Hyperkaliémie en cas d’ insuffisance cardiaque chronique

L’ hyperkaliémie (HK) est un trouble électrolytique potentiellement mortel. Elle est principalement due à un déplacement du potassium hors des cellules ou à une diminution de l’ excrétion rénale de potassium. Ce trouble électrolytique se produit souvent chez les patients souffrant d’ une maladie cardiovasculaire. Malgré l’ hyperkaliémie, le maintien du blocage du SRAA en cas d’ insuffisance cardiaque (IC) avec fraction d’ éjection réduite (FE-VG) est essentiel, car l’ arrêt ou la réduction de la dose s’ accompagne d’ une augmentation de la mortalité. Même en cas de fraction d’ éjection gauche (FE VG) ≥ 40 %, l’ administration d’ un inhibiteur du SGLT2 en plus d’ un ARM peut être envisagée. La prévention, la détection et le traitement de l’ hyperkaliémie revêtent donc une importance capitale, en particulier chez les patients cardio-rénaux métaboliques.

Hyperkalemia (HK) is a potentially life-threatening electrolyte disorder. The main causes are a shift of potassium from the cells or reduced renal excretion of potassium. It is common in patients with cardiovascular disease. Maintenance of RAAS blockade in heart failure (HF) with reduced LV EF despite hyperkalemia is essential, as discontinuation or dose reduction is associated with increased mortality. The addition of an MRA to an SGLT2 inhibitor may also be considered when LVEF is ≥ 40 %. Therefore, the prevention, detection and treatment of hyperkalemia, especially in patients with cardiorenal metabolic disorders, is of great importance.
Key words: Hyperkalemia, Heart failure, RAASi, MRA, Finerenon, CKD, Diabetes Type 2, Potassium binder

Introduction

Une hyperkaliémie (HK) > 5.0–5.5 mmol/l est principalement due à un déplacement du potassium hors des cellules (redistribution) ou à une excrétion rénale anormale de potassium. Une hyperglycémie en cas de diabète sucré, une acidose ou une désintégration cellulaire étendue entraînent un déplacement des cellules (hyperglycémie en cas de diabète sucré, acidose, désintégration cellulaire étendue) qui provoque une augmentation temporaire de la concentration plasmatique de potassium, tandis qu’ une diminution de l’ excrétion rénale de potassium provoque une HK persistante. L’ altération de l’ excrétion rénale de potassium peut résulter d’ une diminution de la libération de sodium dans le néphron distal, d’ une diminution du taux ou de l’ activité des minéralocorticoïdes ou d’ anomalies dans le canal collecteur cortical. Dans certains cas, ces trois troubles sont présents simultanément. Une absorption excessive de potassium (provenant de certains aliments ou de sels de substitution) peut également provoquer une hyperkaliémie, mais généralement en cas de fonction rénale réduite. Si le débit de filtration glomérulaire (DFG) est > 60 ml/min/1.73m2, une hyperkaliémie est inhabituelle. Une nécrose tissulaire ou certains médicaments peuvent également en être responsables (1, 2).

Le potassium est absorbé dans la partie supérieure de l’ intestin grêle et se trouve à 98 % dans la cellule. Son antagoniste physiologique est le sodium, qui est principalement extracellulaire. Ensemble, ils sont essentiels à la physiologie cellulaire. L’ homéostasie du potassium est décisive pour la physiologie des cellules. Elle est également essentielle pour le maintien du potentiel de repos des membranes cellulaires, en particulier dans les cellules cardiaques. Tout déséquilibre peut entraîner des troubles électrophysiologiques, y compris des arythmies cardiaques malignes.

90 % du potassium est éliminé par voie rénale avec une variabilité circadienne, 10 % par voie gastro-intestinale. Le contrôle hormonal est assuré par l’ insuline, les catécholamines et l’ aldostérone (1).

Épidémiologie, physiopathologie

Chez la population générale, l’ hyperkaliémie est rare (2–3 %). Son incidence est cependant sous-estimée, car aucun dépistage du potassium n’ est effectué, même chez les patients à haut risque. On trouve également différents seuils de potassium pour l’ hyperkaliémie. Souvent, celle-ci n’ est que temporaire. Il n’ existe toutefois pas d’ études prospectives à ce sujet.

Un blocage du SRAA avec un IEC/ARB/ARNI et un ARM est très efficace dans le cas de diverses maladies cardio-rénales: il est antihypertenseur, cardio- et néphroprotecteur. Chez les patients souffrant d’ une insuffisance cardiaque (IC) avec fraction d’ éjection réduite (HFrEF), les inhibiteurs du Système Rénine-Angiotensine-Aldostérone (SRAAi), y compris les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM), améliorent les symptômes, réduisent le risque d’ hospitalisation et de décès par IC. Ils sont par ailleurs recommandés par les directives américaines et européennes sur l’ insuffisance cardiaque (recommandation IA). Les inhibiteurs du SGLT2 ont également ces propriétés protectrices, indépendamment de la FEVG.

L’ hyperkaliémie potentielle résultant du SRAAi est souvent un problème chez les patients âgés multimorbides souffrant d’ insuffisance cardiaque (IC). Elle survient en particulier en présence d’ une insuffisance rénale chronique (IRC) et/ou d’ un diabète sucré de type 2 (DT2). L’ hyperkaliémie est associée à une mortalité accrue et à un risque d’ hospitalisation plus élevé (1–4). Le risque d’ hyperkaliémie le plus élevé est observé chez les personnes qui bénéficient le plus d’ une inhibition du SRAA:

• jusqu’ à 40–50 % en cas d’ IRC de plus d’ un an avec un DFGe < 30 ml/min/1.73 m2, en particulier chez les personnes atteintes de DT2 et sous SRAAi, avec toutefois un risque d’ acidose métabolique;
• jusqu’ à 40 % en cas d’ insuffisance cardiaque sévère à partir d’ une dose de spironolactone de 50 mg/jour.
• en cas de statut après une hyperkaliémie.

Les patients atteints d’ IRC et d’ IC doivent généralement s’ attendre à des épisodes d’ hyperkaliémie récurrents et croissants, ces épisodes survenant alors à des intervalles plus courts. Dans le registre suédois de l’ insuffisance cardiaque, sur 43 000 patients, 51 % avaient une IRC, 24 % un DT2, 13 % une IRC+DT2 et 21 % une fibrillation atriale. L’ hyperkaliémie est un marqueur de risque de mauvais résultats, notamment en raison d’ une utilisation non optimale du traitement par SAARi. En raison d’ une hyperkaliémie, d’ une augmentation de la créatinine, d’ une hypotension, de l’ âge et de la fragilité, les médicaments contre l’ IC ne sont pas utilisés conformément aux directives (5, www.ukidney.com). Un travail récent publié dans le JACC a également mis en évidence une hyperkaliémie récurrente en cas d’ IRC (G3/G4) chez 6 337 patients âgés, dont 2129 patients avec IC. Cela a entraîné une mortalité globale accrue, plus d’ événements cardiovasculaires et plus d’ arythmies (6).
Une hyperkaliémie est classée en différents degrés de gravité – cf. Fig. 1.


La valeur est élevée à partir d’ un potassium sérique de > 5 mmol/l. Une valeur ≥ 6.0 mmol/l est dangereuse. En cas de potassium sérique confirmé à hauteur de ≥ 6.5 mmol/l, une hospitalisation d’ urgence avec monitorage par ECG et mise en place de mesures thérapeutiques spécifiques est nécessaire en raison d’ une menace vitale. Pour ce qui est du diagnostic différentiel et de la physiopathologie d’ une IC, voir les Fig. 2 et Fig. 3 (1–4). C’ est la raison pour laquelle une hyperkaliémie doit être détectée à un stade précoce.

Clinique

L’ hyperkaliémie est généralement asymptomatique ou symptomatique, avec des symptômes non spécifiques tels que nausées, vomissements, diarrhée, paresthésies péronières, fourmillements et engourdissements. Ainsi, elle n’ est pas reconnue pendant longtemps. Des manifestations neuromusculaires telles que des paresthésies et des fasciculations des extrémités peuvent également apparaître. En cas d’ hyperkaliémie sévère (supérieure à 6,5 mmol/l), des paralysies ascendantes avec, en fin de compte, une tétraplégie flasque des extrémités ou un iléus sont possibles. Un effet dépolarisant avec des modifications typiques de l’ ECG se produit jusqu’ à 67 % en cas d’ hyperkaliémie aiguë (> 6,0-6,4 mmol/l). Cela comprend une onde T pointue (à ≥ 5,5-6 mmol/l dans 31,8 %), une faible amplitude de l’ onde P (> 6-6,5 mmol/l), un allongement de l’ intervalle P-R et un QRS large (26,2 %). Des troubles de la conduction, des bradycardies, une perte de P avec onde sinusoidale, FV, une asystole peuvent se produire avec un (K+) > 8–9 mmol/l. Cependant, les symptômes et l’ ECG ne sont pas de bons prédicteurs de la mortalité. La sensibilité et la spécificité sont faibles, en particulier pour les maladies cardiaques. Arythmies létales sans ECG préalable. L’ ECG ne peut pas être utilisé pour exclure une hyperkaliémie. C’ est pourquoi des contrôles réguliers du potassium et de la créatinine sont essentiels, en particulier lors de changements de médicaments et de doses, toutes les 1 à 2 semaines (1,2,7,8).

L’ importance de l’ ARM dans le traitement de l’ IC chronique

L’ IC est, indépendamment de la FEVG, une maladie chronique évolutive, avec une mortalité élevée et un risque important de récidive, en particulier d’ hospitalisation. Il est donc essentiel d’ optimiser le traitement par SAARi tant que le potassium sérique est inférieur à 5,0 mmol/l, car ce traitement a un effet cardioprotecteur et néphroprotecteur. En cas d’ HFrEF, l’ association des «fantastic four» (IECi/ARNI, bêtabloquant, SGLT2i, ARM) améliore la mortalité globale de 61 % (9). Le facteur décisif est ici la titration rapide pour atteindre le dosage correct, conformément aux directives de l’ ESC (10, 11).

La spironolactone est associée à une incidence plus faible d’ hypokaliémie et à une amélioration de la survie, même en cas d’ hyperkaliémie modérée (2, 12). Dans l’ insuffisance cardiaque (IC), les hypokaliémies dangereuses sont nettement plus rares sous ARM en association avec des diurétiques.

Selon l’ étude STRONG-HF, une stratégie d’ optimisation intensive après une hospitalisation aiguë – avec une augmentation rapide de la médication conforme aux directives et un suivi étroit réduit les symptômes, améliore la qualité de vie et diminue le risque de réadmission après 6 mois (13). Des effets similaires ont été observés dans les études ATLAS et BIOSTAT-HF avec IECi/ARB, ou un bêtabloquant à la dose correcte. L’ une des causes de la non-prescription ou du report de l’ augmentation de la dose du SAARi ou du MRA était une détérioration de la fonction rénale et/ou une hyperkaliémie. Dans jusqu’ à 76 % des cas, ces médicaments ne sont pas utilisés par la suite (2, 11, 12, 14). La réduction de la dose ou l’ arrêt du RAASi entraîne un risque de mortalité plus que doublé. C’ est pourquoi il est essentiel de déterminer la dose maximale tolérée (13, 15, 16).

Sous ARNI, le risque d’ hyperkaliémie modérée à sévère et d’ augmentation de la créatinine est légèrement plus faible que sous énalapril dans le cas d’ une IC (PARADIGM-HF). Il en va de même sous traitement par un SGLT2i (10, 15, 17).

Les ARMs sont considérés comme essentiels en cas d’ IC, à condition que la pression artérielle systolique soit supérieure à 100 mmHg, que le DFGe soit supérieur à 30 ml/min/1.73 m² et que le taux de potassium sérique soit inférieur à 5 mmol/l. Comme les inhibiteurs du SGLT2 (recommandation IA), ils peuvent être utilisés indépendamment de la FEVG, mais n’ ont actuellement qu’ une indication IIb/C en cas de FEVG ≥ 40 % (15). En cas de DFGe < 30 ml/min, l’ ARM et l’ ARNI doivent être évités, tandis qu’ en cas d’ IRC au stade G4-5, les preuves sont limitées, à l’ exception des inhibiteurs du SGLT2, ce qui rend nécessaire une concertation interdisciplinaire entre cardiologie et néphrologie. En cas de FEVG < 40 % (HFrEF), des ARMs stéroïdiens tels que la spironolactone ou l’ éplérénone (recommandation IA) sont prescrits. L’ étude RALES a montré une réduction de 30 % de la mortalité et de 35 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque avec 25 mg de spironolactone/jour (19); dans EMPHASIS-HF, l’ éplérénone a réduit la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 37 %, avec 11.8 % des patients ayant développé une hyperkaliémie (20). L’  eplérénone provoque un peu moins d’ hypotension et évite la gynécomastie par rapport à la spironolactone.

En cas d’ IC avec FEVG ≥ 40 % (HFmrEF: 41–49 % ou HFpEF: FEVG ≥ 50 %), la place thérapeutique des ARMs restait incertaine jusqu’ à l’ ESC 2024, tandis que les inhibiteurs du SGLT2 continuent d’ être recommandés. L’ étude TOPCAT 2014, qui présentait des lacunes méthodologiques, était neutre.

Le finérénone

Ce nouvel ARM non stéroïdien (NS) semble présenter un avantage certain avec un bénéfice plus important (sélectivité et puissance élevées, t/2 plus court, répartition tissulaire équilibrée entre le cœur et les reins), mais aussi avec moins d’ effets indésirables (pas de métabolites, pas d’ effets indésirables liés au sexe, moins d’ hyperkaliémie, encore moins d’ effet sur la pression sanguine). Éliminé via le CYP3A4, le DFGe doit être initialement > 25 ml/min/1.73 m2.

Dans l’ étude FINEARTS-HF randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo, le finérénone (F) a montré chez 6001 patients âgés, symptomatiques et à risque d’ insuffisance cardiaque une FEVG d’ au moins 40 % (NYHA II-IV, NT-pro-BNP élevé, cardiopathie structurelle, diurétiques), avec un DFGe d’ au moins 25 ml/min/1.73 m2 (48 % < 60 ml/min/1. Le critère d’ évaluation composite primaire a également montré une réduction significative de 18 % de l’ aggravation de l’ insuffisance cardiaque. Le critère d’ évaluation composite primaire a également montré une réduction significative de 18 % de l’ aggravation de l’ insuffisance cardiaque. En revanche, il n’ y avait pas de différence entre la finénérone et le placebo en ce qui concerne la mortalité cardiovasculaire. La qualité de vie a été nettement améliorée. Les patients âgés et tous les autres sous-groupes en ont également profité (21).

Ces résultats soutiennent l’ utilisation des MRA non stéroïdiens chez les patients avec insuffisance cardiaque ayant une fraction d’ éjection légèrement réduite ou préservée – avec ou sans insuffisance rénale chronique.

