Foetor et halitose

Surtout de nos jours, où beaucoup de gens doivent porter un masque, l’ un / l’ une ou l’ autre se dérangera d’ une haleine incommodante. Un journal suisse du dimanche connu a fait un reportage sur ce sujet en juillet 2020, encourageant un nombre croissant de patients à consulter leur médecin généraliste ou spécialiste pour ce problème. L’ objectif de cet article est de montrer que dans la majorité des cas, une amélioration des symptômes peut être obtenue avec des mesures souvent simples.

Il est donc certainement important et pertinent de se pencher sur cette question d’ actualité et de fournir un résumé à cet égard. Les plaintes ne sont pas faciles à objectiver dans la pratique clinique quotidienne et sont souvent minimisées (« Ce n’ est pas si grave. »). Je voudrais pourtant montrer ici que dans la plupart des cas, une amélioration symptomatique peut être obtenue par des mesures simples. Comme spécialiste ORL exerçant en cabinet, j’ aimerais traiter le sujet de manière aussi compréhensible que possible et vous montrer les principales causes et les options thérapeutiques correspondantes.

Foetor et halitose – distinction terminologique

Au début, il est important de définir les termes avec précision. Parfois ces termes sont utilisés comme synonymes. Toutefois, une distinction doit être faite entre le foetor – une odeur désagréable provenant de la cavité buccale et donc due à une cause intra-orale – et l’  halitose. L’ halitose décrit une mauvaise haleine due à diverses causes métaboliques systémiques. Ici il s’ agit en fait plus d’ une odeur incommodante de l’ air expiré que d’ un problème d’ haleine. Les termes d’ ozostomie ou de cacostomie ne sont que rarement utilisés (1).
Historiquement, le problème apparaît déjà dans la mythologie grecque, dans laquelle Aphrodite aurait puni les femmes de l’ île grecque de Lemnos d’ une haleine nauséabonde parce qu’ elles avaient négligé ses sanctuaires. Plus récemment l’ histoire du Roi Soleil Louis XIV en France est tout aussi connue, lui qui souffrait d’ une haleine nauséabonde en raison d’ une complication abcédante survenue après un traitement dentaire. Du film « Autant en emporte le vent » on connaît le baiser le plus célèbre de l’ histoire du cinéma. L’ actrice Vivian Leigh dira plus tard à propos de son partenaire Clark Gable qu’ il avait « de fausses dents et une mauvaise haleine ».
Linus Pauling, lauréat américain du prix Nobel de chimie, a été le premier à pratiquer une chromatographie gazeuse de l’ air expiré et a pu détecter plus de 200 substances volatiles différentes, essentiellement organiques (2). Des études plus poussées, réalisées avec des instruments améliorés, ont permis de découvrir jusqu’ à 3 000 de ces substances volatiles. Dans l’ air expiré par un être humain normal, on trouve à côté de l’ azote, de l’ oxygène et du dioxyde de carbone une proportion d’ environ 1 % de divers autres composants gazeux. Ce 1% peut contenir des substances volatiles extrêmement fortes et odorantes, contenant principalement du soufre, de sorte que l’ air exhalé est perçu comme désagréable, voire insupportable. Il ne s’ agit pas seulement d’ un problème touchant l’ acteur susmentionné et l’ ancien roi de France, une nouvelle méta-analyse montre une prévalence de 31,8 % (3). Il s’ agit donc d’ un problème commun auquel le dentiste, le médecin de famille et le spécialiste en ORL sont de plus en plus souvent confrontés à l’ heure actuelle, encore plus avec l’ obligation accrue du port du masque.

Les causes

En ce qui concerne les causes (3 – 8) on distingue entre un problème buccal causant un foetor, et les causes extra-orales, entraînant une halitose. La cause intra-buccale la plus fréquente est un problème d’ hygiène bucco-dentaire insuffisante, laissant persister des résidus de nourriture dans la cavité buccale. Ces résidus alimentaires entraînent une colonisation bactérienne avec formation de substances volatiles contenant du soufre, qui conduisent ensuite au foetor. Il en va de même pour les prothèses dentaires mal entretenues, la parodontose ou les dents cariées. Des inflammations telles que l’ amygdalite chronique, l’ angine tonsillaire, les abcès intra-oraux, ainsi que de rares infections par des agents pathogènes spéciaux, comme la syphilis ou la diphtérie, peuvent également causer un foetor. Il est important aussi de faire la différence avec un nez malodorant (l’ ocène) qui se produit par exemple en cas de rhinite atrophique. Les tumeurs avec des composantes nécrotiques sises dans la cavité buccale ou dans le larynx/pharynx peuvent également provoquer une forte odeur. La sécheresse de la bouche, comme cela peut arriver dans les professions orales, un syndrome d’ apnée obstructive du sommeil, une carence alimentaire, ainsi qu’ une salivation réduite, par exemple dans le syndrome de Sjögren, peuvent aussi causer une mauvaise haleine. Une imprégnation locale, par exemple par des huiles essentielles, l’ alcool ou le tabac, est également une cause courante d’ haleine nauséabonde. En résumé, les causes intra-orales sont principalement dues à une hygiène bucco-dentaire insuffisante ou à une inflammation bactérienne locale. Chez 85 à 90 % des patients se plaignant de mauvaise haleine, on trouve une cause orale, c’ est-à-dire qu’ il s’ agit d’ un foetor.
Dans 10 à 15 % des cas, l’ halitose est due à diverses causes métaboliques systémiques, telles que les maladies des voies respiratoires avec une bronchite purulente, des bronchectasies ou une pneumonie. De même les maladies du tractus gastro-intestinal, en particulier des carcinomes, les diverticules de rétention, l’ achalasie ou la sténose gastrique peuvent entraîner une halitose. Les maladies métaboliques telles que l’ urémie (foetor urémique), le diabète sucré ou l’ insuffisance hépatique (foetor hépatique) peuvent aussi être associées à une mauvaise haleine. Pendant un jeûne prolongé, l’ acidocétose qui en résulte peut être détectée dans l’ air expiré.
Plus rarement il s’ agit d’ un problème psychosomatique. Un patient atteint d’ une pseudohalitose peut être ainsi fermement convaincu de souffrir d’ une halitose ou d’ un foetor, sans trouvailles objectives à l’ examen clinique. Il arrive que ces patients s’ adonnent à une hygiène bucco-dentaire excessive. Dans ce cas notre tâche doit être de rassurer le patient et de le convaincre qu’ il n’ y a pas vraiment de mauvaise haleine.

