L’ utilisation des opioïdes du point de vue des spécialistes de la douleur

La crise des opiacés aux États-Unis a culminé en 2015 par une forte augmentation de la dépendance aux opioïdes et des décès qui en découlent. Le marketing agressif de certaines sociétés pharmaceutiques, utilisant une stratégie banalisant les opiacés, a conduit à la prescription d’ opioïdes à action rapide à une plus large population de patients. Dans la première partie de cet article (1), l’ importance de la thérapie aux opiacés et l’ approche rationnelle et pratique de la thérapie analgésique aux opiacés ont été discutées de manière critique par rapport aux conditions suisses. Dans la deuxième partie, les opiacés autorisés dans ce pays sont présentés, des réflexions sur la sécurité des opioïdes en Suisse sont exposées et la question initiale à propos d’ une crise imminente des opioïdes en Suisse est abordée en détail.

En vue d’ une utilisation appropriée des opioïdes, évitant une prescription excessive, mais aussi la rétention non raisonnable d’ opiacés, il est utile de connaître les substances actives actuellement disponibles en Suisse (box 1).

La Suisse est-elle aujourd’ hui menacée par une crise des opiacés, analogue à celle des États-Unis ?

Pour anticiper la réponse : nous ne le savons pas, mais en tant que spécialistes de la douleur, nous avons la possibilité d’ empêcher cela.
La prescription et l’ utilisation d’ opiacés ont également augmenté de façon spectaculaire en Suisse ces dernières années (2). Cela correspond à ce qui se passe dans d’ autres pays européens. Les indications pour lesquelles les opiacés sont aujourd’ hui de plus en plus souvent prescrits sont également des affections douloureuses non tumorales en Suisse, bien que le rapport risques/bénéfices ne soit pas toujours positif. Entre 2006 et 2013, la prescription d’ opioïdes faibles pour 100 000 personnes en Suisse a augmenté de 13 % et de 121 % pour les opioïdes forts. Parmi ces derniers, le fentanyl était le plus utilisé, avec une augmentation de 91 % entre 2006 et 2013, suivi de la buprénorphine et de l’ oxycodone. L’ augmentation proportionnelle la plus importante de la consommation en équivalents de morphine pour 100 000 personnes a été enregistrée pour la méthadone (+ 1414 %) et l’ oxycodone (+ 313%). Il existe de fortes différences géographiques entre les différents cantons. A Fribourg, par exemple, qui est en tête, la prescription d’ opioïdes forts a augmenté de 270 % pendant cette période, dans le canton du Jura de 260 %, à Bâle-Ville de 219 %, à Uri de 220 % et à Schaffhouse de 201 % (2). Par ailleurs, la prescription d’ analgésiques non opiacés a également augmenté rapidement au cours de cette période : en Suisse, la prescription de métamizole, par exemple, a augmenté de 324 % et celle des AINS de 124 %. Il est inquiétant de constater que les formes galéniques à courte durée d’ action telles que les formulations orales (+ 509 %) ou sublinguales (+ 301 %) ont été prescrites plus fréquemment pour les opioïdes.
En comparaison, au cours des 20 dernières années, la prescription d’ opioïdes forts a été multipliée par 14 aux États-Unis. Cela s’ est accompagné d’ un risque accru de surdoses accidentelles. En Europe, cela a été moins évident et le risque de devenir dépendant de la prescription chronique d’ opioïdes est considéré comme faible dans ce pays (3). La principale exception concerne les surdoses de fentanyl, qui sont plus souvent responsables de décès en Europe (orientale). Aux États-Unis, il s’ agissait principalement de combinaisons d’ oxycodone ou d’ hydrocodone et d’ alprazolam. Les décès enregistrés dans les statistiques sur la crise des opioïdes aux États-Unis étaient dans 75 % des cas une combinaison d’ opioïdes avec des sédatifs tels que l’ alcool, les benzodiazépines ou les antihistaminiques. En Europe, la crise des opiacés est également perçue comme un phénomène de misère économique dans les zones désindustrialisées des États-Unis (4).
Dans ce contexte, il convient de différencier précisément si la dépendance et l’ overdose ont été créées et enregistrées par la consommation de drogues illicites ou dans le cadre d’ une thérapie de la douleur. En Europe, l’ héroïne est utilisée comme drogue par 80 % des clients qui entrent en traitement de sevrage. Viennent ensuite la méthadone (8 %), la buprénorphine (5 %), le fentanyl (0,3 %) et d’ autres opioïdes (7 %) (5). L’ héroïne n’ occupe pas une place importante dans le traitement de la douleur en Europe, on peut donc supposer que la majorité des addictions se produisent dans le cadre d’ un abus illégal plutôt que d’ un traitement de la douleur.
Cependant, il est clair que les opioïdes à action particulièrement rapide comme l’ oxycodone ou la préparation de suivi Oxycontin, qui en plus d’ un soulagement rapide de la douleur activent également plus fortement le centre de récompense central, sont plus susceptibles de provoquer une dépendance que les préparations retardées – même le Dr House, qui devrait mieux le savoir, a été touché par cela. L’ oxycodone a été utilisé pour la premièrefois dans la thérapie de la douleur en 1919. En Europe, la substance a été rapidement réglementée, disponible uniquement sur prescription de stupéfiants et, dans l’ intervalle, même retirée du marché en raison d’ un risque accru de dépendance. Aux États-Unis, en revanche, l’ oxycodone a été mis sur le marché sans interruption, suivi de la préparation de la famille Sackler, l’ Oxycontin. Son potentiel de dépendance a été banalisé et la substance a fait l’ objet d’ une publicité intensive, et des sommes énormes ont été dépensées en publicité active et en dons aux médecins prescripteurs. Entre son lancement sur le marché en 1996 et l’ an 2000, sa prescription avait déjà été multipliée par 18. Et les toxicomanes ont découvert que la substance pouvait également être utilisée par voie intraveineuse sous forme moulue au pilon – ce qui a entraîné de nombreuses intoxications et décès accidentels. En Suisse, les antécédents de toxicomanie positifs constituent donc l’ une des contre-indications à l’ utilisation des opioïdes, telles que définies par les lignes directrices. Après le scandale qui a entouré la société Purdue et les peines record qu’ elle a encourues pour la commercialisation illégale de l’ Oxycontin, il est peu probable que les mêmes erreurs soient commises en Europe (6). Pour des raisons réglementaires uniquement, une pratique de commercialisation similaire serait impossible chez nous.
Malheureusement, nous lisons actuellement un flot de commentaires de thérapeutes plus ou moins bien versés dans la thérapie de la douleur, selon lesquels les opioïdes sont dangereux, responsables d’ une vague de décès évitables et que cette classe de substances devrait être complètement interdite. Il est frappant de constater que ces commentaires proviennent souvent de thérapeutes qui travaillent dans le domaine de la médecine alternative et font ainsi la promotion de leurs services et/ou ont peu à voir avec le traitement des patients souffrant de douleurs chroniques et graves. Voici une comparaison simple : les antibiotiques, les benzodiazépines ou l’ insuline sont des médicaments précieux, pour autant qu’ ils soient utilisés de manière ciblée, bien dosés et conformément aux directives thérapeutiques en vigueur. Si elles sont utilisées en trop grande quantité ou de manière non critique, ces substances sont dangereuses – pourtant, personne ne prétendrait que ces substances sont si risquées ou nocives qu’ elles ne devraient plus être utilisées. Il en va de même pour les opioïdes : cette classe de substances est efficace et, si elles sont utilisées avec habileté (ce qui nécessite à la fois un médecin et un patient informés), les risques sont limités.

Un cas particulier fréquent : le traitement analgésique du patient âgé

Cette situation présente de grands défis pour le thérapeute de la douleur. Pour des raisons démographiques, de plus en plus de patients âgés viennent nous voir pour une thérapie contre la douleur. Les analgésiques non opiacés sont souvent contre-indiqués chez les personnes âgées ou leur utilisation à long terme dans le traitement de la douleur chronique n’ a pas été étudiée. Un aperçu de l’ utilisation et des risques des analgésiques non opiacés chez les patients gériatriques se trouve sous (7).
Les opioïdes sont utilisés avec de larges preuves, en particulier chez les personnes âgées atteintes de cancer. Cependant, les attentes des patients à l’ égard de leur thérapie antidouleur semblent changer : Aujourd’ hui, un mode de vie actif avec la possibilité de participer à la vie sociale est plus important que jamais. De nombreux patients en Europe sont donc plus susceptibles de faire des concessions concernant leur douleur en faveur du maintien de la fonctionnalité. Les systèmes transdermiques de fentanyl ou de buprénorphine pour couper la douleur sont souvent préférés par ces patients.
Dans le traitement des douleurs non cancéreuses, il y a un manque d’ études à long terme sur les opioïdes chez les patients gériatriques. La sécurité et la tolérance doivent être assurées par un titrage individuel et un contrôle régulier des fonctions hépatiques et rénales. La douleur neuropathique nécessite généralement des doses d’ opioïdes plus élevées que la douleur nociceptive et, en particulier, la douleur neuropathique semble bien répondre à la buprénorphine. La buprénorphine est le seul opioïde qui ne soit pas limité par une fonction rénale réduite, de sorte que cette substance est préférée dans la population des patients gériatriques. Pour les autres opioïdes, il peut être nécessaire de réduire les doses et de les diviser en plusieurs doses individuelles.
Opioïdes et dépression respiratoire : les opioïdes doivent être utilisés avec prudence et retenue, en particulier chez les patients dont la réserve pulmonaire est limitée ou chez ceux qui prennent plusieurs substances qui sont des dépresseurs du système nerveux central. Là aussi, les systèmes transdermiques présentent des avantages (8).