Avant le début du traitement, le taux de potassium sérique doit être compris entre 4.8 et 5.0 mmol/l, car le finénarone est associé à un risque accru d’ hyperkaliémie (K+ > 5.5: 14.3 % vs. 6.9 %, > 6.0: 3.0 % vs. 1.4 %). Cependant, sous réserve d’ une surveillance étroite et d’ une adaptation de la dose, le bénéfice clinique de finérénone par rapport au placébo a été maintenu même chez les patients dont le taux de potassium est passé à plus de 5.5mmol/l. L risque d hyperkaliémie était de 2.46. La différence médiane de potassium entre le finérénone et le placébo était de 0.2mmol/l (22). Le finérénone a réduit le risque du critère d’ évaluation primaire de manière similaire chez les femmes et les hommes atteints de cette forme d’ IC, avec une tolérance similaire (23).

L’ une des principales différences entre l’ étude FINEARTS HF et de nombreuses autres études sur l’ IC est que près de 20 % des patients ont été inclus dans l’ étude soit à l’ hôpital. Un aspect particulier de l’ étude FINEARTS-HF est que près de 20 % des patients ont été recrutés lors d’ un séjour hospitalier ou peu après la sortie. Les bénéfices du traitement par finérénone en particulier, et peut-être aussi des ARM en général, étaient au moins aussi importants chez les patients qui venaient d’ être hospitalisés que chez ceux qui étaient plus éloignés d’ une aggravation de l’ IC (24).

Chez les patients de FINEARTS-HF, une population présentant un faible risque d’ effets secondaires indésirables, le finérénone n’ a pas modifié de manière significative les résultats du critère d’ évaluation combiné de la fonction rénale. Le finérénone a entraîné une réduction plus importante de la filtration glomérulaire au départ, mais n’ a pas entraîné de différence significative de la filtration glomérulaire au cours de l’ évolution. Cependant le finérénone a entraîné une réduction précoce et durable de l’ albuminurie et a réduit le risque d’ apparition d’ une nouvelle micro-et macroalbuminurie (25). Une diminution de DFGe (> 15 %) au début d’ un traitement (23 %) ne devrait pas automatiquement conduire à l’ arrêt de l’ ARM. Une baisse initiale du DFGe était associé à une incidence plus élevée de l’ insuffisance rénale chronique. Contrairement à ce qui se passe sous placébo, la perte d’ activité rénale n’ est pas associée à une aggravation du pronostic. Selon les auteurs, si le taux de potassium sérique est inférieur à 5.5 mmol/l, il est possible de continuer à augmenter la dose avec prudence (26). Il est important de continuer à contrôler régulièrement le taux de potassium et de créatinine /DFGe) au début du traitement à raison d’ une fois par semaine.
Même dans un sous-groupe encore très petit de 14 % des participants à l’ étude traités par SGLT2i, le traitement par ARM avec finérénone a montré des effets similaires à ceux observés chez les patients non prétraités. Les données les plus récentes indiquent que l’ utilisation combinée d’ un SGLT2i et d’ un ARMM peut offrir une protection supplémentaire contre les événements cardiovasculaires et jouer un rôle additif chez les personnes atteintes de CI avec ou sans IRC avec une FEVG légèrement réduite ou préservée (21, 27).


D’ après une méta-analyse des quatre études menées jusqu’ à présent sur l’ IC avec ARM, les ARMs stéroïdiennes réduisaient le risque de décès cardiovasculaire ou d’ hospitalisation pour IC chez les patients atteints d’ une HFrEF et les ARMs non stéroïdiennes réduisent significativement le risque d’ hospitalisation pour IC chez les patients atteints d’ une HFmrEF ou d’ une HFrEF. Le risque absolu d’ une hyperkaliémie sévère (K+) > 6 mmol/l était faible – environ 3 % dans le groupe de traitement par ARM (28). Les hyperkaliémies étaient cliniquement contrôlables dans tous les sous-groupes d’ un traitement combiné avec le finérénone, avec une réduction d’ hyperkaliémies d’ urgence liées au traitement en association avec les SGLT2i.

Les données d’ études futures pourraient conduire à une recommandation plus forte des MRA dans l’ insuffisance cardiaque chronique (FEVG ≥ 40 %). Actuellement, contrairement à la néphropathie diabétique, l’ autorisation de mise sur le marché de finérénone (Kerendia®) pour l’ insuffisance cardiaque n’ est pas encore disponible dans l’ UE et en Suisse (une extension de l’ autorisation est attendue pour 2026).

Dans la néphropathie diabétique (stades G3/G4) avec albuminurie, le finérénone a démontré, dans l’ analyse FIDELITY (n = 13 026, 3 ans), des effets rénoprotecteurs, une réduction du risque d’ événements cardiovasculaires (HR 0.86) et du progrès de la maladie rénale (HR 0.77) sur un large éventail de patients (IRC et DT2). Le dépistage de l’ albuminurie pour identifier les patients à risque de DT2 facilite la réduction de la charge cardiovasculaire et rénale. Une hyperkaliémie a été détectée chez 1.7 % des patients (29).

Les premières données suggèrent que la combinaison du finérénone avec des inhibiteurs du SGLT2 et des agonistes des récepteurs GLP-1 offre un bénéfice rénal supplémentaire tout en réduisant le risque d’ hyperkaliémie (30, 31). Actuellement, le finérénone est recommandé en complément des IEC ou des ARA chez les patients diabétiques de type 2, afin de réduire les événements cardiovasculaires et la progression de l’ insuffisance rénale (pour une DFGe > 60 ml/min/1.73 m² et un UACR ≥ 300 mg/g ou une DFGe de 25–60 ml/min/1.73 m² et un UACR ≥ 30 mg/g). (32).

Mesures en cas d’ hyperkaliémie

Exclusion d’ une pseudo-hyperkaliémie:

En présence d’ une élévation du potassium sérique, il faut d’ abord écarter toute erreur préanalytique, par exemple par:
• Hémolyse (stase prolongée, vide excessif)
• Déplacement intracellulaire (effet du glucose à 25–30 °C)
• Centrifugation retardée (> 2 h) ou temps de repos insuffisant du sang total (< 20 min)
En cas de suspicion de pseudo-hyperkaliémie, il convient de répéter la prise de sang et de doser en parallèle la créatinine, la LDH ainsi que de réaliser, cliniquement, une gazométrie sanguine.

Recherche des causes en cas d’ hyperkaliémie confirmée

Examiner s’ il s’ agit d’ une ingestion excessive (aliments riches en potassium, sels de substitution), d’ une destruction cellulaire (rhabdomyolyse, lyse tumorale, hémolyse), d’ un trouble de la répartition (acidose, déficit en insuline), d’ une altération de l’ élimination rénale ou d’ un hypoaldostéronisme. Il faut également vérifier la médication concomitante (par exemple, AINS, bêta-bloquants, diurétiques épargneurs de potassium) et le statut volémique.

En cas d’ hyperkaliémie sévère, les médicaments de blocage du SRAA doivent être interrompus (2, 15, 18).

Une autre mesure visant à réduire le taux de potassium consiste, si cela est indiqué, à utiliser un inhibiteur de SGLT2, qui entraîne une diminution significative du taux de potassium sérique. Cela a pu être démontré dans un grande méta-analyse de 6 études RCT portant sur 49 875 patients atteints de DT2 et présentant un risque cardiovasculaire élevé ou IRC avec une hyperkaliémie sévère ≥ 6.5 mmol/l sans risque d’ hypokalièmie (33).

Liants modernes du potassium selon KDIGO 2024

Cyclosilicate de sodium (CCS) (Lokelma®)
• Mécanisme d’ action: se lie au potassium dans le tractus gastro-intestinal en échange de Na+ et de H+
• Début d’ action: 1–12 h; effets secondaires: troubles gastro-intestinaux légers, hypokaliémie (3–4 %), œdèmes
• Dosage: Initialement 3 × 10 g (chacun dans 45 ml d’ eau), puis 5 g tous les 2 jours jusqu’ à un maximum de 10 g/jour

Patiromer (Veltassa®) (35)
• Mécanisme d’ action: se lie au potassium dans le côlon en échange de Ca²+
• Début d’ action: 4–24 h; effets secondaires: troubles gastro-intestinaux légers, hypokaliémie, hypomagnésémie, intolérance au fructose
• Dosage: Initialement 1 × 8,4 g dans 80 ml d’ eau; augmentation progressive jusqu’ à un maximum de 25,2 g/jour
• Remarque: laisser un intervalle de 3 heures par rapport rapport aux médicaments dont la biodisponibilité pH-dépendante peut être affectée (par exemple, ciprofloxacine, lévothyroxine, metformine).

Autre prise en charge
• Si le taux de K est < 5 mEq/l, la thérapie par inhibiteurs du SRAA doit être intensifiée – un contrôle régulier du potassium est essentiel.
• Pour la prévention, en particulier en cas d’ hyperkaliémie aiguë ou chronique, des diurétiques et – si indiqué – des inhibiteurs du SGLT2 sont utilisés, ceux-ci réduisant significativement le potassium sérique (HR: 0,84) sans risque d’ hypokaliémie.

Traitement d’ urgence en cas d’ hyperkaliémie sévère (≥ 6,5 mmol/l)

Déplacement intracellulaire du potassium
• Administration IV d’ insuline + glucose et/ou inhalation de salbutamol
– En cas d’ acidose (< 18 mmol/l de bicarbonate), administration de NaHCO₃
– Pour un K ≥ 6,5 mmol/l, ajout d’ une administration IV de calcium
– Remarque: Ces mesures sont transitoires et peuvent entraîner un phénomène de rebond.

Élimination du potassium
Selon le statut volémique: administration IV de Lasix ou apport volumique
• En cas de MRC sévère/insuffisance rénale terminale, recours à l’ hémodialyse
• Utilisation d’ un liant moderne du potassium

Recommandation des lignes directrices
Selon les recommandations internationales (ERC, AHA/ACC/HFSA, KDIGO, ESC), en cas de taux de K ≥ 6.0 mmol/l, un liant moderne du potassium, patiromer ou CCS (35, 36), devrait être instauré, sauf si une étiologie traitable est identifiée. Ces médicaments réduisent le taux de potassium sérique d’ environ 1 mmol/l et permettent chez de nombreux patients l’ initiation ou l’ augmentation de la thérapie par inhibiteurs du SRAA ou par antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (MRA) (dans 74–89 % des cas). Un contrôle quotidien du potassium n’ est pas nécessaire, mais une surveillance régulière des électrolytes est recommandée.

Cet article est une traduction (version courte) de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 02_2025

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Aerzteverlag medinfo AG

Dr Urs Dürst

Zelglistrasse 17
8127 Forch

L’ auteur n’ a pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

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L’ obésité chez les enfants et les adolescents

La fréquence et l’ampleur du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescents ont également fortement augmenté en Suisse au cours des dernières décennies. Le médecin de famille ou le pédiatre est généralement le premier interlocuteur des familles. Il/elle peut détecter le surpoids à temps et mettre en place rapidement un traitement approprié. Les causes de l’obésité sont extrêmement complexes et varient d’un individu à l’autre. Outre une balance énergétique perturbée, des facteurs génétiques et sociaux jouent un rôle important. Il est fort probable que l’obésité et les maladies secondaires persistent jusqu’à l’âge adulte. L’objectif du traitement des enfants et des adolescents est de contrôler le poids et de réduire la masse grasse à long terme, tout en veillant à ce que la croissance et le développement se déroulent normalement.

The frequency and extent of overweight and obesity in children and adolescents have also increased significantly in Switzerland over the last few decades. The family doctor or pediatrician is usually the first point of contact for families. He/she can identify obesity in good time and initiate appro- priate treatment at an early stage. The causes of obesity are extremely complex and vary from person to person. In addition to a disturbed energy balance, genetic and social factors play an important role. There is a high probability that both obesity and the accompanying illnesses will persist into adulthood. The aim of treating children and adolescents is to control weight and reduce fat mass in the long term, while ensuring that growth and development proceed normally.
Key words: Childhood obesity, obesity in adolescents, adiposity comorbidities, weight management, childhood obesity treatment, bariatric.

Contexte

En Suisse, environ un écolier sur six est en surpoids ou obèse. Depuis l’ année 2005/06, Promotion Santé Suisse évalue les don- nées des services médicaux scolaires sur l’ indice de masse cor- porelle (IMC) des élèves des villes de Bâle, Berne et Zurich pour le monitoring annuel de l’ IMC. L’ analyse des données les plus récentes montre qu’ en 2020/21, tous niveaux scolaires confondus, 17.4 % des élèves étaient en surpoids, dont 4.8 % obèses d’ après l’ IMC. La comparaison avec les années précédentes montre toutefois que la proportion d’ écoliers en surpoids reste stable ces dernières années.

Selon les données de Promotion Santé Suisse, la fréquence du surpoids chez les enfants et les adolescents augmente avec l’ âge: ainsi, en 2020/21, un quart des adolescents du secondaire étaient en surpoids ou obèses, alors qu’ à l’ école enfantine, seul 1 enfant sur 8 était concerné par le surpoids (1).

Jusqu’ à il y a quelques années, l’ obésité était uniquement considé- rée comme facteur de risque pour des maladies secondaires. Elle est désormais reconnue en tant que maladie chronique (Fig. 1).

Qui est trop gros?

On parle d’ obésité lorsque la proportion de graisse corporelle par rapport à la masse corporelle totale est pathologiquement élevée. L’ IMC, défini comme le quotient du poids corporel mesuré en kg et le carré de la taille mesurée en m, constitue une mesure indirecte acceptable de la masse grasse corporelle totale. Il est également recommandé chez les enfants pour définir le sur- poids et l’ obésité. Contrairement aux adultes, pour lesquels la définition épidémiologique du surpoids et de l’ obésité est déter- minée par des seuils fixes indiquant chacun un risque accru pour la santé (obésité: IMC > 30 kg/m2, surpoids: IMC > 25 kg/m2), les seuils pour les enfants et les adolescents dépendent de l’ âge en raison de leur développement physique. Il y a surpoids lorsque l’ IMC est supérieur au 90e percentile spécifique à l’ âge et au sexe ; l’ obésité chez l’ enfant et l’ adolescent est défi- nie par un IMC supérieur au 97e percentile. En Suisse, on utilise les courbes de référence allemandes de Kromeyer-Hauschild (2) pour définir l’ obésité chez l’ enfant et l’ adolescent. (Tab. 1) (Fig. 2)

Étant donné que l’ IMC ne détermine pas seulement la masse grasse mais aussi la masse corporelle totale, il n’ est que peu pertinent dans certaines situations, surtout pendant l’ enfance et l’ adolescence (jeunes filles pubères, des sportifs avec une masse musculaire importante, en cas de petite ou grande taille et de maladies endocriniennes). Dans ces cas, il convient de mettre en évidence l’ augmentation de la masse grasse par des méthodes alternatives, comme le DEXA ou l’ analyse de bio-impédance (BIA) (4). La mesure du tour de taille et de hanches ainsi que la mesure de l’ épaisseur des plis cutanés (5) peuvent également être utilisées pour évaluer le risque individuel de santé (6) (Fig. 3).