Diagnostic

En matière de diagnostic, la littérature fait souvent référence à un test subjectif et un test objectif dans l’ évaluation organoleptique. Lors d’ un test organoleptique subjectif, un médecin expérimenté évalue l’ air expiré du patient avec son propre sens de l’ odorat. Les résultats sont ensuite documentés et consignés dans un tableau. Lors d’ un test organoleptique objectif, une mesure peut être effectuée à l’ aide d’ un chromatographe gazeux. Cependant, ces appareils sont très grands et compliqués à utiliser et à entretenir. Une option plus simple et plus pratique est la mesure dite VSC (volatile sulphur compounds) à l’ aide d’ un halimètre (10). Cela permet de quantifier les composés volatils du soufre et d’ évaluer objectivement les symptômes. Les scores du test organoleptique objectif et du test subjectif semblent être en corrélation dans la littérature (11), cependant, le test subjectif n’ est probablement plus effectué de manière standard et semble obsolète, surtout à l’ époque du coronavirus. Je pense que ces mesures ont surtout leur place dans les consultations spécialisées des grands hôpitaux centraux. Dans mon cabinet médical ORL, il s’ agit principalement d’ exclure les pathologies mentionnées ci-dessus, telles que des causes inflammatoires ou une tumeur, au moyen d’ un examen clinique comprenant une endoscopie nasale et un examen endoscopique par fibres du pharynx et du larynx. Cela comprend aussi une anamnèse approfondie et un examen clinique minutieux en connaissance des causes possibles. D’ autres examens peuvent également être indiqués, tels qu’ une polygraphie respiratoire en cas de suspicion d’ un syndrome d’ apnée nocturne ou un test de Saxon avec échographie des glandes salivaires si un syndrome de Sjögren est soupçonné.
Le diagnostic de base posé par un médecin de famille comprend certainement un examen de laboratoire afin d’ exclure les causes systémiques susmentionnées. En cas de suspicion clinique, il peut être nécessaire d’ organiser des examens spécialisés supplémentaires, par exemple avec un spécialiste en ORL, un pneumologue ou un gastro-entérologue.

Traitement

Comme une cause intra-buccale est souvent à l’ origine des plaintes, il est particulièrement important d’ enseigner au patient une hygiène bucco-dentaire conséquente. Il s’ agit principalement d’ un nettoyage des dents approfondi, ainsi qu’ éventuellement d’ un nettoyage de la surface de la langue, par exemple à l’ aide d’ un racleur de langue. Le racleur de langue (ou gratte-langue), en particulier, semble être un outil très efficace et il existe de bonnes données concernant son efficacité. L’ objectif est de parvenir à une réduction de la colonisation bactérienne par une application régulière en combinaison avec l’ hygiène dentaire. Dans la littérature, il existe diverses approches thérapeutiques qui, par exemple, appliquent des substances probiotiques sur le racleur de langue et permettent ainsi de réduire le foetor (12). En cas de problèmes dentaires, le dentiste peut être consulté pour un nettoyage régulier des dents. Des solutions de rinçage de la bouche telles que la chlorhexidine peuvent également être utilisées. Le thé noir, la menthe poivrée, l’ eucalyptus, les comprimés de chlorophylle et les grains de café à mâcher sont recommandés comme remèdes domestiques. Dans le domaine ORL, une amygdalectomie peut être envisagée en cas de calculs amygdaliens ou d’ infections récurrentes dans la zone des amygdales. Il est bien sûr essentiel de diagnostiquer et de traiter une tumeur, un éventuel syndrome de Sjögren, ainsi que de chercher un syndrome d’ apnée nocturne dans l’ anamnèse. Il peut être nécessaire d’ objectiver et de traiter les troubles respiratoires liés au sommeil, éventuellement en pratiquant une polygraphie respiratoire, afin de minimiser la sécheresse de la bouche. Pour des causes plus rares dans le domaine des maladies des voies respiratoires ou du tractus gastro-intestinal, on se tiendra aux examens et recommandations du spécialiste.

Traduction basée sur l’article original paru en allemand dans « der informierte arzt » 10_2020
Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. Mathias Henseler

Facharzt für Hals-Nasen-Ohrenkrankheiten,
Schwerpunkt Hals- und Gesichtschirurgie
HNO-Praxis
Haldenstrasse 11
6006 Luzern

henseler@hno-praxis.ch

L’ auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

  • En matière de mauvaise haleine on distingue deux termes : le foetor, une haleine nauséabonde provenant de la cavité buccale et l’ halitose, une odeur désagréable de l’ air expiré.
  • Dans 85% des cas, il s’ agit d’ un foetor avec une cause intra-orale à traiter. Seulement 15 % des plaintes de mauvaise haleine sont dues à une halitose d’ origine extra-orale.
  • Il vaut la peine de faire une bonne anamnèse et de connaître les mécanismes possibles.
  • Une mesure thérapeutique importante est l’ enseignement de l’ hygiène buccale avec le brossage des dents et le grattage de la langue.
  • Des consultations spécialisées existent dans les hôpitaux universitaires, disposant en particulier de méthodes d’ examen objectives, telles que l ’ halimétrie. Il convient de les réserver pour les cas compliqués et difficiles.

1. Facharztwissen HNO, PD Dr. med. Michael Reiss, HNO-Klinik, Elblandklinikum Radebeul
2. L. Pauling Quantitative analysis of urine vapor and breath by gas-liquid partition chromatography. Proc Natl Acad Sci U S A. Band 68, 1971, S. 2374–2376.
3. Estimated prevalence of halitosis: a systematic review and meta – regression analysis, Manuela F Silva, Clin Oral Investig. 2018 Jan ;22(1) :47-55
4. Halitosis-Ursache, Diagnose, Therapie – Schweiz. Med. Forum 2004;585-589
5. Mundgeruch-Ursachen und Therapie, Zentrum für Zahnmedizin, Universität Zürich, September 2011
6. Mundgeruch-Ursachen, Differenzialdiagnose und Behandlung, Imfeld T, 2008. Universität Zürich
7. Interventions for managing halitosis – sumanth Kumbargere Nagraj, Cochrane Databes syst rev. 2019 Dec 11; 12(12):CD012213
8. Halitosis: the multidisciplinary approach Curd ML Bollen, Int J Oral Sci. 2012 Jun
9. Halitosis : knowing when bad breath signals systemic disease, TM Durham, Geriatrics, 1993, Aug;48(8):55-9
10. Halitosismanagement für die Zahnarztpraxis – Workshop beim BREATH ANALYSIS Summit 2013 – International Conference of Breath Research, 9.Juni 2013 – Saarbrücken/Wallerfangen, Deutschland
11. Subjective patients opinion and evaluation of halitosis using halimeter and oranoleptic scores – E Iwanicka-Grzegorek, Oral Dis 2005 ; 11 1 :86-88
12. A simple method to reduce halitosis : tongue scraping with probiotics, Berk Gurpinar, J Breath Res, 2019 : Dec 4 ;14(1) :016008

Duplicité des cas ?

Présentation du cas 1

Un maçon de 24 ans se présente d’ urgence à votre cabinet de médecine familiale un vendredi après-midi parce qu’ il souffre d’ un mal de gorge croissant depuis une semaine. Subjectivement, il se sent aussi un peu fébrile, c’ est pourquoi il a fait faire un test Covid-19 il y a deux jours, qui était alors négatif. Actuellement, il se sent en bonne condition générale, mais il a un mal de gorge considérable et a du mal à déglutir. Il ne tousse pas et son odorat est normal.

Anamnèse personnelle
Fracture de la jambe gauche après un accident de moto il y a 3 ans, autrement en bonne santé. Non-fumeur. Pas d’ allergies.

