Complications psychologiques liées au Covid-19

La pandémie de la Covid-19 a entrainé une augmentation de la prévalence des troubles psychiatriques dans le monde. Après la phase aigüe, en outre, certains individus souffrent du syndrome post-Covid-19 marqué par des symptômes neuropsychiatriques invalidants au quotidien. La peur liée à la Covid-19, au-delà du confinement, semble avoir participé à l’ apparition de ces complications. Le dépistage des troubles psychiatriques, la réduction de la peur et la promotion de l’ activité physique permettraient de lutter contre les complications psychologiques liées à la Covid-19.

The Covid-19 pandemic has led to an increase in the prevalence of psychiatric disorders worldwide. In addition, after the acute phase, some individuals suffer from post-Covid-19 syndrome marked by disabling neuropsychiatric symptoms on a daily basis. The fear associated with Covid-19, beyond the confinement, seems to have contributed to the development of these complications. Screening for psychiatric disorders, reducing fear, and promoting physical activity would help combat the psychological complications associated with Covid-19.
Key Words: Syndrome post-Covid-19 , Peur , Asthénie , Dépistage

Introduction

La maladie due au coronavirus-2019 (Covid-19) s’est rapidement propagée dans le monde et la pandémie qui en a découlé a constitué une grave menace pour la santé physique mais aussi, et de manière moins prévisible, la santé mentale. L’ infection per se (notamment via l’ entité nouvellement décrite de syndrome post-Covid-19 ou Covid long), mais aussi les mesures sanitaires restrictives qui en ont découlé (telles que le confinement et les différentes mesures de distanciation sociale), ont été à l’ origine de problématiques psychologiques et psychiatriques conséquentes.

Contexte épidémiologique

Plusieurs études relèvent la majoration de symptômes anxiodépressifs de faible intensité et du sommeil suite à la pandémie (1–4). Une méta-analyse se focalisant sur la phase précoce de la pandémie retrouve ainsi une prévalence des symptômes anxiodépressifs et des troubles du sommeil dans la population générale avoisinant les 30-40%, soit environ un tiers de la population. Ces pourcentages sont largement supérieurs – environ le double – que les taux de prévalence habituellement retrouvés dans la population générale hors périodes d’ épidémie ou de catastrophe naturelle (3).
D’ autre part, au-delà de ces symptômes, de nombreux troubles du comportement et signes de souffrance psychique ont vu leur prévalence augmenter et leur pronostic s’ aggraver dans le contexte de la pandémie. Les idées suicidaires, les tentatives de suicide et les actes autodommageables (notamment les automutilations) ont ainsi augmenté de façon alarmante (5, 6). Par exemple, une méta-analyse publiée en 2021, qui inclue des études localisées principalement en Asie, en Amérique du Nord et en Europe de l’ Ouest, a  rapporté un taux de suicide avoisinant les 5% dans la population générale du début de la pandémie jusqu’ à fin 2020 (6). Les symptômes obsessionnels compulsifs se sont aussi majorés, en particulier chez les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs liés à la contamination. De plus, de nombreux individus ont présenté de symptômes inauguraux de type obsessionnel-compulsif centrés sur la Covid-19 (7). On retrouve aussi dans la littérature scientifique une augmentation des décès liés aux abus de substances après le début de la Covid-19, de même qu’ une augmentation des troubles du comportement alimentaire (8, 9). Chez les personnes âgées atteintes de troubles neurocognitifs, une aggravation des symptômes psycho-comportementaux a aussi été constaté, en particulier pendant les périodes de confinement (10).

Les professionnels de la santé ont été particulièrement touché par les conséquences psychologiques de la pandémie de la Covid-19. Les infirmiers, médecins, et autres professionnels de santé, directement ou indirectement impactés par la crise sanitaire, ont présenté une augmentation de plusieurs troubles psychiatriques, notamment les troubles anxiodépressifs, le burnout (ou syndrome d’ épuisement professionnel), et l’ état de stress post-traumatique (ce dernier étant particulièrement présent pour le personnel des soins intensifs) (2, 11–15). On considère que le burnout au cours de la pandémie a ainsi touché plus de la moitié des soignants. Ce taux très important est bien supérieur aux taux habituels des études sur le burn-out chez les professionnels de santé hors contexte de pandémie, qui avoisinent normalement les 30% (14). De même, il existe une augmentation de la prévalence de l’ état de stress post-trauma-tique parmi les professionnels de santé en première ligne pendant la pandémie, avec une méta-analyse retrouvant un taux conséquent de plus de 13 % pendant la période de la pandémie s’ étalant jusqu’ à mars 2021 (12).

Mis à part les patients et les professionnels de santé, la Covid-19 a touché l’ équilibre psychique des proches et des familles des personnes atteintes, notamment celles qui ont effectué des séjours prolongés aux soins intensifs luttant pour leur survie. Des symptômes d’ état de stress post-traumatique ont été ainsi décrits chez des proches avec faible niveau d’ éducation développant de la méfiance face aux soins administrés dans un contexte médical aussi mouvant (16).

Syndrome Post-Covid-19

La Covid-19 peut générer, après la phase aigüe, des symptômes neuropsychiatriques persistants et pouvant être invalidants au quotidien. Cette association de symptômes neuropsychiatriques a été nommé « syndrome post-Covid-19 » ou encore « Covid long ». Il n’ y a pas encore de consensus clair quant aux critères diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques de cette entité. Les recommandations du NICE (National Institute for Health and Care Excellence) font référence au syndrome post-Covid-19 en cas de persistance de symptômes 12 semaines après le début de l’ infection, et ne pouvant pas être expliqués par un diagnostic alternatif (17). L’ Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a récemment proposé le qualificatif de «affection post-Covid-19 », qu’ elle définit comme une maladie qui survient chez les personnes qui ont des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, survenant habituellement dans les trois mois suivant l’infection, et avec des symptômes qui durent au moins deux mois. Bien que l’ entité Covid long est désormais reconnue comme un syndrome à part entier, les facteurs favorisants et la prise en charge de cette dernière restent encore peu connus (18).

Les principaux symptômes neuropsychiatriques fréquemment retrouvés dans le syndrome post-Covid-19 sont l’ asthénie, les troubles cognitifs, les troubles du sommeil et les symptômes anxiodépressifs (18–20). Une méta-analyse récente a cherché à quantifier plus précisément la prévalence de ces symptômes neuropsychiatriques post-Covid. En se basant sur les critères temporels du NICE, elle a distingué la période entre 3 et 6 mois et celle après 6 mois post-infection. La fatigue, les troubles cognitifs (notamment troubles de mémoire et de l’attention) et les troubles du sommeil étaient les symptômes du syndrome post-Covid-19 les plus présents, et étaient identifiés chez près d’un tiers des patients trois mois après le début de l’ infection. L’ étude relevait que ces symptômes persistaient et étaient encore plus fréquents à long terme (six mois ou plus après l’infection) qu’ à moyen terme (trois à six mois après l’ infection). A contrario, l’anosmie, la dysgueusie et les céphalées, qui sont des manifestations neurologiques courantes lors de la Covid-19, n’étaient pas des symptômes majeurs du syndrome post-Covid-19 (19). Par ailleurs, si les symptômes post-Covid-19 tels que la fatigue et les troubles cognitifs affectent à la fois les patients hospitalisés et non hospitalisés, il n’ est notamment pas encore clair jusqu’ à quel degré la gravité et la durée de l’ infection à son stade aigu sont corrélés à l’ apparition et/ou la sévérité du syndrome post-Covid-19 chez les survivants (18).

Enfin, plus généralement, la fatigue, qu’ elle soit ou non corrélée au syndrome post-Covid-19, est un symptôme récurrent dans le contexte de pandémie, avec un impact économique et social important (20–22). Ainsi, plus de 50 % des patients sortis des soins hospitaliers ont signalé des symptômes de fatigue au cours des deux premiers mois suivant la récupération, et 10% des patients qui n’ ont pas été hospitalisés ont signalé de la fatigue au cours du premier mois après leur guérison (22).

Peur liée au Covid-19

La peur du virus et de ses conséquences semble avoir directement impacté un nombre de personnes pendant la pandémie sanitaire (23). Une méta-analyse s’ est intéressée précisément à l’ association entre la peur de la Covid-19 et une variété de facteurs liés à la santé mentale. Plus précisément, l’ étude s’ est intéressée au lien potentiel entre la peur de la Covid-19 et la dépression, l’anxiété, le stress et les problèmes de sommeil. Il a été retrouvé une association modérée entre le degré de peur du Covid-19 chez un individu et les complications psychologiques qui en découlent. De plus, la peur de la Covid-19 a été associée avec le sexe féminin, la présence d’ un trouble anxieux et la préoccupation excessive par rapport à la santé physique (24).
Plusieurs questionnaires validés permettent d’ évaluer l’impact psychologique de la Covid-19. La FCV-19S (Fear of Covid-19 Scale) est un outil psychométrique permettant d’ estimer, à l’ aide de 7 items, la peur ressentie par le patient en lien à la pandémie de la Covid-19.

Il s’ agit d’ un hétéro-questionnaire simple et rapide (moins de 5  minutes) ayant montré sa fiabilité et sa validité dans l’ évaluation et la quantification du degré de peur du patient (25). Une autre échelle, la C19P-S (Covid-19 phobia scale), consiste en un auto-questionnaire comprenant 20 items et évaluant plus spécifiquement les manifestations de la phobie en lien à la Covid‐19. Il s’ agit d’ une échelle aux propriétés psychométriques robustes qui cible de façon spécifique quatre domaines dans lesquels peut se manifester la phobie de la Covid-19 : psychologique, somatique, économique et social (26). A l’ aide de ces outils, une évaluation plus systématique de la peur en lien à la Covid-19 pourrait permettre une meilleure prévention et prise en charge des complications psychologiques en lien à l’ infection (23, 25, 26).

