L’ électroconvulsivothérapie est un traitement médical, reposant sur une technique de stimulation cérébrale non invasive. Elle occupe dans l’ imaginaire collectif une place particulière en lien avec son histoire. L’ évolution des techniques et le corpus des connaissances actuelles invitent à redécouvrir l’ électroconvulsivothérapie comme une thérapeutique psychiatrique possible, et utile chez la personne âgée.
Historique
La première électroconvulsivothérapie, initialement dénommée électrochoc, est réalisée à Rome en 1938, par Ugo Cerletti et Lucio Bini. Elle utilise l’ énergie électrique avec pour objectif l’ induction d’ une crise convulsive. Cette thérapie repose sur l’ hypothèse de Ladislas Meduna posant un antagonisme entre épilepsie et dementia praecox. La pratique de l’ électroconvulsivothérapie se perfectionne dans le temps avec l’ amélioration des conditions de réalisation et connait une diffusion à travers de nombreux pays. Son utilisation va décroître avec la découverte des psychotropes, et connaître un frein majeur avec les mouvements antipsychiatriques (1).
La pratique de l’ électroconvulsivothérapie a polarisé les attaques de ces mouvements. La naissance de cette technique en Italie pendant la double décennie fasciste, l’ utilisation d’ appareil à électrochoc à visées de tortures, ou l’ usage de l’ électricité comme arme paralysante ou à visée létale comme dans le cas de la peine de mort par électrocution, place l’ électroconvulsivothérapie par amalgame dans une tradition totalitaire et barbare. Cette vision d’ une psychiatrie brutale, liberticide, de contrôle social, utilisant l’ électroconvulsivothérapie comme moyen coercitif, attaquant l’ individu dans son identité de sujet libre est particulièrement représentée dans la culture cinématographique, laissant une trace profonde dans l’ imaginaire et la représentation actuelle de ce traitement (2).
Aujourd’ hui, la pratique de l’ électroconvulsivothérapie (ECT) a fait l’ objet de nombreuses publications scientifiques, et est incluses dans certaines recommandations de prise en charge de troubles mentaux.
Méthode
Le traitement se déroule en présence d’ une équipe pluridisciplinaire (anesthésiste et psychiatrie), au sein d’ un centre spécialisé. Après induction d’ une anesthésie générale brève et administration d’ un myorelaxant chez un patient à jeun, le traitement consiste en la création d’ une crise épileptique généralisée tonico-clonique. Celle-ci est déclenchée par une énergie électrique délivrée proportionnelle au seuil épileptogène. Elle est obtenue par des impulsions électriques brèves via des électrodes sur le cuir chevelu. Le patient est sous surveillance clinique et paraclinique. Les complications secondaires de la crise tonico-clonique sont prévenues. La crise dure jusqu’ à un maximum de deux minutes et peut être interrompue pharmacologiquement. Le patient est sous ventilation au masque jusqu’ à son réveil (3).
La prise en charge consiste en une période de soins aigus avec deux à trois séances par semaines, pour un total de 6 à 12 séances. Le traitement est évalué selon son efficacité et sa tolérance. Après cette période et selon l’ évolution, il est possible de continuer la prise en charge par une période de consolidation sur 6 mois, avec une diminution de la fréquence des séances. Au-delà de cette période, une période de traitement de maintenance, avec des séances à la fréquence minimale d’ une fois toutes les 6 / 8 semaines pour éviter le risque de rechute peut être nécessaire (4).
Indications
La principale indication de l’ électroconvulsivothérapie est le traitement des épisodes dépressifs majeurs s’ intégrant ou non dans le cadre d’ un trouble bipolaire. L’ électroconvulsivothérapie peut être considéré comme traitement de première intention dans le cadre d’ un épisode dépressif majeur d’ intensité sévère avec critères de gravités (haut degré de risque suicidaire, altération de l’ état général en lien avec refus d’ hydratation et / ou d’ alimentation), avec pharmacorésistance et épisode antérieur ayant répondu à un traitement par ECT, ou en traitement de seconde intention en cas de pharmacorésistance ou d’ effet indésirables sévères des traitements pharmacologiques antidépresseurs.
L’ électroconvulsivothérapie a également été étudié comme traitement possible de la manie, des troubles du spectre psychotique, de la confusion, de la catatonie, des troubles psycho-comportementaux chez le sujet dément (5, 6, 7).
Il n’ y a pas de contre-indications absolues pour l’ électroconvulsivothérapie, il faut toutefois évaluer soigneusement les conditions suivantes : infarctus / AVC récent (moins de trois mois), masse intracrânienne saignement actif, anévrisme, malformation vasculaire, phéochromocytome, décollement de rétine, dentition instable, insuffisance hépatique (tab. 1).
Efficacités et tolérances
L’ efficacité est étudiée selon l’ indication. L’ indication la plus étudiée est la prise en charge de l’ épisode dépressif majeur. Chez la personne âgée, l’ électroconvulsivothérapie est efficace, avec des taux de réponse élevés atteignant jusqu’ à 60-70 % (8).
Pour ce qui concerne les troubles du spectre psychotique, l’ électroconvulsivothérapie semble être efficace en tant que traitement aigu et d’ entretien pour les patients âgés atteints de schizophrénie qui ont commencé leur maladie plus tôt dans leur vie. Ce type de traitement ne semble pas être utile chez les personnes souffrant de psychose à début très tardif, probablement en raison de la prévalence élevée de pathologies cérébrales comorbides autres que la schizophrénie (9).
L’ électroconvulsivothérapie pourrait jouer un rôle spécifique dans la prise en charge du sujet âgé, et plus particulièrement dans la gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Des case reports ont récemment montré la sécurité et l’ efficacité de l’ ECT dans le traitement de l’ agitation, de l’ agression, et du comportement vocal perturbateur (cris pathologiques) (7). Concernant la tolérance du traitement, l’ effet indésirable potentiel le plus sérieux est cardiovasculaire. Lors de la séance d’ électroconvulsivothérapie, l’ induction de la crise peut être suivie par une bradycardie, voire une asystole en lien avec la stimulation vagale, puis d’ une hypertension et tachycardie lors de la phase sympathique de la crise tonico-clonique. Ces potentielles complications sont prises en compte lors de la consultation avec l’ anesthésiste en amont de la prise en charge et incluses dans la réflexion bénéfice risque posant l’ indication (10).
Les effets indésirables cognitifs décrits sont une potentielle confusion post électroconvulsivothérapie, et l’ existence d’ amnésie antérograde et rétrograde. Ces troubles sont usuellement réversibles après la fin de la prise en charge (6).
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Dr Kevin Swierkosz-Lenart
Service universitaire de psychiatrie de l’ âge avancé (SUPAA)
CHUV
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne
kevin.swierkosz-lenart@chuv.ch
Dr Jean-Pierre Schuster
Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Route de Cery 60
1008 Prilly
jean-pierre.schuster@chuv.ch
Pr Armin von Gunten
Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA),
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne.
Les auteurs déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ L’ électroconvulsivothérapie est un des traitements les plus efficaces en psychiatrie.
◆ L’ indication la plus étudiée est celle de la prise en charge d’ épisode dépressif majeur et peut permettre dans la plupart de cas une rémis-sion des symptômes dans un délai de temps assez bref.
◆ Le sujet âgé ne doit pas subir une restriction d’ accès à cette possibilité thérapeutique.
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Les streptocoques comprennent plus de 100 espèces décrites, dont certaines présentent un grand intérêt médical. Ces bactéries à Gram positif, souvent disposées en chaînettes, sont rencontrées dans une grande variété de tableaux cliniques et font certainement partie des agents pathogènes les plus importants dans la pratique médicale quotidienne. La littérature disponible est en conséquence très abondante. Dans cette revue, les recommandations internationales disponibles sont discutées pour des tableaux cliniques sélectionnés (l’ amygdalo-pharyngite causée par Streptococcus pyogenes, la «méningite infantile» causée par Streptococcus agalactiae et l’ endocardite causée par des streptocoques du groupe D).
Les genres Streptococcus et Enterococcus sont taxonomiquement regroupés avec les genres anaérobies de la famille des Streptococcaceae. Leur caractéristique est leur aspect microscopique sous forme de coques à Gram positif en chaînette (fig. 1). Le genre Streptococcus comprend actuellement 109 espèces valablement décrites, dont seule une petite partie joue un rôle significatif en tant qu’ agents infectieux en médecine humaine (tab. 1).
