Micronutriments et cicatrisation en gériatrie

La cicatrisation est un processus complexe caractérisé par 4 grandes étapes : la coagulation initiale est suivie par l’ inflammation, la phase de migration-prolifération, puis par le remodelage. La malnutrition affecte jusqu’ à 50 % de la population gériatrique : elle compromet la cicatrisation – son risque doit être identifié (score NRS). La cicatrisation et l’ immunité dépendent de plusieurs micronutriments. Or fer, sélénium, zinc, vitamines B (famille), C et D sont souvent déficitaires en gériatrie. Face à une évolution lente, le diagnostic et la correction des déficits accéléront le processus. La prise de suppléments oraux buvables (SNO) et des multi-micronutriments fera partie du traitement.

Wound healing is a complex process characterized by 4 main stages: the initial coagulation is followed by inflammation, the migration-proliferation phase, then by remodeling. Malnutrition affects up to 50 % of the geriatric population: it compromises healing – its risk must be identified (NRS score). Wound healing and immunity depend on several micronutrients. Iron, selenium, zinc, vitamins B (family), C and D are often deficient in old adults. Faced with slow wound healing, the diagnosis and correction of deficits will accelerate the process. Drinkable oral supplements (ONS) and multi-micronutrients will be part of the treatment.
Key Words: Malnutrition, deficit, inflammation, proteins, zinc, vitamins

La cicatrisation est un processus complexe caractérisé par 4 grandes étapes résumées dans la Figure 1. Sa rapidité et sa qualité vont dépendre de plusieurs facteurs, parmi lesquels le type de plaie, la qualité de la circulation périphérique (veineuse, artérielle) et l’ état nutritionnel du patient.

Après la vasoconstriction initiale et la coagulation, l’ inflammation, qui est une réaction stéréotypée du système immunitaire face à une agression externe (traumatisme, chirurgie, etc) ou interne (infection, stress), permettra la mobilisation de processus réparateurs. Ce processus essentiel de défense implique l’immunité innée et adaptative, des micronutriments, et des médiateurs chimiques favorisant la phase vasculaire. Au cours de phase initiale on observe la synthèse de dérivés de l’acide arachidonique : les prostaglandines favorisent l’ augmentation de la perméabilité vasculaire et de l’ œdème liés à l’ inflammation alors que les leucotriènes stimulent la migration leucocytaire. L’ inflammation devra ensuite se résorber et laisser la place à la phase anabolique de réparation et reconstruction. Cette étape implique des dérivés des acides gras polyinsaturés à chaîne longue oméga-3 qui vont moduler et atténuer la réponse inflammatoire. L’ acide eicosapentaénoïque (EPA) et de l’ acide docosahexaénoïque (DHA) sont convertis par des lipoxygénases en médiateurs appelés résolvines, protectines ou neuroprotectines (1). Si cette bascule vers la résolution ne se produit pas, l’ inflammation devient chronique, avec persistance du catabolisme tissulaire et retard de cicatrisation.

Types de plaies fréquentes en gériatrie

Les plaies sont définies comme une interruption du revêtement cutané de profondeur et d’ étendue variables. A côté des plaies chirurgicales, les plaies aiguës les plus fréquentes sont les éraflures et déchirures cutanées, et les brûlures. Une bonne perfusion tissulaire est une condition essentielle à une cicatrisation rapide. Si la fermeture dure plus de 6 semaines, la plaie est considérée chronique comme dans le cas des escarres, des ulcères de jambes, et des plaies du pied diabétique. L’immobilité et l’ absence de perception de la douleur compromettent la guérison, tout comme le fait la malnutrition.

Impact de l’ état nutritionnel

La malnutrition est fréquente en gériatrie (2), et peut affecter jusqu’ à 50 % des personnes en institution. Ses causes sont multiples et souvent liées à des comorbidités : les troubles de déglution, l’ inappétence, les effets des médications, des problèmes financiers, et des régimes sans sel y contribuent largement. Son dépistage est essentiel – que le patient soit à domicile ou en institution. Des scores validés, tels que le « MNA-SF » (mini-nutritional assessment short form) spécifique de la gériatrie (3), ou le plus simple score NRS (nutrition risk screening) de l’ ESPEN (4) permettent un diagnostic en quelques minutes : à noter que le NRS est reconnu et requis par les assurances pour étayer un diagnostic de malnutrition.

La malnutrition retarde la cicatrisation comme l’a confimé une étude pilote menée au CHUV chez 11 patients âgés de 71 ans (moyenne) qui avaient été référés en dernier recours en chirurgie plastique pour réparation chirurgicale de plaies chroniques (5). L’ évaluation nutritionnelle préopératoire avait montré une prise alimentaire insuffisante prolongée à l’ hôpital, et des valeurs sanguines très basses de fer, sélénium et zinc dans un contexte inflammatoire. La prise pendant les 5 jours préoperatoires de 1 à 2 suppléments nutritionnels oraux (SNO) protéinés couvrant environ 35 % de leurs besoins et de compléments oraux de micronutriments ont permis une cicatrisation rapide en 10 jours.

Micronutriments critiques

Certains micronutriments sont particulièrement importants pour la cicatrisation (6), et leurs fonctions sont résumées dans le tableau 1. Les micronutriments liés à la cicatrisation le sont aussi à l’ immunité : un déficit en fer (Fe), vitamines C et D, en vitamines B6 (pyridoxine) et B12 (cobalamine), acide folique et zinc (Zn) compromettent les défenses immunitaires (7).

La cicatrisation requiert un apport en énergie et protéines relativement élevé. Il faudra assurer des apports suffisants d’ énergie (25-30 kcal/kg) et de protéines (1.2-1.3 g/kg) (2). Parmi les acides aminés plusieurs études ont montré que l’ arginine, la cystine, la glutamine et la leucine sont particulièrement impliqués dans la cicatrisation. Plusieurs SNOs enrichis en acides aminés et micronutriments sont disponibles sur le marché à cet effet.

De manière générale, et pour des raisons de densité des aliments, une prise alimentaire inférieure à 1500 kcal/jour ne contient pas les doses de micronutriments correpondant aux DRI (dietary recommended intakes). Or, les sujets très âgés, consommant souvent 1300 à 1400 kcal/jour, ne peuvent ainsi pas couvrir leurs besoins de base (DRI), et le conseil d’ une alimentation équilibrée ne suffit plus. D’ autre part, avec l’ âge, l’ absorption digestive est progressivement compromise pour plusieurs micronutriments. Ce phénomène est bien connu pour la vitamine B12 en raison de la réduction du facteur intrinsèque gastrique (gastrite chronique), mais affecte aussi d’ autres vitamines et éléments traces.

Déficits en micronutriments fréquents en Suisse

Il y a ensuite des facteurs géographiques comme la pauvreté du sol suisse en sélénium et en iode qui en réduisent les apports alimentaires. Une revue récente des données disponibles sur la population suisse a résumé les risques spécifiques de déficit de plusieurs micronutriments en particulier dans la population âgée (8). Il s’ agit des vitamines C et D, du fer, du sélénium, du zinc, et des n-3 PUFAs (8). Or, ce sont justement les micronutriments critiques pour la cicatrisation.

Quand faut-il faire des dosages sanguins ?

Bien que les assurances cherchent à décourager ce qu’ elles considèrent comme des examens inutiles, poser un diagnostic de déficit est essentiel pour soigner les patients de manière ciblée et efficace. Les dosages de vitamine D et les bilans martiaux sont fréquemment critiqués par les assureurs. Or, en cas de déficit la cicatrisation sera retardée, et donc les coûts de traitement augmenteront. Néanmoins, doser des micronutriments doit être une prescription ciblée, et ne pas faire partie d’ un « ordinaire bilan de santé » en l’ absence de signes/symptômes évocateurs de déficit, comme un état de fatigue chronique, des infections à répétition, ou justement des retards de cicatrisation.

Quels micronutriments faut-il doser ? Le fer (et la ferritine), la vitamine D et le zinc en première ligne. Il faut toujours doser en même temps une CRP, car l’ inflammation provoque une redistribution extra-vasculaire des micronutriments et donc une réduction dans le compartiment sanguin. Il faut utiliser la CRP pour interpréter la valeur du laboratoire : tant que la CRP est <20 mg/l, l’ impact est faible, mais en cas de CRP >40 mg/L les valeurs de l’ ensemble des micronutriments (sauf cuivre et B12) sont déjà abaissées, et en cas de >80 mg/l fortement abaissées, au-delà même du déficit réel (9).

Quelles doses ?

