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Aktuelle Leserumfrage 2018

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Véganisme et risque cardiovasculaire 

Le véganisme connaît un intérêt médiatique croissant en prônant un style de vie dépassant un régime exclusivement végétal favorable à la santé pour rejeter toute forme d’ exploitation animale. Basé sur un récent rapport de la Commission fédérale sur l’ alimentation, cet article décrit l’ insuffisance des évidences scientifiques pour recommander ce type de régimes pour la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires ischémiques.

Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végétal. Au-delà de ce simple choix alimentaire, le véganisme rejette par principes éthiques et philosophiques la légitimité de toute forme d’ exploitation animale. Selon ses adeptes les plus militants, le véganisme constituerait la solution à privilégier, dans le respect des animaux, de l’  environnement, tout en favorisant une alimentation équilibrée comme source de santé et de bien-être pour les humains. Au cours de ces dernières années, l’ activité et les revendications des mouvements véganes ont trouvé un écho de plus en plus large dans les médias, en suscitant débats et incertitudes chez les consommateurs qui montrent un intérêt croissant pour les conséquences sur leur santé de tout ce qu’ ils mangent.
La publication récente du rapport de la Commission fédérale de l’ alimentation intitulé «  Régimes végétaliens: analyse des avantages et des inconvénients sur le plan nutritionnel et pour la santé  »  a servi de base à la rédaction du présent article focalisé sur le risque cardiovasculaire (CV) des régimes véganes et sur les recommandations pour la prévention des maladies cardiovasculaires ischémiques (MCVI) (1).

Caractéristiques des régimes véganes

Par définition, un régime «  végane  »  exclut tout ingrédient d’ origine animale, mais dont le spectre des autres nutriments peut varier. Ce type de régime se différencie donc des autres formes de régimes tels que :
a) «  végétarien  »  ou «  ovo-lacto-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception du lait, des composants du lait tels que le lactose, des œufs, des composants de l’ œuf et du miel ;
b) «  ovo-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception des œufs, des composants de l’ œuf et du miel ;
c) «  lacto-végétarien  »  si aucun ingrédient ni auxiliaire technologique d’ origine animale ne sont inclus, à l’ exception du lait, des composants du lait et du miel.
d) «  végétalien  »  si aucun ingrédient d’ origine animale n’ est présent.
La suppression de la viande, du poisson, des œufs et des produits laitiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessitant d’ être remplacés par d’ autres sources alimentaires ou par supplémentation pour s’ assurer d’ une alimentation équilibrée (Tab. 1).
De nombreuses études européennes publiées depuis 2015 ont examiné les régimes véganes et calculé l’ apport des nutriments en s’ appuyant sur des listes d’ aliments spécifiques des pays concernés. En ce qui concerne les macronutriments, les valeurs de consommation moyennes satisfont souvent aux recommandations nutritionnelles générales. Toutefois, leur variabilité est très importante, ce qui peut s’ avérer problématique dans le cas des apports en protéines. Selon le peu d’ études ayant collecté des données sur l’ ingestion de fruits et légumes, il apparaît qu’ en moyenne, l’ apport journalier recommandé (trois portions de légumes et deux portions de fruits) est couvert, mais là encore avec une très grande variabilité de cette consommation. Ces éléments laissent supposer qu’ il n’ y a pas de preuve qu’ un régime végane soit toujours associé à un apport riche en fruits et légumes. C’ est pourquoi, il est difficile de présumer qu’ un régime végétalien procure de facto les avantages de ce mode alimentaire sur la santé. Or, il s’ agit là d’ un des axiomes de la plupart des prises de position en faveur d’ un régime végane (1, 2).
Les données relatives aux micronutriments sont souvent limitées par le manque d’ informations spécifiques concernant les choix alimentaires des sujets d’ études, ainsi que le type et les doses des supplémentations. La plupart des études montrent que la supplémentation en vitamine B12, bien que nécessaire, n’ est que partiellement suivie (50-70  % des participants), ce qui peut occasionner un risque CV accru. Si d’ autres carences sont possibles (vitamine D, calcium, etc.) à l’ inverse, par comparaison aux omnivores, les véganes montrent des apports et un profil sanguin plus riches en micronutriments tels que le magnésium, les vitamines C, B1 et B6, l’ acide folique, les caroténoïdes et les polyphénols, d’ où un potentiel bénéfique pour la santé.
En somme, les régimes véganes bien planifiés pourraient couvrir les besoins énergétiques et nutritionnels, mais ils exigent de très bonnes connaissances nutritionnelles, ainsi qu’ une supplémentation basée sur un monitoring sanguin régulier des micronutriments les plus importants.

Prévalence du véganisme, caractéristiques et motivations de ses adeptes

En Europe, il est estimé que 2 à 5  % de la population suivent un régime végétarien, végane inclus. En Suisse, la récente enquête de l’ association Swissveg a fait état de 11 % de végétariens et de 3 % de véganes parmi les 1296 personnes âgées de 15 à 74 ans sondées en 2017. Ces résultats contrastent fortement avec les données de l’ étude menuCH de 2015 comptant 2000 participants adultes, puisque la prévalence des végétariens s’ est chiffrée à 1.77 % et celle des véganes à 0.38  %. Des données plus précises manquent, mais selon les Enquêtes suisses sur la santé, il apparaît qu’ entre 1992 et 2017 la proportion de personnes déclarant ne jamais manger de viande a tout de même triplé, passant de 2 à 6 %.
Les différents sondages montrent, qu’ en Suisse aussi, il s’ agit avant tout de femmes jeunes jouissant d’ un bon niveau de formation et habitant ou travaillant plutôt en ville. Leurs principales motivations de renoncer à la viande correspondent au bien-être des animaux (78 %), ainsi qu’ à des considérations éthiques (60 %) et écologiques (58 %). Mais seuls 35 % d’ entre elles ont invoqué la santé.