Comorbidités liées au poids

Un indice de masse corporelle élevé est un facteur de risque important pour les maladies non transmissibles telles que le can- cer, le diabète sucré de type 2, l’ apnée du sommeil et les mala- dies hépatiques et cardiovasculaires, et s’ accompagne également d’ un risque accru de morbidité pendant l’ enfance et l’ adoles- cence (5).

De nombreux enfants et adolescents obèses présentent déjà un ou plusieurs facteurs de risque cardio-métaboliques, par exemple une dyslipidémie, un trouble de la tolérance au glucose ou un diabète de type 2 ou une hyperuricémie. Le nombre de comor- bidités liées au poids augmente avec l’ ampleur de l’ obésité. Des études ont montré que la tension artérielle et le pouls au repos augmentent de manière significative avec l’ IMC. Il peut y avoir une accélération de la croissance en longueur et de la maturité squelettique, et la puberté peut débuter prématurément. Une partie non négligeable des personnes concernées présente déjà des augmentations significatives des transaminases ainsi qu’ une stéatose hépatique à l’ échographie dans le cadre d’ une maladie hépatique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD; anciennement stéatose hépatique non alcoolique = NAFLD). Un genou en valgus se manifeste chez environ 55 % des enfants souffrant d’obésité et entraîne des douleurs aux genoux et favorise les troubles arthrosiques (7).

Mais ce qui est particulièrement grave pour les enfants concernés, est la stigmatisation. Ils sont souvent victimes de harcèlement, manquent de confiance en eux et sont moins bien intégrés socialement. Cette situation est souvent associée à des maladies psychiques telles que la dépression, l’ anxiété, les troubles du sommeil et les troubles alimentaires (8).

Pathogenèse de l’ obésité

L’ origine de l’ obésité est multifactorielle. Outre la perturbation de l’ équilibre entre la dépense et l’ apport d’ énergie, les facteurs génétiques et sociaux jouent un rôle important. On estime que l’ influence de la prédisposition génétique sur le poids corporel est d’ environ 40 % à 70 % (9–11).

Un comportement alimentaire défavorable avec une disponibi- lité permanente de sucreries, de fast-food et de soft-drinks/sodas, un manque d’ activité physique et une consommation accrue de médias sont d’ autres facteurs qui jouent un rôle considérable dans le métabolisme énergétique. Mais des facteurs socio-éco- nomiques et socio-culturels tels que le contexte migratoire, le statut social et l’ empreinte de l’ environnement social et culturel influencent également l’ apparition du surpoids et de l’ obésité. Par exemple, les enfants dont les parents fument ont un risque augmenté de 30 % de devenir obèses (11, 12).

Certains médicaments tels que les glucocorticostéroïdes («cor- tisone») et certains antidépresseurs peuvent influencer la prise de poids et entraîner une surcharge pondérale. Les maladies endocrinologiques des glandes productrices d’ hormones, telles que l’ hypothyroïdie, le syndrome de Cushing ou les maladies de l’ hypophyse, sont à l’ origine d’ environ 1 % des enfants obèses. Il convient également de mentionner certaines formes monogé- niques rares d’ obésité, telles que le déficit en leptine, les défauts du récepteur de la leptine ou les mutations/polymorphismes du système mélanocorticoïde, qui se caractérisent par une prise de poids rapide après l’ accouchement avec une hyperphagie mar- quée et qui peuvent de nos jours déjà être traitées de manière ciblée. Il est tout aussi important de reconnaître l’ obésité dans le cadre de maladies syndromiques, comme par exemple le syndrome de Prader-Willi ou de Bardet-Biedl.

Evolution

L’ obésité ne disparaît malheureusement pas en grandissant. Les études pédiatriques sur l’ obésité ou basées sur la population montrent que l’ obésité ne «se perd» que très rarement de manière spontanée et que la prise de poids acquise à partir de 7 ans est généralement maintenue à l’ âge adulte. Plus les enfants sont âgés (> 11–12 ans) et obèses, plus la probabilité de souffrir d’ obésité à l’ âge adulte est élevée (66 et 77 %). Les données épidémiologiques montrent en outre que les enfants qui prennent rapidement du poids entre 2 et 6 ans développent généralement une obésité persistante, ce qui indique de manière évidente que cette tranche d’ âge représente une phase de vie particulièrement vulnérable (13). Si au moins l’ un des parents est obèse, la probabilité pour un enfant en surpoids de finir obèse jusqu’ à l’ âge adulte augmente d’ environ 30 % par rapport à un enfant dont les parents ont un poids normal (14).

Diagnostic des maladies de base et secondaires de l’ obésité

Pour pouvoir prendre à temps des mesures efficaces, il est impor- tant de reconnaître à temps le surpoids et de le prendre au sérieux en tant que problème de santé. Les médecins de famille ou les pédiatres attentionnés devraient toujours aborder le problème du surpoids dans le cadre de leurs examens préventifs . Souvent, les parents ne reconnaissent ni leur propre surpoids ni celui de leur enfant.

Les indications pour le diagnostic et le traitement se prennent de manière échelonnée en fonction de l’ ampleur et de l’ évolution de l’ obésité et des risques anamnestiques. Un examen médical approfondi et une prise de sang pour un bilan de laboratoire sont indiqués pour tous les enfants dont l’ IMC est supérieur à P. 97. En cas de surpoids (IMC > P. 90 < P. 97), un diagnostic médical est conseillé si l’ anamnèse familiale chez des parents du 1er ou du 2e degré est positive pour l’ obésité ou les maladies associées (diabète de type 2, maladies athéro-scléreuses précoces, hypertension artérielle, hypercholestérolémie), s’ il existe une comorbidité liée au poids et/ou si des facteurs de risque tels qu’ une augmentation du cholestérol total, du glucose ou de la tension artérielle, entre autres, sont connus chez l’ enfant. Mais aussi en cas d’ augmentation particulièrement forte de l’ IMC (p. ex. > 3 kg/m2 par an), il convient de procéder à un examen complet des facteurs de risque cardio-métaboliques ou des comorbidités associées au poids (Tab. 2) (15).

Traitement du surpoids et de l’ obésité chez les enfants et les adolescents

L’ objectif premier d’ un traitement pédiatrique de l’ obésité n’ est pas de faire baisser le poids corporel, mais d’ obtenir une amé- lioration à long terme de l’ état de santé. Les enfants en pleine croissance présentent une prise de poids normale de 3 à 4 kg par an. L’ objectif devrait être de ralentir la prise de poids et de la maintenir en dessous de cette marge, mais pas de réduire le poids.

Un traitement est toujours indiqué en cas d’ obésité (IMC > 97e percentile, tour de taille ou masse grasse supérieurs à P. 97, res- pectivement +2 DS) ou de surpoids (IMC entre les percentiles 90 et 97) avec présence d’ au moins une des maladies suivantes, dont l’ obésité aggrave le pronostic ou qui est une conséquence de celle-ci: l’ hypertension artérielle, le diabète sucré de type 2, la tolérance au glucose perturbée, des troubles endocriniens, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), des maladies orthopédiques, la maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique, des maladies respiratoires, une glomérulopathie ou des troubles alimentaires avec traitement psychiatrique.

Traitement structuré de l’ obésité pédiatrique

Depuis le début de l’ année 2014, les enfants et les adolescents peuvent être pris en charge de manière globale en Suisse au moyen de la thérapie structurée de l’ obésité pédiatrique (16). Si l’ indication pour une thérapie est donnée, les médecins traitants (m/f) spécialisés en pédiatrie ou en médecine de famille peuvent prescrire pendant 6 mois, en plus de leurs propres consultations, la thérapie individuelle structurée multiprofessionnelle (TIMS) (conseils nutritionnels max. 6 fois, physiothérapie 2 fois). Si, après 6 mois, l’ IMC ou d’ autres paramètres ou la comorbidité psychique/somatique ont augmenté, le patient doit/devrait être inclus dans un programme de groupe multiprofessionnel (PMG) ou être adressé à un(e) spécialiste de l’ obésité pour enfants et adolescents. Les interventions comprennent des mesures visant à modifier le comportement en matière d’ alimentation saine, d’ activité physique, de bien-être mental et de travail sur écran. Les programmes englobent les parents et les enfants (séparément et/ou ensemble) et peuvent être menés en groupe, individuellement ou en famille.

Chirurgie bariatrique

Les traitements conservateurs (interventions sur le mode de vie), sont les traitements de premier choix. Ils doivent être menés de manière multimodale et structurée. Toutefois, lorsque les possibilités de traitement conservateur ont été utilisées sans succès pendant plus de 2 ans, les procédures chirurgicales représentent de plus en plus une option thérapeutique efficace, même pour les adolescents souffrant d’ obésité morbide. Il convient de souligner que les procédures chirurgicales bariatriques n’ agissent pas par une restriction mécanique de l’ apport alimentaire et une diminution de l’ absorption des macronutriments, mais par des mécanismes d’ action neuroendocriniens complexes qui influencent la régulation de la faim et de l’ appétit. L’ analyse de l’ indication pour une opération bariatrique doit être effectuée selon les directives pour le traitement chirurgical de l’ obésité de la SMOB dans un centre de référence bariatrique reconnu par la SMOB (www.smob.ch) en collaboration avec un centre de référence pour l’ obésité pédiatrique certifié (Tab. 3).

Jusqu’ à présent, des études prospectives ont examiné les résul- tats à moyen et long terme après une chirurgie bariatrique. Une méta-analyse incluant 29 études de cohorte avec un total cumulé de 4970 patients a montré une réduction moyenne de l’ IMC de 13.1 kg/m2 ainsi que des taux élevés de rémissions de comorbi- dités préexistantes telles que le diabète sucré de type 2 (90 %), la dyslipidémie (77 %), l’ hypertension artérielle (81 %), l’ apnée du sommeil (81 %), et l’ asthme (92.5 %) (18). D’ autres données montrent une perte de poids de 29 % 8 ans après un bypass gastrique Roux-en-Y, correspondant à une réduction de l’ IMC de 16.9 kg/m2 (19). Après une sleeve gastrectomie, la réduction moyenne de l’ IMC après 7 ans était d’ environ 16.3 kg/m2.

Outre les risques associés à l’ opération tels que les problèmes cardiorespiratoires, la thrombose veineuse profonde avec, le cas échéant, une embolie pulmonaire consécutive, les insuffisances d’ une anastomose et les troubles de la cicatrisation, il convient surtout de prendre en compte les risques liés aux complications à plus long terme telles que les troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée, RGO), les carences en micro-nutriments (fer, vitamine B1, vitamine B12, vitamine D, acide folique, zinc), les perturbations électrolytiques avec déshydrata-tion, voire la réduction de la densité osseuse (20–22). Un suivi systématique est donc obligatoire.

Thérapie médicamenteuse

Lorsqu’ une prise en charge multiprofessionnelle n’ est pas suffisamment efficace, un traitement médicamenteux avec les agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (GLP-1), le liraglutide (Saxenda®) et le sémaglutide (Wegovy®), est disponible pour les enfants et les adolescents souffrant d’ obésité à partir de 12 ans afin de réduire leur poids. Le médicament peut être utilisé en cas de poids corporel ≥ 60 kg et d’ obésité selon les valeurs limites acceptées au niveau international (correspondant à un IMC ≥ 30 kg/m2 chez les adultes), en complément d’ une alimentation saine et d’ une activité physique accrue.

Les agonistes des récepteurs GLP-1 agissent par différentes voies dans les centres nerveux centraux de la régulation de la faim et de l’ appétit. La sensation de faim est réduite, la sensation de satiété est augmentée et l’ envie de manger est réduite. Comme l’ ont montré les études d’ homologation, un traitement par liraglutide réduit le poids corporel de 5 % en moyenne après 56 semaines de traitement (23), tandis que le semaglutide réduit le poids corporel d’ environ 16 % en moyenne après 68 semaines de traitement (24). Les effets secondaires les plus fréquents du lira- glutide sont des troubles gastro-intestinaux tels que nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales et constipation. Ceci explique qu’ environ 10 % des adolescents traités ne tolèrent pas le traitement et doivent donc l’ arrêter.

Prévention du surpoids et de l’ obésité par le ­médecin généraliste

Les études actuelles mettent de plus en plus l’ accent sur l’ impor- tance et l’ efficacité de la promotion précoce d’ un poids corpo- rel sain chez les enfants et les adolescents. L’ enseignement d’ un mode de vie sain devrait commencer le plus tôt possible dans la vie et atteindre les familles, les enfants et les adolescents dans leur milieu de vie. Les médecins de famille et les cabinets pédiatriques sont généralement les premiers interlocuteurs des familles en ce qui concerne la prise en charge des problèmes de santé et jouent donc un rôle décisif dans le contexte de la prévention du surpoids et de l’ obésité. Dans le cadre des contacts étroits et répétés avec les enfants et la famille, la promotion d’ un mode de vie physiquement actif ainsi que l’ amélioration du choix des aliments, à la fois pauvres en énergie et denses en nutriments (par exemple fruits, légumes et salades) et l’ adaptation de la taille des portions devraient toujours être abordées.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Cet article est une traduction de «der informierte arzt, die informierte ärztin» 10_2024

Dre Katrin Heldt

Spécialiste en pédiatrie
Endocrinologie pédiatrique et diabétologie
Formation approfondie interdisciplinaire en médecine
psychosomatique et psychosociale (SAPPM)

Pr Dr Bernd Schultes

Centre du métabolisme de Saint-Gall
friendlyDocs AG
Lerchentalstrasse 21
9016 St. Gallen

stoffwechselzentrum@friendlydocs.ch

Bernd Schultes est vice-président de la SMOB. Il reçoit des honoraires de conférence et de conseil de Novo Nordisk et Eli Lilly, ainsi qu’ un soutien financier pour la recherche de la part de Novo Nordisk.

  • Chez les enfants et les adolescents, le surpoids et l’obésité sont définis à l’aide des percentiles d’IMC en fonction de l’âge.
  • Dans le cadre des soins de santé primaires, la présence d’une surcharge pondérale doit toujours être recherchée de manière ciblée et, si elle est présente, le sujet doit être abordé de manière respectueuse.
  • En présence d’ une surcharge pondérale, il convient d’ établir un diagnostic de base et de proposer une thérapie structurée.
  • En Suisse, les programmes thérapeutiques structurés multiprofes- sionnels sont remboursés par les caisses maladie en cas d’indication et devraient être proposés aux enfants et adolescents concernés.
  • La chirurgie bariatrique peut être utile chez les adolescents souffrant d’obésité extrême, mais l’indication doit être posée de manière diffé- renciée et interdisciplinaire, conformément aux directives de la SMOB, et un suivi structuré doit être assuré.
  • Avec le liraglutide et le sémaglutide, deux agonistes des récepteurs du GLP-1 sont disponibles et peuvent être utilisés pour la régulation du poids dès l’ âge de 12 ans.

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Avancées dans le traitement de l’ hyperuricémie et de la goutte

La goutte est un rhumatisme inflammatoire microcristallin souvent associé à des maladies chroniques telles que l’insuffisance rénale chronique (IRC), l’hypertension, les maladies coronariennes et le syndrome métabolique. Par conséquent, la prise en charge de la goutte (traitement des crises et prise en charge de l’hyperuricémie) doit tenir compte des co-morbidités du patient. Des données récentes ont démontré l’efficacité de traitements émergents et confirmé celles de traitements plus anciens dans la prise en charge de la goutte. Nous discuterons dans cet article des thérapies que nous considérons comme ayant le plus grand impact sur notre pratique clinique.