Médicaments
Pas de médicaments réguliers

Signes vitaux
TA 135/85, pouls 78, régulier, SO2 98%.
Température : 38,3 °C. Taille 184 cm, poids 84 kg.

Status clinique
Ganglions lymphatiques cervicaux légèrement enflés et légèrement douloureux des deux côtés, pas de rougeur, pas d’ hyperthermie. Pas d’ exanthème. Examen cardiaque, pulmonaire et abdominal anodin.

nspection buccale du cas 1

Questions :

Quelle forme d’ amygdalite aiguë est la plus probable ?
A. Mononucléose
B. Infection virale non spécifique des voies respiratoires
supérieures
C. Herpangine (virus Coxsackie)
D. Angine streptococcique

La réponse D est correcte. On voit l’ image classique de l’ amygdalite streptococcique au stade d’ une angine lacunaire.

Quels examens diagnostiques effectuez-vous ?
A. Aucun
B. Test rapide de dépistage des streptocoques
C. Hémogramme avec numération globulaire différentielle, enzymes hépatiques
D. Frottis de gorge

La meilleure réponse est B. Avec 4 points dans le score de McIsaac, le patient a une bonne probabilité de 50% de présenter une infection streptococcique. Cependant, la réponse C est également possible en fonction de la situation clinique. Un quotient lymphocytes/leucocytes de > 0,35 et des valeurs hépatiques élevées pourraient être des indicateurs différentiels de la présence d’ une mononucléose.

Quel traitement recommandez-vous ?
A. Repos physique, quantité suffisante de boissons
(par exemple, thé chaud).
B. Repos physique, consommation suffisante de boissons
(par exemple, thé chaud), ibuprofène
C. Repos physique, consommation suffisante de boissons
(par exemple, thé chaud), ibuprofène, suivi après 3 jours
D. Repos physique, consommation suffisante de boissons
(par exemple, thé chaud), ibuprofène, suivi après 3 jours, pénicilline orale pendant 10 jours.

La bonne réponse est C. Sous traitement symptomatique, il y a une forte probabilité de rémission spontanée d’ une amygdalite aiguë sans complications chez ce jeune homme sans maladies sous-jacentes.

Présentation du cas 2

Deux heures plus tard, une patiente se présente en urgence à votre cabinet. Cette fois, il s’ agit d’ une coiffeuse de 32 ans qui souffre depuis 4 jours d’ un grave mal de gorge, davantage sur le côté gauche. Elle a une odynophagie prononcée, surtout lorsqu’ elle mange des aliments acides, et peut difficilement se nourrir. Elle n’ indique ni toux, ni rhume, ni mal de tête.

Anamnèse personnelle
Dermatite atopique. Pas d’ allergies.

Médicaments
Pas de médicaments réguliers.

Signes vitaux
Tension artérielle 115/65, pouls 84, régulier, SO2 98%.
Température : 37,4 °C. Taille 172 cm, poids 62 kg.

Status clinique
Palpation du cou sans aucune particularité. Pas d’ exanthème. Examen cardiaque, pulmonaire et abdominal anodin.

Inspection buccale du cas 2

Question :

Quel est le diagnostic primaire que vous effectuez ?
A. Exames sérologiques
B. Test rapide de dépistage de streptocoques
C. Hémogramme avec numération globulaire différenciée, valeurs hépatiques
D. Frottis de gorge avec coloration de Gram

La meilleure réponse est D. Si la coloration de Gram montre des spirochètes et des bactéries fusiformes, le diagnostic d’ une angine de Plaut-Vincent peut être établi. La réponse A est également correcte. En cas d’ une amygdalite ulcéreuse unilatérale, une infection luétique primaire par exemple, est également à considérer dans le diagnostic différentiel, de sorte qu’ une sérologie pour la syphilis est indiquée. Secondairement, dans le suivi, un lymphome ou un carcinome amygdalien, entre autres, doit être exclu.

Discussion

Chez les patients souffrant d’ amygdalite aiguë, la question fondamentale est de savoir si un traitement antibiotique est nécessaire en plus d’ une thérapie symptomatique appropriée. Comme il est difficile de distinguer les amygdalites virales des amygdalites bactériennes lors de l’ inspection, en particulier des amygdalites à streptocoques du groupe A, le score de McIsaac, par exemple, peut être utilisé au départ. Un score élevé augmente la probabilité de présence d’ un frottis de gorge positif pour les streptocoques du groupe A. Dans le diagnostic différentiel, la mononucléose est toujours une possibilité. Dans le cas d’ un score McIsaac de 3 points ou plus, il est recommandé d’ effectuer en plus un test rapide de dépistage de streptocoques. Si ce test rapide est positif, on peut supposer que le patient est atteint d’ une amygdalite streptococcique du groupe A. Le traitement par antibiotique peut-il donc avoir un effet favorable sur l’ évolution de la maladie, c’ est-à-dire permettre une rémission plus rapide et éviter les complications ? Il a été démontré que l’ angine streptococcique avec traitement symptomatique a un taux élevé de rémission spontanée. Lorsqu’ elle est traitée avec un antibiotique, la guérison spontanée peut être réduite de 7 à 6 jours en moyenne, ce qui représente un gain d’ environ une journée. En outre, la thérapie par antibiotique ne peut pas empêcher des complications telles qu’ un abcès périamygdalien. En outre, le rhumatisme articulaire aigu, à l’  origine la principale raison de traiter l’ angine streptococcique par un antibiotique, est devenu une rareté dans nos pays dits civilisés.
En résumé, il est aujourd’ hui recommandé de traiter les amygdalites aiguës de manière essentiellement symptomatique. En termes d’ antibiothérapie rationnelle, le traitement par un antibiotique n’ est pas indiqué dans la plupart des cas d’ angine streptococcique ou n’ est indiqué qu’ avec un certain délai. D’ autre part, en plus d’ une analgésie adéquate dans le traitement de l’ amygdalite aiguë, il est également important d’ informer le patient des raisons pour lesquelles un antibiotique n’ est pas nécessaire et des avantages qu’ il en retire s’ il n’ est pas nécessaire de traiter avec un antibiotique. Bien entendu, il faut toujours tenir compte de la situation clinique (maladie grave, immunosuppression, évolution inhabituelle, rhumatisme articulaire aigu dans l’ anamnèse, etc.) et reconnaître les signaux d’ alerte tels que le bombement unilatéral de la voûte palatine, la gorge unilatéralement gonflée et rougie, une maladie générale grave (abcès périamygdalien, abcès des ganglions lymphatiques cervicaux, syndrome de Lemierre, etc.
Dans le cas de la deuxième urgence, celle de la patiente atteinte d’ une amygdalite ulcéreuse unilatérale, il s’ agit d’ une angine de Plaut-Vincent. Le nom vient du bactériologiste allemand H.C. Plaut et du médecin et épidémiologiste français J.H. Vincent. Cette infection mixte est causée par des spirochètes et des fusobactéries, qui sont plus facilement détectables dans une coloration de Gram. La maladie est relativement rare et se présente généralement avec des résultats locaux remarquables. Le traitement dépend de l’ état clinique et va des antiseptiques locaux à la thérapie avec des antibiotiques oraux, par exemple la pénicilline. Le diagnostic différentiel de l’ amygdalite ulcéreuse unilatérale comprend une infection syphilitique primaire et peut justifier d’ effectuer une sérologie de la syphilis. Selon l’ évolution, un carcinome des amygdales ou un lymphome doit également être exclu.