Régimes véganes et leur impact sur le risque cardiovasculaire

Privilégiant la consommation de fruits, de légumes, de fibres et d’ hydrates de carbone, l’ apport réduit en graisses et graisses saturées, ainsi que l’ éviction des protéines animales, notamment de viande rouge et de charcuterie, les régimes véganes ont montré, par comparaison aux régimes omnivores, des effets plutôt positifs sur les lipides sanguins, le poids et le contrôle glycémique. Ceci peut présager d’ un impact favorable sur le risque de maladies cardiovasculaires ischémiques (MCVI), de type cardiopathie ischémique (CPI) ou accident cérébrovasculaire (AVC).
Historiquement, Key TJ et al avaient publié en 1999 les résultats d’ une analyse groupée de 5 études prospectives de cohorte faisant état d’ une diminution, toutefois non-significative, des taux de mortalité par CPI (-26  %), ainsi que par AVC (-30 %) chez les personnes véganes par comparaison aux personnes omnivores (3). Largement reportés comme étant favorables, en dépit des limitations méthodologiques majeures, ces données méritent cependant d’ améliorer le niveau d’ évidence scientifique en faveur du véganisme. Or, la revue de littérature scientifique établie jusqu’ en 2018 ne recense malheureusement aucune étude d’ intervention de type RCT, ce qui permettrait de valider adéquatement le bénéfice des diètes véganes sur le risque de MCVI. De fait, l’ essentiel des connaissances actuelles repose sur des études observationnelles.
A ce jour, nous ne disposons malheureusement d’ aucune étude observationnelle ayant cherché à déterminer si les régimes véganes pourraient être associés à une incidence réduite d’ un premier évènement CV, qu’ il s’ agisse d’ une CPI ou d’ un AVC. Bien que l’ opinion générale, voire même certaines prises de position, accordent volontiers des vertus bénéfiques aux régimes véganes, des recherches plus approfondies s’ imposent clairement afin de prouver les avantages potentiels de tels régimes pour la prévention ou le traitement des MCVI (2). En revanche, le risque de mortalité CV associé spécifiquement aux régimes véganes a pu être analysé dans les trois études mentionnées dans le tableau 2 (4-5). Se basant sur les données de «  l’ Adventist Health Study-2 » , une grande étude prospective de cohorte réalisée auprès de 73 308 membres de la communauté adventiste nord-américaine, dont 5 548 véganes et 35 359 omnivores, Orlich MJ et al ont rapporté des résultats contradictoires au terme des 5.6 ans de suivi (4). Alors qu’ ils ont observé une réduction statistiquement significative du taux de mortalité CV globale (-42 %) et coronarienne (-55 %) chez les hommes, ce fut l’ inverse chez les femmes au vu d’ une augmentation non significative de ces risques atteignant respectivement + 18 % et + 39 %.
Ces données contrastent fortement avec les résultats d’ Appleby PN et al découlant des 2 études de cohortes prospectives « l’ Oxford Vegetarian Study » et « l’ EPIC-Oxford Cohort Study »  (5). Poolées pour cette analyse, ces 2 cohortes totalisèrent 60’310 personnes recrutées au sein de la population de Grande Bretagne, dont 2 258 exclusivement véganes et 18  431 omnivores suivis pendant 15 ans ou plus. Globalement, le risque de mortalité coronarienne fut légèrement réduit (-10 %) chez les véganes par comparaison aux omnivores, alors que le risque fut nettement accru, mais de manière non significative, tant pour la mortalité par AVC (+ 61 %) que par mortalité CV globale (+ 21 %).
Ces études de cohorte comportent toutes trois diverses limitations méthodologiques qui affaiblissent le niveau d’ évidence en faveur des bénéfices, voire des désavantages liés aux régimes véganes sur le risque CV.
En conclusion, les données scientifiques acquises à ce jour demeurent trop incertaines pour préconiser les régimes véganes tant à titre de prévention que de traitement des MCVI. C’ est sans doute une des raisons principales au fait que de tels régimes n’ ont pas été inclus dans les recommandations alimentaires pour la prévention des MCVI édictées par les Sociétés suisses, européennes américaines de cardiologie.

Pr Roger Darioli

Président de la Fondation Suisse Nutrition Santé
5, chemin des Fleurs
1007 Lausanne

roger.darioli@unisante.ch

L’ auteur n’ a aucun lien d’ intérêt financier, ni de connivence avec les mouvements véganes, les défenseurs de la cause animale ou les producteurs de viande, pas plus qu’ avec l’ industrie alimentaire. De plus, cet article a été rédigé en toute indépendance, sans aucune contribution financière. De même, le rapport du groupe d’ expert de la Commission fédérale de l’ alimentation a été rédigé en toute indépendance sur la base des connaissances scientifiques publiées entre 2007 et 2018.

  • Créé en 1944 en Grande-Bretagne, le végétalisme ou véganisme en tant que style de vie prône un régime exclusivement végétal considéré comme source de santé pour les humains, en rejetant toute forme d’ exploitation animale par principes éthiques et philosophiques.
  • La suppression de la viande, du poisson, des oeufs et des produits laitiers comporte une perte de macro- et micronutriments nécessitant
    d’ être remplacés par d’ autres sources alimentaires et par supplémentation pour prévenir le risque de carences nutritionnelles préjudiciables à la santé, notamment cardiovasculaire.
  • A ce jour nous ne disposons d’ aucune publication scientifique ayant évalué l’ influence d’ un régime végane sur la prévention primaire des MCVI. Seul le risque de mortalité CV a été analysé dans trois études prospectives de cohorte qui ont produit des résultats opposés entre bénéfices et risques. Vu l’ absence d’ évidence scientifique suffisante, le véganisme ne figure pas dans les recommandations alimentaires pour la prévention et le traitement des MVCI.

1. https://www.eek.admin.ch/eek/fr/home/pub/dieteveganeavantagesetinconvenients.html
2. Table de composition nutritionnelle Suisse. http://www.sge-ssn.ch/fr/shop/produkt/schweizer-naehrwerttabelle/Pawlak R. Is vitamin B12 deficiency a risk factor for cardiovascular disease in vegetarians? Am J Prev Med 2015 Jun;48(6):e11-26. doi: 10.1016/j.amepre.2015.02.009
3. Schupbach R, et al. Micronutrient status and intake in omnivores, vegetarians and vegans in Switzerland. European journal of nutrition. 2017;56(1):283-93.
4. Singh B, et al. Bioactive constituents in pulses and their health benefits. Journal of food science and technology. 2017;54(4):858-70.
5. Bochud M, Chatelan A, Blanco J, Beer-Borst S. Menu.ch. Anthropometric characteristics and indicators of eating and physical activity behaviors in the Swiss adult population Results from menuCH 2014-2015. https://www.blv.admin.ch/blv/fr/home/lebensmittel-und-ernaehrung/ernaehrung/menuch/menu-ch-ergebnisse-essverhalten.html
6. Van Winckel M. et al. Vegetarian infant and child nutrition. Clinical Practice Review. Eur J Pediatr. 2011;170:1489–94.
7. Vegetarian Society – Fact Sheet – Statistics – Number of UK Vegetarians. https://www.vegsoc.org/sslpage.aspx?pid=753
8. Swissveg. Veg-Umfrage 2017. 2017. https://www.swissveg.ch/veg-umfrage#1 (accessed 01.12.17).
9. Zuberbühler C. Macronutrients intake from vegetarians from menuCH data 2014-15 (24-recall, GloboDiet). 2017.
10. Enquête suisse sur la santé 2017.Vue d’ensemble https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/catalogues-banques-donnees/publications.assetdetail.6426303.html.
11. Key TJ, Fraser GE, Thorogood M Appleby PN, Beral V, Reeves G, Burr ML, Chang-Claude J, Frentzel-Beyme R, Kuzma JW, Mann J, McPherson K.Mortality in vegetarians and nonvegetarians: detailed findings from a collaborative analysis of 5 prospective studies. Am J Clin Nutr 1999; 70, 516S–524S.
12. Melina V, Craig W, Levin S.l. Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian Diets. J Acad Nutr Diet. 2016 Dec;116(12):1970-80.
13. Orlich MJ, Singh PN, Sabaté J, Jaceldo-Siegl K, et al. Vegetarian dietary patterns and mortality in Adventist Health Study 2JAMA Intern Med. 2013;173:1230-38.
14. Appleby PN, Crowe FL, Bradbury KE et al. Mortality in vegetarians and comparable nonvegetarians in the United Kingdom. Am J Clin Nutr. 2016;103(1):218-30.
15. Segovia-Siapco G, Sabaté J. Health and sustainability outcomes of vegetarian dietary patterns: a revisit of the EPIC-Oxford and the Adventist Health Study-2 cohorts. Eur J Clin Nutr. 2018 Oct 2. doi: 10.1038/s41430-018-0310-z.
16. Yokoyama Y, Nishimura K2, Barnard ND, et a. Vegetarian diets and blood pressure: a meta-analysis. JAMA Intern Med.2014;174:577-87.
17. Key TJ. Blood pressure, plasma renin activity and aldosterone concentrations in vegans and omnivore controls. Hum Nutr Appl Nutr. 1987;41(3):204-211.
18. Van Horn L, Carson JA, Appel LJ, Burke LE, Economos C, Karmally W, Lancaster K, Lichtenstein AH, Johnson RK, Thomas RJ, Vos M, Wylie-Rosett J, Kris-Etherton P. Recommended Dietary Pattern to Achieve Adherence to the American Heart Association/American College of Cardiology (AHA/ACC) Guidelines: A Scientific Statement From the American Heart Association. Circulation. 2016;134:e505-e529. Epub 2016 Oct 27.
19. Piepoli MF, Hoes AW, Agewall S, et al. 2016 European Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice: The Sixth Joint Task Force of the European Society of Cardiology and Other Societies on Cardiovascular Disease Prevention in Clinical Practice (constituted by representatives of 10 societies and by invited experts) Developed with the special contribution of the European Association for Cardiovascular Prevention & Rehabilitation (EACPR). Eur Heart J. 2016;37:2315-81.