La sécurité des opiacés en Suisse

Le fait que la crise des opiacés ait pu se développer aux États-Unis est un fait triste mais rétrospectivement compréhensible. La question est de savoir ce que nous pouvons apprendre de l’ expérience acquise et empêcher que la même chose ne se reproduise en Suisse. Prenons trois positions à ce sujet : Celles du médecin, du patient et du législateur.

Que peut faire le médecin pour éviter qu’ un trop grand nombre d’ opioïdes soit prescrit ?

Le médecin informé définit de manière étroite l’ indication des opioïdes, c’ est-à-dire en fonction des recommandations thérapeutiques valables et après avoir épuisé toutes les options disponibles et raisonnables, qui comprennent des thérapies pharmacologiques et non pharmacologiques. Il convient avec le patient des objectifs thérapeutiques clairs et réalisables et des consultations régulières de réévaluation. Les préparations de type retard, qui sont prises selon un régime de dosage fixe, sont préférables aux galéniques à action rapide. Ces médicaments doivent être réservés pour les pics de douleur. Le patient doit être informé en détail des effets indésirables et des risques potentiels, y compris le risque d’ accoutumance. Il convient de prendre contact avec les autres médecins qui traitent le patient et de se mettre d’ accord sur le responsable de la pharmacothérapie.

Que peut faire le patient pour éviter de devenir dépendant ?

Il est important que les objectifs du traitement soient convenus au début du traitement, si possible par écrit. Si le traitement alors effectué n’ atteint pas l’ objectif visé – par exemple, les opioïdes utilisés ne soulagent pas suffisamment la douleur – un nouveau régime de traitement doit être appliqué.
Le patient doit avoir des attentes réalistes en matière de thérapie – dans le cas de troubles douloureux sévères de longue durée, l’ absence totale de douleur est un objectif irréaliste. La réduction de la douleur, l’ amélioration de la fonctionnalité ou parfois simplement une meilleure gestion de la douleur sont souvent des objectifs réalistes.
En outre, le patient ne peut pas obtenir de médicaments dans différents endroits, ni se voir prescrire des médicaments par plusieurs médecins. Le médecin traitant doit être informé précisément des personnes qui ont participé à la thérapie jusqu’ à présent et des mesures qui ont été prises. Une communication ouverte et une relation patient/médecin intacte sont obligatoires.
Et, ce qui devrait aller de soi, le patient ne doit pas consommer de substances illégales en plus. Le praticien doit également être informé sur la consommation de cannabis.

Que peut faire le législateur pour garantir que les opioïdes ne soient pas trop prescrits ?

La prescription d’ opiacés en Suisse est clairement réglementée et trouve un équilibre optimal entre une prescription contrôlée et une disponibilité facile à des fins médicales. Il serait plus facile de stocker les données du patient sur une carte, indiquant ce qui a déjà été prescrit au patient dans chaque cas individuel et par qui – non seulement en ce qui concerne les opioïdes, mais aussi d’ autres substances éventuellement en interaction que le prescripteur devrait connaître. Une transparence accrue pourrait conduire à une amélioration de la sécurité des médicaments et donc de la sécurité des patients. Les pharmaciens et les assureurs travaillent depuis longtemps sur des solutions appropriées, qui n’ ont pas encore été mises en œuvre, principalement pour des raisons de protection des données.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 06_2020

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. Antje Heck

Fachärztin für Klinische Pharmakologie und Toxikologie FMH
Fachärztin für Anästhesie FMH, Schmerzspezialistin SGSS
Leiterin Sprechstunde Medikamente in Schwangerschaft und Stillzeit
Oberärztin Psychiatrische Klinik Königsfelden
Postfach 432
5201 Brugg

antje.heck@pdag.ch

Prof. Dr. med. Eli Alon

Facharzt für Anästhesiologie FMH, Schmerzspezialist SGSS
Professor für Anästhesiologie und Schmerzmedizin an der
Universität Zürich
Praxis für Schmerztherapie
Arzthaus Zürich City
Lintheschergasse 3
8001 Zürich

eli.alon@arzthaus.ch

Les auteurs ont déclaré qu’  ils n’  ont aucun conflit d’  intérêt en rapport avec cet article.

  • Les opioïdes jouent un rôle indispensable dans la thérapie moderne et multimodale de la douleur.
  • La peur n’ est pas de mise dans le traitement aux opiacés – un respect sain du prescripteur d’ opiacés est cependant approprié.
  • Un diagnostic ciblé, la maîtrise de l’ arsenal pharmacologique, un traitement conforme aux recommandations thérapeutiques et la définition d’ objectifs thérapeutiques contraignants sont autant de conditions préalables à la réussite du traitement des patients souffrant de douleurs chroniques. Il importe aussi de tirer pleinement parti des options de traitement non pharmacologiques, telles que la psychothérapie, la physiothérapie et les méthodes physiques.
  • De même, les analgésiques non opiacés et les co-analgésiques tels que les médicaments antiépileptiques et les antidépresseurs contribuent à minimiser le besoin d’ opiacés. Ici aussi, le principe est le suivant : autant que nécessaire, aussi peu que possible.
  • La fonctionnalité et la qualité de vie du patient font l’ objet d’ au moins autant d’ attention que la réduction de la douleur.
  • Des contrôles réguliers avec une surveillance étroite du patient informé sont une condition préalable pour prévenir le risque d’ utilisation incontrôlée des opioïdes, avec les conséquences correspondantes, comme l’ a démontré la crise des opioïdes aux États-Unis.

1. Heck A, Alon E: Einsatz von Opioiden aus der Sicht des Schmerztherapeuten
(Teil 1). Der informierte arzt 2020;10(4):10-12
2. Wertli M et al: Changes over time in prescription practices of pain medications in Switzerland between 2006 and 2013: an analysis of insurance claims. BMC Health Serv Res. 2017 Feb 27;17(1):167
3. Hess B et al: Relevance and Application if Opioids in the Treatment of Chronic Pain in Switzerland- a National Survey. PRAXIS 2015;104 (11):557-63
4. Daniel Ryser 16.10.2018. Wir haben keine Opioid- Krise. Wir haben eine Krise der Ignoranz. Republik.ch
5. INCP Annual Report 2018
6. Zeit online: Oxycontin. Die Pillendreher. Nr 49/ 2017
7. Heck A, Alon E: Nicht-Opioid-Analgetika in der Geriatrie. Der Informierte Arzt 2019;9(9):33-37
8. Pergolizzi J et al: Opioids and the management of chronic severe pain in the elderly: consensus statement of an International Expert Panel with focus on the six clinically most often used World Health Organization Step III opioids (buprenorphine, fentanyl, hydromorphone, methadone, morphine, oxycodone). Pain Pract. 2008 Jul-Aug;8(4):287-313.

Agitation chez la personne âgée en institution

Les troubles du comportement chez les patients gérontopsychiatriques sont souvent de nature multifactorielle et nécessitent une évaluation systématique et multi-professionnelle. La détection et le traitement précoces d’ éventuelles causes psychologiques ou somatiques peuvent les atténuer et prévenir le risque de développer un délire.

Avec l’ âge et le développement de la multi-morbidité, les soins adéquats pour les patients gérontopsychiatriques ne peuvent être fournis que dans des institutions spécialisées, en fonction de l’ individu et de ses propres ressources psychosociales. Les troubles du comportement tels qu’ une grave agitation psychomotrice, des tendances à la fugue et des cris forts sont de plus en plus fréquents dans la routine quotidienne d’ une maison de retraite. Ceux-ci représentent souvent une constellation de soins et de traitements difficiles pour le personnel spécialisé respectif. En conséquence, les collègues praticiens sont invités à donner leur avis et la quête de l’ objectif réel peut être difficile. Les troubles du comportement ne sont pas seulement les compagnons d’ une démence, ils ont souvent des causes compréhensibles et potentiellement réversibles.

Les troubles du comportement dans la démence et les troubles affectifs

Les troubles du comportement chez les patients atteints de démence sont également connus sous le nom de symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD). Ceux-ci peuvent prendre la forme d’ une hyperactivité motrice, d’ une agressivité verbale ou physique ainsi que de troubles du rythme veille-sommeil. Souvent, on observe également un phénomène dit de « coucher du soleil », dans lequel une accentuation de l’ agitation se manifeste vers les heures du soir. Ces symptômes non cognitifs sont souvent associés à des peurs diffuses, des hallucinations, des délires et des fluctuations sur le plan émotionnel. Schröder et. al. (1) ont décrit le comportement psychotique et agressif comme le symptôme le plus courant parmi ceux mentionnés ci-dessus. En revanche, d’ autres études décrivent l’ agitation comme le trouble du comportement le plus fréquent chez les patients gérontopsychiatriques avec 55% (2). Ce terme est utilisé pour décrire un ensemble de symptômes non spécifiques, qui comprend des troubles psychiatriques, tels que des troubles affectifs et psychotiques, ainsi que des processus neurodégénératifs, tels que la démence ou la maladie de Parkinson, comme causes possibles. Les troubles du comportement peuvent également être causés par la dépression, avec une prévalence allant jusqu’ à 2/3 chez les patients atteints de démence (3). Les directives suisses pour le diagnostic et le traitement des SCPD ont été publiées dès 2014 par Savaskan et al. (4).