Dr. med. Christoph Schlegel-Wagner

Klinik für Hals-Nasen-Ohren- und Gesichtschirurgie (HNO)
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
6004 Luzern

christoph.schlegel@luks.ch

L’  auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Dans la plupart des cas, il n’ est pas nécessaire de traiter une angine à streptocoque du groupe A avec un antibiotique, ou seulement après un délai.
  • Le rhumatisme articulaire aigu secondaire à l’ angine streptococcique est devenu une rareté en Europe. Ce fait renforce le conseil d’ une  utilisation restrictive des antibiotiques dans l’ angine streptococcique.
  • Dans l’ amygdalite ulcéreuse unilatérale, le diagnostic différentiel se concentre sur l’ angine de Plaut-Vincent, l’ infection luétique primaire, le carcinome amygdalien et le lymphome.

sur demande auprès de l’    auteur

Mieux manger pour plus de vie aux années chez les seniors !

D’ici 2040, la proportion des seniors de 65 ans et plus devrait augmenter de 49%, passant de 1 641 204 à 2 445 764 personnes. La progression atteignant 83% chez les personnes de 80 ans et plus. Il s’en suivra une augmentation des maladies chroniques invalidantes et de la dépendance, ce qui aura un impact sur presque tous les aspects de la société, notamment sur les dépenses liées à notre système de santé. Vu l’importance des habitudes alimentaires, la mise sur pied d’une « stratégie suisse de nutrition 2017-2024 » devrait permettre d’atténuer les pressions exercées sur l’inflation des coûts de la santé. Cet article vise à mettre en évidence des recommandations d’un mieux manger visant à accroître l’espérance de vie en bonne santé des seniors non vulnérables vivant à domicile et à alléger ainsi le fardeau des maladies non transmissibles (MNT).

La première Enquête Nationale sur l’Alimentation, menuCH, a montré que la population suisse âgée de 18 à 75 ans possédait de très bonnes connaissances sur les recommandations nutritionnelles, mais que par contre leur adoption restait faible (1). En bref, les écarts par rapport à une alimentation équilibrée se traduisaient par une consommation trop élevée de sucreries et de viande, avec un manque de fruits et de légumes..
Le récent rapport d’experts de la Commission fédérale de l’ Alimentation (COFA) « Nutrition vieillissement » (2) mentionne qu’en moyenne, les personnes âgées :

  • boivent suffisamment d’eau (près de 1,5 litre par jour),
  • consomment tous les jours entre 2 et 3 portions de fruits et entre 1,5 et 3 portions de légumes (selon les études),
  • respectent probablement les recommandations en matière d’apports énergétiques,
  • respectent approximativement les recommandations en matière d’ apports protéiques destinées aux personnes âgées en bonne santé,
  • ont une prévalence élevée de carences en vitamine D,
  • présentent avec l’âge des carences en vitamines B12 et B9 (acide folique).

En vieillissant, en plus des MNT, les déséquilibres alimentaires vont engendrer un risque accru des principales affections suivantes :

  • la dénutrition (consommation ou absorption insuffisante ou déséquilibrée d’énergie, de protéines ou d’autres nutriments),
  • la sarcopénie,
  • la vulnérabilité (frailty),
  • les démences,
  • les affections gingivo-dentaires,
  • ainsi qu’une réduction des défenses immunitaires et leurs conséquences.

Les bienfaits d’une alimentation saine chez les seniors

Une alimentation saine correspond à une alimentation équilibrée alliant l’apport de tous les nutriments nécessaires au bon fonctionnement des différents systèmes de l’organisme tout en veillant à respecter leurs besoins spécifiques, ses capacités métaboliques et d’ épuration selon l’âge et le sexe.
Au-delà d’ être un besoin fondamental de l’ être humain, une alimentation saine procure un sentiment de bien-être physique et psychique, ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie. Elle freine l’ avancée du vieillissement en préservant les capacités fonctionnelles. Elle permet également de réduire le risque de survenue des MNT et des autres maladies mentionnées ci-dessus.

Quels sont les besoins nutritionnels spécifiques des seniors ?

Bien que les preuves scientifiques soient insuffisamment étayées car elles proviennent en majorité d’ études d’observation de qualité variable, les experts de la COFA reconnaissent qu’ en général, les besoins des personnes âgées non vulnérables ont des apports nutritionnels recommandés identiques à ceux des adultes d’ âge moyen tels qu’explicités dans la pyramide alimentaire suisse disponible sur le site web de la Société suisse de nutrition (www.sge-ssn.ch). Toutefois ces experts y apportent les nuances suivantes :

  • généralement les besoins énergétiques diminuent légèrement avec l’ âge, de l’ ordre de 100 à 200 Kcal/j chez les hommes et de 100 à 300 Kcal/j chez les femmes,
  • l’ apport protéique doit être légèrement augmenté de 0.8-0.9 à 1.0-1.2 g/kg de poids corporel,
  • une supplémentation en vitamine D (20 µg/j) est recommandée en raison de la perte progressive de la capacité de synthèse cutanée de cette vitamine avec l’ âge,
  • un dépistage d’ une possible carence en vitamine B12 est recommandé chez les personnes à risque en raison d’ une affection intestinale ou d’ une pharmacothérapie entravant la résorption intestinale, et c’ est également le cas lors de symptômes laissant suspecter un déficit de cette vitamine,
  • une déficience en acide folique (vitamine B9) peut être fréquente chez les personnes âgées, en particulier chez celles qui sont devenues vulnérables ou dépendantes, le plus souvent en raison d’ une prise insuffisante d’ aliments riches en acide folique. L’ éthylisme chronique ou certains médicaments (p.ex. l’ hydantoïne, le méthotrexate, les diurétiques de l’ anse), accroissent ce risque. Dépistage et traitement de la carence en folates sont recommandés en cas de manifestations cliniques.

Les tableaux 1 et 2 résument les apports recommandés en nutriments, vitamines et minéraux, chez les personnes âgées non vulnérables. Il s’ agit-là d’ indicateurs qui, en complément avec la pyramide alimentaire, devraient faciliter la composition des repas visant à l’ équilibre alimentaire sur plusieurs jours.
En somme, manger de façon variée, régulière, adaptée aux besoins énergétiques et protéiques suffit généralement à couvrir les besoins nutritionnels si l’ on y ajoute la supplémentation en vitamine D.

Le régime de type méditerranéen et ses avantages

A l’ heure actuelle, il apparaît qu’ une alimentation équilibrée ne devrait plus être basée sur des régimes comportant la restriction de tel ou tel nutriment ou aliment (p.ex. graisses, cholestérol, viande et produits carnés) ou au contraire la supplémentation en tel ou tel nutriment (p.ex. graisses oméga-3, compléments alimentaires), mais sur un « pattern alimentaire », c’ est-à-dire à un régime ou une diète qui représentent un ensemble approprié de divers types d’aliments, d’ ingrédients et de boissons. Parmi les nombreux régimes existants, le régime méditerranéen de tradition millénaire est celui qui a été le plus étudié. Comme le montrent les revues systématiques et les méta-analyses successives, son efficacité à réduire significativement la morbidité et mortalité dues aux MNT, y compris la vulnérabilité et les démences, a pu être démontrée tant sur la base d’ études observationnelles de cohortes que d’ études randomisées interventionnelles dans de nombreux pays autres que la Grèce et l’ Italie (3-5).