Les doses physiologiques sont établies internationalement et sont appelées DRI (Dietary recommended intakes) (remplace les RDA). Si l’ alimentation ne couvre pas les DRI, il faut compléter, et en cas de déficit, il faut répléter (10). Mais la presciption isolée d’ un seul micronutriment n’ est justifiée qu’ en cas de déficit avéré. Il n’ y a aucune magie : on ne peut pas faire de la supra-cicatrisation, ou de la supra-immunité.

Que prescrire et sous quelle forme ?

L’ Office fédéral en charge de l’alimentation en Suisse (OSAV) répète qu’une alimentation équilibrée permet de couvrir les besoins de la population. Sauf que, c’est ne pas tenir compte des particularités de la population très âgée. L’ OSAV vient cependant d’ émettre le 18 janvier 2022 une recommandation d’administrer 800 UI/jour de vitamine D dès 65 ans (11) : cette dose sera le minimum en cas de cicatrisation, mais elle ne couvre pas les autres besoins en micronutriments pour lesquels il faudrait aussi un apport supplémentaire. Cependant, les préparations de multi-micronutriments contenant des doses normales (DRI) et celles de 0.5-1 g d’ oméga-3 PUFA ne sont pas remboursées à l’ heure actuelle car ne figurant pas sur la liste des spécialités de l’ OFSP. Ceci constitue un problème en cas de budget limité, situation fréquente dans la population âgée. Or, dans le cas de problèmes de cicatrisation, la prise de ces préparations associée à des SNO enrichis en protéines et micronutriments est indiquée. Les SNO, par contre, sont remboursés en cas de malnutrition documentée par un score NRS élevé, montrant l’ importance d’un diagnostic précis. Les SNO doivent être prescrits sur des documents ad hoc et la consultation d’ une diététicienne facilitera la démarche.

Conclusion

La cicatrisation est un processus complexe perturbé en cas de malnutrition globale et de déficits en MN tels que fer, sélénium zinc, et vitamines B, C, D et A : un bilan peut être requis. Une prise en charge efficace demandera une évaluation de l’ état nutritionnel, puis la prescription de doses de réplétion en micronutriments supérieures aux DRI en cas de déficit avéré. La prise par jour de 1-2 SNO enrichis en protéines pendant 5-10 jours, en plus d’ une complémentation avec des multi-micronutriments permettra d’ accélérer le processus.

Copyright Aerzteverlag medinfo

Pre hon. Mette M. Berger, MD, PhD

Faculté de Biologie et Médecine
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Rue du Bugnon 21
1011 Lausanne

mette.berger@chuv.ch

Pre Patrizia D’Amelio, MD PhD

Département de Médecine, Service de Gériatrie et
Réadaptation gériatrique
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Rue du Bugnon 21
1011 Lausanne

Les auteures déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ La malnutrition, fréquente en gériatrie, retarde la cicatrisation : il faut la dépister et diagnostiquer en utilisant un score validé (NRS).
◆ Fer, sélénium, zinc, vitamines B, C et D sont essentiels pour la cicatrisation et l’immunité : les déficits sont fréquents dans la population gériatrique suisse.
◆ Les déficits en micronutriments compromettent la cicatrisation, et le déficit en acides gras oméga-3 prolonge l’inflammation.
◆ Le traitement implique de corriger des déficits, d’assurer des apports d’ énergie et de protéines suffisants, et de micronutriments sous forme de suppléments buvables et de compléments de multi-micronutriments.

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Vitamine D. wwwpublicationsfederalesadminch 2022

Nouveaux anticorps dans la prophylaxie de la migraine

La migraine, deuxième maladie neurologique la plus fréquente au monde, provoque une très grande souffrance. Les anticorps CGRP agissent spécifiquement sur le système douloureux du trijumeau et permettent un ciblage sélectif. Dans les directives actuelles de la Fédération européenne des céphalées, les anticorps monoclonaux sont proposés et recommandés comme médicaments prophylactiques pour la prévention des crises de migraine épisodiques et chroniques.

As the second most common neurological disease worldwide, migraine causes a great deal of suffering. The CGRP antibodies act specifically on the trigeminal pain system and allow selective targeting. In the current guidelines of the European Headache Federation, the monoclonal antibodies are proposed and recommended as prophylactic drugs for the prevention of episodic and chronic migraine attacks.
Key Words: Migraine, episodic and chronic migraine attacks, calcitonin-gene-related peptide

La migraine est la deuxième maladie neurologique la plus fréquente au monde selon la Global Burden of Disease Study. Elle est responsable de plus de charge de morbidité que toutes les autres maladies neurologiques réunies (1). Pourtant, on estime qu’ en Europe, seuls 2 à 14 % des patients éligibles prennent des médicaments préventifs contre la migraine (2).

La migraine se manifeste cliniquement par des crises récurrentes de céphalées modérées à sévères, accompagnées de nausées, de vomissements, de phonophobie et/ou de photophobie, qui durent de 4 à 72 heures (3).

En ce qui concerne la physiopathologie, il est généralement admis qu’ une activation périphérique et centrale du système trigéminovasculaire est à l’ origine de la maladie (4). Des recherches approfondies menées au cours des trois dernières décennies ont montré que le peptide lié au gène de la calcitonine (calcitonin-gene-related peptide, CGRP) joue un rôle important dans cette activation. Le CGRP est un puissant vasodilatateur ainsi qu’ un neurotransmetteur qui joue également un rôle important dans l’ homéostasie des systèmes gastro-intestinal et cardiovasculaire. Ce neuropeptide de 37 acides aminés est présent sous deux isoformes, sous forme de α-CGRP, principalement dans le système nerveux périphérique et central, et sous forme de β-CGRP dans la transmission entérique. Le CGRP transmet ses effets principalement par ses interactions avec le récepteur du CGRP (5).

Le traitement prophylactique classique comprend un grand nombre de médicaments, dont les β-bloquants (métoprolol, propranolol*), les antiépileptiques (p. ex., le topiramate*), les antagonistes du Ca (flunarizine*) [*= autorisé en CH], les sartans (candésartan) et d’ autres antihypertenseurs ainsi que divers antidépresseurs. Cependant, ce n’ est qu’ au cours des 10 à 20 dernières années que de nouveaux médicaments antimigraineux (les gépants et les anticorps monoclonaux) ciblant le CGRP ou son récepteur ont été développés.

Gépants

Les premiers antagonistes spécifiques du CGRP, appelés gépants, ont montré une efficacité dans les crises de migraine aiguë. Le telcagépant a montré une bonne efficacité avec peu d’ effets secondaires lors de la phase III. Cependant, son utilisation permanente et quotidienne a révélé une hépatotoxicité, si bien que son développement a été interrompu (5). Deux représentants de cette classe récemment développés, le rimégépant et l’ ubrogépant, n’ ont pas montré d’ hépatotoxicité pertinente et ont été approuvés par la FDA pour le traitement des crises de migraine. Entre-temps, le potentiel de cette classe de substances en tant que traitement prophylactique a également été reconnu. La FDA a récemment approuvé l’ atogépant spécifiquement pour le traitement préventif de la migraine (6). Actuellement, l’ effet prophylactique du rimégépant est également étudié dans le cadre d’ une étude clinique (7).

Anticorps anti-CGRP

En raison de leur effet prolongé (demi-vie d’ environ 30 jours), les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont utilisés pour la prophylaxie spécifique des migraines épisodiques fréquentes et des migraines chroniques. Leur action vise à réduire la fréquence et/ou l’ intensité des crises de migraine ainsi que les symptômes associés à la migraine. Les anticorps anti-CGRP ne traversent pas la barrière hémato-encéphalique, ce qui indique que l’ action thérapeutique dans la migraine se situe à la périphérie (5).

Dans la nouvelle déclaration de consensus, soutenue par la European Headache Federation et la European Academy of Neurology, les quatre anticorps monoclonaux érénumab, frémanézumab, galcanézumab et eptinézumab sont considérés comme un traitement préventif de troisième ligne (8). Le tableau 1 en donne un aperçu.

L’ un des avantages des anticorps monoclonaux CGRP par rapport aux prophylactiques classiques est leur rapidité d’ action : dès la première semaine pour l’ érénumab, le galcanézumab et le frémanézumab (9, 10, 11) et après un jour pour l’ eptinézumab (12). La toxicité hépatique potentielle comme celle des gépants et des interactions médicamenteuses hépatiques n’ ont pas été observées avec les anticorps (5).

L’ érénumab et le frémanézumab ont également été efficaces chez des patients migraineux chez lesquels 2 à 4 traitements préventifs antérieurs avaient échoué (13, 14). En outre, ils sont également utiles chez les patients souffrant de migraine chronique et de surconsommation de médicaments (11, 15, 16).