Causes psychiatriques possibles

Dans le contexte d’ une maladie neurodégénérative, jusqu’ à 96 % des personnes touchées peuvent développer un « comportement difficile » avec des symptômes tels que l’ agitation, l’ apathie et l’ hostilité (5). Les facteurs déclenchants peuvent être multifactoriels et potentiellement réversibles (tab. 1).
Selon de nombreuses études, ceux-ci peuvent être dus à un déséquilibre au niveau de l’ axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien entraînant une perturbation du système des neurotransmetteurs (hypothèse dite métabolique (6, 7)). Dans les premiers stades de la démence d’ Alzheimer, on décrit une atrophie des systèmes limbique et para-limbique, qui peut provoquer une perturbation de la régulation de la dopamine. En conséquence, des symptômes tels que l’ agressivité et le délire peuvent apparaître. D’ autre part, comme dans la démence frontotemporale, l’ agitation s’ explique principalement par des phénomènes de désinhibition. Les variations de l’ affect avec une évolution fluctuante et une détérioration « par paliers » sont fréquemment observées dans les démences d’ origine vasculaire. D’ autres maladies neurologiques telles que les accidents cérébrovasculaires à gauche conduisent souvent à des troubles organiques-affectifs avec des symptômes tels que la dépression, la psychose et l’ agressivité (8). De nombreux autres patients souffrant de démence ou d’ une maladie neurologique avec un trouble du système langagier ne sont plus capables d’ exprimer correctement des besoins primordiaux tels que la faim, la soif, l’ envie d’ uriner ou la douleur et réagissent donc avec une agitation et une agressivité accrues. Un autre point important est la gravité d’ un trouble affectif et psychotique préexistant et la présence d’ une accentuation de la personnalité déjà pré-morbide. Avec l’ âge et les changements organiques cérébraux qui en résultent, ceux-ci peuvent entraîner une accentuation, voire une exacerbation de la maladie sous-jacente.

Diagnostic différentiel somatique de l’ agitation

Les maladies somatiques telles que les troubles métaboliques (diabète ou hypo-/hyperthyroïdie), les infections aiguës (principalement d’ origine urogénitale ou pulmonaire), la déshydratation ou les troubles électrolytiques peuvent également être à l’ origine de troubles du comportement. Chez les patients gérontopsychiatriques, la multi-morbidité est souvent présente en pratique et la polypharmacie peut favoriser les exacerbations délirantes. Les éventuelles interactions ou adaptations de la médication, tant psychiatriques que somatiques, doivent être spécifiquement prises en compte. Les médicaments ayant des effets anticholinergiques, en particulier, provoquent souvent des états confusionels. Des préparations telles que les médicaments antiparkinsoniens, les anticonvulsivants, les opiacés et les antibiotiques (tab. 2) peuvent également déclencher des états d’ agitation. De même, les maladies neurologiques telles que les crises d’ épilepsie (état épileptique non convulsif, état post-ictal), les attaques cérébrales, les encéphalites et les hématomes sous-duraux sont des diagnostics différentiels importants pour l’ agitation.
En résumé, la détection et le traitement précoces d’ éventuelles constellations somatiques instables sont souvent utiles pour contrer les états délirants.

Facteurs psychosociaux importants

Les changements rapides et répétés de l’ environnement sont des facteurs de risque pour les patients gérontopsychiatriques en raison d’ un manque de traitement cognitif et sont tout aussi souvent la cause du développement de l’ agitation et de la confusion. Par conséquent, il est préférable que les soins médicaux et infirmiers soient dispensés dans un environnement familier. De même, les séparations et les interactions difficiles avec des parents ou des colocataires peuvent déclencher une augmentation des problèmes de comportement.

L’état confusionelle (delirium)

Le delirium est l’ une des causes possibles et frequentes d’ une confusion et d’ une agitation aiguë. Dans ce syndrome aigu essentiellement réversible, les symptômes présentent des fluctuations et des variations quotidiennes considérables. Pour le diagnostic d’un état confusionnel, cependant, la simple détection d’ une agitation sévère avec confusion n’ est pas suffisante ; selon les critères actuels de l’ ICD-10, les caractéristiques du tableau 3 doivent essentiellement être remplies.

Les symptômes typiques du delirium comprennent des altérations de la conscience (à la fois quantitatifs et qualitatifs), des troubles cognitifs sévères et une agitation psychomotrice.
Sur le plan biochimique, le délire conduit à un état hyperdopaminergique central et à un état anticholinergique périphérique. Les symptômes non centraux comprennent la déshydratation, les températures élevées, la rétention urinaire, la constipation et les troubles cardiovasculaires (9), qui peuvent avoir des conséquences potentiellement mortelles. Pour la mesure quantitative des états délirants, des tests neuropsychométriques bien établis sont disponibles, tels que la méthode d’ évaluation de la confusion CAM (angl. « Confusion Assessment Method ») (tab. 4), la CAM-ICU (« Confusion Assessment Method for the ICU ») ou l’ échelle d’ évaluation du delirium DRS (angl. « Delirium Rating Scale ») pour déterminer la gravité de l’état confusionnel. Elles peuvent être utiles pour faire la distinction entre les troubles du comportement courants et le delirium.

Les symptômes de l’état confusionnel peuvent se manifester aussi bien dans le contexte de la démence que dans le cas de maladies non dégénératives, telles que le sevrage ou l’ intoxication médicamenteuse. Il est parfois difficile de distinguer le delirium d’ une démence progressive. L’ évolution d’ une maladie neurodégénérative, par opposition à un état confusionnel, montre une détérioration progressive des troubles du comportement ; la conscience est bien conservée et, bien que des délires et des hallucinations puissent se produire, ils ne sont pas au premier plan. La détection et le traitement précoces des éventuels facteurs de risque et symptômes de l’état confusionnel peuvent entraîner une amélioration rapide des troubles du comportement chez les patients âgés.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt 11_2019

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Dr. med. Michele Heinz Marchese

Sanatorium Kilchberg AG
Alte Landstrasse 70
8802 Kilchberg

micheleheinz.marchese@sanatorium-kilchberg.ch

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • L’ agitation et la confusion sont courantes chez les patients en psycho-gériatrie et touchent jusqu’ à deux tiers de tous les résidents dans la plupart des établissements gériatriques (10).
  • Des maladies psychologiques et somatiques peuvent être à l’ origine des symptômes. Dans le domaine psychique, la démence et les troubles affectifs/psychotiques sont les déclencheurs les plus fréquents.
  • Les états confusionnels doivent également être évalués dans le diagnostic différentiel des troubles graves du comportement. Ceux-ci se distinguent des autres maladies psychiatriques, en partie par une apparition soudaine et une symptomatologie fluctuante.
  • En principe, toute maladie et toute modification des facteurs externes (par ex. un changement de lieu) peuvent déclencher un état confusionnel.
  • Il peut souvent être difficile de distinguer une cause psychologique ou somatique de troubles du comportement peu clairs. En raison de l’ insuffisance et du manque de verbalisation d’ éventuelles plaintes somatiques chez les patients âgés, une clarification somatique approfondie est toujours nécessaire et souvent ciblée. En plus des examens cliniques et de laboratoire, il faut également envisager des dosages de substances thérapeutiques pouvant mener à des interactions médicamenteuses, des intoxications et des états confusionnels.

1. Schröder, S. G. (1998) Psychopathologie der Demenz, Symptomatologie und Verlauf dementieller Erkrankungen. Habilitationsschrift zur Erlangung der Venia legendi für das Fach Psychiatrie, Ruhr-Universität Bochum
2. Rainer, M., Mucke, H., Masching, A., Haushofer, M. (1999) Nichtkognitive Symptomprofile bei Demenzpatienten. Erfahrungen aus Psychiatrie, Ambulanz und Memory-Clinic. Psychiatr. Prax. 26, 71-75
3. Lyketsos, C. G. & Lee, H. B. (2004). Diagnosis and treatment of depression in Alzheimer’ s disease. A practical update for the clinician. Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, 17(1–2), 55–64.
4. Savaskan et al. (2014) Empfehlung zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD) Praxis 2014;103(3):135-148
5. Hessler JB, Schäufele M, Hendlmeier I, et al.: Behavioural and psychological symptoms in general hospital patients with dementia, distress for nursing staff and complications in care: results of the General Hospital Study. Epidemiol Psychiatr Sci 2017; 9: 1–10.
6. Hoyer S: The brain insulin signal transduction system and sporadic (type II) Alzheimer disease: an update. J Neural Transm 2002; 109: 341–60.
7. Diagnostik und Therapie von Verhaltensstörungen bei Demenz Torsten Kratz Dtsch Arztebl Int 2017; 114: 447–54. DOI: 10.3238/arztebl.2017.0447
8. Huff W, Steckel R, Sitzer M: [Poststroke depression: risk factors and effects on the course of the stroke]. Nervenarzt 2003; 74: 104–14.
9. Adam, C., Quabach, R. & Standl, T. (2010). Neurologische Komplikationen in der Anästhesiologie- Teil 1. Anästhesiologie Intensivmedizin Notfallmedizin Schmerztherapie, 45(7-8), 440-447.
10. Cohen-Mansfield J, Marx MS, Rosenthal AS. A description of agitation in a nursing home. Journal of Gerontology: Medical Sciences. 1989;44(3):M77–M84.