A titre d’ exemple, l’ adhérence à une diète de type méditerranéenne pour 2339 personnes âgées de 70 à 90 ans suivies pendant 10 ans a été associée à une réduction significative de la mortalité totale (-23%), coronarienne (-39%), cardiovasculaire (-29%) et d’autres causes (-39%), la baisse de la mortalité par cancers étant non significative (-10%) (6). Certes ces études comportent des limitations méthodologiques liées notamment à la saisie des habitudes alimentaires. Mais, la cohérence des résultats plaide en faveur d’ une telle diète qui peut être également applicable en Suisse à l’ aide de la pyramide méditerranéenne (fig. 1) et du tableau de son score d’ adhérence à cette diète (tab. 3).


En bref, la pyramide méditerranéenne qui mentionne les fréquences de consommation des items alimentaires complète la pyramide suisse. S’ il existe de nombreux index ou scores d’ alimentation saine, celui présenté ici par F. Sofi et al. (tab. 3) a l’ avantage d’ être simple d’ utilisation et d’ avoir été établi sur un ensemble de 18 études prospectives réalisées en Europe, aux USA et en Australie. A noter que chaque incrément de 2 pts de ce score, oscillant en 0 et 18, est corrélé à une réduction de 9% de la mortalité totale, de 10% de la morbidité/mortalité cardiovasculaire et de 5% de la mortalité par cancer.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pr Roger Darioli

Président de la Fondation Suisse Nutrition Santé
5, chemin des Fleurs
1007 Lausanne

roger.darioli@unisante.ch

Dr Serge Rezzi

Directeur de la Fondation Institut suisse
des vitamines, Biopôle
Route de la Corniche 1
1066 Epalinges

serge.rezzi@swissvitmin.ch

RD déclare que son activité de Président de l’ Institut suisse des vitamines est strictement bénévole. SR déclare n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Au vu des données scientifiques existantes, une alimentation équilibrée est à recommander pour une amélioration du bien-être et de l’espérance de vie en bonne santé chez les personnes âgées de 65 ans et plus.
  • L’adoption d’une diète de type méditerranéen est de nature à pouvoir allier plaisirs de table, délices partagés et santé.

1. Chatelan A, Beer-Borst S , Alex Randriamiharisoa A, et al. Major Differences in Diet across Three Linguistic
Regions of Switzerland: Results from the First National Nutrition Survey menuCH. Nutrients. 2017; 9:
1163. doi: 10.3390/nu9111163.
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Sclérose en plaques

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire conduisant à une destruction de la gaine de myéline et des fibres nerveuses. En Suisse, il est estimé que 15  000 personnes souffrent de cette maladie. Les premiers symptômes apparaissent le plus souvent entre 20 et 40 ans, ce qui rend cette maladie neurologique la plus fréquente dans cette tranche d’ âge.

Dans la SEP, un dérèglement du système immunitaire est observé ; ce dernier est composé d’ un système immunitaire inné, qui répond rapidement aux attaques externes et d’ une réponse immunitaire spécifique, appelé réponse adaptative. Dans cette maladie, les lymphocytes du système immunitaire adaptatif sont activés à l’ extérieur du système nerveux central (SNC), soit principalement au niveau des organes lymphoïdes secondaires. Les lymphocytes traversent ensuite la barrière hémato-encéphalique (BHE) et infiltrent le SNC à différentes localisations et à différents moments, ce qui conduit à l’  apparition séquentielle de plaques (1). Histologiquement, ces plaques sont caractérisées par des infiltrats péri-veinulaires focaux de cellules immunitaires (lymphocytes T activés, macrophages, lymphocytes B), par un œdème témoignant de la rupture de la BHE puis par des zones de démyélinisation et de perte axonale. Ces agressions répétées conduisent progressivement à une souffrance du parenchyme cérébral et médullaire.
L’ origine de la SEP est multifactorielle. Les études d’ association à l’ échelle du génome (GWAS) ont montré que la susceptibilité génétique est associée principalement à des gènes liés au système immunitaire. L’ haplotype HLADRB1*1501 est le gène le plus associé à la SEP et augmente le risque de 4 fois de développer la maladie (2). Des jumeaux monozygotes ont cependant seulement 25 % de risque de développer tous deux la SEP, ce qui laisse une grande part de responsabilités aux facteurs environnementaux (3). En premier, l’ exposition aux agents infectieux, plus particulièrement au virus EBV, virus de la famille des Herpes. Une étude longitudinale prospective de militaires américains a montré que la totalité des individus qui développaient une SEP suivant leur inclusion dans l’ étude avaient une réponse immunitaire contre EBV alors que 35 % des soldats n’ ayant pas développé la maladie avaient des sérologies EBV négatives. L’ exposition au virus EBV est donc nécessaire mais pas suffisante pour développer la maladie (4). Parmi les autres facteurs environnementaux,
le tabagisme joue un rôle néfaste sur la progression de la SEP (5). On compte 50 % de patients SEP de plus parmi les tabagiques (6). Le risque de SEP est inversement proportionnel au temps que les enfants passent dehors et ceci en lien avec les carences en vitamine D (7).

Symptômes de la SEP

Etant donné l’ atteinte possible de toutes les structures du SNC, les symptômes et signes cliniques sont divers. La neuropathie optique rétrobulbaire (NORB), caractérisée par une baisse de l’ acuité visuelle monoculaire et des douleurs à la mobilisation oculaire, révèle la maladie jusqu’ à 30 % des cas. Une myélite, avec possiblement un déficit sensitif ou moteur d’ intensité variable et parfois des troubles vésico-sphinctériens avec des urgences mictionnelles est un autre mode de présentation. Des troubles de l’ équilibre, de la marche, une atteinte cérébelleuse, la présence de douleurs neurogènes, fatigue et troubles cognitifs sont de même fréquemment observés.

Formes cliniques de la SEP

Les symptômes neurologiques qui s’ installent de façon subaiguë entre quelques heures et quelques jours et qui durent plus que 24 heures (en dehors d’ un contexte infectieux), correspondent à des poussées. Ces symptômes vont récupérer de manière plus ou moins complète, c’ est la phase de rémission. Plus rarement, les symptômes neurologiques, en particulier les troubles de la marche, vont s’ installer progressivement avec une aggravation continue sur une période de plus d’ un an. Sur la base de la présentation neurologique, plusieurs formes de sclérose en plaques sont identifiées.
La forme poussée-rémission (ou récurrente-rémittente) est la forme la plus fréquente au début de la maladie (environ 80 % des patients). Elle débute le plus souvent entre 20 et 40 ans avec une prédominance féminine (ratio femme/homme à 3 : 1) et se caractérise par des poussées qui peuvent conduire à des séquelles neurologiques qui sont stables entre les poussées.
Après 15-20 ans de maladie, les poussées deviennent moins fréquentes et une progression neurologique est observée indépendamment des poussées, ceci correspond à la forme secondairement progressive, la forme tardive de la forme rémittente-récurrente (8).
Chez environ 20 % des patients, les symptômes neurologiques sont d’ emblée lentement progressifs sans poussées se manifestant surtout par des troubles de la marche ou des troubles cognitifs. Il s’ agit de la forme primaire progressive.

