Vous l’ avez certainement appris – Hogrefe ne veut plus continuer à publier « Praxis. Revue Suisse de la médecine » et « Therapeutische Umschau. Revue thérapeutique », car le succès économique n’ était plus garanti ! Cette mauvaise nouvelle, annoncée au début de l’ année, était compréhensible d’ un point de vue économique, mais elle signifie une perte, celle de ne plus disposer en Suisse d’ un journal en langue allemande, française ou anglaise référencé sur PubMed.
Heureusement la maison d’ édition medinfo AG a décidé d’ intégrer ces deux précieuses revues dans leur portefeuille et de continuer avec les deux revues listées sur PubMed. Ces deux revues spécialisées permettent d’ élargir considérablement la palette des thèmes médicaux, en particulier ceux de la médecine interne générale et ceux qui sont importants pour la médecine de famille. Il en résulte en outre des possibilités idéales de synergies et de coopérations.
Avec les deux nouvelles revues publiées par la maison d’ édition medinfo, il est désormais possible de se consacrer à des thèmes plus spécifiques de la médecine de famille, qui n’ ont pas pu être traités jusqu’ à présent dans « la gazette médicale » par manque de place.
Nous vous rappelons que vous avez vous-même la possibilité de publier un article dans le domaine de la médecine de famille dans l’ une de nos revues, en particulier dans « Praxis. Revue Suisse de la médecine ». Il peut s’ agir d’ un case report intéressant issu de votre propre activité de praticien, que vous souhaitez présenter aux lecteurs. Il peut également s’ agir d’ un travail scientifique rédigé par exemple dans un cercle de qualité, dans une institution de soins ou dans un institut de médecine de famille.
Pour les jeunes collègues qui souhaitent publier leur travail scientifique afin d’ obtenir le titre de spécialiste FMH, notre offre de publier ce travail dans une revue spécialisée de langue française, allemande où anglaise devrait certainement les intéresser.
« la gazette médicale », la revue de formation continue pour les médecins de famille, continuera d’ exister dans son format éprouvé et apprécié : Les thèmes et les contenus, choisis par les médecins de famille, sont soigneusement traités par des collègues compétents. Nous sommes très contents que le Pr Bernard Waeber, pendant longtemps coéditeur de Praxis pour lequel il continuera son engagement, nous rejoint dans le board éditorial de notre « gazette médicale ».
Dans cet esprit, nous vous souhaitons un bon début d’été et vous adressons nos meilleures salutations.
L’ hibernation des ours sans les conséquences de l’ immobilisation subies par l’ humain
Les ours effectuent une longue hibernation durant laquelle ils sont presque totalement immobilisés. Malgré cela, contrairement aux humains, ils ne développent pas d’ ostéoporose, d’ atrophie musculaire et rarement de thromboembolies. Il est également intéressant de noter que le taux de filtration glomérulaire chute à pratiquement 0 ml/min et que les ours présentent une anurie en hiver. Cependant, ils ne développent pas d’ urémie, alors que la production d’ azote se poursuive en utilisant les réserves estivales. Les ours évitent l’ urémie en sécrétant alternativement de l’ urée et de l’ ammoniaque dans la lumière intestinale (1). Les ours – lorsque leur hibernation est perturbée – conservent également au moins une partie de leur capacité cardiovasculaire et peuvent – contrairement à l’ homme après une immobilisation prolongée – sortir de leur tanière au galop avec une agilité surprenante !
Nous pourrions donc apprendre beaucoup des ours au niveau de prévention et traitement, par exemple en ce qui concerne les effets secondaires liés à l’ immobilisation décrits ci-dessus ! Une étude scandinave montre que les thromboembolies ne sont pas inconnues chez les ours et qu’ ils sont donc tout à fait qualifiés pour servir d’ espèce de comparaison. Mais, pendant l’ hibernation, les ours peuvent inhiber l’ activation des plaquettes sanguines par la suppression de différentes protéines plasmatiques activant les plaquettes, la suppression la plus marquée étant celle de la „heat shock protein 47, HSP47“ (2). Cette protéine est également supprimée chez les personnes immobilisées et pourrait donc être un mécanisme de protection, même s’ il n’ est pas efficace à 100% chez l’ homme. Peut-être qu’ un antagoniste de HSP47, en plus ou même comme remplacement (?) de l’ anticoagulation préventive actuellement utilisée, serait une cible d’ intervention intéressante.
1. Kidney International 2012, doi.org/10.1038/ki.2012.396, 2. Science 2023, DOI : 10.1126/science.abo5044, rédigé le 21.04.2023
Thrombectomie endovasculaire jusqu’ à 24 heures et également en cas d’ infarctus cérébral ischémique important
La thrombectomie intravasculaire (par aspiration et/ou stent), réalisée en règle générale dans les 6 heures suivant l’ apparition des premiers symptômes et les infarctus – légers à moyennement importants – permet d’ obtenir un taux de recanalisation d’ environ 75% et une indépendance fonctionnelle significativement plus élevée après 90 jours (avec un « number needed to treat » impressionnant de seulement 2,3 !) Toutefois, la mortalité globale n’ est pas réduite. Il existe maintenant trois études indépendantes (environ 1000 patients en tout, populations japonaise, chinoise et américaine) qui montrent un bénéfice comparable également en cas d’ infarctus cérébral important (volume cérébral ischémique >50 ml) (1,2,3). Les grands infarctus cérébraux avaient été exclus des études précédentes en raison du risque de dommages de reperfusion et d’ hémorragies dans le tissu cérébral nécrosé. En ce qui concerne le moment ou « windows of opportunity », une étude hollandaise montre, chez des patient(e)s ayant subi un accident ischémique (artères cérébrales antérieures), que le bénéfice d’ une meilleure récupération fonctionnelle avec une indépendance fonctionnelle dans les premières 24h après l’ accident est maintenu. Ceci est notamment le cas chez les patients chez lesquels un flux collatéral important (et donc un meilleur approvisionnement des tissus en oxygène) a pu être mis en évidence par tomodensitométrie (4). La fenêtre d’ opportunité pour des interventions réussies s’ est donc significativement élargie et même les grands accidents ischémiques ne sont plus une contre-indication en soi à une thrombectomie endovasculaire.