Historiquement, les streptocoques ont d’ abord été distingués sur la base de leur hémolyse sur des milieux de culture contenant du sang. Lancefield a ensuite divisé les streptocoques hémolytiques en groupes basés sur les antigènes capsulaires. Les désignations de streptocoques du groupe A (SGA) pour Streptococcus pyogenes et de streptocoques du groupe B (SGB) pour Streptococcus agalactiae ont persisté jusqu’ à ce jour et sont souvent utilisées comme synonymes des noms scientifiques latins. Si le SGA et le SGB sont relativement faciles à distinguer en laboratoire à l’ aide de méthodes de spectrométrie de masse (MALDI-ToF, tab. 2), l’ identification exacte de l’ espèce dans le groupe des streptocoques buccaux ou verdissants n’ est pas toujours aisée. Sur le plan microbiologique, ces streptocoques, qui résident principalement dans l’ espace oropharyngé, sont divisés en pneumocoques (Streptococcus pneumoniae) et en six sous-groupes.
Nous constatons une grande variabilité des infections associées aux streptocoques non seulement sur le plan microbiologique, mais aussi en ce qui concerne les tableaux cliniques qu’ elles provoquent (tab. 1), c’ est pourquoi les directives actuelles doivent être considérées avec une certaine réserve. Les recommandations internationales concernant l’ amygdalopharyngite aiguë (APA), le dépistage des SGB pour la prévention de la septicémie/méningite précoce du nouveau-né et les lignes directrices sur l’ endocardite avec une attention particulière sur les streptocoques oraux en tant qu’ agents pathogènes sont discutées et résumées ci-dessous.
Amygdalo-pharyngite à SGA
La manifestation de loin la plus courante du SGA est l’ amygdalo-pharyngite aiguë (APA), qui présente une certaine saisonnalité (1) et peut survenir à tout âge, mais dont l’ incidence est la plus élevée chez les enfants d’ âge scolaire (2).
La distinction entre pharyngite, amygdalite et amygdalopharyngite n’ est pas facile dans de nombreux cas, et la gravité des symptômes peut varier considérablement. Le symptôme classique de l’ amygdalite exsudative, avec des amygdales hypertrophiées et rougies et un exsudat purulent, peut souvent manquer (3). Les complications tardives sont désormais rares en Europe (4). Lorsque la scarlatine survient en association avec l’ APA, la principale préoccupation est la réponse immunitaire systémique aux exotoxines pyrogènes avec les symptômes associés. Les évolutions graves sont la fasciite nécrosante et le syndrome de choc toxinique streptococcique (5).
La Société américaine des maladies infectieuses (IDSA) (2) et le groupe de travail sur le mal de gorge aigu de la Société européenne de microbiologie clinique et d’ infectiologie (ESCMID) (6) ont publié des lignes directrices sur le bilan diagnostique et la prise en charge de l’ APA SGA, et en Angleterre le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) (7) a émis des lignes directrices sur l’ antibiothérapie du mal de gorge aigu.
Dans les directives, le système d’ évaluation clinique selon Centor (CSS) ou McIsaac (MSS), les tests de détection rapide de l’ antigène (RADT) et la culture d’ enrichissement classique sont discutés pour le diagnostic du GAS-ATP (tab. 2). La détection par NAAT/PCR ne semble pas adéquate compte tenu des coûts comparativement élevés (7). Les méthodes de détection sérologique – à l’ exception de l’ exclusion de la nécrose aiguë de la rétine (ARN) et des fimbriae agrégatives (AGF) – n’ ont pas de rôle en clinique.
La différenciation entre les véritables infections et le statut du porteur (jusqu’ à 25% de la population) (8) constitue un obstacle majeur et n’ est pas possible à l’ aide des RADT et des NAAT ; l’ évaluation clinique a donc un poids plus important. En utilisant le CSS, des points sont attribués pour des symptômes définis. Avec un maximum de 4 points, la probabilité d’ une culture positive du SGA est de 56 %, alors qu’ avec le score minimum, elle n’ est que de 2,5 % (9). Le score de MSS, structuré de manière similaire, inclut par contre la probabilité plus élevée d’ une infection par le SGA chez les enfants (10).
Il existe un consensus sur le fait que l’ évaluation clinique selon le CSS ou le MSS n’ est pas suffisante pour le diagnostic. Seuls les scores cliniques élevés (au moins 3 points) doivent être confirmés par des RADT ou une culture. Les RADT sont préférables en raison du temps d’ attente très court jusqu’ à ce que le résultat soit disponible, tout en accordant une grande importance à l’ instruction correcte du personnel et à la mise en œuvre. Un prélèvement de suivi après le traitement n’ est pas indiqué (2).
L’ évolution spontanée de l’ APA est autolimitée après quelques jours. Même avec une bonne compliance thérapeutique, l’ administration d’ antibiotiques ne raccourcit la durée de la maladie que de 16 heures chez 20 % des patients traités (1). La pénicilline et l’ amoxicilline sont les agents de choix chez les patients gravement malades ou présentant des complications. Indépendamment de l’ antibiothérapie, des anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être utilisés pour soulager les symptômes. En matière de recommandations et d’ options thérapeutiques détaillées pour les personnes souffrant d’ allergies, veuillez-vous référer aux directives mentionnées précédemment.
Dépistage du SGB chez les femmes enceintes
Les SGB font partie de la flore intestinale normale (11). Le taux de colonisation vaginale des femmes enceintes en Allemagne est d’ environ 16 % (12). Des infections graves sous forme de septicémie, de méningite et/ou de pneumonie surviennent chez 1 à 2 % des nouveau-nés matures et surtout prématurés colonisés par des SGB (13, 15) (tab. 1). La ligne directrice S2k AWMF recommande le dépistage des SGB chez les femmes enceintes au moyen d’ un frottis rectal et vaginal combiné entre 35 + 0/7 et 37 + 0/7 semaines de grossesse (13). Les frottis vaginaux profonds et les frottis cervicaux sont déconseillés (13, 14). Pour le diagnostic de laboratoire, les directives recommandent l’ utilisation de bouillons d’ enrichissement de SGB avec mise en culture ultérieure (15, 16, 18).
L’ objectif du dépistage est de prévenir ou de réduire les infections (tab. 1) et leurs conséquences chez les nouveau-nés. Le taux de mortalité néonatale pour l’ EOI et la LOI est de 9,4 %, le taux de mortalité pour les nouveau-nés matures est de 6 % et pour les prématurés de 18 % (14). La décision sur la nécessité d’ une IAP (antibioprophylaxie intra-partum) est prise sur la base d’ un risque accru d’ EOI (14, 17). Les facteurs de risque incluent la colonisation de la femme enceinte au moment de l’ accouchement, une bactériurie à SGB pendant la grossesse, une rupture prématurée de la poche des eaux (≥ 18 h avant l’ accouchement), un accouchement prématuré, un précédent accouchement avec un enfant atteint de SGB, une CRP maternelle élevée (> 20mg/L), des signes d’ infection intra-partum dont une chorioamnionite chez la femme enceinte (12, 13, 14, 17).
Les symptômes cliniques de l’ EOI sont divers chez les nouveau-nés et souvent plus subtils chez les nouveau-nés prématurés. Environ 95% des EOI à SGB surviennent dans les 48 premières heures après la naissance (13, 19). Si des symptômes sont présents, la détection de l’ agent pathogène avec une antibiothérapie ultérieure (aminoglycoside associé à l’ amoxicilline) est recommandée (19). Pour le diagnostic de l’ EOI, en particulier de la septicémie, la détection des agents pathogènes à partir des hémocultures (HC) et/ou du liquide céphalorachidien est nécessaire. Seul une HC aérobie est recommandée, qui doit être inoculée avec au moins 1 ml de sang (13). Chez les nouveau-nés asymptomatiques, la surveillance de l’ infection à 48h n’ est recommandée qu’ en présence de facteurs de risque de SGB ou chez les mères présentant des signes de chorioamnionite (19).
L’ utilité des paramètres de laboratoire est particulièrement importante pour l’ évaluation de l’ arrêt du traitement après 36-48h (13, 19). En plus du diagnostic par hémoculture, la détermination de la CRP, de l’ IL-6 ou de l’ IL-8 du nouveau-nés et une numération sanguine différentielle sont recommandés (13), car un traitement trop long (>5 jours) a entraîné une augmentation des décès et des entérocolites nécrosantes chez les nouveau-nés (19).