Diagnostic

Le diagnostic de la SEP repose sur des arguments cliniques (poussées et progression), radiologiques (sur la base de l’ IRM cérébro-médullaire) et biologique (analyse du liquide céphalorachidien (LCR)). L’ analyse du LCR permet l’ exclusion d’ une cause alternative et d’ établir la dissémination dans le temps de part la présence de bandes oligoclonales (BOC) présentes uniquement dans le LCR et pas le sérum. Les critères diagnostiques sont réévalués environ tous les 5 ans, les derniers étant les Critères McDonald 2017 (9). Ils sont basés sur des critères de dissémination dans le temps (plusieurs poussées cliniques et/ou lésions d’ âge différents à l’ imagerie par résonance magnétique (IRM) et/ou présence de BOC dans le LCR uniquement) et de dissémination dans l’ espace (lésions localisées dans au moins deux endroits différents du SNC). L’ exclusion d’ une cause alternative est également nécessaire, le diagnostic de SEP reste un diagnostic d’ exclusion.

Prise en charge clinique

La sclérose en plaques n’ est pas une maladie curable, cependant les traitements disponibles aujourd’ hui permettent de freiner et bloquer l’ évolution de la maladie. La prise en charge repose sur le traitement médicamenteux de la poussée, les traitements de fond qui permettent de freiner l’ évolution de la maladie, les traitements symptomatiques et la correction des facteurs de risque environnementaux.

Traitement de la poussée

Le traitement de la poussée consiste en de hautes doses de corticostéroïdes qui peuvent s’ administrer en intraveineux, soit du Solumédrol 1 gr 1 x /jour sur 3 jours ou 500 mg 1 x /jour sur 5 jours. Récemment, il a été montré que des doses orales à des doses similaires (Médrol) peuvent être utilisées (10). Cependant, ce traitement ne change pas l’ évolution au long cours mais permet une récupération plus rapide des symptômes. Il est donc réservé à des symptômes invalidants (e.g. perte de vision sévère, atteinte motrice sévère). Un schéma dégressif de Prednisone n’ est en général pas prescrit et est réservé en cas de myélite transverse ou de névrite optique sévère.

Traitements de fond

La recherche et les études cliniques des dernières décennies ont permis de mettre en place des traitements de fond qui réduisent le risque de présenter une nouvelle poussée, l’ apparition de nouvelles lésions radiologiques et qui ralentissent la progression de la maladie. Afin d’ optimiser l’ efficacité de ces traitements, ils sont à introduire rapidement lorsqu’ un diagnostic de SEP a été posé, car la dégénérescence neuronale et l’ atrophie cérébrale débutent dès les premiers symptômes et même avant la première poussée (11). Les premiers traitements injectables de fond, en particulier les interférons, ont été mis sur le marché il y a 40 ans, ils ont été suivis par de nombreux traitements résumés ci-dessus (tab. 1). Ces traitements se distinguent par leurs modes d’ action, leurs effets secondaires et leurs profils de tolérance. Certains peuvent se donner en première ligne et d’ autres seulement en deuxième ou troisième ligne. Nous n’ aurons pas le temps dans le cadre de cet article de discuter en détail de ces traitements. Cependant, un message important réside dans la notion de deux concepts qui se dessinent actuellement pour contrôler le système immunitaire: 1° les traitements pris en continus, immunomodulateurs ou immunosuppresseurs, qui contrôlent les réponses immunitaires de façon réversibles et 2° les traitements d’ induction, pris de façon ponctuelle qui permettent une recon-
stitution immunitaire qui devraient permettre de ne plus nécessiter de traitement ultérieur mais dont les effets sont difficilement réversibles.

Traitements symptomatiques

La prise en charge symptomatique est également importante avec introduction de traitement pour la spasticité, les douleurs, la dépression, les troubles neuro-urologiques et la fatigue dont nous ne pourrons pas discuter en détail ici.

Modification des facteurs environnementaux

En parallèle des traitements de fond, une bonne hygiène de vie est recommandée et la modification de certains facteurs environnementaux est importante. Même une fois que la maladie s’ est déclarée, arrêter de fumer reste utile, chaque année de tabagisme supplémentaire accélère de 4.7 % le taux de conversion de SEP poussée-rémission vers une forme progressive (12). Les réactifs contenus dans la fumée de cigarette confèrent ce risque et pas la nicotine. Une substitution en cas de carence en Vitamine D est également recommandée. Bien que seules certaines études retrouvent une diminution de l’ activité de la SEP suite à une substitution en vitamine D, beaucoup de ces études manquent de puissance et ne sont pas suffisamment longues. Cependant devant l’ innocuité d’ une substitution en vitamine D et la probabilité que celui-ci aide à combattre la SEP, nous préconisons une supplémentation en vitamine D lorsque le taux de calcitriol (25-OH cholécalciférol) est inférieur à 30 ng/ml (75 nmol/l). Il n’ y a pas de régime alimentaire spécifique pour la SEP, cependant les études de cohortes ont montrés qu’ une alimentation saine diminue le risque de poussée. Nous ne pouvons que recommander de suivre les recommandations suisses pour une alimentation équilibrée. La poursuite d’ une activité physique régulière associée est également recommandée et peut améliorer les symptômes de fatigue.

Adresses utiles et ouvrage de références à consulter :
– Société suisse de sclérose en plaques : https://www.multiplesklerose.ch/fr/
– L’ Essentiel : Sclérose en Plaques, 2019 RMS éditions/ Médecine et Hygiène

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pre Caroline Pot

Professeure associée et médecin associée
Service de neurologie, Département des neurosciences cliniques
Centre hospitalier universitaire vaudois et Université de Lausanne
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne

Caroline.Pot-Kreis@chuv.ch

Honoraires de consultation (Biogen, Celgene, Merck, Novartis et Roche).

  • En Suisse, environ 15 000 personnes souffrent de sclérose en plaques.
  • la dégénérescence neuronale et l’ atrophie cérébrale débutent dès les premiers symptômes neurologiques.
  • L’ introduction d’ un traitement de fond rapidement après l’ annonce diagnostique permet de freiner l’ évolution de la maladie.
  • Une bonne hygiène de vie avec une substitution des carences en vitamine D, un sevrage du tabagisme et une alimentation saine contribuent à améliorer la prise en charge.