Le régime alimentaire FODMAP

Le syndrome du côlon irritable (SCI) ou en anglais «irritable bowel syndrome» (IBS) est un trouble complexe du tractus gastro-intestinal qui se manifeste par des douleurs abdominales associées à des changements dans la composition et/ou la fréquence des selles et constitue un problème très courant dans le cabinet du médecin de premier recours. Le régime dit low-FODMAP, pauvre en oligo-, di- et monosaccharides fermentescibles et en polypoles, est une thérapie nutritionnelle fondée sur les preuves pour les patients souffrant de troubles intestinaux irritables. Dans cet article, les mécanismes d’action possibles de cette forme d’alimentation et son application pratique sont présentés.

On estime que le SCI est à l’  origine de 25 à 50 % des consultations externes dans un cabinet de gastroentérologie. L’  incidence du SCI est similaire dans de nombreux pays malgré des modes de vie différents et se situe entre 5 et 20 %. Le SCI est plus fréquent chez les femmes (surtout celles de moins de 50 ans). Selon la prédominance des symptômes, le SCI peut être divisé en trois types principaux : Diarrhée accentuée (IBS-D), constipation accentuée (IBS-C) ou mixte (IBS-M) avec alternance entre diarrhée et constipation. Un autre symptôme très courant est la flatulence et un ventre gonflé.

Étiologie

L’  étiologie du SCI est très probablement multifactorielle et n’  est pas encore entièrement comprise. Un changement (sensibilisation/interruption) dans l’    axe cerveau-intestinal entraîne des changements dans la motilité et la sécrétion gastro-intestinales et provoque une hypersensibilité viscérale. En outre, des facteurs génétiques, psychologiques, des infections et des modifications du microbiome intestinal, des inflammations et des intolérances alimentaires sont susceptibles de jouer un rôle en modifiant la fonction de barrière intestinale et en augmentant la perméabilité intestinale.

Diagnostic

Il n’  existe actuellement aucun test permettant de diagnostiquer clairement le SCI. Le diagnostic du syndrome du côlon irritable est basé sur des critères cliniques et peut être posé après exclusion de certains signaux d’  alarme et examens spécifiques. Les critères de Rome (actuellement Rome IV) continuent de s’  appliquer et permettent d’  établir un diagnostic dans les conditions suivantes: Les douleurs abdominales doivent être survenues pendant au moins un jour de la semaine au cours des trois derniers mois et être associées à au moins deux des trois critères suivants : selles, changements dans la fréquence des selles, changements dans la morphologie des selles. Les symptômes doivent avoir commencé il y a au moins
6 mois (1). Il faut décider individuellement de l’  importance du diagnostic dans chaque cas, mais en règle générale, il est recommandé de déterminer un taux de calprotectine dans les selles pour exclure une maladie inflammatoire chronique de l’  intestin ainsi qu’  une sérologie de la maladie coeliaque dans le sang. Souvent, cependant, d’  autres tests, y compris une iléo-coloscopie et l’  œsophagogastroduodénoscopie, sont effectués (2).

Thérapie

Le traitement pharmacologique se limite habituellement à l’  utilisation de médicaments symptomatiques. Les analgésiques, les anti-diarrhéiques, les spasmolytiques, les laxatifs, les antidépresseurs tricycliques, les antibiotiques et les probiotiques sont utilisés avec un succès moyen. Outre les approches thérapeutiques pharmacologiques, les thérapies comportementales et les hypnothérapies jouent également un rôle.

Nutrition

Jusqu’  à 70 % des patients atteints de SCI signalent une aggravation des symptômes après avoir consommé certains aliments comme le lait et les produits laitiers, le blé, les oignons, les haricots, les épices, le chou et autres. Les mécanismes potentiels par lesquels les aliments peuvent entraîner des symptômes de SCI sont un réflexe gastrocolique excessif, une influence accrue de l’  eau dans l’  intestin grêle dans les composants alimentaires osmotiquement actifs (par exemple les sucres non absorbables) et la fermentation bac-térienne de polysaccharides et polyols à chaîne courte mal absorbables dans le colon. Seule une fraction des patients atteints de SCI souffrent d’  intolérances ou d’  allergies alimentaires réelles. C’  est pourquoi on essaie depuis de nombreuses années de trouver une option thérapeutique pour les patients atteints du SCI par le biais de la nutrition. Une approche thérapeutique très efficace, éprouvée dans de multiples études randomisées, est maintenant disponible depuis plusieurs années grâce à une intervention médicale nutritionnelle : La ré-duction des aliments contenant du FODMAP dans le régime alimentaire ou «régime pauvre en FODMAP». Une méta-analyse récente a montré 9 essais comparatifs randomisés qui ont démontré l’  efficacité de ce régime (3).

FODMAP

La majorité des patients souffrant de troubles du côlon irritable signalent une aggravation des symptômes après avoir mangé. La langue vernaculaire sait depuis longtemps que «chaque petit haricot donne un petit son» mais ces dernières années, des recherches approfondies, menées notamment par le groupe de recherche du professeur Peter Gibson à Melbourne/Australie, ont permis de différencier plus précisément les composants alimentaires qui peuvent entraîner une aggravation des symptômes chez les patients souffrant de troubles du colon irritable (par exemple les oligosaccharides dans les haricots). Ce groupe d’  aliments a été résumé sous l’  acronyme «FODMAP» qui signifie «fermentable oligo-, di-, monosaccharides and polyols». Selon leur degré de polymérisation, les glucides peuvent être divisés en mono-, di-, oligo- et polysaccharides. Certains glucides peuvent être fermentés, c’  est-à-dire qu’  ils fermentent dans le côlon en raison de l’  absence ou de la concentration réduite d’  enzymes hydrolysantes (p. ex. lactase) ou, dans le cas des monosaccharides, par absorption incomplète dans le petit et le gros intestin. Au cours de ce processus, des gaz bactériens (en particulier de l’  hydrogène et du méthane) sont produits, ce qui peut donner lieu à diverses plaintes. Habituellement, la dilatation des parties de l’  intestin grêle ainsi que l’  hypersensibilité viscérale provoquent une sensation de flatulence.