Liste des tableaux :
Tab. 1 Stanga Z et al. (2002). Akute Verwirrtheitszustände, Schweiz Med Forum 43:1021-1028
Tab. 2 Modified from Jenewein, Josef & Büchi, S. (2007). The neurobiology and pathophysiology of delirium. Schweizer Archiv für Neurologie und Psychiatrie. 158. 360-367
Tab. 3 Internationale statistische Klassifikation der Krankheit und verwandter Gesundheitsprobleme, 10. Revision. H. Dilling, W. Mombour, M.H. Schmidt, Hogrefe.
Tab. 4 Inouye SK et al., Clarifying Confusion: The Confusion Assessment Method. A New Method for Detection of Delirium. Ann Intern Med. 1990; 113;941-8

Cardio & Metabolic Update (1ère partie)

En raison de la pandémie de Covid-19 le cours de formation continue Cardio & Metabolic Update pour les cabinets médicaux a eu lieu en ligne le soir du 16 septembre 2020. L’événement était soutenu par les entreprises Amgen et Bayer et réalisé par la maison Medworld AG. Il portait sur les nouvelles lignes de direction pour la gestion du cholestérol (première partie) et sur les antithrombotiques (deuxième partie).

Update – Traitement du cholesterérol : les recommandations de l’ ESC/EAS concernant la dyslipidémie

Les maladies cardiovasculaires en général et cela concerne les accidents cérébraux vasculaires hémorragiques et les infarctus, causent environ 50 milles morts par jour sur la planète entière et en Suisse également dans la population adulte c’  est la principale cause de morbidité et de mortalité. Mais heureusement en Suisse depuis environ 30 à 40 ans on meurt moins de maladies cardiovasculaires soulignait le Pr Dr méd François Mach, médecin-chef du Service de Cardiologie des Hôpitaux Universitaires de Genève. La plupart de ces personnes ne décèdent pas. Ils vont vivre avec des pathologies cardiovasculaires notamment p.e. l’ insuffisance cardiaque.

L‘athérosclérose – la maladie sous-jacente

L’athérosclérose commence parfois très tôt dans la vie, bien avant que cela peut provoquer des symptômes ou des évènements de type mort subite, tachycardie ou infarctus du myocarde. L’athérosclérose se manifeste sous forme de plaques qui rétrécissent le diamètre du vaisseau . Un rétrécissement à l’ intérieur du vaisseau peut se transformer tout d’ un coup pour des raisons de stress et autres en une rupture de la plaque. Ce qui a mis des années pour se former peut se transformer en quelques secondes en un évènement fatal.
L’ athérosclérose est multifactorielle. Le principal facteur de risque est l’ âge, notamment le diabète est important ainsi que l’ hypertension artérielle, le tabagisme, la sédentarité et bien sur le cholestérol. S’ il y avait un panier dans lequel on devrait mettre ses économies c’ est clairement la sédentarité, soulignait l’ orateur. Plus les gens bougent, mieux est leur pression artérielle, mieux est leur glycémie, en général ils fument moins ou ils ne fument plus et leur cholestérol est meilleur. Le fait de bouger plus est clairement le facteur de risque qui pourrait permettre de diminuer les autres facteurs de risque cardiovasculaire.
On va parler uniquement du cholestérol LDL. En ce qui concerne le HDL il n’ y a aucune molécule sur le marché qui augmente le HDL et ainsi diminue les événements cardiovasculaires. On sait que si on cesse de fumer le HDL augmente, si on bouge plus le HDL augmente, si on mange mieux le HDL augmente. Il faut mesurer cette molécule et plus c’ est haut, mieux c’ est.
Le cholestérol n’ est pas une poison. Il fait partie des substances fondamentales de l’ organisme et c’ est un composé de tous les tissus. Il est important en tant qu’ élément de la membrane cellulaire, il est une substance de base pour les acides biliaires, qui sont importants pour la digestion de certains aliments, il est important pour la synthèse de la vitamine D et pour des hormones comme les oestrogènes et le testostérone. Le but ce n’ est que de baisser le cholestérol qui circule dans le sang.

Le cholestérol LDL est directement responsable de l’athérothromobose

Différentes espèces animales et même l’ homo sapiens lors de sa naissance ont des valeurs basses de cholestérol LDL (LDL-C), qui se situent aux alentours de 1.2 à 1.4mmol/l. Pendant la vie ces valeurs augmentent probablement liées à la qualité de vie. Plus les artères sont exposées à des valeurs élevées de cholestérol, plus on a un risque cardiovasculaire. La baisse du cholestérol diminue le risque cardiovasculaire. Ceci a été démontré par des études cliniques avec des médicaments, qui duraient environ quatre à six ans, par des études de cohortes prospectives d’ une durée d’ environ douze ans et par des études de génétique mendélienne qui duraient jusqu’ à cinquante ans. Toutes ces études montraient que si on baisse le LDL-C on baisse le risque d’ accidents cardiovasculaires et que la durée de l’ exposition à un LDL augmenté avait un effet immense sur le risque d’ événements, un peu comme les paquets de cigarettes fumés par année (1). Le même groupe a montré que baisse de LDL-C de 1 mmol/l et la baisse concomitante de la pression systolique permet de baisser le risque relatif d’ évènement cardiovasculaire durant la vie d’ environ 78 % et le risque de mortalité cardiovasculaire d’ environ 60 % (2). Ce sont des modélisations. Une des principales nouvelles est que le LDL-C qui circule dans le sang est directement causale pour les maladies du type athérothrombose. Même le tabac n’ est pas directement causal pour le cancer du poumon.

Les nouvelles guidelines de l’ ESC/EAS (3)

Trois principes ont dirigé les auteurs, de ces nouvelles guidelines, dont l’ orateur faisait partie pour refaire.

  • Les études cliniques indiquent que le risque relatif est directement proportionnel à la réduction absolue en LDL-C.
  • Plus c’ est bas, mieux c’ est : l’ abaissement de LDL-C avec des statines , l’ ézétimibe et avec les inhibiteurs de PCSK9 est sûr et efficace jusqu’ à moins de 1.4mmol/l.
  • L’intensité de la baisse et les nouvelles valeurs cibles dépendent du risque cardiovasculaire, et ce risque est indépendant de la cause de ce risque. On a redéfini les différentes catégories de risque et en fonction de ces catégories on a défini de nouvelles valeurs cibles.

L’ orateur définissait trois concepts pour le traitement hypolipémiant :

  • définir le risque cardiovasculaire (patients à très haut risque)
  • définir les valeurs cibles et les objectifs de LDL-C
  • choisir les meilleures stratégies de réduction des lipides

Il présentait ensuite les nouvelles catégories de risque et les valeurs cibles correspondantes. L’ essentiel de ces catégories et du risque cardiovasculaire correspondant et montré dans la figure 1 (3).

Pour les patients à très haut risque une réduction du LDLC d’au moins 50 % par rapport aux valeurs initiales et une valeur cible de C-LDL de < 1,4 mmol/l sont recommandés en prévention secondaire (I/A) et en prévention primaire I/C).
Pour les personnes atteintes de FH à très haut risque, les mêmes recommandations doivent être envisagés (Iia/C). Pour les patients atteints d’un ASCVD qui subissent un deuxième événement vasculaire dans les 2 ans alors qu’ils suivent un traitement par statine à tolérance maximale, des valeurs cibles de < 1,0 mmol/l peuvent être envisagées (IIb/B). Chez les patients à haut risque, on recommande une réduction du LDL-C d’au moins 50 % par rapport au niveau de base et des valeurs cibles de LDL-C < 1,8 mmol/l (I/A). Si les objectifs ne sont pas atteints avec la dose maximale tolérée, il est recommandé d’associer la statine à l’ézétimibe ((I/B). Pour la prévention secondaire, les patients à très haut risque n’atteignant pas leur objectif avec une dose maximale tolérée de statine et de l’ézétimibe, une combinaison avec un inhibiteur de la PCSK9 est recommandée (I/A). Cela s’ applique aussi en prévention primaire chez des personnes à très haut risque, mais sans FH ((IIb/C). et pour les patients avec FH à très haut risque qui n’atteignent pas leur objectif avec une dose maximale tolérée de statine et de l’ ézétimibe (I/C). Si un régime à base de statines n’est toléré à aucune dose (même après un challenge), l’ézétimibe doit être envisagé (IIa/C).
Une comparaison des recommandations de l’ESC/EAS 2016 vs. 2019 est montrée dans la tabelle 1.