Endocardite
L’ endocardite infectieuse (EI) n’ est pas une entité homogène, ni sur le plan clinique ni en ce qui concerne les agents pathogènes responsables (20). Sur le plan microbiologique, les Streptococcaceae dominent dans un large spectre d’ agents pathogènes (21). En tant qu’ espèce unique, Streptococcus gallolyticus subsp. gallolyticus (anciennement Streptococcus bovis) est probablement l’ une des plus importantes espèces étiologiques de l’ EI (22).
Des lignes directrices pour la prise en charge de l’ endocardite ont été publiées par la Société européenne de cardiologie (ESC), pour la dernière fois en 2015 (23), et par l’ American Heart Association (AHA) dans la version révisée de 2017 (24). En outre, il existe d’ autres directives émanant de sociétés professionnelles européennes et américaines, dont certaines sont spécialisées, et qui ne seront pas abordées ici. Il convient de se référer à la version très récemment révisée de la directive sur l’ antibioprophylaxie pour la Suisse par le groupe d’ experts «Infective Endocarditis Prevention» (25).
Les streptocoques buccaux verdissants sont parmi les germes les plus fréquemment associés à l’ EI. Le simple fait de se brosser les dents le matin suffit à provoquer une bactériémie streptococcique orale transitoire. Les interventions dentaires ne sont donc responsables que d’ une faible proportion des EI. La prophylaxie antimicrobienne (PA), bien que discutée, n’ est systématiquement recommandée que pour les interventions chez les patients à haut risque ou pour les procédures dentaires associées à un tel risque (23, 25, 26). Chez les patients à risque modéré ou élevé, il est recommandé de traiter des urémies ou des infections cutanées chroniques, et on relèvera l’ intérêt d’ une antibiothérapie dans les infections bactériennes connues comme prévention d’ une endocardite bactérienne (23).
Le diagnostic de l’ agent pathogène fait partie d’ un bilan diagnostique complet (20, 23). L’ hémoculture est la méthode de choix pour la détection des agents pathogènes en cas de suspicion d’ EI. Le principal critère de diagnostic est la mise en évidence du pathogène dans deux paires d’ hémocultures périphériques séparées. Il est recommandé de collecter trois paires d’ HC (chacune ae et an) dans un intervalle de 30 min. avant de débuter une antibiothérapie (23), la probabilité de détection du germe augmentant avec le nombre de paires et atteignant 100% avec la collecte de 4 paires (27). Puisque l’ état bactériémique reste constant pendant l’ EI, il n’ est pas nécessaire d’ attendre une phase fébrile pour collecter les HC (23), et il n’ y a pas de différence entre la collecte individuelle et la collecte collective des paires d’ HC (28). Avec les systèmes automatisés modernes, une incubation prolongée (14 ou 21 jours) n’ est plus nécessaire ; une incubation de 5 jours est généralement suffisante pour la détection des germes à croissance lente (p.ex. Cutibacterium sp., anciennement Propionibacterium). Dans de rares cas, une prolongation de 5 à 7 jours peut être envisagée. En revanche il est important de respecter les exigences pré-analytiques concernant le nombre et le volume de remplissage des flacons (ni surremplissage, ni sous-remplissage) (28).
L’ EI à culture négative (BCNIE) peut se produire dans environ 1/3 des cas, selon les études. En ce qui concerne les streptocoques discutés dans cette revue, les BCNIE se produisent généralement lorsque la collecte des HC a eu lieu après le début de l’ antibiothérapie. Dans de tels cas, la PCR eubactérienne peut être utile (23). Cependant, notre propre expérience suggère que celle-ci ne doit pas être effectuée à partir des flacons d’ HC, mais à partir de sang EDTA prélevé séparément à cette fin.
Étant donné que les agents pathogènes courants des EI, y compris les staphylocoques, font également partie des contaminants fréquents des HC positives, l’ évaluation critique d’ un résultat d’ HC positif en termes de différenciation d’ une éventuelle contamination peut être difficile. Par conséquent, seule la détection d’ agents pathogènes typiques tels que S. gallolyticus ssp. gallolyticus ou appartenant aux streptocoques viridans dans deux HC indépendantes représente un critère majeur (23). La présence d’ une seule hémoculture positive, surtout sans la présence d’ autres critères principaux, doit être considérée avec prudence. Le fait de trouver (à plusieurs reprises) dans les urines d’ un patient suspect d’ endocardite un germe du groupe des streptocoques oraux ou du groupe D (S. gallolyticus ssp. gallolyticus), généralement classé comme contaminant, peut renforcer la signification d’ une HC positive. Si les HC avec le même agent pathogène restent positives 48-72 heures après l’ initiation d’ un traitement réellement efficace, cela représente un critère de pronostic défavorable.
En relation avec le traitement chirurgical de l’ endocardite, la recherche et l’ élimination de foyers infectieux sont importantes. Par conséquent, un examen dentaire, une coloscopie chez les patients atteints d’ une EI causée par S. gallolyticus ssp. gallolyticus, ou la recherche d’ infections au niveau de la colonne vertébrale telles que la spondylodiscite sont recommandés (29).
Cet article est une traduction de l’ article original paru dans « der informierte arzt » 06_2021.
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
PD Dr. sc. hum. Oliver Nolte
Zentrum für Labormedizin St. Gallen
Humanmedizinische Mikrobiologie
Frohbergstrasse 3
9001 St. Gallen
oliver.nolte@zlmsg.ch
Salome N. Seiffert, PhD
Zentrum für Labormedizin St. Gallen
Humanmedizinische Mikrobiologie
Frohbergstrasse 3
9001 St. Gallen
salome.seiffert@zlmsg.ch
Dr. med. vet. Patrick Kindle
Zentrum für Labormedizin St. Gallen
Humanmedizinische Mikrobiologie
Frohbergstrasse 3
9001 St. Gallen
patrick.kindle@zlmsg.ch
Les auteurs déclarent qu’ il n’ y a pas de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ Le genre Streptococcus comprend plus de 100 espèces, dont peu sont d’ une grande importance en tant qu’ agents infectieux.
◆ Les streptocoques du groupe A sont la cause bactérienne la plus fréquente de l’amygdalopharyngite aiguë, mais il est difficile de distinguer entre une infection et le statut de porteur par des méthodes diagnostiques. Ainsi l’évaluation clinique revêt-elle une grande importance. L’évolution spontanée est généralement favorable, les antibiotiques doivent être utilisés avec retenue.
◆ Les streptocoques du groupe B constituent une menace potentielle, notamment pour les nouveau-nés. Des mesures appropriées (dépistage des SGB et IPA) peuvent prévenir ou réduire les infections graves de la mère et du nouveau-né (notamment l’ EOI) ainsi que leurs conséquences.
◆ Les streptocoques, en particulier les streptocoques oraux et S. gallolyticus ssp. gallolyticus, dominent dans un large spectre en tant qu’ agents pathogènes de l’ endocardite. Sur le plan microbiologique, l’ hémoculture représente le pilier essentiel du diagnostic, la préanalyse correcte (nombre et volume de remplissage des flacons) étant d’ une grande importance.
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25. Sendi P, Hasse B, Frank M, et al. Infektiöse Endokarditis: Prävention und Prophylaxe. Empfehlungen der Expertengruppe «Infective Endocarditis Prevention» Swiss Med Forum. 2021;21(0506):84-89
26. Thornhill MH, Dayer M, Lockhart B, et al. Guidelines on prophylaxis to prevent infective endocarditis. British Dental Journal 2016;220(2):51-56.
27. Lee A, Mirrett S, Reller LB, et al. Detection of bloodstream infections in adults: how many blood cultures are needed? Journal Clinical Microbiology 2007;45:3546–3548.
28. Lamy B, Dargère S, Arendrup MC, et al. How to optimize the use of blood cultures for the diagnosis of bloodstream infections? A state-of-the art. Frontiers in microbiology 2016;7:697
29. Pettersson GB, Coselli JS, Hussain ST, et al. The American Association for Thoracic Surgery (AATS) consensus guidelines: surgical treatment of infective endocarditis: executive summary. The Journal of Thoracic and Cardiovascular Surgery 2017;153(6):1241-1258
Le Projet de Soins Anticipé (ProSA) est un processus de communication encadré par un professionnel spécifiquement formé permettant aux personnes d’ expliciter les valeurs qui sous-tendent leurs préférences de soins et de documenter ainsi des directives anticipées. En cas d’ incapacité de discernement, le ProSA permet d’ améliorer la cohérence entre les soins prodigués et les préférences du patient de diminuer le risque de surtraitement et d’ améliorer l’ expérience de soins des personnes impliquées.