Tous les FODMAP sont identifiés par les critères suivants

1. Une mauvaise absorption dans l’  intestin grêle résulte soit d’  une faible capacité de transport de l’  épithélium (fructose), d’  une activité réduite des hydrolases dans les villosités (lactose), de l’  absence d’  hydrolases spécifiques (fructanes, galactanes) ou de la présence de molécules trop grandes pour la diffusion (polyols).
2. De petites molécules et donc osmotiquement actives. Cet effet peut être observé, par exemple, dans un FODMAP synthétique, le lactulose, qui a un effet laxatif en augmentant le liquide dans le contenu luminal et en modifiant la motilité intestinale.
3. Une fermentation rapide par les bactéries. La vitesse de fermentation des glucides par les bactéries est déterminée par la longueur de leur chaîne: les oligo- et disaccharides (sucre ménager = saccharose, sucre lactique = lactose) sont fermentés très rapidement par rapport aux polysaccharides comme les fibres hydrosolubles. Les saccharides non résorbés déclenchent un effet osmotique qui entraîne un afflux d’  eau dans l’  iléon et le colon. De plus, ils sont métabolisés dans le côlon par décomposition bactérienne en acides gras à chaîne courte, méthane, dioxyde de carbone et hydrogène, ce qui entraîne la formation de gaz qui provoque des flatulences et – en raison de la pression accrue sur la paroi intestinale – une douleur abdominale.
Les différents FODMAP, illustrés avec des exemples, sont disposés dans la (fig. 1).

Implémentation du régime Low FODMAP

Si un diagnostic de syndrome du côlon irritable a été posé, un test facultatif pour le lactose et/ou le fructose peut être effectué en utilisant un test respiratoire H2. Toutefois, ce test n’  est pas obligatoire et certains auteurs recommandent de s’  en passer car, dans la phase initiale de réduction du FODMAP, le lactose et le fructose sont également réduits de manière significative et, selon la tolérance, sont réintroduits ultérieurement. En général, il est recommandé que la thérapie soit accompagnée par une diéticienne qualifiée. Le concept du régime FODMAP est expliqué au début de la consultation nutritionnelle et les aspects individuels sont pris en compte (par ex. intolérances connues, habitudes alimentaires). Des listes positives et négatives sont remises aux patients afin de faciliter le choix de l’  aliment correct. Monash University a lancé la première application pour smartphone en 2012 pour aider les patients à adhérer au régime FODMAP. Après une première analyse nutritionnelle, une réduction ou une omission complète de tous les aliments contenant du FODMAP est généralement effectuée sur une période de six à huit semaines (phase d’  élimination). Si les symptômes du patient s’  améliorent, une réponse est présumée. Par la suite, il est possible de réintroduire l’  un après l’  autre des aliments des groupes FODMAP respectifs (phase de réexposition) pour tester la tolérance individuelle (par ex. miel ou pomme pour le fructose). Chaque FODMAP supplémentaire doit être testé pendant quelques jours avant d’  être éliminé ou complété par d’  autres aliments, et il est utile de tenir un journal des symptômes. Il est ainsi possible d’  élaborer un régime alimentaire adapté aux intolérances individuelles, plus équilibré qu’  un régime strictement pauvre en FODMAP. S’  il n’  y a pas d’  amélioration, la phase de restriction peut être prolongée et/ou des facteurs nutritionnels supplémentaires (par ex. gluten, alcool, etc.) peuvent être discutés. Il est important d’  avoir des attentes réalistes à l’  égard de la thérapie et de savoir que malgré un changement de régime alimentaire, il peut toujours y avoir des plaintes. Tout le monde ne peut pas être à l’  abri des symptômes, mais le régime à faible teneur en FODMAP est actuellement la méthode de traitement nutritionnel la mieux éprouvée pour le syndrome du côlon irritable.

Les chances de succès et les risques de la thérapie FODMAP

Les critiques à l’  égard d’  un régime alimentaire pauvre en FODMAP tiennent surtout au fait que la plupart des études ont tendance à être à court terme et qu’  aucun effet à long terme n’  est donc garanti. Un autre point important de la critique est qu’  en réduisant les prébiotiques tels que les fructanes ou les GOS (galacto-oligosaccharides), les substrats du microbiome intestinal sont réduits et peuvent causer un changement dans la composition et la fonction du microbiome, en particulier des bifidobactéries. Les effets des changements à long terme dans le microbiome ne sont pas clairs. Cependant, il est rare qu’ un régime trop strict entraîne des symptômes de carence, surtout lorsqu’ il y a un suivi par   une diéticienne expérimentée. Bien que les recommandations diététiques générales chez les patients atteints du SCI puissent améliorer les symptômes, le régime à faible teneur en FODMAP présente une réponse chez jusqu’  à 75 % des patients atteints du SCI(4) et peut donc être utilisé comme traitement de première ligne chez les patients atteints du SCI.

Dr Martin Wilhelmi

Gastroenterologie Praxis
8032 Zürich

martin.wilhelmi@bluewin.ch

Pr Stephan Vavricka

Zentrum für Gastroenterologie und Hepatologie
Vulkanplatz 8
8048 Zürich

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

  • Le régime à faible teneur en FODMAP est une thérapie nutritionnelle fondée sur des données probantes pour les patients atteints du syndrome du côlon irritable. Il existe au moins 10 études randomisées et contrôlées qui en confirment l’  efficacité.
  • Jusqu’  à 75 % des patients qui sont disposés à modifier leur régime alimentaire y réagissent.
  • Le régime à faible teneur en FODMAP doit être supervisé par une diététicienne expérimentée.
  • Le app Monash-University est utile dans la mise en œuvre pratique (FODMAP-App : https://www.monashfodmap.com/i-have-ibs/get-the-app/)
  • Les limites du régime alimentaire sont l’  absence de données à long terme et les changements possibles dans le microbiome intestinal.