Gout is an inflammatory arthritis that is often associated with chronic diseases such as chronic kidney disease (CKD), hypertension, coronary heart disease and metabolic syndrome. Consequently, the management of gout (treatment of the acute rash, reduction in serum urea [SUT]) must take account of these co-morbid conditions. Recent advances in the treatment of gout have demonstrated the efficacy of new and existing therapies in the management of gout and in this article we will summarise those that we consider to have the greatest impact on our clinical practice.
Keywords: hyperuricemia, gout, inflammatory arthritis, co-morbidity, pharmacotherapy

Introduction

L’impact de la goutte à l’échelle mondiale est important faisant de cette maladie la forme la plus courante d’arthrite inflammatoire dans le monde (1). Les principes d’une prise en charge efficace sont bien connus et ont été publiés récemment sous forme de lignes directrices actualisées (2, 3); ils reposent sur le contrôle rapide de la poussée inflammatoire, l’abaissement de l’urate sérique jusqu’au taux cible, associé à une éducation thérapeutique du patient. De nouveaux traitements pharmacologiques aideront le clinicien à atteindre ces objectifs, car l’intolérance aux thérapies existantes et les effets secondaires potentiels chez les patients présentant des comorbidités sont fréquents. Outre la thérapie pharmacologique, l’importance de la participation et de l’éducation des patients est reconnue et des stratégies visant à impliquer le patient dans sa prise en charge ont également été étudiées. Cette revue mettra en lumière les avancées thérapeutiques récentes dans le domaine de la goutte, en insistant sur les traitements récemment développés ainsi que sur les nouvelles perspectives d’utilisation des thérapies existantes.

Avancées dans le traitement de la goutte aiguë

Colchicine et prévention cardiovasculaire dans la goutte

De plus en plus de données démontrent que l’inflammation est un acteur crucial dans le développement de l’athérosclérose. Plusieurs études ont examiné l’effet protecteur potentiel de divers médicaments anti-inflammatoires sur les événements cardiovasculaires (CV), y compris la colchicine (4).

Une étude rétrospective de cohorte monocentrique appariée a inclus 501 patients atteints de goutte qui ont commencé un traitement de colchicine qui ont été appariés (sur la base de l’âge et du sexe) à 501 patients non traités à la colchicine (5). Les patients atteints de goutte inclus dans les deux groupes étaient principalement des hommes blancs (64 %) avec un âge moyen de 72-73 ans. Les patients ont été suivis jusqu’à 4 ans (durée moyenne du suivi : 1 an) et les événements CV ont été enregistrés. Dans l’analyse ajustée, les auteurs ont observé une réduction de 49 % (HR 0,51, 95 % CI 0,30 à 0,88) du risque de présenter un événement CV (accident vasculaire cérébral, accident ischémique transitoire, infarctus du myocarde [IM]) chez les utilisateurs de colchicine. Une diminution de la mortalité toutes causes confondues a également été observée dans ce même groupe (HR 0,27, 95 % CI 0,17 à 0,43).

Un vaste essai randomisé contrôlé par placebo (étude COLCOT) a inclus 4 745 patients dans les 30 jours suivant un infarctus. Ces derniers ont été traités par la colchicine 0,5 mg une fois par jour ou par placebo. La durée médiane du suivi était de 23 mois. Une réduction significative (5,5 % contre 7,1 %, HR 0,77, 95 % CI 0,61 à 0,96) du risque d’événements CV ischémiques a été observée dans le groupe colchicine par rapport au groupe placebo. Les effets indésirables ont été globalement similaires dans les deux groupes. Des diarrhées ont été signalées chez 9,7 % des patients traités par la colchicine (groupe placebo : 8,9 %) (6). Récemment, une étude post hoc de l’essai COLCOT incluant uniquement des patients atteints de diabète de type 2 a rapporté une réduction similaire (HR 0,65, 95 % CI 0,44 à 0,96) du risque d’événements CV ischémiques (7).

Un autre essai randomisé contrôlé par placebo (essai LoDoCo2) a étudié l’effet de la colchicine sur le risque d’événements CV chez des patients atteints de maladie coronarienne chronique. 5522 patients ont été traités par colchicine 0,5 mg une fois par jour ou par placebo après une phase d’introduction d’un mois de traitement par colchicine (en ouvert) pour tous. La durée moyenne du suivi était de 29 mois. Une réduction du risque de survenue du critère composite d’événements CV a été observée (6,8 % contre 9,6 %, HR 0,69, 95 % CI 0,57 à 0,83). La goutte est survenue moins fréquemment dans le groupe colchicine (1,4 % contre 3,4 %), mais des myalgies ont été signalées plus souvent par les patients traités par la colchicine (21,2 % contre 18,5 %) (8).

Il existe aujourd’hui des preuves solides démontrant que la colchicine peut réduire le risque d’événements cardiovasculaires en association avec les médicaments de prévention CV utilisés en routine dans diverses populations présentant un risque CV accru, telles que les patients souffrant de goutte, de diabète de type 2, d’antécédents d’infarctus du myocarde ou de maladie coronarienne chronique.

Ainsi, la colchicine, qui est utilisée depuis de nombreuses années pour traiter l’arthrite goutteuse aiguë et prévenir les poussées de goutte induites par les traitements hypo-uricémiants, pourrait avoir sa place dans l’arsenal thérapeutique de prévention CV à l’avenir.

Inhibition des cytokines

Depuis que nous avons découvert la capacité des cristaux d’acide urique à activer l’inflammasome NLRP3 responsable du déclenchement d’une cascade intracellulaire complexe conduisant finalement au clivage et à l’activation de pro-IL-1β en IL-1β, cette cytokine pro-inflammatoire est devenue une cible thérapeutique pour traiter la goutte aiguë (9).

L’anakinra, un antagoniste du récepteur de l’IL-1, a été le premier agent bloquant de l’IL-1 disponible.

Après une étude ouverte et plusieurs études rétrospectives qui ont rapporté une bonne efficacité de ce médicament dans le traitement de la crise de goutte, y compris chez les patients hospitalisés présentant des comorbidités, deux essais contrôlés randomisés ont été publiés en 2019 et 2021 avec des comparateurs différents. Dans la première étude, 88 patients souffrant d’une poussée aiguë d’arthrite goutteuse ont été traités par anakinra 100 mg une fois par jour pendant 5 jours ou par traitement conventionnel (naproxène, colchicine, prednisone). Les auteurs ont montré la non-infériorité de l’anakinra par rapport au traitement conventionnel avec une amélioration clinique similaire (10). Dans la seconde étude (étude anaGO), 165 patients souffrant d’une mono- ou oligo-arthrite aiguë liée à la goutte, chez qui les AINS ou la colchicine étaient contre-indiqués, ont été traités par 100 mg ou 200 mg d’anakinra une fois par jour pendant 5 jours ou par une injection intramusculaire unique de 40 mg de triamcinolone. Tous les groupes de traitement ont montré une réduction similaire de l’intensité de la douleur (11).

Le rilonacept, une protéine de fusion agissant comme un récepteur soluble liant l’IL-1α et l’IL-1β, a montré son efficacité dans le traitement de la crise de goutte dans un essai contrôlé randomisé de phase 3 portant sur 225 patients (12). Trois essais randomisés ont étudié l’utilisation du rilonacept pour prévenir les poussées de goutte pendant l’instauration d’un traitement hypo-uricémiant et ont observé une diminution du nombre de poussées chez les patients du groupe rilonacept par rapport au groupe placebo (13-15). Cependant, le rilonacept n’est plus disponible pour des raisons commerciales.

Le canakinumab, un anticorps monoclonal anti-IL-1β dont la demi-vie terminale est de 26 jours, a montré son efficacité dans le traitement de la crise de goutte dans deux essais randomisés de phase 3. Ces derniers ont inclus 456 patients traités par une dose unique de 150 mg de canakinumab ou par une injection intramusculaire unique de 40 mg de triamcinolone. Une différence significative de l’intensité moyenne de la douleur (95 % CI) sur l’échelle visuelle analogique (EVA, 0-100 mm) à 72 heures a été observée (-9,8, -16,3 à -3,2 mm) (16). Un essai contrôlé randomisé de phase 2 a étudié l’efficacité du canakinumab dans la prévention des crises de goutte lors de l’instauration d’un hypo-uricémiant et a rapporté une diminution du nombre moyen de poussées dans le groupe canakinumab par rapport au groupe colchicine (17). En outre, une analyse post hoc de l’essai CANTOS, un vaste essai randomisé (1 059 patients) portant sur les conséquences cardiovasculaires chez les patients traités par le canakinumab pendant plusieurs années, a montré une réduction du risque de crises de goutte (HR 0,4-0,48 en fonction des différents taux d’urate sériques) sans effet sur les taux d’urate sérique (18). Le canakinumab a été approuvé par l’Agence européenne des médicaments (EMA) en 2013 et par la Food and Drug Administration américaine (FDA) en 2023 pour traiter les patients adultes atteints de crises de goutte fréquentes chez qui il existe une contre-indication à l’utilisation de la colchicine, les AINS ou les stéroïdes.

Outre l’IL-1β, d’autres cytokines pro-inflammatoires sont libérées au cours de la crise de goutte, notamment le TNFα et l’IL-6. Certains auteurs ont essayé de bloquer le TNFα ou l’IL-6 pour traiter l’arthrite goutteuse tophacée réfractaire polyarticulaire. Quelques rapports de cas ont fait état d’une bonne efficacité des inhibiteurs du TNFα (infliximab, etanercept) et de l’anticorps anti-IL6R tocilizumab (sous-cutané et intraveineux) chez ces patients (19, 20). Cependant, le niveau de preuve est faible et il n’existe pas d’essais contrôlés publiés, d’études d’observation ou même de séries de cas pour étayer leur utilisation dans la goutte.

Avancées dans la gestion de l’hyperuricémie

Pégloticase

La pégloticase est une uricase recombinante administrée par voie intraveineuse qui dégrade l’urate en allantoïne, un métabolite soluble.
Deux essais randomisés contrôlés publiés en 2011 ont inclus 225 patients souffrant de goutte sévère réfractaire à l’allopurinol ou présentant une intolérance au traitement. Ces derniers ont été traités par pegloticase ou par placebo pendant 6 mois. Dans le groupe pegloticase, 38 % des patients ont répondu (taux d’urate sérique < 360 µmol/l pendant ≥ 80 % du temps entre les mois 3 et 6) contre 0 % dans le groupe placebo (21). Cependant, l’utilisation de la pegloticase a été entravée par un taux significatif de réactions liées à la perfusion (> 25 %) et une perte d’efficacité liée au développement d’anticorps anti-médicaments responsables de la neutralisation du traitement(22).

Par conséquent, après une étude ouverte encourageante, un essai contrôlé randomisé (étude MIRROR) a été mené auprès de 152 patients souffrant de goutte non contrôlée et d’échec ou d’intolérance aux hypo-uricémiants conventionnels. Les patients ont été traités par pegloticase et méthotrexate oral (MTX) 15 mg/semaine ou par pegloticase et placebo pendant un an (23). Ceux traités par MTX et pegloticase ont présenté un taux de réponse plus élevé (60 % contre 31 %) à un an, et moins de réactions liées aux perfusions (4 % contre 31 %, tous sont survenus au cours des 6 premiers mois). Parmi les patients présentant des tophi au départ, la proportion de ceux ayant une résolution de ≥ 1 tophi était de 54 % (contre 31 %) après un an de traitement (24).

La FDA a approuvé la pegloticase dans le traitement de la goutte chronique chez les patients réfractaires au traitement conventionnel depuis 2010. L’EMA a également approuvé la pegloticase mais l’a retirée à la demande du fabricant en 2013.

Nouveaux inhibiteurs de la xanthine oxydase (XOI)

L’allopurinol et le fébuxostat sont des inhibiteurs de la xanthine oxydase bien établis et efficaces pour abaisser le taux d’urate. Cependant, des problèmes de tolérance dans des situations spécifiques (syndrome d’hypersensibilité à l’allopurinol pour l’allopurinol et tolérance cardiovasculaire pour le fébuxostat) ainsi que l’intolérance au médicament limitent parfois leur utilisation. Des alternatives à ces traitements sont donc bienvenues. Le topiroxostat et le tigulixostat ont été développés récemment. Tous deux sont des inhibiteurs non puriques de la xanthine oxydase.

Le topiroxostat est disponible depuis 2013 au Japon (25, 26), mais n’est pas encore commercialisé dans l’Union européenne ou aux États-Unis. Le tigulixostat a montré une efficacité dose-dépendante dans la réduction de l’urate dans des études de phase 2, mais n’a pas encore été comparé aux XOI déjà utilisés (27).

Inhibiteurs du SGLT2

Les inhibiteurs du SGLT2 (canagliflozine, dapagliflozine, empaglifozine et autres) sont des médicaments qui favorisent l’excrétion rénale du glucose, réduisant ainsi la glycémie. Leur utilisation a révolutionné la prise en charge du diabète, de l’insuffisance cardiaque et de l’insuffisance rénale chronique (IRC). Le principal mode d’action est l’inhibition de la réabsorption du glucose par le SGLT2 (sodium-glucose cotransporter 2) dans le tubule rénal proximal. D’autres mécanismes d’action (inhibition du transport du sodium, inhibition du stress oxydatif et de l’inflammation et pression glomérulaire) peuvent expliquer leurs effets bénéfiques dans l’insuffisance cardiaque et l’IRC. Les maladies métaboliques, rénales et cardiaques étant des comorbidités fréquemment retrouvéees dans la population goutteuse, les médicaments qui agissent sur plusieurs cibles cliniques dans la même maladie sont d’un intérêt considérable. Une revue récente a résumé succinctement les données disponibles sur les effets des inhibiteurs du SGLT2 en relation avec la goutte (28).

Les inhibiteurs du SGLT2 sont capables d’abaisser le taux d’urate sérique; dans une méta-analyse de 62 essais d’inhibiteurs du SGLT2, l’abaissement moyen de l’urate sérique observé était de -37 umol/L (des variations dans l’importance de la diminution de l’urate sérique ont été observées entre les classes de médicaments) et cet effet semble être indépendant des niveaux de sucre dans le sang (29). La diminution de l’uricémie semble également être indépendante de la sévérité de l’insuffisance rénale pour la dapagliflozine et l’empagliflozine (examiné dans (28)) et de la prise concomitante de différents médicaments réduisant l’urate (30). Il n’existe pas d’études spécifiques ciblant la population goutteuse, mais des patients goutteux ont été inclus dans un certain nombre d’essais sur les inhibiteurs du SGLT2 et des analyses secondaires des données ont montré que l’incidence des poussées de goutte était réduite d’environ 50 % chez les patients sous inhibiteurs du SGLT2 (28), et des études de cohorte portant sur des bases de données de soins de santé ont également montré que l’incidence de la goutte était également réduite dans une proportion similaire. Le mécanisme de réduction de l’urate des inhibiteurs du SGLT2 serait secondaire à une augmentation de l’excrétion urinaire de glucose, qui entre en compétition avec l’urate pour sa réabsorption par le transporteur rénal SLC2A9 (Glut 9); un autre mécanisme pourrait être un effet inhibiteur sur le transporteur d’urate SLC22A12 (URAT1) (31).