Perspectives de prise en charge

Plus de deux ans après le début de la pandémie, le constat des complications psychologiques liées à la Covid-19 est éloquent. Après le choc de la première vague, mais aussi des seconde, troisième, et même quatrième vagues dans certains pays, l’ infection et les mesures sanitaires restrictives qui ont suivi ont épuisé les populations et augmenté la prévalence de nombreuses pathologies psychiatriques. Un des moyens qui semble avoir contribué à limiter cette augmentation est le recours à la télémédecine. En effet, l’ accent est de plus en plus mis dans la littérature scientifique sur l’ efficacité des nouvelles méthodes de prise en charge à distance, surtout lors des périodes de confinement ou l’ accès aux soins est fortement impacté. Ainsi donc, la mise en œuvre de la télémédecine a permis une meilleure continuité des soins pendant la pandémie de Covid-19 et a été très utile dans les situations d’urgence (27).

D’ autre part, la dédramatisation des risques par une explication claire et systématique de l’ infection et des mesures sanitaires pourrait permettre de diminuer la peur liée au Covid-19, et donc de diminuer le risque de développer les complications psychologiques qui en découlent (24). L’ activité physique et la pleine conscience ont aussi prouvé leur utilité comme moyens pour lutter contre les complications psychologiques liées à la Covid-19 (28, 29). Les études suggèrent qu’une activité physique plus élevée en cette période de pandémie est associée à un bien-être et à une qualité de vie supérieurs, ainsi qu’à une diminution des symptômes dépressifs et de l’ anxiété, et ce indépendamment de l’ âge. De plus, le sport permettrait d’ améliorer les défenses immunitaires pour lutter contre l’ infection. Ainsi donc, la promotion de l’ activité et de la pleine conscience par les politiques de santé publique apparait primordiale, surtout en période de confinement (28).

Chez les soignants, qui sont particulièrement exposés au risque d’ infection, la bonne utilisation des gestes barrières permettrait de réduire voire prévenir les conséquences psychologiques. Par ailleurs, un dépistage de l’ état de stress post-traumatique et du syndrome d’ épuisement professionnel dans cette population apparait tout spécialement indiqué (12, 14, 30, 31). En médecine de premier recours, l’ utilisation d’ outils psychométriques tels que le MBI (Maslach Burn Out Inventory) et le PCL-5 (Post-Traumatic Stress Disorder Checklist for DSM-5) peuvent aider à ce dépistage (32, 33). De façon plus générale, l’ usage des outils de dépistages des maladies psychiatriques en majoration depuis la pandémie est conseillé (34).

Enfin, les études ont montré que les interventions psychologiques avaient un bénéfice statistiquement significatif dans la gestion de la dépression et de l’anxiété pendant la pandémie. Des programmes s’appuyant sur une base psychothérapeutique éprouvée (telle que la thérapie cognitivo-comportementale) doivent être spécifiquement conçus pour lutter contre la peur de la Covid-19 et des symptômes anxiodépressifs associés (30, 31, 35).

Copyright Aerzteverlag medinfo­­

Dr M’ hiri Taher

Chemin de Champ-Dollon 20
1241 Puplinge

tmhi@hcuge.ch

Pr Panteleimon Giannakopoulos

Service des mesures institutionnelles

Direction médicale et qualité
Hôpitaux universitaires de Genève
Avenue Rosemont 12b
1208 Genève

panteleimon.giannakopoulos@hcuge.ch

Les auteurs déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ De nombreuses pathologies psychiatriques ont vu leur prévalence augmenter dans le contexte de la pandémie de la Covid-19.
◆ Une augmentation des taux de prévalence du burnout et de l’ état de stress post-traumatique a été retrouvée chez les professionnels de la santé suite à la pandémie.
◆ Les symptômes neuropsychiatriques retrouvés fréquemment dans le syndrome post-Covid-19 sont l’ asthénie, les troubles cognitifs, les
troubles du sommeil et les symptômes anxiodépressifs.
◆ Il a été retrouvé une association modérée entre le degré de peur du Covid-19 chez un individu et les complications psychologiques qui en découlent.
◆ La mise en œuvre de la télémédecine a permis une meilleure
continuité des soins pendant la pandémie de Covid-19.

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Le principe des quatre piliers du traitement moderne de l’ insuffisance cardiaque

Le traitement médicamenteux de l’ insuffisance cardiaque avec fonction systolique réduite (heart failure with reduced ejection fraction, HFrEF) a considérablement évolué au cours des dernières années. Désormais, chez tous les patients avec HFrEF, l’ objectif est d’ instaurer au plus vite un traitement de base dit des quatre piliers qui se compose d’un inhibiteur de l’ enzyme de conversion de l’ angiotensine (IECA), d’ un bêtabloquant, d’ un antagoniste du récepteur des minéralocorticoïdes (ARM) et d’ un inhibiteur du cotransporteur 2 du glucose sodique (SGLT2-I). Ce n’ est que par la suite que l’ on procède au titrage de ces piliers thérapeutiques et qu’ on remplace l’ IECA par l’inhibiteur du récepteur de l’ angiotensine et de la néprilysine (ARNI). En fonction de l’ effet de ces étapes de médication, des options médicamenteuses et non médicamenteuses supplémentaires seront à évaluer. L’ article présent aborde en particulier les aspects pratiques importants de la mise en œuvre des nouvelles directives thérapeutiques.

Drug therapy options for patients with heart failure with reduced ejection fraction (HFrEF) have increased substantially over the past years. The latest proposed therapy concept consists of a basic quadruple therapy including low doses of an angiotensin converting enzyme inhibitor (ACE-I), a betablocker, a mineralocorticoid receptor antagonist (MRA) and a sodium glucose co-transporter-2 inhibitor (SGLT2-I). Only after establishing all four therapy pillars, the drugs are up-titrated, and the ACE-I is changed to an angiotensin receptor neprilysin inhibitor (ARNI). Depending on the response to the quadruple therapy additional therapeutic options need to be considered. This article discusses practical aspects of implementing the new therapeutic guidelines.
Key Words: heart failure with reduced ejection fraction (HFrEF), quadruple therapy

Vignette clinique

Un homme de 48 ans, sans antécédents médicaux et sans médication préalable, se présente au cabinet médical en raison d’ une dyspnée d’ effort progressive depuis quelques semaines. Il a en outre constaté un œdème bilatéral des chevilles et une prise de poids de 3 kg en deux semaines. La tension artérielle mesurée au cabinet médical est à 152/86 mmHg, avec une fréquence cardiaque de 97/min. À l’ examen clinique, des œdèmes des chevilles sont confirmés des deux côtés, et un reflux hépato-jugulaire positif est observé. Des râles crépitants sont présents au niveau pulmonaire basal bilatéral. L’ auscultation cardiaque est sans particularité. L’ électrocardiogramme montre un rythme sinusal avec des troubles discrets de la repolarisation en V4-V6. Le laboratoire révèle une fonction rénale normale avec une créatinine de 96 µmol/l et un potassium normal de 4,1 mmol/l. Le NT-proBNP est élevé à 1075ng/l.

En raison d’ une forte suspicion d’ insuffisance cardiaque avec des signes de surcharge volémique, un traitement diurétique oral est débuté et le patient est adressé au cardiologue pour  une échocardio-graphie. Cet examen révèle une fraction d’ éjection du ventricule gauche (FEVG) massivement diminuée à 28 % avec une hypokinésie diffuse et le ventricule gauche dilaté. Il n’ y a pas de lésions valvulaires significatives.

Des causes spécifiques pour l’ insuffisance cardiaque sont ensuite exclues par des examens de laboratoire, une IRM cardiaque et une angio-CT coronarienne. Le patient nie l’ usage de toxines, les antécédents familiaux sont vierges en ce qui concerne des cardiomyopathies. Le diagnostic de cardiomyopathie dilatée d’ étiologie indéterminée est posé et un traitement doit maintenant être mis en place.

Introduction

Le traitement médicamenteux de l’ insuffisance cardiaque dépend de manière décisive de la fraction d’ éjection du ventricule gauche (FEVG), même si celle-ci n’est pas le paramètre optimal pour évaluer la fonction systolique du ventricule gauche.

Dans les nouvelles lignes directrices 2021 de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) sur l’ insuffisance cardiaque (1), des modifications mineures ont été apportées à la définition des trois phénotypes d’ insuffisance cardiaque précédents (fig. 1). Il convient de noter que des symptômes +/- signes cliniques sont toujours nécessaires pour établir le diagnostic d’ une insuffisance cardiaque. Désormais, les trois phénotypes sont définis comme suit:
1. insuffisance cardiaque avec FEVG réduite ≤40 % (Heart Failure with reduced Ejection Fraction, HFrEF).
2. insuffisance cardiaque avec FEVG légèrement réduite de 41 % à 49 % (Heart Failure with mildly reduced Ejection Fraction, HFmrEF).
3. insuffisance cardiaque avec fraction d’ éjection préservée de ≥50 % et des signes supplémentaires de cardiopathie structurelle et/ou des signes d’ une pression de remplissage augmentée, respectivement d’ une dysfonction diastolique de plus haut degré (Heart Failure with preserved Ejection Fraction (HFpEF).

Par conséquent, une échocardiographie est donc toujours nécessaire pour poser le diagnostic précis d’ une insuffisance cardiaque.
Pour le phénotype HFrEF, il existe de nombreux médicaments qui améliorent le pronostic, mais la thérapie des quatre piliers constitue désormais la base. C’ est elle qui est abordée dans cet article.

Des analyses post hoc d’ « études HFpEF » (incluant typiquement non seulement des patients avec une FEVG ≥50 %, mais aussi des patients avec une FEVG allant jusqu’ à 40 %) indiquent que les médicaments efficaces dans les HFrEF le sont également chez les patients avec HFmrEF.