1. Lovell RM, Ford AC. Global prevalence of and risk factors for irritable bowel syndrome: a meta-analysis. Clin Gastroenterol Hepatol. 2012;10(7):712-72 doi: 10.1016/j.cgh.2012.02.029.
2. Ford AC, Lacy BE, Talley NJ. Irritable bowel syndrome. N Engl J Med. 2017;376(26):2566-2578.
3. Low fermentable, oligo-, di-, mono-saccharides and polyol diet in the treatment of irritable bowel syndrome: A systematic review and meta-analysis. Schumann D, Klose P, Lauche R, Dobos G, Langhorst J, Cramer H. Nutrition. 2018 Jan; 45:24-31.
4. Wilhelmi et al., FODMAP – eine häufige Ursache unklarer abdomineller Beschwerden. Schweiz Med Forum 2014;14(48):909–914 911

Syndrome du côlon irritable

La prévalence du syndrome du côlon irritable (SCI) est estimée à environ 11 % à l’ échelle mondiale et 5 à 10 % en Europe (1, 2). Le SCI est l’ un des dysfonctionnements gastro-intestinaux les plus courants, il est même responsable de 50 % des visites chez le médecin de famille et de 25 % des visites chez le gastro-entérologue (3, 4). Les principaux symptômes du SCI sont des douleurs abdominales, des irrégularités des selles et des flatulences, souvent associées à d’ autres troubles fonctionnels, somatiques et psychiatriques. La qualité de vie des pa-tients atteints du SCI est aussi sévèrement réduite que celle des patients ayant une maladie cardiovasculaire. Ce syndrome a une influence considérable sur la capacité de travail et de la santé publique (5, 6).

Critères diagnostiques

Les nouveaux critères de la classification ROME IV ont entraîné un changement de paradigme. Les maladies gastro-intestinales associées à l’absence de causes somatiques décelables sont maintenant appelées troubles de l’interaction entre le système nerveux central et le tractus gastro-intestinal. Cette appellation et basée sur les résultats de recherches actuelles qui montrent une interaction complexe des processus pathophysiologiques au cours du développement des symptômes (7). Les critères actuels de ROME IV pour le diagnostic fondé sur les symptômes du SCI sont présentés au tableau 1.
Les changements les plus importants par rapport aux précédents critères de ROME III sont la présence obligatoire de douleurs abdominales pendant la défécation et une modification des habitudes fécales. L’ expression «malaise abdominal» a été jugée trop générale.
De plus, l’ amélioration des symptômes du SCI après défécation a été abandonnée au profit d’ un changement des symptômes associés à la défécation dans les critères de ROME IV, car de nombreux patients atteints de SCI avaient également éprouvé des douleurs pendant ou après la défécation et signalé une aggravation des symptômes après défécation (8).
Tandis que les critères de ROME III exigeaient des «douleurs abdominales» au moins 3 jours par mois, les critères de ROME IV exigent la présence de «douleurs abdominales» au moins un jour par semaine au cours du dernier mois. La sensibilité des critères de ROME IV diminue par rapport à ROME III (0,637 vs. 0,731), mais la spécificité augmente (0,971 vs. 0,931), ce qui signifie un nombre inférieur de patients atteints du SCI qui sont mal diagnostiqués (9). Les sous-types du SCI, atteints de diarrhée (SCI-D), de constipation (SCI-C) et le type mixte (SCI-M) ou indéterminé (SCI-I) restent inchangés dans les nouveaux critères de ROME IV (10).

Analyses cliniques et diagnostiques

Le diagnostic du SCI demeure un défi malgré la recommandation de renoncer aux outils diagnostiques de laboratoire et d’imagerie en l’ absence de signes d’ alarme (11). Les résultats des recherches actuelles indiquent une interaction complexe entre processus inflammatoires, perméabilité intestinale accrue, hypersensibilité viscérale, dysbiose, «joint hypermobility», facteurs génétiques et modification de l’ axe cerveau-intestin, mais il manque encore des biomarqueurs qui permettent de poser le diagnostic du SCI (2).
L’ identification des symptômes d’ alarme (âge > 50 ans, perte de poids importante, sang provenant de l’ anus, fièvre, anémie ferriprive peu claire et antécédents familiaux de carcinome du côlon, de maladie coeliaque ou de maladie inflammatoire chronique de l’ intestin (MICI)) est importante dans le diagnostic en raison de sa valeur prédictive négative. Ainsi, la combinaison des critères de ROME remplis et de l’ absence de signes d’ alarme permet un diagnostic de SCI fiable (9, 12, 13). Néanmoins, tant les médecins que les patients sont souvent très désécurisés, ce qui conduit souvent à de nouveaux tests diagnostiques inutiles (14-17).
La première année au cours de laquelle les symptômes du SCI se manifestent est cruciale : l’ exclusion de maladies systémiques pertinentes est importante à ce moment là, car l’ incidence du cancer du côlon, des MICI ou de la colite microscopique augmente dès la première apparition de symptômes du SCI (11, 18) (tab. 2).
L’ exclusion de la maladie coeliaque est particulièrement recommandée chez les patients atteints de SCI-D, car une grande méta-analyse y a montré une probabilité 4 fois plus élevée d’ une présence de maladie coeliaque (19).
L’ analyse non invasive et rentable de la calprotectine dans les selles peut être utile pour distinguer le SCI d’ une MICI, car le risque de MICI lors de taux de calprotectine inférieurs à 40ug/g est extrêmement faible (< 1 %) (20, 21).
Il existe des différences significatives entre les recommandations européennes et américaines pour la coloscopie. Pour le cancer du côlon et les MICI, de vastes études, en partie non prospectives, montrent que seulement 1 % des patients présentant des symptômes typiques du SCI sans signe d’ alarme présentent en fait des néoplasies du côlon ou une MICI (22-24). Sur la base de ces études, la coloscopie aux Etats-Unis n’ est effectuée que sur des patients de plus de 50 ans, en règle générale pour un dépistage. Dans les recommandations européennes, une coloscopie avec biopsies pour exclure la colite microscopique ou une MICI est déjà recommandée pour les patients plus jeunes avec un diagnostic initial de SCI-D (11, 17, 18).
Chez les femmes présentant des symptômes de SCI, un examen gynécologique, y compris une échographie vaginale, est indiqué (18). Bien qu’ il n’ existe aucune preuve concernant l’ utilisation de l’ échographie abdominale dans le diagnostic du SCI, il s’ agit d’ une méthode rapide et rentable pour exclure les pathologies abdominales grossières. Si l’examen de base reste négatif, il convient de renoncer à d’ autres diagnostics et de communiquer et expliquer en détail au patient le diagnostic du SCI. Une réévaluation anamnestique soigneuse à la recherche de signes d’aggravation ou de modifications importantes des symptômes aggravés ou sévèrement modifiés, un examen physique ciblé et un suivi régulier à long terme sont des éléments clés d’ une prise en charge pertinente du SCI.

