ASAIO J 66: 32–37, 2020
8. Miera O, Potapov EV, Redlin M, et al.: First Experiences With the HeartWare Ventricular Assist System in Children The Annals of Thoracic Surgery 91: 1256–1260, 2011
9. Couperus LE, Delgado V, Khidir MJH, et al.: Pump Speed Optimization in Stable Patients with a Left Ventricular Assist Device ASAIO J 63: 266–272, 2017
10. Uriel N, Sayer G, Addetia K, et al.: Hemodynamic Ramp Tests in Patients With Left Ventricular Assist Devices JACC Heart Fail 4: 208–217, 2016
11. Cook JL, Colvin M, Francis GS, et al.: Recommendations for the Use of Mechanical Circulatory Support: Ambulatory and Community Patient Care: A Scientific Statement From the American Heart Association Circulation 135, 2017
12. Hulander M, Hong J, Andersson M, et al.: Blood interactions with noble metals: coagulation and immune complement activation ACS Appl Mater Interfaces 1: 1053–1062, 2009
13. Salamonsen RF, Mason DG, Ayre PJ: Response of rotary blood pumps to changes in preload and afterload at a fixed speed setting are unphysiological when compared with the natural heart Artif Organs 35: E47-53, 2011
14. Bennett MK, Adatya S: Blood pressure management in mechanical circulatory support J Thorac Dis 7: 2125–2128, 2015
15. Ahmed AR, Nikolaus P, Achim K, et al.: Survival analysis and postoperative complications after ventricular assist device implantation; prognostic value of INTERMACS scale Annals of Cardiovascular and Thoracic Surgery 1, 2018
16. Zinoviev R, Lippincott CK, Keller SC, Gilotra NA: In Full Flow: Left Ventricular Assist Device Infections in the Modern Era Open Forum Infectious Diseases 7, 2020
17. Topkara VK, Kondareddy S, Malik F, et al.: Infectious complications in patients with left ventricular assist device: etiology and outcomes in the continuous-flow era Ann Thorac Surg 90: 1270–1277, 2010
18. Kamboj M, Kazory A: Left Ventricular Assist Device and the Kidney: Getting to the Heart of the Matter BPU 48: 289–298, 2019
19. Healy AH, Stehlik J, Edwards LB, McKellar SH, Drakos SG, Selzman CH: Predictors of 30-day post-transplant mortality in patients bridged to transplantation with continuous-flow left ventricular assist devices—An analysis of the International Society for Heart and Lung Transplantation Transplant Registry The Journal of Heart and Lung Transplantation 35: 34–39, 2016
20. Cascino Thomas M., Kittleson Michelle M., Lala Anuradha, et al.: Comorbid Conditions and Health-Related Quality of Life in Ambulatory Heart Failure Patients Circulation: Heart Failure 13: e006858, 2020
21. Tao J, Bannister W, Wu C, Irwin FD: Impact of Patient Comorbidities on Post-Implant Outcomes Among Patients Receiving Ventricular Assist Devices in a Commercially Insured Population Journal of Cardiac Failure 21: S32, 2015
22. Itescu S, John R: Interactions between the recipient immune system and the left ventricular assist device surface: immunological and clinical implications The Annals of Thoracic Surgery 75: S58–S65, 2003
23. The activated immune system in congestive heart failure – from dropsy to the cytokine paradigm: Journal of Internal Medicine 243: 87–92, 1998

L’ eczéma anal 

L’ eczéma (péri-) anal est un motif de consultation assez fréquent dans le cabinet du médecin généraliste. En raison d’ un sentiment de honte et de tabou, le premier contact avec un médecin n’ a souvent lieu que tardivement, lorsque le patient souffre déjà beaucoup. Il n’ est pas facile de poser un diagnostic, car les symptômes décrits et la présentation clinique sont généralement très hétérogènes. Ce bref aperçu se concentre sur la clarification et le traitement approprié en fonction de l’ étiologie de l’ eczéma anal.

Présentation de cas :

Un patient de 77 ans a été vu par les collègues du service de gastro-
entérologie avec des lésions cutanées périanales qui démangeaient beaucoup depuis plusieurs mois. Dans l’ anamnèse le patient décrit un nettoyage très minutieux de ses parties intimes et, en plus du papier de toilette, des lingettes sont utilisés pour le nettoyage quotidien. En outre, il existe une dermatite atopique avec sensibilisation de type I au pollen.
Cliniquement, on observe un érythème périanal avec des lésions éparses, avec des bords indistincts (fig. 2). Des hemorroïdes ou d’ autres affections proctologiques ont déjà été exclues par les collègues de la gastro-entérologie. Comme une sensibilisation de contact semblait possible sur la base de l’ anamnèse, un examen épicutané a été effectué.
Cet examen a révélé une sensibilisation de contact à divers composants de produits topiques dans la zone périanale, en particulier à la méthylisothiazolinone (lingettes humides) et le mélange de parfums/colophane (ingrédient de nombreuses crèmes) (fig. 1). Le diagnostic d’ eczéma anal allergique de contact a donc été posé et on a conseillé au patient d’ arrêter tous les produits de soins de la peau et de passer à la vaseline simple pour les soins de la peau. Avec ces mesures, ainsi qu’ une application à court terme d’ un stéroïde topique de classe II, une guérison complète est survenue en quelques semaines.

Sur la base de l’ étiologie on distingue 3 formes d’ eczéma anal.
L’ eczéma anal allergique de contact est causé par des ingrédients (soins de la peau ou parfums) de crèmes à application topique, d’ agents proctologiques ou de lingettes humides. Selon le moment de son apparition, l’ eczéma anal peut avoir une évolution aiguë ou chronique, cliniquement, la limite est floue (fig. 2). Il est important de recueillir des informations détaillées, d’ identifier l’  allergène et de faire un test épicutané pour identifier l’ allergène. Les allergènes de contact sont nombreux. Outre les divers parfums, les anesthésiques locaux tels que la lidocaïne et la benzocaïne, le thiomersal (également le thimérosal), la méthylisothiazolinone (conservateurs dans certaines crèmes et médicaments), le baume du Pérou (Myroxylon pereirae), l’ extrait de camomille et le menthol ont été décrits comme provoquant des allergies (1, 3).

