Comment faire d’ un groupe de parole en EMS un outil thérapeutique ?

La personne âgée, qui plus est celle vivant en établissement médico-social (EMS), est bien trop souvent considérée sous le prisme de sa stigmatisation et de son coût sociétaire. Loin de l’  appellation « institutions totales », décrites par Erwin Goffman (1), ce n’ est pourtant que tardivement, à partir des années 70, que la notion d’ « humanisation » apparaît dans les institutions pour personnes âgées, au sens où on l’ entend aujourd’ hui, c’ est à dire le questionnement du « bien faire », et le développement de pratiques de soins allant dans ce sens.
Comprendre alors la façon dont les résidents s’ accaparent la notion de « bien-être » où d’ « humanisation » dans ce double contexte, est particulièrement intéressante. Elle a fait l’ objet de toute mon attention durant mes années de pratique professionnelle en maison de retraite et a régulièrement alimenté ma réflexion sur le vieillissement et la vie en institution.

Sous les appellations « lieu de vie », « accompagnement personnalisé », « bien-être », « humanité », parfois même « humanitude (2) » se cache une mission commune à chaque EMS : faire d’ un lieu d’ accueil définitif un lieu de vie « humanisé », où cohabitent en bonne entente l’ ensemble du personnel et des résidents.
Cependant, les personnes institutionnalisées subissent une double ambivalence: ils vivent à la fois au centre d’ un espace de type « domestique (3) » (on leur répète suffisamment qu’ ils sont chez eux): c’ est le temps ralenti de la relation aux autres, des animations, des sorties, des repas, qui fait sens dans une structure domestique dédiée au bien-être; mais ils vivent également au centre d’ un espace de type « industriel », où ont lieu des pratiques professionnelles quasi hospitalières (administrations de médicaments, surveillance de paramètres vitaux, réflexions partagées sur les bonnes pratiques de soins, colloques d’ attitude, etc.), puisque ces espaces sont dédiés au «care », à la prise en soins, tout cela dans un temps compté, organisé, mais surtout limité par les exigences institutionnelles.

Posture professionnelle

En effet, depuis plusieurs années, j’ ai à cœur de développer dans ma fonction de médecin-gériatre une approche singulière de l’ individu âgé et institutionnalisé. Celui-ci est souvent injustement condamné et tout particulièrement par le grand public, parce que mis à l’ écart d’ un monde qui pourtant exploite largement la vieillesse dans l’ économie de la santé.
Mon travail quotidien dans les EMS du Canton de Genève m’ autorise à observer à quel point cette stigmatisation est impropre et souvent abusive. Les personnes âgées institutionnalisées sont sans aucun doute au cœur des préoccupations des soignants des résidences. Cependant, face à la généralisation des pratiques de soin et aux réflexions aboutissant à la création de nouvelles catégories de vulnérabilité, les personnes âgées courent le risque de devenir des invisibles, si l’ on n’ y prend pas garde. Elles pourraient « disparaître » dans les tâches techniques, dans le temps compté des soins, mais également de l’ esprit des proches et d’ un plus large public, parce qu’ elles permettent que se mettent en place des gestes et des décisions qui ne les concernent plus. Cette mise à l’ écart structure souvent la mentalité des personnes âgées, au point qu’ elles-mêmes s’ effacent « naturellement » devant certaines décisions les concernant. C’ est la « délégation du souci de soi aux professionnels » (4).
Les résidents d’ EMS revendiquent rarement, mais dans des situations de grande vulnérabilité, vouloir vivre au centre d’ un espace où se jouent les liens et la vie réelle. « Nous avons quitté la vie extérieure, en venant à l’ EMS. Pourtant, on doit vivre encore. Il faut donc bien s’ occuper de nous, et nous laisser décider comme des citoyens. »
Les données démographiques sont quant à elle presque toutes unanimes : l’ espérance de vie totale augmente, ainsi que l’ espérance de vie en bonne santé (5). Mais alors qu’ autrefois, l’ organisation du temps de vie était plutôt linéaire, sous la forme « éducation-travail-retraite », aujourd’ hui, il n’ est plus permis de penser le temps de cette manière. Les conditions sociales actuelles (faible natalité, grand âge, chômage, précarité, divorce) nous obligent à redessiner les biographies, et du coup, la retraite – et bien-sûr la vieillesse – peut se concevoir dans une toute autre perspective.

Description et déroulement du projet thérapeutique

C’ est autour de toutes ces constatations que j’ ai voulu réorganiser ma pratique médicale, et qui a abouti, entre autres, à la création d’ un groupe de parole que j’ anime avec des résidents d’ EMS, et dont le but est de réunir quelques résidents volontaires autour d’ un moment dégagé des soins, afin de partager des idées, des réflexions, en privilégiant la relation à soi, mais aussi à l’ autre, relation utilisée comme moyen mais aussi comme outil au « mieux vieillir ». Finalement, s’ engager à (re)penser et (re)mettre en action des schémas de réflexion sur ce qui pourrait faire une vie heureuse en EMS.
Après six mois d’ échanges, le résultat a été éloquent : les premières séances ont été le lieu de partage d’ idées très générales autour de modifications souhaitées par les résidents pour s’ aménager une vie plus agréable au sein de l’ institution (affichage de certaines informations, amélioration de l’ éclairage, création d’ une boîte à idée, choix des séances de cinéma, avis sur les repas, idées de sorties, etc.). Même si les critiques étaient vives, le ton était plutôt détaché du résident lui-même, et les changements voulus ont plutôt été évoqués que concrétisés.
Puis progressivement le mouvement s’ est enclenché et s’ est précisé autour de la personnalité même des résidents, de leur place à prendre au sein de l’institution, et ils en sont arrivés à évoquer leur difficulté « d’ être » : « J’ ai des difficultés à être quelqu’ un, à me sentir chez moi. »
« On a quitté la vie extérieure, en venant ici. » Mais surtout, ils se sont positionnés face aux autres résidents vivant sous leur toit. « On ne sait pas comment aller vers les autres ; imaginez qu’ ils nous rejettent ! » Comme l’ évoquait D.G Troyansky (7), « Ce sont les autres qui sont ma vieillesse ». La confrontation à l’ image de l’ autre qui pourrait être l’ image de soi, est difficilement acceptable. Bien que l’ institution pour personnes âgées soit dédiée, par définition, à la personne dépendante, certains résidents s’ étonnent de découvrir à quel niveau d’ handicap se trouve la grande majorité des résidents. « Comment faire avec ces personnes, que leur dire  ? » L’ approche des personnes lourdement handicapées n’ a pas été résolue à ce jour, mais les résidents du groupe de parole restent soucieux d’ entrer en relation avec les autres résidents. Ainsi, ils ne semblent pas suffisamment être en lien au travers d’ animations proposées hors EMS. C’ est donc bien à l’ intérieur de l’ institution – et donc au cœur de l’ espace « domestique », que semblent se jouer les liens et la vie réelle.
Au fil des séances, les résidents (et surtout quelques femmes habituées jusque-là au silence) ont décrit à quel point ils sont attachés aux soignants mais aussi à quel point cette relation d’ aide est compliquée pour eux. En effet, les pourvoyeurs de soins que sont les soignants naviguent constamment entre l’ espace « domestique » et l’ espace « industriel », entre la distribution d’ un bien-être dépendant de la valeur des soins. Les résidents se disent sensibles au jugement et cherchent à « faire plaisir ». « On est comme une grande famille ici. On ne peut pas se permettre de trop râler. » C’ est bien cette ambivalence-là, entre l’ esprit de famille et la solitude exprimée, additionnée de l’ idée tenace qu’ « on nous a habitué à rien dire » qui pourrait être expliquée par l’ organisation d’ un espace communautaire où la part du « domicile » est insuffisante. « On vit tous sous le même toit, mais on se sent tous seuls. » Garder et faire valoir à tout prix son identité individuelle au sein d’ un collectif non choisi, avec lequel on ne partage sûrement pas les mêmes valeurs, parce que l’ on n’ a pas choisi de vivre ici ensemble, voilà toute la difficulté d’ être en institution.
Puis finalement les participants se sont permis de revendiquer leur droit à l’ indépendance de pensée, à remettre sur le devant de la scène la politique des choix, ce qui va au-delà du registre de la plainte. Ensemble, progressivement, ils ont appris à ne plus se voir seulement comme des personnes âgées vulnérables, mais plutôt comme des acteurs de leur propre vie en devenant des êtres « agissant » vis-à-vis de leur entourage, et notamment vis-à-vis des soignants. « Avant, on savait pas comment bouger. Maintenant, on se bouge, on peut demander. On se sent comme des citoyens. » C’ est ce que j’ aime appeler la « relation engagée comme source d’ apprentissage au « mieux-vieillir ».
Car c’ est précisément là que se joue toute l’ idée du groupe de parole : l’ idée n’ est pas forcément de rompre avec la spirale de la plainte, mais plutôt de créer un terreau pour agrandir l’ espace domestique où la notion de bien-être ne serait pas seulement liée aux actes techniques des soins mais à la mise en valeur de l’ individu dans son chez soi. Car bien qu’ aucun soignant n’ occulte le bien-être des résidents dans leur prise en charge, ils sont constamment en train d’ alimenter le bien-être de la personne dont ils s’ occupent en y associant des tâches dite « industriels », c’ est-à- dire dédiées aux soins. Et cela est incompatible avec la fabrication d’ un espace domestique digne de ce nom.
Ainsi, le groupe de parole a été utilisé comme un outil thérapeutique, où la relation à soi et à l’ autre a engagé le résident à modifier son schéma de se penser. De vulnérable, il est devenu agissant. D’ individu vieillissant, il est devenu citoyen de sa propre existence. De personnage inactif il est devenu « formateur » par une existence enrichie par la relation d’ aide à l’ autre et par une plus grande implication dans son projet de vie.
C’ est à se demander si, dans ce contexte, les schémas de soutien de fin de vie sont encore d’ actualité, et s’ il ne faudrait pas repenser non seulement les structures d’ accueil que sont les EMS (ce qui est déjà largement le cas dans certains cantons de Suisse), mais aussi la « culture » de la vieillesse.
Car là où des moyens financiers conséquents sont mis en œuvre pour la formation des soignants, afin qu’ ils développent des pratiques de soin de plus en plus techniques, donc de plus en plus
« justes » (ce que j’ appelle l’ encadrement strict des pratiques), les personnes âgées, elles, n’ ont plus le droit à l’ amélioration, à la progression, à la « formation », une fois arrivée dans leur dernière demeure. Vouloir contrer ce mouvement amènerait à la perspective non plus économiste mais humaniste d’ une volonté d’ inscrire la personne âgée dans une démarche de « formation » (6), au même titre que l’ on participe à la formation des soignants en institution. Là il s’ agirait de favoriser des apprentissages utiles aux besoins liés à la vieillesse et d’ inscrire la personne âgée dans un processus actif d’ échanges de savoir, de services, de pratiques sociales ou communautaires visant à rendre l’ individu vieillissant en un individu « agissant » et en relation. Car nous passons plus de temps à imaginer les personnes âgées qu’ à les voir. Oui, en effet, nous les imaginons à travers le récit de leur vie d’ antan, à l’ Histoire qui s’ est déroulée de façon contemporaine à elles, mais nous les voyons rarement dans le présent, et encore moins dans une perspective d’ avenir.

