Hypomagnésémie pour le praticien

L’ hypomagnésémie est fréquente chez les patients ambulatoires et hospitalisés. Chez certains patients à risque, elle entraîne d’ importantes atteintes cérébrales, cardiovasculaires et biologiques. Une anamnèse détaillée et complétée par des examens de laboratoire simples permet d’ établir dans la plupart des cas un diagnostic. Le but de cet article est de proposer une approche pratique du diagnostic et de la prise en charge des carences en magnésium.

Hypomagnesemia is common in ambulatory and hospitalized patients. In some at-risk patients, it leads to significant cerebral, cardiovascular and biological damage. A detailed history, together with simple laboratory tests, allows a diagnosis to be made in most cases. The aim of this article is to propose a practical approach to the diagnosis and management of magnesium deficiency.
Key Words: Hypomagnesemia, TRPM6 and TRPM7 transporters

Le magnésium (Mg) est le second cation intracellulaire le plus abondant après le potassium (K). Le Mg joue un rôle central dans de nombreuses voies de signalisation intracellulaire et extracellulaire. Il participe aux réactions enzymatiques, à la conduction nerveuse, à l’excitabilité neuromusculaire et à la réponse immunitaire (1). L’ hypomagnésémie est très fréquente. On la retrouve chez environ 14% de la population en général et jusqu’à 8% des patients hospitalisés (2, 3).

Homéostasie du magnésium (Fig 1)

L’ organisme contient environ 25g de magnésium, majoritairement en intracellulaire. Son stockage se fait entre 50-60 % dans le tissu osseux, entre 25-30 % dans les cellules musculaires, entre 20-25 % dans les autres tissus, et 1 % dans le milieu extracellulaire (4). Le Mg sérique représente 0.3 % du Mg total avec une infime partie du Mg libre participant aux activités cellulaires. Il existe sous trois formes : libre et ionisé constituant la forme active (55 % à 70 %), une forme liée aux protéines (30 %) et une petite partie (5 % à 15 %) sous forme complexe  liée au phosphate, bicarbonate, citrate ou sulfate (5). La concentration plasmatique du Mg se situe entre 0.7 et 1.1 mmol/l (4).

Un adulte ingère entre 360mg et 420mg de Mg par jour. L’ absorption d’ environ 120mg de Mg se fait majoritairement au niveau de l’ intestin grêle distal, de manière passive par le passage paracellulaire, ou active par le passage transcellulaire via certains transporteurs comme le TRPM6 et le TRPM7 (4).

La régulation du Mg se fait au niveau rénal avec une magnésurie entre 4 à 5 mmol / 24h. Chaque jour le rein filtre jusqu’ à 2,4 g de Mg avec une excrétion de 5 % dans les urines et une réabsorption par le néphron de 95 % de la quantité de Mg restante. Au niveau du tube contourné proximal, 15 à 20 % du Mg sont réabsorbés. La majorité de l’ absorption, soit 65 à 75 %, se fait au niveau de la branche ascendante de l’ anse de Henlé où le transport paracellulaire est favorisé par le gradient électrique transépithélial. Les jonctions intercellulaires composées des protéines de la famille Claudin (16 et 19) jouent un rôle déterminant dans le transfert du Mg. Au niveau du tube contourné distal la fraction d’ excrétion du magnésium (FeMg) final est définie. La réabsorption de 5 % à 10 % de la totalité du Mg se fait par voie active transcellulaire (transporteur TRPM6) au niveau du pôle apical cellulaire. Le mécanisme de transport semble peu clair à travers la face basolatéral de la cellule. Il dépend de la cycline M2 et d’ une pompe Na-K-ATPase sensible à la concentration en Mg (4, 5).

Symptômes et complications

Les symptômes d’ une hypomagnésémie sont aspécifiques et variés (Tableau 1). En cas d’ hypomagnésémie modérée, le patient peut présenter une fatigue, une irritabilité, une agitation ou une dépression. En cas d’ hypomagnésémie sévère, des troubles rythmiques, des crises convulsives ou des troubles de la personnalité peuvent survenir. Les complications sont surtout biologiques, avec une hypocalcémie suite à l’ inhibition de la sécrétion de la parathormone et une hypokaliémie réfractaire à la supplémentation potassique. Une chondrocalcinose peut se développer par accumulation de pyrophosphate inorganique (6).

Étiologie

Les causes d’ une hypomagnésémie sont en général classées en origine rénale et extrarénale. Les principales étiologies sont énumérées dans le Tableau 2.

Diminution des apports

Les apports nécessaires journaliers sont de 360 mg pour une femme et 420 mg pour un homme.

Selon le bulletin nutritionnel Suisse de 2021, la majorité de la population de plus de 18 ans n’ atteint pas les apports journaliers recommandés. Chez les personnes de plus de 65 ans les apports sont environ 15% inférieurs à la moyenne de référence (7).

Le régime alimentaire moderne avec diminution de la consommation des oléagineux et des céréales complètes contribue à la diminution des apports (8). La consommation d’ alcool participe à une carence en Mg par malnutrition.

Pertes digestives

Les pathologies induisant une malabsorption ou une augmentation des pertes digestives entraînent une carence en magnésium.

Causes iatrogéniques

Dans une méta-analyse sortie en 2019 avec 16 études observationnelles regroupant 130 000 patients ambulatoires et hospitalisés, une hypomagnésémie a été retrouvée chez 19,4 % des utilisateurs d’ inhibiteur de la pompe à proton (IPP) contre 13.5% des personnes sans IPP. Un lien entre la dose d’ IPP et la survenue d’ une hypomagnésémie a également été mis en évidence (9).

Parmi les autres médicaments, on retrouve les diurétiques, les inhibiteurs de la calcineurine, les dérivés du platine, les antibiotiques et le cétuximab (10).

Shift et séquestration cellulaire

Un transfert intracellulaire du Mg peut survenir en présence d’ un syndrome de renutrition inappropriée. Lors d’ une acidose métabolique un transfert intracellulaire peut avoir lieu. Une pancréatite aiguë cause une hypomagnésémie par saponification au niveau des tissus graisseux nécrotiques. D’ autres pathologies plus rares existent comme le « Hungry bone syndrome » visible à la suite d’ une parathyroïdectomie par augmentation de l’ absorption cellulaire du Mg au niveau osseux. Lors des grossesses on observe un passage transplacentaire du Mg (11).

Pertes rénales

L’ hyperglycémie, les nécroses tubulaires aiguës, et les réhydratations intensives causent une hyperfiltration rénale du Mg. La réabsorption rénale du Mg est compromise lors de lésions directes tubulaires, comme dans le cas du syndrome de Fanconi ou dans les toxicités médicamenteuses (12). Les anomalies héréditaires à l’ origine des pertes en Mg sont nombreuses. Les principales sont l’ hypomagnésémie familiale avec hypercalciurie et néphrocalcinose, le syndrome de Bartter (V types) et le syndrome de Gitelman (13). Une mutation du gène codant pour la protéine TRPM6, présente au niveau du colon et du tube contourné distal, se manifeste par une profonde hypomagnésémie dès le plus jeune âge (hypomagnésémie avec hypocalcémie secondaire) (14).

Détermination d’ une hypomagnésémie

La mesure du Mg sérique est simple et peu coûteuse. Une hypomagnésémie est définie par un taux de Mg sérique inférieur à
0.65 mmol/l. Elle est sévère à partir d’ un Mg inférieur à 0.5 mmol/l. Le Mg sérique ne reflète que 1% de la totalité des réserves en Mg. Les réserves intracellulaires en Mg n’ étant pas prises en compte dans l’ estimation du Mg sérique, il peut exister une hypomagnésémie en dépit d’ une magnésémie normale. La magnésémie varie également en fonction des stocks en albumine (15).

Le dosage du Mg intraérythrocytaire pourrait être une valeur plus précise du statut en Mg mais son utilité clinique n’ a jamais été prouvée. Les études faites sur le sujet ont très peu évalué les valeurs du Mg intraérythrocytaire après une substitution ou une déplétion au long cours. De plus le dosage du Mg intraérythrocytaire n’ évalue pas le stock du Mg intramusculaire remettant en question l’ idée d’ un outil plus précis (16).

En cas de doute, une évaluation concomitante du Mg urinaire et sérique permet de confirmer ou d’ infirmer la perte rénale. L’ analyse se fait sur des urines fraîches en calculant la fraction d’ excrétion du magnésium selon la formule ci-après.