L’ eczéma anal atopique se rencontre souvent chez les patients ayant une prédisposition atopique. En plus des sites de prédilection typiques de l’ eczéma atopique, comme le visage, les coudes et les jambes, l’ arrière des genoux, la zone anogénitale est également fréquemment touchée (fig. 3).

Dans l’ eczéma anal atopique, le patient se plaint généralement d’ un prurit sévère. D’ autre part, l’ inspection ne révèle souvent que des troubles discrets cutanés discrets. En cas d’ évolution chronique et de prurit important, il n’est pas rare de trouver un eczéma lichénifié (1, 2).

L’ eczéma anal toxique cumulatif se produit généralement à la suite de divers facteurs, qui provoquent une irritation à long terme de la peau périanale. Il y a souvent une incontinence fécale ou un problème anatomique, des changements tels que des hémorroïdes ou marisques, qui interfèrent avec l’ hygiène anale et conduisent ainsi à une macération généralement bien délimitée de la peau périanale (fig. 4). D’ autres causes peuvent être une transpiration augmentée (p.ex., en cas d’ obésité) ou un manque de l’ hygiène intime ou l’ excès d’ hygiène avec des détergents agressifs ou du papier toilette rugueux.
Comme diagnostic différentiel une infection par Candida ou par des streptocoques, dans le sens d’ une dermatite périanale streptogène doit aussi être envisagée (1, 2).

Le diagnostic

Afin d’ éviter les rechutes et la chronification de l’ eczéma anal, la recherche de la cause déclenchante doit se faire au moyen d’ une méthode aussi standardisée que possible.

Une anamnèse détaillée est essentielle afin d’ identifier la cause de l’ eczéma anal. En plus de la date de l’ apparition et l’ évolution de l’ eczéma il faut rechercher les symptômes principaux tels que des démangeaisons, des brûlures, des suintements et des douleurs. L’ anamnèse doit examiner la possibilité d’ une éventuelle diathèse atopique et le type d’ hygiène anale (excessive/insuffisante). En outre, l’ anamnèse doit chercher des troubles proctologiques (hémorroïdes, fistules anales, etc.), et adresser le comportement sexuel (rapports anaux, lubrifiants, utilisation de préservatifs), les maladies sexuellement transmissibles dans les antécédents personnels et pour les personnes âgées de plus de 50 ans, une coloscopie antérieure. L’ examen standard comprend l’ inspection et le toucher rectal, qui sont faciles à réaliser dans le cabinet du médecin généraliste. L’ inspection doit idéalement porter sur l’ ensemble du tégument. Ainsi, dans le cas du psoriasis, par exemple en plus des points de prédilection typiques sur les côtés extenseurs des extrémités (coude, genou) ou sur l’ os du sacrum, des modifications cutanées typiques sont également fréquemment observées dans la région anogénitale (fig. 5). Un frottis, par exemple pour détecter une dermatite streptococcique périanale, peut contribuer à clarifier la situation. Le prélèvement d’ un échantillon dans le cas de tinea corporis (fig. 6) ou de candidose doit être effectuée en cas de doute.

En cas de suspicion d’ eczéma anal allergique de contact, un test épicutané doit être réalisé dans le cadre du bilan de base. Il devrait comprendre la série standard, la série des fragrances et inclure les préparations ainsi que les produits de soins de la peau du patient. La proctoscopie et la rectoscopie sont réservées aux médecins expérimentés. En cas de doute, il convient d’ orienter le patient vers une consultation proctologique. Ceci s’ applique en particulier lors d’ anomalies à la palpation dans le canal anal, s’ il s’ agit d’ un patient VIH, si l’ on suspecte une néoplasie intraépithéliale anale (NIA) et lors de résultats qui ne répondent pas au traitement dans un délai adéquat. Les biopsies doivent également être réalisées par un dermatologue ou un proctologue (fig. 7).

La thérapie

Les mesures décrites ci-dessous sont également valables pour toutes les variantes de l’ eczéma. Hygiène anale appropriée : un nettoyage excessif de la zone intime, ainsi qu’ une hygiène anale insuffisante peuvent souvent favoriser l’ eczéma anal et doivent être corrigés. Le nettoyage quotidien à l’ eau claire, sans savon est recommandé. La peau doit ensuite être séchée à l’ aide d’ une serviette ou d’ un sèche-cheveux à air froid. Les vêtements serrés doivent, si possible, être évités. Les sous-vêtements permettant d’ évacuer la transpiration, en coton par exemple, sont à privilégier.

Éviter les substances toxiques cumulées et les allergènes de contact : L’ évitement de ces substances est la condition préalable du traitement d’ un eczéma anal allergique de contact. L’ utilisation de lingettes humides, de nettoyants et de déodorants parfumés doit être arrêtée.

Le traitement des maladies proctologiques : Les plus courantes sont les hémorroïdes qui provoquent des démangeaisons, des douleurs, des saignements ou une sensation de défécation incomplète. La présence d’ une fistule anale ou d’ un sinus pilonidal peut également entraîner un suintement et ainsi une macération cutanée, qui peut à son tour entraîner un eczéma périanal (1). Une perturbation de la continence pour de diverses raisons peut provoquer un changement de l’ environnement humide et favoriser ainsi le développement de l’ eczéma périanal.