Les données accumulées suggèrent que les inhibiteurs du SGLT2 peuvent être un complément utile aux hypo-uricémiants conventionnels dans la goutte, en particulier chez les patients présentant des comorbidités cardio-métaboliques. Il n’y a pas de données actuelles pour soutenir leur utilisation en tant qu’hypouricémiant primaire.

Prophylaxie par la colchicine à l’instauration d’un hypouricémiant

Lorsque les patients débutent un traitement hypo-uricémiant, la fréquence des poussées de goutte augmente et atteint un pic au cours des 6 premiers mois avant de diminuer progressivement en fréquence (32). Ces «poussées paradoxales» ont incité les ­cliniciens à recommander une prophylaxie des poussées pendant une période allant jusqu’à 6 mois au début du traitement hypo-uricémiant dans les recommandations thérapeutiques. Une étude récente a étudié si une titration progressive lente de l’hypo-uricémiant (en utilisant l’allopurinol) peut éviter la nécessité d’une prophylaxie par la colchicine. Stamp et ses collègues ont réalisé un essai contrôlé randomisé comparant la colchicine à faible dose (0,5 mg par jour) à un placebo pendant les six premiers mois de traitement par l’allopurinol. La dose d’allopurinol a été augmentée de 50 mg par mois jusqu’à ce que le niveau cible d’urates de <360 umol/L soit atteint (33). Ils ont constaté que les patients sous placebo présentaient davantage de poussées au cours des 6 premiers mois que ceux du groupe traité, mais qu’au bout de 12 mois, les deux groupes présentaient une fréquence de poussées similaire (réduite). Sur la base de ces résultats, la recommandation d’une prophylaxie par la colchicine est maintenue lors de l’instauration de l’hypo-uricémiant.

Information et éducation thérapeutique des patients

Doherty et al ont montré dans un essai contrôlé randomisé que les résultats de la prise en charge de la goutte (atteinte des taux cibles d’acide urique, réduction du nombre de poussées) sont significativement meilleurs lorsque le traitement médicamenteux est accompagné d’un programme d’éducation thérapeutique et d’un suivi clinique réalisé par une infirmière, par rapport aux soins habituels (34, 35). Des analyses ultérieures ont également montré que le groupe ayant bénéficié de soins infirmiers était plus satisfait, mieux informé sur la goutte et présentait un taux de poussée plus faible que le groupe témoin. Toutefois, ces résultats dépendent de l’organisation du système de santé, car l’essai décrit a été réalisé au Royaume-Uni. Il est probable que d’autres approches puissent influencer les résultats du traitement. Aux États-Unis, un essai comparant l’intervention d’un pharmacien (information sur la maladie, suivi téléphonique et ajustement de la dose d’allopurinol) a montré que l’observance (> 80 % des jours de traitement) et l’atteinte de l’objectif de 6 mg/dL d’uricémie étaient significativement plus élevés dans le groupe en contact avec le pharmacien que dans le groupe recevant les soins habituels (36). Enfin, un essai réalisé en Écosse, dans lequel les patients ont été randomisés pour bénéficier d’un programme visant à améliorer l’autogestion de la goutte (sous la forme d’un lecteur des taux sériques d’acide urique pour le monitoring de l’uricémie à domicile, associé à une application sur smartphone pour améliorer les connaissances concernant les objectifs de traitement) vs prise en charge classique, a démontré une fréquence plus élevée d’atteinte des taux cible d’acide urique à 6 mois dans le groupe intervention par rapport au groupe contrôle (70 % contre 15 %) à 6 mois (37). Ces études montrent que différentes stratégies peuvent être efficaces pour améliorer l’adhérence thérapeutique et les taux sériques d’acide urique, et que l’approche choisie doit tenir compte des facteurs locaux.

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Dr Alexandre Dumusc

Service de Rhumatologie,
Département de l’Appareil Locomoteur
Centre hospitalier universitaire vaudois
Av. Pierre Decker
1005 Lausanne

DrAlexander So

Service de Rhumatologie,
Département de l’Appareil Locomoteur
Centre hospitalier universitaire vaudois
Av. Pierre Decker
1005 Lausanne

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

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La dépression chez les personnes âgées

La dépression est une maladie fréquente et souvent négligée chez les personnes âgées. Cet article parcourt le diagnostic et les traitements en suivant les recommandations suisses pour le diagnostic et le traitement de la dépression chez les personnes âgées. Le diagnostic s’ appuie sur l’ exploration clinique, complétée par la recherche de diagnostics différentiels. Il faut impérativement tenir compte du risque accru de suicide en cas de dépression chez le sujet âgé. Sur le plan thérapeutique, on recourt en premier lieu à la psychothérapie et, dans les cas graves, à la pharmacothérapie. Des interventions psychosociales et des thérapies spéciales peuvent être mises en œuvre en parallèle. D’ autres méthodes thérapeutiques biologiques telles que la privation de sommeil, la luminothérapie et les procédés de stimulation cérébrale s’ appliquent dans un cadre thérapeutique spécialisé.

Late-life depression is a frequent and underdiagnosed condition. This article discusses its diagnosis and treatment based on the Swiss Therapy Recommendations for Diagnosis and Treatment of Depression in Old Age. The diagnosis rests on the clinical exploration and the differential diagnostic process. Due to the elevated risk of suicide, the exploration of suicidality is imperative in late-life depression. Psychotherapy is the mainstay of treatment. In more severe cases of depression, it is complemented by pharmacotherapy. Psychosocial interventions and other specialist therapies can be useful add-ons. Biological therapies, such as sleep deprivation, bright light therapy and various brain stimulation methods are mainly used in specialized treatment contexts.
Key Words: Depression in the elderly, psychotherapy, antidepressants

Diagnostic

Il n’ existe pas de critères diagnostiques spécifiques pour le diagnostic de la dépression chez les personnes âgées (DPA). Le diagnostic est donc posé et codé comme chez l’ adulte plus jeune, sur la base des critères – purement cliniques – de la CIM-10 pour l’ épisode dépressif (F32) ou le trouble dépressif récurrent (F33). De même, il n’ existe pas de limite d’ âge claire, bien qu’ en Suisse, on parle généralement de DPA pour les personnes > 65 ans (1). La dépression est fréquente chez les personnes > 65 ans. Selon l’ Enquête suisse sur la santé 2022, 4 % des personnes > 65 ans présentaient des symptômes de dépression modérée à sévère (2). Dans un contexte institutionnel comme dans les maisons de retraite et de soins, la prévalence est nettement supérieure. Cela a des conséquences pour le système de soins de santé dans son ensemble. Avec le vieillissement de la population, il doit d’ une part se préparer à une augmentation du nombre de cas. D’ autre part, dans tout contexte de soins médicaux, il existera une forte probabilité initiale qu’ un patient de plus de 65 ans souffre d’ une DPA. Cela se reflète par exemple dans le fait que 12,3 % des consultations de médecins généralistes chez les personnes âgées aux États-Unis ont abouti à la prescription d’ un antidépresseur en 2012 (3). En Suisse, 46,9 % des antidépresseurs sont prescrits par des médecins généralistes, dont la plupart dans le groupe d’ âge > 65 ans (4).

Malgré – ou peut-être à cause de – sa fréquence, la DPA est sous-diagnostiquée. Cela s’ explique notamment par le fait que la DPA peut se présenter de manière «atypique», par exemple avec des troubles somatiques comme symptôme de présentation. Pour confirmer une suspicion diagnostique, un entretien approfondi est nécessaire, qui doit se dérouler en dehors des contraintes temporelles du reste de l’ activité du cabinet ou de l’ hôpital. Des échelles spécifiques pour le dépistage peuvent s’ avérer utiles dans le processus diagnostique. Pour le dépistage, l’ échelle d’ auto-évaluation GDS-15 (Geriatric Depression Scale) est bien adaptée – également pour l’ utilisation dans les maisons de retraite (1). La GDS offre l’ avantage supplémentaire d’ afficher le degré de gravité de la dépression.

Diagnostics différentiels, comorbidités et ­complications

Il n’ est pas rare de trouver chez les patients âgés des tableaux mixtes complexes de multimorbidité et de handicaps quotidiens, de facteurs de stress psychologiques et sociaux (p. ex. perte d’ un être cher et isolement). Il peut être difficile de distinguer les causes des conséquences et les comorbidités des complications. Les recommandations suisses pour le diagnostic et le traitement de la DPA fournissent des informations complémentaires sur l’ interaction entre la DPA et, entre autres, la démence, le sommeil, la douleur et des comorbidités somatiques importantes (1). Les pathologies s’ accompagnant de symptômes similaires à ceux de la dépression doivent faire l’ objet d’ un diagnostic différentiel (tableau 1). Il convient de mentionner en particulier l’ effet dépressif possible de nombreux médicaments (5).

Tendances suicidaires

On ne saurait trop insister sur le risque de suicide en cas de dépression. En 2022, en Suisse, 958 personnes sont décédées par suicide (sans compter le suicide assisté), ce qui correspond à 1,3 % de tous les décès (6). Le taux de suicide augmente fortement avec l’ âge, l’ augmentation étant en grande partie due aux suicides d’ hommes âgés (6). Sur la base de ce que l’ on appelle une «autopsie psychologique», soit l’ étude des antécédents de séniors s’ étant suicidés, il a pu être démontré que dans la majorité des cas (jusqu’ à 87 % dans une étude), il faut partir du principe qu’ il s’ agissait d’ une DPA (7). Il est donc faux de supposer que les suicides chez les personnes âgées sont des suicides dits «de bilan».

Pour clarifier la suicidalité, on commence par interroger d’ éven- tuelles pensées suicidaires, pour approfondir l’ exploration selon besoin. Existe-t-il des intentions suicidaires ou même des projets de suicide concrets ? Quels sont les facteurs de risque du patient ? En font partie (outre l’ âge avancé, le sexe masculin et la DPA déjà mentionnés): des tendances suicidaires dans son anamnèse et son environnement social, des comorbidités psychiques et somatiques, les douleurs, des limitations des fonctions quotidiennes, des événements de la vie (par ex. la perte du partenaire), l’ isolement social, le sentiment d’ impuissance ou de désespoir et la disponibilité de méthodes suicidaires au foyer (par ex. les armes à feu). L’ absence de tels facteurs de risque ne doit toutefois pas conduire automatiquement à la levée de l’ alerte lors de l’ évaluation aiguë: Ils reflètent des risques statistiques, c’ est-à-dire une augmentation du risque dans un groupe de personnes sur une longue période, et n’ ont donc qu’ une validité limitée pour la situation momentanée d’ un patient individuel.

Pendant l’ exploration, le risque de suicide doit être évalué et documenté. Si l’ on estime qu’ il existe une mise en danger aiguë de soi-même et que celle-ci ne peut pas être évitée de manière sûre par d’ autres mesures, un placement à des fins d’ assistance doit être envisagé également pour les patients âgés.

Thérapie

La thérapie de la DPA se décide en fonction de l’ acuité, de la souffrance et de la gravité des symptômes, de la disponibilité et de la praticabilité des offres thérapeutiques et des préférences de traitement du patient. Il est toujours judicieux d’ impliquer l’ entourage et de mettre en réseau les différentes offres d’ aide. Pour la thérapie, des interventions sont disponibles dans quatre domaines: interventions psychosociales et thérapies spéciales, psychothérapies au sens strict, psychopharmacothérapie et méthodes thérapeutiques biologiques.

Interventions psychosociales et thérapies ­spéciales

Les interventions psychosociales et les thérapies spéciales accompagnent le traitement psychothérapeutique et pharmacologique spécifique (1). Il s’  git notamment de ce que l’ on appelle l’ auto-assistance guidée (réalisation autonome d’ interventions sous la surveillance ponctuelle d’ un thérapeute), la psychoéducation, l’ entraînement à la résolution de problèmes, la thérapie récréative (soit la mise en place d’ une organisation gratifiante du temps libre), l’ activation physique, les méthodes de relaxation, l’ entraînement aux compétences sociales et les thérapies spéciales que sont l’ ergothérapie et les procédés d’ art-thérapie.

La thérapie récréative (8) et l’ activation physique (9) se distinguent par leur évidence. Ces deux méthodes ont en commun le fait qu’ elles enrichissent le quotidien des patients avec des éléments d’ activation concrets qui permettent de vivre des expériences positives. L’ activation physique semble être plus efficace lorsqu’ elle est pratiquée sous supervision et plusieurs fois par semaine (par exemple, trois séances d’ entraînement par semaine comprenant chacune un échauffement de 10 minutes, 30 minutes de marche ou de jogging et cinq minutes de récupération).

Psychothérapie

Selon les recommandations suisses, la psychothérapie est la thérapie de premier choix en cas de DPA. Dans les formes sévères, elle est recommandée en combinaison avec la pharmacothérapie (1). Les méthodes thérapeutiques de groupe et individuelles peuvent être utilisées. Les proches aidants présentent eux-mêmes un risque élevé de dépression et doivent être pris en compte dans le cadre du concept thérapeutique (1).

Parmi les différentes méthodes psychothérapeutiques, la thérapie cognitivo-comportementale présente la plus grande évidence. Les traitements psychodynamiques de courte durée disposent également d’ une bonne évidence (1). D’ autres méthodes qui sont utilisées sont la thérapie de réminiscence (rétrospective sur sa propre vie dans le but d’ obtenir une perspective positive de son propre parcours de vie), la thérapie interpersonnelle ainsi que d’ autres méthodes faisant partie de ce que l’ on appelle la «troisième vague de psychothérapie» (1).

Pharmacothérapie

La pharmacothérapie de la DPA est une forme de traitement efficace, surtout utilisée dans les cas modérés à sévères. Elle complète la psychothérapie en tant que traitement de première intention (1). Des études méta-analytiques ont montré que la réponse à la pharmacothérapie («response» égale diminution de 50 % de la symptomatologie) était obtenue chez environ 50 % des patients atteints de DPA (10).

La pharmacothérapie de la DPA exige la prise en compte des comorbidités psychiatriques et somatiques, des autres médicaments et un monitorage minutieux de l’ effet du traitement et des effets indésirables des médicaments (y compris laboratoire de routine et ECG avant le début du traitement). La pharmacothérapie s’ effectue selon le principe «Start low, go slow (but go !)», c’ est-à-dire que le dosage, initialement faible, est progressif et doit absolument être augmenté jusqu’ à atteindre la zone thérapeutiquement efficace. En l’ absence d’ effet, les taux sanguins des médicaments peuvent être utiles pour déterminer le bon dosage. Pour que l’ essai thérapeutique soit suffisant, il faut non seulement un dosage suffisant, mais aussi une durée suffisante. En règle générale, il s’ agit dans un premier temps de 4 à 6 semaines. En l’ absence d’ effet, l’ essai thérapeutique peut être prolongé jusqu’ à 12 semaines («late responder»). Le tableau 2 donne un aperçu des substances disponibles.