Formule de la fraction d’ excrétion en Mg

FeMg = Mg(U) x Cr (S) / (Mg (S) x 0.7 x Cr (U)) x 100
La concentration du Mg est multipliée par 0.7 en raison de sa concentration sous forme libre dans le plasma (70 %) et donc filtrée par le rein.

FeMg : Fraction d’ excrétion du magnésium
U = urinaire , Cr = créatinine , S = sérique.

Selon une analyse de 74 patients avec une hypomagnésémie par perte rénale, la fraction d’ excrétion médiane du Mg était de 15 % (intervalle entre 4-48 %) (17). Ainsi, la plupart des auteurs définissent une perte rénale en magnésium dans le cas de FeMg supérieur à 4 % et une perte extrarénale en cas de FeMg inférieure à 2 % avec une zone grise se situant entre 2 % et 4 %.

Une récolte urinaire sur 24h est également possible mais rarement utilisée. Une excrétion de plus de 2 mmol/24h oriente vers une fuite rénale en Mg.

La méthode la plus précise pour évaluer le statut global en Mg consiste à recourir à un test de charge en perfusant du Mg et à mesurer la concentration en magnésium sur des urines de 24h. Le taux de Mg retenu par l’ organisme augmente en cas de déplétion (18). Cette méthode reste toutefois coûteuse, longue et réservée à la recherche scientifique.

Afin de mieux identifier quelle partie du tubule rénal est en cause dans la perte de Mg, le ratio calcium-créatinine (mmol/mmol) peut être demandé. Cela permet de différencier par exemple le syndrome de Bartter (ratio supérieur à 0.2) du syndrome de Gitelman (ratio inférieur à 0.2) (19) (Fig 2).

Traitement

La base du traitement dépend de la sévérité des symptômes. La première étape consiste à corriger les causes sous-jacentes. Lors d’ hyperaldostéronisme secondaire, l’ ajout d’ un épargneur potassique favorise la réabsorption du magnésium au niveau du tubule distal et du canal collecteur et diminue le risque de torsade de pointe (20).

Pour les symptômes légers à modérés, une substitution orale suffit. Il existe plusieurs préparations à base de Mg avec une charge en magnésium pouvant varier de 5 % à 60 % et une biodisponibilité variant de 4 à 12 % selon les préparations (21). Dans le commerce, on retrouve les sels organiques de Mg (gluconate, aspartate, citrate, carbonate) qui sont mieux tolérés et assimilés que les sels inorganiques (sulfate, chlorure) (21). En l’ absence de recommandations claires pour la substitution orale en magnésium, un traitement de 12 à 15 mmol/j en 2 à 3 fois par jour peut être proposé (22). Les effets indésirables cliniques sont un inconfort abdominal avec nausée et vomissement ainsi que des diarrhées. Cela peut limiter la prise du traitement oral et justifier une substitution par voie intraveineuse. Les indications d’ un traitement intraveineux sont : une hypomagnésémie sévère symptomatique (Mg<0.5 mmol/l), des diarrhées persistantes, une intolérance au traitement oral ou des troubles électrolytiques réfractaires à une substitution orale. La forme la plus utilisée est le sulfate de magnésium (MgSO4). Une dose de 1g de MgSO4 contient environ 4 mmol de Mg induisant une augmentation de la magnésémie d’ environ 0.15 mmol/l. Le (MgSO4) existe sous différentes concentrations de 10 %, 20 % ou 50 % à diluer avec du NaCl 0.9 % ou du glucose 5 % (23).

En cas d’ urgence vitale (torsade de pointes, pré-éclampsie), un bolus de 2g à 4g à diluer avec du NaCl ou du G5 est administré, suivi d’ un traitement de maintenance entre 1 à 3g/h. Dans les autres cas nécessitant une substitution intraveineuse, un consensus existe sur l’ administration de 1g à 2g de MgSO4 en bolus sur 1h, suivie de l’ administration de 4g à 8g sur 12-24h (24). Un suivi selon la sévérité de l’ hypomagnésémie se fera jusqu’ à normalisation des valeurs au laboratoire.

Doit-on toujours explorer et substituer une hypomagnésémie?

Depuis plusieurs années on utilise le Mg pour des cures énergisantes, pour les crampes musculaires, pour le stress. Dans la population jeune et en bonne santé, le rein va s’ adapter et diminuer l’ excrétion du magnésium urinaire. Un dosage et un traitement per os n’ est donc pas utile. Le dosage du Mg doit faire partie du bilan chez les patients souffrant de pathologie ou sous traitement susceptible de générer une carence.
Une anamnèse détaillée associée à un bilan biologique simple permet de retrouver la cause d’ une carence en Mg. Les patients avec une hypomagnésémie doivent bénéficier d’ une supplémentation prudente afin d’ éviter les effets indésirables limitant la compliance thérapeutique.

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Dre Rizk Karen

Cheffe de clinique adjointe
Service de gériatrie
Hôpital Fribourgeois
Site de Riaz
Rue de l’ Hôpital 9
1632 Riaz

karen.rizk@h-fr.ch

Dr André Laszlo

Médecin-chef
Service de la gériatrie aiguë et réadaptation gériatrique
HFR-Riaz
Case postale 70
1632 Riaz

Dr Hoa Phong Pham Huu Thien

FMH en Médecine Interne
CAS en recherche clinique, MSc in EBHC,
Oxford, Médecin-chef de site – Clinique de Médecine interne, HFR Riaz

hoaphong.phamhuuthien@h-fr.ch

Les auteurs déclarent n’  avoir aucun conflit d’  intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’ hypomagnésémie doit être suspectée chez les patients avec un défaut d’ apport, des troubles digestifs et rénales, un traitement à risque ou en cas de manifestation clinique et biologique.
◆ Une anamnèse détaillée associée à des examens de laboratoires
simples permet de retrouver l’ origine de l’ hypomagnésémie. En cas
de doute, les analyses urinaires permettent de différencier une origine rénale d’ une origine extrarénale.
◆ La substitution en Mg varie en fonction de la sévérité des symptômes. Avant toute substitution, la correction de l’ étiologie sous-jacente doit être faite.

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La santé bucco-dentaire chez les personnes âgées

L’ augmentation continue du nombre de personnes âgées, en particulier des plus de 80 ans, pose de gros problèmes sociaux, économiques et bien sûr médicaux à notre société. Le vieillissement augmente le risque de multimorbidité et, par conséquent, de polypharmacie. L’ évolution des maladies chroniques passe au premier plan. Des limitations fonctionnelles apparaissent et la gestion du quotidien est entravée, ce qui entraîne un besoin d’ aide ainsi que de soins ambulatoires et éventuellement stationnaires, surtout à un âge avancé (1). Pour des raisons de coûts, les responsables politiques visent à réduire le nombre de places de soins stationnaires et à privilégier les soins ambulatoires (2). Mais on tient également compte du fait que la génération actuelle de seniors révolutionne la vie des personnes âgées et crée de toutes nouvelles formes de vie autodéterminées (3). Cette évolution a également des répercussions importantes sur la santé bucco-dentaire des personnes âgées.

The steadily growing number of older people, especially those over 80 years of age, confronts our society with major social, economic and, of course, medical challenges. Ageing increases the risk of multimorbidity and consequently also of polypharmacy. Chronic courses of disease come to the fore. Functional limitations occur and the ability to cope with everyday life is impaired; the need for outpatient and possibly also inpatient assistance and care is the consequence, especially in old age (1). Politicians, on the other hand, are striving to reduce the number of inpatient care places for cost reasons and prefer outpatient care (2). However, this also takes into account the fact that today’s senior generation is revolutionising life in old age and creating completely new self-determined ways of living (3). This development also has significant implications for oral health in old age.
Key Words: Oral health, elderly people


Le succès de la prévention orale au cours des décennies précédentes a permis aux personnes de vivre de plus en plus longtemps avec de plus en plus de dents originales. À cela s’ ajoutent les implants oraux, permettant de remplacer les dents perdues. De plus, l’ énorme développement des possibilités techniques a fait que les gens vieillissent avec des prothèses dentaires de plus en plus complexes, de plus en plus fixes et de moins en moins amovibles (4). D’ un autre côté, la perte de dents, les caries, les gingivites, les parodontites et d’ autres infections buccales ainsi que les précancéroses et les malignités buccales restent très prévalentes avec l’ âge. À cela s’ ajoute, chez les personnes âgées, une hyposalivation fréquente, principalement due aux médicaments, avec des conséquences souvent fatales pour les tissus durs et mous de la bouche, qui se développent très rapidement. Les maladies buccales font donc souvent partie de la multimorbidité chez les personnes âgées et peuvent affecter l’ état de santé général ou interagir avec des maladies systémiques (5, 6). Un exemple typique est le diabète sucré de type II, qui peut d’une part accélérer la progression de la parodontite. D’ autre part, la parodontite peut compromettre l’ équilibre du diabète (7).