Le traitement topique

Le traitement topique dépend de l’ étiologie sous-jacente et de la morphologie de la dermatose (fig. 8). En cas de lésions cutanées aiguës suintantes ou de transpiration abondante dans la région anale, des astringents peuvent être appliqués sous la forme de bains de siège (Tannosynt liquide, 1-2x/jour). Les tanins contenus dans le thé noir ont également un effet asséchant et peuvent être appliquées sous forme de compresses humides. En outre, les préparations à base de zinc, anti-inflammatoires et le plus souvent sans allergènes, favorisent la cicatrisation des plaies. Les topiques avec différents contenus en eau et en graisses sont disponibles (pâte pour plaies d’ oxyplastine, pâte ZinCream Medinova), qui peuvent être appliqués plusieurs fois par jour. Si l’ on soupçonne un eczéma de contact, il faut appliquer, si possible, notamment avant les tests épicutanés, uniquement des topiques sans allergènes, tels que la formulation de base d’ huile dans de l’ eau Unguentum emulsificans aquosum (formulation magistrale Ung. Emulsificans, p.ex. 30 ad Aqua 100) ou de la vaseline blanche. Comme thérapie anti-inflammatoire pour tous les eczémas (péri-)anaux, mais surtout l’ eczéma atopique, les stéroïdes de classe II sont utilisés à court terme. L’ application 1x/jour ne doit pas dépasser une période de 2 à 3 semaines (diminution progressive) (hydrocortisone, p.ex. Locoid émulsion fluide ou crème 0.1%) (4).

Il existe un certain nombre de produits combinés sur le marché, principalement pour le traitement des hémorroïdes, qui associent des stéroïdes et des anesthésiques locaux ou des antiseptiques (Scheriproct, Synalar, Faktu ong avec disp). D’ une part, ces préparations sont efficaces en ce qui concerne les effets analgésiques et antiprurigineux, mais d’ autre part elles ne doivent pas être utilisées en présence d’ infections bactériennes ou de mycoses concomitantes. En outre, il existe un risque d’ allergie de contact, et la durée de l’ application ne doit pas dépasser 2 semaines (5).

Les inhibiteurs de la calcineurine tels que le Tacrolimus (Protopic®) et le Pimecrolimus (Elidel®) sont utilisés dans l’ eczéma persistant (péri-) anal pour économiser les stéroïdes. Non seulement dans l’ eczéma atopique ou de nombreuses autres dermatoses inflammatoires, les deux agents présentent un effet anti-inflammatoire élevé sans les effets secondaires typiques des stéroïdes ou une absorption systémique importante. En outre, les inhibiteurs topiques de la calcineurine n’ entrainent pas assez souvent une amélioration rapide du prurit, qui est un symptôme majeur de l’ eczéma anal. Cependant, sauf dans le cas de la genèse atopique, il s’ agit d’ une utilisation Off-label (6, 7).

Article traduit de « der informierte arzt » 03-2021

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Dr. med. univ. Julia Kandinger

Julia Kandinger
Hausarztpraxis Grossfeld
Grossfeldstrasse 1
7310 Bad Ragaz

julia.kandinger@hin.ch

Prof. Dr. med. Dr. sc. nat. Antonio Cozzio

Kantonsspital St. Gallen
Rorschacher Strasse 95
Haus 20
9007 St. Gallen

antonio.cozzio@kssg.ch

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ Le diagnostic de l’ eczéma (péri-)anal est souvent retardé par l’ autothérapie personnelle du patient ainsi qu’ un tabou social ou un sentiment de honte.
◆ Afin d’ éviter la récurrence et la chronification de l’ eczéma anal, la recherche de la cause déclenchante doit se faire au moyen d’ une clarification standardisée (frottis/test allergique/biopsie).
◆ La thérapie topique est basée sur les instructions d’ une hygiène anale correcte ainsi que sur les résultats après avoir déterminé l’ étiologie et la morphologie sous-jacentes de de la dermatose.
◆ En cas de constatations palpatoires dans le canal anal, chez les patients VIH, lors de suspicion de néoplasie intraépithéliale anale (NIA) et de résultats qui ne répondent pas aux traitements médicaux dans un délai adéquat, une orientation vers une consultation de proctologie pour évaluation et, si nécessaire, une biopsie est indiquée.

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8. Niedner R, Ziegenmeyer J. Dermatika, Therapeutischer Einsatz, Pharmakologie und Pharmazie, Wissenschaftliche Verlagsgesellschaft Stuttgart;1992 (Fig. 4)

Les troubles du sommeil et de l’  éveil  – Une mise à jour

Les médecins généralistes rencontrent régulièrement des patients souffrant de troubles du sommeil dans leur cabinet. Les patients se plaignent le plus souvent de fatigue, de somnolence, de difficultés à s’  endormir ou à rester endormi, ou d’  un réveil précoce. Avec une prévalence globale d’  environ 44% dans les cabinets de médecine générale suisses, les troubles du sommeil sont une maladie fréquemment rencontrée (1).

Tout d’   abord, il est important de clarifier les termes avec le patient : la fatigue diurne décrit une fatigue mentale et physique précoce, tandis que la somnolence diurne décrit une forte tendance à s’  endormir à des moments inappropriés. Les causes des troubles du sommeil sont multiples et requièrent une approche systématique afin de pouvoir établir un diagnostic et d’  initier  un traitement adapté (fig. 1).

Anamnèse du sommeil

En plus d’   une anamnèse complète, tenant compte des médicaments pris et de la situation professionnelle (travail posté, charge de travail quotidienne/hebdomadaire), un agenda du sommeil sur 2 semaines constitue une première étape diagnostique. Il convient de reprendre avec le patient le déroulé d’un cycle de 24 heures et de recueillir les éléments suivants : heures de coucher et de lever, latence d’  endormissement, sensations désagréables ou mouvements des jambes au repos, durée d’  éveil, la fréquence des visites aux toilettes, le temps de latence pour s’  endormir après s’  être réveillé pendant la nuit, les rêves pénibles et les rêves agités (2). Une durée de sommeil allongée de plus de 90 minutes pendant le week-end comparativement à la semaine fournit des indications d’  une éventuelle insuffisance de sommeil.