Les directives anticipées ont vu le jour dans les années 1960 dans le but de soutenir l’ autonomie du patient au-delà de la perte de sa capacité de discernement. Malheureusement, les directives anticipées se sont révélées insuffisantes à atteindre cet objectif. D’ une part, les directives anticipées sont peu connues et utilisées (1), d’ autre part, leur mise en œuvre est entravée par de nombreuses raisons conceptuelles et pratiques (2).
Le Projet de Soins Anticipé (ProSA (3), advanced care planning en anglais) a été défini comme « un processus de communication structuré permettant aux personnes encore capables de discernement de réfléchir à leurs préférences et objectifs de soins en anticipation d’ une perte de la capacité de discernement, de discuter de ces préférences et objectifs avec leurs proches, médecins et soignants et de les documenter et les adapter lorsque cela leur semble approprié » ((4), page e549). Le ProSA met ainsi l’ accent sur le processus de communication en offrant un accompagnement professionnel à la discussion et à la documentation de directives anticipées (5). Dans ce contexte, le ProSA ne remplace pas les directives anticipées mais les intègre au sein d’ un processus plus global et évolutif. La valeur de l’ autonomie du patient, centrale dans le système de santé, est ainsi comprise comme une autonomie relationnelle et temporelle (fig. 1 et 2).
L’ efficacité de cette approche est éprouvée et résumée dans plusieurs revues systématiques (6–9). A la suite du ProSA, les patients indiquent notamment un gain de clarté par rapport aux informations et documents qui traduisent au mieux leurs préférences. Lorsque le patient est incapable de discernement, ses préférences ont plus de chances d’ être respectées, ce qui diminue notamment le risque qu’ il soit traité contre son gré ou de subir des traitements inutiles. Les proches, médecins et soignants rapportent également un sentiment de contrôle accru.
Le ProSA a émergé dans les années 1990 aux États-Unis et a gagné progressivement en popularité. Dès les années 2000, cette approche a été adoptée à des degrés divers en Suisse (3, 10, 11). En 2018, l’ Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) (12) et l’ Office Fédéral de la Santé Publique (13) ont recommandé le développement du ProSA ; l’ association ACP Swiss, qui promeut et coordonne ce modèle au niveau national, a vu le jour en 2020, et un groupe de travail de l’ OFSP et de l’ ASSM réfléchit actuellement à son implantation en Suisse.
Dans le cadre de cet article nous présentons la structure et le contenu d’ un outil permettant le ProSA, dont la mise en œuvre dans le canton de Vaud montre des résultats prometteurs. Nous souhaitons par ce biais démontrer les bienfaits et le potentiel de cette approche.
Des valeurs au projet de soins anticipé
L’ outil utilisé par la Chaire de soins palliatifs gériatriques du CHUV se base sur un concept élaboré par l’ Université de Zurich et Palliative Zurich et Schaffhouse (ACP Medizinisch Begleitet®), lui-même inspiré du modèle allemand « Behandlung im Voraus planen » (14) « Respecting Choices » (USA) (15) et « Respecting Patients Choices » (Australie, (16)). L’ outil zurichois a été testé dans les milieux hospitaliers dans le cadre d’ un essai randomisé contrôlé (11). L’ outil comprend des formations, des formulaires pour la documentation et des standards pour les discussions. Au cours de 2-3 discussions entre la personne, des proches (si souhaité) et un professionnel formé (« facilitateur ») les trois étapes suivantes sont abordées :
Choix d’ un représentant thérapeutique
Entretien sur les valeurs
Objectifs thérapeutiques et instructions médicales
Choix d’ un représentant thérapeutique
Le choix d’ un représentant thérapeutique est une étape centrale du ProSA, qui endosse une conception relationnelle de l’ autonomie (fig. 1). Ce choix n’ est pas toujours aisé car il faut pondérer les aspects suivants : Qui a une bonne connaissance de la personne, de son histoire de vie et de ses valeurs ? Qui entretient une relation de confiance avec la personne ? Qui a les capacités pour défendre la volonté de la personne face aux professionnels de santé ? Qui est d’ accord et suffisamment disponible pour assumer ce rôle ?
Lorsque le représentant thérapeutique, les médecins et les soignant-e-s ne sont pas sûrs de comment mettre en œuvre les directives anticipées, par exemple lorsqu’ une situation de soins non anticipée se présente, l’ autonomie relationnelle considère les représentant-e-s thérapeutiques comme des co-décideurs puisque leur rôle sera de s’ engager dans une décision partagée avec les médecins et soignant-e-s et donner le consentement aux traitements (17).
Nous recommandons que le représentant thérapeutique – et potentiellement d’ autres proches impliqués dans les décisions de soins – participent au ProSA. En effet, cette démarche est une opportunité de préparer le représentant thérapeutique à son rôle clé, complexe et inhabituel. Cet aspect est particulièrement important lorsque le bénéficiaire a des troubles neurocognitifs et que proches, médecins et soignants devront prendre des décisions existentielles pour la personne durant plusieurs années (18).
L’ entretien concernant les valeurs
A cette étape, le facilitateur aide la personne à explorer les valeurs qui sous-tendent ses préférences de soins. Dans le cadre de notre outil de ProSA, l’ entretien des valeurs propose de réfléchir à ce qui compte le plus pour le bénéficiaire sur la base des questions présentées dans le tableau 1. La logique est de commencer par des thèmes généraux (projet de vie, valeurs) pour ensuite cheminer au fur et à mesure vers des thèmes plus spécifiques (maladie, handicap, mort). Cet entretien est documenté par le facilitateur et la documentation est ensuite relue par la personne concernée et corrigée si nécessaire.
Objectifs thérapeutiques et instructions médicales
Cet outil permet aux personnes de documenter des objectifs thérapeutiques et des instructions médicales pour trois situations d’ incapacité de discernement (tab. 2). L’ approche par scénarios permet au bénéficiaire du ProSA et à ses proches de se projeter dans des situations concrètes. D’ autre part, l’ approche par objectifs permet au représentant thérapeutique, aux médecins et aux soignants de prendre des décisions dans des situations non anticipées. Si le bénéficiaire ne souhaite pas être hospitalisé en cas de détérioration de son état de santé, des instructions médicales peuvent être rédigées afin de permettre aux intervenants de gérer la fin de vie à domicile. Des documents supplémentaires permettent également de définir l’ attitude concernant la recherche et le don d’ organes.
Il est important de souligner que la personne est libre de décider ce qu’ elle souhaite documenter à un moment donné : le processus peut être interrompu ou poursuivi à tout moment. Les documents produits à l’ issue du ProSA sont datés et signés par leur auteur et idéalement par le représentant thérapeutique, le médecin de confiance ou le professionnel qui a accompagné le processus. Nous nous efforçons en outre d’ offrir la possibilité aux patient-e-s de mettre à jour leur ProSA quand cela est opportun (autonomie temporelle) (fig. 1).
Formation et implantation du projet de soins anticipé dans le canton de Vaud
La formation des professionnels à l’ utilisation de cet outil se structure en deux modules. Dans le cadre du premier module (Cours de base), les participants reçoivent des informations sur la structure et le déroulement du ProSA et apprennent à mener l’ entretien sur les valeurs. Dans le deuxième module (Facilitateur) les professionnel-le-s apprennent à documenter les objectifs thérapeutiques et les directives anticipées. Les principes de la communication sont ceux de l’ approche centrée sur la personne de Carl Rogers : écoute active, empathie, réflexivité et regard positif inconditionnel. Les professionnels se présentent comme des facilitateurs du processus et non comme des experts.
Entre juillet 2019 et fin 2021, plus de 50 professionnels auront été formés au ProSA en collaboration avec la Croix-Rouge Vaudoise et le Réseau Santé Région Lausanne. Des projets d’ implantation sont en cours dans une vingtaine d’ institutions et organisations membres des Réseaux Santé Vaud.
A ce jour, environ 150 personnes ont bénéficié d’ un ProSA grâce au soutien de la Direction générale de la santé du Canton de Vaud, de l’ ASSM et de Promotion Santé Suisse.