Il en ressort clairement que les personnes vieillissantes ont un besoin croissant de soins dentaires préventifs, diagnostiques et curatifs (8). Alors que le recours aux prestations médicales avec l’ âge est principalement déterminé par le nombre de maladies concomitantes augmentant en fréquence, le nombre et la fréquence des consultations régulières diminue continuellement dès la fin de la cinquième décade de vie (9). On peut supposer que les défis croissants que l’ âge peut entraîner rendent la prévention bucco-dentaire moins urgente pour les personnes, bien que celles-ci soient conscientes de son importance et qu’ elles en aient bénéficié au cours des décennies précédentes. Une inspection régulière de la cavité buccale par le médecin généraliste ou le spécialiste, que les personnes âgées consultent fréquemment, serait donc fortement recommandée. Celle-ci est particulièrement indiquée lorsque l’ anamnèse du dernier contrôle dentaire remonte à plus d’un an. Pour évaluer efficacement la nécessité d’une consultation dentaire, les médecins et le personnel soignant disposent d’instruments de dépistage appropriés et bien validés, tels que le DENTAL (10) (tableau 1) ou le Revised Oral Assessment Guide ROAG (11) (tableau 2).

Une collaboration interdisciplinaire plus étroite entre les médecins et les dentistes serait également très utile dans la mesure où les deux parties s’ informeraient plus rapidement sur de nouveaux diagnostics. Du point de vue de la médecine dentaire, la connaissance immédiate du diagnostic de démence est par exemple d’ une importance capitale, car elle a des implications fondamentales pour la prévention orale, le traitement et le suivi à long terme (voir fiche d’ information, disponible dans la version en ligne de l’ article). Si cette adaptation stratégique à la détérioration prévisible des conditions de prise en charge fait défaut, notamment dans une phase de maladie où les interventions de médecine dentaire seraient le plus souvent facilement réalisables et où les personnes concernées pourraient encore s’ adapter aux changements oraux, on assiste généralement à un abandon des soins dentaires. Les maladies bucco-dentaires en sont la conséquence et progressent rapidement. Dans ce contexte, il est essentiel de reconnaître que les maladies bucco-dentaires chez les personnes âgées n’ apparaissent pas seulement après le passage en institution, mais qu’ elles sont déjà présentes plus tôt dans le cadre de la multimorbidité, de sorte que par la suite les soins aux patients deviennent un défi quasiment insurmontable en matière d’ hygiène dentaire et buccale (12).

La forte prévalence des maladies bucco-dentaires chez les personnes âgées dépendantes confronte également les équipes de soins dentaires à des situations très difficiles. D’ une part, le contexte institutionnel complique considérablement les processus diagnostiques et thérapeutiques. D’ autre part, une infrastructure de traitement appropriée et un équipement mobile adéquat font souvent défaut. De plus, les problèmes médicaux souvent complexes en fin de vie sont trop exigeants. Enfin, l’ infrastructure coûteuse des cabinets dentaires n’ est pas utilisée à plein régime pendant la prise en charge externe des patients, et les prestations de médecine dentaire dans les institutions ne sont pas suffisamment honorées. Il en résulte que les soins dentaires dispensés aux personnes vivant en institution ne parviennent toujours pas à répondre à la forte demande (13). Dans le contexte de la préférence accordée aux soins ambulatoires, cette pénurie de soins devrait encore s’accentuer.

Il est essentiel pour la préservation de la santé bucco-dentaire que les nouveaux diagnostics soient communiqués immédiatement grâce à un réseau interdisciplinaire plus étroit entre la médecine humaine et la médecine dentaire et que les examens indiqués soient organisés à temps. Ainsi, la prévention, le traitement et le suivi à long terme des personnes âgées vivant à domicile peuvent être adaptés continuellement et à temps à l’évolution des conditions de vie, et les éventuelles interactions entre les maladies systémiques et orales peuvent être identifiées. Du point de vue de la médecine dentaire, cela signifie que plus les risques sociobiologiques augmentent, plus les risques oraux doivent être réduits, afin que la prévention, le traitement et le suivi à long terme par l’ équipe dentaire, mais aussi par le personnel soignant, restent possibles à long terme, même dans des conditions difficiles (14).

Article traduit de « der informierte arzt » 01-2022

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Prof. Dr. med. dent. Christian E. Besimo

Riedstrasse 9
6430 Schwyz

christian.besimo@bluewin.ch

L’ auteur n’ a pas de conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Les gens deviennent de plus en plus âgés mais ont de plus en plus leurs propres dents ou des implants. La prévalence des maladies
bucco-dentaires reste cependant élevée.
◆ Les maladies bucco-dentaires font souvent partie de la multimorbidité chez les personnes âgées.
◆ Les personnes vieillissantes ont un besoin croissant de soins dentaires préventifs et curatifs.
◆ Cependant, contrairement aux consultations médicales, le nombre de consultations dentaires diminue avec l’ âge.
◆ Une inspection récurrente de la cavité buccale par les médecins de famille ou les médecins spécialisés et le personnel soignant est recommandée.
◆ Un réseau interdisciplinaire étroit entre la médecine humaine et la médecine dentaire favorise non seulement la santé orale, mais aussi la santé générale des personnes âgées.

 

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Comment traiter ce patient atteint de diabète sucré ?

Chez un patient de 33 ans, un diabète de type 1 est diagnostiqué en présence de symptômes classiques et le patient est traité par une pompe à insuline. L’ HbA1c ainsi obtenue est très bonne, entre 6,5 et 7,0%. Sept ans plus tard, de nouveaux examens sont effectués et le traitement par pompe à insuline est remplacé par un système de bolus de base. La question qui se pose à vous aujourd’ hui est la suivante : s’ agit-il vraiment d’ un diabète de type 1 et quel est le meilleur traitement pour ce patient maintenant âgé de 48 ans ?

Les éléments importants de l’ anamnèse personnelle

Diagnostic du diabète sucré il y a 15 ans et début de la pompe à insuline.
9 ans plus tard insulinothérapie de type basal-bolus avec Tresiba et NovoRapid.
Il y a 8 ans, test de stimulation du glucagone et recherche d’ anticorps : C-peptide stimulé 2800 pmol/l et anti-GAD 0.2 E/l et anti IA 2 0.0 U/ml (tous deux négatifs).
Une carence en vitamine B12 a été diagnostiquée il y a 4 ans.

Questions à poser

  • De quel type de diabète s’ agit-il ?
  • Quels sont les autres examens pour mettre en place le meilleur traitement ?

Mesures à prendre et thérapie proposée

Début du CGMS (Freestyle Libre 3) : Meilleure évaluation du contrôle du diabète et de l’ évolution de la glycémie. Traitement par Xigduo XR 10/21000 1-0-0, éventuellement plus tard 5/1000 1-0-1 (protection cardiovasculaire).

Simplification de l’ insulinothérapie avec Ryzodeg 20 E aux deux repas principaux ; remplace le schéma de bolus d’insuline de base
(2 injections au lieu de 4). Association statine et ézétimibe (ézétimibe rosuvastatine 10/20mg 1-0-0 au lieu d’atorvastatine 20 mg).

Conclusions

7 ans après le diagnostic de diabète, un taux de peptide C de 2800 pmol/l est clairement en faveur d’ un diabète de type 2 (le diabète de type 1 aurait été < 200 pmol/l).

Répéter ce test de stimulation du glucagone pour confirmer la nécessité d’ une insulinothérapie ou au moins pour permettre une simplification de l’insulinothérapie et commencer à utiliser les meilleurs médicaments pour la prise en charge du diabète de type 2.