Depuis 2018, trois anticorps ont été autorisés en Suisse ; ils sont présentés ci-dessous. Pour ces trois préparations, une limitation (17) s’ applique, qui prescrit l’ utilisation d’ au moins 2 prophylaxies classiques de la migraine (bêtabloquants, antagonistes du calcium, anticonvulsants ou, pour le frémanézumab et le galcanézumab, également l’ amitriptyline). Tous les anticorps CGRP ne peuvent être prescrits que par des neurologues.

  • L’ érénumab (Aimovig®) cible le récepteur CGRP lui-même. Dans deux études cliniques de phase III, ARISE (18) et STRIVE (19), une réduction du nombre de jours de céphalées mensuelles a été obtenue. Entre-temps, une étude de suivi ouverte a permis de démontrer l’ efficacité à long terme (réduction de la fréquence des migraines et amélioration de la qualité de vie liée à la santé) et l’ innocuité de l’ érénumab dans la prévention des migraines pendant 5 ans (20). Les effets secondaires les plus fréquents sont des réactions au site d’ injection, une constipation, des crampes musculaires et des démangeaisons. Le dernier résumé des caractéristiques du produit de l’ érénumab a été mis à jour afin d’ informer les médecins et de mettre en garde les patients contre les cas de constipation modérée à sévère associés à des hospitalisations. La surveillance post-marketing a mis en évidence des cas d’ hypertension artérielle comme effet secondaire (22). L’ érénumab est administré une fois par mois à raison de 70 mg en injection sous-cutanée. Avec la limitatio adaptée, une dose de 140 mg par mois peut également être prescrite en cas de réponse insuffisante (21).
  • Frémanézumab (Ajovy®). Dans l’ étude multicentrique randomisée en double aveugle et en groupes parallèles FOCUS, le frémanézumab a obtenu une réduction cliniquement significative du nombre de jours de migraine, même chez les patients souffrant de migraine épisodique et chronique difficile à traiter (14). Il est également efficace dans les migraines épisodiques de haute fréquence, réduit les symptômes d’ accompagnement et le recours à la médication PRN (pro re nata), administée au besoin (23). Les effets secondaires les plus fréquents dans les études étaient la douleur, le durcissement et l’ érythème au site d’ injection. Depuis novembre 2020, un stylo prérempli est disponible en Suisse en plus de la seringue préremplie. Le patient peut choisir entre un dosage mensuel de 225 mg ou un dosage trimestriel : 3 x 225 mg (trois stylos prêts à l’ emploi). L’ application se fait par voie sous-cutanée (21). La limite a été adaptée au 01.11.2021.
  • Le galcanézumab (Emgality®). Dans deux études cliniques de phase III (EVOLVE-1 et EVOLVE-2), des injections mensuelles de galcanézumab pendant 6 mois ont entraîné une réduction significative des jours de céphalées migraineuses mensuelles par rapport au placebo. Le galcanézumab a permis de réduire significativement les jours de céphalées migraineuses aussi bien dans le groupe des migraines épisodiques de basse fréquence que dans celui des migraines épisodiques de haute fréquence (10). Les doses examinées dans les études ne différaient pas en termes d’ efficacité (24, 25). Cependant, dans l’ étude EVOLVE-2, les effets indésirables semblaient être un peu plus fréquents dans le bras de traitement à 240 mg (25). Les effets indésirables les plus fréquents selon les études d’ autorisation de mise sur le marché sont les douleurs et les réactions au site d’ injection. Le galcanézumab est administré une fois par mois à raison de 120 mg en injection sous-cutanée. Au début du traitement, une dose initiale unique de 240 mg (2 injections) doit être administrée (21).
  • Eptinézumab. Il s’ agit du seul anticorps monoclonal humanisé administré par voie intraveineuse qui bloque directement le CGRP. Il est administré tous les trois mois en perfusion intraveineuse. L’ eptinézumab a été approuvé par la FDA (février 2020).En Suisse, l’ autorisation de Swissmedic a été accordée en octobre 2021. Dans une étude randomisée et contrôlée par placebo (PROMISE-1), l’ administration unique de 100 et 300 mg d’ eptinézumab par voie intraveineuse sur une période de 12 semaines s’ est avérée significativement plus efficace que le placebo pour la prophylaxie de la migraine épisodique. L’ eptinézumab a été bien toléré (12). Chez les adultes souffrant de migraine, le profil de sécurité et de tolérance était favorable. La rhinopharyngite et les réactions d’ hypersensibilité sont les événements indésirables les plus fréquents (26).

Environ 20 à 30 % des patients ne répondent pas au traitement. De faibles pourcentages d’ anticorps neutralisants ont été trouvés chez les patients des groupes actifs dans les études, mais ils ne semblent pas avoir d’ influence sur les résultats cliniques, car leurs titres étaient très faibles (27).

Malgré un début d’ action généralement rapide, les anticorps doivent être utilisés pendant au moins trois à six mois à une dose maximale tolérée afin de pouvoir évaluer correctement leur efficacité. La quantification du succès du traitement peut se faire en

calculant le pourcentage de réduction des jours de migraine mensuels ou des jours de céphalées mensuels d’ intensité moyenne à forte (8). En Suisse, un traitement de 12 mois est suivi d’ une pause thérapeutique conformément à la Limitatio. Une interruption de plus longue durée, telle qu’ elle était initialement prévue, n’ est pas soutenue par les études actuelles (28).

Conclusion et perspectives : Tous les anticorps monoclonaux CGRP ont montré une bonne efficacité et une bonne tolérance dans les études cliniques, ainsi qu’ un profil de sécurité favorable. A l’ heure actuelle, il n’ existe aucune preuve de la supériorité d’ un seul anticorps par rapport aux autres pour les patients souffrant de migraine épisodique ou chronique. Des études récentes indiquent une efficacité de cette classe de médicaments dans le traitement d’ autres types de céphalées, comme la céphalée par abus médicamenteux, la céphalée en grappe (cluster headache), mais aussi les céphalées post-traumatiques.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 11_2021

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Dr. med. (BG) Galina Stoyanova-Piroth

Neurologie & Neurorehabilitation, ZURZACH Care
Quellenstrasse 34
5330 Bad Zurzach

galina.stoyanova@zurzachcare.ch

Prof. Dr. med. Andreas R. Gantenbein

Facharzt Neurologie
Neurologie am Untertor
Erachfeldstrasse 2
8180 Bülach
www.neurologie-untertor.ch

andreas.gantenbein@zurzachcare.ch

Prof. Dr. med. Peter S. Sandor

RehaClinic Bad Zurzach und Universität Zürich
Schweiz

GS-P a reçu des bourses de voyage de Teva.

◆ Les patients présentant une fréquence ou une intensité élevée de crises de migraine ou de migraine chronique ont besoin d’ un traitement prophylactique de la migraine. Les médicaments classiques
utilisés en prophylaxie ne sont efficaces que chez une partie plutôt faible des patients.
◆ En Suisse, trois anticorps monoclonaux sont déjà disponibles pour la prophylaxie de la migraine épisodique (8 jours de migraine et plus par mois) ou chronique (15 jours de migraine et plus par mois) chez les adultes. Les jours de maux de tête doivent être consignés dans un journal pendant au moins trois mois pour que les frais soient remboursés. Les critères de limitation doivent être remplis.
◆ L’ utilisation d’ érénumab, de galcanézumab et de frémanézumab ne peut se faire pour l’ instant qu’ après l’ échec documenté d’ au moins deux autres médicaments pour la prophylaxie de la migraine ou en cas d’ intolérance à ceux-ci.
◆ La prescription et le suivi des anticorps monoclonaux doivent être effectués par un médecin spécialiste en neurologie, conformément
à la Limitatio.
◆ Lors du choix des préparations d’ anticorps, les préférences des patients en matière d’ effets secondaires et de fréquence d’ application peuvent être prises en compte.

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Étude de cas pratique

Risque cardiovasculaire et risque rénal ?
Pour répondre à ces questions, le médecin généraliste a besoin de connaître les dernières études les plus importantes (études personnelles, formations continues). Quelles sont les directives concernant l’ hypertension, les lipides et le diabète ? Quelles sont les valeurs de la patiente, quelles sont les questions importantes à poser ? Quels médicaments ou combinaisons de médicaments sont remboursés par les caisses d’ assurance maladie ?

L’ HbA1c comme valeur de contrôle : un objectif thérapeutique important
Une bonne HbA1c est toujours importante pour éviter les complications micro et macrovasculaires. < 7.0 % chez les patients sans sulfonylurées et/ou insuline, idéalement < 6.5 % (si possible normal) sans risque d’ hypoglycémie. <8.0 % chez les patients âgés (>80 ans) et/ou en cas de comorbidités déjà manifestes (insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, maladies cardiovasculaires) et d’ insulinothérapie.