Une première étude conclusive sur l’ HFpEF publiée récemment (2) a démontré un bénéfice pronostique d’ une thérapie avec l’ empagliflozine (inhibiteur du SGLT2) versus placebo. Le bénéfice était plus important en cas de FEVG « plus basse ». Comme cette étude a été publiée en même temps que les nouvelles directives, elle n’ a pas encore été prise en compte.

Principe du traitement de l’ HFrEF

Outre la mise en route d’ un traitement médicamenteux de l’ insuffisance cardiaque, il convient de rechercher et, si possible, de traiter les causes spécifiques de l’ insuffisance cardiaque, comme indiqué dans la vignette clinique (par ex. maladie coronarienne, tachycardie, valvulopathie, hémochromatose, hypothyroïdie, consommation excessive d’ alcool). De plus, une éducation optimale des patients en ce qui concerne la compréhension de la maladie et de la médication ainsi que les changements de comportement sont essentiels pour optimiser l’ observance et le pronostic. Jusqu’ à présent, le traitement médicamenteux de l’ HFrEF suivait un schéma par paliers (3), en utilisant un inhibiteur de l’ enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) (ou un antagoniste du récepteur de l’angiotensine (ARA) en cas d’ intolérance à l’ IECA) et un bêtabloquant. Les doses devaient être titrées si possible jusqu’ à la dose cible. Uniquement si la FEVG ≤35 % et la dyspnée NYHA ≥ II persistaient, on ajoutait comme palier suivant un antagoniste du récepteur aux minéralocorticoïdes (ARM), qui devait alors également être titré jusqu’à la dose cible.

Désormais, à la place de ce schéma clair par paliers, déjà dès le départ et indépendamment de la réponse à l’ IECA et/ou au bêtabloquant, un traitement de base comportant quatre piliers est recommandé. Un inhibiteur du co-transporteur 2 du glucose sodique (SGLT2-I) est inclus en plus des substances citées (IECA, bêtabloquant, ARM) (1). Dans des études à grande échelle contrôlées contre placebo, les deux SGLT2-I dapagliflozine (4) et empagliflozine (5) montraient un bénéfice significatif net sur le critère d’ évaluation combiné décès et hospitalisations pour cause d’ insuffisance cardiaque, ceci principalement en raison d’ une réduction des hospitalisations par rapport au placebo. Un bénéfice significatif pour la mortalité n’ a pu être observé, à proprement parler, que pour la dapagliflozine (4). Ces quatre piliers thérapeutiques – tous avec une recommandation thérapeutique de classe I – sont à administrer en parallèle et à de faibles doses le plus tôt possible à tous les patients HFrEF. Ce n’ est qu’ ensuite que les différents piliers sont titrés et que l’ IECA est remplacé, si possible, par l’ inhibiteur du récepteur de l’ angiotensine et de la neprilysine (ARNI) (fig. 2).

La question de savoir si l’ on ne peut pas aussi commencer directement par l’ ARNI fait souvent l’ objet de controverses. L’ utilisation de l’ ARNI après l’ établissement préalable d’ un IECA correspond à la procédure de l’ étude PARADIGM-HFS (6), qui a démontré le bénéfice de l’ ARNI par rapport à l’ IECA. Un début direct avec un traitement ARNI peut être envisagé chez les patients hospitalisés  : Il a été démontré que cette manière de pratiquer produit une réduction plus importante du NT-proBNP que l’ IECA et qu’ elle est sûre (7). Cette étude (PIONEER-HF) était cependant trop petite pour fournir des données significatives sur l’ outcome. Par conséquent et compte tenu des données, il est logique de classifier cette procédure comme une recommandation de classe IIb (« may be considered »). Néanmoins, contrairement aux directives européennes, les directives américaines sur l’ insuffisance cardiaque recommandent l’ ARNI comme traitement de première ligne (8).

En Suisse, il faut également tenir compte du fait qu’ il existe une limitation des assurances maladie de base pour le remboursement de l’ association de l’ ARNI avec un SGLT2-I chez les patients non diabétiques, jusqu’ à l’ automne 2022 au moins. D’ un point de vue médical, cette position est incompréhensible, car rien ne prouve que les inhibiteurs de SGLT-2 soient moins efficaces en cas de traitement de fond par l’ ARNI.

La nouvelle stratégie des quatre piliers repose sur l’ hypothèse disant qu’ il est important d’ inhiber le plus tôt possible les quatre voies physiopathologiques (« pathways »), même si les doses maximales ne devaient pas être atteintes pour toutes les substances (9, 10). Il est important de réaliser que les quatre piliers ne constituent non seulement un traitement des symptômes, mais aussi une thérapie qui améliore fortement le pronostic. Étant donné que l’ insuffisance cardiaque, aujourd’ hui encore, a un mauvais pronostic (parfois même pire que de nombreuses maladies tumorales), la mise en place entière du traitement de l’ insuffisance cardiaque est essentielle (11).

Si, après l’ établissement et le dosage optimal du traitement de base, la FEVG persiste à ≤35 % avec une symptomatologie NYHA ≥ II, d’ autres étapes thérapeutiques entrent en jeu. Il s’ agit notamment de thérapies « à l’ aide de dispositifs » (notamment la thérapie de resynchronisation (CRT) ainsi que les défibrillateurs (ICD)) et d’ autres options médicamenteuses pour le traitement de l’ insuffisance cardiaque jusqu’ à des dispositifs d’ assistance ventriculaire gauche et une transplantation cardiaque en cas d’ insuffisance cardiaque avancée (fig. 2). Si par contre, avec le traitement de base des quatre piliers, la FEVG s’ améliore à >35 % et que le patient ne présente plus de symptômes, il n’ y a aucune indication pour une extension du traitement. Toutefois, le traitement établi ne doit pas être réduit ou même arrêté (sauf en cas d’ effets secondaires). Cela entraînerait une nouvelle aggravation de l’ insuffisance cardiaque dans une proportion importante des patients (12).

La mise en place de la thérapie de base des quatre piliers dans la pratique quotidienne

Les lignes directrices n’ expliquent pas concrètement comment le traitement des quatre piliers doit être mis en place dans la pratique quotidienne. Les experts recommandent de commencer la thérapie avec tous les quatre piliers, et d’ arriver à leur titrage en l’ espace de 6 semaines (13). Cependant, dans la pratique, souvent cela ne peut pas être atteint si rapidement. Nous recommandons d’ administrer, dans la prise en charge ambulatoire, les quatre substances en l’ espace de 3 à 4 semaines au maximum, en commençant par un faible dosage, et d’ augmenter les doses par la suite. En milieu hospitalier, les quatre piliers devraient être établis à la sortie, au moins dans un dosage faible (fig. 2).

La séquence exacte de l’ instauration est également laissée en suspens dans les guidelines. Elle doit se faire en fonction des facteurs spécifiques au patient. Ci-après, quelques exemples de scénarios et les réflexions correspondantes concernant la mise en route du traitement :
1. Tension artérielle normale/haute au départ, fonction rénale et potassium normaux : cela favorise un début de traitement avec une dose déjà relativement élevée d’ un IECA en combinaison avec un ARM. Ensuite, un bêtabloquant à faible dose est administré. Le SGLT2-I peut y être combiné à tout moment.
2. Tension artérielle initialement basse et FEVG très limitée : ici on peut commencer le traitement par un IECA à très faible dose et un SGLT2-I, avant d’ajouter au fur et à mesure un bêtabloquant à très faible dose et l’ ARM.
3. Fonction rénale initialement nettement réduite et FEVG modérément réduite : cela favorise le début du traitement par un SGTL2-I (à condition que eGFR >20ml/min/1.73m2) et un bêtabloquant à faible dose. En fonction de l’ évolution de la fonction rénale et du potassium, un IECA à faible dose et, si possible enfin, un ARM sont ajoutés.

Le patient de la vignette clinique, avec les caractéristiques et les résultats décrits, correspond le mieux à l’ exemple du scénario 1. Par conséquent, son traitement a été initié par un IECA et un ARM pratiquement en même temps pour être complété dans les 10 à 14 jours sans problème avec un bêtabloquant à faible dose et un SGTL2-I.

Titration du traitement de base des quatre piliers et passage de l’ IECA à l’ ARNI dans la pratique quotidienne

Une fois les quatre piliers thérapeutiques introduits, trois d’ entre eux (l’ IECA, le bêtabloquant, l’ ARM) doivent être titrés jusqu’ aux doses cibles respectives ou à la dose maximale tolérée (fig. 3). Les deux médicaments SGLT2-I autorisés en Suisse, empagliflozine et dapagliflozine, sont administrés à une dose fixe de 10mg/d et ne sont pas à titrer. Mais seulement la dapagliflozine figure sur la liste des spécialités dans cette indication sans diabète sucré présent, (4, 5). L’ objectif est d’ ajuster la posologie de l’ IECA et de l’ ARM en surveillant la clinique, la créatinine et le potassium tous les 14 jours (14).