Conclusion

Je continue de penser que les personnes âgées ont beaucoup à nous apprendre. Engager la conversation avec elles, c’ est un peu comme prendre une leçon de « bonne conduite ». Pas uniquement parce qu’ elles ont beaucoup de choses à dire sur leur vie passée, qui est souvent intéressante, mais surtout parce qu’ elles savent – si l’ on y prend garde – nous dessiner leur futur et nous dire ce qu’ elles en attendent. « On pourrait d’ ailleurs se demander, pour les prochaines fois, ce que c’ est que d’ être vieux ici et maintenant », a suggéré l’ un des résidents du groupe de parole.
Bien souvent, nous passons plus de temps à imaginer les personnes âgées qu’ à les voir. Nous passons plus de temps à parler pour elles, plutôt qu’ avec elles. Il faut reconsidérer les normes : la personne âgée est vulnérable parce que notre société a décidé d’ en faire une catégorie vulnérable. Cela a permis, entre autres, de soumettre les personnes âgées à l’ image que la société se fait d’ elle et attend d’ elle.
Face à la pédagogisation des pratiques, à la construction d’ habitats intergénérationnels, à certaines politiques des soins, il est évident que la personne âgée est au centre de nos préoccupations. Pourtant, il arrive parfois que nous fassions fausse route en prenant des décisions qui ne leur appartiennent pas, parce qu’ il est plus facile d’ assigner la personne vieillissante à un rôle d’ observateur de sa vie, alors qu’ elle devrait absolument en décider la direction. Il devient alors urgent de la responsabiliser en lui redonnant de la voix, car son avenir – et le nôtre certainement – est là, sous nos yeux !

Cet article a été soumis le 28 novembre et a depuis été publié dans la revue spécialisée Curaviva 1/2020.

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Dre Isabelle Will

Médecin répondant des Résidences RPSA-site Charmilles
Promenade de l’Europe 67
1203 Genève

isawill@hotmail.ch

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • La personne âgée institutionnalisée est au centre de toutes nos préoccupations (pédagogisation des pratiques de soins, préoccupations politiques, financières et culturelles), cependant elle peine à prendre sa place dans une société qui la stigmatise largement.
  • A travers la création d’ un groupe de parole au sein d’ un EMS genevois,
    les langues se délient, la pensée se précise et la personne âgée se met à « se penser » comme une personne agissante, qui a des droits et qui peut revendiquer.
  • Le groupe de parole agit alors comme un acte thérapeutique qui va
    mobiliser autour de lui de nouveaux schémas de pensée et de nouvelles relations.

1. Goffman E. Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus. Paris, Les Éditions de Minuit, 1979
2. Loffeier I. Panser des jambes de bois? La vieillesse, catégorie d’ existence et de travail en maison de retraite. Paris, Puf, 2015
3. Rimbert G. Le chronomètre et le carillon. Temps rationalisé et temps domestique en maison de retraite. Lien social et politique. n°54, p.93-104, 2005
4. Eynard C. Les vieux sont-ils forcément fragiles et vulnérables? Paris, ERES, 2019
5. Guillermard A.-M. Allongement de la vie; quels défis? Quelles politiques? Paris, La Découverte, 2017
6. Bourne D.J. « Pierre Dominicé (2002). L’ histoire de vie comme processus de formation », L’orientation scolaire et professionnelle [Online], 34/3, 2005
7. Troyansky D.G. Old Age in the Old Regime: Image and Experience in Eighteenth-Century France. Ithaca: Cornell University Press, 1989.

Violence en gériatrie ou « Violence » en gériatrie ?

Cet article s’ intéresse aux situations décrites comme « violentes » et qui concernent, en particulier, les agissements des patients sur leur entourage, familial ou professionnel. Seulement si nous pouvons penser ces épisodes, leur implication sur la définition des limites et leur valence de communication, nous pourrons ensuite les décrypter, leur donner du sens et les inscrire dans un parcours de soin. Un outil de lecture sera présenté comme exemple d’ une démarche clinique intégrée.

Si nous questionnons les équipes des soins à domicile ou des institutions hospitalières, d’ hébergement ou encore, parfois, les proches aidants, les épisodes de « violence » sont la plupart du temps à l’ origine d’ une importante détresse qui peut affecter considérablement la qualité de vie et le sentiment de performance professionnelle.
Il nous semble nécessaire, pour avancer dans la réflexion, d’ opérer une distinction entre les termes de « violence » et d’  « agressivité ». L’ étymologie du mot violence se réfère au latin violentia : l’ utilisation de la force physique (vis) de manière brutale pour imposer sa propre volonté et obliger l’ autre à la soumission (1). Le mot agressivité, par contre, trouve son origine latine en ad-gradi(-gressus), qui implique l’ idée d’ aller vers (2). Pierre Benghozi souligne comme ce n’ est pas le caractère « douloureux ou spectaculaire qui caractérise la violence » mais son action destructrice sur le lien. Si la violence détruit le lien et est agie généralement hors du cadre, l’ agressivité peut trouver place à l’ intérieur du lien et assumer une valeur relationnelle. « L’ agressivité vise à restaurer un lien désavoué. Elle interpelle, convoque, provoque l’ autre. C’ est une forme d’ appel, une tentative de surmonter les impasses à la parole en conflictualisant la relation, de dire ce qui ne peut se dire autrement et espérer être entendu » (3). Sur cette base, nous abandonnerons ici le mot violence car de la violence, en tant que destruction du lien, nous pouvons seulement nous protéger. En revanche, nous souhaitons réfléchir sur les comportements empreints d’ agressivité partant du présupposé que ceux-ci nous informent sur la relation.

L’ agressivité symptôme de la crise

L’ agressivité est un symptôme, un événement morbide qui coïncide avec un autre événement dont il peut être l’ effet ou le signe, un indice, quelque chose qui se passe au même temps. En gériatrie, elle peut se présenter comme symptôme dans des maladies d’ origine très différente qui vont de la douleur physique ou morale, aux pathologies psychiatriques, somatiques, à l’ abus de substances licites ou illicites, aux démences, aux troubles de la personnalité et la liste ne sera jamais exhaustive parce que l’ agressivité est toujours un processus d’ origine multifactorielle. Parallèlement, l’ agressivité peut faire écho, pour ceux qui la reçoivent, avec un sentiment de frustration et honte, ou de remise en question du sens et des limites, ou encore avec un sentiment de solitude.
Que l’ on se place du côté du patient ou du soignant, il est difficile de ne pas ressentir la situation comme un moment de crise. James Hillman souligne l’ importance, dans une situation de crise, de pouvoir déjà lui reconnaître une valeur, avant encore de pouvoir lui attribuer un sens (4). Il s’ agit donc d’ abord de situer le moment et le contexte, pour pouvoir inscrire un épisode dans une histoire relationnelle qui a un avant et un après.

L’ agressivité, un moment dans une histoire

Comment faire alors pour donner de la valeur à ce qui se passe ? Il s’ agit en premier lieu de le reconnaître. Constater la situation, l’ identifier, pouvoir décrire et discuter avec d’ autres, constitue probablement le premier pas pour ne pas banaliser l’ événement et le rabaisser à un rang moins important que d’ autres symptômes. In-scrire un épisode d’ agressivité dans une séquence d’ événements qui inclue un antécédent, un épisode et une conséquence, signifie lui donner le même droit d’ existence que d’ autres symptômes couramment rapportés. Personne ne s’ imaginerait de décrire un symptôme (fièvre, délire, désorientation etc.) sans fournir le contexte dans lequel il se produit et pourtant, souvent, l’ agressivité est mentionnée comme un moment isolé, incompréhensible. Surtout dans les institutions, existe une certaine réticence à mentionner les moments d’ agressivité comme si ceux-ci devaient pointer une situation qui « n’ avait pas bien été gérée », comme s’ il s’ agissait d’ attribuer des fautes (au patient, au soignant, à l’ institution) plus que de relater un symptôme.
Alors, si nous voulons passer du fait de lui donner de la valeur à celui de lui donner du sens, nous devons l’ inscrire dans une histoire.