Le choix de la substance active se fait en tenant compte de l’ efficacité, de la tolérance et des interactions médicamenteuses possibles. Parmi les ISRS, le (es)-citalopram ou la sertraline comme exemples peuvent s’ avérer bien adaptés (1, 11). Il existe certes de plus en plus de preuves de l’ efficacité et de la tolérance de la kétamine et de l’ eskétamine en cas de DPA (12), mais leur utilisation est soumise à diverses restrictions et ne devrait actuellement être effectuée que par le spécialiste dans des cas précisément justifiés. Le traitement pharmacologique d’ entretien, la prophylaxie des récidives ainsi que le traitement des dépressions réfractaires dépassent le cadre de cet article.

Procédés biologiques

Parmi les méthodes biologiques non pharmacologiques, on compte notamment la privation thérapeutique de sommeil (thérapie d’  éveil), la luminothérapie et les méthodes de stimulation cérébrale (ECT, rTMS et autres). Ces méthodes thérapeutiques offrent en partie une très bonne efficacité en cas de DPA. Elles sont toutefois généralement réservées à un contexte de traitement spécialisé ou sont surtout utilisées en cas d’  évolution de la maladie réfractaire à d’  autres traitements.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

L’ auteur a publié cet article en allemand dans «der informierte arzt – die informierte ärztin» 11_2024, la traduction en français a été réalisée par les éditeurs. L’  auteur n’  assume aucune responsabilité pour les modifications dues à une traduction.

Dr Florian Riese

Université de Zurich
Directeur du groupe de recherche:
«Qualité de vie en cas de démence»
Stampfenbachstrasse 73
8006 Zürich

L’  auteur n’ a pas déclaré de conflit d’  intérêts en rapport avec cet article.

  • La dépression chez les personnes âgées est fréquente et sous-diagnostiquée.
  • Un éventuel risque de suicide doit être identifié.
  • La psychothérapie est la thérapie de premier choix.
  • Dans les cas plus graves, des antidépresseurs sont également utilisés.
  • Les ISRS (niveau de preuve A, degré de recommandation 1), notamment le (es)citalopram et la sertraline, sont appropriés p. ex.

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Les traitements anti-amyloïdes dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer: lumières et ombres

La maladie d’Alzheimer est une maladie grave et fréquente, dont les traitements actuels n’ont qu’un effet symptomatique et n’influant pas sur son évolution. En Juillet 2023 et juillet 2024, des traitements par anticorps monoclonaux agissant sur une des protéines impliquées dans la physiopathologie de la maladie, la β-amyloïde, ont été approuvés par la FDA aux Etats-Unis et sont en cours d’évaluation en Suisse. Ces traitements ayant montré un bénéfice clinique statistiquement significatif sont associés à des effets secondaires caractérisés par des œdèmes ou des hémorragies cérébrales, appelés ARIA pour Amyloid Related Imaging Abnormalities. Une sélection rigoureuse des patients et une surveillance attentive seront donc indispensables pour que le rapport bénéfice risque soit favorable.

Alzheimer’s disease is a serious and common illness, and current treatments have only a symptomatic effect and have no influence on its progression. In July 2023 and July 2024, monoclonal antibody treatments acting on one of the proteins involved in the pathophysiology of the disease, B-amyloid, were approved by the FDA in the United States and are currently being evaluated in Switzerland. These treatments, which have shown a statistically significant clinical benefit, are associated with side effects characterised by cerebral oedema or haemorrhage, known as ARIA for Amyloid Related Imaging Abnormalities. Careful patient selection and monitoring will therefore be essential if the benefit-risk ratio is to be favourable.
Key words: Alzheimer, anti-amyloid, ARIA

Introduction

La maladie d’ Alzheimer est une maladie neurodégénérative cérébrale et représente la cause la plus fréquente de troubles neurocognitifs, se manifestant le plus souvent après les 65 ans. Elle touche actuellement 50 millions de personnes dans le monde, dont environ 25 000 en Suisse romande. En raison du vieillissement de la population, ce chiffre est voué à augmenter, avec une estimation de 152 millions de patients au niveau mondial d’ ici 2050. Outre son impact sur les patients, la maladie d’ Alzheimer impacte profondément leurs familles, les systèmes de santé et psychocociaux et le marché du travail, avec un coût mondial estimé à 1000 milliards de dollars par an (1).

Les présentations cliniques inaugurales communes de la maladie comprennent les formes amnésiques, langagières (aphasie primaire progressive logopénique) ou visuelles (atrophie corticale postérieure). Ces symptômes invalidants entraînent une perte progressive d’ autonomie à cause de troubles cognitifs progressivement globaux et une diminution de l’espérance de vie. Après sa description initiale en 1906 par Aloïs Alzheimer, il a été démontré que cette pathologie est notamment caractérisée par l’ accumulation extracellulaire progressive de protéines bêta-amyloïdes dans une conformation anormale et à l’ accumulation intracellulaire de neurofibrilles de protéines Tau phosphorylées, provoquant une dysfonction cellulaire et une mort neuronale. Cependant, les symptômes apparaissent plusieurs années après le début de ces modifications protéiques ayant une synergie et des interactions avec l’activité microgliales et vasculaires.

À l’ heure actuelle, les traitements de la maladie d’ Alzheimer visent principalement à atténuer les symptômes. Les deux principales classes de médicaments utilisées sont les anticholinestérasiques, tels que le donépézil, la galantamine et la rivastigmine, qui augmentent les niveaux d’acétylcholine dans le cerveau, et la mémantine, qui régule l’ activité du glutamate, neurotransmetteurs impliqués dans l’ apprentissage et la mémoire. Cependant, ces traitements offrent souvent des bénéfices modestes et ne modifient pas la physiopathologie de la maladie.

Compte tenu de la fréquence et de la gravité de cette maladie, la communauté scientifique tente depuis des décennies de développer des traitements capables de traiter cette pathologie ou d’ en ralentir significativement l’ évolution.

Traitements anti-amyloïdes

Suite à la découverte des plaques séniles et à la proposition de l’ hypothèse de la cascade amyloïde par Hardy et al. en 1992 (2), de nombreuses études cliniques ont été menées pour développer des traitements «disease-modifying» ciblant les protéines impliquées dans les mécanismes de la maladie. Depuis les premiers résultats prometteurs chez la souris par Schenk et al en 1999, plusieurs essais ont été réalisées chez l’ humain, qui n’ ont pas abouti en raison notamment de complications, de cibles inadaptées ou d’absence de biomarqueurs physiopathologiques. Par la suite, une meilleure sélection des cibles thérapeutiques, l’ amélioration des méthodes diagnostiques (notamment l’accès au PET-amyloïde et les dosages protéiques dans le LCR) et l’ augmentation des dosages ont permis une amélioration progressive des résultats, jusqu’ à l’ approbation du premier traitement anti-amyloïde, l’ aducanumab, en 2021 (puis retracté en 2024). Depuis, un deuxième médicament, le lecanemab, a été approuvé en 2023 et un autre traitement, le donanemab, a été approuvé en juin 2024. Ces deux derniers sont actuellement en cours d’ instruction par les autorités de régulation en Suisse. Il est essentiel d’intégrer un raisonnement bénéfices-risques afin d’ orienter les patients et de surveiller les effets indésirables. Dans cet article, nous passerons en revue les traitements en cours d’ approbation et nous discuterons des bénéfices escomptés ainsi que des risques associés.

Ces molécules sont des anticorps monoclonaux humains qui ciblent sélectivement la bêta-amyloïde, induisant une activation microgliale qui entraîne la phagocytose et la dégradation de la protéine toxique. Bien que ces molécules ciblent la même protéine, leurs mécanismes d’ action différents confèrent à l’ aducanumab une affinité plus forte avec les oligomères, au lecanemab avec les protofibrilles et au donanemab avec la plaque amyloïde.

Après une étude de phase 2 montrant des résultats prometteurs en termes d’ efficacité, l’ aducanumab a été évalué dans deux études cliniques randomisées de phase 3 (ENGAGE et EMERGE), incluant plus de 3200 patients dans 20 pays. Ces études ont montré une nette diminution dose-dépendante de la charge amyloïde et de la charge tau, ainsi qu’ un ralentissement du déclin du score CDR de 18 % sur 18 mois dans l’ étude EMERGE et de 15 % sur 18 mois dans l’ étude ENGAGE, avec des résultats significatifs uniquement pour la première de ces études (3).

Des résultats similaires ont été obtenus avec les études de phase 3 CLARITY-AD et TRAILBLAZER-ALZ 2, concernant respectivement le lecanemab et le donanemab. Le premier a mis en évidence un ralentissement de la pente du déclin cognitif de 27 % sur l’ échelle CDR-SB à 18 mois entre le groupe expérimental et le groupe placebo et le second de 36 % selon l’ échelle CDR et de 41 % dans la perte d’ autonomie aux activités instrumentales de la vie quotidienne.

Outre leur modalité d’action proche, ces traitements diffèrent dans leur modalité d’administration. Le lecanemab est administré par voie intraveineuse deux fois par mois. Le donanemab quant à lui a été administré par injection intraveineuse une fois par mois.

Ces études ont concerné des patients à des stades débutants de la maladie (MMSE > 22/30), avec un phénotype commun (amnésique) et avec une physiopathologie de maladie d’Alzheimer prouvée (amyloïde positive).

Ces résultats positifs pour les outcomes primaires ont justifié leur approbation par les autorités américaines. La significativité statistique clinique et la preuve de concept physiopathologique sont indéniables. En revanche, l’amplitude clinique de cet effet observé et le bénéfice à long terme restent une interrogation vu le design des études et leur durée limitée à 18 mois sur une population peu symptomatique. Les premiers résultats communiqués des phases d’extension et les données favorables sur les biomarqueurs de la maladie (protéine Tau) laissent penser à un effet «disease modifier» à long terme, mais c’est le suivi des cohortes de patients traités qui permettra de clarifier la vrai amplitude des effets.

Cet effet biologique a tout de même été associé à des effets indésirables cliniques et radiologiques chez plus de 30 % des patients traités, pour la majeure partie de façon asymptomatique et il est donc important de mieux les connaître.

Effets indésirables – ARIAs

Les principaux effets indésirables associés aux traitements anti-amyloïdes sont les «Amyloid Related Imaging Abnormalities», appelées ARIAs. Ces anomalies, détectées par imagerie cérébrale (IRM), sont favorisées par l’ utilisation de traitements visant à éliminer les plaques amyloïdes. On distingue deux types d’ ARIAs: les ARIA-E, caractérisées par des anomalies dues à un œdème vasogénique, et les ARIA-H qui sont des micro-hémorragies ou de l’ hémosidérose superficielle. Bien que la véritable physiopathologie des ARIAs ne soit pas connue, la dégradation de l’ intégrité des parois vasculaires en début d’immunisation (dans les 3–6 premiers mois de traitements) due à l’élimination des protéines pathologiques par les anticorps, semble en être significativement liées.

Outre le traitement et une angiopathie amyloïde prévalente, la présence d’un allèle ε4/ε4 de la protéine APOE est le 3e facteur qui augmente significativement le risque d’ARIAs. Bien que dans la majorité des cas soit asymptomatique, ces anomalies peuvent se manifester par des céphalées inhabituelles, une confusion ou des vertiges. Dans des cas plus graves, elles peuvent provoquer des signes neurologiques focaux, des troubles de la conscience, des crises épileptiques ou le décès.

Depuis leur description en 2011 lors dles essais avec le Bapineuzumab par Sperling et al., des comités d’ experts ont formulé des recommandations pour le suivi des patients traités avec des anti-amyloïdes et pour la gestion des éventuelles ARIAs (4, 5).

Quelles recommandations d’utilisation?

Des recommandations pour une utilisation appropriée sont en cours de rédaction en Suisse, à partir des critères de l’étude CLARITY et des recommandations publiées par Cummings en 2023 (6). Les traitements seront délivrés dans des établissements habilités ayant l’expertise, le plateau technique requis pour leur mise en place et la gestion des possibles effets indésirables. Les éléments les plus importants à connaitre sont les suivants:

1. Sélection des patients

Les patients éligibles seront ceux affectés par une maladie d’Alzheimer au stade débutant avec preuve biologique amyloïde. Ceux les plus à risque de complications du traitement, tels que ceux sous anticoagulants, ceux aux antécédents d’accidents ischémiques cérébraux de moins d’un an, d’une leucoaraïose sévère ou d’angiopathie amyloïde probable, nécessiteront une prise en charge adaptée tout comme ceux avec comorbidités somatiques ou psychiatriques graves (par exemple cancers ou insuffisance d’organes instable). On estime que moins de 10 % des patients avec maladie d’Alzheimer vus dans les Centres de la Mémoire auront accès au traitement (7).

2. Suivi des patients

Les patients sous traitement doivent bénéficier d’un suivi radiologique régulier par IRM et d’une imagerie immédiate en cas de symptômes évocateurs d’une ARIA. En cas d’apparition d’ARIA léger et asymptomatique, le traitement pourra être poursuivi sous surveillance rapprochée. Pour les autres cas, le traitement devra être suspendu, avec un suivi radiologique régulier jusqu’ à résolution des anomalies et des symptômes. En cas de symptômes sévères, de récidive ou d’ARIAs graves, le traitement sera interrompu définitivement, selon les recommandations du groupe de travail ADRD Therapeutics (6).

3. Prise en charge des ARIAs symptomatiques

Une consultation neurologique est recommandée pour les ARIAs, ainsi qu’ une hospitalisation si nécessaire. En fonction des symptômes, un traitement par corticoïdes ou anticonvulsivants pourra être envisagé (6).

Conclusion

Les traitements anti-amyloïdes représentent les premiers traitements modificateurs de la maladie approuvés pour la prise en charge de la maladie d’ Alzheimer au stade débutant, offrant un espoir renouvelé face à cette pathologie fréquente et grave, qui touche des millions de familles à travers le monde. Toutefois, malgré cet espoir, les bénéfices observés jusqu’ à présent demeurent relativement modestes sur les premières études et les effets secondaires peuvent être sévères. Une sélection rigoureuse des patients offrant un profil de réponse favorable avec un risque d’effets secondaires limités et un suivi attentif par des centres spécialisés sont donc indispensables pour garantir une prise en charge optimale.