1. NEJM 2022, DOI : 10.1056/NEJMoa2118191, 2. NEJM 2023, doi:10.1056/NEJMoa2214403, 3. NEJM 2023, doi:10.1056/NEJMoa2213379, 4. The Lancet 2023, doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00575-5,
Dernières parutions
Traitement des infections récidivantes à Clostridioides difficile : Sans transplantation de microbiote fécal ?
La plupart des épisodes d’ infection à Clostridioides difficile se traitent bien par antibiotiques. Toutefois, le risque de récidive après une première infection est d’ environ 25%. Chez ces patients, la probabilité d’ autres récidives est de 60% – un chiffre impressionnant. Les directives recommandent donc pour les patients à haut risque de rétablir par des greffes de selles de donneurs sains la composition du microbiote qui joue un rôle protecteur important. Une alternative consiste à utiliser des „biothérapies“ qui remplacent les greffes de microbiote non sélectives par des souches bactériennes spécifiques et protectrices (cultivées in vitro). Une telle étude a utilisé 8 souches de Clostridioides commensales, non pathogènes et ne produisant pas de toxines, qui ont été transmises aux patients à haut risque après l’ administration de laxatifs. Ces souches de Clostridioides ont permis de réduire le risque de récidive de plus d’ un tiers (à presque 14% par rapport à près de 46% sous placebo, follow-up = 8 semaines). Ce sont des données impressionnantes ! Si elles sont confirmées, l’ ouverture pour ces biothérapies innovantes est faite. Toutefois, même avec celles-ci, le risque de récidive n’ est pas nul – raison pour laquelle il convient d’ examiner d’ autres mesures ou des compositions alternatives des souches bactériennes.
JAMA 2023, doi:10.1001/jama.2023.4314, rédigé le 21.04.2023
Testez vos connaissances de base du dépistage du cancer de la prostate !
Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
1. Le dépistage du PSA (prostate specific antigen) permet de réduire légèrement la mortalité – après 13 ans – de 1,3 cas pour 1000 hommes dépistés.
2. Le taux de survie à 10 ans des hommes ayant subi un dépistage par PSA et présentant un cancer de la prostate localisé est de 70%.
3. En cas de résultat positif du dépistage PSA, un examen au scanner CT de la loge prostatique est indiqué.
4. Chez les patients présentant un risque de progression histologique faible à moyen, une surveillance active (tests PSA et biopsies réguliers) est équivalente au traitement d’ éradication initial (radiothérapie ou chirurgie).
Réponse :
Le dépistage du PSA entraîne une légère réduction de la mortalité liée au cancer de la prostate (question 1). Le taux de survie à 10 ans après un dépistage du PSA et un cancer de la prostate localisé est de 95% (question 2). Un examen IRM de la prostate est recommandé pour choisir le meilleur site de biopsie après un dépistage du PSA positif (question 3). Une surveillance active est une alternative très valable aux interventions radiothérapeutiques ou chirurgicales primaires (question 4).
NEJM 2023, doi:10.1056/NEJMcp2209151, rédigé le 24.04.2023
A noter également
Quel sel pour les personnes âgées ?
Si vous vous occupez de patients dans des maisons de retraite ou de santé, ce travail pourrait vous intéresser : La réduction du sel de cuisine (NaCl) ajouté au repas ou déjà contenu dans des aliments préfabriqués comme le pain peut être obtenue par une réduction progressive de la teneur en sel sans que les personnes concernées ne se plaignent, car les préférences gustatives s’ adaptent manifestement aussi. Dans près de 50 foyers chinois, un remplacement partiel du sel alimentaire (NaCl) par du chlorure de potassium (KCl) a été prescrit aux cuisiniers dans le cadre d’ une étude. Les conséquences étaient comparées à celles en cas de non-intervention ou de réduction seule du NaCl, sur une durée d’ observation de deux ans. Les résultats sont impressionnants et comparables à de nombreuses études menées dans d’ autres populations qui ont démontré un bénéfice de la réduction du sodium accompagnée d’ une augmentation du potassium dans le régime : Un « salage » combiné dans la cuisine à domicile (62,5% NaCl, 25% KCl, le reste en sels organiques) a réduit de manière significative les valeurs de la pression artérielle systolique et diastolique et les événements cardiovasculaires, mais pas la mortalité globale. Une réduction isolée du sel de cuisine ajouté n’ a eu que des effets marginaux. L’ absence d’ effet sur la mortalité (qui, par nature, ne devrait plus être l’ objectif principal dans cette population), mais les effets positifs sur la morbidité sont des arguments forts pour augmenter le potassium au détriment du sodium dans le régime. Les données ont d’ ailleurs été recueillies dans une population avec une consommation assez élevée de sel de cuisine (environ 10 grammes par jour, mesurés par une collecte des urines de 24h).