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

Le syndrome sérotoninergique dans les interactions médicamenteuses

Le syndrome sérotoninergique, également appelé toxicité sérotoninergique, associe des symptômes neurocognitifs, neuromusculaires et neurovégétatifs. La présentation clinique varie de formes très légères à des formes sévères et potentiellement létales. La toxicité sérotoninergique devient plus fréquente en raison de la prescription croissante de médicaments sérotoninergiques, principalement des antidépresseurs et des analgésiques. La prévention est essentielle. Elle passe par la formation des patients et des prescripteurs pour éviter ou détecter la toxicité sérotoninergique.

Serotonin syndrome, also named serotonin toxicity, associates neurocognitive, neuromuscular and neurovegetative symptoms. The clinical presentation varies from very mild to severe and potentially lethal forms. Serotonin toxicity is becoming more frequent due to the increasing prescription of serotonergic drugs, mainly antidepressants and analgesics. Prevention of serotonin toxicity is key. It involves training patients and prescribers to avoid or detect serotonin toxicity.
Key Words: serotonin syndrome, serotonin toxicity, drug-drug interactions, antidepressants, analgesic drugs

Introduction

Décrit pour la première fois en 1960, le syndrome sérotoninergique (SS) devient plus fréquent du fait de la prescription grandissante de médicaments sérotoninergiques, principalement des antidépresseurs et des antalgiques, au cours des dernières décennies (1-2). Encore trop souvent peu connu des praticiens et donc sous-diagnostiqué, ce syndrome associe de façon variable des symptômes neurocognitifs, neuromusculaires et neurovégétatives. Le spectre clinique varie de formes très légères à des formes sévères potentiellement létales.

Physiopathologie

La sérotonine ou 5-hydroxytryptamine (5-HT) est un neurotransmetteur monoaminénergique dérivé du tryptophane qui intervient dans de nombreux systèmes. Dans le système nerveux central, elle exerce une action sur l’ humeur, l’ attention, l’ appétit, le cycle veille-sommeil, la perception de la douleur, la thermorégulation et le tonus musculaire. Au niveau périphérique, la sérotonine est principalement sécrétée dans le tube digestif dont elle module le péristaltisme. La sérotonine est également impliquée dans la vasoconstriction, la bronchoconstriction, la contraction utérine et l’ agrégation plaquettaire (3).

Le SS survient lors d’ une hyperstimulation des récepteurs sérotoninergiques (5-HT1a et 5-HT2a notamment) par différents mécanismes selon les molécules impliquées : inhibition de la recapture de la sérotonine ou de son métabolisme, stimulation directe des récepteurs, relargage de sérotonine ou plus rarement augmentation de sa synthèse.

Il s’ agit d’ un phénomène dose-dépendant et non idiosyncrasique, donc relativement prévisible. Dans un tiers des cas, il survient en monothérapie lors de l’ introduction du traitement, d’ une augmentation de dose ou en cas de surdosage. Il survient le plus souvent dans les 24 heures et n’ apparaît que rarement une fois que le traitement est stable (phénomène de tolérance).

Les molécules les plus à risque sont les IMAO A ou B (inhibiteur de la monoamine oxydase A ou B) antidépresseurs ou antiparkinsoniens. Le risque est modéré lors de l’ utilisation d’ un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS), d’ un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) ou d’ antidépresseurs tricycliques, notamment la clomipramine et l’ imipramine. C’ est aussi le cas de l’ amitriptyline, mais plus faiblement. (tableau 1)

Dans les deux tiers des cas, le SS survient lorsqu’ on associe des traitements sérotoninergiques (4) L’ association d’ un IMAO avec un autre traitement sérotoninergique est déconseillée et il est recommandé de laisser un intervalle libre de 14 jours entre l’ arrêt d’ un IMAO et l’ introduction d’ un autre IMAO.

D’ autres molécules ont une activité sérotoninergique qui n’ est pas toujours identifiée et qui expose au risque de SS. Deux antibiotiques, le linézolide et l’ isoniazide, ont une activité de type IMAO qu’ il faut connaître. Certains opiacés ont une activité faible d’ inhibition de la recapture de la sérotonine (tramadol, fentanyl, mépéridine, méthadone, dextrométhorphane), ce qui n’ est pas le cas de la morphine et d’ autres opiacés (buprénorphine, codéine, oxycodone).

Enfin, des substances utilisées sur un mode récréatif comme les amphétamines, la cocaïne et l’ ecstasy (MDMA) exercent une action sérotoninergique et représentent une cause non négligeable de SS (4).

Le SS survient fréquemment lors d’ interactions médicamenteuses. En effet, une grande partie des antidépresseurs sérotoninergiques sont éliminés par l’ intermédiaire des cytochromes P450 de sous-type CYP2D6 et CYP3A4 notamment et sont sensibles aux molécules qui inhibent ces voies. De plus, certaines molécules comme la fluoxétine représentent un risque marqué de SS du fait de son activité inhibitrice au niveau du cytochrome P450 2D6 et de sa longue demi-vie (3).

Enfin, des SS ont été décrits lors de l’ association d’ une molécule sérotoninergique avec les antipsychotiques de 2e génération (rispéridone, quétiapine, clozapine olanzapine et aripiprazole) qui exercent notamment une activité agoniste sérotoninergique sur les récepteurs 5-HT1A (3).

Un diagnostic clinique

Il repose sur une triade de symptômes neuropsychiatriques (agitation, nervosité, insomnie, hypomanie et, pour les formes graves, confusion, troubles de la vigilance), de symptômes neurovégétatifs (fièvre, diaphorèse, tachycardie, tachypnée, diarrhée, hypertension artérielle et mydriase) et de troubles neuromusculaires souvent plus marqués aux membres inférieurs (tremblements, hyperréflexie, myoclonies, clonus, rigidité). Comme il s’ agit d’ un tableau protéiforme et qu’ il n’ existe pas de symptomatologie spécifique du SS, certains auteurs parlent plus volontiers de toxicité sérotoninergique. L’ algorithme diagnostique de Dunkley et al. pour identifier un SS est simple d’ utilisation, sensible (84%) et spécifique (97%). Il met l’ accent sur l’ introduction récente d’ un traitement sérotoninergique, une augmentation des doses ou une co-prescription à risque (tableau 2) (5).

Il existe un continuum en termes de gravité. Les formes légères sont les plus fréquentes et se manifestent par des tremblements, une nervosité, des troubles du sommeil qui peuvent être mises à tort sur le compte des troubles psychiatriques sous-jacents. Les formes modérées se présentent par une agitation, des clonies inductibles ou oculaires, une diaphorèse et une hyperréflexie. Elles peuvent être difficilement différenciable d’ un syndrome de sevrage alcoolique ou en benzodiazépine. Les formes sévères sont rares, elles se manifestent par des myoclonies soutenues, une rigidité musculaire, une hyperthermie au-dessus de 38.5°C, un état confusionnel ou encore une rhabdomyolyse. Le diagnostic différentiel est alors large et doit faire évoquer toutes les causes d’ un syndrome confusionnel aigu, notamment les causes infectieuses et toxico-métaboliques (6). Seuls une anamnèse et un examen clinique minutieux permettent de préciser le diagnostic de SS. Il n’ existe pas de marqueur biologique spécifique et le dosage de la molécule incriminée est souvent sans lien avec la gravité du tableau mais peut guider le clinicien (2).

En cas de co-prescription d’ un antipsychotique, il faut également évoquer un syndrome malin des neuroleptiques. Il se différencie notamment par la présence d’ une rigidité extrapyramidale et d’ une bradykinésie. Fréquemment évoqué dans la littérature comme diagnostic différentiel, le syndrome anticholinergique se différencie par une sécheresse muqueuse et cutanée, une diminution du transit intestinal et une rétention d’ urine, mais surtout par un tonus musculaire et des réflexes normaux (6, 7).

Épidémiologie

L’ incidence réelle du syndrome sérotoninergique reste inconnue, du fait d’ une grande variabilité clinique et de la sensibilisation insuffisante des médecins qui conduit à un sous-diagnostic. Il survient à tous les âges, et si on retrouve un pic de survenue entre 60 et 80 ans et une forte prédominance féminine (75%) cela tient davantage de la prescription d’ antidépresseurs plus importante dans ces populations (4) .

Prise en charge

En cas de suspicion d’ une toxicité sérotoninergique, toutes les molécules incriminées doivent être stoppées, éventuellement diminuées pour les formes légères. Le SS devra systématiquement faire l’ objet d’ une déclaration auprès de Swissmédic.