Prévention des lésions rénales et de la survenue d’ un infarctus du myocarde et d’ un accident vasculaire cérébral en cas de DT2 par le GLP-1-RA et les inhibiteurs du SGLT-2. Les GLP-1-RA augmentent la sécrétion d’ insuline et diminuent la sécrétion de glucagon. Ils ont un effet inhibiteur sur l’ appétit et entraînent une perte de poids. Les effets secondaires sont des nausées et des vomissements. Les inhibiteurs du SGLT-2 réduisent la réabsorption du glucose par les reins et augmentent ainsi la sécrétion de glucose (-70g/jour). Les effets secondaires des inhibiteurs du SGLT-2 sont des infections du tractus génital, un volume cardiaque plus important de 300 à 500 ml et une acidocétose (manque d’ insuline).

Situation en Suisse en 2021
1. Manque d’ insuline chez environ 25 % de tous les patients. Question la plus importante, devrait toujours être posée !
2. eGFR <60ml/min : env. 25 % de tous les patients. Néphroprotection par inhibiteur du SGLT-2, GLP-1-RA.
3. Maladie cardiovasculaire : env. 20-25 % de tous les patients, env. 50 % asymptomatiques, diagnostic difficile dans la pratique, inhibiteur du SGLT-2, GLP-1-RA
4. Insuffisance cardiaque env. 10 % de tous les patients, asymptomatique chez env. 25 %, diagnostic difficile dans la pratique, inhibiteurs du SGLT-2. (HFrEF ¼, HFpEF ¾).

Quel traitement initial contre le diabète ? Metformine + inhibiteur SGLT-2 ou Metformine + GLP-1-RA ?
En ce qui concerne la MACE, les deux combinaisons présentent les mêmes avantages, la néphroprotection est un peu plus marquée avec les inhibiteurs du SGLT-2 ; en cas d’ AVC, seule la combinaison avec les GLP-1-RA présente un avantage, en cas d’ insuffisance cardiaque, seule celle avec les inhibiteurs du SGLT-2 en présente un. La perte de poids est plus marquée avec les GLP-1-RA qu’ avec les inhibiteurs du SGLT-2, un traitement oral n’ existe que pour les GLP-1-RA.
Tous les avantages parlent en faveur d’ une combinaison GLP-1- RA + inhibiteur du SGLT-2.

Place des inhibiteurs de la DPP-4 : le résumé des critères d’ évaluation primaires des études portant sur les inhibiteurs de la DPP-4 ne révèle aucun effet sur la MACE.
Pourquoi les inhibiteurs de la DPP-4 sont-ils malgré tout si souvent utilisés ?
Les inhibiteurs de la DPP-4 réduisent l’ HbA1c de manière fiable. Ils réduisent ainsi également les complications micro et macrovasculaires (sur une période prolongée). Les inhibiteurs de la DPP-4 n’ ont pas d’ effets secondaires et peuvent être prescrits facilement. Ils ne provoquent pas d’ hypoglycémies ni de prise de poids. Ils constituent une alternative (2e choix) pour le GLP-1-RA (IMC <28). Ils devraient être remplacés progressivement par le GLP-1-RA (également par voie orale).

Recommandations essentielles pour les internistes généralistes (SGED/SSED 2020)
Il est très important de motiver les patients à changer leurs habitudes de vie. Le traitement doit être multifactoriel. En première ligne, il est recommandé d’ utiliser la metformine + le GLP-1-RA ou la metformine + l’ inhibiteur du SGLT-2, en deuxième ligne + l’ inhibiteur du SGLT-2 (en première ligne, metformine + GLP-1-RA) ou + le GLP-1-RA. En troisième ligne, dans les deux cas, + insuline basale ou sulfonylurées (gliclazide). Ensuite, bolus basal d’ insuline ou insuline mixte. Poursuivre avec metformine, inhibiteurs SGLT-2, GLP-1 RA. Arrêt des sulfonylurées et des inhibiteurs de la DPP-4.

(Chez les patients présentant un risque cardiovasculaire faible à modéré ou sans facteurs de risque, les inhibiteurs de la DPP-4 ou les sulfonylurées (gliclazide de préférence) peuvent être utilisés).
Mais les autres facteurs de risque, l’ hypertension et les lipides doivent également être traités. Par rapport à l’ hypertension et au diabète, le LDL-cholestérol fait l’ objet de beaucoup moins d’ attention (objectifs atteints respectivement à 72%, 81% et 20%). Une réduction du LDL-cholestérol sur 50 ans (études de randomisation de Mendel) réduit le risque relatif d’ événement cardiovasculaire d’ environ 50 à 55% par mmol/l de LDL-cholestérol.

Le traitement d’une dyslipidémie comprend un changement de régime alimentaire (moins de glucides et d’alcool), plus d’ exercice physique et, si nécessaire, l’ utilisation d’ une statine. Le changement de régime alimentaire et la limitation de l’ alcool réduisent surtout les triglycérides. Les directives de l’ ESC recommandent, en cas de risque modéré, une valeur cible de LDL-C <2.6mmol/l (I/A)), en cas de risque élevé <1.8mmol/l et au moins 50 % de réduction du LDL-cholestérol (I/A). En cas de risque très élevé <1.4mmol/l et 50 % de réduction du LDL-cholestérol (I/B). Les statines sont le traitement de 1ère ligne privilégié (I/A) ; si l’ objectif n’ est pas atteint, ajout d’ ézétimibe (I/B) et en cas de risque très élevé statine à la dose maximale et ézétimibe ou en cas d’ intolérance aux statines, ajout d’ un inhibiteur de PCSK9 (I/A).

Le traitement optimal chez notre patiente avec un DT2
comprend un IEC + Ca-bloquant (Coveram® 10/10 1-0-0),
statine + ézétimibe (rosuvastatine /ézétimibe 20/10 1-0-0), arrêt inhibiteur de la DPP-4, metformine + inhibiteur du SGLT-2 (Xigduo®XR 10/1000 1-0-0 Jardiance® Met 5/500 1-0-1), GLP-1 RA
(Ozempic® 1 mg/semaine).

Résultats après 4 mois :
Tension artérielle 137/76 mmHg 🙂
LDL-C 1.5 mmol/l 🙂
HbA1c 6.9 % 🙂
Perte de poids 6 kg 🙂

Copyright bei Aerzteverlag medinfo AG

Pr Roger Lehmann

UniversitätsSpital Zürich
Rämistrasse 100
8091 Zurich

Roger.Lehmann@usz.ch

Participation à des Advisory Boards et honoraires de conférencier de Novo Nordisk, Sanofi, MSD, Boehringer Ingelheim, Servier et Astra Zeneca.

Tendance aux saignements

La tendance clinique constitutionnelle aux hémorragies est une réalité. Celle-ci repose à la fois sur des modifications acquises et héréditaires de la coagulation. Les jeunes, qui présentent moins de risques d’exposition que les personnes plus âgées, ne se font pas immédiatement remarquer sur le plan clinique. C’est pourquoi un diagnostic de laboratoire approfondi et précoce est très utile et judicieux.

Abstract: The constitutional clinical bleeding tendency is a reality. This is based on both acquired and hereditary changes in coagulation. Young people with fewer exposure risks compared to the elderly do not immediately stand out clinically. Therefore, thorough early laboratory diagnosis is very helpful and useful.
Key Words: Coagulation, bleedings, thrombocytes

Les mécanismes hémostatiques constituent un système biologique complexe où diverses enzymes de coagulation solubles interagissent avec les structures cellulaires dans une cascade d’ activation mutuelle. Le système reste « piégé « dans le réseau vasculaire et se trouve principalement dans un « état de repos «. Lors d’ une lésion mécanique ou toxique de la paroi vasculaire, une perte de sang se produit en parallèle et déclenche la cascade des interactions de la coagulation. Ceci conduit inévitablement à la formation du thrombus hémostatique. Les partenaires de ces interactions sont aujourd’ hui connus, tant dans leur structure que dans leur fonction (fig. 1).

En cas de déficit d’ un facteur de la coagulation ou d’ une inhibition de sa fonction, la voie physiologique de la coagulation subit un ralentissement qui se traduit cliniquement par une tendance aux saignements.

Les personnes avec tendance aux saignements peuvent présenter comme signes cliniques des pétéchies (taches rouges de la peau de taille d’ une tête d’ épingle), des ecchymoses (taches cutanées de la taille d’ une pièce de monnaie), des suffusions (saignements diffus sur une plus grande surface) ou les hématomes (saignements délimités). Ces présentations cliniques peuvent parfois orienter vers la cause de l’ hémorragie.