Putting the P.I.E.C.E.S. together

Divers outils ont été élaborés pour décrire et analyser un événement clinique en milieu gériatrique. « Putting the P.I.E.C.E.S. together » est une démarche canadienne (5), intéressante pour son approche multidisciplinaire et multifactorielle. Surtout lors d’ un travail en équipe pluridisciplinaire, il est fondamental de récolter le plus grand nombre d’ informations avec des valences différentes qui peuvent aider à comprendre un épisode donné. Pour ce faire les auteurs proposent de répondre à 3 questions :

1. Qu’ est-ce qui a changé ? S’ agit-il d’ un nouveau problème ? D’ un ancien problème qui se manifeste aujourd’ hui différemment,  ou du même problème qui est appréhendé différemment par l’ entourage ?
2. Quels sont les risques que la situation implique, et quel est leur degré ?
3. Quelle action peut être entreprise ?

Physical (les causes somatiques, les médicaments, le handicap etc.)
Intellectual (les problèmes cognitifs)
Emotional (les troubles de l’ adaptation, de l’ humeur, de la pensée, de la personnalité)
Capabilities (les compétences instrumentales et non de la vie quotidienne)
Environment
Social (le réseau, l’ histoire de vie, les valeurs de référence).
Lors d’ un épisode d’ agressivité, en raison de l’ impact défavorable que celui-ci peut avoir sur le fonctionnement d’ un individu ou d’ une équipe, le risque plus important est de structurer une réponse automatique et immédiate qui laisse peu d’ espace à la valeur de communication que le geste peut avoir. C’ est pour cette raison qu’ utiliser un outil qui nous oblige à prendre en considération plusieurs paramètres peut se révéler intéressant.
Dans le même ordre d’ idée, les auteurs proposent l’ acronyme U.F.I.R.S.T. pour imaginer comment articuler la réponse à travers des interventions qui incluent le patient, l’ équipe, l’ environnement : Understanding, Flagging, Interaction, Reporting/Reflecting, Support, Team.

La réponse : une occasion pour interroger la pratique

Carl Rogers souligne l’ importance d’ être préparés à répondre non seulement aux contenus intellectuels et rationnels de ce qui est dit par un sujet mais aussi (et peut-être surtout) aux émotions qui le sous-tendent (6). Nous pouvons traduire ceci dans une situation d’ agressivité, comme la nécessité de lire le comportement en termes de communication entre deux parties. C’ est pour cette raison que pas seulement l’ action, mais aussi la posture, les convictions et les émotions des deux parties rentrent en jeux. La formation des équipes à la gestion d’ épisodes d’ agressivité devrait souligner des éléments qui sont parfois en apparente contradiction avec les mythes fondateurs du soin. La reconnaissance de la peur, de sa propre agressivité et le renoncement à faire seuls et donc à sa propre toute-puissance, en sont des exemples qui ressortent de l’ activité de supervision d’ équipes multidisciplinaires, un outil puissant pour soutenir la réflexion dans ce genre de situations. Se sentir congruent avec soi-même, reconnaître ses limites et celles de l’ autre, activer plutôt le calme, la flexibilité et la chaleur sont des pistes pour l’ élaboration de programmes de formation qui complètent les indications déjà décrites en littérature dont un exemple est illustré dans la figure 1.

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PD Dre Alessandra Canuto

Spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, Spécialiste
en psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée
2 rue des Vaudrès
1815 Clarens

alessandra.canuto@hin.ch

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • L’ agressivité est un symptôme qui doit être rapporté, communiqué, discuté et compris comme tout symptôme présenté par un patient.
  • L’ agressivité peur être lue comme le contenant (peu adapté, mais parfois le seul à disposition) d’ une communication qui doit être décryptée dans le contexte d’ une histoire.
  • Intervenir dans une situation d’ agressivité mobilise les ressources des soignants en termes de comportements mais aussi dans leur convictions, postures et croyances.
  • Ne pas rester seuls face à une situation d’ agressivité est probablement le début de la solution. La supervision est un outil puissant pour faciliter la compréhension de ces situations
  • L’ agressivité a une étiologie multifactorielle qui demande, pour être comprise, une observation sous des angles différents et par des intervenants de différents horizons.

1. www.Treccani.it
2. www.etimo.it
3. Benghozi P. La violence n’ est pas l’ agressivité : une perspective psychanalytique des liens. Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe. 2010/2
4. Hillman J. Trame perdute. Cortina Editore, Milano, 1985
5. Hamilton P, Harris D, Le Clair k, Collins J. “Putting the P.I.E.C.E.S. Togheter”.
A Model for Collaborative Care and Changing Practice. 6th Edition (R), Canada, 2010
6. Carl R. Rogers, La relation d’ aide et la psychothérapie, ESF, Montrouge, 2019
7. https://www.worksafebc.com/en/resources/health-safety/information-sheets/working-safely-with-dementia-handouts/behavioural-escalation-continuum-model-responding-to-persons-with-dementia?lang=en, visité le 14 avril 2020

Nausées et vomissements

Les nausées et les vomissements sont considérés comme des réflexes importants dans l’ évolution humaine, qui empêchent les gens d’ ingérer des substances toxiques ou de les excréter le plus rapidement possible après l’ ingestion. La nausée précède généralement le vomissement proprement dit et décrit la sensation de devoir vomir d’ urgence. Cet article résume les considérations utiles de diagnostic différentiel et les procédures pratiques lors de ces troubles physiques.

Les vomissements stimulent souvent le système nerveux sympathique et parasympathique, ce qui peut entraîner des symptômes tels que sueurs froides, tachycardie, dilatation des pupilles ou hypotension. Il convient de distinguer la régurgitation des vomissements proprement dits. Ce phénomène n’ est généralement pas associé à des nausées et est souvent causé par un sphincter inférieur de l’ œsophage insuffisant ou par une sténose de l’ œsophage. La rumination signifie à son tour un transport rétrograde du contenu de l’ estomac (généralement sans nausées), par exemple chez les patients souffrant de troubles psychosomatiques. Les éructations (rots) et les hoquets sont des formes d’ expulsions d’ air (tab. 1).

Le diagnostic différentiel des nausées et des vomissements est donné dans le tableau 2. L’ augmentation de la pression intracrânienne due à des tumeurs, à des saignements ou à une obstruction de l’ écoulement du liquide céphalorachidien provoque une explosion soudaine de vomissements qui se produit généralement sans nausées. L’ irritation du labyrinthe entraîne des nausées et des vomissements lors du mal des transports, de la maladie de Ménière et des vertiges positionnels paroxystiques bénins. L’ obstruction gastrique peut être due à des causes malignes ou peptiques et, comme les obstructions de l’ intestin grêle et du gros intestin (par exemple à la suite d’ adhérences, de tumeurs, de volvulus, d’ invaginations ou dans la maladie de Crohn), elle peut entraîner des nausées et des vomissements. On estime que 20 à 40 % des patients atteints de diabète sucré de type 1 développent une gastroparésie diabétique avec des nausées et des vomissements consécutifs. Cependant, une gastroparésie peut également se produire après une vagotomie, un carcinome du pancréas, une sclérodermie et une amyloïdose. Les vomissements en cas de pancréatite, cholécystite et appendicite sont causés par une irritation viscérale locale et un trouble de la motilité. Le syndrome de l’ artère mésentérique supérieure ou syndrome de la pince aorto-mésentérique est un tableau clinique rare caractérisé par des vomissements postprandiaux et une perte de poids. Sur le plan pathogénique, il s’ agit d’ un rétrécissement du duodénum distal entre l’ aorte et l’ artère mésentérique supérieure, causé par un angle extrêmement aigu de l’ artère mésentérique supérieure. Le syndrome se manifeste principalement chez les patients alités et cachectiques en position couchée, accompagné d’ une douleur de type crampe au milieu de l’ abdomen supérieur, qui s’ améliore de façon caractéristique après le passage à la position coude-genou. Les vomissements aigus dans les intoxications alimentaires sont dus à Staphylococcus aureus et à Bacillus cereus. La grossesse est la cause endocrinienne la plus fréquente de vomissements. Jusqu’ à 70 % des femmes en souffrent au cours du premier trimestre. L’ hyperémèse gravidique est une forme grave de vomissement pendant la grossesse, qui peut entraîner une perte considérable de liquide et des troubles électrolytiques. Parmi les autres causes métaboliques de vomissements figurent l’ urémie, l’ acidocétose, l’ insuffisance surrénalienne ainsi que les troubles thyroïdiens et parathyroïdiens. Les médicaments sont probablement la cause la plus fréquente des vomissements. En principe, toutes les médicaments peuvent provoquer des nausées et des vomissements. Les plus courants sont les antibiotiques, les antiarythmiques, les antihypertenseurs, les antidiabétiques oraux, les contraceptifs et les médicaments chimiothérapeutiques (en particulier le cisplatine). La radiothérapie abdominale entraîne une perturbation de la fonction motrice et la formation de sténoses. Les toxines présentes dans le sang entraînent une stimulation de l’ area postrema ou aire du vomissement (par exemple une intoxication alcoolique). L’ insuffisance hépatique produit également des toxines endogènes qui provoquent des vomissements. Les causes cardiaques telles que l’ infarctus aigu du myocarde, en particulier de la paroi postérieure, et l’ insuffisance cardiaque biventriculaire peuvent entraîner des nausées et des vomissements. Les vomissements postopératoires surviennent dans près de 25 % des opérations et sont particulièrement fréquents après des laparotomies, des procédures orthopédiques et chez les femmes. Les patients souffrant de troubles psychiatriques tels que les troubles alimentaires, les troubles anxieux et la dépression font souvent état de nausées graves avec retard de vidange gastrique et de vomissements (tab. 2).
Les diagnostics différentiels basés sur la période de vomissement sont résumés dans le tableau 3, ceux en présence d’ un deuxième symptôme principal dans le tableau 4 et ceux basés sur le type de vomissement dans le tableau 5.