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Henri Perrin

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

DrOlivier Rouaud

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Pr Gilles Allali MD, PhD

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

1. Breijyeh Z, Karaman R. Comprehensive Review on Alzheimer’ s Disease: Causes and Treatment. Molecules. 2020 Dec 8;25(24):5789. doi: 10.3390/molecules25245789. PMID: 33302541; PMCID: PMC7764106.
2. Hardy JA, Higgins GA. Alzheimer’ s disease: the amyloid cascade hypothesis. Science. 1992 Apr 10;256(5054):184-5. doi: 10.1126/science.1566067. PMID: 1566067.
3. Budd Haeberlein S, Aisen PS, Barkhof F, Chalkias S, Chen T, Cohen S, Dent G, Hansson O, Harrison K, von Hehn C, Iwatsubo T, Mallinckrodt C, Mummery CJ, Muralidharan KK, Nestorov I, Nisenbaum L, Rajagovindan R, Skordos L, Tian Y, van Dyck CH, Vellas B, Wu S, Zhu Y, Sandrock A. Two Randomized Phase 3 Studies of Aducanumab in Early Alzheimer’ s Disease. J Prev Alzheimers Dis. 2022;9(2):197-210. doi: 10.14283/jpad.2022.30. PMID: 35542991.
4. Cummings J, Aisen P, Apostolova LG, Atri A, Salloway S, Weiner M. Aducanumab: Appropriate Use Recommendations. J Prev Alzheimers Dis. 2021;8(4):398-410. doi: 10.14283/jpad.2021.41. PMID: 34585212; PMCID: PMC8835345.
5. Cummings J, Rabinovici GD, Atri A, Aisen P, Apostolova LG, Hendrix S, Sabbagh M, Selkoe D, Weiner M, Salloway S. Aducanumab: Appropriate Use Recommendations Update. J Prev Alzheimers Dis. 2022;9(2):221-230. doi: 10.14283/jpad.2022.34. PMID: 35542993; PMCID: PMC9169517.
6. Cummings J, wstolova L, Rabinovici GD, Atri A, Aisen P, Greenberg S, Hendrix S, Selkoe D, Weiner M, Petersen RC, Salloway S. Lecanemab: Appropriate Use Recommendations. J Prev Alzheimers Dis. 2023;10(3):362-377. doi: 10.14283/jpad.2023.30. PMID: 37357276; PMCID: PMC10313141.
7. Chiabotti PS, Rouaud O, Allali G. Reader Response: Eligibility for Anti-Amyloid Treatment in a Population-Based Study of Cognitive Aging. Neurology. 2024 May 14;102(9):e209375. doi: 10.1212/WNL.0000000000209375. Epub 2024 Apr 22. PMID: 38648577.

Thérapie ­intraveineuse de fer dans l’ insuffisance cardiaque

Dans cet aperçu, nous souhaitons, après une introduction au sujet, présenter une définition-précision de la carence en fer dans l’ insuffisance cardiaque (IC) et la question «mieux vaut ne pas substituer le fer sous un inhibiteur du SGLT2?» à l’ aide de la littérature récente. Ce sujet est important lors de la prise en charge des patients atteints d’ IC en consultation de médecine générale et de cardiologie.

In this review, after an introduction to the topic, we would like to provide a definition-precision of iron deficiency in heart failure (HF) and the question “is it better not to substitute iron deficiency with an SGLT2 inhibitor?” on the basis of recent literature. This topic is important in the care of HF patients during GP and cardiology consultations.
Key words: Heart failure, iron deficiency, ferritin, transferrin saturation, intravenous iron, SGLT2-Inhibitor and iron

Introduction

La carence en fer est la maladie carentielle la plus fréquente chez l’ homme et la cause la plus fréquente d’  anémie dans le monde. Selon la définition, 20 à 68 % des patients souffrant d’ insuffisance cardiaque chronique (ICC) présentent une carence en fer, souvent sans anémie associée. Le fer est essentiel pour la fonction de: l’ hémoglobine, la myoglobine, les mitochondries, le système immunitaire, les enzymes et les hormones. Une carence en fer aggrave les symptômes de l’ IC, augmente le taux d’ hospitalisation pour IC, détériore la fonction rénale et entraîne une mortalité plus élevée, avec ou sans anémie concomitante. Cette dernière apparaît avec un retard de 6–8 semaines dans 30–50 % des cas.

En plus d’ un hémogramme différentiel à la machine avec Hb, Hct, y compris les indices Ec (MCV, MCH, MCHC), les réticulocytes (RDW = largeur de distribution Ec ), la ferritine sérique et la saturation de la transferrine (TSAT), une CRP et éventuellement un récepteur de la transferrine (sTfR) font partie de l’ examen d’ une éventuelle anémie ferriprive.

Cette anémie hyporégénérative est d’ abord normochrome, normocytaire, puis hypochrome, microcytaire en cas d’ érythropoïèse déficiente. Les réticulocytes sont bas, le MCV et le MCH sont réduits. En outre, on trouve comme expression d’ une érythropoïèse inefficace une anisocytose (RDW↑), une poïkilocytose et des anulocytes, éventuellement pas de fer dans la moelle osseuse. La ferritine sérique est abaissée en cas d’ anémie ferriprive – cf. carence en fer fonctionnelle et absolue.

Pour le diagnostic différentiel d’ une anémie hyporégénérative, d’ autres paramètres de laboratoire sont nécessaires comme: Créatinine, e-GFR, valeurs hépatiques, vit. B12 avec holo-transcobalamine et acide folique (↑MCV, ↑MCH). Si les vitamines sont normales ou élevées, un bilan hématologique s’ impose (syndrome myélodysplasique, atteinte hépatique sévère). Si les indices Ec, la ferritine, la vit. B12 et l’ acide folique sont normaux, le Diagnostic différentiel est important: anémie rénale en cas d’ IRC, anémie en cas de maladie chronique (ACD). (ACD), maladies de la moelle osseuse, leucémie, myélome multiple, lymphome, anémie tumorale, troubles endocriniens, maladies du foie.

Le tab. 1 présente les différents paramètres de laboratoire qui doivent être examinés en premier lieu en cas de troubles du métabolisme du fer. Pour cela, la prise de sang doit être effectuée le matin à jeun, car l’ absorption de nourriture peut augmenter à court terme la saturation de la transferrine (TSAT). Il ne faut pas non plus déterminer ces paramètres pendant une maladie aiguë, car la TSAT pourrait être faussement basse.

Les femmes enceintes, les sportifs de haut niveau et les personnes âgées présentent souvent une carence en fer. Sur le plan anamnestique, les éventuelles hémorragies jouent le rôle le plus important. D’ autres possibilités sont l’ alimentation, certains médicaments, l’ alcoolisme, les infections et différentes maladies chroniques. Cliniquement, une carence en fer entraîne des symptômes multiples tels que fatigue, lassitude, dyspnée, sensibilité aux infections, vertiges, maux de tête, troubles du sommeil, dépression. Une carence en fer a un pronostic défavorable, ceci indépendamment d’ une anémie, et entraîne une mauvaise qualité de vie.
En cas d’ anémie hyperrégénérative avec des réticulocytes élevés (RDW↑), il faut en premier lieu exclure une hémolyse (LDH, bilirubine, indirecte, haptoglobine, CRP) et une anémie hémorragique aiguë. On les retrouve également dans une phase de récupération thérapeutique. L’ anamnèse est ici aussi particulièrement importante.

On distingue une carence en fer fonctionnelle d’ une carence en fer absolue:

Carence fonctionnelle en fer: on la trouve chez les patients souffrant d’ infections, d’ inflammations chroniques, d’ IRC, de maladies du foie, de tumeurs avancées, d’ excès d’ alcool – Anémie en cas de maladies chroniques (ACD). Celle-ci est hypochrome chez une partie des patients, souvent normochrome, normocytaire sans anisocytose (MCV+MCH normal, RDW normal). La cause est multifactorielle et entraîne une diminution de la production d’ érythrocytes, c’ est-à-dire que le nombre de réticulocytes est faible. Les cytokines (interleukine 1, TNF-α, γ-interféron) sont libérées en plus grande quantité dans le cadre de maladies chroniques et entraînent une sensibilité réduite des cellules précurseurs de l’ érythropoïèse à l’ érythropoïétine. Étant donné qu’ il existe une inflammation systémique en cas d’ insuffisance cardiaque (IC), l’ hépcidine est produite en plus grande quantité dans le foie, principalement par l’ interleukine-6. Cela provoque un trouble de l’ absorption du fer dans le duodénum et le jéjunum supérieur par un blocage de la libération des entérocytes et des macrophages réticulo-endothéliaux – «bloc d’ hepcidine» – par exemple du foie et de la rate. Si l’ inflammation peut être atténuée, l’ hepcidine et la ferritine sont à nouveau réduites dans le sérum. Cela entraîne une augmentation du Fe2+ cytosolique bioréactif et une amélioration de la carence fonctionnelle en fer. Il n’ y a pas de résistance à l’ érythropoïétine et une substitution en fer n’ est pas nécessaire. Ce trouble de la répartition du fer provoque une carence en fer au niveau de la cellule précurseur érythropoïétique, malgré un dépôt de fer suffisant.
Ferritine sérique: elle correspond à l’ état de remplissage des réserves de fer de l’ organisme et constitue un bon paramètre en cas d’ anémie ferriprive. La ferritine est une protéine de la phase aiguë et peut être détectée en cas d’ infection ou de maladie aiguë ou chronique. (hsCRP↑), l’ IRC, l’ IC, les maladies du foie, les excès d’ alcool, le cancer, bien que les réserves en fer soient réduites ou vides. En cas de carence en fer avérée: ferritine sérique < 12 µg/l; en cas de surcharge en fer: ferritine sérique > 220 µg/l. Si la CRP est normale alors que le MCV est diminué et la ferritine normale ou élevée, si le RDW est normal, on peut suspecter une thalassémie. En cas de CRP élevée et de sTfR normal, il s’ agit d’ une ACD, si le sTfr est élevé, il y a une carence en fer supplémentaire – voir tab. 1.

Fer sérique: Le fer sérique est la quantité de fer circulant liée à la transferrine. Le taux de fer sérique est très variable et est influencé par l’ alimentation, les inflammations, les infections et les maladies malignes. Un faible taux de fer sérique isolé n’ est pas très significatif pour le diagnostic d’ une carence en fer. Mesurer le fer sérique seul n’ a que peu d’ intérêt, car ce taux est soumis à des variations horaires et à un rythme circadien. Les valeurs matinales sont, en période de pointe, plus de deux fois supérieures aux valeurs mesurées douze heures plus tard, de sorte qu’ elles ne peuvent pas être utilisées pour représenter la teneur en fer de l’ organisme.

Transferrine: c’ est la principale protéine de transport du fer dans le sérum, qui contrôle le taux de fer libre. Elle transporte par exemple le fer de la cellule intestinale via le sang vers la moelle osseuse pour l’ érythropoïèse. Elle augmente en cas d’ anémie ferriprive afin de maximiser l’ utilisation du fer disponible et de réduire la surcharge en fer. C’ est une protéine de phase anti-aiguë et elle peut être abaissée ou pseudonormale en cas d’ inflammation malgré une carence en fer.

Saturation de la transferrine (TSAT): c’ est la proportion des sites de fixation du fer de la transferrine qui sont occupés par du fer. Le taux de TSAT est le plus significatif lorsque le sang est prélevé le matin à jeun pour l’ analyse en laboratoire. Un TSAT trop bas signifie que le corps ne dispose pas de suffisamment de fer. Cela peut être le cas en cas de taux d’ inflammation élevés, même si les réserves de fer sont bien remplies. La TSAT est une bonne valeur de laboratoire pour déterminer s’ il y a une carence en fer. Un taux élevé de TSAT (> 50 %) est un test sensible et spécifique pour une surcharge en fer (p. ex. hémochromatose, transfusions, administration de fer, hémolyse, etc.); tandis que des valeurs faibles sont très sensibles mais peu spécifiques pour une carence en fer. La grossesse, les contraceptifs oraux combinés et certaines maladies chroniques font baisser le taux de TSAT sans qu’ il y ait de carence en fer. La TSAT est calculée à partir du fer sérique et de la transferrine sérique. C’ est pourquoi un taux de saturation de la transferrine normal (15–45 %) n’ exclut pas toujours une carence en fer.

Récepteur de la transferrine (sTfR): le sTfR soluble est un marqueur moderne du stock de fer intracellulaire. Une augmentation donne l’ indication d’ une carence en fer manifeste ou latente avec une érythropoïèse déficiente en fer. Il s’ agit d’ un marqueur fiable de l’ approvisionnement en fer en cas d’ inflammation chronique, car sa concentration est indépendante des réactions en phase aiguë. En présence d’ une anémie d’ une maladie chronique (ACD) sans carence en fer supplémentaire, le sTfR a une valeur normale. Une diminution du sTfR peut être associée à une érythropoïèse hypoproliférative (par ex. anémie rénale, anémie aplasique). L’ augmentation du sTfR peut être évaluée de manière limitée en cas d’ érythropoïèse hyper-régénérative (réticulocytes) comme une hémolyse, une anémie par hémorragie, une thalassémie hétérozygote ou une polycythémie vraie ou en phase de récupération. Cf. tab. 1.

En cas de suspicion d’ un trouble de la répartition du fer, il est éventuellement nécessaire de procéder à un diagnostic plus approfondi (RDW, Ret-He, Eisenplot selon Thomas, indice de ferritine). En cas d’ inflammation aiguë, un contrôle des paramètres devrait être effectué au cours de quelques semaines, car les valeurs se normalisent généralement après la disparition des symptômes aigus.

Une carence en fer fonctionnelle réagit à une substitution de fer (Fe3+) par voie intraveineuse, mais pas à une substitution orale.

Carence absolue en fer: onla trouve notamment en cas d’ hémorragie digestive occulte sous antiplaquettaires ou anticoagulants; de prise prolongée d’ un inhibiteur de protons/antiacides – l’ absorption du fer est perturbée par l’ augmentation du pH; de consommation chronique élevée de thé noir ou de café – les polyphénols inhibent l’ absorption dans le duodénum; d’ antagonistes du calcium – bloquent les canaux de transport dans les membranes des entérocytes; de carence en fer dans l’ alimentation (pas de viande, beaucoup de soja, etc.); de carence en fer dans les aliments. ) et les néoplasies gastro-intestinales avec suintement (1, 2). L’ hepcidine est régulée à la baisse et le récepteur de la transferrine 1 (protéine de transport transmembranaire de la transferrine) est régulé à la hausse afin de faciliter l’ absorption du fer dans une cellule; parallèlement, la ferritine est dégradée, ce qui libère le fer séquestré des réserves intracellulaires. Une hépcidine et une ferritine basses et des niveaux élevés de transferrine et de récepteur de transferrine 1 (TfR1) avec une faible saturation de transferrine (TSAT) dans le sang circulant sont considérés comme des paramètres fiables pour une carence en fer – voir tab. 1.

En cas de carence absolue en fer, une amélioration peut être obtenue par une substitution orale de Fe2+ ou par une substitution intraveineuse de Fe3+, cette dernière étant nettement plus rapidement efficace. Le taux d’ absorption des sels Fe2+ oraux n’ est que de 10 %. Par voie orale, il est recommandé de prendre ≥ 60 mg/die une fois par jour et tous les 2 jours à jeun, ceci en raison d’ une augmentation/diminution à court terme de l’ hepcidine. La prise simultanée de vitamine C (jus d’ orange) favorise la résorption, celle d’ un comprimé de calcium la retarde. Il ne faut pas non plus prendre en même temps du café, du thé, du lait, des anti-acides, des oxalates et des phosphates. Après 14 jours, l’ effet peut être contrôlé par l’ augmentation des réticulocytes et de l’ hémoglobine. Objectif ferritine > 100µg/l.