Perspectives
La communauté de pratique des personnes et institutions porteuses du ProSA est en rapide croissance en Suisse et dans le canton de Vaud. Nos objectifs pour le futur visent entre autres à :
Développer un cours destiné aux médecins ;
Développer des outils et une formation destinée aux professionnels qui soignent des personnes avec une capacité de discernement limitée ;
Poursuivre les tests sur les conditions de faisabilité du ProSA au plan cantonal ;
Étoffer les liens avec le plan de réponse à l’ urgence cantonale afin de prévenir les hospitalisations non souhaitées et évitables.
Dre Daniela Ritzenthaler 1,2,3
Dre Laura Jones 1,2,3
Pr Ralf J. Jox 1,3,4
1 Chaire de soins palliatifs gériatriques
2 Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique
3 Service de soins palliatifs et de support
4 Institut des humanités en médecine
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Avenue Pierre-Decker 9, 1011 Lausann
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Dre Francesca Bosisio
Chaire de soins palliatifs gériatriques
Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique
Service de soins palliatifs et de support
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Avenue Pierre-Decker 9
1011 Lausanne
francesca.bosisio@chuv.ch
Dre Eve Rubli Truchard
Chaire de soins palliatifs gériatriques
Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Avenue Pierre-Decker 9
1011 Lausanne
Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.
◆ La pandémie Covid-19 a montré la nécessité de renforcer l’ autonomie des personnes en prévision d’ une perte de la capacité de discernement.
◆ La littérature internationale et les expériences de terrain en Suisse et dans le canton de Vaud montrent des résultats prometteurs non seulement pour les patients mais également pour leurs proches aidants.
◆ En promouvant une autonomie de type relationnel, le ProSA semble correspondre mieux aux besoins des patient-e-s, en particulier des personnes âgées et de leurs proches.
1. Vilpert S, Borrat-Besson C, Maurer J, Borasio GD. Awareness, approval and completion of advance directives in older adults in Switzerland. Swiss Med Wkly [Internet]. 2018 Jul 30 [cited 2019 Jun 11];148(2930). Available from: https://smw.ch/en/article/doi/smw.2018.14642/
2. Fagerlin A, Schneider CE. Enough: The Failure of the Living Will. Hastings Cent Rep. 2004;34(2):30–42.
3. Bosisio F, Fassier T, Rubli Truchard E, Pautex S, Jox R. Projet de soins anticipé ou advance care planning. Proposition d’ une terminologie commune pour la Suisse romande. Rev Médicale Suisse. Sept 2019:1634–6.
4. Rietjens JAC, Sudore RL, Connolly M, van Delden JJ, Drickamer MA, Droger M, et al. Definition and recommendations for advance care planning: an international consensus supported by the European Association for Palliative Care. Lancet Oncol. 2017;18(9):e543–51.
5. Jox R. Preparing existential decisions in later life. Advance care planning. In: Schweda M, Pfaller L, Brauer K, Adloff F, Schicktanz S, editors. Planning Later Life Bioethics and Public Health in Ageing Societies. London, UK: Routledge; 2017. p. 164–80.
6. Brinkman-Stoppelenburg A, Rietjens JAC, van der Heide A. The effects of advance care planning on end-of-life care: a systematic review. Palliat Med. 2014 Sep;28(8):1000–25.
7. Khandelwal N, Kross EK, Engelberg RA, Coe NB, Long AC, Curtis JR. Estimating the effect of palliative care interventions and advance care planning on ICU utilization: a systematic review. Crit Care Med. 2015 May;43(5):1102–11.
8. Austin CA, Mohottige D, Sudore RL, Smith AK, Hanson LC. Tools to Promote Shared Decision Making in Serious Illness: A Systematic Review. JAMA Intern Med. 2015 Jul;175(7):1213–21.
9. Houben CHM, Spruit MA, Groenen MTJ, Wouters EFM, Janssen DJA. Efficacy of advance care planning: a systematic review and meta-analysis. J Am Med Dir Assoc. 2014 Jul;15(7):477–89.
10. Séchaud L, Goulet C, Morin D, Mazzocato C. Advance care planning for institutionalised older people: an integrative review of the literature. Int J Older People Nurs. 2014 Jun;9(2):159–68.
11. Krones T, Budilivschi A, Karzig I, Otto T, Valeri F, Biller-Andorno N, et al. Advance care planning for the severely ill in the hospital: a randomized trial. BMJ Support Palliat Care. 2019 Jan 21;
12. ASSM. Attitude face à la fin de vie et à la mort. Directives médico-éthiques de l’ Académie Suisse des Sciences Médicales. [Internet]. Berne: ASSM; 2018 p. 38. Available from: https://www.samw.ch/fr/Publications/Directives.html
13. Imhof W, Office fédéral de la santé publique. L’ anticipation en lien avec la santé, en particulier en cas d’ incapacité de discernement (« Advance Care Planning »). 2018;32.
14. n der Schmitten J, Lex K, Mellert C, Rothärmel S, Wegscheider K, Marckmann G. Implementing an Advance Care Planning Program in German Nursing Homes. Dtsch Ärztebl Int. 2014 Jan;111(4):50–7.
15. Hickman S, Hammes B, Moss A, Tolle S. Hope for the Future: Achieving the Original Intent of Advance Directives. Hastings Cent Rep. 2005;35(6):S26–30.
16. Detering KM, Hancock AD, Reade MC, Silvester W. The impact of advance care planning on end of life care in elderly patients: randomised controlled trial. BMJ. 2010 Mar 24;340:c1345.
17. Bosisio F, Barazzetti G. Advanced Care Planning: Promoting Autonomy in Caring for People with Dementia. Am J Bioeth. 2020 Aug 2;20(8):93–5.
18. Bosisio F, Jox R, Jones L, Rubli Truchard E. Planning ahead with dementia: what role can advance care planning play? A review on opportunities and challenges. Swiss Med Wkly. 2018;148(w14706).
Le rapport suivant met en lumière une sélection de moments forts de la réunion scientifique de l’ Association Américaine du Diabète, qui s’ est déroulée sous forme virtuelle du 25 au 29 juin 2021.
Étude GRADE
De manière similaire que l’ étude UKPDS en 1998, l’ étude GRADE a examiné la valeur du traitement initial chez les patients prétraités par metformine (1000-2000 mg par jour) et présentant une HbA1c de 6,8 à 8,5 %.
L’ étude a porté sur les inhibiteurs de la DPP-4 (sitagliptine), le GLP-1-RA (liraglutide), les sulfonylurées (glimépiride) et l’ insuline glargine. Malheureusement, les inhibiteurs du SGLT-2 n’ ont pas été pris en compte, car ils n’ étaient autorisés sur le marché américain que quelques mois après le début de l’ étude. Le critère d’ évaluation primaire était une HbA1c ≥ 7,0 %, confirmée lors de la visite trimestrielle suivante. Le critère d’ évaluation secondaire était un taux d’ HbA1c ≥ 7,5 % après l’ introduction de l’ insuline glargine dans les 3 groupes non glargine. 5047 personnes ont été incluses.
Les résultats suggèrent que la meilleure HbA1c est obtenue après 6 mois avec le glimépiride et le liraglutide, et que les meilleurs résultats après 48 mois ont été obtenus avec la glargine et le liraglutide.
Les hypoglycémies sévères étaient 2-3 fois plus élevées dans le groupe glimépiride que sous liraglutide et 70 % de plus par rapport au groupe sous glargine seul. Les meilleurs résultats, mais non significatifs, en termes de MACE à 3 points, de mortalité et d’ insuffisance cardiaque ont été obtenus pour le liraglutide.
Diabète et insuffisance cardiaque
5 ans après le diagnostic de diabète, deux tiers des patients atteints de diabète de type 2 avaient une insuffisance cardiaque même en l’ absence d’ ischémie. Ces 68 % se répartissent dans les sous-catégories suivantes : 27% de dysfonction systolique uniquement, 16 % de dysfonction diastolique uniquement et 25 % de dysfonctionnement systolique et diastolique combiné.
Pour cette raison, le communiqué de presse suivant est essentiel :
«Dans le cadre d’ un suivi de 1,9 million de patients atteints de diabète de type 2, on a constaté qu’ en termes de première manifestation la plus fréquente d’ une maladie cardiovasculaire l’ AOMI était au premier rang avec 16 %, l’ insuffisance cardiaque au deuxième rang avec 14 %, suivie par l’ infarctus du myocarde non mortel avec 12 %, les événements cérébrovasculaires avec 10 % et le décès d’ origine cardiovasculaire avec 4 %.»