Les formes légères ne requièrent en général pas d’ hospitalisation. La symptomatologie s’ amende habituellement rapidement à l’ arrêt ou à la diminution de la posologie. Une fois les symptômes résolus, un traitement alternatif peut être instauré ou la même molécule réintroduite progressivement à dose inférieure.

Les patients qui ont des symptômes sévères ou qui reçoivent une association d’ un IMAO avec un IRS/IRSN doivent être hospitalisés. Les traitements suspects doivent être stoppés immédiatement. Dans les formes modérées ou graves, l’ agitation et la rigidité peuvent être traitées par des benzodiazépines. L’ hyperthermie qui résulte classiquement de l’ hyperactivité musculaire, n’ est pas sensible aux antipyrétiques habituels. Les mesures de refroidissement externe telles l’ hydratation et la glace peuvent ne pas suffire. Se justifie alors l’ utilisation off-label de la cryptoheptadine qui est un antihistaminique avec une activité antagoniste des récepteurs 5-HT2a ou la chlorpromazine, proposée en seconde intention du fait des risques d’ hypotension sévère (off-label) (7). Enfin, les formes graves et compliquées peuvent nécessiter une prise en charge en soins intensifs (2, 3). Dans la majorité des cas, le SS est résolutif dans les 24 à 72 heures. La résolution peut survenir plus tardivement dans des cas particuliers, par exemple en cas d’ intoxication avec la fluoxétine ou lors de l’ utilisation d’ IMAO irréversible (2).

Prévention

La prévention reste la meilleure stratégie à la survenue d’ un SS. Lors de l’ introduction d’ un traitement antidépresseur sérotoninergique, il est conseillé de viser la dose minimale efficace, de rester attentif dans les jours qui suivent l’ introduction et de rester très prudent lors de la co-prescription de deux molécules sérotoninergiques. Il convient de vérifier l’ absence de prise de molécules hors prescription ou la consommation de substances illicites (6).

Conclusion

Le syndrome sérotoninergique, ou toxicité sérotoninergique, est un phénomène probablement sous-diagnostiqué car insuffisamment connu. Les symptômes sont peu spécifiques, d’ intensité variable avec des formes légères à potentiellement mortelles. La prévention est primordiale et dépend de la bonne formation des prescripteurs et des patients.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr méd. Samuel Périvier

Service de Gériatrie et Réadaptation
Département de réadaptation et gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève
3, chemin du Pont-Bochet
1226 Thônex/Genève

Samuel.Perivier@hcuge.ch

Pr Dr méd. Philippe Huber

Service de Gériatrie et Réadaptation
Département de réadaptation et gériatrie
Hôpitaux Universitaires de Genève
3, chemin du Pont-Bochet
1226 Thônex/Genève

Philippe.Huber@hcuge.ch

SP aucun conflit d’intérêt en rapport avec cet article, PH honoraires de conférencier Médecine interne Update Refresher, FomF.

◆ Le syndrome sérotoninergique, ou toxicité sérotoninergique, est une pathologie d’origine médicamenteuse d’intensité légère à potentiellement mortelle causée par un excès de sérotonine dans les synapses nerveuses.
◆ Les patients se présentent avec une combinaison de symptômes neurocognitifs, neuromusculaires et neurovégétatifs dont le diagnostic différentiel est large et inclut les manifestations de la maladie de base.
◆ La majorité des cas surviennent lorsque qu’on associe deux molécules sérotoninergiques ou en cas de surdosage d’une molécule.
◆ La prise en charge varie en fonction de la sévérité. La prévention est primordiale et passe par la formation des prescripteurs et des patients pour éviter ou détecter cette toxicité médicamenteuse.

1. Oates JA, S.A., Neurologic effects of tryptophan in patients receiving a monoamine oxidase inhibitor. Neurology, 1960. 10:1076-8.
2. Jurek, L., et al., [The serotonin syndrome: An updated literature review]. Rev Med Interne, 2019. 40(2): p. 98-104.
3. Scotton, W.J., et al., Serotonin Syndrome: Pathophysiology, Clinical Features, Management, and Potential Future Directions. Int J Tryptophan Res, 2019. 12: p. 1178646919873925.
4. Chassot M, M., Livio F, BuclinT. , Syndrome sérotoninergique : mise au point et revue des cas annoncés en Suisse. Rev Med Suisse. 2012;8(360):2086-2090.
5. Dunkley, E.J., et al., The Hunter Serotonin Toxicity Criteria: simple and accurate diagnostic decision rules for serotonin toxicity. QJM, 2003. 96(9): p. 635-42.
7. Foong AL., et al., Demystifying serotonin syndrome (or serotonin toxicity). Can Fam Physician. 2018 Oct;64(10):720-727.
8. Boyer EW, Shannon M. The serotonin syndrome. N Engl J Med. 2005 Mar 17;352(11):1112-20.

Examen bucco-dentaire – un geste indispensable dans le bilan gériatrique

Lors de l’ admission d’ un patient âgé dans un établissement de soins, un bilan gériatrique complet est effectué, mais la santé bucco-dentaire n’ est que rarement prise en compte. Les caries et les maladies parodontales sont les maladies les plus fréquentes de la cavité buccale, mais les maladies de la muqueuse buccale, comme le carcinome épidermoïde, sont également plus fréquentes avec l’ âge. Les patients âgés prennent en outre de nombreux médicaments, dont une grande partie provoque une sécheresse buccale. Le biofilm peut être aspiré et entraîner des pneumonies d’ aspiration. Un contrôle dentaire régulier, au moins tous les six mois, est donc recommandé. Lors de l’ entrée dans un établissement de soins, le dentiste traitant devrait établir un « plan de soins » tenant compte des besoins individuels du patient et de sa dentition. La santé bucco-dentaire fait partie intégrante de la santé générale et peut contribuer de manière significative à la qualité de vie des personnes âgées.

When an elderly patient is admitted to a care facility, a complete geriatric assessment is performed, but oral health is rarely considered. Caries and periodontal disease are the most common diseases of the oral cavity, but diseases of the oral mucosa, such as squamous cell carcinoma, are also more common with age. Elderly patients also take many medications, many of which cause dry mouth. The biofilm can be aspirated and lead to aspiration pneumonia. A regular dental check-up, at least every six months, is therefore recommended. When entering a nursing home, the attending dentist should establish a «care plan» that takes into account the individual needs of the patient and his or her dentition. Oral health is an integral part of general health and can contribute significantly to the quality of life of older adults.
Key Words: Oral health, elderly people, care plan, caries, periodontal diseases, aspiration pneumonia

Santé bucco-dentaire – partie intégrante du bien-être

Une bouche et une dentition saine font partie intégrante de la santé et du bien-être général (1). Les principales maladies bucco-dentaires qui surviennent chez les personnes adultes sont chroniques, progressives et cumulatives au cours de la vie. Les causes des maladies bucco-dentaires sont étroitement liées au mode de vie, qui comprend une négligence de l’ hygiène bucco-dentaire ainsi qu’ une alimentation riche en sucre, le tabagisme et la consommation d’ alcool (2). Les infections buccales, en particulier les maladies parodontales, peuvent avoir un impact négatif sur l’ état de santé général, et des associations avec les maladies cardio-vasculaires, le diabète, les naissances prématurées et les pneumonies bactériennes ont été signalées (3). La récente tendance à conserver une dentition naturelle complète ou partielle jusqu’ à un âge avancé a été accueillie comme un progrès, mais une prévalence élevée de caries et de maladies parodontales accompagne la conservation des dents et reste un défi considérable pour la santé publique (4). Les autres maladies des tissus buccaux comprennent un large éventail d’ affections des muqueuses, ainsi que les carcinomes épidermoïdes, dont la prévalence augmente au-delà de 60 ans (5).

Les défis de la santé bucco-dentaire chez les personnes âgées

Les affections bucco-dentaires les plus répandues chez les personnes âgées restent les caries coronaires et radiculaires ainsi que les maladies parodontales, qui favorisent toutes la perte des dents si elles restent sans traitement. La perte de dents altère la plupart des fonctions orales, en particulier l’ efficacité de la mastication, ce qui conduit, souvent inconsciemment, à l’ adoption d’ un régime alimentaire malsain, car les choix alimentaires se limitent à ce qui est facile à mâcher avec peu de dents naturelles et/ou de prothèses dentaires (6). L’ apport calorique quotidien est souvent assuré par un régime riche en hydrates de carbone raffinés et en sucre, qui fournit les calories nécessaires, mais manque de nutriments importants comme les protéines, les vitamines et le calcium (7). Lors de la vieillesse, un IMC élevé est en général associé à une faible morbidité et mortalité (8). L’ amélioration de l’ efficacité de la mastication ne pourrait qu’ améliorer indirectement le poids et l’ état nutritionnel, en permettant l’ ingestion d’ une plus grande variété d’ aliments, en offrant la possibilité de manger des plats non mélangés et d’ apparence appétissante et en favorisant les repas en compagnie d’ autres personnes, ce qui entraîne une augmentation de l’ apport calorique. L’ amélioration de l’ état nutritionnel après une restauration dentaire avec une meilleure efficacité de mastication n’ est pas automatique, un conseil nutritionnel est recommandé pour que le patient bénéficie au mieux de la nouvelle prothèse (9).