Prise en charge du SCI – éviter le «furor medicus»

Un grand nombre de patients souffrant de problèmes gastro-intestinaux fonctionnels peuvent être examinés et traités avec succès par leur médecin de famille (25). La prise en charge dans des consultations gastro-entérologiques spécialisées est généralement assurée pour les cas difficiles, présentant des facteurs psychologiques et psychosociaux supplémentaires et des manifestations extra-intestinales (maux de tête et de dos, symptômes urogénitaux, troubles du sommeil, fibromyalgie, dépression). Ces facteurs sont de plus en plus souvent considérés dans la littérature comme des indicateurs d’ une évolution plus grave de la maladie (26, 27).
Les patients atteints du SCI se plaignent souvent d’ un manque d’ empathie, de temps et de compréhension des symptômes décrits ci-dessus de la part de leur médecin traitant. En retour, les médecins sont frustrés par des plaintes persistantes, des consultations d’ urgence fréquentes et la demande d’ autres tests diagnostiques de la part du patient. En l’ absence d’ expérience dans le traitement du SCI, les tests diagnostiques répétitifs et, dans le pire des cas, la chirurgie non indiquée peut entamer un cercle vicieux qui peut conduire à un traitement inadéquat, voire nuisible pour les patients atteints du SCI (28-30). Dans la prise en charge du SCI, il est donc recommandé d’ appliquer un schéma échelonné, qui tient compte à la fois des symptômes et de la gravité du SCI (tab. 3).
Le fondement d’ un traitement efficace du SCI est une relation médecin-patient stable. La médiation et l’ explication (verbale et non verbale) convainquante du diagnostic par le médecin traitant ont une influence décisive sur l’ évolution de la maladie. Une attitude nihiliste à l’ égard des possibilités thérapeutiques doit être évitée à tout prix.
Une communication empathique, centrée sur le patient avec une explication claire du diagnostic et de la pathophysiologie, l’ application de questions ouvertes dans l’ anamnèse, l’ exploration de la compréhension de la maladie de la part du patient et l’ inclusion de celui-ci dans les décisions thérapeutiques servent d’ outil efficace pour améliorer la satisfaction du patient et le succès thérapeutique du SCI (31-34).
L’ étape suivante, en cas de symptômes persistants, est l’ identification de facteurs déclenchants dans les aliments, l’ exclusion des intolérances alimentaires (intolérance au lactose et au fructose) et la recommandation d’un régime riche en fibres alimentaires. De plus, des conseils nutritionnels peuvent être ajoutés pour établir un régime transitoire FODMAP (oligo-, di- et monosaccharides fermentables ; voir aussi l’article de Whilelmi et al. publié dans ce numéro), ce qui peut contribuer à l’ amélioration des symptômes chez certains patients atteints du SCI. Selon les données actuelles, un régime probatoire sans gluten n’ est pas recommandé (35).
Dans le cas de troubles persistants et plus graves, il est recommandé d’ adopter une stratégie de traitement qui soit adaptée au symptôme principal du SCI et éventuellement à tout trouble extra-intestinal existant, y compris les stratégies de traitement psychopharmacologique et interdisciplinaire (tab. 3). Dans la littérature, le succès thérapeutique général de la pharmacothérapie du SCI est estimé entre 8 et 22 % par rapport au placebo (35).

SCI-D

Dans le traitement du SCI-D, le lopéramide est souvent utilisé comme thérapie à court terme. Il n’ a cependant aucun effet sur les douleurs abdominales (36).
Les antagonistes de 5HT3 tels que l’ odansétron montrent une bonne efficacité dans l’ amélioration de la diarrhée, mais pas dans les douleurs abdominales et les ballonnements (35, 36).
Bien que la rifaximine soit un traitement efficace, sûr et à faibles effets secondaires pour la surcroissance bactérienne soupçonnée dans le SCI-D, son efficacité est limitée en raison d’ un taux de récidive élevé et de la nécessité d’ une nouvelle thérapie (37).
Les liants d’acides biliaires (p. ex. la cholestyramine) sont souvent utilisés de façon empirique. Jusqu’ à présent, leur efficacité n’ a été démontrée que dans de petites études non contrôlées (35). Dans la pratique quotidienne, l’ utilisation d’ un agent de gonflement (caoutchouc Sterculia) comme élément de base prouve souvent sa valeur dans le traitement du SCI-D.

SCI-C

Augmenter la teneur en fibres en utilisant par exemple du psyllium ou des laxatifs osmotiques est une option thérapeutique efficace et économique pour améliorer la consistance et la fréquence des selles, bien que les ballonnements et les douleurs ne soient souvent pas améliorés.
Les nouveaux médicaments tels que la lubiprostone, le linaclotide ou du plécanatide montrent une bonne efficacité en ce qui concerne les plaintes de constipation, la douleur et les ballonnements. Cependant, la diarrhée et la nausée sont des effets secondaires courants. Le prucalopride en tant que représentant des agonistes de 5HT4 n’ est approuvé que pour le traitement de la constipation chronique. Néanmoins, il a également des effets positifs sur les douleurs abdominales et les ballonnements dans le SCI-C (35, 37).

Thérapie psychopharmacologique du SCI

Les symptômes SCI graves, réfractaires au traitement et présentant des troubles psychiatriques et extra-intestinaux devraient mener à orienter le patient vers un spécialiste et à le soutenir dans le cadre d’ une consultation spécialisée. L’ utilisation de psychotropes est souvent nécessaire. Les antidépresseurs tricycliques ou les ISRS ont un effet bénéfique non seulement sur les symptômes dépressifs, mais aussi sur l’ insomnie et la douleur (11). L’ efficacité de la gabapentine et de la prégabaline n’ a pas été prouvée dans le SCI, mais elles sont souvent utilisées chez les patients présentant des symptômes d’ anxiété (38).

Options de traitement non pharmacologique en cas de SCI sévère

La thérapie cognitivo-comportementale est l’ option thérapeutique non pharmacologique la plus validée pour une amélioration globale et à long terme des symptômes du SCI avec un «nombre nécessaire à traiter» de (NNR) = 3. L’ hypnothérapie est également efficace pour l’ amélioration globale des symptômes du SCI avec un NNR = 4. Le manque de thérapeutes spécialisés (39) est un facteur limitant dans l’ application de ces thérapies prometteuses.

Dr Henriette Heinrich

Gastroenterologie et Hépatologie UniversitätsSpital
8091 Zurich

Pr Werner Schwizer

Gastroenterologie et Hépatologie UniversitätsSpital
8091 Zurich
Gastroenterologie-Zentrum
Klinik Stephanshorn
Brauerstrasse 95
9016 St-Gall

werner.schwizer@hin.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d‘intérêts en relation avec cet article.
Cet article est une traduction de l’article publié dans « der informierte arzt » 8/2017

  • Le respect des critères de ROME et l’ absence de signes d’ alarme permettent un diagnostic fiable d’ un SCI.
  • Après un examen de base aucun autre examen diagnostique des
    symptômes du SCI ne devrait être effectué.
  • Une relation médecin-patient stable et une communication centrée sur le patient améliorent la satisfaction du patient et l’ évolution de la maladie.
  • Dans la thérapie du SCI, un schéma échelonné devrait être utilisé avec réassurance, pharmacothérapie selon les symptômes et en cas de progressions sévères, le recours aux psychotropes.
  • La thérapie cognitivo-comportementale et l’ hypnothérapie sont des mesures efficaces pour améliorer les symptômes sévères du SCI.

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Insuffisance rénale chronique

L’ insuffisance rénale chronique est une maladie longtemps silencieuse, dont le diagnostic précoce est primordial afin d’ établir une prise en charge et des traitements permettant d’ en ralentir la progression et de diminuer la morbi-mortalité associée. Une approche multidisciplinaire est indispensable.