Essai EMPEROR PRESERVED
Peu de temps après le congrès de l’ ADA, les principaux résultats de cette étude ont été publiés dans un communiqué de presse. Pour la première fois, une étude clinique a démontré avec succès qu’ un traitement peut réduire le risque d’ hospitalisation et de décès cardiovasculaire chez les patients atteints d’ insuffisance cardiaque à fraction d’ éjection préservée (HFpEF). L’ empagliflozine agit également en cas de fraction d’ éjection préservée et pas seulement en cas de fraction d’ éjection réduite. Elle est, en conséquence, le premier inhibiteur du SGLT2 à obtenir ces résultats.
Essai AMPLITUDE
AMPLITUDE est une étude de critère cardiovasculaire portant sur l’ efpéglenatide, un GLP-1-RA basé sur l’ exendine-4, qui a été couplé à un fragment Fc d’ IgG4 pour prolonger la demi-vie. Des doses de 4 et 6 mg s.c. une fois par semaine ont été testées chez 4076 patients. 90 % des patients avaient déjà une maladie cardiovasculaire et 32 % avaient un eGFR < 60 ml/min. Le suivi médian était de 1,8 ans. MACE à 3 points ou le décès non cardiovasculaire a été significativement réduit de 27 %, de même que le point final rénal combiné de 33 %. Ce qui était intéressant dans le cadre d’ une étude exploratoire sur MACE, c’ est que les résultats étaient meilleurs avec 6 mg qu’ avec 4 mg.
Il s’ agit de la première étude qui a montré chez un GLP-1-RA non humain un tel effet sur différents critères d’ évaluation.
Critères d’ évaluation macrovasculaires et amputations lors de l’ étude LEADER (sous-analyse)
À partir d’ un taux d’ HbA1c de 5,5 % déjà, le risque de maladie coronarienne et d’ accident vasculaire cérébral s’ élève de 50-55 % par augmentation de 1% de l’ HbA1c. Dans l’ essai LEADER, le liraglutide a permis de réduire significativement les amputations de 35 %.
Traitement de l’ obésité avec le programme STEP
Les 4 études de ce programme ont inclus 4 700 patients. Dans le programme STEP-2, les patients atteints de diabète de type 2 ont été inclus, et dans les 3 autres uniquement ceux souffrant d’ obésité et de comorbidités.
Le 4 juin 2021, la FDA a autorisé l’ utilisation de 2,4 mg de sémaglutide en cas d’ obésité ou de surpoids et de comorbidités. La dose est lentement augmentée de 0,25 mg à 0,5 mg, 1,0 et 2,4 mg en l’ espace de 16 semaines. La perte de poids a été de 15-17 % chez les personnes non diabétiques et de 10 % chez les personnes avec un diabète depuis plus d’ un an avec un IMC de 36-38. L’ essai STEP-4 a, en outre, examiné ce qui se passe lorsqu’ après 20 semaines le traitement avec 2,4 mg de sémaglutide est arrêté. La perte de poids jusqu’ à ce moment-là était de 10,6 %. En cas d’ arrêt, la perte de poids était encore de 5,4 % après 1 an, et dans le groupe où le sémaglutide a été maintenue, elle était de 17,7 %.
Il est intéressant de noter que l’ HbA1c n’ a pas pu être réduite par rapport à 1,0 mg du sémaglutide. En cas de perte de poids < 10 %, la réduction de l’ HbA1c était de 1,1% dans les deux groupes, et en cas de perte de poids > 10 %, une baisse de l’ HbA1c de 2,2 % était atteinte dans les deux groupes.
Dans une sous-analyse du programme STEP-1, il a été démontré que sous 2,4 mg de sémaglutide, la masse grasse totale a diminué de 7 % et la masse maigre augmentée de 3,5 %, alors que dans le groupe placebo, la masse grasse a diminué de 0,4 % et la masse maigre augmenté de 0,3 %.
Dans la même étude, le groupe glycémique a également été examiné. Aucun des patients n’ avait un diabète au début de l’ étude. Dans le groupe sémaglutide, 55 % avaient un statut glycémique normal et 45 % un prédiabète. Après 68 semaines, 84 % avaient un statut glycémique normal et seulement 16% un prédiabète. Dans le groupe placebo, 60 % avaient un statut glycémique normal et 40 % un prédiabète au départ. Après 68 semaines, 3% avaient encore un diabète et 48 % un prédiabète, et seulement 49% avaient encore un statut glycémique normal.
Ces résultats suggèrent un effet préventif d’ une prise de sémaglutide de 2,4 mg pour éviter le diabète par la perte de poids.
Le traitement des patients insuffisants cardiaques a vu une énorme évolution ces dernières années et il existe aujourd’ hui un nombre croissant de patient-e-s qui vivent en dehors de l’ hôpital et bénéficient d’ un système d’ assistance ventriculaire chronique ou Ventricular Assist Device (VAD), d’ un système de pompe supportant un cœur gauche insuffisant, en d’ autres termes.
La plupart des patients supportés par VAD ont une vie (presque) normale à domicile. Ils peuvent pratiquer des activités sportives (légères) (1), certains peuvent même reprendre le travail (2). Aussi bien pour le suivi de leur insuffisance cardiaque que pour des problèmes non cardiaques, ces patients sont et doivent absolument être suivis par leur médecin de premier recours (3).
L’ implantation d’ un VAD est indiquée dans l’ insuffisance cardiaque terminale réfractaire au traitement médicamenteux, pour permettre la survie des patients jusqu’ à la greffe (4) ou lorsqu’ une greffe ne peut pas être envisagée. Bien qu’ il s’ agisse d’ une thérapie coûteuse, elle permet une amélioration significative de la qualité de vie (5, 6). L’ implantation d’ un VAD peut être associée à d’ autres procédures chirurgicales, par exemple une intervention valvulaire ou une opération de pontage aorto-coronarien (7).
Aspects techniques du système de support ventriculaire (VAD)
La pièce centrale du VAD est une pompe constituée d’ un rotor en métal aspirant le sang à travers une canule implantée dans le ventricule gauche et l’ éjectant par un conduit en Goretex dans l’ aorte ascendante, parallèlement à l’ action ventriculaire gauche restante (8). La pompe est alimentée en courant et contrôlée par un câble tunnelisé à la peau, lui-même connecté à un moniteur externe. Le courant est fourni par 2 batteries (fig. 1). Le patient dispose à domicile d’ une station de recharge de ses batteries et de divers câbles dont un câble de secours qui permet de remplacer l’ une des batteries par le courant délivré par l’ allume-cigare d’ une voiture.
La « programmation » de la pompe est effectuée au bloc opératoire puis adaptée au cours de l’ hospitalisation. Le réglage le plus important est celui de la vitesse de rotation de la pompe. D’ autres paramètres non essentiels pour le médecin traitant sont programmés. Les besoins du patient évoluant au cours du traitement, la vitesse de rotation peut être adaptée par le cardiologue spécialisée sur la base d’ examens fonctionnels, tels que l’ échocardiographie (9), l’ étude hémodynamique par cathéter droit ou la combinaison de ces deux méthodes (10).
Suivi cardiologique des patients assistés par VAD
Le suivi cardiologique des patients porteurs d’ un VAD se fait dans l’ institution qui a implanté ces dispositifs. Il a lieu à intervalle régulier, a minima tous les 3 mois. Le suivi médical non spécialisé peut se poursuivre de manière inchangée auprès du médecin généraliste (3). Les problèmes techniques (problèmes de batterie, de chargeur ou du dispositif porteur), doivent être résolus par le centre spécialisé, et ne sont pas sous la responsabilité du médecin généraliste. Les patients reçoivent une formation sur la manière de prendre en charge leur appareil au quotidien (11).
La consultation en cabinet de médecine générale se déroule de manière normale. Le médecin traitant doit cependant savoir qu’ en raison du flux continuel généré par la pompe, il n’ y a pas de pouls mesurable (pas de systole/diastole) mais une pression de débit relativement constante. La tension artérielle est difficile à mesurer et la saturation en oxygène souvent impossible à capter. Lors de l’ auscultation cardiaque et pulmonaire le bruit de ronflement de la machine prédomine. L’ examen abdominal peut être effectué de manière habituelle, toutefois en prenant garde à l’ orifice de la Drive Line (DL).