1. Salou M, Elong Ngono A, Garcia A, Michel L, Laplaud DA. [Adaptative immunity and pathophysiology of multiple sclerosis]. Rev Med Interne 2013;34:479-86.
2. International Multiple Sclerosis Genetics C, Wellcome Trust Case Control C, Sawcer S, et al. Genetic risk and a primary role for cell-mediated immune mechanisms in multiple sclerosis. Nature 2011;476:214-9.
3. Ebers GC. Environmental factors and multiple sclerosis. Lancet Neurol 2008;7:268-77.
4. Ascherio A. Epstein-Barr virus in the development of multiple sclerosis. Expert Rev Neurother 2008;8:331-3.
5. Di Pauli F, Reindl M, Ehling R, et al. Smoking is a risk factor for early conversion to clinically definite multiple sclerosis. Mult Scler 2008;14:1026-30.
6. Handel AE, Williamson AJ, Disanto G, Dobson R, Giovannoni G, Ramagopalan SV. Smoking and multiple sclerosis: an updated meta-analysis. PLoS One 2011;6:e16149.
7. Ascherio A, Munger KL. Environmental risk factors for multiple sclerosis. Part II: Noninfectious factors. Ann Neurol 2007;61:504-13.
8. University of California SFMSET, Cree BA, Gourraud PA, et al. Long-term evolution of multiple sclerosis disability in the treatment era. Ann Neurol 2016;80:499-510.
9. Thompson AJ, Banwell BL, Barkhof F, et al. Diagnosis of multiple sclerosis: 2017 revisions of the McDonald criteria. Lancet Neurol 2018;17:162-73.
10. Le Page E, Veillard D, Laplaud DA, et al. Oral versus intravenous high-dose methylprednisolone for treatment of relapses in patients with multiple sclerosis (COPOUSEP): a randomised, controlled, double-blind, non-inferiority trial. Lancet 2015;386:974-81.
11. Ziemssen T, Derfuss T, de Stefano N, et al. Optimizing treatment success in multiple sclerosis. J Neurol 2016;263:1053-65.
12. Ramanujam R, Hedstrom AK, Manouchehrinia A, et al. Effect of Smoking Cessation on Multiple Sclerosis Prognosis. JAMA Neurol 2015;72:1117-23.

Effet protecteur des inhibiteurs du SGLT-2

Le diabète sucré de type 2 (DMT2) est une maladie courante ayant des implications cliniques graves, notamment l’ infarctus du myocarde, l’ accident vasculaire cérébral et les affections rénales. Les thérapies axées sur le contrôle de la glycémie dans le DMT2, telles que les biguanides, les sulfonylurées, les thiazolidinediones et les thérapies à base d’ insuline, n’  ont guère amélioré les complications cardiovasculaires et rénales.

Les auteurs ont effectué une revue des résultats d’ essais récents sur les inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT-2).
Ils ont documenté que les inhibiteurs du SGLT-2 sont une thérapie complémentaire indépendante de la sécrétion ou de l’ action de l’ insuline, avec des effets hypoglycémiants démontrés. De récents essais cliniques contrôlés par placebo ont montré que ces médicaments peuvent réduire la mortalité cardiovasculaire, la progression des maladies rénales et la mortalité toutes causes confondues chez les patients diabétiques et non diabétiques. Il est intéressant de noter que les inhibiteurs du SGLT-2 ont également le potentiel de réduire à la fois le nombre d’ hospitalisations pour une insuffisance cardiaque et l’ incidence des résultats cardiovasculaires chez les patients non diabétiques, ce qui suggère la présence d’ effets pléiotropiques. Les mécanismes exacts responsables de la réduction des maladies cardiaques athérosclérotiques, de la nécessité d’ une thérapie de remplacement rénal et de la progression des maladies rénales restent inconnus. Alors que la régulation de l’ hyperfiltration glomérulaire, de l’ albuminurie et de la natriurèse peut expliquer en partie ces effets, il est possible que des effets cellulaires complexes, tels que l’ optimisation du bilan énergétique, la régulation à la baisse du stress oxydatif et la modulation des voies de signalisation pro-inflammatoires, jouent un rôle pour les résultats favorables observés dans de grands essais cliniques.
Les auteurs concluent que les inhibiteurs du SGLT-2 sont de nouveaux médicaments antidiabétiques qui présentent d’ immenses avantages pour le traitement des patients atteints de DMT2. En outre, il a été démontré que les inhibiteurs du SGLT-2 réduisent la progression vers des formes avancées de maladies rénales et les complications associées. Ces médicaments devraient être au centre du traitement des patients atteints de néphropathie diabétique avec ou sans maladie rénale chronique, car ils offrent une protection contre les décès cardiovasculaires/rénaux et améliorent la mortalité toutes causes confondues. Les études futures devraient évaluer les avantages et les effets d’ une initiation précoce des inhibiteurs du SGLT-2 et les effets à long terme de cette thérapie.

Source : SGLT2 Inhibitors: Emerging Roles in the Protection Against Cardiovascular and Kidney Disease Among Diabetic Patients. Vasquez-Rios G, Nadkarni GN. J Nephrol Renovasc Dis. 2020;13:281-296.

Dr. med. Hans-Kaspar Schulthess

Facharzt FMF Innere Medizin und Gastroenterologie
Neuhausstrasse 18
8044 Zürich

Schulthess_hk@swissonline.ch

Les dix Commandements

En dépit de vents contraires soufflés par diverses instances politiques, assurancielles ou administratives traitant l’ homme de l’ art de fournisseur de prestations, le métier de médecin n’ est comparable à aucun autre pour deux raisons.

La première tient à cette simple question que pose généralement l’ entourage d’ une personne prise d’ un malaise : « Y a-t-il un docteur ? » Et non pas un curé, un diplomate, un avocat ou un économiste.
Le Professeur Pierre-Bernard Schneider (1916-2005), ancien directeur de la Policlinique psychiatrique universitaire de Lausanne, ne manquait pas d’ attirer l’ attention de ses étudiants (dont l’ auteur de ces lignes) sur la permanence d’ un « état-fonction » lié au statut de médecin, le rendant disponible en tout lieu et en toute circonstance, source d’ une possible angoisse qu’ il percevait chez certains de ses confrères.
La seconde raison réside dans cette permission unique qu’  a le médecin d’ inviter, en tout bien tout honneur, un individu à se déshabiller sans contestation de sa part.
Ce formidable et étrange pouvoir impose au praticien, qui doit toujours s’ en monter digne, plus de devoirs qu’ il ne lui donne de droits. Mais il lui confère aussi une légitime autorité sur la conduite des examens et des traitements qu’ il propose quand fleurissent les antiennes sur le partenariat médecin-malade, le patient acteur de ses soins et les compétences que ce nouveau statut exige de lui.

Évolution vers une médecine approximative ?