Les commentaires d’  un ou d’  une partenaire fournissent également des indications importantes : ronflement, pauses respiratoires nocturnes et mouvements pendant le sommeil. Alors que les parasomnies comme le somnambulisme et les terreurs nocturnes affectent jusqu’ à 10 % des enfants (3), des comportements anormaux pendant le sommeil, tels que la réalisation des rêves chez les adultes doivent être clarifiés par un spécialiste du sommeil.
L’  anamnèse du sommeil est complétée par le recueil des antécédents médicaux (maladies chroniques, douleurs). De nombreux médicaments perturbent le sommeil ou sont sédatifs et peuvent ainsi provoquer une somnolence diurne (tab. 1). En outre, les valeurs des fonctions hépatiques et rénales, les paramètres du bilan martial, y compris la ferritine, la vitamine D, la tension artérielle, le TSH, le poids et la taille du corps doivent être déterminés. Un examen rapide de la gorge donne une indication de l’  étroitesse des voies aériennes supérieures. Ceci, associé à un tour de cou important rend la présence de troubles respiratoires liés au sommeil plus probable (4, 5).

Le patient insomniaque

Une grande partie des patients souffrant de troubles du sommeil et de l’  éveil se plaignent de difficultés à s’  endormir, à dormir toute la nuit ou d’  un réveil précoce. Si les symptômes persistent pendant plus d’  un mois, et si la qualité de vie en journée du patient est altérée, une insomnie peut être diagnostiquée (6). Il est important d’  évaluer l’  insomnie non seulement comme un symptôme concomitant, secondaire d’une pathologie sous-jacente, mais aussi comme une maladie diagnostiquée indépendante. En effet, une insomnie non traitée peut entraîner une dépression et l’  aggravation de comorbidités (7-9). Une étude récente montre une prévalence de 36% des symptômes d’  insomnie dans les cabinets de médecins généralistes, 11% remplissant les critères de l’  insomnie chronique (10).

À l’  aide de l’  anamnèse du sommeil, il est possible de faire la distinction entre un problème d’  insomnie chronique et un trouble du rythme circadien ou du rythme veille-sommeil (travail posté), un manque de structuration quotidienne des rythmes avec des heures de lever irrégulières et un chronotype tardif («night owl»).

Syndrome des jambes sans repos

Les troubles du mouvement liés au sommeil, tels que le syndrome des jambes sans repos (SJSR) ou des mouvements périodiques de jambes, sont des causes souvent méconnues d’  un trouble de l’  endormissement ou du maintien du sommeil (11). Les quatre critères cliniques obligatoires pour le diagnostic du SJSR sont :
(i) dysesthésies dans les jambes associées à un besoin irrésistible de bouger les jambes (ii) survenant exclusivement au repos et pendant la relaxation (iii), améliorées par le mouvement et (iv) s’  accentuant en soirée. Des antécédents familiaux de SJSR, une réponse au traitement dopaminergique et la preuve par polysomnographie de mouvements périodiques des jambes pendant le sommeil appuient le diagnostic (12). Des causes secondaires du SJSR peuvent être une carence en fer, une insuffisance rénale grave, certains médicaments (ISRS, neuroleptiques, antiémétiques et effets paradoxaux du traitement dopaminergique) ou survenir lors d’  une grossesse ; ces situations se distinguent du SJSR idiopathique. Quelle qu’ en soit la cause, une supplémentation en fer par voie orale est toujours recommandée au départ si le taux de ferritine est inférieur à 75 µg/mL.

Un traitement symptomatique supplémentaire est administré en fonction de la gravité et des comorbidités, et consiste principalement en un traitement dopaminergique ou avec des alpha-2-delta ligands (gabapentine, prégabaline). Avec ces derniers, le risque de syndrome d’augmentation (réaction paradoxale avec expansion temporelle et topographique des symptômes) est nettement plus faible (13).

Situations de stress

L’  insomnie est souvent associée à un trouble de l’  humeur ou de l’  anxiété, qui ne remplit toutefois pas les critères d’  une pathologie mentale primitive. Les cauchemars font également partie de cette catégorie :
ils doivent être pris au sérieux et peuvent être traités efficacement par Imagery Rehearsal Therapy (14). L’  indice ISI (Insomnia Severity Index) permet d’  évaluer la gravité de l’  insomnie (15). Selon les lignes directrices, une polysomnographie est uniquement recommandée en cas de suspicion d’  un trouble respiratoire sous-jacent lié au sommeil, d’une suspicion de mouvements au cours du sommeil ou s’  il n’  y a pas d’  amélioration avec le traitement (16).

Thérapie cognitivo-comportementale

La thérapie de choix pour le traitement de l’  insomnie est la thérapie cognitivo-comportementale de l’  insomnie (TCCI). Son efficacité a été démontrée à la fois à court et à long terme et chez les patients plus âgés (17). Ses éléments-clés sont la restriction du temps passé au lit (augmenter la pression du sommeil en réduisant le temps passé au lit) et le contrôle du stimulus (utiliser le lit uniquement pour dormir). Plus d’  informations sur l’  éducation au sommeil, les recommandations d’  hygiène du sommeil et les exercices de relaxation sont également enseignés. Les programmes TCCI en ligne (www.somn.io, www.ksm-somnet.ch) se sont révélés efficaces lors d’  essais cliniques (18,  19). En outre, des applications sont déjà disponibles (7Schläfer, sleepio). Une thérapie médicamenteuse peut soutenir la TCCI, mais n’  est pas recommandée pour un traitement à long terme. Les somnifères peuvent être utiles pour une intervention à court terme, d’  une durée maximale de 4 semaines. Les médicaments de type composés Z (zopiclone, zolpidem) sont préférables aux benzodiazépines classiques en raison du profil d’  effets secondaires et du potentiel de dépendance de ces dernières. Les antidépresseurs stimulant l’  endormissement, comme la trazodone, constituent une alternative efficace pour améliorer la qualité du sommeil (16). Bien que la TCCI est recommandée dans les directives, seulement 1% des patients dans les cabinets de médecine générale suisses reçoivent actuellement ce traitement (10).