Par exemple, les anomalies vasculaires se manifestent généralement par des hématomes, des hémorragies cutanées ou gastro-intestinales. Les anomalies plaquettaires provoquent des pétéchies, des hémorragies gingivales ou nasales, ainsi que des hémorragies gastro-intestinales ou du système nerveux central. Les troubles de la coagulation plasmatique se manifestent souvent par des hématomes dans les ligaments musculaires, des hémorragies cutanées ou intra-articulaires, ainsi que des hémorragies après un traumatisme.

L’ anamnèse détaillée et les antécédents de la personne, en plus de l’ examen clinique et des analyses ciblées de laboratoire permettent presque toujours d’ identifier avec précision le trouble de la coagulation.

Clarification première

Antécédents médicaux

Un historique spécifique et détaillé des saignements est très utile. Comme les patients omettent souvent des épisodes isolés de saignement, ils doivent être interrogés de manière ciblée avant toute intervention diagnostique ou thérapeutique (tab. 1). Par exemple, des saignements menstruels abondants depuis la ménarche nécessitent une clarification pour la maladie de von Willebrand. Plus le taux du facteur de von Willebrand est faible, plus la tendance aux saignements est forte. Des questionnaires structurés au sens d’ un score, comme le score de détection des saignements BAT-ISTH de la Société Internationale sur la Thrombose et l’ Hémostase ISTH, peuvent également être utiles.

Constatations objectives

Dans le cas de déficits légers des facteurs de la coagulation, il n’ y a pas de saignements spontanés. Ces derniers peuvent être provoqués dans le contexte d’ un traumatisme, une chirurgie ou une anticoagulation. Dans le cas de déficits modérés ou graves, les saignements peuvent également se produire spontanément. Par exemple, chez les patients âgés souffrant d’ une hémophilie sévère, on observe des atteintes impressionnantes de l’ appareil locomoteur (arthropathie hémophilique, atrophie musculaire, déformations, contractures, etc.). Ces complications, sont en général absentes chez les patients hémophiles de plus jeune âge en raison de la substitution prophylactique du facteur déficient. En plus du tableau classique des manifestations hémorragiques, les personnes avec une anamnèse personnelle et familiale de tendance aux saignements doivent également être considérées à risque hémorragique jusqu’ à preuve du contraire.

Analyses de laboratoire

Si l’ on suspecte une tendance héréditaire ou acquise hémorragique, un groupe d’ analyses de base doit être prescrit. Cela comprend une formule sanguine et les tests globaux de coagulation et la fonction plaquettaire (test d’ occlusion plaquettaire PFA). En outre, le facteur de von Willebrand et le facteur XIII sont également à prévoir car ils ne sont pas détectés par les tests globaux (tab. 2). En fonction des résultats des analyses de base, les investigations peuvent être complétées par des analyses plus approfondies, telles que la détermination spécifique des facteurs de coagulation ou l’ analyse de la fonction plaquettaire au moyen de l’ agrégation plaquettaire et/ou de l’ immunophénotypage (tab. 3).

Analyses spécialisées

Étude ciblée de l’ agrégation plaquettaire

L’ agrégation plaquettaire permet d’ étudier et de classer les troubles de la fonction plaquettaire et met en évidence les défauts des récepteurs membranaires des plaquettes. La capacité de stimulation plaquettaire par divers agonistes naturels (ADP, collagène, adrénaline, ristocétine, acide arachidonique, thrombine (TRAP) et agoniste du récepteur de la thromboxane) in vitro est déterminée par turbidimétrie.

Caractérisation ciblée des récepteurs membranaires des plaquettes (immunophénotypage)

Cette analyse est prescrite si l’ on soupçonne de thrombopathies héréditaires et aide à diagnostiquer et à caractériser les défauts des récepteurs membranaires des plaquettes. Des anticorps monoclonaux et la méthode de cytométrie en flux sont utilisés pour déterminer de manière semi-quantitative la densité des récepteurs à la surface des plaquettes avant et après l’ activation plaquettaire in-vitro.

Test des multimères du facteur de von Willebrand (VWF-MM)

Le syndrome de von Willebrand est le trouble héréditaire de la coagulation le plus fréquent (incidence de 1 / 200-300) et est diagnostiqué par le dosage du facteur de von Willebrand (activité et antigène) et du facteur VIII. Selon les résultats de ces analyses, la clarification est complétée par l’ analyse du VWF-MM basé sur la caractérisation qualitative et quantitative des multimères de vWF circulants au moyen d’ électrophorèse sur gel.

Présentation clinique et approche diagnostique en cas de tendance aux saignements (tableau 4)

Hémophilie A et B

L’ hémophilie est une diminution héréditaire des facteurs de la coagulation VIII ou IX, liée au chromosome X. Les hommes sont touchés, les femmes sont conductrices. Les hémorragies articulaires et musculaires sont typiques. Une tendance aux saignements massifs est à prévoir en cas de traumatisme ou de chirurgie.

Dans les cas d’ hémophilie A ou B sévère et modérée, le TCA est nettement allongé, alors que dans les cas d’ hémophilie légère, il n’ est que légèrement allongé ou reste dans l’ intervalle de la norme. En cas de suspicion basée sur l’ anamnèse, le TCA normal ne permet donc pas d’ exclure une hémophilie légère. La détermination spécifique du facteur VIII ou IX permet d’ identifier précisément le défaut.

Le syndrome de von Willebrand

Il s’ agit d’ un trouble héréditaire autosomique du facteur de von Willebrand (vWF) avec une variété d’ anomalies du gène du vWF. Le vWF est important pour l’ adhésion des plaquettes à l’ intima du vaisseau abimé et pour leur activation. Il stabilise également le facteur VIII, avec lequel il se lie en complexe et circule dans le plasma. Les formes bénignes du syndrome de von Willebrand sont prédominantes, les patients ne saignent que lors d’ un challenge de l’ hémostase et ont généralement un temps de saignement normal. Tous les types de syndrome de von Willebrand confondus, on estime qu’ ils touchent près de 1 % de la population. La forme la plus grave (type 3) a une incidence de 1 par million.

Le diagnostic repose sur la détermination quantitative du vWF (activité et antigène) et de l’ activité du facteur VIII. La classification des types de syndrome de von Willebrand est en constante évolution, bien que la classification mentionnée ci-dessous ait été jusqu’ à présent suffisante pour répondre aux besoins cliniques.

Type 1 : Réduction concordante du vWF fonctionnel et antigénique à moins de 50 % de la norme (habituellement 5-30 %) et du facteur VIII de 50 % ou moins. Transmis de manière autosomique dominante, ce type représente environ 70 % des patients. Attention : les personnes du groupe sanguin O ont des taux de vWF physiologiquement plus faibles sans tendance clinique aux saignements. Le cut-off est fixé à 35 % au lieu de 50 %.

Type 2A : Diminution de l’ activité du vWF accompagnée d’ un antigène du vWF normal ou seulement légèrement diminué (rapport activité du vWF/antigène du vWF < 0,7). L’ analyse des multimères montre une réduction des chaînes de poids moléculaire élevé particulièrement actives sur le plan fonctionnel. Facteur VIII normal ou légèrement réduit. Transmission autosomique dominante (parfois récessive).

Type 2B : Comme le type 2A, mais accompagné d’ une augmentation paradoxale de l’ agrégation induite par la ristocétine du plasma riche en plaquettes du patient, en raison de l’ affinité accrue des chaînes anormales de vWF pour le récepteur GP Ib/V/IX (récepteur du facteur de von Willebrand) du patient. Dans l’ analyse multimérique du vWF, réduction des grandes et moyennes chaînes du vWF. La stimulation de la libération de vWF anormal entraîne une thrombopénie. Transmission autosomique dominante.

Type 2M : Faible affinité plaquettaire des multimères de vWF. Contrairement aux types 2A et 2B, les grands multimères sont également présents, mais leur fonction est altérée, ce qui se manifeste par une fonction réduite du vWF avec un antigène vWF encore normal et une électrophorèse normale des multimères du vWF (mais une forme anormale des triplets de bandes des multimères). Transmission autosomique dominante.

Type 2N, vWF type Normandie : vWF avec un site de liaison anormal pour le facteur VIII, qui est rapidement éliminé en raison de l’ absence de liaison avec le FvW par ailleurs quantitativement et qualitativement normal. Le tableau clinique d’ une hémophilie A légère est présent (également chez les femmes) avec un VIII autour de 5-30 %. Transmission autosomique récessive.

Type 3 : activité et antigénique indétectable. Le facteur VIII est également réduit en raison de l’ absence de protéine de transport dans le plasma. Transmission autosomique récessive. Temps de saignement considérablement prolongé.