L’ ère du paternalisme médical apparaît révolue et chacun mérite d’ être informé clairement et simplement des enjeux du projet thérapeutique qui le concerne, mais attention à ne pas inverser les rôles.
D’ abord (faut-il le rappeler ?), l’ homme de l’ art en sait plus que les patients, même si ces derniers recherchent sur Internet des informations, souvent incomplètes ou mal comprises, qui ne facilitent pas forcément le dialogue avec le thérapeute.
Ensuite, même si cela choque le politiquement correct, le patient se trouve en situation de relative infériorité simplement parce qu’ étant (ou se croyant) physiquement ou psychiquement malade, il vient demander l’ aide de qui, supposé sain, possède la connaissance. De plus, le niveau intellectuel et culturel variable d’ une personne à l’ autre conditionne sa capacité de compréhension, encore modulée par la composante émotionnelle. De sorte que devant l’ alternative de la chimiothérapie ou de la chirurgie pour un cancer, de l’ angioplastie coronaire ou des médicaments pour une cardiopathie, ce n’ est pas être paternaliste que de conseiller un malade, lequel demeure libre de son choix. Le praticien ne peut se défausser sur lui au prétexte que toutes les explications ayant été fournies, c’ est à lui qu’ incombe la décision (« Mais c’ est vous le docteur ! ») pas plus d’ ailleurs que les préférences du second ne doivent infléchir les convictions du premier.
« Mais si nous ne nous raccrochons pas aux données objectives à disposition et que les préférences de nos patients prennent le pas sur les connaissances, nous évoluons vers une médecine approximative, certainement délétère » (1).

Finance-based medicine et médecine personnalisée

Le corps médical se heurte quotidiennement à plusieurs écueils : des charges administratives aussi lourdes que souvent inutiles (2) auxquelles l’ informatique n’ est pas étrangère, une littérature médicale pléthorique dont beaucoup de productions n’ ont d’ autre intérêt que celui de promouvoir la carrière de celles ou ceux qui les commettent et enfin le dogmatisme de l’ Evidence-Based Medicine (EBM) devenue, par l’ industrie, finance-based medicine (3).
« Des milliers de scientifiques publient un article tous les cinq jours » (4). Or avant de publier, la première question à se poser ne devrait-elle pas être celle de savoir si on a quelque chose d’ intelligent et de nouveau à dire ? Le chant des sirènes de la publication et de la notoriété a rendu même les prestigieux Lancet et
New England Journal of Medicine victimes collatérales du « virus à couronne » (5, 6).
La médecine fondée sur les preuves, dont certaines sont relatives (comme l’ est généralement le pourcentage exprimant le résultat d’ un essai clinique) ou diffèrent d’ un continent à l’ autre, a montré ses limites au niveau individuel. Elle « n’ évite toutefois que partiellement les fausses preuves et dissimule des risques de mauvaise prise en charge des patients en raison d’ une marginalisation croissante de l’ empirisme et du bon sens » (7). Son orthodoxie appliquée à la population gériatrique aux multiples pathologies ne peut que générer une dangereuse polymédication. 10% des hospitalisations sont dues à des effets secondaires dont le cinquième résulte d’ inter-
actions médicamenteuses (8).
Les directives en vigueur représentent le « prêt-à-porter » pour des sujets souffrant d’ une ou deux affections. Au-delà, le « sur-mesure » s’ impose et le thérapeute doit pouvoir les enfreindre en réalisant un modèle de traitement individuel par la synthèse de son savoir, de son expérience et du bon sens. Ce dernier et un peu de physiopathologie suffisaient, par exemple, à prédire que la valeur cible préconisée dans le traitement de l’ HTA devrait être plus élevée au-delà de 75 ans qu’ en deçà, ce que de nombreuses études n’ ont fait que démontrer au cours des ans.
L’ abstention, certes plus anxiogène que l’ activisme investigateur ou thérapeutique, peut se révéler bénéfique.
C’ est là que se situe médecine dite personnalisée, bien avant l’ identification, par la génétique, du profil de chaque individu ou le recours aux techniques de pointe.

La transmission directe de l’ art médical

A l’ hôpital surtout, mais aussi en cabinet, le praticien a la mission d’ instruire, auprès du malade, ses jeunes confrères.
Ecouter un chef, un patron reprendre l’ anamnèse, trouver les mots justes dictés par son expérience et son intuition, l’ observer refaire finement son propre examen puis choisir la technique propre à asseoir son diagnostic, à l’ exemple magistral du Professeur Edouard Jéquier-Doge (1907-1988), ancien directeur de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne, voilà qui dépasse les algorithmes dont l’ utilité s’ avère inversement proportionnelle à la complexité d’ une situation médicale. Cette méthode ancestrale possède la double vertu d’ éveiller la réflexion et d’ apprendre le respect dû aux aînés.
Les moyens d’ enseignement disponibles (conférences, colloques, ateliers, formation en ligne, jeux de rôles), certes utiles, ne sauraient se substituer à cette irremplaçable transmission directe de l’ art médical qu’ on voit mal confiée à des robots aussi pétris d’ intelligence artificielle qu’ ils sont dépourvus d’ empathie.
« Les machines dites intelligentes ne font que développer une compétence très spécialisée et enseignée par leur maître humain. Les spéculations sur l’ autonomie des machines qui « apprennent toutes seules » (deep learning) sont des mythes » (9). « Ces systèmes apprenants apprennent sans comprendre. Si les données sont mal choisies … l’ algorithme peut apprendre de la bêtise artificielle » (10).
Il reste une tâche d’ importance, souvent négligée : la rédaction d’ un texte. Quelle que soit la langue utilisée, la nature scientifique d’ un écrit ne dispense pas son auteur d’ en soigner le style au service de la synthèse. A cet égard, force est de reconnaître que la lettre de sortie hospitalière, formatée pour le codage et donc la facturation, laisse souvent à désirer ; partie centrale de la missive, la discussion se réduit généralement à une simple énumération des problèmes dans un langage pauvre qui ne craint pas les répétitions et ignore les synonymes.

Les dix commandements

Désireux de faire le point de la situation actuelle de la médecine, à l’ issue d’ un groupe de travail réunissant ses fils Machaon et
Podalirios (dieux des chirurgiens et des médecins) et ses filles Hygie et Panacée (déesses de la santé et des remèdes), Esculape pourrait émettre, à l’ intention de ses disciples, les recommandations que voici :
1. Tu expliqueras à qui te consulte les raisons et les enjeux des examens et traitements que tu lui proposes, lui donneras ton avis et respecteras ses préférences.
2. Tu t’ efforceras de consacrer plus de temps à ton malade qu’ à ton ordinateur.
3. Tu ne publieras pas d’ articles inutiles dans le seul but d’ enrichir ton CV.
4. Tu sauras critiquer les études, n’ accordant de crédit qu’ à celles indiquant le NNT (number needed to treat).
5. Tu limiteras autant que possible le nombre des médicaments pour diminuer le risque d’ effets secondaires et d’ interactions médicamenteuses.
6. Tu penseras qu’ un symptôme peut résulter de ton traitement.
7. Tu auras, au besoin, le courage de transgresser les recommandations de l’ EBM.
8. Tu veilleras à ne choisir, parmi les examens paracliniques, que celui, éventuellement ceux, nécessaires à conforter ton dia-
gnostic clinique.
9. Tu instruiras par ton exemple plus jeune que toi.
10. Tu rédigeras des lettres synthétiques dans un langage limpide.
Un onzième commandement servira de conclusion : Tu accepteras qu’ un patient âgé, souffrant, considérant comme fini son rôle dans La grande pièce de la vie, souhaite voir « se baisser le rideau ».

Pr Jean Jacques Perrenoud

Cardiologue FMH
Chemin Thury 12
1206 Genève

jean-jacques.perrenoud@unige.ch

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