Le patient hypersomniaque

La somnolence diurne excessive désigne une pression de sommeil accrue avec une tendance insurmontable à dormir pendant la journée (6). Cela entraîne une diminution des performances et de la participation dans les tâches et activités de la vie quotidienne, au travail (circulation routière) et dans la société. L’  échelle de somnolence d’  Epworth (ESS) mesure la probabilité subjective de s’  endormir dans différentes situations (20). La somnolence excessive pendant le jour est définie par un score sur l’ESS ≥ 10 (échelle de 0 à 24). La cause la plus fréquente de la somnolence diurne excessive chez les jeunes est l’  insuffisance chronique de sommeil (21, 22). En revanche, la fatigue diurne fait référence à l’  épuisement mental et physique. La fatigue peut être évaluée par le score de gravité de la fatigue (Fatigue Severity Scale, FSS) (23).

Troubles respiratoires liés au sommeil

Les troubles respiratoires liés au sommeil font partie des étiologies fréquentes de somnolence diurne excessive et de fragmentation du sommeil. Il s’  agit le plus fréquemment d’  interruptions ou de limitations de la respiration (apnées et hypopnées) pendant le sommeil. Le plus fréquent de ces troubles, le syndrome d’  apnées obstructives du sommeil est diagnostiqué lorsque l’  index d’  apnée-hypopnée (IAH) est > 15/h ou lors d’  un IAH > 5/h en plus d’  un autre symptôme typique (6) : ronflement, pauses respiratoires observées par l’  entourage, prise de poids, nycturie, bouche sèche et maux de tête. Les femmes présentent souvent des symptômes moins prononcés que les hommes (voir l’  étude de cas ci-dessous).
Chez les femmes, l’  apnée obstructive du sommeil peut se présenter de manière atypique sous forme de troubles du sommeil ou de somnolence diurne. S’  il y a une faible probabilité pré-test d’  apnée du sommeil (STOP-BANG test), une polysomnographie est recommandée. Si la probabilité pré-test est élevée, une polygraphie respiratoire ambulatoire peut être réalisée (24, 25). La polysomnographie peut également être utilisée pour différencier l’  apnée centrale du sommeil ou le syndrome d’  hypoventilation associé au sommeil. Concernant le traitement de l’  apnée du sommeil modérée à sévère (IAH > 15/h), une ventilation nocturne en pression positive continue ou, en fonction de la limitation du débit respiratoire, une orthèse d’avancée mandibulaire est recommandée. D’  autres mesures d’  accompagnement sont : la réduction du poids (une réduction de 10 % réduit de moitié l’  IAH et entraîne souvent une amélioration des symptômes (26)), l’  exercice physique régulier, l’  entraînement des muscles des voies aériennes supérieures, l’  arrêt de la consommation d’  alcool en soirée et des médicaments myorelaxants (notamment les benzodiazépines).

Hypersomnies

L’  hypersomnie centrale est un diagnostic différentiel rare mais important de somnolence diurne excessive. La narcolepsie, qui est principalement due à une réaction auto-immune contre les neurones hypocrétinergiques de l’  hypothalamus, fait partie de ce groupe de maladies. Elle se divise en deux sous-types : dans le cas de la narcolepsie de type 1 (NT1), des cataplexies surviennent en plus d’  une somnolence diurne excessive. Il s’  agit de courts épisodes de perte de tonus musculaire avec une conscience préservée, déclenchés principalement par une expérience émotionnelle claire (positive). Les autres symptômes pouvant survenir au cours du sommeil et de l’  éveil sont des paralysies du sommeil (hypnagogiques ou hypnopompiques, si elles surviennent respectivement à l’  endormissement ou au réveil), des hallucinations liées au sommeil et la fragmentation de sommeil. La détection d’  une diminution du niveau d’  hypocrétine dans le liquide céphalo-rachidien (≤ 110 pg/ml) est spécifique de la NT1. En revanche, les patients atteints de narcolepsie de type 2 ne présentent pas de cataplexies ni de taux abaissés d’  hypocrétine. Les symptômes sont moins prononcés que ceux des patients souffrant de NT1 (27, 28). Un autre sous-type important d’  hypersomnie centrale est l’  hypersomnie idiopathique, qui se caractérise par un sommeil non réparateur, de longues périodes de sommeil (> 10 heures) et une somnolence diurne excessive. Les patients présentent généralement un réveil difficile (ivresse de sommeil au réveil) et une somnolence prolongée (29). La narcolepsie de type 2 et l’  hypersomnie idiopathique sont toutes deux des diagnostics d’  exclusion et requièrent un recours à un service spécialisé en médecine du sommeil, avec polysomnographie et réalisation de tests diurnes évaluant la vigilance. Les patients bénéficient d’  un traitement par des médicaments stimulants de l’  éveil.

Livia G. Fregolente, MD
Dipl. Biol. Albrecht P. A. Vorster
Dr. med. Jurka Meichtry
Prof. Dr. med. Claudio L. A. Bassetti
Universitätsklinik für Neurologie, Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18, 3010 Bern
claudio.bassetti@insel.ch

Article traduit de « der informierte arzt » 08-2021

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Livia G. Fregolente, MD

Universitätsklinik für Neurologie
Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18
3010 Bern

Dipl. Biol. Albrecht P. A. Vorster

Universitätsklinik für Neurologie
Inselspital Bern
Freiburgstrasse 18
3010 Bern

Les auteurs n’   ont déclaré aucun conflit d’   intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’  anamnèse est un élément central de l’  évaluation d’  un trouble du sommeil et de l’  éveil ainsi que la réalisation d’un agenda du sommeil pendant deux semaines.
◆ L’ anamnèse médicale est complétée par des questionnaires spécifiques (Epworth-Sleepiness Scale, Fatigue Severity Score, Insomnia Severity Index).
◆ Si les tableaux cliniques suivants sont suspectés, nous recommandons d’adresser le patient à un centre de sommeil et de l’éveil pour une co-évaluation : hypersomnie d’origine centrale, syndrome d’augmentation d’  un SJSR, trouble respiratoire associé au sommeil ayant une faible probabilité pré-test, parasomnies, insomnie chronique.
◆ Pour les patients souffrant d’  insomnie, la thérapie cognitivo-comportementale est la thérapie de premier choix, qui est désormais également disponible en ligne.