Étapes de clarification pour les patients souffrant de nausées et de vomissements

Continuant la procédure de diagnostic, on fait la distinction entre une apparition aiguë de nausées et de vomissements (< 1 semaine) et une persistance chronique de nausées et de vomissements (> 1 mois). L’ anamnèse et l’ examen physique indiquent généralement le diagnostic sous-jacent. Si des symptômes d’ alarme apparaissent, tels que l’ âge du patient > 50 ans, une perte de poids involontaire, une dysphagie progressive, des vomissements persistants, des signes d’ hémorragie gastro-intestinale, une anamnèse familiale positive de cancer gastrique, une altération psychique, des douleurs abdominales, des vomissements fécaux, une hématochézie, un mélaena et des déficits neurologiques focaux, des clarifications supplémentaires s’ imposent.
Une procédure en trois étapes est recommandée pour le diagnostic des vomissements. Dans un premier temps, il faut déterminer principalement les électrolytes, le glucose, les valeurs rénales et hépatiques, l’ amylase (en cas de douleur), le taux de digitaline avec l’ anamnèse correspondante, ainsi que l’ état urinaire et faire un test de grossesse. Si l’ on suspecte une obstruction intestinale, il peut être utile d’ effectuer une radiographie de l’ abdomen dans deux incidences (debout et couché), sans préparation, afin de rechercher les niveaux hydroaériques dans l’ intestin grêle. La présence d’ un iléus se caractérise par des boucles intestinales dilatées et remplies d’ air de manière diffuse. Dans un deuxième temps, selon la clinique, l’ échographie abdominale, l’ oesophago-gastro-duodénoscopie, la culture des selles, l’ ECG, le test TSH et une radiographie du thorax sont recommandés. Dans une troisième étape, une coloscopie, un examen CT/IRM (CT abdomen en cas de maladie inflammatoire suspectée, CT/IRM cérébral pour exclure une cause centrale), une entérographie (CT/IRM) pour exclure un processus de l’ intestin grêle, ainsi que la détermination de la toxicologie urinaire et des porphyrines sont effectués.

Cet article est une traduction de «der informierte arzt» 01_2020

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Pr Stephan Vavricka

Zentrum für Gastroenterologie und Hepatologie
Vulkanplatz 8
8048 Zürich

L’ auteur a déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • Chez les patients souffrant de nausées et de vomissements, il est essentiel et parfois difficile de trouver la maladie sous-jacente.
  • Cet article a pour but de montrer les stratégies permettant de rechercher la cause d’une manière ciblée.
  • L’ une des causes les plus fréquentes est l’ effet secondaire des médicaments et si l’ on soupçonne un tel effet, il faut discuter de la nécessité du médicament.

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La méningite chez l’ enfant

La méningite chez l’ enfant est un tableau clinique dangereux avec un taux de mortalité élevé. Il est crucial que le diagnostic suspecté soit posé et que les mesures adéquates soient prises dès le premier contact dans le cabinet. Le présent article vise à fournir une aide dans de telles situations, non pas dans le sens d’ un article de revue, mais plutôt comme guide pratique.

Vignette clinique

Une fillette de 3 ans est présentée au médecin de famille de service en novembre. Elle a un rhume depuis 3 jours, une toux légère, une fièvre allant jusqu’ à 38,9 °C (température tympanique), une otalgie du côté gauche et a vomi deux fois. Ses deux frères et sœurs ont également un rhume. L’ anamnèse personnelle n’ est pas remarquable. Seuls les vaccins de base ont été administrés. L’ état général de la patiente est légèrement réduit, elle est larmoyante et affectueuse. Au status, un tympan rouge à gauche et un pharynx légèrement rougi sont perceptibles. L’ auscultation des poumons (à travers le T-shirt, parce que la patiente pleure et se défend) est normale. Le diagnostic présumé d’ otite moyenne aiguë gauche est posé. Une analgésie fixe est prescrite de même que la recommandation d’ une visite de suivi chez le pédiatre le jour suivant. A la sortie du cabinet, la jeune fille refuse de partir, elle est portée par sa mère. Deux heures plus tard à la maison, elle vomit plusieurs fois et a des crampes. Le service d’ ambulance est prévenu. Aux urgences de l’ hôpital pédiatrique : GCS 13, FR 30/min, FC 160/min, temps de recapillarisation centrale 4 sec, périphérie froide. Un méningisme se fait remarquer. Prise d’ hémocultures et de septicémie en laboratoire, compensation volumique et administration d’ antibiotiques. Après une détérioration supplémentaire, transfert à l’ unité de soins intensifs, où l’ on procède à l’ intubation et à la ventilation. Au cours des heures qui suivent, l’ état se stabilise et il n’ y a plus de crises. L’ imagerie du SNC (système nerveux central) est sans particularité. La ponction lombaire montre une pléïocytose du LCR (liquide cérébro-rachidien). La microbiologie rapporte une croissance de diplocoques Gram positif à partir de l’ hémoculture. L’ analyse PCR du LCR montre S. pneumoniae. Après la 3ème journée, la fille peut être transférée dans le service de pédiatrie.

Après l’ introduction avec des informations générales, les points les plus importants de l’ anamnèse et de l’ examen sont résumés en fonction des différentes catégories d’ âge. En outre, la septicémie comme évolution possible de la maladie sera rappelée et enfin, la prévention et donc les vaccinations recommandées seront discutées.

Introduction

La méningite bactérienne de l’ enfance est généralement causée par l’ invasion des muqueuses par les bactéries après la colonisation du nasopharynx. Dans la suite de la maladie, la propagation hématogène et finalement l’ invasion du SNC se produit en traversant la barrière hémato-encéphalique. En fonction de la situation immunitaire et de la charge bactérienne, une septicémie peut également survenir. En pédiatrie, la septicémie est définie comme une réponse immunitaire dysrégulée à une infection qui entraîne le dysfonctionnement d’ un ou de plusieurs organes. Les tableaux cliniques de la septicémie et de la méningite peuvent être parallèles. Il est important de rechercher activement les signes de septicémie chez l’ enfant en plus des signes de méningite, car cela peut être crucial pour une prise en charge immédiate.
Les bactéries responsables de la méningite aiguë purulente sont principalement S. pneumoniae, N. meningitidis, H. influenzae de type b (Hib) et les streptocoques du groupe B (SGB). Chez les nouveau-nés et les nourrissons de moins de 3 mois, les streptocoques du groupe B sont les agents pathogènes les plus courants, chez les nourrissons de plus de 3 mois et jusqu’ à 9 ans ce sont S. pneumoniae et N. meningitidis et chez les adolescents N. meningitidis. Le pic de fréquence de la méningite bactérienne se situe dans les deux premières années de la vie. Les méningococcies ont un 2ème pic de fréquence à l’ adolescence. Les pneumocoques provoquent la forme la plus grave de méningite bactérienne chez les nourrissons et les jeunes enfants. L’ évolution des infections à pneumocoques comporte de nombreuses complications et une guérison neurologique incomplète est plus fréquente que lors de méningite à méningocoques ou de méningite Hib. La méningite à pneumocoques a le taux de mortalité le plus élevé parmi les agents pathogènes classiques de la méningite (1-3). En Suisse, l’ incidence des infections invasives (y compris la méningite) chez les enfants de moins de 5 ans a diminué de manière spectaculaire, passant de 44 à 1,5 sur 100 000 en 21 ans, depuis l’ introduction de la vaccination anti-Hib en 1991. L’ introduction des vaccins conjugués anti-pneumococciques (PCV7 et PCV13 en 2005 et 2011, respectivement) a réduit l’ incidence de 37 à 9 en 6 ans. L’ incidence des infections méningococciques invasives a diminué après l’ introduction des vaccins conjugués (MCV-C et MCV-ACWY en 2006 et 2011, respectivement) en 9 ans de 6,3 à 3,9 chez les enfants de moins de 5 ans et de 2,3 à 0,7 chez les adolescents. Pourtant les pneumocoques restent les agents pathogènes les plus courants de la méningite bactérienne chez les enfants de plus de 1 mois (4-6). La méningite aseptique ou virale est beaucoup plus fréquente (incidence de 70 sur 100 000 chez les nourrissons). Le plus souvent (80-90%), cette forme est causée par des entérovirus, étant plus fréquente pendant les mois d’ été et d’ automne (7, 8).