En milieu hospitalier avec de meilleures possibilités de surveillance, cela doit se faire plus rapidement. Il n’ est pas rare que le titrage de ces deux piliers thérapeutiques ne soit possible que de manière limitée. Les facteurs suivants y jouent un rôle important (14) :

1. L’ hypotension : elle survient surtout chez les patients sans hypertension préexistante et ne doit pas conduire d’ emblée à une réduction du traitement de l’ insuffisance cardiaque. Les valeurs tensionnelles hypotensives asymptomatiques peuvent être admises sans modification de la médication (sauf éventuellement réduction du dosage des diurétiques). En cas d’ hypotension symptomatique, les antihypertenseurs qui n’ apportent aucun bénéfice à l’ insuffisance cardiaque doivent être arrêtés en premier lieu (par ex. l’ amlodipine, les nitrates, les alpha-bloquants), et un éventuel traitement diurétique doit être limité au dosage minimal nécessaire au maintien d’ une normovolémie. Ce n’ est qu’ en cas d’ hypotension symptomatique persistante qu’ une réduction de la dose de l’ IECA/ARM est nécessaire, au moins temporairement. Chez les patients avec indication pour une CRT, un tel appareil doit être implanté précocement, car il peut conduire à une augmentation de la pression artérielle via l’ amélioration du débit cardiaque, et ainsi permettre une extension ultérieure du traitement.
2. L’ Insuffisance rénale : en principe, une augmentation de la créatinine en cas d’ amélioration clinique ne doit pas entraîner une réduction du traitement. Les directives recommandent de tolérer une augmentation de la créatinine de 50 % par rapport à la ligne de base ou jusqu’ à 266 µmol/l (ou eGFR 25 ml/min/1.73 m2) avant de modifier la dose d’ IECA, d’ ARA ou d’ ARNI (1). Si la créatinine est supérieure à 100% de la ligne de base ou à 310 µmol/l (ou eGFR <20 ml/min/1.73 m2), le traitement par IECA, ARA ou ARNI doit être arrêté (1). Il s’ agit-là seulement de valeurs indicatives et la procédure exacte dépend du setting correspondant. Dans tous les cas, le statut volumique doit être clarifié (soit hypovolémie, soit hypervolémie, toutes deux peuvent entraîner une détérioration de la fonction rénale), et d’ éventuels médicaments néphrotoxiques (p. ex. AINS) doivent être remplacés par d’ autres analgésiques.
3. L’ Hyperpotassémie : L’ ARM en particulier peut entraîner une hyperkaliémie importante (surtout en cas d’ insuffisance rénale concomitante). Une augmentation du potassium jusqu’ à 5.5 mmol/l peut être tolérée sous surveillance adéquate. En cas de valeurs de potassium de 5,5-6 mmol/l, il faut réduire la dose de l’ ARM, et si le potassium est >6 mmol/l, il faut l’ arrêter. Par ailleurs, d’ autres stratégies de réduction du potassium doivent également être évaluées. Il s’ agit notamment de remplacer l’ IECA par l’ ARNI (ce dernier entraîne une augmentation légèrement moins importante du potassium (15)), de donner en dose fixe un diurétique de l’ anse (une hypovolémie doit absolument être évitée) ou d’ utiliser de nouveaux chélateurs du potassium comme le patiromère (cave : limitation pour l’ indication) (16) afin de réduire le potassium sérique et permettre un traitement par IECA/ARM maximal.

L’ augmentation du dosage du bêtabloquant doit se faire avec prudence, en particulier chez les patients avec une FEVG sévèrement altérée, afin de minimiser notamment le potentiel effet inotrope négatif. Un doublement de la dose ne devrait pas se faire plus rapidement que toutes les 2 semaines, voire même plus. En principe, il est essentiel aussi pour le bêtabloquant de viser le dosage le plus élevé possible. L’ effet pronostique en cas d’ HFrEF est proportionnel à la réduction de la fréquence cardiaque ou inversement proportionnel à la fréquence cardiaque atteinte sous traitement, la fréquence cardiaque cible au repos étant <70/min. Un effet thérapeutique indépendant de la fréquence cardiaque est toutefois toujours présent. La dose ne doit être réduite que lors d’ apparition sous traitement bêtabloquant d’ une bradycardie symptomatique avec une fréquence cardiaque <50/min (ou un bloc AV de degré supérieur).

Après le titrage des piliers susmentionnés le passage précoce et si possible standard de l’ IECA à l’ ARNI s’ impose, s’ il existe encore au moins une symptomatologie NYHA II. Lors du passage d’ un IECA à l’ ARNI, une pause thérapeutique de 36 heures doit être observée en raison du risque d’ angio-œdème. Lors du passage d’ un ARA à l’ ARNI, cette pause thérapeutique n’ est pas nécessaire. Si un IECA a été toléré à au moins la moitié de la dose cible, on peut commencer par le sacubitril/valsartan 2x100mg/d et passer à 2x200mg après 2 semaines. Sinon, la dose de départ est de 2x50mg/d. La réduction de la pression artérielle sous sacubitril/valsartan peut être plus importante que sous IECA (6). Cependant, même chez les patients avec une pression artérielle relativement basse le changement de médicaments doit être effectué. La réduction absolue du risque de décès cardiovasculaire ou d’ hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans ce groupe de patients est particulièrement élevée si l’ ARNI est utilisé avec succès (17). Pourtant, l’ introduction doit se faire à très faible dose et de manière lente.

Chez le patient de la vignette clinique initiale, l’ ensemble du traitement des quatre piliers a pu être mis en œuvre jusqu’ aux doses cible et l’ IECA remplacé avec succès par l’ ARNI. La FEVG s’ est améliorée de manière substantielle. Elle a été évaluée à 40 % lors de l’ échocardiographie de suivi après 6 mois de traitement. Le patient ne présente plus de symptômes cardiaques. La poursuite du traitement sans réduction des doses est maintenant essentielle.

Dr méd. Marc Buser
Dr méd. Christian Gall
Dre méd. Eva Scheler
Pr Dr méd. Hans Rickli
Pr Dr méd. Micha T. Maeder
Clinique de Cardiologie, Hôpital Cantonal de St. Gall
Rorschacherstrasse 95, 9007 St. Gall
Correspondance : micha.maeder@kssg.ch

Article traduit de « der informierte arzt » 04-2022

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr méd. Marc Buser

Clinique de Cardiologie
Hôpital Cantonal de St. Gall
Rorschacherstrasse 95
9007 St. Gall

Pr Dr méd. Micha T. Maeder

Clinique de Cardiologie
Hôpital Cantonal de St. Gall
Rorschacherstrasse 95
9007 St. Gall

micha.maeder@kssg.ch

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêt en relation avec cet article.

◆ Le traitement médicamenteux moderne de l’ insuffisance cardiaque avec fonction systolique réduite (HFrEF) consiste en un traitement de base à quatre piliers, efficace sur le plan pronostique et symptomatique.
◆ Les quatre piliers thérapeutiques doivent d’ abord être établis en
parallèle à faible dose et ne seront titrés qu’ ensuite à la dose cible
respective. Ensuite, on passe de l’IECA à l’ARNI.
◆ Si la FEVG ≤35 % persiste sous traitement de base établi, avec une dyspnée NYHA ≥II, d’ autres options doivent être envisagées (thérapies à l’ aide de dispositifs, autres possibilités de traitement médicamenteux et non médicamenteux).

1. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Bohm M, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 2021;42(36):3599-726.
2. Anker SD, Butler J, Filippatos G, Ferreira JP, Bocchi E, Böhm M, Brunner-La Rocca H-P, et al. Empagliflozin in Heart Failure with a Preserved Ejection Fraction. N Engl J Med. 2021;385(16):1451-1461.
3. Ponikowski P, Voors AA, Anker SD, Bueno H, Cleland JGF, Coats AJS, et al. 2016 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: The Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC)Developed with the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. Eur Heart J. 2016;37(27):2129-200.
4. McMurray JJV, Solomon SD, Inzucchi SE, Kober L, Kosiborod MN, Martinez FA, et al. Dapagliflozin in Patients with Heart Failure and Reduced Ejection Fraction. N Engl J Med. 2019;381(21):1995-2008.
5. Packer M, Anker SD, Butler J, Filippatos G, Pocock SJ, Carson P, et al. Cardiovascular and Renal Outcomes with Empagliflozin in Heart Failure. N Engl J Med. 2020;383(15):1413-24.
6. McMurray JJ, Packer M, Desai AS, Gong J, Lefkowitz MP, Rizkala AR, et al. Angiotensin-neprilysin inhibition versus enalapril in heart failure. N Engl J Med. 2014;371(11):993-1004.
7. Velazquez EJ, Morrow DA, DeVore AD, Duffy CI, Ambrosy AP, McCague K, et al. Angiotensin-Neprilysin Inhibition in Acute Decompensated Heart Failure. N Engl J Med. 2019;380(6):539-48.
8. Maddox TM, Januzzi JL et al. 2021 Update to the 2017 ACC Expert Consensus Decision Pathway for Optimization of Heart Failure Treatment: Answers to 10
Pivotal Issues About Heart Failure With Reduced Ejection Fraction. JACC 2021:77; 772-810.
9. Lam CSP, Butler J. Victims of Success in Failure. Circulation. 2020;
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12. Halliday BP, Wassall R, Lota AS, Khalique Z, Gregson J, Newsome S, et al. Withdrawal of pharmacological treatment for heart failure in patients with recovered dilated cardiomyopathy (TRED-HF): an open-label, pilot, randomised trial. Lancet. 2019;393(10166):61-73.
13. Greene SJ, Butler J, Fonarow GC. Simultaneous or Rapid Sequence Initiation of Quadruple Medical Therapy for Heart Failure-Optimizing Therapy With the Need for Speed. JAMA Cardiol. 2021;6(7):743-4.
14. McDonagh TA, Metra M, Adamo M, Gardner RS, Baumbach A, Bohm M, et al. 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: supplementary data. Eur Heart J. 2021;00:1-42
15. Desai AS, Vardeny O, Claggett B, McMurray JJ, Packer M, Swedberg K, et al. Reduced Risk of Hyperkalemia During Treatment of Heart Failure With Mineralocorticoid Receptor Antagonists by Use of Sacubitril/Valsartan Compared With Enalapril: A Secondary Analysis of the PARADIGM-HF Trial. JAMA Cardiol. 2017;2(1):79-85.
16. Meyer P, Lu H, Hullin R. Patiromer and medication optimisation in heart failure with reduced ejection fraction: a Swiss perspective. Swiss Med Wkly. 2020;150:w20362
17. Bohm M, Young R, Jhund PS, Solomon SD, Gong J, Lefkowitz MP, et al. Systolic blood pressure, cardiovascular outcomes and efficacy and safety of sacubitril/valsartan (LCZ696) in patients with chronic heart failure and reduced ejection fraction: results from PARADIGM-HF. Eur Heart J. 2017;38(15):1132-43.