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Progrès, défis et options de traitement du diabète de type 2

Lors de l’Update Refresher à Lausanne le 12.02.2021, les spécialistes du CHUV ont donné des conférences sur les maladies de la thyroïde, les maladies de l’hypophyse et des glandes surrénales, ainsi que sur le diagnostic et le traitement des complications diabétiques. Ce rapport résume l’exposé sur les progrès, défis et options de traitement du diabète de type 2.

Les patients atteints de diabète sont plus exposés aux complications macrovasculaires et microvasculaires. La prévalence des maladies coronariennes est de 14 à 21 %, celle de l’  insuffisance cardiaque de 19 à 26 %, celle de la maladie artérielle périphérique de 16 à 29 % et celle des accidents vasculaires cérébraux de 8 à 12 %. Parmi les maladies microvasculaires, la prévalence de la rétinopathie est de 34 %, celle de la neuropathie cardiaque autonome de 31 à 73 % et celle de la néphropathie de 29 à 61 %, a indiqué la Pre Anne Wojtusciszyn, Service d’ endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV.

« Optimisez le time in range chez les patients avec diabète de type 2 (DT2) pour minimiser les complications microvasculaires ! », a-t-elle proposé. Avec moins de 51 % de time in range, la prévalence de la rétinopathie diabétique altérant la vision est de 9,7% ; avec un time in range de plus de 86 %, elle est à 3,5 %.

Complications et diabète – les défis

La morbidité/mortalité cardiovasculaire a baissé chez le DT2 depuis 1998/1999 – 2012/2013. Elle reste pourtant supérieure à celle d’ un patient témoin non diabétique. MACE prend principalement en compte les décès d’ origine cardiovasculaire, les accidents vasculaires cérébraux et les infarctus du myocarde. Cependant, les deux complications prédominantes chez les patients diabétiques semblent être l’ artériopathie périphérique et l’ insuffisance cardiaque, a expliqué l’ oratrice.

Diabète type 2 et NAFLD/NASH

On estime à 18,2 millions le nombre de personnes vivant avec le DT2 et la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD) aux États-Unis, dont 6,4 millions souffrent de stéatohépatite non alcoolique (NASH). Le coût sur vingt ans de la NAFLD chez ces patients s’ est élevé à 55,8 milliards de dollars. Au cours des 20 prochaines années, la NASH dans le DT2 sera responsable de 65 000 transplantations, de 1,37 millions de décès liés à la maladie CV et 812 000 décès liés au foie, a indiqué l’ oratrice.

Diabète type 2 et COVID-19

Le risque global de décès ou de traitement par COVID-19 en unité de soins intensifs est sensiblement plus élevé chez les personnes atteintes de DT2 que dans la population générale. Le risque de décès par COVID-19 ou par traitement en soins intensifs, et donc la nécessité de mesures de protection spéciales, varie considérablement d’ un patient diabétique à l’ autre, mais peut être raisonnablement prédit en utilisant l’ histoire clinique. (McGurnaghan SJ et al. Lancet Diabetes Endocrinol. 2021;9:82-93.)

Les progrès

De nouveaux sous-groupes de DT2 chez l’ adulte

Le diabète est actuellement classé en deux formes principales, le DT1 et le DT2, ce dernier en particulier étant très hétérogène. Une classification affinée pourrait fournir un outil puissant pour individualiser les schémas de traitement et identifier les individus présentant un risque accru de complications au moment du diagnostic (Ahlqvist E et al Lancet Diabetes and Endocrinology 2018; 6:361-369). Les auteurs ont identifié cinq groupes reproductibles de patients diabétiques qui présentaient des caractéristiques et des risques de complications diabétiques très différents (fig. 1). En particulier, les individus du groupe 3 (le plus résistant à l’ insuline) présentaient un risque significativement plus élevé de maladie rénale diabétique que les individus des groupes 4 et 5, mais ils avaient tous reçu un traitement similaire contre le diabète. Le groupe 2 (carence en insuline) présentait le plus grand risque de rétinopathie. Pour soutenir ce regroupement, les associations génétiques dans les groupes étaient différentes de celles observées dans le DT2 traditionnel. Cette nouvelle classification pourrait permettre d’ adapter le traitement précoce aux patients qui en bénéficieraient le plus, ce qui représente un premier pas vers une médecine de précision dans le domaine du diabète.

Effet des GLP-1 RA sur les complications macrovasculaires

Les GLP-1 RA ont montré un bénéfice significatif sur l’ infarctus du myocarde et l’ accident vasculaire cérébral et la mortalité cardiovasculaire dans l’ étude LEADER (liraglutide) et dans l’ étude HARMONY (albiglutide). Dans l’ étude SUSTAIN 6 le taux de mortalité cardiovasculaire, d’ infarctus du myocarde non mortel ou d’ accident vasculaire cérébral non mortel était significativement plus faible chez les patients recevant le GLP-1 RA sémaglutide que chez ceux recevant un placebo. Dans l’ étude REWIND, le dulaglutide a réduit de manière significative le critère d’ évaluation combiné MACE-3 dans une population d’ étude dont la majorité des patients présentaient des facteurs de risque cardiovasculaire mais aucune maladie cardiovasculaire manifeste.