Troubles de la coagulation rares

Les très rares déficits isolés héréditaires des facteurs de la coagulation se manifestent par des tests globaux anormaux : II, V et X par un Quick/INR anormal et un TCA anormal, VII par un Quick / INR anormal avec un TCA normal et les protéines de la phase de contact XII et le facteur XI par un allongement isolé du TCA. Dans l’ afibrinogénémie, la formation de caillots est absente dans tous les tests globaux. Le diagnostic est établi par la détermination du facteur spécifique. Le déficit en facteur XII n’ est pas associé à une tendance aux saignements. De même, le déficit en facteur VII avec un taux résiduel supérieur à 10 % de la norme est asymptomatique.

Dysfonctionnement plaquettaire héréditaire

Les hémorragies les plus graves sont observées dans les troubles plaquettaires classiques et rares, telles que la thrombasthénie de Glanzmann (défaut du récepteur du fibrinogène GP IIb / IIIa) et le syndrome de Bernard-Soulier (défaut du récepteur du vWF GP Ib / V / IX). Le temps de saignement est généralement anormal, les analyses d’ agrégation plaquettaire et la caractérisation des récepteurs de la surface plaquettaire confirment le défaut.

Il existe également d’ anomalies plaquettaires associées à des défauts d’ autres récepteurs de surface, la transduction du signal, la densité des granules alpha et le métabolisme de l’ acide arachidonique.

Dre Leda Leoncini, Dr Mario Uhr
SYNLAB Suisse SA, Via Pianon 7, 6934 Bioggio
(ledaleoncini@ticino.com, mario.uhr@synlab.com)

Dre Yordanka Tirefort
SYNLAB Suisse SA, Ch. d’Entre-Bois 21, 1018 Lausanne
(yordanka.tirefort@synlab.com)

Pr Dr Dimitrios Tsakiris
SYNLAB Suisse SA, Alpenquai 14, 6002 Luzern
(dimitrios.tsakiris@synlab.com)

Article traduit de «der informierte arzt» 12_2021.

Copyright Aerzteverlag medinfo

Dr. med. Leda Leoncini

SYNLAB Suisse SA
Via Pianon 7
6934 Bioggio

leda.leoncini@synlab.com

Prof. Dr. med. Dimitrios Tsakiris

Klinik für Hämatologie
Hämatologische Diagnostik Labormedizin
Universitätsspital Basel und Blutspendezentrum beider Basel SRK
Petersgraben 4
4031 Basel

Les auteurs déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ Une anamnèse ciblée des saignements est très utile. Comme les patients oublient ou ignorent souvent les épisodes hémorragiques antérieurs isolés, il convient de les interroger spécifiquement.
◆ Chez les personnes à jeune âge, qui présentent moins de risques d’exposition, les hémorragies ne sont pas immédiatement évidentes sur le plan clinique, contrairement aux personnes âgées. Pour cette raison, un diagnostic biologique précoce et approfondi est très utile.
◆ Les analyses de base constituent la première étape en cas de tendance aux saignements. Cela inclut les tests de coagulation globaux Quick/INR, APTT, fibrinogène et la fonction plaquettaire (test d’occlusion plaquettaire PFA), ainsi que le facteur de von Willebrand et le facteur XIII, car ceux-ci ne sont pas détectés par les tests globaux.
◆ En fonction des résultats des analyses de base, la clarification est complétée par des analyses spécifiques, telles que la détermination des différents facteurs de coagulation ou l’analyse de la fonction plaquettaire au moyen de l’agrégation plaquettaire et/ou de l’immunophénotypage.

1. Hayward CPM. How I investigate for bleeding disorders. Int J Lab Hematol. 2018 May;40 Suppl 1:6-14. doi: 10.1111/ijlh.12822. PMID: 29741250.
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L’ orthorexie nerveuse – un phénomène social répandu

Les troubles alimentaires appartiennent aux affections psychosomatiques ou mentales les plus courantes chez les adolescentes et les jeunes femmes dans les pays industrialisés occidentaux. Ils représentent un lourd fardeau non seulement pour les personnes concernées et leurs proches, mais aussi pour le système de santé. Les troubles alimentaires classiques sont l’anorexie mentale et la boulimie nerveuse. Au cours de ces dernières années, trois nouveaux troubles ont été de plus en plus signalés : le trouble de l’hyperphagie boulimique, le syndrome de l’alimentation nocturne et l’orthorexie nerveuse, celle-ci faisant t l’objet de cet article.

Abstract: Eating disorders are among the most common psychosomatic or psychological illnesses among female adolescents and young women in western industrialised countries. They represent a great burden for those affected and their environment, but also for the care system. The classic eating disorders are anorexia nervosa and bulimia nervosa. In recent years, three new disorders have been increasingly reported: binge eating disorder, night eating syndrome and orthorexia nervosa, which is the focus of this article.
Key Words: Eating disorders, Anorexia nervosa, Bulimia nervosa, Orthorexia nervosa

Le terme orthorexie nerveuse désigne une fixation pathologique sur une alimentation saine, ainsi qu’ une préoccupation obsessionnelle centrée sur des aliments sains. A l’ heure actuelle, il n’ est pas clair si ce comportement alimentaire doit être considéré comme une entité pathologique. L’ objectif de cet article consiste en une mise à jour des connaissances encore incomplètes sur l’ orthorexie et d’ en extraire des implications significatives pour la pratique médicale et psychothérapeutique.

Contexte théorique et prévalence

Les troubles de l’ alimentation sont des maladies à prendre au sérieux, car étant associées à de graves conséquences somatiques, psychologiques et sociales. En Suisse, la prévalence à vie de l’ apparition d’ un trouble alimentaire est d’ environ 3,5 % (1). Les troubles du comportement alimentaire les plus connus sont l’ anorexie mentale (anorexia nervosa) et la boulimie (bulimia nervosa). Au cours des dernières années les thérapeutes, les médecins et les scientifiques ont remarqué trois autres troubles qui, jusqu’ ici, n’ ont reçu que peu d’ attention dans les domaines de la recherche et de la pratique. Ces trois troubles alimentaires plutôt méconnus sont les troubles de l’ hyperphagie boulimique (récemment inclus comme un diagnostic distinct dans le DSM 5), le syndrome de l’ alimentation nocturne (dans le DSM 5 sous la rubrique « autres troubles de l’ alimentation et du comportement alimentaire plus spécifiquement nommés  ») et l’ orthorexie nerveuse (dans le domaine des troubles alimentaires de type évitement-restriction).

Des études épidémiologiques montrent que l’ orthorexie nerveuse est un phénomène transculturel largement répandu. Comme la distinction entre une préoccupation non problématique et une préoccupation compulsive à l’ égard d’ une bonne santé l’ obsession pour des aliments sains n’ est toujours pas claire, il n’ y a pas de données fiables disponibles à ce sujet. Dans la population allemande sa prévalence est estimée entre 1 et 7 % (2). Une étude réalisée sur mandat de l’ OFSP en 2012 a même constaté une prévalence significativement plus élevée, celle-ci atteigant environ 30 %. Cependant, des études comparatives font encore actuellement défaut pour déterminer de manière fiable la prévalence de l’ orthorexie nerveuse en Suisse (1).

Par comparaison aux troubles alimentaires connus, les études épidémiologiques montrent une distribution de l’ orthorexie nerveuse indépendante du sexe. Les résultats sont ambigus en ce qui concerne la répartition selon l’ âge, l’ éducation et le statut socio-économique. Les études portant sur la relation entre le poids corporel et le comportement alimentaire orthorexique donnent aussi des résultats discordants (3). Il semble que l’ insuffisance pondérale et le surpoids soient tous deux corrélés à un risque accru de comportement alimentaire orthorexique. Des corrélations plus importantes du comportement orthorexique se situent au niveau psychologique. Des études ont montré à maintes reprises que certains profils psychologiques tels que le perfectionnisme, l’ orientation santé, le comportement sportif et l’ idéal de beauté sont corrélés significativement avec l’ orthorexie nerveuse (2). Les recherches futures devraient explorer d’ avantage la question des interrelations biologiques. On peut supposer que les personnes qui en souffrent présentent des anomalies de leurs systèmes sérotoninergique et dopaminergique, ainsi que dans leur capacité à réguler les émotions et le stress. Des connaissances plus approfondies de ces facteurs sont particulièrement nécessaires pour le développement d’ options psychothérapeutiques.

Explications et causes

L’ orthorexie est considérée comme un phénomène nouveau. En conséquence, on sait peu de choses sur sa fréquence, sa cause et les possibilités de traitement. Les personnes atteintes d’ orthorexie mentale sont très préoccupées par la nourriture. Elles ressentent comme une véritable contrainte le fait de ne devoir manger que des aliments sains. Elles craignent souvent que si elles mangent des aliments «malsains », elles seront atteintes d’ une maladie grave. Généralement, elles ne disposent que d’ un très petit nombre d’ aliments classés comme bons et sains et qui peuvent être consommés sans danger (3).