L’ état de santé général, notamment des maladies chroniques ou leur traitement constituent un autre défi pour la santé bucco-dentaire des personnes âgées. Selon le rapport de l’ OMS sur le vieillissement, les sept maladies chroniques les plus courantes chez les personnes âgées sont les maladies cardiovasculaires, le cancer, les maladies respiratoires, le diabète, la cirrhose du foie, l’ arthrose et les troubles neurocognitifs (10). Alors que le diabète a un effet bidirectionnel direct sur la santé parodontale, d’ autres maladies ont un effet plutôt indirect sur la santé bucco-dentaire, que ce soit par la prise de médicaments, la radiothérapie ou la chimiothérapie. Un effet indésirable de ces médicaments peut être une sécheresse buccale, entraînant des problèmes de mastication, de déglutition, d’ élocution, de port de prothèses dentaires et de sensibilité des muqueuses (11). Lorsque les dents naturelles sont encore présentes, un risque élevé de caries et une augmentation de l’ abrasion sont associés à un manque de salive.

Un autre problème fréquent chez la personne âgée fait récemment l’ objet d’ une attention croissante, la dysphagie. Les troubles de la déglutition augmentent avec l’ âge et atteignent chez les patients institutionnalisés une prévalence de 40-60 % (12). La dysphagie est reconnue comme l’ un des principaux mécanismes physiopathologiques conduisant à la pneumonie par aspiration, l’ une des principales causes de morbidité et de mortalité par infection chez les patients âgés. La fréquence accrue peut être expliquée par les changements physiologiques liés au vieillissement de l’ arbre respiratoire et à l’ immunosénescence. L’ altération des réflexes de toux entraîne la stagnation de corps étrangers dans le pharynx qui peuvent ensuite être aspirés dans les poumons. À part des troubles de déglutition, l’ hygiène orale, ainsi que la présence de dents naturelles avec des poches parodontales importantes sont des facteurs de risque reconnus pour la pneumonie d’ aspiration (13, 14). Mais même chez le sujet édenté, des dépôts bactériens sur la langue peuvent encore provoquer une pneumonie d’ aspiration (15). Il est donc crucial de maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire chez les personnes âgées.

L’ hygiène bucco-dentaire des personnes âgées

L’ hygiène bucco-dentaire est souvent mauvaise chez les personnes âgées, et plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène (16). Le vieillissement physiologique, qui détériore la vision, la sensibilité tactile, l’ odorat et la dextérité, se manifestent chez les personnes âgées, même si elles vieillissent en bonne santé. Ces déficiences physiologiques rendent difficile l’ exécution des mesures d’ hygiène bucco-dentaire. S’ y ajoutent l’ arthrose et les accidents vasculaires cérébraux, ou du déclin cognitif et de la dyspraxie comme dans les troubles neurocognitifs tels que la démence. Des outils adéquats, comme des brosses à dents à manche épais, un miroir grossissant et des lunettes ou des outils spéciaux pour le nettoyage des prothèses dentaires peuvent contribuer à améliorer l’ hygiène bucco-dentaire, mais leur prévalence est faible et leur utilisation n’ est pas une coutume répandue.

Avec le temps, les séquelles des maladies dentaires s’ accumulent, et souvent les papilles interdentaires présentent des récessions laissant la morphologie de la dentition avec des niches où les aliments et la plaque dentaire peuvent adhérer sans être dérangés par la joue ou la langue. Un autre facteur lié à l’ âge est l’ utilisation de forces musculaires plus faibles pendant la mastication, telles que celles de la langue, des joues et des lèvres, ce qui entraîne un moindre auto-nettoyage de la cavité buccale pendant la mastication. L’ hygiène buccale peut également devenir douloureuse lorsque l’ hyposalivation rend la muqueuse buccale sensible et douloureuse, car les effets protecteurs et réparateurs de la salive sont absents. La Société Japonaise de Gérodontologie a récemment introduit le diagnostic « oral hypofunction », qui implique sept facteurs fonctionnels : la force de serrage et la pression de la langue, l’ hygiène orale et la salivation, la mastication et la déglutition, ainsi que la coordination motrice de la langue et des lèvres (17).

Une autre raison de la mauvaise hygiène bucco-dentaire peut être un changement de priorités, lorsque les maladies chroniques et la déficience fonctionnelle dominent la vie quotidienne. Enfin, le retrait de la vie sociale implique une diminution de la pression pour une apparence soignée, y compris une « haleine fraîche ». Lorsque l’ on vit dans un contexte institutionnel, avec peu d’ interactions sociales, et souvent peu de « secret » sur la présence d’ une prothèse amovible, le seuil pour ne pas porter une prothèse (potentiellement inconfortable) ou pour ne pas se brosser les dents est souvent élevé.

L’ examen dentaire – un geste indispensable

Les examens périodiques chez le dentiste et l’ hygiène bucco-dentaire professionnelle, effectuée par une hygiéniste dentaire ou un autre professionnel dentaire formé, contribuent à prévenir les maladies bucco-dentaires et à les traiter avant de progresser, le cas échéant. Ces contrôles servent à dépister le cancer ou d’ autres maladies de la muqueuse buccale, mais visent également à détecter les premières caries et à examiner les tissus parodontaux à la recherche de signes cliniques d’ inflammation, notamment des gonflements, des saignements, des rougeurs et une augmentation de la profondeur des poches parodontales. Si des restaurations dentaires sont déjà présentes, elles nécessitent un entretien régulier pour rester en fonction et ne pas présenter de niches ou des défauts de surface. Les contrôles comprennent également l’ évaluation de l’ assise ferme d’ une prothèse et de l’ occlusion entre les dents supérieures et inférieures afin d’ assurer le confort buccal et de prévenir le dysfonctionnement des articulations temporo-mandibulaires. Les intervalles des contrôles devraient être au moins tous les 6 mois, mais sont déterminés en fonction du risque individuel du patient.

Le plan des soins bucco-dentaires

À l’ âge adulte, bien avant l’ apparition de la fragilité, mais au plus tard à un stade pré-fragile, le patient et le dentiste devraient établir ensemble un « plan de soins bucco-dentaires », dont le but est de prévenir et contrôler les maladies bucco-dentaires, contrôler la douleur et l’ infection, éliminer les dysfonctionnements et assurer une bonne qualité de vie liée à la santé bucco-dentaire (18). Ce plan comprend l’ explication des facteurs de risque des maladies bucco-dentaires et l’ incitation à modifier les comportements à risque, comme l’ arrêt du tabac, la consommation modérée d’ alcool, une alimentation saine et le recours régulier aux services dentaires. La prise de vitamine D et de calcium, à des doses visant à prévenir l’ ostéoporose, est efficace pour réduire la perte de dents (19). Le plan de soins bucco-dentaires explique également les implications d’ une dépendance croissante. L’ évaluation des risques associés comprend l’ identification des conditions menaçant la santé bucco-dentaire et évoquant un risque particulier de caries et de maladies parodontales, par exemple un faible débit salivaire, afin de convenir des rappels périodiques appropriés. Elle doit en outre déterminer un ensemble personnalisé d’ outils d’ hygiène bucco-dentaire, adaptés à la dentition, mais aussi aux déficiences fonctionnelles telles que les troubles de la vision, la faiblesse de la force et la dextérité des mains.