Effet des inhibiteurs SGLT-2 sur l’ insuffisance cardiaque

L’ année 2020 est l’ année des inhibiteurs SGLT-2 comme thérapie dans l’ insuffisance cardiaque chez les patients non diabétiques.
Les inhibiteurs SGLT-2 se sont révélés être efficaces pour prévenir l’ insuffisance cardiaque et le dysfonctionnement rénal, même chez les patients non diabétiques, comme le démontraient les études DAPA HF (dapagliflozine) et EMPA REG (empagliflozine), l’ étude DAPA CKD et l’ étude EMPEROR, respectivement. Dans ces essais, 50 % des patients n’ étaient pas diabétiques. La canagliflozine a également réduit le risque d’ insuffisance rénale et d’ événements cardiovasculaires chez les patients atteints de DT2 et de maladies rénales par rapport au placebo dans l’ étude CREDENCE, avec un suivi médian de 2,62 ans.

Les progrès en 2020

    • Une pratique plus personnalisée, axée sur les besoins du patient.
    • Metformine en première ligne.
    • En association rapide les inhibiteurs SGLT-2 ou les GLP-1 RA sans regarder l’ HbA1c en fonction des facteurs de risque.
    • Les inhibiteurs SGLT-2 font la démonstration de leur efficacité pour prévenir l’ insuffisance cardiaque et la dégradation de la fonction rénale, y compris chez les non-diabétiques.
    • En troisième ligne les GLP-1 RA ou les SGLT-2 inhibiteurs – les nouvelles «stars» de nos ordonnances !
    • Selon les nouvelles recommandations suisses, 3 questions doivent être posées en premier lieu : 1) Déficience en insuline ? 2) Traitement ou prévention de l’ insuffisance cardiaque ? 3) Fonction rénale (eGFR) ?
  • Les principales recommandations pour les médecins généralistes sont les suivantes : Motivation pour un changement de mode de vie, traitement multifactoriel : l’ hypertension, les lipides, le sevrage tabagique et le diabète.

    Les options (nouveautés pharmacologiques)

  • L’ insuline

  • Insuline hebdomadaire (insuline Icodec) pour le DT2 sans traitement préalable à l’ insuline. Ce traitement a eu une efficacité hypoglycémiante et un profil de sécurité similaire à celui de l’ insuline glargine U100 à prise unique quotidienne chez les patients atteints DT2 (Rosenstock J et al. N Engl J Med. 2020;383:2107-2116).
  • Le tirzepatide

  • Dans le traitement du DT2, le tirzepatide est un agoniste du double récepteur GIP-GLP-1 qui est un peptide synthétique basé sur la séquence GIP native (GIP = peptide insulinotrope glucose-dépendant). Il est administré une fois par semaine en raison de sa demi-vie de 5 jours. Dans les études PROGRESS de phase 1 et de phase 2, le tirzepatide a démontré une réduction de l’ HbA1c proportionnelle à la dose jusqu’ à 2,4% et une réduction du poids corporel jusqu’ à 11,3 kg chez les patients atteints DT2. L’ efficacité clinique du tirzepatide est supérieure à celle du GLP-1 RA dulaglutide.
  • Le système de surveillance du glucose
    en continu (CGMS)

  • L’ utilisation du CGMS (continuous glucose monitoring system) continue à devenir de plus en plus courant dans la pratique clinique. En tant que composante de l’ autogestion du diabète, son utilisation quotidienne permet d’ obtenir un retour d’ information immédiat sur les taux de glycémie actuels ainsi que sur la direction et les changements des taux de glycémie. Ces informations permettent aux personnes diabétiques d’ optimiser leur consommation alimentaire et leur activité physique, de prendre des décisions de traitement éclairées concernant les repas et la correction du dosage d’ insuline et, surtout, de réagir immédiatement et de manière appropriée pour atténuer ou prévenir les événements glycémiques aigus.
  • Le CGMS et le DT2 – publications au congrès de l’ American Diabetes Association (ADA)

  • E. Miller : 84-LB – ADA 2020 : évaluation des niveaux d’ HbA1c avant, à 6 et 12 mois après le régime libre dans le DT2 sous insuline ou NON dans 3 ensembles de données croisées (FSL/Quest/DRG).
    E. Wright : 78-LB – ADA 2020 : évaluation du taux d’ HbA1c après un régime libre dans les cas de DT2 ne se situant pas dans la fourchette cible (HbA1c > 8 %) d’ après une autre base de données IBM explorée (n = 1034). La valeur de l’ HbA1c était de 10,11 % avant la prescription d’ un régime libre, 8,63% après la prescription. Avec insuline 10,13 % avant et 8,98 % après, sans insuline 10,11 % avant et 8,49 % après. L’ effet était encore meilleur sans insuline.
  • CGMS et santé publique

  • E. Miller 85-LB-ADA 2929 : Evaluer s’ il existe un registre continu des complications liées au diabète (hypo/hyper, DKA, HPA ou coma) et des hospitalisations dans le DT2 sans insuline rapide. Evénements de diabète aigu avant vs. après : HR 0,70 (0,57-0,85), p < 0,001. Le total des hospitalisationsv : avant vs. après HR 0,87 (0,78-0,98) p = 0,025.
    R. Bergenstal 69-OR-ADA2020. Evaluer s’ il existe un registre continu des complications liées au diabète (hypo/hyper, DKA, HPA ou coma) et des hospitalisations dans le DT2 sous insuline rapide. (« Ancien » diabète avec comorbidités) (n = 2463). Evénements de diabète aigu avant vs. après HR 0,40 (0,31-0,51), p<0,001. Le total des hospitalisations avant vs. après HR 0,67 (0,58-0,77), p < 0,001.
  • CGMS et patients âgés