L’  insuffisance rénale chronique (IRC) est une maladie très prévalente et grevée d’ un haut taux de morbi-mortalité, particulièrement cardiovasculaire(1). La détection des patients qui en souffrent n’ est toutefois pas aisée, puisque la maladie rénale chronique reste silencieuse jusque dans les stades avancés. Il existe néanmoins plusieurs mesures permettant de ralentir sa progression, raison pour laquelle il est important de la rechercher activement, surtout chez les patients à risque. Par ailleurs, même si cette prise en charge précoce ne permet pas d’ éviter l’ évolution vers l’ insuffisance rénale dite terminale, c’ est-à-dire nécessitant le recours à la dialyse ou/et à la transplantation rénale, elle diminue la morbi-mortalité associée à l’ IRC.

Classification de l’ Insuffisance Rénale Chronique

Afin d’ aider le médecin dans sa prise en charge des patients insuffisants rénaux chroniques, une classification tenant compte à la fois de la valeur du débit de filtration glomérulaire (DFG) mais également de l’ albuminurie, a été développée. Cette classification caractérise la maladie rénale en 5 stades de sévérité croissante, indépendamment de la néphropathie sous-jacente (Table 1)(2).
L’ IRC est définit par la société internationale de néphrologie- KDIGO (Kidney Disease Improving Global Outcomes) comme une altération de la fonction rénale avec un DFG < 60 ml / min/1.73 m2 et/ou de la structure rénale depuis au moins 3 mois, une albuminurie > 30 mg / j, des anomalies du sédiment urinaire, une dysfonction tubulaire, des anomalies structurelles à l’ imagerie rénale, ou la transplantation rénale.
Le DFG est le meilleur index de la fonction rénale. Plusieurs équations pour le calcul du DFG ont été développées au cours des années (Cockcroft-Gault, MDRD, etc). L’ équation CKD-EPI est la plus fiable et est largement utilisée depuis 2009(3). Le DFG est exprimé en ml / min / 1.73 m2. La valeur est donc ajustée à une surface corporelle standardisée ce qui permet de l’ estimer sans connaitre le poids et la taille du patient. Chez les patients avec des surfaces corporelles très différentes, il est important de désajuster la valeur du DFG à la surface corporelle afin d’ obtenir une valeur représentative de la filtration glomérulaire notamment pour l’ adaptation des doses de médicaments. Par ailleurs, la formule CKD-EPI utilisée prend en compte la créatininémie. La valeur de créatinine dépendant de la masse musculaire, cette équation n’ est pas suffisamment précise si elle est utilisée chez un patient cachectique, obèse ou dénutri. Dans ces différents cas, on utilisera alors une variante l’ équation CKD-EPI basée sur la cystatine C (4). Plusieurs calculateurs sont disponibles en application (Qxmd calculate, etc).

Etiologie de l’ Insuffisance Rénale Chronique

L’ anamnèse détaillée permettra de rechercher des antécédents médicaux tels qu’ une hypertension ou un diabète, une histoire de maladie lithiasique, une anamnèse familiale positive de maladie rénale, des antécédents d’ infections urinaires à répétition, d’ hématurie, d’ œdèmes, ainsi que des symptômes systémiques compatibles avec une maladie immunologique ou inflammatoire. Il ne faut pas oublier la prématurité, la pré éclampsie, la prise chronique médicamenteuse et les épisodes d’ insuffisance rénale aigüe, à rechercher dans les antécédents. L’ examen clinique est assez peu spécifique hormis la palpation des reins polykystiques, mais doit comporter une mesure soignée de la tension artérielle, ainsi que la recherche de souffles cardiaques et vasculaires ainsi que d’ éventuelles lésions cutanées. Les causes les plus fréquentes d’ insuffisance rénale chronique dans la population sont le diabète et l’ hypertension. A elles deux, ces pathologies comprennent environ 60% des causes d’ IRC. Néanmoins, ce chiffre est surestimé en raison de la difficulté à différencier une hypertension primaire d’ une hypertension secondaire à une maladie rénale. En revanche, les glomérulonéphrites et les néphrites interstitielles sont sous-diagnostiquées.
Le bilan biologique a pour but de préciser le diagnostic suspecté par l’ anamnèse et l’ examen clinique ainsi que d’ évaluer les conséquences de l’ IRC. Le bilan de départ doit comprendre la recherche d’ une anémie, de troubles électrolytiques, acido-basiques et du métabolisme phosphocalcique, de même qu’ un sédiment urinaire complet. Le sédiment urinaire permettra de rechercher une hématurie voire de l’ identifier comme glomérulaire ou non-glomérulaire (selon les laboratoires). Par ailleurs, le rapport protéinurie/créatininurie sera quantifié par un spot urinaire. Un bilan immunologique, une immunoélectrophorèse des protéines à la recherche d’ une gammapathie monoclonale ainsi qu’ un dépistage des sérologies virales HIV, HBV et HCV doivent être considérés. L’ analyse structurelle des reins (taille, épaisseur corticale, différentiation corticomédullaire, kystes, rein unique) ainsi que leur vascularisation sera précisée par un ultrason de l’ appareil urinaire, qui permettra également d’ exclure une cause obstructive. Une biopsie rénale sera envisagée dans le syndrome néphrotique d’ origine non diabétique, dans les glomérulonéphrites rapidement progressives ou si l’ étiologie de l’ insuffisance rénale n’ est pas claire malgré les examens.

Prise en charge

Une fois le diagnostic établi, le traitement peut être spécifique comme par exemple un traitement immunosuppresseur dans la néphrite lupique ou métabolique comme le contrôle optimal du diabète dans la néphropathie diabétique. Dans toutes les situations, la prise en charge des patients souffrant d’ insuffisance rénale chronique comporte des mesures « néphroprotectrices » afin de ralentir la progression de la maladie. Parmi celles-ci, le traitement de l’ hypertension est essentiel, car son impact est le plus important sur la progression de l’ IRC. Les cibles de l’ hypertension ont été récemment révisées. Les guidelines européennes de 2018 préconisent de viser une tension artérielle systolique comprise entre 130 et 139 mmHg(5). Au-delà de cette cible, un traitement antihypertenseur sera introduit, en association avec des mesures hygiéno-diététiques telles que l’ activité physique et la restriction en apport sodé (< 5g de sel/24h). Les inhibiteurs de l’ enzyme de conversion (IEC) et du système rénine-angiotensine (SRA) seront à prescrire en priorité, en raison de leur effet néphroprotecteur démontré. Les deux autres interventions qui freinent la progression sont la restriction protéique et la correction de l’ acidose métabolique. La restriction protéique modérée (0.8 g de protéines / kg poids corporel / jour) comporte peu de risque de malnutrition, et est facile à implémenter(6). Une restriction plus importante, plus efficace, nécessite un suivi diététique et se discute de cas en cas.
Un point primordial de la prise en charge est l’ éviction des néphrotoxiques, qu’ il s’ agisse de médicaments (ex. AINS), de l’ exposition au produit de contraste (dans la mesure du possible), ou de situations pouvant engendrer une déshydratation aigue, elle-même responsable d’ une insuffisance rénale aigue. Le patient doit être éduqué afin qu’ il prenne l’ habitude de stopper transitoirement ses traitements anti hypertenseurs, ou ses diurétiques en cas de diarrhées, vomissements, ou lors de fortes chaleurs, ou qu’ il discute avec son médecin traitant l’ introduction de nouveau médicament par un tiers. En effet, il est indispensable d’ être attentif lors de la prescription des médicaments à leur mode d’ élimination et d’ adapter la dose en cas d’ élimination rénale. L’ éduction thérapeutique prend ici toute son importance pour amener le patient à comprendre sa maladie et son évolution, les enjeux du traitement et l’ amener à devenir actif dans sa prise en charge médicale. Par ailleurs, les recommandations KDIGO préconisent la prescription d’ une statine chez tous patients de plus de 50 ans connu pour une IRC, quelles que soient les valeurs du bilan lipidique en raison du risque cardiovasculaire très élevé associé à l’ IRC.