Prévention de la iatrogénie par mesure de la charge anticholinergique

Les médicaments à activité anticholinergique sont utilisés chez le patient âgé dans un large éventail d’ indications et sont associés à une palette d’ événements indésirables centraux et périphériques. L’ estimation de la charge anticholinergique sur la base d’ échelles permet d’ identifier les patients à risque et proposer des interventions sur la (dé)-prescription. Bien que toutes les échelles soient de qualité variable, leur utilisation dans la révison médicamenteuse est indispensable en prévention de la iatrogénie.

Drugs with anticholinergic activity are used in the older population in a wide range of indications and are associated with a variety of central and peripheral adverse events. Estimation of anticholinergic load on the basis of scales allows the identification of patients at risk and proposes interventions on (de)-prescription. Although all scales are of variable quality, their use in medication review is essential in preventing iatrogenicity.
Key Words: anticholinergic burden scale, adverse drug event, geriatric population, medication review

Les médicaments à activité anticholinergique : à risque chez le patient âgé

Les médicaments dits « à activité anticholinergique » comprennent des médicaments utilisés intentionnellement pour leur action anticholinergique (anti-ACh), comme l’ atropine, et d’ autres qui ne sont pas catégorisés comme des anti-ACh, tels les antihistaminiques, les antipsychotiques et certains antidépresseurs (tab. 1). D’ un point de vue pharmacologique, les médicaments anti-Ach sont des antagonistes muscariniques dont il existe cinq sous-types de récepteurs (1). Les récepteurs M2 et M3 se situent davantage dans la périphérie, comme le cœur et la vessie, et les récepteurs M1, M4 et M5 se retrouvent principalement dans le cerveau, où ils jouent un rôle crucial dans les fonctions cognitives et la mémoire (2).

Alors que les patients âgés sont largement exposés aux médicaments à activité anti-ACh, ceux-ci sont particulièrement susceptibles de subir leurs effets indésirables, notamment en raison de la diminution des fonctions rénales et hépatiques, d’ une augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (BHE) et d’ une hypersensibilité anticholinergique qui accroît leur vulnérabilité (3-4). Les effets indésirables peuvent être périphériques (sécheresse buccale, atonie intestinale, rétention urinaire) et centraux (confusion, troubles de la mémoire, vertiges, chutes, insomnie) selon la capacité du médicament à passer la BHE (5). Une claire association entre ces médicaments et le délirium, les chutes, les troubles cognitifs et une mortalité accrue a été démontrée chez des patients âgés de 65 ans et plus (6-7). A noter que les résidents des maisons de retraite consomment beaucoup plus de médicaments anticholinergiques que les personnes âgées vivant à domicile et que la prescription augmente avec l’ admission à l’ hôpital (8-11).

Les différentes facettes de la mesure de l’ activité anticholinergique des médicaments

La quantification de l’ activité anticholinergique d’ un médicament peut être déterminée par plusieurs approches, dont la détermination in silico de la relation structure-activité sur les différents sous-types de récepteurs muscariniques, les analyses de liaisons aux récepteurs, tel que le SAA (serum radioreceptor anticholinergic activity assay) sur des échantillons de sang de patients, ou sur la base de la surveillance in vivo des effets indésirables induits par des médicaments anti-ACh (1). A l’heure actuelle 19 échelles de charge anticholinergique établies par des consensus d’ experts et basées sur ces différentes sources d’ information ont été développées au cours des dernières décennies pour guider la (dé)-prescription chez le patient âgé (12). Ces échelles attribuent généralement un score de 1 à 3 pour une faible et forte activité anticholinergique, respectivement, sur la base d’ une seule ou en combinant différentes approches de mesure, ce qui se traduit par une concordance faible à moyenne entre les différents échelles (corrélation de 0,60 à 0,82) (12). Une récente revue systématique a relevé des différences marquées dans la qualité de ces échelles, notamment en ce qui concerne la dose/concentration nécessaire à l’ effet antagoniste, le type de sous-récepteur le plus affecté, les aspects de lipophilie, de perméabilité de la BHE et la capacité à être transporté hors du cerveau par les pompes d’ efflux (PgP), qui ne sont pas systématiquement pris en considération (13). Parmi les 19 échelles évaluées, l’ échelle ACB (anticholinergic cognitive burden) (14) et le GABS (German anticholinergic burden scale) (15) ont atteint la meilleure évaluation globale, définie par la rigueur dans le développement de l’ échelle, la clarté de présentation et l’ applicabilité en clinique.

Bénéfice clinique des échelles de mesure de l’ activité anticholinergique des médicaments

La plupart des 19 échelles ont été validées en termes d’ efficacité clinique, en particulier pour la prédiction du risque de délirium, sur la cognition, les chutes et la mortalité (13). Globalement, les résultats indiquent une association positive, avec des évidences parfois contradictoires entre études, probablement en raison de leur qualité variable, de la grande hétérogénéité des populations étudiées et du design sous-optimal de la majorité d’ entre elles pour la détection des effets indésirables médicamenteux (13). Une seule méta-analyse évaluant l’ association entre la charge anticholinergique déterminée par les échelles ACB et ARS (Anticholinergic Risk Scale) et la mortalité toutes causes confondues a indiqué une tendance à une association positive malgré une hétérogénéité significative des études (16).
Les études récentes conduites dans diverses populations de patients indiquent qu’ un score cumulatif de 3 points et plus de charge anticholinergique mesuré avec n’ importe quelle échelle est l’ élément déterminant du risque de délirum, d’ une augmentation de la mortalité hospitalière et de la durée des séjours hospitaliers (17-19). Une étude de cohorte comparant la capacité prédictive de 19 échelles sur la mortalité et de la durée d’ hospitalisation indique qu’ une charge anticholinergique élevée à l’ admission (score≥3) était associée à une augmentation de 1,32 à 3,03 fois de la mortalité hospitalière par rapport une charge nulle ou faible (20). Parmi les 19 échelles étudiées, l’ Anticholinergic Toxicity Scale (ATS) (21) a montré l’ association la plus forte. Cette échelle a l’ avantage de mesurer l’ activité inhibitrice pour chaque sous-type de récepteur muscarinique et permet par conséquent une prédiction plus ciblée des effets indésirables (13).

Réduction du fardeau anticholinergique en prévention de iatrogénie

Le « fardeau anticholinergique » est défini comme l’ effet cumulatif de la prise d’ un ou de plusieurs médicaments susceptibles d’ induire des effets indésirables de l’ ACh (22). La première étape du calcul de la charge en ACh consiste à identifier tous les médicaments à activité anti-ACh, puis à additionner le score de chaque substance (fig. 1). Le score obtenu permet d’ identifier les patients présentant un risque élevé d’ effets indésirables. A noter toutefois que les échelles se basent sur une simple addition du score 1, 2 ou 3 de chaque médicament pour établir le fardeau anticholinergique global chez un patient polymédiqué sans qu’ aucun élément ne permette de déterminer si l’ effet anticholinergique cumulé peut se traduire par une simple addition des scores, comme c’ est généralement proposé.

En pratique clinique, nous recommanderions l’utilisation des échelles récentes comportant un plus large panel de médicament lors de toute révision médicamenteuse chez le patient âgé (13). Des articles de revue proposant des listes de médicaments avec leur score anti-ACh tirés de toutes les échelles, et des calculateurs (http://www.acbcalc.com/; https://medichec.com/; https://www.anticholinergicscales.es/) sont des sources d’information utiles et pratiques (5, 23-24). A l’ hôpital et dans les établissements de soins, l’ élaboration par une équipe interprofessionnelle de médecins, pharmacien.nes et infirmier.ères d’ une liste personnalisée de médicaments avec leur score anticholinergique offrant des conseils clairs sur les alternatives possibles aurait un impact positif sur la diminution du risque iatrogène lié aux effets sur le système cholinergique. L’ arrêt des médicaments ayant des propriétés anticholinergiques élevée à l’ admission pourrait être une intervention ciblée pour réduire la mortalité hospitalière et la durée de séjour (20).

Lors de la révision médicamenteuse, une attention particulière doit être portée sur les médicaments à haute activité anti-Ach (niveau 3)
ou si le cumul des médicaments conduit à une charge anticholinergique de 3 et plus. Les anti-ACh de niveau 3 sont à éviter dans la mesure du possible au profit de médicaments avec moins d’ effet anticholinergique ou être prescrit à la plus faible dose efficace et pour une courte durée, bien que l’ efficacité cette intervention n’ ait pas été formellement établie. Au sein d’ une même classe, des différences de tolérance important existent entre substances d’ un point de vue de leur tropisme vers le cerveau dépendant de leur lipophilie et de leur capacité à se fixer à la PgP. Les anti-ACh de niveau 2 doivent être prescrits avec prudence et nécessitent une évaluation des autres facteurs de risque du patient (troubles de la marche, insuffisance rénale, cognition, continence). Le risque des molécules de niveau 1 est plus faible mais devient élevé en présence d’ un cumul de substances à activité anti-ACh. En présence de symptômes susceptible d’ être mise en lien avec un effet anti-ACh potentiel, une révision médicamenteuse doit alors rechercher la prescription d’ une molécule à effet anti-ACh. Il convient de mentionner que les effets indésirables délétères sur le SNC dans la population vieillissante ne sont pas uniquement liés à la charge de l’ ACh, mais sont probablement multifactoriels. L’ ACh est l’ une des composantes à prendre en compte lors de l’ évaluation du risque d’ effets médicamenteux liés au SNC.