Facteurs de risque de la méningite bactérienne (9) :

  • Âge < 2 ans et adolescents
  • Pas de vaccination (pneumocoque, Hib, méningocoque)
  • Asplénie, immunodéficience (primaire ou secondaire), maladie systémique sous-jacente
  • Maladie infectieuse récente (voies respiratoires ou otite moyenne)
  • Malformations anatomiques (ORL, SNC)
  • Implant cochléaire
  • Contacts récents avec des patients atteints de méningite (école, crèche, garderie postscolaire)
  • « Crowding » (service militaire, centres d’ accueil)
  • Voyager dans les zones d’ endémie méningococcique comme l’ Afrique subsaharienne

Présentation – ce que les parents rapportent et ce qu’ il faut leur demander

Les signes et les changements d’ état général classés dans le tableau 1 peuvent se manifester lentement et progressivement sur quelques jours, mais aussi de façon fulgurante en quelques heures. Les enfants de moins de deux ans représentent un défi majeur pour l’ évaluation (1, 10, 11). Ce que leurs parents rapportent (ce qu’ ils ont remarqué, ce qui les inquiète) est particulièrement important pour ces patients. Laissez les parents vous guider quand ils disent, par exemple, que leur bébé est anormalement somnolent, pleure différemment, respire bizarrement ou n’ établit plus de contact visuel. Les enfants atteints de méningite purulente aiguë sont généralement dans un état général plus grave que les enfants atteints de méningite virale.

Status

Les nourrissons anxieux ne doivent pas être séparés de leurs parents dans la mesure du possible. L’ examen primaire peut également être effectué avec l’ enfant assis ou couché sur les genoux de la personne qui s’ occupe de lui. Une approche systématique et donc l’ évaluation rapide d’ un enfant malade est nécessaire. Lors de la première évaluation des risques les examens suivants sont utiles :

  • État général : conscience, tonus, contact visuel, interaction, communication, possibilité de consoler l’ enfant, douleurs
  • Respiration : position du corps, sons respiratoires, signes de dyspnée, fréquence respiratoire, saturation en oxygène
  • circulation : pâleur, cyanose, extrémités froides, temps de recapillarisation, fréquence cardiaque

Ensuite, une évaluation précise et complète doit être réalisée. L’ enfant doit TOUJOURS être complètement déshabillé et examiné de la tête aux pieds. Lors du status, il est important de rechercher non seulement les signes neurologiques (tels que l’ irritabilité, la sensibilité au toucher, le méningisme, les déficits focaux) mais aussi les signes de septicémie (tab. 2), car ceux-ci peuvent déjà se manifester comme un signe avant-coureur de la méningite ou en même temps que celle-ci. Dans le contexte de la septicémie, les adultes réagissent principalement par une résistance vasculaire systémique diminuée (choc chaud). En revanche, les nouveau-nés et les nourrissons ont souvent une résistance vasculaire élevée (choc froid) dans la phase précoce de la septicémie. Un temps de recapillarisation prolongé, des extrémités froides et une tachycardie sont les signes classiques d’ un état de choc précoce où la pression artérielle est toujours maintenue (choc compensé). À l’ état décompensé, un trouble de la conscience et une hypotension artérielle débutante sont typiques. La chute de la tension artérielle chez les enfants est un signe tardif et est souvent proche d’ un collapsus circulatoire complet (11, 12). La mesure correcte de la pression artérielle chez les nourrissons et les jeunes enfants n’ est pas toujours facile et ne doit pas être possible dans le cabinet du médecin de famille.

À Noter

Il faut encourager les parents à se présenter de nouveau avec l’ enfant si la situation se détériore. Un diagnostic suspecté n’ est que la « meilleure supposition » et n’ est jamais infaillible tant qu’ il ne peut être confirmé par des résultats correspondants. Si les symptômes progressent et que l’ évolution ne correspond pas au diagnostic suspecté, il faut le reconnaître et être prêt à reconsidérer le cas. Des erreurs se produisent si les médecins restent fixés sur leur diagnostic initial présumé.

L’ instauration rapide d’ une thérapie (antibiotique et compensation volumique) permet de sauver des vies. Pour les nourrissons de moins de 3 mois en état général réduit il faut toujours initier une hospitalisation. Les clarifications en laboratoire (p.ex. hémogramme, CRP) ne sont pas utiles, car elles ne sont pas pertinentes.
Si l’ on suspecte une méningite mais que l’ état général soit bon et que les paramètres de circulation soient stables, l’ enfant peut être transféré par transport privé. Il n’ est pas non plus conseillé de procéder à des clarifications en laboratoire dans ce cas. La méningite ne peut être diagnostiquée que par une ponction lombaire. Si un transfert immédiat n’ est pas possible en cas de suspicion de méningite et/ou de septicémie purulente ou s’ il subit des retards, le traitement initial suivant est recommandé :

  • Apport en oxygène
  • Remplissage volumique avec une solution cristalloïde équilibrée, administrée en bolus (p.ex. solution de Ringer) 20 ml/kg
  • Ceftriaxone (une seule fois) en perfusion courte i.v. / i.m. Dose : 100 mg/kg p.c. (dose unique maximale : 4g)

Prévention – Vaccinations

Comme le montrent les chiffres des dernières années, le risque de contracter une méningite aux conséquences potentiellement mortelles ou aux dommages neurologiques à long terme peut être considérablement réduit par une immunisation adéquate. Les vaccins suivants (tab. 4) sont à recommander activement.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 01_2019

Fabia D. Büttcher

Praxis Ottenbach
Affolternstrasse 21
8913 Ottenbach

Dr. med. Michael Büttcher

Leitung Pädiatrische Infektiologie,
Luzerner Kantonsspital
6000 Luzern 16

michael.buettcher@luks.ch

Les auteurs affirment qu’ il n’ y a pas de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Bien que l’ incidence de la méningite bactérienne diminue, son taux de mortalité reste élevé.
  • Les enfants de moins de 2 ans sont les plus fréquemment touchés. La présentation n’ est pas spécifique dans cette catégorie d’ âge. Donc : pensez-y !
  • S. pneumoniae est l’ agent pathogène le plus courant de la méningite bactérienne chez les enfants de moins de 5 ans. Il existe un vaccin efficace. C’ est maintenant l’ une des vaccinations de base. Recommandez-la activement !
  • Les méningococcies ont un deuxième pic à l’ adolescence. N’ oubliez pas la vaccination de rappel !
  • La septicémie et la méningite peuvent survenir ensemble. Faites attention aux symptômes d’ alarme, liés aux catégories d’ âge, que vous avez repérés de l’ anamnèse et du status.
  • Un enfant que l’ on soupçonne d’ avoir une méningite ou une septicémie bactérienne doit être transféré immédiatement à la clinique pédiatrique la plus proche avec les services de transport d’ urgence.

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Arthropathies à dépôts de cristaux

La prévalence de l’ hyperuricémie et de la goutte a augmenté régulièrement dans tous les pays industrialisés ces dernières années. L’ hyperuricémie entraîne non seulement des dépôts d’ urates dans les articulations, les structures proches des articulations (par ex. gaines tendineuses, bourses séreuses) et, plus rarement, dans les organes internes, mais elle est également en association avec une augmentation du risque cardiovasculaire, probablement une détérioration de la fonction rénale et éventuellement une augmentation de la tension artérielle. Dans cet article, les mesures actuelles de diagnostic et de traitement sont compilées et le diagnostic différentiel de la pseudo-goutte est également expliqué.

Au cours de l’ évolution – dans la transition de la vie dans l’ eau à la vie sur terre – des taux d’ acide urique plus élevés ont dû apporter des avantages. Par conséquent, certains reptiles de grade supérieur et tous les primates sont dépourvus de l’ enzyme uricase, qui décompose l’ acide urique en allantoïne dans tous les autres organismes. Simultanément, 90 % de l’ acide urique filtré est réabsorbé dans nos reins.
Cependant, les changements dans les habitudes alimentaires, l’ augmentation de l’ espérance de vie (diminution de la fonction rénale) et d’ autres facteurs font qu’ aujourd’ hui nous sommes principalement confrontés aux conséquences négatives de l’ hyperuricémie. La plupart des laboratoires définissent l’ hyper-uricémie comme un taux d’ acide urique supérieur à 420 µmol/l. Le produit de solubilité, en revanche, se situe à 360 µmol/l, c’ est-à-dire que l’ acide urique commence à précipiter à des valeurs plus élevées. Pour cette raison une valeur inférieure à 360 µmol/l est visée pour le traitement d’ abaissement de l’ acide urique.

Clinique et diagnostic

L’ arthrite goutteuse aiguë est généralement une monoarthrite qui se manifeste de façon suraiguë (avec des douleurs, des rougeurs et des gonflements importants) et affecte de préférence les membres inférieurs. Plus la clinique est typique, plus le diagnostic est probable. Cependant, le diagnostic différentiel doit toujours considérer une infection ou une pseudo-goutte (chondrocalcinose). Le gold-standard pour un diagnostic fiable reste la détection microscopique de cristaux d’ urates dans le prélèvement de l’ articulation affectée (fig. 1.) (ou celui du tissu) ou d’ identifier des dépôts d’ urates par échographie à haute résolution (fig. 2.) ou, à la rigueur, par tomodensitométrie à double énergie (les deux méthodes d’ imagerie sont très spécifiques, mais nécessitent un certain dépôt d’ urates pour être détectées et peuvent donc être faussement négatives, surtout dans les premiers stades).
La détermination de l’ acide urique sérique est moins utile au diagnostic lors d’ une crise (il peut même être plus faible qu’ en dehors d’ une crise), mais elle est importante pour le contrôle de la thérapie de base visant la réduction de l’ acide urique. Les signes accrus d’ inflammation (CRP, VS) et une leucocytose vont bien ensemble avec l’ inflammation aiguë de la goutte, mais ne sont bien sûr pas spécifiques à celle-ci.