Guidelines actuels, études

Selon les directives actuelles de l’ ESC IC 2021/2023, il y a carence en fer en cas d’ IC si la ferritine est < 100 ug/l ou si la ferritine est comprise entre 100 et 299 ug/l et si la saturation de la transferrine est < 20 %. En cas d’ infection avec une CRP élevée, la ferritine est augmentée en tant que protéine de phase aiguë, comme expliqué, et les conclusions concernant la ferritine sont donc limitées. Selon les lignes directrices, les patients atteints d’ IC devraient faire l’ objet d’ un contrôle régulier (tous les 2–3 mois) pour détecter une éventuelle carence en fer et une anémie (IC). En cas d’ IC, ce dépistage devrait également être effectué avant toute intervention non cardiaque – voir tab. 1.

Le diagnostic et le traitement d’ une carence en fer en cas d’ IC sont malheureusement encore rares dans la vie quotidienne. Selon une étude rétrospective réalisée en 2019, sur 10 381 hospitalisations pour IC (HFrEF, HFpEF), seuls 158 patients ont fait l’ objet d’ une évaluation de leur carence en fer: parmi eux, 109x carence en fer selon les directives et finalement 23 patients ont été traités par voie intraveineuse (3). Dans le registre IC suédois, en 2021, sur 21 496 patients, cet examen n’ a été réalisé que chez ¼ des patients, parmi lesquels environ 50 % présentaient une carence en fer; seul 1 sur 5 a reçu une substitution (4).

Depuis 2009, cinq études différentes au total et deux méta-analyses ont été publiées sur le traitement par fer en cas d’ IC. Les études en double aveugle contrôlées par placebo publiées ces dernières années: CONFIRM-HF (5), AFFIRM-AHF (6) et deux méta-analyses en 2018 et 2023 (7, 8) ont révélé que le traitement par voie iv. Le traitement par carboxymaltose ferrique a permis d’ améliorer les résultats chez les patients IC (HFrEF, HFmrEF) souffrant de carence en fer. Dans la grande étude AFFIRM-AHF (RCT) menée après un épisode aigu d’ IC, un tel traitement a permis de réduire le taux d’ hospitalisation pour IC et le décès par cv de 21 % sur 52 semaines, NNT de 7. Si l’ on considère les critères d’ évaluation séparément, il est évident que l’ administration de fer a eu un effet uniquement sur le taux d’ hospitalisation lié à l’ IC, le risque d’ hospitalisation étant significativement plus faible de 26 % sous traitement (RR: 0,74; p=0,013). L’ administration de fer n’ a eu aucune influence sur la mortalité cardiovasculaire par rapport au placebo (6).

La thérapie iv. Selon les 2023 Focused Update ESC IC-Guidelines, le traitement par fer a désormais une indication IA en cas d’ IC symptomatique (FEVG ≤ 50 %) avec carence en fer pour améliorer les symptômes et augmenter la qualité de vie. Un traitement iv.-fer-carboxymaltose (FCM)/fer-derisomaltose (FDI) chez les patients symptomatiques avec une FEVG ≤ 50 % et une carence en fer devrait être envisagé pour réduire l’ hospitalisation pour IC (IIa A) (9). Les données de l’ étude AFFIRM-AHF 2020 ont été déterminantes pour cette nouveauté (6).

Cave: flush en cas de traitement iv. trop rapide. administration de fer, réaction d’ hypersensibilité aiguë de type immédiat (réaction ana-phylactique), prise en charge et suivi (au moins 30 min) du patient; évaluation du rapport risque/bénéfice.

Une substitution orale de fer n’ est pas efficace en cas d’ IC avec une FE VG ≤ 50 % en raison des mécanismes mentionnés et de la carence fonctionnelle en fer selon la très petite étude IRON-HF concernant l’ amélioration des performances. L’ apport de fer par voie intraveineuse est supérieur à l’ amélioration de la capacité fonctionnelle (VO2max). Cependant, la correction de l’ anémie semble être similaire entre l’ administration de fer sous forme de comprimés et l’ administration de fer par voie iv. fer est similaire (10). Dans l’ étude IRONOUT-HF – le seul grand essai contrôlé randomisé chez des patients atteints de HFrEF et de carence en fer – le polysaccharide de fer oral n’ a pas amélioré les performances physiques et, dans cette publication, la majorité des patients n’ a pas atteint la déplétion en fer pendant 16 semaines (11). En cas de carence fonctionnelle en fer, le fer absorbé par voie orale est absorbé très lentement, car il est intercepté par le «bloc d’ hepcidine» avant d’ atteindre les organes cibles.

Autres études actuelles avec utilisation d’ inhibiteurs du SGLT2

Dans une publication de M. Packer dans Circulation mai 2024, la définition actuelle d’ une carence en fer dans les guidelines est maintenant remise en question par des experts internationaux avec la participation de la Charité à Berlin. Les auteurs demandent «d’ abandonner la définition actuelle de la carence en fer chez les patients IC, basée sur la concentration de ferritine, et de la remplacer par une définition basée sur l’ hypofermie (TSAT < 20 %)». La raison en est la carence fonctionnelle en fer mentionnée, due à l’ inflammation systémique et à l’ augmentation de la pression veineuse centrale en cas d’ IC, qui augmentent l’ hepcidine dans le foie et inhibent ainsi la libération de fer. Comme mentionné, la ferritine est synthétisée et libérée en plus grande quantité lors d’ une inflammation; la synthèse des récepteurs de transferrine est inhibée. Ainsi, selon les auteurs, on observe souvent des valeurs de ferritine qui se situent alors dans la norme, entre 20–100–300 ug/l. Ainsi, sans la prise en compte de la TSAT selon la définition actuelle des ESC-IC-Guidelines, aucun traitement à base de fer ne serait alors prescrit à tort. «Les patients hypoferrémiques avec un TSAT < 20 % présentent généralement aussi une carence en fer lors d’ un examen de la moelle osseuse; après une thérapie intraveineuse à base de fer, leur capacité fonctionnelle s’ améliore et le risque d’ événement cv diminue considérablement» (12). Avec un TSAT > 20 % et une ferritine sérique de 20–100 mg/l, le pronostic est bon sans traitement ferrique. Un tel traitement serait alors défavorable – effet pro-inflammatoire, promotion de la croissance Tu.

Dans un autre travail de M. Packer publié dans le JACC de janvier 2023, l’ interaction de l’ administration iv. entre l’ administration de fer (Fe3+) et l’ administration simultanée d’ un inhibiteur du SGLT2 est remise en question de manière critique (13). Deux hypothèses sont discutées dans l’ article: «l’ hypothèse de la carence en fer cytosolique» et «l’ hypothèse de la recharge en fer cytosolique». Dans cette dernière, les SGLT2-I. provoquent, par la voie de signalisation de la sirtuine 1 et par une réduction de l’ inflammation, une baisse de la ferritine, de l’ hepcidine dans les hépatocytes et les macrophages et une augmentation de l’ érythropoïétine et des récepteurs de la transferrine, indépendamment de l’ érythropoïèse. L’ auteur part du principe que les modifications des biomarqueurs du fer sous SGLT2-I. n’ indiquent pas une carence en fer intracellulaire. Selon son raisonnement, le fer 2+ est élevé dans le cytosol, associé à une utilisation accrue, à une érythropoïèse préservée et à une cardioprotection préservée.

En cas d’ IC, le système sympathique rénal, l’ angiotensine II, la néprilysine et les récepteurs α sont également activés. Cela conduit à l’ expression de NHE3 – NHE3 est un antiporteur 3 Na+/H+, il s’ agit d’ une protéine de transport membranaire présente dans l’ intestin et dans le tubule proximal du rein et qui régule le pH dans les cellules par le transport de protons – cf. fig. 1.

Le SGLT2 est une autre expression de l’ IC. Celle-ci entraîne une rétention de sodium et d’ eau avec une augmentation du volume de l’ interstitium et du plasma. Ceci aggrave à son tour l’ IC. Selon M. Packer, les SGLT2-I. bloquent le système sympathique rénal et l’ expression de NHE3 et de SGLT2 (14).

Les inhibiteurs de SGLT2 réduisent l’ inflammation et la fibrose, diminuent le stress oxydatif; ils sont organoprotecteurs ! Outre l’ érythropoïétine, ils augmentent l’ érythrocytose (Hkt) avec une augmentation de la libération d’ O2, la gluconéogenèse et l’ oxydation des acides gras. Ces mécanismes entraînent une augmentation de la production d’ ATP dans les mitochondries des cardiocytes et des cellules rénales via l’ augmentation de l’ oxygène et la synthèse de corps cétoniques. Diurèse osmotique connue (potentialisation des diurétiques de l’ anse) avec diminution du volume plasmatique et effet cardioprotecteur direct mentionné avec amélioration de la dyspnée; diminution de l’ acide urique (14) – cf. Fig. 2.

D’ après les données cliniques de la DAPA-HF, cette «hypothèse de remplissage cytosolique en fer» est favorisée. «Le traitement par fer intraveineux pourrait donc être inutile et théoriquement nocif (inflammation/ferroptose) chez les patients IC qui semblent être déficients en fer sous SGLT2-I.». Selon l’ auteur, des études supplémentaires sur cette thérapie combinée sont donc nécessaires avant qu’ elle ne soit largement recommandée (14, 15). Ainsi, dans l’ étude IRONMAN, seuls 3 % des patients présentaient un SGLT2-I; dans la grande étude HEART-FID, dont le critère d’ évaluation primaire était négatif, 7.7 % des patients présentaient un SGLT2-I. Jusqu’ à présent, les données n’ indiquent pas qu’ une carence en fer sous-jacente compromette les bénéfices importants de cette classe de médicaments.
La carence en fer était fréquente chez les DAPA-HF dans une analyse post-hoc (43.7 %) et était associée à de moins bons résultats. La dapagliflozine semblait augmenter la consommation de fer, mais améliorait les résultats, indépendamment du statut du fer au début de l’ étude. La TSAT, la ferritine et l’ hepcidine ont été réduites et la capacité totale de fixation du fer et le récepteur soluble de la transferrine ont été augmentés avec la dapagliflozine par rapport au placebo. L’ effet de la dapagliflozine sur le critère d’ évaluation principal était cohérent chez les patients présentant une carence en fer par rapport aux patients ayant suffisamment de fer (hazard ratio, 0.74). Des résultats similaires ont été observés pour les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour IC et la mortalité totale (15). «La constatation d’ un bénéfice cohérent de la dapagliflozine signifie qu’ une carence en fer absolue préexistante ne devrait pas être considérée comme un obstacle à l’ initiation du traitement par la dapagliflozine ou que le développement d’ une carence en fer absolue pendant le traitement ne devrait pas être considéré comme une raison d’ arrêter le traitement. Ces observations d’ études augmentent le potentiel d’ une synergie thérapeutique entre la recharge en fer et l’ inhibition du SGLT2 chez les patients atteints d’ HFrEF, non seulement pour éviter la carence en fer, mais peut-être aussi pour traiter l’ anémie» (12).

Chez un large éventail de 1137 patients âgés (médiane 73 ans) atteints d’ IC dans l’ étude IRONMAN (16) avec une FEVG ≤ 45 %, une carence en fer (TSAT < 20 %, ferritine sérique < 100ug/l) et une Hb inférieure à la norme de 13g/dl chez les femmes ou de 14g/dl chez les hommes, l’ administration iv. répétée de fer3+–dérisomaltose (FDI) a été associée à une réduction du risque d’ hospitalisation pour IC et à une amélioration des performances pendant 2.7 ans, sans réduction significative du taux de décès cv ou du taux de décès total. Le rapport de risque de décès cardiovasculaire (0.86; IC 95 %, 0.67 à 1.1) était similaire à celui de l’ étude HEART-FID, la plus grande étude sur l’ IDR par voie iv. à ce jour, qui s’ est révélée négative. Chez 3065 patients ambulatoires souffrant d’ IC avec une fraction d’ éjection réduite de ≤ 40 % et une carence en fer (selon les directives) et une hospitalisation pour IC au cours des 12 derniers mois ou un NT-pro-BNP élevé, ce dernier n’ a pas montré de différence apparente entre le fer-carboxymaltose et le placebo en ce qui concerne le critère d’ évaluation primaire: décès, hospitalisation pour IC ou modification du test de marche de 6 minutes. Le TSAT moyen était de 23,9 % (17).
Une méta-analyse récente de: HEART-FID, CONFIRM et AFFIRM-AHF a certes révélé une réduction du risque de 14 % (HR 0,86) en ce qui concerne le décès et l’ hospitalisation cv, mais cela a été entraîné par les hospitalisations, sans effet apparent sur la mortalité. Dans une sous-analyse, un TSAT < 15 % a montré un bénéfice clairement prévisible d’ une substitution en fer par FCM. La réduction du risque de décès ou d’ hospitalisation par cv était ici de 28 %. Effets potentiellement défavorables chez les patients dont le TSAT était ≥ 24 % (18).
Dans une revue intéressante, datant de 2023, sur le traitement de la carence en fer en cas d’ IC avec FE réduite, il est également mentionné que les données d’ études actuelles (FAIR-HF-HpEF, PREVER-HF) pour un traitement de substitution en fer en cas d’ HFpEF font encore défaut (19).

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Dr Urs Dürst

Zelglistrasse 17
8127 Forch

L’ auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article

  • En cas d’ insuffisance cardiaque symptomatique avec une FE ≤ 50%, une carence en fer doit être régulièrement recherchée et éventuellement traitée par une administration de fer par voie intraveineuse; celle-ci est de mauvais pronostic, ceci indépendamment d’ une anémie, et entraîne une mauvaise qualité de vie.
  • Il en résulte une amélioration des symptômes, des performances et de la qualité de vie, avec une réduction du risque d’ hospitalisation pour IC. L’ amélioration de la qualité de vie est un objectif thérapeutique important.
  • Un paramètre relativement sûr pour une carence en fer en cas d’ IC est la saturation de la transferrine (TSAT) avec une valeur < 20 %. La ferritine sérique peut être pseudo-normale ou élevée en raison de la carence en fer fonctionnelle. Le MCV, la ferritine et la CRP sont nécessaires pour le Diagnostic différentiel primaire. Un TSAT normal seul n’ exclut pas une carence en fer. La sTfR peut faire la différence entre une carence en fer et une ACD – cf. tab. 1.
  • Dans le contexte susmentionné, les données cliniques actuelles montrent également un effet favorable des inhibiteurs organoprotecteurs du SGLT2. D’ autres études sur ce sujet sont nécessaires; de même que des études encore en suspens en cas d’ HFpEF avec carence en fer.
  • Les SGLT2-I. modifient les biomarqueurs du fer d’ une manière qui imite une carence en fer. Ces changements reflètent une atténuation des modifications de l’ homéostasie du fer liées à l’ inflammation, et non une réduction du fer cytosolique. Les SGLT2-I. atténuent la carence en fer et ont, entre autres, la capacité de favoriser l’ érythrocytose et la production d’ ATP dans les cardiomyocytes et les cellules rénales. Ils sont organoprotecteurs.

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