Pour l’application pratique, l’efficacité des différentes procédures de réduction des lipides peut être utile (Tab. 2) :

Anticorps monoclonaux contre PCSK9 et événements cardiovasculaires

Les études les plus récentes chez des patients à très haut risque cardiovasculaire qui étaient faites avec les inhibiteurs de PCSK9 l’ évolocumab et l’ alirocumab montraient que la réduction supplémentaire à des niveaux très bas entraînait une réduction relative d’ événements cliniques supplémentaire statistiquement significative (15 % de réduction relative d’ événements cardiovasculaires) avec une sûreté excellente dans les deux études Fourier et Odyssey Outcomes (4, 5).
En tenant compte de ces résultats les nouvelles guidelines recommandent d’ envisager pour les patients avec syndrome coronarien aigu (SCA) dont les taux de LDL-C ne sont pas conformes aux objectifs bien qu’ils prennent déjà une statine à une dose maximale tolérée et de l’ézétimibe, l’ajout d’un inhibiteur de PCSK9 tôt après l’événement (si possible pendant l’hospitalisation pour le SCA) (IIa/C).

Evaluation du risque cardiovasculaire selon calculateur du GSLA

Pour l’ évaluation du risque cardiovasculaire l’ orateur a recommandé le calculateur de risque du GSLA. Il a également mentionné la nouvelle version 2020 du Pocket Guide « Prévention de l’ athérosclérose » disponible chez Medworld AG.

Hypercholestérolémie familiale

L’hypercholestérolémie familiale (FH) se manifeste à une fréquence très élevée (1 : 200 à 1 : 500). Le diagnostic peut se faire par les critères de la FH des cliniques de lipides néerlandaises qui sont basés sur l’ anamnèse familial, l’ anamnèse clinique, l’ examen physique et le niveau de LDL-C. FH est gravement sous-diagnostiquée, aussi en Suisse. La survie cumulative de FH traitée avec statines se situe dans les 80 % après 12 ans, alors qu’ elle n’ est que 40 % sans traitement par statines.

L’ orateur a conclu sa présentation avec un concept moderne d’ une stratégie de la réduction des lipides pour diminuer les maladies cardiovasculaires

  • Changement de concept I : commencer tôt
    L’  exposition plus basse aux lipides permet d’éviter la formation de lésions
  • Changement de concept II : traiter (beaucoup plus) agressivement
    De l’objectif souhaitable à „l’élimination du LDL-C dans le sang“.
  • Changement de concept III : utiliser des stratégies combinées
    La baisse du LDL-C induite par la statine + l’ ézétimibe (+/- un PCSK9mAb) réduit le risque cardiovasculaire
Prof. Dr. Dr. h.c. Walter F. Riesen

riesen@medinfo-verlag.ch

1. Ference B et al Low-density lipoproteins cause atherosclerotic cardiovascular
disease. 1. Evidence from genetic, epidemiologic, and clinical studies. A consensus statement from the European Atherosclerosis Society Consensus Panel. Eur Heart J. 2017;38):2459-2472.
2. Ference B presented at ESC Congress, Paris 2019
3. Mach F. et al. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. Eur Heart J. 2020; 41:111-188.
4. Sabatime MS et al. Evolocumab and clinical outcomes in patients with cardiovascular disease. N Engl J Med 2017 ;376 :1713-1722
5. Schwartz GG et al. Alirocumab and Cardiovascular Outcomes after Acute Coronary Syndrome. N Engl J Med. 2018; 379: 2097-2107

À la retraite, les cahiers au feu ?

La ritournelle de Robert Miville, tant chantée par les enfants à la fin de l’ année scolaire, est ici détournée par le sociologue Roland J. Campiche et le neurobiologiste Yves Dunant pour questionner l’ utilité de la formation lorsque c’ est tous les jours dimanche. « Faire du sport, s’ alimenter sainement c’ est bien. Mais en négligeant la formation, on ampute l’ individu de la capacité de comprendre ses choix et de fixer des priorités » (1).

« En vieillissant, je continue d’ apprendre » (2). Les deux amis, professeurs honoraires et codirecteurs de l’ ouvrage collectif « A la retraite, les cahiers au feu ? Apprendre tout au long de la vie : enjeux et défis » convient le lecteur et la lectrice à une réflexion argumentée. Il faut, selon eux, intégrer les adultes aînés dans une politique de formation cohérente qui les accompagnerait tout au long de leur vie. Et ce, quel que soit leurs âges et leurs formations antérieures. Les bénéfices sociaux et sanitaires d’ une telle démarche seraient nombreux, autant individuels que collectifs.
La retraite ne sonne en effet pas le glas de la curiosité, de l’ envie d’ apprendre, de découvrir de nouvelles choses et de réaliser de nouveaux projets. Cependant, force est de constater que malgré les études scientifiques qui corrèlent positivement formation et santé, la Suisse ne perçoit pas l’ utilité de former de gens « improductifs ». Cette limitation de la compréhension préventive de la formation sur la santé et le bien-être individuel – et donc collectif – est à terme délétère.

Magdalena R., une fiction réaliste

C’ est en suivant la fictive Magdalena R. dans les pérégrinations de ses premières années de retraite, au travers d’ un kaléidoscope d’ expériences et de témoignages, que le lecteur et la lectrice parcourent 8 chapitres articulant témoignages et données scientifiques sur les modalités et les bienfaits de la formation une fois à la retraite.
Pierre Lässer, secrétaire générale de la Fédération suisse des retraités, débute l’ ouvrage et fait, à partir de son expérience personnelle, un plaidoyer pour les conférences organisées par les Université des Seniors. Ces dernières permettent l’ acquisition et le maintien d’ une « culture générale ». Son récit montre que les adultes aînés peuvent, dans ce contexte et dans un monde de plus en plus connecté et changeant, maintenir leurs capacités d’ analyse critique, d’ identification et de mise en contexte des préjugés, nuisibles à la vie en collectivité.
Les Universités des seniors n’ ont rien de nouveau. Dès les années 70, plusieurs universités du 3ème âge voient le jour en Suisse. Dans la région lausannoise et ce, depuis 1997, Connaissance 3 offre chaque semaine à un public avide de savoirs, plusieurs conférences sur des thématiques variées (4). Ces dernières vont de la biologie à l’ histoire de l’ art et de la musique, en passant par la théorie des complots et leurs succès actuels. Toutefois, malgré ces enseignements et leur demi-siècle d’ existence, les Uni3 ne se sont pas vues intégrées dans la récente Loi sur la formation continue (LFCo). Elles ne bénéficient donc toujours pas d’ un réel soutien financier comme les autres institutions de formation et sont donc limitées dans leur accueil et leurs offres pour les adultes aînés.
Comme l’ expliquent Farinaz Fassa et Gabriel Noble de l’ Université de Lausanne, c’ est la preuve de l’  absence d’ une vision globale de la formation en Suisse. Après l’ analyse de la LFCo, ces chercheurs dénoncent une instrumentalisation économisciste et professionnelle de la notion de formation tout au long de la vie. Privilégiant une responsabilité individuelle, la Loi sur la Formation Continue de 2017 diminue en effet le rôle des pouvoirs publics. « L’ idéal éducatif et citoyen d’ un apprentissage pour tous la vie durant […] s’ est vue supplantée par la réussite, voire la survie professionnelle et individuelle » (4) concluent les deux chercheurs.
Face à cette réduction économisciste des savoirs et de la formation, Martine Ruchat, historienne de l’ éducation et Benoit Gaillard explorent, chacun à leur manière, la richesse et l’ utilité des rencontres intergénérationnelles. L’ historienne souligne les bienfaits de ce qu’ elle nomme la Gérontagogie (5). Ce n’ est plus « un inventaire de recettes, mais bien des démarches apprenantes pour maintenir le plus possible vivantes les connaissances, la capacité et les projets, ensemble » (6). S’ appuyant sur les travaux réalisés par ses étudiants, elle fait voir que le récit intergénérationnel devient le lieu d’ une rencontre entre générations et favorise la création d’ un sentiment d’ infini.
Benoit Gaillard, quant à lui, pointe au travers de son expérience personnelle, l’ importance de la qualité relationnelle dans les liens intergénérationnels, remède puissant contre un certain âgisme ambiant qui mine plus d’ un retraité et dont les conséquences sont parfois catastrophiques. Il n’ est plus question ici d’ apprentissage ou de formation stricto sensu, mais de co-apprentissage et de co-formation.
Devançant nos doutes, Jacques Lanarès, neuropsychologue, balaie l’ image un brin désuet du retraité ou de la retraitée aux capacités mnésiques déficientes, assistant depuis son banc à la marche du monde en spectateur et spectatrice. Il insiste sur leur souhait de rester des acteurs et actrices de leur quotidien et de leur apprentissage continu. Criant haro sur les idées reçues et autres stéréotypes concernant les capacités intellectuelles des adultes aînés, il esquisse les « quelques précautions » qu’ il suffirait de prendre pour leur restituer la direction de leur vie.
Prenant le relais, le spécialiste de la maladie d’ Alzheimer, Yves Dunant, nous rappelle que face aux maladies neurodégénératives, la prévention première consiste à « faire fonctionner ses neurones » (7). Mobilisant pour son argumentaire le célèbre exemple de Sœur Mary, morte à 101,7 ans avec une complète maîtrise intellectuelle, l’ auteur insiste sur le risque d’ une médicalisation abusive et d’ une compréhension encore partielle des mécanismes neurologiques en jeu. En spécialiste, il plaide ainsi pour que chaque adulte ait la possibilité de constituer une réserve cognitive, au même titre que de cotiser à l’ AVS.
Pour conclure ce volet médical, Roger Darioli, lui aussi médecin et spécialiste en prévention cardiovasculaire, rappelle l’ importance centrale de la santé comme ressource première pour le quotidien de chacun et chacune. Exit la vision de la santé comme une absence de maladie. Il précise, recherche scientifique à l’ appui, que la formation à la santé d’ une personne contribue à terme à 50 % de la qualité de cette dernière. Il plaide pour une vision préventive et non curative de la santé. Il introduit, dans « l’ optique de renforcer chez chaque individu son « pouvoir d’ agirv» afin de le rendre acteur responsable de sa santé » (8), la promotion de l’ éducation et de la formation tout au long de la vie. L’ auteur rappelle, à ce propos, que la stratégie pour un vieillissement en bonne santé de l’ OMS (2016) mentionne en 4ème objectif « l’ accès à toutes et à tous à une éducation de qualité, sur un pied d’ égalité entre hommes et femmes, et à promouvoir les possibilités d’ apprentissages tout au long de la vie » (9), et plus spécifiquement pour les personnes âgées.
Roland J. Campiche nous rappelle en fin d’ ouvrage que l’ entrée en retraite est une période charnière, et notamment en termes de sens. Loin d’ être un recul, c’ est au contraire l’ opportunité de s’ ouvrir à de nouveaux horizons, de (re-)découvrir son propre monde et les cultures qui le traversent, tout en contribuant pleinement au bien commun (par ex. garde des petits-enfants et activités associatives). Cet élan doit toutefois être soutenu par la collectivité et par la politique, mettant ainsi en pratique la théorie du don et du contre-don (10) de l’ anthropologue Marcel Mauss.