Traitement

L’ IRC se complique de plusieurs perturbations biologiques, qui peuvent être corrigées par des adaptations que ce soit au niveau diététique ou des traitements. Ces adaptations sont essentielles même si elles ne modifient pas toutes la progression vers l’ insuffisance rénale terminale. Elles modifient en revanche la morbi-mortalité cardiovasculaire et la qualité de vie.
L’ anémie rénale est un diagnostic d’ exclusion (7). Elle est rare au-dessus d’ un DFG de 30 ml / min / 1.73 m2 (8). Avant de retenir le diagnostic d’ anémie rénale, des carences en vitamine B12, folates et fer doivent être exclues. Par ailleurs, la recherche de spoliation doit être effectuée si l’ anamnèse ou les antécédents le font suspecter. Une cause hématologique doit également être évoquée. A noter que la carence martiale se définit chez le patient IRC par une ferritine < 300-500 µg / l associée à une saturation de la transferrine < 30%. Le cas échéant, la substitution martiale s’ administre de préférence par voie intraveineuse. Après correction des carences, si l’ anémie persiste, le traitement consiste en des injections d’ EPO, pour viser une valeur d’ hémoglobine comprise entre 100 et 115 g / l. Les injections se font par voie sous-cutanée.
Une autre complication fréquente en cas d’ IRC est la survenue d’ hyperkaliémie. En plus du défaut d’ excrétion rénale, plusieurs médicaments régulièrement prescrits dans l’ IRC peuvent augmenter le risque (ex : IEC, SRA, spironolactone…)(9). Une diminution des aliments riches en potassium (fruits et légumes essentiellement) doit être conseillée avec si nécessaire une consultation diététique. Il n’ est pas rare qu’ il faille stopper des médicaments hyperkaliémants voire de prescrire des résines qui captent le potassium digestif. Une surveillance régulière de la kaliémie est nécessaire.
L’ hyperphosphatémie favorise les calcifications vasculaires et est associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire (10). Il est donc essentiel de la corriger même s’ il est difficile de démontrer l’ impact des interventions sur la mortalité. L’ apport de phosphates étant exogène, une consultation diététique sera très utile afin de conseiller le patient sur les aliments et boissons à éviter. Cette consultation devra se faire en tenant compte des autres ajustements diététiques mentionnés ci-dessus (apports protéiques, apports en potassium, etc). Si l’ approche diététique est insuffisante, deux types de chélateurs du phosphate sont à notre disposition. Tout d’ abord, les chélateurs calciques : ceux-ci comportent un risque augmenté de calcification vasculaire surtout si l’ apport de calcium élémentaire est supérieur à 1500 mg/j (alimentation comprise). Leur utilisation est conseillée aux patients présentant une hypocalcémie ou un bilan calcique négatif. Les chélateurs non calciques sont préférés en cas d’ hypercalcémie. Leur efficacité n’ est pas supérieure, mais les risques d’ hypercalcémie sont diminués. Leurs effets sur les calcifications vasculaires montrent une tendance favorable mais les évidences sont faibles. En revanche, les prix sont nettement plus élevés et leur prescription peut être restreinte (ou non remboursée) chez le patient non dialysé. N’ étant pas absorbés, ils sont généralement bien tolérés mais des effets secondaires digestifs tels des douleurs abdominales, une constipation ou des nausées peuvent survenir. L’ acidose métabolique est également une complication de l’ insuffisance rénale (11). Elle se définit par une valeur de bicarbonates inférieure à 22 mmol / l. L’ acidose métabolique peut aggraver une hyperkaliémie. Nous recommandons une correction par l’ administration de bicarbonates per os, en visant un taux sanguin normal (12). La correction de l’ acidose métabolique ralentit la progression de l’ IRC, réduit la déminéralisation osseuse, et améliore le bilan nutritionnel.
Quand l’ IRC s’ aggrave, l’ avis du spécialiste peut devenir nécessaire (Table 2)(13). Le néphrologue pourra également aborder au cours de sa consultation, les sujets de la substitution rénale par la dialyse ou la transplantation rénale au moment opportun.
L’ insuffisance rénale chronique nécessite donc une prise en charge globale afin d’ en ralentir la progression.

Dre Cyrielle Alves

HUG, Service de Néphrologie
Département des Spécialités de Médecine
4, rue Gabrielle Perret Gentil
1211 Genève 14

cyrielle.alves@hcuge.ch

Pr Pierre-Yves Martin

HUG, Service de Néphrologie
Département des Spécialités de Médecine
4, rue Gabrielle Perret Gentil
1211 Genève 14

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • La détection précoce de l’ IRC est essentielle afin de ralentir sa progression.
  • L’ éviction de tout néphrotoxique est indispensable.
  • Un bon contrôle biologique permettra de diminuer la survenue de complications cardiovasculaires.

1. Webster et al. Chronic Kidney Disease. Lancet 2017;389(10075):1238-1252.
2. KDIGO 2012 Clinical Practice Guideline for the Evaluation and Management of Chronic Kidney Disease
3. AS Levey et al. A new equation to estimate glomerular filtration rate. Ann Intern Med. 2009;150(9):604-12.
4. Dharnidharka et al. Serum cystatin C is superior to serum creatinine as a marker of kidney function: A meta-analysis. Am J Kidney Dis 2002;40:221-6.
5. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Journal of Hypertension 2018
6. WE Mitch, G Remuzzi. Diets for patients with chronic kidney disease, still worth prescribing. J Am Soc Nephrol 2004;15:234-7.
7. JL Babitt , H Lin. Mechanisms of anemia in CKD. J Am Soc Nephrol 2012;23:1631-4.
8. Astor et al. Association of kidney function with anemia: the Third National Health and Nutrition Examination Survey (1988-1994). Arch Intern Med. 2002;162(12):1401.
9. Gennari, Segal. Hyperkalemia: An adaptive response in chronic renal insufficiency. Kidney Int. 2002;62(1):1.
10. Palmer, Gardner M Tonelli. Phosphate-Binding Agents in Adults With CKD: A Network Meta-analysis of Randomized Trials. Am J Kidney Dis 2016 (68)
11. Kraut N. Madias. Metabolic acidosis of CKD: an update. Am J Kidney Dis 2016 ;67(2):307-17.
12. A Rossier et al. Sodium bicarbonate to slow the progression of chronic kidney disease. Rev Med Suisse 2011;7(284):478-82.
13. NA Smart et al. Early referral to specialist nephrology services for preventing the progression to end-stage kidney disease. Cochrane Database of Systematic Reviews 2014