Cette problématique commence souvent par le désir d’ accroître son bien-être physique, d’ améliorer sa propre santé ou de combattre les symptômes d’ une maladie chronique (4). Mais les changements de leur comportement alimentaire peuvent aussi être déclenchés par des actualités concernant l’ élevage des animaux ou par les scandales survenus dans l’ industrie alimentaire. Cela signifie que le commencement de cette obsession conduit généralement à court terme à des changements positifs, socialement et économiquement souhaitables.

Cependant, à moyen et long terme, la fixation obsessionnelle sur une alimentation saine conduit souvent à une situation dans laquelle les personnes concernées concentrent leur quotidien à l’ achat et à la préparation de la nourriture, se sentent incapables de rompre les habitudes compulsives et, par exemple, de consommer des aliments dans un restaurant ou lorsqu’ elles sont invitées à manger des aliments qu’ elles considèrent comme malsains (3). Une malnutrition, des pensées obsessionnelles, un isolement social et une insuffisance pondérale sont souvent les conséquences à long terme de ces troubles alimentaires. La préoccupation mentale axée sur une alimentation saine domine leur vie quotidienne. Les impacts somatiques de l’ orthorexie sont généralement moins menaçants que ceux de l’ anorexie (4), ce qui rend moins aisé l’ identification et le traitement de ces personnes. Le diagnostic de l’ orthorexie nerveuse est encore plus compliqué car les symptômes sont exprimés de manière qualitative et non quantitative, comme c’ est le cas pour l’ anorexie ou la boulimie, en utilisant par exemple le test d’ orthorexie de Bratman, qui consiste en 10 questions à réponse positive ou négative (1).

À l’ heure actuelle, il n’ est pas encore clair comment classer cette problématique en termes de diagnostic différenciel. Outre la similitude avec les troubles de l’ alimentation, il existe des similitudes évidentes avec les troubles obsessionnels compulsifs et les addictions comportementales (2). En raison de la superposition d’ un style de vie socialement désirable qui recommande et promeut une alimentation saine et consciente, il y a également des voix qui classent ce syndrome principalement comme un phénomène social. La démarcation entre le comportement de santé souhaitable et la fixation persistante et obsessionnelle sur des aliments sains et sur la consommation exclusive de l’ alimentation considérée comme saine ne peut être clairement tracée (3). Le critère de la pertinence clinique est important afin d’ identifier les personnes concernées et de mettre en place des services de soutien adéquats. Strahler et collègues (2) citent les aspects suivants qui permettent de différencier le mode de vie et le comportement alimentaire orthorexique. Il s’ agit par exemple de carences et de malnutrition en raison d’ habitudes alimentaires restrictives, de la peur des aliments «nocifs » et les craintes exagérées pour la santé, de la dépression, de l’ épuisement, l’ isolement social, de l’ inquiétude constante concernant les repas à venir, ainsi que d’ une réduction générale de la qualité de vie. Ces facteurs suggèrent que l’ orthorexie nerveuse devrait être classée comme un trouble, même si certaines des personnes concernées disent qu’ elles n’ en ressentent peu ou pas de conséquences négatives (2).

Les critiques du concept de trouble de l’ orthorexie font référence à l’ omniprésence dans les media des thèmes de la forme physique, de l’ alimentation saine aussi bien que de l’ idéal de beauté alliant beauté et minceur. Ils voient la fixation sur la nourriture saine comme un phénomène de société à une époque où l’ optimisation et le perfectionnisme semblent être encouragés et souhaités.
Les recherches menées ces dernières années ont révélé des corrélations ambiguës avec d’ autres régimes restrictifs, en particulier en ce qui concerne la retenue alimentaire en tant que médiateur potentiel. L’ interprétation de ces corrélations est particulièrement difficile lorsque des facteurs médicaux et sociaux renforcent ce comportement alimentaire. En ce qui concerne le comportement sportif, les recherches existantes montrent des liens avec la dépendance au sport. Le lien entre le sport excessif et le comportement alimentaire orthorexique s’ explique probablement par un idéal socioculturel de beauté et de minceur. Ces données suggèrent que l’ orthorexie ne peut être expliquée de manière adéquate comme un trouble indépendant (2).

Comme ce trouble est encore relativement peu exploré, il y a peu de connaissances sur les causes. Les personnes touchées déclarent que la préoccupation obsessionnelle ultérieure pour une alimentation saine s’ est lentement développée à partir d’ un désir de mener un mode de vie sain et de faire attention à leur alimentation. En outre, avant l’ apparition de cette affection, certaines personnes ont souffert d’ une intolérance ou d’ une maladie ayant nécessité un changement de régime alimentaire. Les normes sociales semblent également être très importantes. Dans les sociétés occidentales en particulier, l’ autodiscipline et une alimentation saine sont reconnues et considérées comme souhaitables (3).

Les premières observations sur le traitement de ce problème montrent qu’ une thérapie multidisciplinaire avec psychothérapie, conseils nutritionnels et un traitement médical sont utiles. Ainsi, les évaluations problématiques des aliments, les rituels compulsifs et le comportement alimentaire peuvent se normaliser tout en favorisant la prise de poids (3).

Implications pour la pratique

En résumé, la littérature existante montre que l’ état des connaissances est actuellement insatisfaisant. Tant la question de l’ importance clinique, ainsi que la demande d’ un diagnostic différentiel, qui est de la plus haute importance pour la pratique médicale et psychothérapeutique, sont actuellement insuffisamment clarifiées. Ce manque de connaissances se manifeste par la difficulté d’ identifier de manière fiable les personnes touchées, d’ une part, et de permettre un traitement approprié, d’ autre part. En raison des taux de prévalence élevés de l’ orthorexie, on peut supposer que les patients vont dans les cabinets des médecins généralistes, mais la souffrance et le potentiel de développer des troubles passent souvent inaperçus. Dans la pratique psychothérapeutique, ce sont des caractéristiques telles que l’ IMC ou un comportement problématique en matière de santé (par exemple, passivité physique, alimentation malsaine ou consommation de substances) qui sont enregistrées. L’ obsession potentielle en comparaison avec les comportements normaux n’ est souvent que peu prise en compte. En conséquence, il est donc recommandé de poser plus de questions aux patients qui déclarent suivre un régime alimentaire sain pour savoir s’ il s’ agit d’ une fixation obsessionnelle avec les conséquences négatives décrites sur la satisfaction dans la vie, les contacts sociaux et, le cas échéant, la santé physique.
En établissant des relations et en menant des conversations avec les personnes concernées, il convient de veiller notamment aux questions touchant à l’ image corporelle, à l’ idéal de beauté, au perfectionnisme et à l’ anxiété face à la santé, qui sont des thèmes liés au sentiment de pudeur. La proximité des troubles obsessionnels compulsifs, des addictions comportementales et des troubles de l’ alimentation suggèrent que le traitement des personnes qui souffrent de détresse psychologique due à l’ orthorexie devrait s’ inspirer des interventions thérapeutiques pour les troubles obsessionnels compulsifs alimentaires.

Les interventions psychothérapeutiques qui sont indiquées pour les patients atteints d’ orthorexie nerveuse sont dérivées de la thérapie cognitivo-comportementale. Les personnes affectées peuvent bénéficier de la restructuration cognitive portant sur les croyances de base dysfonctionnelles, les attentes perfectionnistes de soi, les peurs irrationnelles en matière de santé et le traitement des pensées catastrophiques dysfonctionnelles.

De plus, la promotion de la régulation des émotions et de la capacité à se détendre, apprendre un comportement alimentaire équilibré et non restrictif, ainsi que les compétences sur la pleine conscience, comme compassion personnelle, représentent des atouts qui peuvent être utiles à de tels patients. La promotion et la mobilisation des ressources axées sur des activités positives et de loisirs qui ne sont pas liés à l’ alimentation, au sport et aux comportements de santé sont particulièrement recommandées. En ce qui concerne le soutien médicamenteux en raison de la grande importance d’ un mode de vie sain, il existe souvent des résistances liées aux risques potentiels des médicaments psychotropes sur la santé.