Claire comme de l’ eau de roche

Après ce tour d’ horizon, le propos est on ne peut plus clair : les auteurs appellent à une réelle concrétisation, à un niveau local et national, des discours supranationaux concernant l’ éducation et la formation. Ils militent pour la mise en place d’ une politique cohérente de formation la vie durant dont les adultes aînés, notamment, pourraient bénéficier. Leurs contributions laissent aussi entrevoir qu’ une telle réorientation serait utile à d’ autres catégories de personnes, actuellement laissés-pour-compte comme les migrants, les personnes souffrant d’ un handicap physique ou psychique important, etc. On peut regretter qu’ aucune place n’ ait été donnée dans cet ouvrage à la présentation d’ initiatives pédagogiques concrètes, comme celles permettant l’ acquisition, le maintien et la transmissions de savoirs (savoir-faire et savoir-être). Des réseaux de savoirs partagés, et autres associations, œuvrent en effet pour que le savoir – ce qui a du goût – circule le plus possible dans notre société. L’ on peut néanmoins noter que les auteurs de ce petit livre sont, pour une petite majorité d’ entre eux, des retraités. Ils font donc la preuve de la vigueur de la pensée chez les aînés qui continuent d’ apprendre.

Le renouveau des communs

Il est important de comprendre que poser la question de l’ accès à la formation des retraités, comme le fait cet ouvrage, c’ est aussi poser indirectement la question et l’ importance des communs – commons – (11) : « de ces choses qui nous sont communes » et dont notre vie quotidienne (économie comprise) ne saurait se passer. Faisant parti de ceux qui vont hériter d’ un monde en crise (crise financière et crise écologique entres autres), je nous encourage à prendre le temps de nous questionner sur ce qui rend possible notre vie quotidienne à toutes et à tous, mais aussi à protéger ces biens que nous avons en commun et à les rendre pleinement accessibles à l’ ensemble de notre collectivité. Pour moi le savoir fait partie de ces biens. Son accessibilité doit être garantie.

Gabriel Noble

Assistant diplômé en sciences de l’ éducation
Institut des sciences sociales, Université de Lausanne
Bâtiment Géopolis – Bureau 5525
1015 Lausanne

gabriel.noble@unil.ch

L’ auteur déclare n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en relation avec l’ article soumis.

Il est important que les adultes aînés soient intégrés dans une politique cohérente de formation car :

  • La retraite est devenue un (long) temps de (re-)découverte, de participation sociale et d’ engagement citoyen important.
  • Les adultes aînés souhaitent rester des acteurs et actrices de leur quotidien et de leur apprentissage continu.
  • La formation à la santé d’ une personne contribue, à terme, à 50 % de la qualité de cette dernière. De plus, « faire fonctionner ses neurones » est la première manière de prévenir les maladies neurodégénératives.
  • L’ accès à la formation et à l’ éducation doit être défendu comme un bien commun accessible à toutes et à tous, sans discrimination aucune, et la vie durant.

1. Cf. quatrième de couverture
2. Ce verbatim est attribué à Solon – philosophe grec (-640 à -558 av. notre ère). Il aurait adressé cette phrase au poète élégiaque Mimnerme de Colophon dans le cadre d’une querelle philosophique qui les opposait concernant les bienfaits (ou non) de la vieillesse.
3. Campiche, R. J., & Dunant, Y. (2018). À la retraite les cahiers au feu ? Apprendre tout au long de la vie : enjeux et défis. Lausanne : Éditons Antipodes.
4. https://wp.unil.ch/connaissance3/offre-de-cours/, consulté le 25 avril 2020.
5. Campiche & Dunant, 2018. p.101
6. Ruchat, M. (2013). De l’éducation permanente à la gérontagogie : Une éthique de la bienveillance. In D. Kern (Ed.), Formation et vieillissement. Apprendre et se former après 50 ans : Quels enjeux et quelles pertinences ?. Nancy : Presses universitaires de Nancy
7. Campiche & Dunant, 2018. p.35
8. Campiche & Dunant, 2018. P.11
9. Campiche & Dunant, 2018. p.87
10. Campiche & Dunant, 2018. p.85-86
11. Marcel Mauss (1923-1924)
12. Voir notamment Hardin, G. J. (1968). The tragedy of the commons. Science 162(3859), 1243–1248. 1968. doi:10.1126/science.162.3859.1243.Hardin, G. (2018). La tragédie des communs. Presses universitaires de France.

Antimythe

Des sommes considérables sont investies par Google dans la promotion du transhumanisme. Ce mouvement philosophique et culturel, porté par des apprentis sorciers désireux de dépasser les règles de la biologie à l’ aide de l’ intelligence artificielle, de la robotique et des nanotechnologies, vise à prolonger (indéfiniment ?) la durée de notre existence et à en améliorer les conditions en s’ affranchissant de la nature.

Ils font valoir que l’  homme bionique est déjà une réalité plus qu’ un concept : prothèses diverses dont certaines pilotées par le cerveau, phakectomie, pace-makers, transplantations …
Ces progrès, certes remarquables, ne prolongent que peu la vie en regard de l’ immortalité recherchée. Sauver un patient par l’ implantation d’ un stent coronaire ne l’ empêchera pas de mourir quelques années plus tard d’ un cancer ou de développer une démence.
De plus, si, depuis un siècle, l’ espérance de vie dans les pays développés ne cesse d’ augmenter grâce à la science médicale, nombre de personnes âgées vivent plus longtemps malades, mettant à l’ épreuve l’ éthique et l’ économie.

Le transhumanisme est incompatible avec l’ égalité

Surtout, le transhumanisme est incompatible avec l’ égalité entre les êtres qu’ il entend promouvoir.
A supposer que la vie soit prolongée à 200 ans voire plus, il ne ferait qu’ aggraver les inégalités existantes en ne profitant qu’ à un nombre limité d’  « heureux élus » riches ou puissants. Que feraient-ils de tant d’ années supplémentaires sinon continuer d’ être ce qu’ ils sont et de faire ce qu’ ils font ? Quand bien même davantage d’ individus vivraient très longtemps en bonne santé physique et psychique, à quoi cela servirait-il ?
Comment justifier une telle démarche dans une planète déjà surpeuplée alors que des millions d’ enfants souffrent de malnutrition ou de retard de croissance ? (1).
On est en droit de suspecter que l’ idéal contestable du transhumanisme est animé par un désir de gloire et par d’ énormes intérêts financiers plus que par un souci philanthropique.
Selon son origine, ses croyances, ses conditions matérielles, son intelligence, son niveau de culture, chacun trouve (ou ne trouve pas) à sa vie un sens et/ou une valeur. Encore convient-il de s’ entendre sur la signification du premier et de la seconde. Pour le philosophe français André Comte-Sponville (né en 1952), « le sens est l’ objet d’ une compréhension ou d’ une interprétation. La valeur, l’ objet d’ une évaluation, d’ un désir ou d’ un amour. Le problème n’ est pas de savoir si la vie a un sens, mais si nous l’ aimons assez pour qu’ elle vaille la peine d’ être vécue » (2).
C’ est peut-être dans sa propre finitude que chaque existence trouve sa valeur même si la majorité des gens souhaitent la prolonger, sans forcément savoir qu’ en faire, se contentant d’ en jouir.

« Aux âmes bien nées la valeur n’ attend point le nombre des années » (Corneille, 1606-1684).