Prévention au début de la fragilité et de la multi-morbidité

Avec l’ apparition de la fragilité et du déclin fonctionnel, le « plan de soins » devrait faire partie intégrante d’ une admission dans une institution. Pour la prévention des maladies parodontales, des dentifrices antibactériens doivent être recommandés, ainsi que des séances d’ hygiène buccale professionnelle. Les produits à base de chlorhexidine peuvent être utilisés temporairement pour contrôler l’ infection (20). Au stade de la fragilité, la prévention s’ étend à la prévention de la pneumonie par aspiration. Un décès sur 10 dû à une pneumonie est évité par une hygiène bucco-dentaire professionnelle hebdomadaire, lorsqu’ elle est réalisée par un professionnel de la santé dentaire (21, 22). Le port de prothèses dentaires pendant la nuit double également l’ incidence de la pneumonie. Les personnes âgées fragiles devraient donc s’ abstenir de porter leurs appareils amovibles pendant la nuit, car leur charge bactérienne présente un risque pour la santé en termes de pneumonie (23). Il est recommandé de conserver les prothèses amovibles au sec pendant la nuit, afin que les bactéries soient mortes avant que la prothèse ne soit nettoyée et remise en bouche le matin (24). À ce stade, il est également conseillé d’ évaluer les effets indésirables de la polypharmacie, comme l’ hyposalivation et la présence de sucre dans les médicaments, principalement dans les sirops (25, 26). Le soulagement de la sécheresse buccale est assuré par la vaporisation d’ eau dans un flacon atomiseur, par des activités de mastication unilatérale (chewing-gum ou tubes à mâcher) ou enfin par des substituts salivaires qui se présentent sous forme de sprays, de gels ou de bains de bouche (27). Outre l’ établissement d’ un plan de soins bucco-dentaires, le rôle du professionnel de la santé bucco-dentaire est d’ informer et d’ éduquer le patient sur les mesures préventives et de contrôler leur efficacité.

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Pre Dre méd. dent. Dr. h.c. Frauke Müller

Clinique universitaire de médecine dentaire,
Division de gérodontologie et prothèse adjointe,
Université de Genève
CMU, Rue Michel-Servet 1, 1211 Genève 4
Département de réadaptation et gériatrie,
Hôpitaux Universitaires de Genève

Frauke.mueller@unige.ch

L’ auteure a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article

◆ La plupart des facteurs de risque de maladies bucco-dentaires et de perte de dents peuvent être évités en gérant les facteurs de risques associés, notamment une alimentation saine, une hygiène bucco-dentaire quotidienne méticuleuse, une consommation modérée d’ alcool et l’ arrêt du tabac.
◆ La génétique, le contexte socio-économique et d’ autres risques encore non documentés peuvent également jouer un rôle dans le développement des maladies bucco-dentaires et de la perte des dents.
◆ Pour les patients âgés, les troubles fonctionnels et cognitifs représentent un défi particulier. La déglutition peut provoquer des pneumonies d’ aspiration. La perte de dents due aux caries et aux maladies parodontales peut entraîner des troubles de la mastication. De nombreux médicaments provoquent une sécheresse buccale.
◆ L’ hygiène buccale est plus difficile à réaliser en raison de l’ âge et de
la maladie et ne fait souvent plus partie des priorités des patients âgés. Une bonne santé bucco-dentaire est pourtant un élément essentiel d’ un vieillissement réussi.

1 WHO. The World Health Report 2003 – shaping the future. Geneva: WHO Press; 2003.
2. Petersen PE, Bourgeois D, Ogawa H, Estupinan-Day S, Ndiaye C. The global burden of oral diseases and risks to oral health. Bull World Health Organ. 2005;83(9):661-669.
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Surdité brusque – recommandations pour le diagnostic et le traitement

La surdité brusque est définie comme une perte auditive neurosensorielle soudaine. Cette perte d’ audition cochléaire soudaine, sans cause apparente, est généralement unilatérale, mais peut dans de rares cas affecter les deux oreilles. On peut distinguer différentes formes de surdité de l’ oreille interne en fonction de la gamme de fréquences et de la gravité : soit une surdité de basse, moyenne ou haute fréquence, soit une surdité pantonale ou pancochléaire, allant d’ un degré léger à une perte auditive confinant à la surdité, voire à une surdité réelle.

Hearing loss is defined as acute, sensorineural loss of the auditory system. This cochlear hearing loss, which occurs suddenly without an identifiable cause, is usually unilateral, but in rare cases it can affect both ears. Different forms of sensorineural hearing loss can be distinguished in terms of frequency range and severity: Low-frequency, mid-frequency, high frequency or pantonal an pancochlear sensorineural hearing loss ranging from mild to bordering on deafness or even actual deafness.
Key Words: Sensorineural hearing loss, tinnitus, hyperacusis, otoscopy, tympanometry

Les symptômes ressentis par les patients sont généralement une sensation soudaine de pression sur l’ oreille atteinte ou sur les deux oreilles, une sensation de coton dans l’ oreille, une sensation diffuse autour du pavillon de l’ oreille (dysesthésie périauriculaire) ainsi qu’  une baisse de l’ audition. La détérioration de l’  audition peut passer inaperçue pour les patients si elle est légère ou si elle ne concerne qu’ une ou quelques fréquences. Il est également important de tenir compte du fait que les personnes concernées souffrent de la perte auditive, des acouphènes et des vertiges à des degrés divers. En cas d’ atteinte grave ou très grave ou de grande souffrance due par exemple aux acouphènes, on trouve souvent une comorbidité psychique. Outre les acouphènes, d’ autres symptômes tels que les vertiges, l’  hyper-, la diplo- ou la dysacousie peuvent être présents. Selon des études menées en Allemagne, l’ incidence de la surdité brusque se situe entre 160 et 400/100000 par an (1, 2). Il n’ existe pas de données épidémiologiques en Suisse pour la surdité brusque ni pour les acouphènes. La surdité brusque survient le plus souvent dans le groupe d’  âge des 40 – 50 ans. Une surdité brusque dans l’ enfance est possible, mais très rare. J’ ai vu cela occasionnellement en cas de stress important et négatif à l’ école ou en famille. Il n’ y a pas de taux d’ incidence selon le sexe.

Pathogenèse

Du point de vue pathogénique, il existe une lésion des cellules ciliées externes et/ou internes, qui peut être réversible (lésion cellulaire) ou irréversible (mort cellulaire). Lorsque la perte auditive dans les basses fréquences est fluctuante, c’ est-à-dire que la surdité brusque semble se manifester de manière répétée, il ne s’ agit généralement pas d’ une surdité brusque, mais d’ un hydrops endolymphatique à l’ origine d’ une maladie de Menière. Quand le seuil d’ audition de la gamme des fréquences moyennes présente une courbe audiométrique « en cloche » (angl. « u shaped » curve), des troubles de la circulation sanguine locale sont discutés comme cause dans la zone de la « lamina spiralis ossea » avec des dommages hypoxiques de l’ organe de Corti. Lors d’ une surdité pantonale, il y a dans la plupart des cas une atteinte fonctionnelle de la strie vasculaire, c’ est-à-dire un trouble de la circulation sanguine. Une occlusion vasculaire est généralement à l’ origine d’ une surdité profonde confinant à une perte auditive ou d’ une surdité totale. Le trouble de la circulation sanguine, que l’ on suppose être la cause la plus fréquente de la surdité brusque, entraîne un effondrement momentané ou permanent de l’ apport d’ énergie à l’ oreille interne. Comme l’ oreille interne n’ est alimentée que par une seule artère terminale, elle est particulièrement vulnérable face aux troubles de la circulation sanguine. Heureusement, ces troubles circulatoires sont généralement réversibles et l’ oreille interne ou les cellules ciliées sont rapidement réoxygénées, ce qui explique les rémissions spontanées en cas de surdité brusque. En raison de la proportion élevée de rémissions spontanées, la surdité brusque, contrairement à l’ infarctus du myocarde ou à l’ apoplexie, n’ est pas considérée comme une urgence nécessitant un traitement immédiat. Elle est cependant considérée comme une urgence otologique qui, en cas de persistance des troubles au-delà de 24 heures, doit être correctement diagnostiquée et traitée de manière adéquate, si possible dans les premières 48 heures (3-5).

Les diagnostics différentiels de la surdité brusque ou de la surdité aiguë de l’ oreille interne sont nombreux : traumatismes (bang, explosion, barotraumatisme, fracture du rocher), labyrinthite (p. ex. comme complication d’ une otite moyenne, de la maladie de Lyme, de la syphilis), méningite, encéphalite, vascularite auto-immune, intoxication (alcool, autres drogues, médicaments comme les antibiotiques aminoglycosides et les diurétiques de l’ anse, toxines provenant de bactéries), infections virales (adénovirus, herpès zoster, oreillons), tumeurs (par ex. neurinome de l’ acoustique, tumeurs du tronc cérébral et de l’ angle ponto-cérébelleux), fistule périlymphatique, insuffisance rénale nécessitant une dialyse, syndrome de perte de LCR, (p. ex. après ponction de LCR), syndromes d’ origine génétique, maladies hématologiques ou cardiovasculaires. Les troubles auditifs psychogènes font également partie des diagnostics différentiels.