Nature Medicine 2023, doi.org/10.1038/s41591-023-02286-8, rédigé le 24.04.2023
Physiologie et physiopathologie
Comment agissent les agonistes du GLP-1 ?
Les agonistes du glucagon-like peptide 1 (GLP-1, en particulier le sémaglutide) sont utilisés dans de nombreux pays comme antidiabétiques et pour la réduction du poids (en partie encore « off-label »). C’ est surtout l’ effet important et durable sur le poids corporel qui a ouvert un nouveau chapitre dans le traitement de l’ obésité par rapport aux réductions de poids non chirurgicales pratiquées jusqu’ à présent. C’ est pourquoi il est peut-être bon de vous rappeler, à l’ aide de la figure suivante, les multiples mécanismes d’ action du glucagon-like peptide et donc de ses agonistes.
JAMA 2023, doi:10.1001/jama.2023.2438, rédigé le 27.04.2023
Bon à savoir également
Vaccin contre les pneumocoques supplémentaire en Suisse
En plus du Prevenar13 autorisé et pris en charge par les caisses maladie, un nouveau vaccin (Vaxneuvance) a été autorisé par Swissmedic et sera disponible sur le marché et facturé à la charge de l’ AOS aux alentours du 20 avril. L’ autorisation est limitée aux personnes de plus de 65 ans qui présentent un risque accru de contracter des infections invasives (environ 20 pour 100 000 par an). L’ effet protecteur contre les infections invasives à pneumocoques semble significativement meilleur dans cette population en raison des 2 sérotypes supplémentaires contenus dans le vaccin (22F et 33 F) (voir aussi „Connaissances générales“).
Bulletin InfoVac N3, 2023, www.infovac.ch. Rédigé le 06.04.2023
Consultation par téléphone ou par vidéo ?
Ces deux formes de consultation ont de nombreux avantages, surtout si l’ on a vu les patients avant et qu’ on les connaît bien. Mais quel genre de consultation est favorisé par les patients ? Une étude – menée toutefois dans le système de santé américain – arrive à la conclusion que de nombreux patients préfèrent la consultation par téléphone. Il n’ est pas surprenant qu’ il s’ agisse surtout de personnes âgées et économiquement moins privilégiées. Toutefois, les cabinets médicaux, même s’ ils proposent des vidéoconsultations, offrent en premier lieu la consultation téléphonique qui est probablement plus rapide au quotidien !
JAMA network open 2023, doi : 10.1001/jamanetworkopen.2023.5242, rédigé le 06.04.2023
Traitement de l’ orthostatisme en 2030 ?
Les orthostases d’ origine neurologique peuvent être invalidantes. Elles sont liées au vieillissement ou acquises d’ une autre manière (par exemple dans le cas de l’ atrophie multisystémique), mais aussi post-traumatiques (notamment dans le contexte de syndromes médullaires). Les conséquences des chutes entraînent alors des atteintes supplémentaires à la santé. Il existe certes une série de médicaments avec différentes cibles, mais ils ne sont souvent pas suffisamment efficaces. Les neuroprothèses sont également évaluées pour ces indications : Un groupe de chercheurs de l’ EPFL à Lausanne a développé un système sous licence industrielle (1, 2), dans lequel une série d’ électrodes est implantée dans la moelle épinière et activée par un générateur d’ impulsions également implantable. Il est ainsi possible d’ activer le baroréflexe et de limiter, voire d’ empêcher l’ orthostatisme. Une approche prometteuse, même si elle est coûteuse !
Le café n’ est pas associé à plus d’ extrasystoles auriculaires
En médecine, la consommation de café contenant de la caféine a une histoire très mouvementée vu d’ un côté les avantages présumés et de l’ autre son association avec des risques pour la santé. Dans la référence 1, les lecteurs trouveront un bon résumé critique et actuel des effets biologiques de la caféine chez l’ homme (1). En ce qui concerne les extrasystoles auriculaires (précurseurs de la fibrillation auriculaire), l’ alerte peut être levée. Dans une population générale de 100 volontaires âgés d’ à peine 40 ans, composée d’ autant d’ hommes que de femmes, aucun effet de la consommation de café contenant de la caféine sur le nombre d’ extrasystoles auriculaires n’ a pu être constaté de manière prospective et randomisée (2). Le point positif de l’ étude est qu’ elle a été réalisée en cross-over, ce qui a permis d’ étudier chaque individu dans une période avec et sans caféine. Les auteurs et les éditeurs du New England Journal of Medicine obtiennent une moins bonne note pour le choix du titre du travail : il avait été annoncé que l’ étude avait examiné les effets aigus du café sur la santé. Mais le critère d’ évaluation primaire était alors très modeste, à savoir „seulement“ le nombre d’ extrasystoles auriculaires.
Chez une patiente de 61 ans, un diabète sucré de type 1 est connu depuis l’âge de 30 ans. De plus, elle présente dans son anamnèse personnelle une maladie de Basedow et une anémie pernicieuse et remplit donc les critères d’un syndrome polyendocrinien auto-immun. Le diabète est traité par une insuline basale (Tresiba, 12 U par jour) et du Novorapid pendant les repas (cumul d’environ 26 U par jour). Le contrôle de la glycémie est toutefois insuffisant depuis de nombreuses années (HbA1c 7,5-9%). Depuis 10/18, la patiente utilise un système de surveillance du glucose en continu (Dexcom). Elle a ainsi pu réduire sa peur des hypoglycémies. Cependant, en raison de cette peur, elle n’applique pas de manière fiable l’écart entre l’injection et le repas. En d’autres termes, l’insuline rapide est injectée au moment du repas et non 15 à 30 minutes avant celui-ci.