Traitement

Traitement de la goutte aiguë

En plus du refroidissement local, il faut administrer des anti-inflammatoires puissants, c’ est-à-dire des anti-inflammatoires non stéroïdiens (s’ il n’ y a pas de contre-indication) ou des stéroïdes soit systémiques soit (mieux) administrés par voie intra-articulaire (si’ il n’ y a pas d’ infection suspectée) ou de la colchicine (bien qu’ elle ne soit pas officiellement approuvée en Suisse). Dans des cas particuliers, un inhibiteur de l’ interleukine-1 peut être administré par voie sous-cutanée en collaboration avec un rhumatologue en utilisation « off label ».

Traitement de base de l’ hyperuricémie

Des mesures non médicamenteuses (mode de vie) doivent être recommandées pour chaque patient. En ce qui concerne la nutrition, un régime alimentaire réduit est très utile en cas de surpoids (le risque d’ acide urique et de goutte augmente de façon linéaire avec l’ IMC). En outre, tous les patients doivent limiter la consommation de protéines animales au profit de protéines laitières et, si possible, éviter les boissons sucrées contenant du fructose, les jus de fruits et la bière. La prise en charge générale d’ un patient atteint d’ hyperuricémie comprend également l’ attention portée aux facteurs de risque cardiovasculaire les plus couramment associés.
Selon la situation, un traitement de base avec des médicaments (qui réduisent l’ acide urique) doit être envisagé après la première crise de goutte, mais est certainement indiqué en cas de plusieurs crises par an, en cas d’ insuffisance rénale simultanée ou si des calculs rénaux, tophi ou calculs d’urates existent déjà. Le traitement est initié après la disparition de la crise aiguë et doit conduire à une réduction fiable de l’ acide urique < 360µmol/l (en présence de tophi, de destruction articulaire ou de crises fréquentes < 300 µmol/l). En conséquence, la dose est progressivement augmentée et l’ acide urique est contrôlé régulièrement jusqu’ à ce que la valeur cible soit atteinte (« treat to target »). Il faut noter et expliquer au patient que, d’ une part, des crises aiguës de goutte peuvent se reproduire au début de la réduction du taux d’ acide urique (et que par conséquent il faut prescrire une prophylaxie d’ AINS à faible dose, de stéroïdes, par exemple 5 mg de Spiricort, ou 0,5 mg de colchicine pendant les premières semaines, soit au moins réserver des médicaments pour le traitement des crises !), et il faut lui expliquer que d’ autre part, même avec un traitement de base correct, on ne peut s’ attendre à une absence totale de crises qu’ après de nombreux mois. Le risque d’ effets secondaires est plus faible si les inhibiteurs de l’ acide urique sont dosés progressivement et augmenté progressivement (« start slow and go slow »).
Les inhibiteurs de la xanthine oxydase allopurinol ou fébuxostat restent le premier choix de médicament. Ce dernier n’ est pris en charge par les caisses maladies en Suisse que si des effets secondaires se produisent sous l’ allopurinol, s’ il y a une contre-indication ou si l’ effet est insuffisant. En cas de fonction rénale normale, il est recommandé de commencer par une dose de 100 mg d’ allopurinol, puis d’ augmenter progressivement la dose de 100 mg, par ex. toutes les 4 semaines, jusqu’ à ce que le niveau cible d’ acide urique soit atteint. Si nécessaire, l’ allopurinol peut être dosé sans problème jusqu’ à 600 mg/jour. En cas de fonction rénale limitée, la dose de départ doit être adaptée à la clairance de la créatinine. Souvent, ces patients ne reçoivent aucun traitement ou un traitement insuffisant pour réduire l’ acide urique par crainte des effets secondaires ; cependant, tant l’ expérience clinique que les données scientifiques de plus en plus nombreuses montrent qu’ une réduction adéquate de l’ acide urique améliore fréquemment la fonction rénale ou ralentit la progression de l’ insuffisance rénale.
Si l’ allopurinol entraîne des effets secondaires ou si son effet est insuffisant, le fébuxostat peut être utilisé, également en augmentant peu à peu les doses, commençant par 40 mg/j et augmentant jusqu’ à 80 mg/j. Contrairement à l’ allopurinol, aucun ajustement de dose n’ est nécessaire en cas d’ insuffisance rénale. Cependant, le fébuxo-stat doit être utilisé avec prudence chez les patients souffrant de cardiopathie ischémique.
Une troisième possibilité est l’ administration d’ uricosuriques (uniquement en cas de fonction rénale normale !), soit le probénécide (attention aux interactions !), soit le lésinurad (uniquement en combinaison avec l’ allopurinol).
Comme pour tous les traitements médicamenteux à long terme, une bonne information du patient et des contrôles réguliers sont tout aussi importants pour une adhérence optimale à la thérapie. Idéalement, le patient souffrant de la goutte connaît son taux d’ acide urique (et le taux cible) tout comme chaque patient diabétique connaît son taux d’ HbA1c.

Arthropathie à dépôts de pyrophosphate de calcium (« chondrocalcinose », « pseudo-goutte »)

Avec l’ âge, la prévalence des dépôts de cristaux de pyrophosphate de calcium dans les cartilages hyalins et fibreux augmente (ce qu’ on appelle la chondrocalcinose). Les causes et les mécanismes exacts de ce type de chondrocalcinose, dite primaire, sont encore inconnus. Sur le plan épidémiologique, les femmes sont un peu plus fréquemment touchées ; les groupes familiaux sont également décrits. Chez les patients plus jeunes (c’ est-à-dire avant l’ âge de 50 ans), un dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium peut déjà se produire dans certaines maladies métaboliques (par ex. l’ hémochromatose, l’ hypomagnésémie, l’ hyperparathyroïdie – on parle alors de chondrocalcinose secondaire).

Clinique et diagnostic

Cette maladie de dépôt de cristaux est également considérée comme le « caméléon » de la rhumatologie, car elle peut se manifester de nombreuses façons :

  • résultats radiographiques asymptomatiques (« chondrocalcinose »)
  • arthrite aiguë (« pseudo-goutte ») (fig. 3)
  • arthrose progressive dans les articulations qui ne sont pas principalement touchées par l’ arthrose (typiquement : carpe, articulations MCP, épaule, genou, hanche) ; lésions méniscales
  • arthropathie destructive à évolution rapidement progressive (en particulier l’ articulation de la hanche, l’ articulation de l’ épaule)
  • oligo-/ polyarthrite chronique (arthrite « pseudo-rhumatoïde »)
  • ressemblant à la polymyalgie
  • syndrome de la « dent couronnée » (angl. crowned dens syndrome – CDS) (« pseudoméningite » due à des dépôts de calcium dans les ligaments atlanto-axiales)

En plus du tableau clinique respectif, le diagnostic comprend également la détection microscopique de cristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide synovial ou de calcifications pathognomoniques du cartilage dans la radiographie conventionnelle (fig. 4.) ainsi que dans l’ échographie à haute résolution (ou dans la tomodensitométrie en cas d’ un syndrome de la dent couronnée).

Traitement

Les mêmes principes s’ appliquent au traitement de l’ arthrite aiguë (« pseudo-goutte ») qu’ à celui de l’ arthrite goutteuse. Il n’ existe cependant pas de véritable thérapie de base (ou traitement causal). Si les crises sont fréquentes, on peut essayer la colchicine ou, au mieux, une supplémentation en magnésium. En cas d’ oligo- à polyarthrite avec une évolution plutôt chronique, il faut essayer un traitement de base avec le méthotrexate.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 03_2020

Dr. med. Andreas Krebs

Rheuma- und Osteoporose-Zentrum Kloten
Kalchengasse 7
8302 Kloten

andreaskrebs@hin.ch

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • La détection microscopique des cristaux reste le gold-standard du
    diagnostic. L’ imagerie moderne peut aider, car elle est très spécifique, mais sa sensibilité est limitée.
  • Traitement de base de l’ acide urique par allopurinol ou (en cas d’ effets secondaires ou de contre-indications) par fébuxostat. Commencer
    par de faibles doses, augmentation graduelle et cohérente de la dose jusqu’ à ce que la valeur cible de l’ acide urique de 360µmol/l ou 300µmol/l soit atteinte (« treat to target »).
  • Penser aux mesures non médicamenteuses et aux comorbidités.
  • La chondrocalcinose est une cause fréquente de monarthrite aiguë chez les personnes âgées. Une radiographie conventionnelle contribue souvent au diagnostic.

Aujourd’ hui, demain ou jamais ?

Des preuves toujours plus évidentes montrent qu’ avec un programme de dépistage précoce du cancer pulmonaire, à l’ aide d’ une computertomographie à faible dose (LDCT), permet de réduire la mortalité au sein d’ une population à risque de manière significative. De nouvelles données démontrent qu’ une stricte sélection des participant-e-s dans un programme de dépistage par LDCT et une mesure volumétrique des nodules pulmonaires réduit la fréquence des faux positifs. Le « groupe suisse d’ implémentation du dépistage du cancer du poumon » (CH – LSIG), une communauté de travail multidisciplinaire de groupes d’ intérêt et d’ expert-e-s, soutient la mise en place d’ un programme suisse de dépistage du cancer du poumon. Le présent article traite du dépistage du cancer pulmonaire, qui est par ailleurs un des projets de démarrage de la « commission d’ experts pour la détection précoce du cancer » mis en œuvre en 2018, dans le cadre du projet pilote de la stratégie nationale de lutte contre le cancer.