Situations typiques au cabinet de médecine générale
Les patients porteurs de VAD sont dépendants de leur système d’ assistance et ont indiscutablement un risque non négligeable de complications résultant de ce traitement : un problème technique du système peut rapidement déboucher sur une situation d’ urgence. En plus, ces patients ont un risque infectieux élevé parce que le système est un corps étranger complexe avec une porte d’ entrée potentielle permanente au niveau de la sortie du câble de contrôle, et enfin ils doivent être continuellement anticoagulés, ce qui implique le risque de saignements et de thromboses.
Les urgences
Les situations les plus menaçantes résultent généralement d’ une dysfonction du système, d’ un accident vasculaire cérébral ou d’ une complication hémorragique. Pour le médecin généraliste quatre thèmes spécifiques aux porteurs de VAD devraient être connus (tab. 1) :
Le contrôle des conditions de fonctionnement optimales de la pompe (VAD) :
Les patients porteurs d’ un VAD doivent être anticoagulés de manière stricte et bien contrôlée avec des anti-vitamines K, parce que le contact du sang avec les parties constituantes du système (métal, titane) entraîne une activation du système de coagulation (12). Le monitoring régulier de l’ anticoagulation et la communication sans délai avec le centre implanteur si la valeur d’ INR sort des intervalles prédéfinis (habituellement entre 2.0-3.0) est probablement le point le plus crucial de la prise en charge de ces patients par la ou le généraliste au cabinet de médecine générale.
La tension artérielle joue un rôle prépondérant dans la performance de la pompe. Plus exactement, la différentielle de pression entre le ventricule gauche (peu modifiable) et la pression régnant dans l’ aorte (la pression artérielle). Plus la différentielle est importante (plus le patient est « hypertendu ») moins la pompe pourra produire de débit (13). Idéalement, la pression moyenne (MAP) est maintenue autour de 80-90 mmHg (14). Cette pression doit être mesurée au moyen d’ une manchette manuelle et d’ une sonographie Doppler (3). L’ absence de pulsatilité rend la mesure avec un appareil de mesure automatique souvent impossible. Une MAP inhabituelle et/ou supérieure à 110 mmHg doit être communiquée au centre implanteur.
Les complications associées à la thérapie
La complication la plus fréquente est l’ infection avec une situation septique éventuelle (15). Elle touche entre 10 et 50 % des patients (16, 17). Une infection prend généralement son origine au point de sortie cutané de la DL. Localement, le patient se plaindra de douleur, éventuellement aiguë (souvent le signe d’ un abcès), mais l’ infection peut aussi se manifester par une démangeaison locale associée à une augmentation de l’ écoulement au niveau du pansement. Un examen local est nécessaire sans toutefois retirer le pansement, à la recherche de signes locaux d’ infection et pour obtenir tôt des cultures bactériologiques. Le laboratoire inflammatoire habituel (CRP, répartitions) est indiqué. Une antibiothérapie empirique ou guidée par un antibiogramme n’ est à débuter qu’ après discussion avec le centre implanteur.
Des complications redoutées sont celles liées à l’ anticoagulation et l’ anti-agrégation, avec la survenue aussi bien de thromboses que de saignements. Hormis les symptômes neurologiques classiques (AVC et AIT), un signe « subtil » de thrombose est la présence d’ une macro-hémoglobinurie (urine « coca-cola »). Celle-ci peut être le signe d’ une déstabilisation de l’ hélice au niveau de la pompe, provoquant une hémolyse massive et peut être associée à une auscultation typique avec ton rugueux. De nouvelles céphalées doivent également être agressivement explorées, dans la mesure où les saignements, particulièrement les hématomes sous-duraux, peuvent se manifester de manière atypique. L’ anticoagulation ne doit toutefois jamais être arrêtée sans prise de contact avec le centre spécialisé. L’ insuffisance cardiaque droite, reflétée en général par une surcharge volémique et parfois par une insuffisance rénale ou hépatique est fréquente. Si les œdèmes des membres inférieurs sont quasiment ubiquitaires et souvent multifactoriels (insuffisance veineuse, effet secondaire des anticalciques), un signe inquiétant est la diminution des besoins en antivitamine K pour maintenir le même INR, la perte d’ appétit et/ou la tension sous-diaphragmatique droite (bendopnée). Le poids est à surveiller très régulièrement. Si possible, le patient doit être impliqué dans la gestion de son poids.
L’ état général du patient
Que les patients munis d’ un VAD soient en attente ou pas d’ une transplantation, leur qualité de vie, leur capacité à être transplantés et leur survie après la transplantation sont liées à leur condition physique globale (19). Une optimisation de l’ hygiène de vie et du poids est donc cruciale. Ici aussi, la collaboration avec le médecin traitant pour assurer une coordination efficace entre les soins hospitaliers et ambulatoires (diététicien, physiothérapeute, ergothérapeute, psychiatre) est importante.
Les comorbidités du patient
Pour que les patients porteurs d’ un VAD puissent profiter du traitement, il est important de continuer à traiter d’ éventuelles comorbidités. Une attention particulière doit être portée aux troubles dépressifs (20), la bronchopathie obstructive chronique et le diabète (21).
Ces comorbidités peuvent être abordées de manière classique au cabinet du ou de la généraliste, avec toutefois quelques limitations dues à l’ anticoagulation ou la présence d’ un système mécanique (pas d’ interruption de l’ anticoagulation sauf hémorragie fatale, donc par exemple impossibilité de pratiquer une biopsie lors de colonoscopies, remplacement agressif des « déficits » en fer, etc…). En cas de doute il faut toujours coordonner avec le centre implanteur.
En raison de l’ interaction entre le système immunitaire et les surfaces métalliques de la pompe (22), mais aussi à cause de l’ insuffisance cardiaque elle-même (23), les défenses immunitaires de ces patients sont amoindries. Il est donc important que les vaccinations soient mises à jour au cabinet médical (pneumocoques, hépatite A et B,…) et que le rappel du vaccin contre la grippe soit effectué annuellement, sachant qu’ en cas d’ immunosuppression (Listing pour une transplantation) certains vaccins ne peuvent pas être administrés.
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Dr.Bruno Schnegg
Clinique Universitaire de Cardiologie
Inselspital, Freiburgstrasse 18,
3010 Berne
Bruno.schnegg@insel.ch
Dr.Patrick Lombardo
Cabinet médical du Chauderon
Chemin du Chauderon 1
1071 Chexbres
Dr.Michele Martinelli
Clinique Universitaire de Cardiologie
Inselspital
Freiburgstrasse 18
3010 Berne
Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit
d’ intérêts en relation avec cet article.
◆ Les patients supportés par VAD sont aujourd’ hui une réalité en médecine ambulatoire.
◆ Ils peuvent aspirer à une bonne qualité de vie, mais ils ont besoin d’ un soutien systématique de l’ ensemble de leur réseau de soins après la sortie de l’ hôpital.
◆ Ces patients peuvent et doivent être suivis par leur médecins de premier recours. Mais il faut que ces derniers connaissent les aspects particuliers de ce type de traitement, car ces patients sont dépendants d’ un appareillage compliqué et peuvent être difficiles à examiner.
◆ De plus, les généralistes connaissent normalement bien leur patient et son entourage ainsi que son histoire, ce qui facilite entre autres la détection précoce de complications.
◆ Enfin, la médecine préventive (vaccination, optimisation de l’ état général du patient) est très importante (3).
◆ Le ou la patiente porteur/euse d’ un VAD illustre donc par excellence l’ importance de réseaux de soins bien organisés impliquant une bonne communication entre médecins hospitaliers et médecins généralistes dans le traitement des patients présentant des comorbidités complexes.
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La pandémie due au virus SARS-CoV-2 sévit depuis maintenant plus d’ un an et a causé plus de 3 millions de décès dans le monde à la fin avril 2021. Alors que la stratégie vaccinale massive a été adoptée par de nombreux pays, la question de la priorisation de l’ accès à la vaccination est centrale. Les populations vulnérables ont été unanimement considérées comme prioritaires dans la lutte contre cette pandémie. La Suisse fait partie des pays qui ont choisi de considérer et protéger les femme enceintes par la vaccination contre le COVID-19.