Points importants de l’anamnèse personnelle
La patiente souffre, dans le cadre du syndrome polyendocrinien auto-immun, d’un diabète sucré de type 1 (DI 1991), de la maladie de Basedow (depuis 1998) et d’une anémie pernicieuse (DI 2009). Elle présente en outre une dyslipidémie, qui est bien contrôlée par des médicaments.
Évolution
Dans l’ensemble, la patiente n’est pas technophile. Néanmoins, elle s’est engagée il y a un an dans une tentative de traitement par pompe à insuline.
En collaboration avec les experts/es en conseil de diabétologie, une pompe à insuline basée sur des algorithmes a été installée. Malheureusement, la patiente a arrêté ce traitement après peu de temps, bien que les taux de glycémie s’étaient fortement améliorés. L’interruption du traitement par pompe à insuline était due au fait que la patiente se sentait dépassée.
Conclusions
Le contrôle de la glycémie est insuffisant en cas de diabète sucré de type 1 à long terme. Il est frappant de constater que la dose d’insuline basale est relativement faible par rapport à l’insuline rapide du repas (on pourrait s’attendre à ce que le rapport soit plus équilibré). L’absence d’intervalle entre l’injection et le repas pourrait expliquer les fortes augmentations de la glycémie postprandiales.
Question
Comment la surveillance de la glycémie chez la patiente peut être améliorée ?
Pourquoi la patiente a-t-elle interrompu le traitement par pompe à insuline malgré l’amélioration de la glycémie ?
Mesures et traitement proposés
Comme mesure « à court terme », nous avons insisté sur l’importance de l’intervalle entre les injections et les repas, afin d’éviter les hausses de glycémie postprandiales.
Parallèlement, nous essayons de réduire progressivement la dose d’insuline basale au profit de l’insuline rapide du repas.
A long terme, un nouveau passage à un traitement par pompe à insuline basée sur des algorithmes serait judicieux. Il existe cependant un certain pourcentage de patient(e)s qui se montrent réticent(e)s avec des outils techniques (surveillance continue de la glycémie/pompes à insuline). Il ne faut pas mettre la pression aux patients, mais il faut tout de même leur redemander au cours de l’évolution de la maladie, s’il est possible d’envisager une nouvelle adaptation. La patiente était d’accord et elle va revoir les différents modèles de pompes à insuline avec l’expert(e) en conseil de diabétologie.
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PD Dre méd. Claudia Cavelti-Weder
Clinique d’ Endocrinologie, de Diabétologie et de Nutrition clinique
Hôpital Universitaire de Zurich
Rämistrasse 100
8091 Zurich
RL: Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca. CCW: L’ auteur n’ a pas de conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.
Le diagnostic clinique d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en situation d’urgence représente un grand défi pour les médecins, d’autant plus qu’il faut prendre la bonne thérapie sous la pression du temps et sachant qu’un diagnostic erroné risque un pronostic défavorable. Cet article traite des «stroke mimics» et des «stroke chameleons», qui constituent des difficultés fréquentes dans le diagnostic clinique d’un ACV.
The clinical diagnosis of stroke in an emergency situation is a major challenge for physicians, especially since the correct therapy should be chosen under time pressure and a misdiagnosis can be associated with an unfavorable prognosis. This article is about „stroke mimics“ and „stroke chameleons“, which are common pitfalls in clinical stroke diagnosis. Key Words: Stroke Mimics, Stroke Chameleons, Stroke.
L’ AVC présente une incidence globale en augmentation rapide et constitue une urgence médicale absolue. C’ est dans la situation préhospitalière sans imagerie (p. ex. au cabinet médical) qu’un diagnostic clinique rapide et correct est d’une grande importance pour permettre au patient de bénéficier au plus vite d’une thrombolyse. Les signes et symptômes typiques d’un AVC sont les suivants : l’apparition soudaine d’un déficit neurologique focal d’intensité maximale au début. Il existe cependant des témoignages cliniques atypiques qui peuvent compliquer le diagnostic ou conduire à un diagnostic erroné.
Il convient de distinguer les 2 groupes suivants:
I) stroke mimics: nous entendons par là un syndrome clinique qui ressemble à une attaque cérébrale aiguë, mais dont la cause n’ est pas imputable à une ischémie cérébrale («diagnostic faussement positif»).
II) stroke caméléons: il s’ agit de syndromes cliniques atypiques par rapport à une attaque cérébrale et qui ne font donc pas penser au diagnostic différentiel d’ un AVC, mais dont la cause peut être attribuée à une ischémie cérébrale («faux diagnostic négatif»).
Un diagnostic correct est décisif pour un traitement adéquat et le pronostic. En effet, les diagnostics erronés de stroke mimics entraînent des examens (CT/IRM) et des traitements (thrombolyse, antithrombotiques) pas nécessaires qui, d’ une part, génèrent des coûts inutiles et, d’autre part, exposent les patients à des risques thérapeutiques supplémentaires (notamment risque d’hémorragie). En revanche, les diagnostics erronés de stroke caméléons sont liés à un traitement aigu manqué ou omis (thrombolyse), ce qui entraîne un pronostic défavorable. L’ omission de la prévention secondaire est en outre liée à un risque accru de récidive. Nous allons maintenant aborder plus en détail ces diagnostics différentiels de l’ AVC.