Conclusion

Bien qu’ aucune des échelles n’ apportent l’ ensemble des éléments nécessaires à l’ identification du risque lié à une charge anticholinergique élevée, ces échelles restent des outils simples, rapides et utiles pour mesurer le fardeau anticholinergique. Sa détermination par L’estimation de la charge anti-ACh est indispensable lors de la révision des traitements en raison des nombreux effets indésirables et la morbi-mortalité qui lui est associée.

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Pre Chantal Csajka

Centre de Recherche et d’ Innovation en Sciences Pharmaceutiques
Cliniques
Centre Hospitalier Universitaire et Université de Lausanne
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne

Chantal.Csajka@chuv.ch

Angela Lisibach, PhD

pharmacienne diplômée
Service de Pharmacie, Département des Services Médicaux
Hôpital Cantonal de Baden
Im Ergel 1
5404 Baden

angela.lisibach@ksb.ch

Monika Lutters, PhD

pharmacienne-cheffe
Service de Pharmacie, Département des Services Médicaux
Hôpital Cantonal de Aarau
Tellstrasse 25
5001 Aarau

monika.lutters@ksa.ch

Les auteures déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Il existe environ 19 échelles de mesure reconnues comme les seuls outils cliniquement utiles pour mesurer la charge anti-Ach au niveau central.
◆ Malgré certaines limitations, leur utilisation pour déterminer la charge anti-ACh cumulée de l’ensemble du traitement d’un patient est bénéfique dans la prévention de la iatrogénie, en particulier du délirium, des chutes, des troubles cognitifs et dans la diminution de la mortalité.
◆ Un score de charge anticholinergique cumulé de 3 points et plus est considéré comme élevé et doit être réduit en substituant des médicaments ayant une activité anti-ACh moindre.
◆ La détermination de la charge anti-ACh est recommandée en amont de toute prescription, lors d’une démarche de révision des traitements ou lors de la survenue d’un effet indésirable pouvant être expliqué par un effet anti-ACh comme, par exemple, une confusion, un trouble cognitif, une rétention urinaire, une chute.

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Hypomagnésémie pour le praticien

L’ hypomagnésémie est fréquente chez les patients ambulatoires et hospitalisés. Chez certains patients à risque, elle entraîne d’ importantes atteintes cérébrales, cardiovasculaires et biologiques. Une anamnèse détaillée et complétée par des examens de laboratoire simples permet d’ établir dans la plupart des cas un diagnostic. Le but de cet article est de proposer une approche pratique du diagnostic et de la prise en charge des carences en magnésium.

Hypomagnesemia is common in ambulatory and hospitalized patients. In some at-risk patients, it leads to significant cerebral, cardiovascular and biological damage. A detailed history, together with simple laboratory tests, allows a diagnosis to be made in most cases. The aim of this article is to propose a practical approach to the diagnosis and management of magnesium deficiency.
Key Words: Hypomagnesemia, TRPM6 and TRPM7 transporters

Le magnésium (Mg) est le second cation intracellulaire le plus abondant après le potassium (K). Le Mg joue un rôle central dans de nombreuses voies de signalisation intracellulaire et extracellulaire. Il participe aux réactions enzymatiques, à la conduction nerveuse, à l’excitabilité neuromusculaire et à la réponse immunitaire (1). L’ hypomagnésémie est très fréquente. On la retrouve chez environ 14% de la population en général et jusqu’à 8% des patients hospitalisés (2, 3).

Homéostasie du magnésium (Fig 1)

L’ organisme contient environ 25g de magnésium, majoritairement en intracellulaire. Son stockage se fait entre 50-60 % dans le tissu osseux, entre 25-30 % dans les cellules musculaires, entre 20-25 % dans les autres tissus, et 1 % dans le milieu extracellulaire (4). Le Mg sérique représente 0.3 % du Mg total avec une infime partie du Mg libre participant aux activités cellulaires. Il existe sous trois formes : libre et ionisé constituant la forme active (55 % à 70 %), une forme liée aux protéines (30 %) et une petite partie (5 % à 15 %) sous forme complexe  liée au phosphate, bicarbonate, citrate ou sulfate (5). La concentration plasmatique du Mg se situe entre 0.7 et 1.1 mmol/l (4).

Un adulte ingère entre 360mg et 420mg de Mg par jour. L’ absorption d’ environ 120mg de Mg se fait majoritairement au niveau de l’ intestin grêle distal, de manière passive par le passage paracellulaire, ou active par le passage transcellulaire via certains transporteurs comme le TRPM6 et le TRPM7 (4).

La régulation du Mg se fait au niveau rénal avec une magnésurie entre 4 à 5 mmol / 24h. Chaque jour le rein filtre jusqu’ à 2,4 g de Mg avec une excrétion de 5 % dans les urines et une réabsorption par le néphron de 95 % de la quantité de Mg restante. Au niveau du tube contourné proximal, 15 à 20 % du Mg sont réabsorbés. La majorité de l’ absorption, soit 65 à 75 %, se fait au niveau de la branche ascendante de l’ anse de Henlé où le transport paracellulaire est favorisé par le gradient électrique transépithélial. Les jonctions intercellulaires composées des protéines de la famille Claudin (16 et 19) jouent un rôle déterminant dans le transfert du Mg. Au niveau du tube contourné distal la fraction d’ excrétion du magnésium (FeMg) final est définie. La réabsorption de 5 % à 10 % de la totalité du Mg se fait par voie active transcellulaire (transporteur TRPM6) au niveau du pôle apical cellulaire. Le mécanisme de transport semble peu clair à travers la face basolatéral de la cellule. Il dépend de la cycline M2 et d’ une pompe Na-K-ATPase sensible à la concentration en Mg (4, 5).

Symptômes et complications

Les symptômes d’ une hypomagnésémie sont aspécifiques et variés (Tableau 1). En cas d’ hypomagnésémie modérée, le patient peut présenter une fatigue, une irritabilité, une agitation ou une dépression. En cas d’ hypomagnésémie sévère, des troubles rythmiques, des crises convulsives ou des troubles de la personnalité peuvent survenir. Les complications sont surtout biologiques, avec une hypocalcémie suite à l’ inhibition de la sécrétion de la parathormone et une hypokaliémie réfractaire à la supplémentation potassique. Une chondrocalcinose peut se développer par accumulation de pyrophosphate inorganique (6).

Étiologie

Les causes d’ une hypomagnésémie sont en général classées en origine rénale et extrarénale. Les principales étiologies sont énumérées dans le Tableau 2.

Diminution des apports

Les apports nécessaires journaliers sont de 360 mg pour une femme et 420 mg pour un homme.

Selon le bulletin nutritionnel Suisse de 2021, la majorité de la population de plus de 18 ans n’ atteint pas les apports journaliers recommandés. Chez les personnes de plus de 65 ans les apports sont environ 15% inférieurs à la moyenne de référence (7).

Le régime alimentaire moderne avec diminution de la consommation des oléagineux et des céréales complètes contribue à la diminution des apports (8). La consommation d’ alcool participe à une carence en Mg par malnutrition.

Pertes digestives

Les pathologies induisant une malabsorption ou une augmentation des pertes digestives entraînent une carence en magnésium.

Causes iatrogéniques

Dans une méta-analyse sortie en 2019 avec 16 études observationnelles regroupant 130 000 patients ambulatoires et hospitalisés, une hypomagnésémie a été retrouvée chez 19,4 % des utilisateurs d’ inhibiteur de la pompe à proton (IPP) contre 13.5% des personnes sans IPP. Un lien entre la dose d’ IPP et la survenue d’ une hypomagnésémie a également été mis en évidence (9).

Parmi les autres médicaments, on retrouve les diurétiques, les inhibiteurs de la calcineurine, les dérivés du platine, les antibiotiques et le cétuximab (10).

Shift et séquestration cellulaire

Un transfert intracellulaire du Mg peut survenir en présence d’ un syndrome de renutrition inappropriée. Lors d’ une acidose métabolique un transfert intracellulaire peut avoir lieu. Une pancréatite aiguë cause une hypomagnésémie par saponification au niveau des tissus graisseux nécrotiques. D’ autres pathologies plus rares existent comme le « Hungry bone syndrome » visible à la suite d’ une parathyroïdectomie par augmentation de l’ absorption cellulaire du Mg au niveau osseux. Lors des grossesses on observe un passage transplacentaire du Mg (11).

Pertes rénales

L’ hyperglycémie, les nécroses tubulaires aiguës, et les réhydratations intensives causent une hyperfiltration rénale du Mg. La réabsorption rénale du Mg est compromise lors de lésions directes tubulaires, comme dans le cas du syndrome de Fanconi ou dans les toxicités médicamenteuses (12). Les anomalies héréditaires à l’ origine des pertes en Mg sont nombreuses. Les principales sont l’ hypomagnésémie familiale avec hypercalciurie et néphrocalcinose, le syndrome de Bartter (V types) et le syndrome de Gitelman (13). Une mutation du gène codant pour la protéine TRPM6, présente au niveau du colon et du tube contourné distal, se manifeste par une profonde hypomagnésémie dès le plus jeune âge (hypomagnésémie avec hypocalcémie secondaire) (14).

Détermination d’ une hypomagnésémie

La mesure du Mg sérique est simple et peu coûteuse. Une hypomagnésémie est définie par un taux de Mg sérique inférieur à
0.65 mmol/l. Elle est sévère à partir d’ un Mg inférieur à 0.5 mmol/l. Le Mg sérique ne reflète que 1% de la totalité des réserves en Mg. Les réserves intracellulaires en Mg n’ étant pas prises en compte dans l’ estimation du Mg sérique, il peut exister une hypomagnésémie en dépit d’ une magnésémie normale. La magnésémie varie également en fonction des stocks en albumine (15).