Article traduit de «der informierte arzt» 08_2021

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. phil. Dipl. Psych. Melanie Braun

Fachpsychologin für Psychotherapie
Klaus-Grawe-Institut für Psychologische Therapie
Grossmünsterplatz 1
8001 Zürich
https://www.klaus-grawe-institut.ch/ueber-uns/
klinischesteam/dr-phil-dipl-psych-melanie-braun/

mbraun@ifpt.ch

L’ auteure n’ a pas de conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

◆ Les recherches existantes montrent clairement que l’ orthorexie nerveuse est un phénomène qui peut entraîner un niveau élevé de souffrance pour les personnes concernées.
◆ À l’ avenir, le système de santé aura la tâche importante d’ identifier les personnes touchées et de les traiter de manière adéquate.
◆ L’ hypothèse selon laquelle l’ orthorexie est un mode de vie et donc un phénomène social, sans aucune valeur de maladie, ne rend pas justice au fardeau et aux différents effets négatifs de ce syndrome.
◆ Ainsi, lors de la prise en charge par le médecin généraliste, il convient d’ être attentif lorsque les patients parlent de l’ importance d’ un régime alimentaire sain et restrictif et, le cas échéant en présence de symptômes de carence, de symptômes dépressifs, de sentiments de solitude ou d’ épuisement.
◆ En regardant uniquement les paramètres somatiques tels que le poids corporel ou l’ IMC seul, l’ orthorexie ne peut être identifiée de manière fiable et par conséquent, aucun traitement approprié ne peut être mis en place.
◆ Il est urgent de développer, dans le système de santé auprès des médecins généralistes, des internistes, des psychothérapeutes ou des spécialistes de domaines connexes, une sensibilité pour ces personnes affectées.
◆ En raison de la proximité des troubles alimentaires bien connus et de leur aspect compulsif, un soutien psychothérapeutique est conseillé.
◆ En outre, il est important que des recherches intensives soient menées à l’ avenir sur ce problème, d’ une part, pour développer une meilleure compréhension de l’ orthorexie et d’ autre part pour optimiser la prise en charge des personnes touchées et les traitements.

1. Schnyder, U., Milos, G., Mohler-Kuo, M., & Dermota, P. (2012). Prävalenz von Essstörungen in der Schweiz. Im Auftrag des Bundesamtes für Gesundheit. Verfügbar unter: file:///C:/Users/lenovo/Desktop/ON/Pr%C3%A4valenz%20von%20 Essst%C3%B6rungen%20in%20der%20Schweiz.pdf/
2. Strahler, J. & Stark, R. (2019). Orthorexia nervosa: Verhaltensauffälligkeit oder neue Störungskategorie? Suchttherapie, 20, 1, 24-34. DOI: 10.1055/a-0707-7722
3. Braun, M. (2016). Orthorexia nervosa: Die unbekannte Essstörung. Verfügbar unter: https://www.klaus-grawe-institut.ch/blog/1226/
4. Kinzl., J. F., Kiefer, I., & Kunze, M. (2004). Besessen vom Essen. Leoben: Kneipp- Verlag.

Rhinosinusite chronique – nouvelles possibilités thérapeutiques

Questions :

Quelle est la pathologie la plus susceptible d’être à l’origine de l’obstruction nasale et de l’hyposmie ?
A. Aspergillome des sinus paranasaux
B. Infection aiguë par le SRAS-Covid 19
C. Rhinosinusite chronique avec récidive de polypes nasaux
D. Rhinite allergique avec intolérance à l’aspirine

Quels sont les symptômes ou les résultats qui vous feraient douter de ce diagnostic (red flags) ?
A. Saignements de nez récurrents et dégagement régulier de croûtes
B. Troubles et résultats unilatéraux apparaissant rapidement en l’espace de quelques semaines
C. Violentes céphalées frontales
D. Vision double, épiphora

Quel traitement recommandez-vous à ce patient souffrant de rhinosinusite chronique avec récidive symptomatique de polypes nasaux et qualité de vie nettement réduite ?
A. Changer le spray stéroïde topique (passer de la mométasone à la fluticasone ou au budésonide) et doubler la dose ?
B. Orientation vers le spécialiste ORL pour une révision chirurgicale
C. Évaluation d’un traitement par un produit biologique
D. Traitement systémique par prednisolone ou bétaméthasone

Discussion

Cliniquement, la rhinosinusite chronique est classée selon son phénotype, à savoir l’aspect sans polypes nasaux et l’aspect avec polypes nasaux. La prévalence de la rhinosinusite chronique est estimée à environ 11% en Europe, dont environ 7% présentent le phénotype sans polypes nasaux et environ 4% le phénotype avec polypes nasaux. Mais aujourd’hui, c’est surtout l’endotype sous-jacent qui nous intéresse, car il détermine le concept de traitement et le pronostic. On part du principe que dans la rhinosinusite chronique avec polypes nasaux, environ 85 % des cas présentent un endotype avec inflammation de type 2 avec une réponse immunitaire Th2. Dans la rhinosinusite chronique sans polypes nasaux, on trouve également une réponse immunitaire Th2 dans 25 à 50 % des cas, bien qu’aucun polype nasal ne soit cliniquement détectable. Les arguments en faveur de la présence d’une réponse immunitaire Th2 dans la rhinosinusite chronique sont le tableau clinique compenante de polypes nasaux, une anosmie et un asthme bronchique concomitant, une augmentation des IgE totales et des éosinophiles dans le sang en laboratoire ainsi qu’une éosinophilie tissulaire à l’histologie des polypes nasaux.

Le traitement de la rhinosinusite chronique avec polypes nasaux, basé sur des données probantes, consiste, comme traitement de base, en un traitement local par stéroïdes nasaux topiques et lavages nasaux, et si nécessaire en des traitements de courte durée par stéroïdes systémiques (au maximum 2 à 3 fois par an) et, en cas de réponse insuffisante, en un traitement complémentaire par une intervention fonctionnelle sur les sinus nasaux. Ce concept de traitement permet de traiter efficacement et de manière rentable plus de 90% des patients atteints de rhinosinusite chronique. Pour les patients souffrant d’une rhinosinusite chronique réfractaire et de polypes nasaux ou d’une inflammation de type 2 / réponse immunitaire de type 2, de nouveaux concepts de traitement prometteurs avec des médicaments biologiques sont en train de s’établir. Ces anticorps monoclonaux sont dirigés contre des cytokines importantes (Il-4, Il-5, Il-13) de la réponse immunitaire Th2 ou directement contre les IgE et sont déjà utilisés depuis longtemps dans le traitement d’autres maladies avec inflammation éosinophile comme l’asthme bronchique ou la dermatite atopique. Actuellement, le dupilumab (anti-IL-4, anti-IL-13), le mépolizumab (anti-IL-5) et l’omalizumab (anti-IgE) sont autorisés en Suisse par Swissmedic pour le traitement de la rhinosinusite chronique avec polypes nasaux. Lors de l’indication de ces traitements onéreux, il convient de suivre les directives établies telles que les EPOS Guidelines ou les recommandations de la Société Suisse d’Oto-Rhino-Laryngologie et de chirurgie cervico-faciale (https://www.orl-hno.ch/fileadmin/user_upload/Dokumente/

Mitgliederbereich/Arbeitsgruppen/Rhinologie/Empfehlungen/IMORHP_Empfehlungen_AG_Rhinologie_Monoklonale_Antikoerpertherapie_chronische_Rhinosinusitis.pdf).

Dans le cas de notre patient, il s’agit en résumé d’une maladie chronique des voies respiratoires à éosinophiles avec intolérance à l’aspirine (AERD : «Aspirin-exacerbated respiratory disease»). En cas d’asthme bronchique sévère et de rhinosinusite chronique résistante aux traitements avec polypes nasaux, l’ensemble des voies respiratoires est touché. En combinaison avec les résultats de laboratoire, on peut supposer comme endotype une inflammation de type 2 avec une réponse immunitaire Th2. De plus, la rhinosinusite chronique n’est pas suffisamment contrôlée malgré les traitements systémiques par stéroïdes et les opérations des sinus, de sorte que le patient se qualifie pour un traitement par un produit biologique (anticorps monoclonal).

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Dr. med. Christoph Schlegel-Wagner

Klinik für Hals-Nasen-Ohren- und Gesichtschirurgie (HNO)
Luzerner Kantonsspital
Spitalstrasse
6004 Luzern

christoph.schlegel@luks.ch

L’  auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Dans la rhinosinusite chronique avec ou sans polypes nasaux, outre
le phénotype, l’endotype sous-jacent est également intéressant,
notamment la présence d’une inflammation de type 2 (réponse
immunitaire Th2).
◆ Plus de 90% des patients atteints de rhinosinusite chronique peuvent être traités de manière efficace et rentable par un traitement médicamenteux de base ou par une opération fonctionnelle complémentaire des sinus.
◆ Dans des cas sélectionnés de rhinosinusite chronique résistante au traitement, les médicaments biologiques (anticorps monoclonaux)
représentent une nouvelle forme de traitement prometteuse. L’indication de ce traitement devrait être posée lors d’un conseil interdisciplinaire des voies respiratoires et selon des directives établies.

sur demande auprès de l’ auteur