Stroke mimics
Les causes les plus fréquentes de stroke mimics sont les crises de migraine, les crises d’ épilepsie ou les troubles fonctionnels, suivies par des causes plus rares telles que l’ hypoglycémie, les infections ou les déséquilibres électrolytiques.
Migraine avec aura
La migraine avec aura est l’une des causes les plus fréquentes de stroke mimics. Typiquement, les crises de migraine avec aura motrice ou dysphasique peuvent être mal interprétées en tant qu’ attaque cérébrale. Pour compliquer encore les choses, les causes les plus fréquentes d’ AVC chez les jeunes patients (foramen ovale persistant et dissections) sont souvent associées à des migraines. En outre, il n’ est pas rare que l’ attaque cérébrale aiguë soit accompagnée de céphalées, en particulier en cas d’ infarctus postérieur ou, plus souvent, d’ hémorragie cérébrale (1). Concernant la migraine, la plupart des auras sont sensitives ou visuelles, ce qui peut être mal interprété comme un déficit focal. Une extension rapide des symptômes pendant quelques minutes est un signe d’aura, surtout si elle est précédée ou suivie de maux de tête. En cas d’aura visuelle, les deux yeux sont typiquement concernés (binoculaire).
De plus, les patients rapportent des phénomènes de stimulation positifs, tels que des sensations d’éblouissement ou des phénomènes de flash, qui persistent même lorsque les paupières se ferment. En cas de troubles visuels dus à l’ ischémie, le début est toutefois très aigu, en cas d’ amaurose fugace, seul un œil est concerné (monoculaire) et les patients rapportent des phénomènes négatifs (« tout est noir/obscur »). Il faut tenir compte du fait qu’ en cas de migraine, les maux de tête se font de plus en plus rares avec l’ âge et que les auras peuvent être isolées. D’ autre part, la prudence est de mise lors de la première présentation d’une symptomatologie d’aura, pour laquelle on recommanderait plutôt généreusement une imagerie (IRM) en cas de doute. Enfin, il ne faut pas oublier que la migraine peut se manifester de manière très différente (avec de grandes variations dans la durée et la dynamique des céphalées et des phénomènes d’aura ainsi que dans l’intensité des troubles), de sorte que la migraine elle-même est discutée comme mimic et caméléon de maladies neurologiques (2,3).
L’ évaluation est particulièrement difficile chez les patients qui ne remplissent pas les critères de la migraine et qui se présentent avec le premier épisode de symptômes sensoriels ou aphasiques transitoires. La migraine hémiplégique est très rare : les premiers épisodes surviennent généralement avant l’ âge de 20 ans et ont tendance à être moins fréquents avec l’ âge, mais à durer plus longtemps (4).
Crise d’épilepsie
Les crises d’ épilepsie sont également une cause très fréquente de stroke mimics. Un déficit moteur post-ictal peut faire suite à une crise focale de courte durée non diagnostiquée. Le développement d’une faiblesse focale après une crise a été décrit par Robert Bentley Todd en 1849 et est probablement dû à une suractivité suivie d’un épuisement du cortex moteur primaire. Le diagnostic peut être difficile lorsqu’une crise constitue la première manifestation d’un accident vasculaire cérébral ou lorsque la cause de la crise d’épilepsie est un accident vasculaire cérébral touchant la circulation antérieure, dans le sens d’ une épilepsie d’origine structurelle. L’ IRM avec les séquences DWI et ADC (coefficient de diffusion apparent) sont essentielles pour distinguer les anciens et les nouveaux AVC ischémiques (5). En fonction des zones cérébrales touchées, d’ autres déficits peuvent apparaître, comme des troubles du langage, des symptômes sensitifs ou des pertes du champ visuel.
Troubles fonctionnels
Les troubles fonctionnels se manifestent souvent par une faiblesse aiguë ou des troubles sensitifs difficiles à localiser sur le plan neuro-anatomique. Il existe souvent un facteur déclenchant, comme une situation de panique ou de stress aiguë. Lors du diagnostic de troubles fonctionnels, les résultats positifs de l’ état neurologique, l’ incohérence (p. ex. la jambe ne peut pas bouger pendant l’examen, mais le patient peut aller normalement aux toilettes) et les incongruités (p. ex. hémiparésie avec préservation complète du visage) ainsi que l’ indifférence par rapport au degré de gravité de l’atteinte peuvent être utiles pour le diagnostic. Le signe de Hoover et la déviation sans pronation en cas de paralysie du bras sont d’autres exemples qui parlent en faveur d’une faiblesse fonctionnelle.
Autres causes
Une hypoglycémie se présente normalement avec des symptômes autonomes, mais elle peut aussi se présenter seule avec des symptômes neurologiques focaux. C’est pourquoi il est toujours recommandé de déterminer la glycémie en cas de défaillance aiguë, en particulier chez les patients à risque (p. ex. traitement à l’insuline ou aux sulfonylurées). Une septicémie ou des déséquilibres électrolytiques tels que des hyponatrémies peuvent également simuler un stroke mimic, notamment chez les patients multimorbides âgés. Mais la septicémie peut également favoriser une attaque cérébrale par le biais d’une hypercoagulabilité.