Le cancer pulmonaire, avec 3 200 décès par année, est la cause la plus fréquente de décès associée à un cancer en Suisse (1). Chaque année, 4 300 nouveaux cas de cancer pulmonaire sont diagnostiqués (4  363 en 2015, 4  252 en 2014, 4  293 en 2013). Le principal facteur de risque pour le cancer du poumon est le tabagisme, avec un laps de temps de 20 à 30 ans entre l’ incidence et la mortalité. Ceci explique aussi pourquoi, en Suisse, la mortalité chez les patient-e-s du cancer du poumon baisse chez les hommes, mais augmente encore chez les femmes.

Grâce à la computertomographie à faible dose, il est possible de dépister précocement un cancer du poumon

Le cancer pulmonaire a une phase préclinique de plusieurs années, durant laquelle il est détectable, mais souvent asymptomatique ; pendant cette période, un traitement chirurgical efficace et curatif est une option. C’ est pourquoi diverses méthodes de dépistage précoce ont été étudiées ces 20 dernières années. La computertomographie à faible dose (LDCT) est un procédé d’ imagerie sensible qui permet de détecter le cancer pulmonaire à un stade précoce. Aujourd’ hui, de plus en plus de preuves démontrent qu’ une stratégie de diagnostic et thérapeutique adéquate peut faire baisser le taux de mortalité, non seulement pour le cancer pulmonaire mais la mortalité de manière générale. L’ étude américaine du National Lung Screening Trial (NLST) a pu abaisser la mortalité liée au cancer du poumon de 20 % (réduction du risque relatif), ce qui correspond à un «number needed-to-screen» d’ environ 320 pour prévenir un décès par cancer pulmonaire (2). A la conférence mondiale du cancer pulmonaire en 2018, les résultats de l’ étude NELSON – menée en Hollande et en Belgique – avaient été présentés pour la première fois. Il avait été démontré que la mortalité liée au cancer pulmonaire pouvait baisser de 26 % (3). Au sein d’ un sous-groupe de femmes, le dépistage par LDCT avait même pu permettre de faire baisser le taux de mortalité de 50 %. L’ étude NELSON est importante, car elle analyse les nodules pulmonaires suspects avec la volumétrie, ce qui permet de réduire significativement les faux positifs, en comparaison avec le NLST. L’ étude italienne MILD et l’ étude allemande LUSI, publiées récemment, ont pu démontrer sur une période de 8-10 ans l’ avantage d’ un dépistage précoce par LDCT, avec 36 à 39 % de réduction du risque relatif de mortalité du cancer pulmonaire et une réduction du risque relatif de la mortalité générale de 20 % (4, 5). Il devient ainsi évident qu’ un dépistage précoce peut permettre de sauver des vies.
En outre, une étude de micro-simulation, publiée il y a peu, a pu démontrer qu’ en Suisse cela serait fort probablement une intervention efficiente au niveau des coûts (environ 30 000 francs suisse par année de vie sauvée) (6). Les États-Unis, la Grande Bretagne et la Pologne sont pour l’ instant les seuls pays où un programme de dépistage par LDCT est mené ou en préparation sur le conseil de plusieurs communautés d’ experts. En Europe, de nombreux pays attendent la publication de l’ étude NELSON et le renouvellement de l’ évaluation des technologies de santé, sur laquelle sera basée l’ introduction d’ un programme de dépistage du cancer pulmonaire. Cette hésitation est en partie imputable au taux de résultats d’ analyses faussement positifs du NSLT, avec de potentiels effets secondaires dû à un diagnostic invasif, des examens ou traitements supplémentaires. Bien que le dépistage par LDCT sera fort probablement efficace au niveau des coûts (cela reste relatif), il faut prendre en compte des surcoûts substantiels (soit des coûts absolus) : avec un taux de participation au dépistage de 10 % sur la population potentiellement à risque, on peut chiffrer une surcharge de 16 millions de francs par année en Suisse.
Le dépistage précoce par LDCT est déjà proposé depuis de nombreuses années à des personnes asymptomatiques par des prestataires suisses, notamment une fondation (http://www.lungendiagnostik.ch), avec des hôpitaux privés associés.
Aujourd’ hui, il existe en Suisse un vide pour le dépistage du cancer pulmonaire. Pour une mise en œuvre et un financement durable d’ un programme de dépistage par LDCT de haute qualité, il sera nécessaire de prendre en compte, dans la stratégie future, divers groupes d’ intérêts, des potentiel-le-s participant-e-s aux prestataires de service en passant par divers acteurs du domaine de la santé.

Données actuelles et preuves

Il a été tenté de calculer l’ impact, l’ efficience des coûts, la viabilité et le financement du dépistage par LDCT en Suisse. Comme déjà mentionné, une étude de modélisation a pu montrer que le dépistage par LDCT du cancer du poumon pourrait réduire la mortalité en Suisse à un rapport acceptable entre le risque et les coûts– sachant que le pays a un haut taux de fumeurs. Bien que la viabilité n’ ait pas été systématiquement étudiée pour l’ instant, des premières expériences à l’ hôpital universitaire de Zürich montrent que pour intégrer un programme de dépistage dans l’ actuelle routine clinique, il faut prendre en compte des ressources de personnel substantielles, une adaptation du processus ainsi que des infrastructures adaptées. Ainsi, pour répondre aux exigences d’ un programme de dépistage par LDCT du cancer du poumon, il est nécessaire d’ avoir une équipe spécifique au sein de radiologie, pneumologie et chirurgie thoracique (Pr T. Frauenfelder, communication orale). En outre, ces adaptations ne concernent que les personnes souhaitant vraiment se soumettre à un dépistage (probablement environ 10-20 %). Il n’ existe encore aucune structure pour être informé au sujet d’ un programme de dépistage et du processus de prise de décision. Dans d’ autre pays, comme la Pologne, ce premier pas se fait auprès du médecin de famille, alors qu’ en Suisse, on pourrait imaginer que cela se fasse autant auprès du médecin de famille qu’ auprès d’ une organisation de la santé, comme par exemple la Ligue Pulmonaire.

Le CH-LSIG (Lung Cancer Screening Implementation Group ou groupe suisse d’ implémentation du dépistage du cancer du poumon) a publié un communiqué au sujet du dépistage par LDCT du cancer du poumon dans lequel il établit les exigences de bases pour un futur programme de dépistage précoce (7). Dans ce communiqué, un groupe cible à risque de 300 000 femmes et hommes est défini comme potentiellement qualifié pour faire recours à un dépistage par LDCT. Le groupe d’ expert-e-s conclut qu’ un programme de dépistage dans tout le pays serait faisable, grâce à la répartition géographique des centres de santé et des prestataires de service qui peuvent proposer un dépistage, ainsi qu’ à la nature sélective de l’ examen.

Les données concernant le financement d’ un programme de dépistage du cancer du poumon sont pour l’ instant incomplètes. Bien que l’ étude de modélisation mentionnée plus haut suppose qu’ un tel programme de dépistage précoce pourrait selon toute probabilité être mis en œuvre avec un rapport coût-bénéfice acceptable de moins de 100 000 francs suisses par année de vie sauvée, certains points concernant les coûts absolus et la répartition entre les potentiels porteurs de coûts (assurances maladies, patient-e-s ayant recours au programme de dépistage et des organisations à but non-lucratif comme la Ligue Pulmonaire) restent à éclaircir.
L’  Office fédéral de la santé publique (OFSP) a repoussé l’ évaluation et la décision de l’ établissement d’ un programme national de dépistage du cancer du poumon jusqu’ à la publication des données de l’ étude NELSON.
Les données disponibles à ce jour sont également insuffisantes en ce qui concerne la volonté des participant-e-s potentiel-le-s au programme de dépistage de prendre en charge une partie des coûts ou la possibilité que les prestataires de services prennent en charge les coûts pour les ressources nécessaires en personnel et l’adaptation de l’infrastructure.
A l’ occasion de la conférence mondiale du cancer pulmonaire en septembre 2018, les résultats de l’ étude NELSON ont été présentés, montrant une réduction relative du risque de 26% auprès des hommes – ce qui a provoqué un large soutien au niveau international des société médicales pour la mise en place de programmes de dépistage nationaux (3). Cette idée s’ était déjà propagée à la publication de 2017 du «European position statement on lung cancer screening» (8). A l’ heure actuelle, un programme de dépistage est démarré en Pologne et au Royaume Uni, le NHS est en train d’étendre le programme pilote existant. La société européenne pour les images thoraciques (European Society for Thoracic Imaging, ESTI) est en train d’ établir un processus de certification des radiologues pour le dépistage du cancer du poumon. Cette action est soutenue par les sociétés européennes pour la radiologie et se base sur des webinars ainsi que des cours sur le diagnostic de nodules pulmonaires et l’ utilisation de l’ aide au diagnostic médical (computer-aided diagnosis, CAD).
Il reste, malgré tout, plusieurs questions fondamentales sans réponses jusqu’ ici, ce qui pourra être illustré par le processus de dépistage (schéma 1). Un aspect important est le fait que le dépistage du cancer du poumon est bien plus complexe que la réalisation d’un seul test de dépistage. Le processus commence par l’ information des participant-e-s issu-e-s de la population à risque (par exemple catégorie d’ âge de 60 à 80 ans et au moins 30 paquets par année ou des critères supplémentaires/autres). Le but est que les participant-e-s du programme de dépistage puissent prendre une décision informée de se soumettre ou non à un dépistage par LDCT. Une consultation a lieu après le premier LDCT, afin de discuter des résultats de l’ examination, des facteurs de risque et de décider quels examens encore mener. Dans le cas de lésions suspectes, cela pourrait signifier une procédure de diagnostic ou d’ autres contrôles par la suite. Ce processus de dépistage peut aussi mener à un traitement, qui comprend également un monitoring spécifique.
Il existe de plus en plus de preuves scientifiques en faveur de chaque étape de la procédure du dépistage. Les études NSLT, MILD, LUSI et NELSON, ainsi que l’ étude de modélisation de Tomonaga et al. vont permettre une évaluation future détaillée du processus par son utilité, les effets secondaires et les coûts.