Diagnostic

Après une anamnèse détaillée, y compris la clarification de l’ exposition au bruit dans le cadre du travail et des loisirs, l’ otoscopie est réalisée. Le cérumen dans le conduit auditif est éventuellement retiré. La tympanométrie permet de mesurer la pression dans les oreilles moyennes, qui devrait idéalement être égale à la pression atmosphérique extérieure. Les tests au diapason selon Weber et Rinne donnent les premiers indices d’ un trouble auditif. L’ audiométrie tonale pure avec conduction aérienne et osseuse est très importante, au moins dans la plage vocale de 125 à 8000 Hz. Je mesure les fréquences de 125, 250, 500, 1000, 1500, 2000, 3000, 4000, 6000, 8000, 9000, 10000, 11000, 12000, 14000 et 16000 Hz. S’ il existe des acouphènes, la fréquence et l’ intensité sonore des acouphènes devraient être mesurées. En cas d’ hyperacousie, le seuil d’ inconfort doit être mesuré. Si la compréhension de la parole est limitée, une audiométrie vocale devrait également être effectuée. Lors de symptômes de vertige, il est important d’ examiner les mouvements oculaires sous les lunettes de Frenzel :
observe-t-on des nystagmus spontanés ou de fixation, ainsi que des mouvements consécutifs, des nystagmus de secousse de la tête ou de positionnement ? Le test d’ impulsion de la tête selon Halmayi et Curthoys et le test vestibulaire calorique avec des lavages à l’ eau à 30 et 44  °C doivent être effectués. Les indices d’ un trouble de l’ équilibre central ou de troubles centraux de la mobilité oculaire sont par exemple des nystagmus de la direction du regard, une succession de regards saccadés, des saccades ralenties. Il faut être attentif aux autres symptômes neurologiques tels que la parésie faciale, les paresthésies, les troubles de la déglutition, de la marche et de la coordination. La tension artérielle et le pouls sont mesurés. La colonne vertébrale cervicale est examinée afin de déceler toute restriction de mouvement. Les valeurs de laboratoire suivantes doivent être déterminées : l’ hémogramme complet avec formule sanguine et numération des plaquettes, dosage de glycémie, CRP, précalcitonine, créatinine, taux de fibrinogène, exclusion de la maladie de Lyme, de la syphilis, du virus de l’ herpès, du virus varicelle-zona, du CMV, du VIH. Une imagerie du rocher et du neurocrâne (scanner ou IRM) devrait être effectuée, par exemple pour exclure un neurinome de l’ acoustique ou une tumeur de l’ angle pontocérébelleux, un hydrops endolymphatique, en cas de bourdonnements d’ oreille synchrones au pouls, également une fistule artério-veineuse ou un paragangliome temporal. La surdité brusque entraîne une diminution importante de la qualité de vie (6). Cette limitation de la qualité de vie ou l’ atteinte psychique due à la perte auditive, éventuellement aux acouphènes, à l’ hyperacousie et/ou aux symptômes de vertige, devrait être évaluée par des tests psychométriques standardisés et une comorbidité psychique devrait être détectée.

Si, en présence d’ un conduit auditif libre, d’ un tympan fermé sans irritation, d’ une pression normale dans l’ oreille moyenne, les symptômes font suspecter une surdité brusque, il est recommandé d’ adresser le patient à un spécialiste en ORL.

Traitement

La meilleure preuve scientifique est le traitement à haute dose par glucocorticostéroïdes. Celui-ci doit être effectué pendant trois jours avec 250 mg de prednisolone ou un glucocorticostéroïde à dose équivalente à chaque fois (7, 8). Si nécessaire, le traitement peut être prolongé de quelques jours. Il n’ est pas nécessaire de réduire, voire diminuer successivement la dose de cortisone, même avec une dose aussi élevée pendant quelques jours (9), bien qu’ il existe différents schémas qui préconisent précisément cela, ce à quoi il n’ y aurait rien à objecter. Une alternative à la cortisonothérapie systémique est l’ application intratympanique de dexaméthasone ou de méthylprednisolone, qui semble être aussi efficace qu’ une cortisonothérapie systémique à faible dose et qui, en tant que nouvelle tentative de traitement après une cortisonothérapie systémique infructueuse, est plus efficace qu’ une placebothérapie ou l’ absence de traitement (10, 11).

Les agents rhéologiques et les vasodilatateurs tels que l’ aloprostadil, le carbogène et le naftidrofuryl nont montré aucune efficacité dans une méta-analyse Cochrane de trois études randomisées et ne peuvent donc pas être recommandés (12). Une étude randomisée et contrôlée sur la pentoxifylline/dextran n’ a pas montré de supériorité par rapport à la pentoxifylline/NaCl ou au NaCl/placébo (13). Une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée, comparant la pentoxifylline à un extrait standardisé de Ginkgo biloba, a montré un avantage pour l’ extrait de Gingko biloba dans l’ évaluation de l’ efficacité par les patients, avec une équivalence dans tous les autres paramètres concernant la surdité brusque et les acouphènes (14). Une équipe d’ auteurs suisses a publié en 2021 une revue systématique de l’ efficacité des extraits standardisés de Ginkgo biloba en cas de vertiges et/ou d’ acouphènes (15). Les effets pharmacologiques comprennent une amélioration de l’ irrigation sanguine de l’ oreille interne et du cerveau, des effets antioxydants, la neutralisation des radicaux libres de l’ oxygène, la neuroprotection et l’ amélioration de l’ apport énergétique dans les mitochondries. 17 études randomisées et contrôlées ont été incluses dans cette revue. Parmi ces études, 14 sur 17 ont démontré l’ efficacité et la sécurité, dont 8 sur 9 ont examiné les acouphènes et/ou les vertiges et 6 sur 8 ont examiné uniquement les acouphènes. Les extraits standardisés de Ginkgo biloba sont autorisés par Swissmedic, entre autres pour les indications acouphènes et vertiges, en tant que thérapie additive et sont admis par les caisses-maladie sur la liste des spécialités. En ce qui concerne l’ oxygénothérapie hyperbare, une méta-analyse Cochrane de 7 études randomisées portant sur 392 patients au total conclut que la capacité auditive a certes été améliorée de manière significative, mais que les études sont insuffisantes sur le plan méthodologique et doivent donc être interprétées avec prudence (16). Compte tenu des coûts et des risques, d’ autres études cliniques sont nécessaires avant de pouvoir émettre une recommandation positive. En ce qui concerne le traitement antiviral, une revue Cochrane ne montre pas d’ efficacité statistiquement significative des médicaments antiviraux tels que l’ acyclovir ou le valcyclovir dans la surdité brusque (17), de sorte qu’ ils ne peuvent pas être recommandés.

Dans mon cabinet, la combinaison d’ un traitement systémique à haute dose avec des glucocorticostéroïdes et un extrait standardisé de ginkgo biloba à la dose quotidienne de 240 mg a fait ses preuves. Il est important de reconnaître les symptômes ou les maladies concomitants tels que les acouphènes, l’ hyperacousie, les vertiges otogènes et la comorbidité psychique, ce qui nécessite éventuellement d’autres mesures thérapeutiques et une collaboration interdisciplinaire.

Copyright Aerzteverlag medinfo­­

PD Dr. med. Dr. h. c. Andreas Schapowal

Hochwangstr. 3
7302 Landquart

andreas@schapowal.ch

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article.

◆ Une surdité brusque idiopathique n’ est pas une urgence, mais un examen otologique doit être effectué dans les deux jours en cas de symptômes persistants.
◆ Une surdité brusque avec une perte auditive persistante sans rémis­sion spontanée est traitée en premier lieu avec de la cortisone à haute dose. Un extrait standardisé de Ginkgo biloba soutient la thérapie.
◆ Les acouphènes et/ou les vertiges qui accompagnent éventuellement la surdité brusque sont diagnostiqués et traités en même temps. Il en va de même pour les facteurs de stress et la comorbidité psychique.

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