En cas de vertige aigu, le test HINTS (Head impulse, Nystagmus, Test du Skew – test de l’inclinaison) (6, 7) peut être utile pour différencier un vertige central d’un vertige périphérique. Un test d’impulsion de la tête négatif avec un nystagmus changeant de direction et une skew déviation a une sensibilité et une spécificité très élevées pour un AVC. Il ne faut pas oublier non plus que des maladies chroniques peuvent parfois débuter de manière aiguë (p. ex. crise myasthénique aiguë, sclérose en plaques avec présentation apoplectiforme, hémorragie de tumeurs ou abcès épiduraux).
Stroke mimics et thrombolyse
La prévalence des stroke mimics est élevée (jusqu’à 25%) dans les centres qui disposent d’un scanner en situation aiguë (5). Cela signifie que même les patients sans attaque cérébrale peuvent être traités par thrombolyse intraveineuse. Un symptôme important chez ces patients est par exemple une aphasie sévère sans hémiparésie (3). Heureusement, le taux de complications est extrêmement faible chez ces patients (hémorragie cérébrale 0,5%, œdème oral/au niveau de la langue 0,3%) (8). Dans les centres disposant d’ une IRM pour les diagnostics aigus, le taux de faux positifs peut être réduit. Le taux de diagnostics erronés peut être nettement réduit.
Stroke caméléons
Une attaque cérébrale peut être confondue à tort avec une lésion périphérique des nerfs, un délire ou une syncope. Le risque d’erreur de diagnostic est justement plus élevé chez les jeunes patients et ceux qui présentent des symptômes légers ou un coma. Les AVC touchant la circulation postérieure sont plus souvent ignorés, notamment lorsque ces patients se présentent avec des symptômes plutôt atypiques, comme une confusion sans signes de latéralisation (9, 10).
Diminution de la vigilance
Le syndrome « top of the basilar » est causé par une occlusion de la partie distale de l’ artère basilaire ; les patients peuvent se présenter avec une perte de conscience et une tétraplégie (11). Les modifications pupillaires et les signes oculomoteurs fournissent des indices, mais un scanner ou une angiographie par résonance magnétique sont généralement nécessaires pour confirmer le diagnostic (11). Des troubles de la conscience peuvent également survenir en cas d’ infarctus thalamique bilatéral, généralement en association avec une paralysie du regard vertical (12). Les situations insidieuses sont celles où le patient est victime d’ un AVC peropératoire touchant la circulation postérieure et présente des troubles de la conscience persistants post-opératoires, attribués à l’ anesthésie (fig. 1).
Confusion aiguë
Les AVC peuvent s’accompagner de confusion, d’ excitation ou d’ agitation et être pris à tort pour un délire. Les infarctus du lobe pariétal ou ceux au niveau du territoire de l’artère choroïdienne antérieure sont typiques et peuvent provoquer une confusion aiguë. Un indice clinique utile est l’ apparition soudaine de la confusion (phase très aiguë) chez un patient auparavant asymptomatique (fig. 2).
Troubles moteurs aigus
L’ hémichorée, l’ hémidystonie ou l’ hémiballisme se produisent en cas de lésions touchant les ganglions de la base. Des mouvements toniques rythmiques peuvent parfois indiquer une ischémie du tronc cérébral.
Ces mouvements peuvent être des secousses rythmiques en forme de crise, parfois accompagnées de contractions musculaires toniques prolongées. Les AIT (accidents ischémiques transitoires) de type limb shaking se manifestent par des mouvements rythmiques, involontaires et saccadés des membres dus à une sténose sévère de l’ artère carotide interne. Ces AIT hémodynamiques peuvent être déclenchées par une diminution du débit sanguin cérébral, par exemple lors d’un changement de position ou d’un effort physique, et peuvent être confondues avec des crises d’épilepsie focales. Le syndrome de la main étrangère est défini comme un mouvement involontaire et incontrôlable, mais apparemment ciblé, d’un membre supérieur. En cas d’ infarctus dans la région du corps calleux, différents comportements moteurs anormaux et involontaires peuvent se produire (12) (fig. 3).
Monoparésie pseudo-périphérique
Moins de 5% de tous les AVC se manifestent par une monoparésie isolée (touchant généralement le bras), qui peut être diagnostiquée à tort comme une paralysie nerveuse périphérique (12). La plupart de ces AVC sont dus à des lésions sous-corticales, mais 30% sont causés par des lésions corticales. Cependant, une parésie isolée de la main est généralement d’ origine corticale (hand knob infarction) et peut typiquement simuler une lésion des nerfs périphériques (13, 14).
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 04_2023
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Luiz Alexandre Dalla Vecchia
Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne
Pr Dr Marcel Arnold
Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne
Pr Dr Hakan Sarikaya
Hôpital universitaire Inselspital
service de neurologie
Freiburgstrasse
3010 Berne
Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’ intérêt en relation avec cet article.
Le diagnostic clinique d’un AVC peut s’avérer difficile dans la phaseaiguë sans imagerie. La connaissance des stroke mimics et des caméléons est utile pour un diagnostic précis, d’une part pour éviter des investigations et des traitements inutiles (dans le cas des stroke mimics), de l’autre part pour le dépistage et le traitement des présentations atypiques d’AVC (dans le cas des stroke caméléons).
1. Tentschert, S., Wimmer, R., Greisenegger, S., Lang, W., & Lalouschek, W. (2005).
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Le syndrome de l’ intestin irritable (SII) caractérise un trouble fonctionnel du tractus gastro-intestinal qui se manifeste par des douleurs abdominales et un changement dans les habitudes intestinales. Il motive jusqu’ à 50% des consultations chez les gastroentérologues, mais seulement un petit pourcentage des personnes concernées consulte un médecin. Chez environ 40% des personnes répondant aux critères de diagnostic du SII, le diagnostic n’ est pas posé. Ce bref aperçu présente les critères diagnostiques et les principaux diagnostics différentiels.
