Les mesures hygiéno-diététiques font partie intégrante du traitement du diabète gestationnel et ont un impact significatif sur l’évolution du profil glycémique. Les recommandations pour le diabète gestationnel préconisent l’équilibre alimentaire avec un apport nutritionnel adéquat, notamment pour les glucides. Une bonne répartition des glucides sur la journée et la consommation d’aliments complets sont indiqués. La pratique de régimes spécifiques ou de croyances peut avoir un impact sur la consommation des glucides en péjorant le profil glycémique de la patiente.
Dietary measures are an integral part of treatment of gestational diabetes and have a significant impact on changes in glycemic profile. Recommendations for gestational diabetes include a balanced diet with adequate nutritional intake, particularly of carbohydrates. Carbohydrates should be distributed evenly throughout the day and the intake of whole foods should be encouraged. Specific diets or beliefs may have an impact on the carbohydrate consumption, that subsequently can adversely affect the patient’s glycemic profile. Keywords: Gestational diabetes, Nutrition, Carbohydrates, Ketones, Fiber
Introduction
Le diabète gestationnel (DG) est diagnostiqué par une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) contenant 75 g de glucose, réalisée entre la 24 et 28ème semaine de grossesse (1). Un DG augmente le risque de développer un diabète de type 2 en post-partum (7 x plus fréquent) (2), ainsi que des maladies cardio-vasculaires (3). En première intention, l’ activité physique et les mesures hygiéno-diététiques sont les deux axes d’ intervention favorisés. Si le profil glycémique ne s’ améliore pas, des injections d’ insuline peuvent être nécessaires. Cet article abordera uniquement les mesures hygiéno-diététiques proposées lors du diagnostic d’ un DG.
Equilibre alimentaire
Assiette équilibrée
Les mesures hygiéno-diététiques recommandées en cas de DG sont très proches de l’ alimentation équilibrée préconisée pour tout un chacun. Les études actuelles recommandent des apports caloriques similaires à ceux des femmes enceintes sans DG (4), avec une répartition des repas sur deux à trois prises par jour selon les habitudes alimentaires de la patiente. Selon le niveau de faim, il est possible d’ introduire une à deux collations par jour, à consommer en dehors des horaires de contrôle glycémique (soit après les 2 h post-prandiales). D’ après la Société Suisse de Nutrition (SSN), la répartition des aliments dans l’ assiette devrait se faire comme suit: 2/5 de légumes, 2/5 de féculents et 1/5 d’ aliments protéiques (5).
Trois Messages clés au niveau diététique
Dès la détection du DG, les gynécologues peuvent transmettre des premiers conseils diététiques pouvant favoriser une amélioration des glycémies.
1 Privilégier un petit déjeuner faible en glucides
En Suisse, les habitudes alimentaires comprennent habituellement un petit déjeuner à base de pain blanc, de beurre et de confiture. Une consommation importante de glucides lors du petit déjeuner pourrait péjorer la valeur glycémique post-prandiale. Un petit-déjeuner salé à base de composantes protéiques non glucidiques (fromage, œuf) pourra être favorisé. Il est encouragé de supprimer la consommation de jus de fruits ou de thé/café sucrés en préconisant la consommation de boissons non sucrées. Afin d’ améliorer l’ absorption du fer, on pourra conseiller l’ utilisation du kiwi, riche en vitamine C (environ 80 mg/100 g) pour substituer le jus d’ orange.
2 Favoriser les aliments complets
La majoration des fibres alimentaires est un des premiers axes des mesures hygiéno-diététiques proposées dans le cadre du DG. Il existe deux types de fibres ayant toutes deux un impact positif sur le prolongement de la sensation de satiété. Les fibres insolubles permettent de faciliter le transit des selles dans l’ intestin agissant en prévention de la constipation, problématique fréquente dans la grossesse. Les fibres solubles ralentissent le fonctionnement des enzymes digestives par leur viscosité (6). Cet effet peut réduire les pics de glycémies postprandiales (7). La majorité des aliments complets contiennent à la fois des fibres solubles et insolubles. Ces deux types de fibres augmentent la satiété, de ce fait une majoration de la consommation d’ aliments complets peut être proposée. Un aliment est qualifié de «riche en fibres» s’ il contient au moins 6 g de fibres alimentaires par 100 g (8).