Combien d’ artistes n’ ont-ils pas enrichi magistralement notre patrimoine culturel en moins de 40 ans de vie (Raphaël 37 ans, Schubert 35 ans, Mendelssohn 38 ans, Chopin 39 ans, Rimbaud 37 ans) ?
Mozart (1756-1791) n’ a vécu que 35 ans et a tout donné en un universel héritage. Moins de trois mois avant sa mort, occupé à son sublime Requiem il écrit, en italien, une lettre émouvante à Lorenzo da Ponte, son librettiste : « Très cher Monsieur, Je voudrais suivre votre conseil, mais comment y parvenir ? J’ ai la tête perdue, je suis à bout de forces et ne puis chasser de mes yeux l’ image de cet inconnu. Je le vois continuellement qui me prie, me sollicite et me réclame impatiemment mon travail. Je continue, parce que la composition me fatigue moins que le repos. … Je suis sur le point d’ expirer. J’ ai fini avant d’ avoir joui de mon talent. La vie, pourtant, était belle, la carrière s’ ouvrait sous des auspices tellement fortunés ! Mais on ne peut pas changer son propre destin. Nul ne mesure ses propres jours ; il faut se résigner : il en sera ce qu’ il plaira à la Providence. Je termine : c’ est mon chant funèbre et je ne dois pas le laisser imparfait » (3).
Etymologiquement, transhumanisme signifie au-delà de l’ humain, ce qui sous-entend que ce dernier, physiquement et intellectuellement « augmenté » vivrait plus longtemps et mieux.
Mais le préfixe issu du latin trans peut donner lieu à une autre interprétation : au-delà, donc post mortem.
Des entreprises de recyclage ont compris qu’ un cadavre pouvait être « augmenté » par sa valeur marchande. « Le commerce de tissus tels que les tendons, la peau, le cartilage, les os ou une partie de l’ aorte en guise de substitut de valve cardiaque est en plein essor » (4). Mais il y a plus. Parmi les cendres des corps incinérés sont recueillis les métaux des implants dentaires et de différentes prothèses, en particulier orthopédiques : or, titane, chrome, molybdène, cobalt, palladium et platine.
On imagine le développement que connaîtrait ce commerce si d’ aventure les adeptes du transhumanisme accomplissaient leur rêve de faire jouer aux humains les prolongations, à moins que l’ homme bionique devenu éternel ne vienne tarir cette source lucrative !

Chacun se réalise dans son évolution

C’ est dans son évolution, de la naissance à la mort, que chacun se réalise. On ne pense ni n’ agit à 30 ans comme à 50 ou à 80.
« Si, à 15 ans, on gaspille ses énergies, c’ est parce que l’ on n’ a pas conscience du temps limitatif. A partir de 35 ans, cette conscience conduit l’ homme qui progresse à envisager l’ au-delà de son temps de vie comme l’ au-delà de son espace terrestre » (5).
A la découverte sensorielle et sexuelle de l’ enfant succèdent la formation de l’ ego de l’ adolescent puis la définition de la personne dans la société, sa réalisation créative, son apprentissage de l’ indépendance et des valeurs pour en arriver à 70 ans et au-delà à une réflexion plus métaphysique.
La vieillesse apporte cet avantage (est-ce le seul ?) de permettre d’ aller à l’ essentiel, d’ opérer la synthèse d’ une existence et d’ apprendre le détachement des biens matériels. Que l’ opération se fasse à 80 ou 100 ans n’ a guère d’ importance mais la perspective de la mort lui confère toute sa signification. Nombre d’ individus, fauchés dans l’ enfance ou la fleur de l’ âge par une injustice transcendante, n’ ont pas cette chance.
Qu’ adviendrait-il de cette évolution rythmée par sa finitude si la vie était longuement voire indéfiniment prolongée ?
Le souvenir d’ êtres proches, le désir non satisfait d’ en rencontrer d’ autres, disparus il y a plus ou moins longtemps, fait souvent dire : « Ah ! S’ il (ou elle) était encore là ! Si j’ avais pu le (ou la) connaître ! »
L’ hypothétique achèvement du transhumanisme ne manquerait pas de bouleverser ce trouble sentiment de nostalgie, alchimie de douce reconnaissance, de manque, de regrets, de remords.
La nature n’ est ni bonne ni mauvaise. Les médecins ont appris à travailler tantôt avec elle, tantôt contre elle, cherchant alors à corriger ses erreurs. Vouloir la dominer apparaît illusoire. Un certain virus couronné vient d’ en apporter la dramatique démonstration, dévoilant de surcroît toute la gamme des comportements de l’ humanité et les aberrations économiques du monde occidental.
Dans la mythologie grecque, Némésis, déesse de la juste colère, punissait les mortels frappés de mégalomanie (ὕβρις en grec). La démesure du projet transhumaniste pourrait recevoir sa punition par la création, à supposer qu’ elle y parvienne un jour, de personnages robotisés encombrant plus longtemps la planète et dénués de cette fragilité qui donne à la vie simplement humaine toute sa valeur.

Pr Jean Jacques Perrenoud, jean-jacques.perrenoud@unige.ch
Cardiologue FMH
Chemin Thury 12, 1206 Genève

1. Pittet A, Avril N. Quand le manque d’ assiettes rend malade : une perspective
humanitaire sur la malnutrition. Rev Med Suisse 2020 ; 16 : 228-9.
2. Comte-Sponville A. Le Sexe ni la mort. Editions Albin Michel, Paris, 2012.
3. Ghéon H. Promenades avec Mozart. Editions Desclée de Brouwer, Paris, 1932.
4. Taverna E. Matière première humaine. Bulletin des Médecins Suisses 2018 ;
99 : 1598.
5. Brulard M. La Graphologie dynamique. Presses Académiques Francophones, 2018.

Das Cochlea-Implantat in der Behandlung der einseitigen Ertaubung

In der Schweiz erleiden jedes Jahr rund 1600 Menschen einen Hörsturz. Beide Geschlechter sind davon gleichermassen betroffen, am häufigsten tritt ein Hörsturz im Alter zwischen 50 und 60 Jahren auf. Während ein leichtgradiger Hörsturz eine hohe Spontanheilungstendenz aufweist, können hochgradige akute Hörstürze trotz empirischer Steroidtherapie zu einer einseitigen Ertaubung führen. Der zweithäufigste Grund für eine plötzliche einseitige Ertaubung stellt die Felsenbeinquerfraktur dar. Unabhängig von der Ursache stellt dieser plötzliche Verlust eines Sinnesorganes für den betroffenen Patienten ein traumatisches Ereignis dar und hat in vielen Fällen einschneidende Folgen für sein Hörvermögen. Dieser Artikel soll auf die neuesten Erkenntnisse über die Folgen der einseitigen Ertaubung und die aktuellen Therapiemöglichkeiten eingehen.

Patienten mit einem akuten Hörsturz können klinisch in der hausärztlichen Notfallpraxis mittels gezielter Anamnese, Otoskopie und Stimmgabelprüfungen schlüssig triagiert werden. Die definitive Diagnose eines Hörsturzes und das Ausmass des Hörverlustes werden mittels Tonaudiometrie festgehalten. Die Therapie eines Hörsturzes stellt in der Behandlung zwar keinen Notfall, jedoch einen Eilfall dar. Da die Ätiologie eines akuten Hörsturzes weiterhin unklar ist, kann keine kausale Therapie durchgeführt werden. An den meisten Zentren wird eine empirische Therapie mit topischen oder systemischen Corticosteroiden in Abhängigkeit des Schweregrades angewendet. Diese Therapie sollte in den ersten 48 Stunden nach Auftreten des Hörsturzes begonnen werden. Das Ausmass des Hörverlusts stellt einen prognostischen Faktor für die Erholung eines Hörsturzes dar. Führt der Hörsturz zu einer höchstgradigen Schwerhörigkeit oder einer Ertaubung (Abb. 1), ist die Prognose ungünstig und nur in Einzelfällen mit einer Erholung zu rechnen.

Neben dem akuten hochgradigen Hörsturz stellt die Felsenbeinquerfraktur den zweithäufigsten Grund für eine Ertaubung im Erwachsenenalter dar. Bei den Felsenbeinfrakturen können eine Querfraktur von einer Längsfraktur bereits klinisch mittels Stimmgabelprüfungen unterschieden werden. Bei der Felsenbeinlängsfraktur resultiert eine Schallleitungsschwerhörigkeit, entsprechend wird im Versuch nach Weber die Stimmgabel ins betroffene Ohr lateralisiert. Dem gegenüber tritt bei der Felsenbeinquerfraktur eine Ertaubung auf, sodass die Stimmgabel ins hörende Gegenohr lateralisiert wird. Die Felsenbeinquerfraktur zieht durch das Innenohr, also durch die Cochlea und das Labyrinth (Abb. 2).