Irritable bowel syndrome (IBS) is a functional disorder of the gastrointestinal tract characterized by chronic abdominal pain and altered bowel habits. It accounts for up to 50% of consultations with gastroenterologists, with only a small proportion of sufferers seeing a doctor. Approximately 40% of individuals who meet diagnostic criteria for IBS are not diagnosed. In this brief overview, diagnostic criteria and the most important differential diagnoses are explained. Key Words: irritable bowel syndrome, IBS, abdominal pain, flatulence, belching, diarrhea, constipation
Les douleurs abdominales liées au syndrome de l’ intestin irritable (SII) (appelé également syndrome du côlon irritable) sont généralement décrites comme une sensation de crampes d’ intensité variable. L’ emplacement et le type de douleur peuvent être très différents et fluctuer au cours du temps. Leur degré de gravité peut varier de léger à sévère. La douleur est souvent liée à la défécation. Alors que chez certains patients les maux de ventre s’ atténuent après la selle, d’ autres indiquent une aggravation de la douleur lors de la défécation. Le stress émotionnel et les repas peuvent aggraver la douleur. De plus, les patients atteints par le SII souffrent souvent de ballonnements et d’ une surproduction de gaz avec par la suite des flatulences et/ou des éructations. Les symptômes du SII comprennent la diarrhée, la constipation, l’ alternance de diarrhée et de constipation ou alors des habitudes intestinales normales alternant avec des phases de diarrhée et/ou de constipation. Le syndrome de l’ intestin irritable est souvent associé à d’ autres maladies, notamment la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique, la dyspepsie fonctionnelle, les douleurs thoraciques/à la poitrine non cardiaques et les troubles psychiatriques tels que la dépression et l’ anxiété.
Critères de diagnostic
En l’ absence de biomarqueurs de la maladie, plusieurs critères basés sur les symptômes ont été élaborés pour standardiser le diagnostic du SII. Les critères les plus utilisés sont les critères de Rome IV (voir aussi l’ article „Douleurs abdominales chroniques“) (1). Selon ceux-ci, le syndrome de l’ intestin irritable est défini comme des douleurs abdominales récurrentes qui sont apparues en moyenne au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois et qui sont associées à deux ou plusieurs des critères suivants :
en relation avec la défécation
liées à un changement de la fréquence des selles
liées à une modification de la texture et de la couleur des selles (aspect extérieur)
Premier examen
Il est important d’ établir une bonne relation médecin-patient dès la première consultation vu la durée du traitement ultérieur. L’ anamnèse permet de reconnaître les manifestations cliniques du SII et d’ identifier les „red flags“ de maladies graves (début de la maladie après 50 ans, saignements rectaux ou méléna, symptômes nocturnes/diarrhée, symptomatologie progressive, perte de poids inexpliquée, anémie ferriprive inexpliquée). Les médicaments susceptibles de provoquer des symptômes similaires doivent également être pris en compte. L’ anamnèse familiale doit inclure la présence de maladies inflammatoires de l’ intestin, de cancer de l’ intestin et de maladie cœliaque. L’ examen physique est généralement normal chez les patients atteints du SII. Laboratoire : hémogramme complet, en cas de diarrhée en plus la calprotectine fécale, test de dépistage de Giardia lamblia, sérologie de la maladie cœliaque (tTG-Ak). Coloscopie : dans le cadre d’ un dépistage du cancer colorectal adapté à l’ âge. Cette approche diagnostique limitée permet d’ exclure une maladie organique chez plus de 95% des patients.
Diagnostic différentiel
Il est très large en cas du SII. Si des symptômes diarrhéiques sont prédominants, d’ autres causes importantes de diarrhée chronique doivent être envisagées telles que la maladie cœliaque, la colite microscopique, la prolifération bactérienne de l’ intestin grêle et les maladies inflammatoires de l’ intestin (MICI). La constipation peut être dûe à une maladie organique, à une défécation dyssynergique ou à un transit colique lent.
Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 08_2022
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Dr. med. Hans-Kaspar Schulthess
Facharzt FMF Innere Medizin und Gastroenterologie
Neuhausstrasse 18
8044 Zürich
Schulthess_hk@swissonline.ch
L’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ L’ évaluation et la prise en charge des patients suspects du SII reposent sur une bonne relation médecin-patient.
◆ Partant sur cette base, il faut essayer de poser un diagnostic positif et d’ exclure de manière appropriée les maladies organiques. Ainsi il existe une bonne chance d’ obtenir une base solide pour le traitement.
◆ En l’ absence de symptômes d’ alarme et en cas de prolongation des maux abdominaux, il est plus probable qu’ il s’ agisse d’ un état douloureux fonctionnel.
La dysphagie est la sensation subjective d’ une difficulté à avaler. La dysphagie a un impact négatif sur la qualité de vie et réduit la productivité au travail. La dysphagie est la dixième cause de visite ambulatoire aux États-Unis pour les symptômes gastro-intestinaux (GI), avec plus de 600 000 visites par an (1, 2).