Le dosage du Mg intraérythrocytaire pourrait être une valeur plus précise du statut en Mg mais son utilité clinique n’ a jamais été prouvée. Les études faites sur le sujet ont très peu évalué les valeurs du Mg intraérythrocytaire après une substitution ou une déplétion au long cours. De plus le dosage du Mg intraérythrocytaire n’ évalue pas le stock du Mg intramusculaire remettant en question l’ idée d’ un outil plus précis (16).

En cas de doute, une évaluation concomitante du Mg urinaire et sérique permet de confirmer ou d’ infirmer la perte rénale. L’ analyse se fait sur des urines fraîches en calculant la fraction d’ excrétion du magnésium selon la formule ci-après.

Formule de la fraction d’ excrétion en Mg

FeMg = Mg(U) x Cr (S) / (Mg (S) x 0.7 x Cr (U)) x 100
La concentration du Mg est multipliée par 0.7 en raison de sa concentration sous forme libre dans le plasma (70 %) et donc filtrée par le rein.

FeMg : Fraction d’ excrétion du magnésium
U = urinaire , Cr = créatinine , S = sérique.

Selon une analyse de 74 patients avec une hypomagnésémie par perte rénale, la fraction d’ excrétion médiane du Mg était de 15 % (intervalle entre 4-48 %) (17). Ainsi, la plupart des auteurs définissent une perte rénale en magnésium dans le cas de FeMg supérieur à 4 % et une perte extrarénale en cas de FeMg inférieure à 2 % avec une zone grise se situant entre 2 % et 4 %.

Une récolte urinaire sur 24h est également possible mais rarement utilisée. Une excrétion de plus de 2 mmol/24h oriente vers une fuite rénale en Mg.

La méthode la plus précise pour évaluer le statut global en Mg consiste à recourir à un test de charge en perfusant du Mg et à mesurer la concentration en magnésium sur des urines de 24h. Le taux de Mg retenu par l’ organisme augmente en cas de déplétion (18). Cette méthode reste toutefois coûteuse, longue et réservée à la recherche scientifique.

Afin de mieux identifier quelle partie du tubule rénal est en cause dans la perte de Mg, le ratio calcium-créatinine (mmol/mmol) peut être demandé. Cela permet de différencier par exemple le syndrome de Bartter (ratio supérieur à 0.2) du syndrome de Gitelman (ratio inférieur à 0.2) (19) (Fig 2).

Traitement

La base du traitement dépend de la sévérité des symptômes. La première étape consiste à corriger les causes sous-jacentes. Lors d’ hyperaldostéronisme secondaire, l’ ajout d’ un épargneur potassique favorise la réabsorption du magnésium au niveau du tubule distal et du canal collecteur et diminue le risque de torsade de pointe (20).

Pour les symptômes légers à modérés, une substitution orale suffit. Il existe plusieurs préparations à base de Mg avec une charge en magnésium pouvant varier de 5 % à 60 % et une biodisponibilité variant de 4 à 12 % selon les préparations (21). Dans le commerce, on retrouve les sels organiques de Mg (gluconate, aspartate, citrate, carbonate) qui sont mieux tolérés et assimilés que les sels inorganiques (sulfate, chlorure) (21). En l’ absence de recommandations claires pour la substitution orale en magnésium, un traitement de 12 à 15 mmol/j en 2 à 3 fois par jour peut être proposé (22). Les effets indésirables cliniques sont un inconfort abdominal avec nausée et vomissement ainsi que des diarrhées. Cela peut limiter la prise du traitement oral et justifier une substitution par voie intraveineuse. Les indications d’ un traitement intraveineux sont : une hypomagnésémie sévère symptomatique (Mg<0.5 mmol/l), des diarrhées persistantes, une intolérance au traitement oral ou des troubles électrolytiques réfractaires à une substitution orale. La forme la plus utilisée est le sulfate de magnésium (MgSO4). Une dose de 1g de MgSO4 contient environ 4 mmol de Mg induisant une augmentation de la magnésémie d’ environ 0.15 mmol/l. Le (MgSO4) existe sous différentes concentrations de 10 %, 20 % ou 50 % à diluer avec du NaCl 0.9 % ou du glucose 5 % (23).

En cas d’ urgence vitale (torsade de pointes, pré-éclampsie), un bolus de 2g à 4g à diluer avec du NaCl ou du G5 est administré, suivi d’ un traitement de maintenance entre 1 à 3g/h. Dans les autres cas nécessitant une substitution intraveineuse, un consensus existe sur l’ administration de 1g à 2g de MgSO4 en bolus sur 1h, suivie de l’ administration de 4g à 8g sur 12-24h (24). Un suivi selon la sévérité de l’ hypomagnésémie se fera jusqu’ à normalisation des valeurs au laboratoire.

Doit-on toujours explorer et substituer une hypomagnésémie?

Depuis plusieurs années on utilise le Mg pour des cures énergisantes, pour les crampes musculaires, pour le stress. Dans la population jeune et en bonne santé, le rein va s’ adapter et diminuer l’ excrétion du magnésium urinaire. Un dosage et un traitement per os n’ est donc pas utile. Le dosage du Mg doit faire partie du bilan chez les patients souffrant de pathologie ou sous traitement susceptible de générer une carence.
Une anamnèse détaillée associée à un bilan biologique simple permet de retrouver la cause d’ une carence en Mg. Les patients avec une hypomagnésémie doivent bénéficier d’ une supplémentation prudente afin d’ éviter les effets indésirables limitant la compliance thérapeutique.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dre Rizk Karen

Cheffe de clinique adjointe
Service de gériatrie
Hôpital Fribourgeois
Site de Riaz
Rue de l’ Hôpital 9
1632 Riaz

karen.rizk@h-fr.ch

Dr André Laszlo

Médecin-chef
Service de la gériatrie aiguë et réadaptation gériatrique
HFR-Riaz
Case postale 70
1632 Riaz

Dr Hoa Phong Pham Huu Thien

FMH en Médecine Interne
CAS en recherche clinique, MSc in EBHC,
Oxford, Médecin-chef de site – Clinique de Médecine interne, HFR Riaz

hoaphong.phamhuuthien@h-fr.ch

Les auteurs déclarent n’  avoir aucun conflit d’  intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’ hypomagnésémie doit être suspectée chez les patients avec un défaut d’ apport, des troubles digestifs et rénales, un traitement à risque ou en cas de manifestation clinique et biologique.
◆ Une anamnèse détaillée associée à des examens de laboratoires
simples permet de retrouver l’ origine de l’ hypomagnésémie. En cas
de doute, les analyses urinaires permettent de différencier une origine rénale d’ une origine extrarénale.
◆ La substitution en Mg varie en fonction de la sévérité des symptômes. Avant toute substitution, la correction de l’ étiologie sous-jacente doit être faite.

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La santé bucco-dentaire chez les personnes âgées

L’ augmentation continue du nombre de personnes âgées, en particulier des plus de 80 ans, pose de gros problèmes sociaux, économiques et bien sûr médicaux à notre société. Le vieillissement augmente le risque de multimorbidité et, par conséquent, de polypharmacie. L’ évolution des maladies chroniques passe au premier plan. Des limitations fonctionnelles apparaissent et la gestion du quotidien est entravée, ce qui entraîne un besoin d’ aide ainsi que de soins ambulatoires et éventuellement stationnaires, surtout à un âge avancé (1). Pour des raisons de coûts, les responsables politiques visent à réduire le nombre de places de soins stationnaires et à privilégier les soins ambulatoires (2). Mais on tient également compte du fait que la génération actuelle de seniors révolutionne la vie des personnes âgées et crée de toutes nouvelles formes de vie autodéterminées (3). Cette évolution a également des répercussions importantes sur la santé bucco-dentaire des personnes âgées.

The steadily growing number of older people, especially those over 80 years of age, confronts our society with major social, economic and, of course, medical challenges. Ageing increases the risk of multimorbidity and consequently also of polypharmacy. Chronic courses of disease come to the fore. Functional limitations occur and the ability to cope with everyday life is impaired; the need for outpatient and possibly also inpatient assistance and care is the consequence, especially in old age (1). Politicians, on the other hand, are striving to reduce the number of inpatient care places for cost reasons and prefer outpatient care (2). However, this also takes into account the fact that today’s senior generation is revolutionising life in old age and creating completely new self-determined ways of living (3). This development also has significant implications for oral health in old age.
Key Words: Oral health, elderly people


Le succès de la prévention orale au cours des décennies précédentes a permis aux personnes de vivre de plus en plus longtemps avec de plus en plus de dents originales. À cela s’ ajoutent les implants oraux, permettant de remplacer les dents perdues. De plus, l’ énorme développement des possibilités techniques a fait que les gens vieillissent avec des prothèses dentaires de plus en plus complexes, de plus en plus fixes et de moins en moins amovibles (4). D’ un autre côté, la perte de dents, les caries, les gingivites, les parodontites et d’ autres infections buccales ainsi que les précancéroses et les malignités buccales restent très prévalentes avec l’ âge. À cela s’ ajoute, chez les personnes âgées, une hyposalivation fréquente, principalement due aux médicaments, avec des conséquences souvent fatales pour les tissus durs et mous de la bouche, qui se développent très rapidement. Les maladies buccales font donc souvent partie de la multimorbidité chez les personnes âgées et peuvent affecter l’ état de santé général ou interagir avec des maladies systémiques (5, 6). Un exemple typique est le diabète sucré de type II, qui peut d’une part accélérer la progression de la parodontite. D’ autre part, la parodontite peut compromettre l’ équilibre du diabète (7).