Es tritt ein cochleo-vestibulärer Funktionsausfall mit einer Ertaubung und einem Vestibularisausfall auf. Neben der Ertaubung weist der Patient wegen des Vestibularisausfalls einen Spontannystagmus zum unverletzten Gegenohr auf, also einen Ausfallsnystagmus. Während der Schwindel durch die zentrale Kompensation des Vestibularisausfalls allmählich abklingt, persistiert die Ertaubung des betroffenen Innenohres. Zudem besteht lebenslang das Risiko einer otogenen Meningitis, da im Bereich der otischen Kapsel eine Fraktur nur bindegewebig verheilen kann.
Eine Felsenbeinfraktur wird in der Computertomographie bestätigt. Da bei einer Felsenbeinquerfraktur die Ursache für eine Ertaubung offensichtlich ist, benötigt es keine weiteren Abklärungen. Demgegenüber muss bei einer Ertaubung nach einem Hörsturz im Verlauf eine intra- oder retrocochleäre Pathologie wie ein Vestibularis­schwannom («Akustikusneurinom») ausgeschlossen werden (Abb. 3)

Die Folgen der einseitigen Ertaubung und ihre Auswirkungen auf das normalhörende Gegenohr

Patienten mit einer einseitigen Ertaubung und normalhörendem Gegenohr fühlen sich bei einem Zwiegespräch in ruhiger Umgebung und Augenkontakt mit Sicht auf die Mimik wenig bis gar nicht beeinträchtigt. Sobald jedoch die üblichen Anforderungen an das Hören im praktischen Alltag vorliegen, macht sich die Einseitigkeit bemerkbar. Das monaurale, asymmetrische Hören führt nämlich zu deutlichen Einschränkungen vor allem beim Sprachverstehen im Störlärm und bei der Lokalisation von Schallquellen. Hören wird anstrengend (Abb. 4). Gerade in der aktuellen Situation einer Pandemie mit dem Tragen von Gesichtsmasken wird die Herausforderung noch grösser.

Eine einseitige Ertaubung hat durch die Veränderungen der neuronalen Aktivierung und binauralen Interaktionen in der zentralen Hörbahn auch Einfluss auf das normalhörende Gegenohr. Diese zentralen Veränderungen wurden sowohl im Tierversuch wie auch beim Menschen nachgewiesen. Beispielhaft dafür ist der Umstand, dass Patienten mit einseitiger Ertaubung am normalhörenden Gegenohr deutlich empfindlicher gegenüber einem akustischen Trauma reagieren. Ausserdem wurde bereits vor rund hundert Jahren der sympathische Hörverlust beschrieben, welcher analog zur sympathischen Ophthalmopathie eine immunologisch vermittelte Hörverminderung kontralateral zu einer geschädigten Cochlea darstellt. In einer aktuellen Studie mit über 400 Patienten wurde der Einfluss der einseitigen Ertaubung auf das Hörvermögen des besseren Ohres untersucht. Es konnte erstmals gezeigt werden, dass Patienten mit einseitiger Ertaubung auf dem besser hörenden Gegenohr signifikant schlechter hören als eine vergleichbare normalhörende Kontrollgruppe. Die Ursache dafür ist bisher unbekannt. Es wird die Kombination von verschiedenen Faktoren wie genetische Prädisposition, anatomische und immunologische Gründe, Störungen in der Mikrozirkulation des Innenohres, aber auch die vermehrte Höranstrengung bei monauralem Hören vermutet. Somit ist nun neu also evident, dass die einseitige Ertaubung nicht nur den Verlust der Hälfte eines bilateralen Sinnesorganes mit all seinen Beeinträchtigungen bedeutet, sondern dass auch das normalhörende Gegenohr im weiteren Verlauf in Mitleidenschaft gezogen wird.

Die Rehabilitation bei einseitiger Ertaubung

Die Hörrehabilitation bei einseitiger Ertaubung hat mit diesen neuen Erkenntnissen sowohl therapeutische wie auch prophylaktische Aspekte. Die einzelnen Schritte müssen individuell mit dem Patienten besprochen werden. Vereinzelt finden sich Patienten, die zumindest in der ersten Zeit keine Einschränkung durch das mo­naurale Hören verspüren. Hier sind keine weiteren therapeutischen Massnahmen nötig. Die Mehrzahl der Patienten fühlt sich durch den Verlust eines Sinnesorganes jedoch erheblich beeinträchtigt, insbesondere, wenn sie noch im aktiven Leben stehen. Bis vor einigen Jahren bestand die Standardtherapie darin, den Patienten mit einem sogenannten CROS-Hörsystem zu versorgen. Das Akronym CROS bedeutet «Contralateral Routing of Signals». Dabei wird der Schall mit einem Mikrophon am ertaubten Ohr an ein Hörgerät am hörenden Ohr übertragen. Technisch ist dies einerseits mit konventionellen Hörgeräten möglich, welche die Übertragung mit Funk vornehmen. Der Patient muss dabei zwei Hörgeräte tragen. Der «Sender» mit Mikrophon befindet sich am ertaubten Ohr und der «Empfänger» mit dem Lautsprecher am hörenden Ohr. Andererseits ist dies eine klassische Indikation für knochenverankerte Hörgeräte («BAHA – Bone Anchored Hearing Aid»). Dabei wird ein knochenverankertes Hörgerät am ertaubten Ohr getragen. Die Signale werden über den Knochen, respektive auch über den Liquor, an das kontralaterale Ohr weitergeleitet. Die «CROS»-Hörsysteme bringen vielen Patienten zwar eine gewisse Verbesserung ihrer Hörsituation und imitieren eine Pseudo-Stereophonie, können jedoch naturgemäss kein echtes binaurales Hören gewährleisten. Das Hören bleibt mit einer CROS-Versorgung monaural. Zudem wird das normalhörende Gegenohr durch ein CROS-System nicht vor einer frühzeitigen Schwerhörigkeit geschützt.
Mit der Versorgung der einseitigen Ertaubung durch ein Cochlea­implantat wird nun erstmals wieder eine Hörrehabilitation mit echtem binauralem Hören ermöglicht. Dies wird in der Schweiz seit gut drei Jahren umgesetzt, da diese Art der Versorgung der einseitigen Ertaubung mit dem Vorliegen von wissenschaftlichen Studien über Nutzen und Wirksamkeit nun auch durch die Krankenkassen und die IV finanziert wird. Vorher war die Finanzierung des Cochleaimplantates der beidseitigen Ertaubung vorbehalten.
Wenn ein einseitig ertaubter Patient mit einem Cochleaimplantat versorgt wird, hört er anschliessend auf dem einen Ohr weiterhin physiologisch, während am anderen Ohr der Hörnerv direkt über einige wenige Elektroden (je nach Fabrikat zwischen 12 und 22 Elektroden) elektrisch stimuliert wird. Trotzdem gelingt es auf Grund der Plastizität unseres Hirns erstaunlich rasch, diese beiden unterschiedlichen Signale in den Hörzentren miteinander zu inte­grieren und als binaurales Hören wahrzunehmen.

Verbesserte Prognose

Neben der Hörrehabilitation scheint die Versorgung des ertaubten Ohres mit einem Cochleaimplantat gemäss neuesten Studien auch prophylaktischen Charakter zu haben. Während eine einseitige Ertaubung unversorgt zu einer vorzeitigen Hörverminderung am normalhörenden Gegenohr führt, zeigen mit einem Cochlea­implantat versorgte Patienten ein konstantes Hörvermögen auf dem normalhörenden Gegenohr, vergleichbar mit den Hörschwellen der entsprechenden normalhörenden Alterspopulation.
Bei einer Felsenbeinquerfraktur gilt es, neben der Versorgung des ertaubten Ohres, das lebenslänglich erhöhte Risiko einer otogenen Meningitis zu beachten. Bei Patienten, welche sich nicht für eine Versorgung mit einem Cochleaimplantat entscheiden, wird vorsorglich eine Pneumokokken-Impfung empfohlen, um das Risiko einer otogenen Meningitis zu verringern. Bei mit einem Cochlea­implantat versorgten Patienten wird gleichzeitig mit der Implantation eine sogenannte subtotale Petrosektomie durchgeführt. Dabei wird der Mitteohrraum durch operativen Verschluss des äusseren Gehörgangs und der Tuba auditiva wasserdicht von der Aussenwelt abgeschottet, wodurch das Risiko einer otogenen Meningitis bei einer Felsenbeinquerfraktur endgültig gebannt wird.
Um den Kreis der Hörrehabilitation bei einseitiger Taubheit zu schliessen, soll der Vollständigkeit halber die Versorgung von einseitig kongenital gehörlosen Neugeborenen erwähnt werden. Auch hier wird heute angestrebt, diese mit dem Neugeborenen-Hörscreening an beiden Ohren frühzeitig zu erfassen und bei geeigneter Indikation eine Versorgung mit einem Cochleaimplantat in die Wege zu leiten.

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. Christoph Schlegel-Wagner

Klinik für Hals-Nasen-Ohren- und Gesichtschirurgie (HNO)
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
6004 Luzern

christoph.schlegel@luks.ch

Der Autor hat in Zusammenhang mit diesem Artikel keine Interessenskonflikte deklariert.

  • Häufigster Grund für eine einseitige Ertaubung stellen der hochgradige Hörsturz und die Felsenbeinquerfraktur dar.
  • Eine einseitige Ertaubung führt zu einem monauralen, asymmetrischen Hören mit schlechtem Sprachverstehen im Störlärm. Schallquellen können nicht mehr lokalisiert werden. Hören wird anstrengend.
  • Eine einseitige Ertaubung führt nachweislich zu einer Verschlechterung des Hörvermögens am normalhörenden Gegenohr. Die Ursachen dafür sind bis jetzt nicht bekannt.
  • Die Versorgung der einseitigen Ertaubung mit einem Cochleaimplantat bietet die einzige Möglichkeit, wieder echtes binaurales Hören zu erreichen. Zudem kann dadurch eine vorzeitige Hörverminderung am normalhörenden Gegenohr verhindert werden.

beim Verfasser