Pertinence du dépistage du cancer pulmonaire dans le contexte suisse

En Suisse et en Europe, le cancer pulmonaire présente le taux de mortalité associé au carcinome le plus élevé, surtout en raison d’un diagnostic tardif à un stade avancé, qui ne permet plus une approche thérapeutique curative. Plusieurs études sur le dépistage du cancer du poumon avec le LDCT montrent clairement une réduction significative de la mortalité liée au cancer du poumon.
Aujourd’ hui, des programmes de dépistage du cancer du poumon sont mis en place aux États-Unis, et plusieurs pays européens en font de même. En Suisse, un débat politique a lieu en ce moment à propos des coûts des soins de la santé, avec des critiques envers les mesures de prévention mises en place, comme le programme de dépistage du cancer du sein. C’ est pourquoi la future prévention du cancer pulmonaire nécessitera l’établissement d’un programme de dépistage fondé sur des données probantes, ainsi que l’ implication active des groupes de personnes concernées.
Le CH-LSIG soutient donc un programme coordonné au niveau national pour la collecte et l’évaluation scientifique des données et des résultats. Le CH-LSIG ne recommande pas de dépistage « opportuniste », mené en dehors d’un programme. Toutefois, si les patient-e-s souhaitent tout de même subir un examen par LDCT, ils/elles doivent être informé-e-s à l’avance des risques et des bénéfices.
Un futur programme suisse devrait être établi avec une approche « bottom-up », incluant les différentes parties prenantes et accompagné scientifiquement par une analyse de la mise en œuvre – l’ objectif principal étant de réduire la mortalité liée au cancer du poumon et les résultats faussement positifs.
Une stratégie aussi large et inclusive vise à intégrer toutes les parties prenantes au cours du processus de mise en œuvre, ce qui constitue une approche novatrice tant au niveau national qu’international. La Suisse peut donc jouer un rôle important dans l’introduction d’un programme de dépistage du cancer du poumon par LDCT, basé sur les meilleures preuves disponibles et utilisant les forces du système de santé suisse.

Questions ouvertes sur la faisabilité

  • Quelles organisations sont en contact avec les participant-e-s potentiel-le-s à un dépistage, issu-e-s de la population à risque ?
  • Quels critères définissent la population à risque, pour établir un «number needed to screen» et un «number harmed» ?
  • Quels aspects entravent et quels sont ceux qui simplifient la mise en place durable d’un programme de dépistage par LDCT pour les prestataires de soins de santé ?
  • Quels prestataires de soins de santé mettent en place des équipes interdisciplinaires et fournissent l’infrastructure nécessaire pour offrir un programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment intègre-t-on le sevrage tabagique dans le programme de dépistage par LDCT afin atteindre le nombre maximum de fumeurs et fumeuses ?
  • Quel régime de dépistage la Suisse devrait-elle utiliser, quels sont les détails du programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment et par qui les nodules sont-ils détectés, analysés et signalés, quel algorithme est mis en œuvre pour la gestion ?
  • Quelles sont les possibilités de collecte de données, de registre et de programme de d’accompagnement de qualité en Suisse ?

Questions ouvertes sur le financement et la durabilité :

  • Comment sont financées l’information, les consultations et la spirométrie avant le LDCT ? Les participant-e-s seraient-ils/elles prêt-e-s à assumer eux-mêmes une partie des coûts ?
  • Est-ce qu’ une taxe supplémentaire sur le tabac pourrait financer une partie du programme de dépistage par LDCT ?
  • A quelle hauteur l’ assurance maladie obligatoire devrait-elle contribuer pour assurer une mise en place durable d’un programme de dépistage par LDCT ?
  • Comment les prestataires de service de la santé financent-ils les ressources humaines, les équipements techniques, la formation et les infrastructures supplémentaires, indépendamment du remboursement par les caisses d’assurance maladie ?
  • Comment sont financés la collecte de données, les registres et les programmes de qualité ?
  • Comment sont traitées les découvertes fortuites (par exemple, les maladies cardiovasculaires) pour éviter des coûts élevés et inutiles pour le système de santé ?

Le CH-LSIG (Lung Cancer Screening Implementation Group)

J. Plojoux (Hôpitaux Universitaires de Genève), A. Azzola (Luzerner Kantonsspital), J. Bremerich (Universitätsspital Basel), U. Bürgi (Luzerner Kantonsspital), M. Brutsche (Kantonsspital St. Gallen), A. Christe (Insel- spital und Tiefenauspital), L. Ebner (Inselspital), C. Eich (Zürich), D. Franzen (Universitätsspital Zürich), A. Flatz (Krebsliga Schweiz), Ph. Giroud (Lungenliga Schweiz), J. Heverhagen (Inselspital), N. Horwarth (Clinique des Grangettes), M. Kohler (Universitätsspital Zürich), A. Lovis (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), R. Meuli (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), M. Menig (BAG), X. Montet (Hôpitaux Universitaires de Genève), L. Nicod (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), T. Niemann (Kantonsspital Baden), H.-B. Ris (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois), D. Schneiter (Universitätsspital Zürich), S. Stöhr (SUVA), P. Vock (BAG), W. Weder (Universitätsspital Zürich)

Prof. Dr. méd. Paola Gasche-Soccal, Service de Pneumologie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Genève
Dr. méd. Catherine Beigelmann-Aubry, Service de Radiodiagnostic et Radiologie Interventionnelle, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne
Prof. Dr. méd. Thomas Frauenfelder, Institut für diagnostische und interventionelle Radiologie, Universitätsspital Zürich, Zürich
Prof. Dr. méd. Oliver Gautschi, Medizinische Onkologie, Luzerner Kantonsspital, Luzern
Prof. Dr. méd. Isabelle Schmitt-Opitz, Klinik für Thoraxchirurgie, Universitätsspital Zürich, Zürich
Dr. méd. Yuki Tomonaga, Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention, Universität Zürich, Zürich
Prof. Dr. méd. Stefan Neuner-Jehle, Kollegium f. Hausarztmedizin, Zürich
Prof. Dr. méd. Oliver Senn, Institut für Hausarztmedizin, Universität Zürich, Zürich
Dr. méd. Alexander Turk, Klinik für Innere Medizin, See-Spital, Horgen und Kilchberg
Prof. Dr. méd. Milo Puhan, Institut für Epidemiologie, Biostatistik und Prävention Institute, Universität Zürich, Zürich

Article traduit de «onkologie » 05_2019.

Prof. Dr. med.Christophe von Garnier

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Lausanne

christophe.von-garnier@chuv.ch

1. Specific causes of death. https://www.bfs.admin.ch/bfs/en/home/statistics/health/ state-health/mortality-causes-death/specific.html (accessed April 24, 2019).
2. Aberle DR, Adams AM, Berg CD, Black WC, et al. Reduced lungcancer morta- lity with lowdose computed tomographic screening. N Engl J Med. 2011 Aug 4;365(5):395-409.
3. De Koning H, Van Der Aalst C, Ten Haaf K, Oudkerk M. PL02.05 Effects of Volu- me CT Lung Cancer Screening: Mortality Results of the NELSON Randomised- Controlled Population Based Trial. J Thorac Oncol 2018; 13: S185.
4. Pastorino U, Silva M, Sestini S, et al. Prolonged Lung Cancer Screening Redu- ced 10-year Mortality in the MILD Trial. Ann Oncol 2019; published online April 1. DOI:10.1093/annonc/mdz117.
5. Becker N, Motsch E, Trotter A, Heussel CP, et al. Lung cancer mortality reduction by LDCT screening-Results from the randomized German LUSI trial. Int J Cancer. 2019 Jun 4. doi: 10.1002/ijc.32486.
6. Tomonaga Y, ten Haaf K, Frauenfelder T, et al. Costeffectiveness of low-do-se CT screening for lung cancer in a European country with high preva-lence of smoking—A modelling study. Lung Cancer 2018. DOI:10.1016/j.lung- can.2018.05.008.
7. Frauenfelder T, Puhan MA, Lazor R, et al. Early detection of lung cancer: A statement from an expert panel of the swiss university hospitals on lung cancer screening. Respiration 2014; 87: 254–64.
8. Oudkerk M, Devaraj A, Vliegenthart R, et al. European position statement on lung cancer screening. Lancet Oncol. 2017. DOI:10.1016/S1470-2045(17)30861-6.