  • L’ étude DIAMOND rapporte une amélioration de l’ HbA1c (100 patients 67 + /- 5 ans), et dans l’ étude WISDOM (203 patients en dessus de 60 ans, 30% >70 ans), le glucose self monitoring (SGM) a été testée vs le CGMS pendant 6 mois. Les résultats ont été une amélioration de l’ HbA1c, une réduction du temps d’ hypoglycémie, une hypoglycémie moins sévère et moins de fractures (p = 0.08) pour le CGMS.
Prof. Dr. Dr. h.c. Walter F. Riesen

riesen@medinfo-verlag.ch

  • La prévention du diabète, le dépistage et l’ éducation des patients continuent à être au centre du traitement initial et de la prévention des complications. Cela est particulièrement vrai pour les personnes à risque dans le contexte de l’ épidémie de SRAS-CoV-2.
  • Les GLP-1 RA oraux hebdomadaires confirment leur efficacité dans la prévention de la maladie cardiovasculaire athéromateuse.
  • Les inhibiteurs SGLT-2 ont prouvé un effet préventif dans les maladies athéromateuses, l’ insuffisance rénale ainsi que l’ insuffisance cardiaque, ceci également chez les sujets non-diabétiques.
  • L’ embuscade de l’ agoniste du double récepteur GIP-GLP-1 a montré un effet spectaculaire sur l’ HbA1c, le poids, et la NASH.
  • Plus que la pharmacologie, la technologie va également révolutionner le traitement des personnes atteintes de DT2.

FOMF Update Refresher Médecine interne, Endocrinologie et diabète, Lausanne 12.02. 2021.

Matinales du Service de Gériatrie du CHUV

Mise sur pied par le Prof Christophe Büla, médecin-chef du Service de gériatrie du CHUV, la dernière Matinale de formation continue en gériatrie, qui a eu lieu le 25 juin, a été l’occasion de prendre congé de trois «vieilles canailles» qui se  sont particulièrement engagées dans la prise en charge des personnes en soins gériatriques. En paraphrasant le nom donné aux rock stars bien connues dans l’Hexagone lors de leur  tournée d’adieux, cette manifestation a simplement voulu rendre hommage à ces trois compères qui, grâce à une magnifique complicité, ont su synergiser leurs forces et faire rayonner bien au delà nos frontières une gériatrie positiviste en alliant étroitement clinique, recherche et enseignement.

La parole est donnée d’ abord au Prof Jean-François Démonet. Après une formation de neurologue à l’ Université de Toulouse, puis de neuropsychologie à l’ Université de Montréal, il complète sa formation en imagerie cérébrale à Londres. Il obtiendra ensuite son PhD en neurosciences cognitives à l’ Université de Toulouse et mène depuis une double carrière de neurologue et de chercheur. Arrivé à Lausanne en 2011, le Prof Demonet est devenu chef de service du Centre Leenaards de la mémoire au CHUV. Dans son intervention, le Prof Démonet s’ est attaché à présenter les raisons qui l’ ont amené à bâtir le projet CLEMENS intercantonal (Center for Lemanic Memory and Neural Sciences). Il s’  agit d’ une plateforme recensant des données informatisées visant à favoriser et à guider la pratique clinique et la recherche translationnelle interdisciplinaire dans le domaine des maladies neurodégénératives. Un tel outil s’ est révélé utile pour mieux cerner la complexité de telles maladies selon trois axes clés que sont le stade de la maladie, les types de déficits cognitifs et les étiologies les plus contributives, ceci dans la perspective d’ une médecine de précision.

Puis vint le tour du Prof Joseph Ghika, médecin chef du service de neurologie des Hôpitaux du Valais Romand. Après une formation de neurologue au CHUV, il se spécialise aux Etats-Unis à Boston (MGH et MIT) dans le domaine des troubles du mouvement et de la mémoire. Ensuite, il rejoint le Département des neurosciences cliniques du CHUV, tout en maintenant une collaboration clinique et académique importante au Centre Leenaards de la Mémoire du CHUV. Au cours de sa présentation, le Prof Ghika nous a amené à la découverte des mouvements anormaux de la personne âgée. Ce fut l’ occasion de mesurer l’ étendue de son sens clinique lors de la présentation de ces troubles qu’ il qualifia de « banalités neurologiques du quotidien gériatrique ». A l’ aide de vidéos, l’ auditoire a assisté à un précieux rappel des caractéristiques de ces troubles tels que les myoclonies, la chorée, les dyskinésies, les tremblements et les stéréotypies qui peuvent bien souvent être attribués aux effets secondaires des neuroleptiques.

Enfin, la parole fut donnée au Prof Gabriel Gold. Après une formation en médecine interne et en gériatrie, tout d’ abord à l’ Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, puis au Mount Sinaï Medical Center à New-York pendant 12 ans, il rejoint Genève en 1995 où il est actuellement médecin chef du service de gériatrie de l’ Hôpital des Trois-Chêne et responsable du Centre de médecine de l’ âge avancé des HUG. Intitulée « Les démences de la personne âgée : avancées, espoirs et actualités », le Prof Gold montre que, si au cours de ces dernières années on assiste à une diminution de 15-20% de l’ incidence des démences, celles-ci demeurent un problème majeur de santé au XXIème siècle. Il relève l’ importance des micro-infarctus cérébraux comme cause de démence, alors que ceux-ci passent longtemps inaperçus à l’ imagerie conventionnelle. Il note aussi l’ intérêt à pouvoir disposer d’ un diagnostic précoce visant à instaurer des mesures thérapeutiques bien avant le stade d’ atrophie cérébrale. Si le développement de biomarqueurs plasmatiques a fourni des résultats prometteurs, en revanche les rares d’ études d’ intervention visant à prévenir la progression de la maladie d’ Alzheimer se sont révélées décevantes. Restent alors les recommandations émanant de la « Lancet Commission » en 2020 pour une action sur 13 facteurs de risque modifiables, ce qui permettrait une réduction de la prévalence des démences.

L’ hommage aux trois vieilles canailles s’ est conclu par un « standing ovation » prolongé et bien mérité.

Les Professeurs Demonet, Ghika, Büla et Gold (de g. à dr.) lors de la Matinale spéciale pour prendre congé des « Vieilles Canailles »

Pr Roger Darioli

Président de la Fondation Suisse Nutrition Santé
5, chemin des Fleurs
1007 Lausanne

roger.darioli@unisante.ch