Risque de développer une forme sévère de COVID-19 pendant la grossesse
Il est maintenant bien décrit dans la littérature que les femmes enceintes ont un risque plus élevé de développer une forme grave de COVID-19 comparativement aux femmes non enceintes du même âge, avec notamment un risque deux à trois fois plus élevé d’ admission aux soins intensifs selon les auteurs des plus grandes séries (1, 2).
L’ augmentation du risque de forme sévère de COVID-19 pendant la grossesse est particulièrement important chez les femmes présentant certaines comorbidités. L’ hypertension artérielle chronique, les maladies pulmonaires chroniques, le diabète préexistant à la grossesse ainsi que l’ âge maternel et l’ obésité, sont associés à une majoration significative du risque de forme sévère (1).
Concernant la grossesse, le risque d’ accouchement prématuré semble majoré, sans qu’ il soit possible encore aujourd’ hui d’ estimer avec précision cette augmentation. Le taux d’ accouchement prématuré dans les plus grandes séries de patientes enceintes infectées par le SARS-CoV-2 atteint 15 à 20 % incluant notamment la prématurité induite des formes sévères de COVID-19 nécessitant une césarienne en urgence. La transmission verticale de l’ infection est peu fréquente mais possible, estimée à moins de 5 %, avec un risque de forme néonatale de COVID-19 sévère très rare (3, 4).
L’ augmentation des complications en cas d’ infection à COVID-19 place donc la femme enceinte dans un groupe à risque en particulier lorsque celle-ci présente les facteurs de risque de maladie sévère.
Vaccination et grossesse
Plusieurs vaccins sont recommandés pendant la grossesse notamment contre la coqueluche et la grippe, jugés sûrs et bénéfiques pour la mère, son fœtus et le futur nouveau-né. Ce sont des vaccins inactivés n’ ayant aucun pourvoir infectieux. Les vaccins vivants atténués sont en revanche contre indiqués pendant la grossesse du fait de leur potentiel pouvoir pathogène résiduel théorique.
Nouvelles technologies vaccinales
Les nouvelles technologies vaccinales telles que l’ utilisation d’ acides ribonucléiques, de sous-unités protéiques, et de vecteurs viraux ont été développées ces dernières années. Ces technologies ont été utilisées de manière expérimentale contre le virus de la grippe, HIV, CMV et des études cliniques de phases I et II ont notamment eu lieu contre les virus Zika et Ebola.
Les deux vaccins disponibles à ce jour contre le SarS-CoV-2 en Suisse sont le Pfizer/BNT162b2 et le Moderna/mRNA-1273, tous deux utilisant la technologie de l’ ARNm et consistent en deux injections intramusculaires.
Après injection, l’ ARNm enveloppé dans une capsule lipidique, va rentrer dans les cellules hôtes sans pénétrer dans le noyau de celles-ci. L’ ARNm codant pour la protéine Spike du SARS-CoV-2, va être traduit dans le cytoplasme de la cellule. Une fois la protéine Spike synthétisée, elle sera transportée à la surface des cellules pour y être présentée au système immunitaire et ainsi créer une immunité contre le SARS-CoV-2. L’ ARNm ne contient pas le virus mais seulement le code génétique permettant la fabrication d’ une protéine de surface de l’ enveloppe du virus (Figure 1).
L’ efficacité des vaccins à ARNm Pfizer et Moderna est de 95 % dans la prévention de l’ infection COVID-19 chez les adultes (> 70 000 participants), avec des effets secondaires légers à modérés fréquents et des réactions allergiques graves rares estimées à 1 / 100 000 principalement chez des patients ayant des antécédents de réactions allergiques sévères (5, 6).
Données concernant les femmes enceintes et la vaccination contre le COVID-19
Les femmes enceintes ont été exclues des essais cliniques des vaccins autorisés en Suisse. Les données d’ expérimentation précliniques sur des rates et des macaques n’ ont montré aucun effet indésirable sur le développement embryonnaire et le déroulement de la gestation (7, 8). Par ailleurs, le profil de ces vaccins ne présente aucun sur-risque théorique chez la femme enceinte et la balance bénéfice risque penche rapidement en faveur de la vaccination chez ce groupe de patientes à risque de complications.
Pendant les études de phases III (efficacité) des vaccins à ARNm, 53 patientes ont reçu le vaccin ou le placebo sans savoir qu’ elles étaient enceintes. Un nombre égal de grossesses sont survenues dans les groupes vaccinés et placebos, ce qui montre que le vaccin n’ a pas
d’ impact sur la fertilité. Le nombre de fausses couches a été identique dans chacun des deux groupes.
Le 10 février 2021, le Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Disease (NIAID) a annoncé lors d’ une conférence de presse à la Maison Blanche, que plus de 20 000 femmes enceintes ont été vaccinées aux Etats-Unis, sans aucun signe d’ appel inquiétant (9).
Au 1er mars 2021, les registres V-safe (10) et Vaccine Adverse Event Reporting System (VAERS)(11) mis au point par le Center for Disease Control and Prevention (CDC) et la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis rapportent des données de plus de 30000 femmes enceintes exposées au vaccin sans augmentation notable des complications de grossesse.
En terme d’ efficacité, une étude prospective contrôlée publiée en mars 2021 montre une réaction sérologique identique chez les femmes enceintes (n = 84), allaitantes (n = 31) et non enceintes (n = 16), laissant espérer une efficacité similaire du vaccin pendant la grossesse et l’ allaitement (12).
Tous les échantillons de sang du cordon et de lait maternel des patientes vaccinées contenaient des anticorps (12) laissant entrevoir une potentielle immunité passive des enfants à la naissance, qu’ il reste encore à démontrer.
Par ailleurs, le groupe Pfizer BioNTECH a annoncé le 18 février 2021 le lancement d’ une étude de phase II/III chez la femme enceinte.
En Suisse, la vaccination est ouverte aux femmes enceintes présentant des facteurs de risque depuis le 05 mars 2021. Les femmes enceintes ou allaitantes qui présentent les critères d’ éligibilité peuvent, dès le deuxième trimestre de grossesse, demander une prescription spéciale à leur gynécologue traitant. Toutes les informations sont disponibles sur le site de la société suisse de gynécologie (https://www.sggg.ch/). Dans le même temps, les patientes se verront proposer la participation à l’ étude de suivi de la vaccination qui a pour but de monitorer la sécurité des vaccins contre le COVID-19 chez les femmes enceintes.
Adhésion des femmes enceintes à la vaccination
Si la méfiance vis-à-vis des vaccins en général chez la femme enceinte et de surcroît avec un vaccin nouvellement développé peut s’ avérer légitime, le COVID-19 représente un risque non négligeable de complications potentiellement sévères pendant la grossesse, alors que les premières données concernant la vaccination sont extrêmement rassurantes. Les femmes enceintes ont habituellement plus d’ hésitation à recourir aux traitements médicamenteux (13) et ce pour de multiples raisons dont le manque d’ information spécifique à la grossesse (14). Une récente étude a rapporté une hésitation à la vaccination contre le COVID-19 chez les 40 à 50 % des femmes enceintes, due notamment à un manque d’ information. Ceci renforce l’ importance de communiquer aux patientes les données dont nous disposons, certes limitées mais très rassurantes quant à l’ efficacité et la sécurité de la vaccination (15).
Par ailleurs, de nombreuses sociétés savantes dont le CDC (16), l’ American College of Obstetrics and Gynecology (ACOG) (17), la Society of Materno-Foetal Medicine (SMFM) (18), le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français (CNGOF) (19) et le Royal College of Obstetrics and Gynecology (RCOG) (20) se sont prononcées en faveur de la vaccination des femmes enceintes.
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Karine Lepigeon
Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne
Karine.Lepigeon@chuv.ch
PrDavid Baud
Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne
Dr Guillaume Favre
Département femme-mère-enfant
CHUV
Rue du Bugnon 2
1011 Lausanne
Les auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.
◆ Pour les femmes enceintes souffrant de certaines maladies chroniques ou présentant un risque d’ exposition accru (en particulier le personnel de santé), la vaccination est recommandée en Suisse en raison de l’ augmentation du risque de forme grave de COVID-19 dans cette population spécifique.
◆ Les informations sont régulièrement mises à jour sur le site www.sggg.ch.
◆ L’ adhésion des patientes est dépendante de l’ accès à des informations spécifiques à la grossesse, celles-ci sont disponibles sur le site internet de la Société Suisse de Gynécologie Obstétrique.
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