Il en ressort clairement que les personnes vieillissantes ont un besoin croissant de soins dentaires préventifs, diagnostiques et curatifs (8). Alors que le recours aux prestations médicales avec l’ âge est principalement déterminé par le nombre de maladies concomitantes augmentant en fréquence, le nombre et la fréquence des consultations régulières diminue continuellement dès la fin de la cinquième décade de vie (9). On peut supposer que les défis croissants que l’ âge peut entraîner rendent la prévention bucco-dentaire moins urgente pour les personnes, bien que celles-ci soient conscientes de son importance et qu’ elles en aient bénéficié au cours des décennies précédentes. Une inspection régulière de la cavité buccale par le médecin généraliste ou le spécialiste, que les personnes âgées consultent fréquemment, serait donc fortement recommandée. Celle-ci est particulièrement indiquée lorsque l’ anamnèse du dernier contrôle dentaire remonte à plus d’un an. Pour évaluer efficacement la nécessité d’une consultation dentaire, les médecins et le personnel soignant disposent d’instruments de dépistage appropriés et bien validés, tels que le DENTAL (10) (tableau 1) ou le Revised Oral Assessment Guide ROAG (11) (tableau 2).

Une collaboration interdisciplinaire plus étroite entre les médecins et les dentistes serait également très utile dans la mesure où les deux parties s’ informeraient plus rapidement sur de nouveaux diagnostics. Du point de vue de la médecine dentaire, la connaissance immédiate du diagnostic de démence est par exemple d’ une importance capitale, car elle a des implications fondamentales pour la prévention orale, le traitement et le suivi à long terme (voir fiche d’ information, disponible dans la version en ligne de l’ article). Si cette adaptation stratégique à la détérioration prévisible des conditions de prise en charge fait défaut, notamment dans une phase de maladie où les interventions de médecine dentaire seraient le plus souvent facilement réalisables et où les personnes concernées pourraient encore s’ adapter aux changements oraux, on assiste généralement à un abandon des soins dentaires. Les maladies bucco-dentaires en sont la conséquence et progressent rapidement. Dans ce contexte, il est essentiel de reconnaître que les maladies bucco-dentaires chez les personnes âgées n’ apparaissent pas seulement après le passage en institution, mais qu’ elles sont déjà présentes plus tôt dans le cadre de la multimorbidité, de sorte que par la suite les soins aux patients deviennent un défi quasiment insurmontable en matière d’ hygiène dentaire et buccale (12).

La forte prévalence des maladies bucco-dentaires chez les personnes âgées dépendantes confronte également les équipes de soins dentaires à des situations très difficiles. D’ une part, le contexte institutionnel complique considérablement les processus diagnostiques et thérapeutiques. D’ autre part, une infrastructure de traitement appropriée et un équipement mobile adéquat font souvent défaut. De plus, les problèmes médicaux souvent complexes en fin de vie sont trop exigeants. Enfin, l’ infrastructure coûteuse des cabinets dentaires n’ est pas utilisée à plein régime pendant la prise en charge externe des patients, et les prestations de médecine dentaire dans les institutions ne sont pas suffisamment honorées. Il en résulte que les soins dentaires dispensés aux personnes vivant en institution ne parviennent toujours pas à répondre à la forte demande (13). Dans le contexte de la préférence accordée aux soins ambulatoires, cette pénurie de soins devrait encore s’accentuer.

Il est essentiel pour la préservation de la santé bucco-dentaire que les nouveaux diagnostics soient communiqués immédiatement grâce à un réseau interdisciplinaire plus étroit entre la médecine humaine et la médecine dentaire et que les examens indiqués soient organisés à temps. Ainsi, la prévention, le traitement et le suivi à long terme des personnes âgées vivant à domicile peuvent être adaptés continuellement et à temps à l’évolution des conditions de vie, et les éventuelles interactions entre les maladies systémiques et orales peuvent être identifiées. Du point de vue de la médecine dentaire, cela signifie que plus les risques sociobiologiques augmentent, plus les risques oraux doivent être réduits, afin que la prévention, le traitement et le suivi à long terme par l’ équipe dentaire, mais aussi par le personnel soignant, restent possibles à long terme, même dans des conditions difficiles (14).

Article traduit de « der informierte arzt » 01-2022

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Prof. Dr. med. dent. Christian E. Besimo

Riedstrasse 9
6430 Schwyz

christian.besimo@bluewin.ch

L’ auteur n’ a pas de conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Les gens deviennent de plus en plus âgés mais ont de plus en plus leurs propres dents ou des implants. La prévalence des maladies
bucco-dentaires reste cependant élevée.
◆ Les maladies bucco-dentaires font souvent partie de la multimorbidité chez les personnes âgées.
◆ Les personnes vieillissantes ont un besoin croissant de soins dentaires préventifs et curatifs.
◆ Cependant, contrairement aux consultations médicales, le nombre de consultations dentaires diminue avec l’ âge.
◆ Une inspection récurrente de la cavité buccale par les médecins de famille ou les médecins spécialisés et le personnel soignant est recommandée.
◆ Un réseau interdisciplinaire étroit entre la médecine humaine et la médecine dentaire favorise non seulement la santé orale, mais aussi la santé générale des personnes âgées.

 

1. Höpflinger F, Bayer-Oglesby L, Zumbrunn A. Pflegebedürftigkeit und Langzeitpflege im Alter. Aktualisierte Szenarien für die Schweiz. Huber, Bern 2011.
2. Gesundheitsdepartement des Kantons Basel-Stadt. Gesundheitsversorgungsbericht über die Spitäler, Pflegeheime, Tagespflegeheime und Spitex-Einrichtungen im Kanton
Basel-Stadt. Werner Druck & Medien, Basel November 2019.
3. Höpflinger F, Hugentobler V, Spini D. Wohnen in den späten Lebensjahren. Grundlagen und regionale Unterschiede. Age Report V. Seismo, Zürich 2019.
4. Schneider C, Zemp E, Zitzmann NU. Oral health improvements in Switzerland over 20 years. Eur J Oral Sci 2017;125:55–62.
5. Petersen PE, Kandelman D, Arpin S, Ogawa H. Global oral health of older people – Call for publiic health action. Community Dental Health 2010;27(Suppl. 2):257-268.
6. Marchini L, Ettinger R. Personalized dental caries management for frail older adults and persons with special needs. Dent Cllin N Am 2019;63:631-651.
7. Preshaw PM, Alba AL, Herrera D, Jepsen S, Konstantinidis A, Makrilakis K, Taylor R. Periodontitis and diabetes: A two-way relationship. Diabetologia. 2012;55:21–31.
8. Han P, Suarez-Durall P, Mulligan R. Dry mouth: A critical topic for older adult
patients. J Prosthodont Res 2015;59:6-19.
9. Biffar R, Klinke-Wilberg T. Gesundheit der Älterwerdenden und Inanspruchnahme ärztlicher Dienste – Zahnmedizinische Konsequenzen und Aufgaben. Senioren-Zahnmedizin 2013;1:35-42.
10. Busch LA. D-E-N-T-A-L: A rapid self-administered screening instrument to promote referrals for further evaluation in older adults. J Am Geriatr Soc 1996;44:979-981.
11. Hassel AJ, Leisen J, Rolko C, Rexroth W, Ohlmann B, Rammelsberg P. Clinical assessment of oral health between physician and dentist – A pilot study on interexaminer reliability. Z Gerontol Geriatr 2008;41:132-138.
12. Besimo C, Besimo-Meyer RH. Zahn- und Mundgesundheit – Ein Stiefkind in der Betreuung von Menschen mit Demenz. Prophylaxe Impuls 2016;20:124-128.
13. Wocke C, Eckardt R. Multimorbidität im Alter. Senioren-Zahnmedizin 2013;1:9-13.
14. Besimo, C. Paradigmenwechsel zugunsten einer besseren oralen Gesundheit im Alter. Swiss Dental Journal 2015;125:599-604.

Comment traiter ce patient atteint de diabète sucré ?

Chez un patient de 33 ans, un diabète de type 1 est diagnostiqué en présence de symptômes classiques et le patient est traité par une pompe à insuline. L’ HbA1c ainsi obtenue est très bonne, entre 6,5 et 7,0%. Sept ans plus tard, de nouveaux examens sont effectués et le traitement par pompe à insuline est remplacé par un système de bolus de base. La question qui se pose à vous aujourd’ hui est la suivante : s’ agit-il vraiment d’ un diabète de type 1 et quel est le meilleur traitement pour ce patient maintenant âgé de 48 ans ?

Les éléments importants de l’ anamnèse personnelle

Diagnostic du diabète sucré il y a 15 ans et début de la pompe à insuline.
9 ans plus tard insulinothérapie de type basal-bolus avec Tresiba et NovoRapid.
Il y a 8 ans, test de stimulation du glucagone et recherche d’ anticorps : C-peptide stimulé 2800 pmol/l et anti-GAD 0.2 E/l et anti IA 2 0.0 U/ml (tous deux négatifs).
Une carence en vitamine B12 a été diagnostiquée il y a 4 ans.

Questions à poser

  • De quel type de diabète s’ agit-il ?
  • Quels sont les autres examens pour mettre en place le meilleur traitement ?

Mesures à prendre et thérapie proposée

Début du CGMS (Freestyle Libre 3) : Meilleure évaluation du contrôle du diabète et de l’ évolution de la glycémie. Traitement par Xigduo XR 10/21000 1-0-0, éventuellement plus tard 5/1000 1-0-1 (protection cardiovasculaire).

Simplification de l’ insulinothérapie avec Ryzodeg 20 E aux deux repas principaux ; remplace le schéma de bolus d’insuline de base
(2 injections au lieu de 4). Association statine et ézétimibe (ézétimibe rosuvastatine 10/20mg 1-0-0 au lieu d’atorvastatine 20 mg).

Conclusions

7 ans après le diagnostic de diabète, un taux de peptide C de 2800 pmol/l est clairement en faveur d’ un diabète de type 2 (le diabète de type 1 aurait été < 200 pmol/l).

Répéter ce test de stimulation du glucagone pour confirmer la nécessité d’ une insulinothérapie ou au moins pour permettre une simplification de l’insulinothérapie et commencer à utiliser les meilleurs médicaments pour la prise en charge du diabète de type 2.

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.