Bien que la dysphagie soit fréquente, les informations sur sa prévalence et sa charge aux États-Unis sont limitées. Une enquête transversale basée sur la population a donc été menée auprès de plus de 31 000 adultes (3) afin d’ évaluer l’ épidémiologie, les caractéristiques cliniques et le comportement des personnes atteintes de dysphagie. Cette étude a été approuvée par le Cedars-Sinai Institutional Review Board (Pro47958).
Conception de l’ étude et recrutement des participants
Afin de recruter un échantillon représentatif basé sur la population, une collaboration a été mise en place avec la société de recherche par sondage CINT. Celle-ci utilise des quotas d’ âge, de sexe et de région basés sur les dernières données du recensement américain.
CINT a invité les participants qui répondaient aux quotas du recensement à participer à une enquête en ligne. L’ enquête a été décrite comme une enquête sur la santé et non comme une étude axée sur la dysphagie. Les invitations à l’ enquête ont été distribuées jusqu’ à ce que l’ objectif de taille de l’ échantillon d’ environ 5 000 répondants souffrant de dysphagie soit atteint, ce qui a permis de créer un ensemble de données robuste et centré sur la dysphagie.
Population de l’ étude
Pour atteindre l’ objectif primaire, à savoir déterminer la prévalence de la dysphagie dans la population, il a été demandé à toutes les personnes âgées de≥18 ans lequel des symptômes digestifs suivants ils avaient déjà ressenti : Dysphagie, douleurs abdominales, ballonnements, incontinence intestinale, constipation, diarrhée, brûlures d’ estomac/reflux, nausées/vomissements ou aucun de ceux mentionnés ci-dessus. La dysphagie a été décrite comme une „ difficulté à avaler (aliments ou liquides coincés dans la gorge ou la poitrine, difficulté à avaler ou sensation d’ étouffement lors de la déglutition) “. Les auteurs ont utilisé un screener „en aveugle“ qui énumérait huit symptômes de GI afin d’ augmenter la probabilité que les répondants souffrent de dysphagie et ne cherchent pas simplement une compensation. Seuls les répondants qui ont sélectionné la dysphagie ont poursuivi le reste de l’ enquête, qui comprenait des questions sur la gravité de la dysphagie, l’ utilisation de manœuvres de compensation, le recours à des soins médicaux et les comorbidités au niveau de l’ œsophage. Des méthodes de régression multivariables ont été utilisées afin d’ exclure les facteurs de confusion.
Il a été demandé aux participants s’ ils avaient déjà subi une dilatation de l’ œsophage ou une aliénation alimentaire.
En outre, il leur a été demandé si un prestataire de soins de santé avait diagnostiqué une œsophagite à éosinophiles (EoE). Ceux qui ont répondu par l’ affirmative ont répondu à des questions sur le moment du diagnostic et sur les prestataires de soins qu’ ils avaient consultés pour leur état. Les participants ont également été interrogés sur les traitements actuels de l’ EoE : inhibiteurs de la pompe à protons, stéroïdes inhalés avalés, stéroïdes liquides ou en suspension, comprimés de stéroïdes ; régime d’ élimination, après quoi ils ont rempli le questionnaire abrégé de satisfaction sur le traitement médicamenteux (TSQM-9) (6).
Tous les participants ont également rempli le PROMIS Global Health Short Form Questionnaire (7), ainsi que des questions sur l’ évaluation des comorbidités. Enfin, des questions démographiques et socio-économiques ont été posées.
Le critère d’ évaluation primaire était de savoir si les personnes avaient déjà connu une dysphagie évaluée par le GI-Symptom-Screener. Pour les patients souffrant de dysphagie, un résultat secondaire était de savoir s’ ils recherchaient des soins de santé pour leurs problèmes de déglutition. Les autres critères d’ évaluation secondaires étaient la prévalence de l’ EoE et l’ utilisation et la satisfaction des traitements pour la prise en charge de l’ EoE, mesurées par le TSQM-9.
Résultats
Sur les 31 129 personnes qui ont participé à l’ enquête, 4 998 répondants (16,1%) ont déclaré souffrir de dysphagie; 92,3% d’ entre eux avaient eu des symptômes au cours de la semaine précédente. Il s’ est avéré que 16,3% des personnes interrogées ont décrit leur dysphagie comme étant soit „assez“ soit „très“ sévère au cours des 7 derniers jours. Boire des liquides pour soutenir la dysphagie (86.0%) et attendre plus longtemps avant de manger (76.5%) étaient les manœuvres de compensation les plus fréquentes. Au total, 51,1% des personnes ont cherché un traitement pour leurs problèmes de déglutition. Un âge plus élevé, le sexe masculin, la présence d’ une source de soins et d’ assurance maladie, des comorbidités et des symptômes de dysphagie plus sévères augmentaient les chances de demander des soins (P< 0,05). Les comorbidités œsophagiennes les plus fréquemment rapportées étaient le reflux gastro-œsophagien (30,9%), l’ œsophagite à éosinophiles (8,0%) et la sténose de l’ œsophage (4,5%).
Conclusions
Une grande enquête basée sur la population a révélé que la dysphagie est fréquente ; 1 adulte sur 6 a signalé des problèmes de déglutition. Cependant, la moitié des personnes n’ ont pas discuté de leurs symptômes avec un médecin, et beaucoup pourraient avoir des troubles traitables.
Source : Adkins C et al. Prevalence and Characteristics of Dysphagia Based on a Population-Based Survey . Clin Gastroenterol Hepatol. 2020; 18: 1970–1979.e2. doi:10.1016/j.cgh.2019.10.029.