3 Autoriser les doubles-féculents en adaptant la consommation totale
Il est fréquent d’ entendre les soignants déconseiller la prise de doubles féculents chez les patientes présentant un DG, telle que la combinaison de légumineuses et de céréales. En effet, la consommation de doubles féculents entraîne usuellement un dépassement des 2/5 de féculents préconisés par l’ assiette optimale. Cependant, lorsque l’ apport total en féculents correspond à la répartition de l’ assiette de la SSN, il n’ est pas nécessaire de demander un arrêt du mélange du féculent. Consommer un féculent unique pourrait même être délétère. Si une patiente consomme du riz et des lentilles proportionnées selon les 2/5 d’ une assiette accompagnée de légumes et de viande, il serait désavantageux de lui demander de consommer uniquement du riz. Une telle suppression impliquerait la perte de l’ effet bénéfique des fibres contenues dans les lentilles. (Fig. 1)
Régimes
Régime cétogène
Selon l’ American Diabetes Association (ADA), il convient d’ éviter, dans le cadre du DG, des régimes qui restreignent fortement toute catégorie de macronutriments, en particulier le régime cétogène (very low carb) (4). Ce régime contient principalement des lipides et des protéines mais très peu de glucides, entre 20 et 50 g par jour. En dessous de 50 g une augmentation des corps cétoniques est prévisible. À hautes concentrations, ils risquent d’ affecter la grossesse ainsi que le développement neurocognitif fœtal (9). Nous préconisons une mesure des cétones lorsque le régime alimentaire apporte moins de 100 g de glucides, peu répartis sur la journée. Une mesure des cétones est obligatoire lorsque l’ apport glucidique est inférieur à 50 g. Cette mesure est effectuée en capillaire après une nuit à jeun. Une valeur de 0.6mmol/l chez la femme enceinte signifie une élévation significative (10). Comme les valeurs rapportées chez des femmes sans DG sont de 0.1-0.2 mmol/l, nous avons choisi un seuil de précaution à 0.3 mmol/l (10). De plus, remplacer les glucides par des protéines et des graisses d’ origine animale peut augmenter la lipolyse, favoriser l’ élévation des acides gras libres et aggraver la résistance à l’ insuline (4). De ce fait, il n’ est pas conseillé à une femme de poursuivre un régime cétogène dans le cadre d’ une grossesse, avec ou sans DG.
Croyances/Régimes et Jeûne religieux
Croyances/Régimes.
Suite à l’ annonce d’ un DG, il faut s’ assurer que la patiente ne réduise pas de façon drastique ses apports glucidiques, dans une volonté d’ optimiser ses valeurs glycémiques. Les principales sources de glucides supprimées en première intention sont généralement les féculents, qui ont le rôle de «carburant énergétique» de l’ organisme. Les recommandations préconisent un apport glucidique réparti en 3 repas moyens. Il est donc nécessaire de viser une bonne répartition des glucides sur la journée tout en favorisant des glucides riches en fibres, tels que les légumineuses.
Une attention particulière devrait être portée aux femmes avec une maladie cœliaque ou une intolérance au gluten, car les produits sans gluten peuvent être plus riches en glucides et avoir une plus faible teneur en fibres.
Jeûne Religieux: Le Ramadan.
Le jeûne est une coutume répandue dans plusieurs communautés religieuses, dont la pratique du Ramadan pour la religion musulmane. Le Ramadan implique que la prise alimentaire se fasse uniquement le matin tôt avant le lever du soleil (suhoor) et après le coucher du soleil (iftar). L’ outil de stratification IDF DAR (International Diabetes Federation – Diabetes and Ramadan Alliance) a été conçu afin de quantifier le risque chez les patientes ayant exprimé leur intention de jeûner pendant le Ramadan (11). Selon le résultat du score, le jeûne ne sera pas préconisé lors d’ une grossesse avec DG. Le risque d’ augmentation des corps cétoniques est majoré par le jeûne et par la grossesse. Le seuil des corps cétoniques à 0.3 mmol/l avant le repas pourrait être un choix résonné afin d’ accompagner la patiente vers une sortie du Ramadan. En cas de maintien du Ramadan, la limitation de prises d’ aliments très riches en glucides, tels que les jus de fruits, peut être conseillée, tout en favorisant la consommation de fibres ainsi qu’ une bonne hydratation.
Végétalisme
Le végétalisme ou véganisme est une forme d’ alimentation qui exclut tous les produits d’ origine animale, à l’ exception du lait maternel. Dans la grossesse, les besoins en protéines de la mère sont augmentés (12). Il est donc nécessaire d’ avoir une couverture protéique suffisante. L’ éviction des protéines animales nécessite une diversification des sources de protéines végétales. L’ alimentation végétalienne se compose principalement de légumineuses, de tofu, de tempeh, de boissons et de yogourts à base de soja, de céréales ou encore de fruits à coques (13). L’ utilisation de protéines végétales sous forme de légumineuses ou de céréales présente le risque d’ augmenter la quantité de glucides à chaque repas, impactant ainsi le profil glycémique de la patiente. Au-delà du cadre du DG, l’ alimentation végétalienne peut amener des carences en acides gras oméga –3, en fer, en zinc, en iode, en calcium, en vitamine D et B12 (14). Une alimentation végétalienne dans le cadre d’ un DG n’ est pas recommandée, elle requiert des connaissances diététiques très spécifiques pour prévenir les risques de carences sur la grossesse et en post-partum, tout en impliquant un risque de majoration des apports glucidiques sur la journée.
Conclusion
Selon l’ Endocrine Society, un suivi diététique est recommandé pour toutes les femmes enceintes souffrant d’ un DG (15). Le rôle de la diététicienne consiste à proposer des adaptations alimentaires en fonction de l’ appétit de la patiente, de ses préférences, de sa courbe pondérale et de son IMC de pré-grossesse, de l’ évolution de ses glycémies et si nécessaire de la prescription de l’ insuline. L’ enjeu est de favoriser l’ équilibre glycémique, tout en assurant un apport nutritionnel adéquat et en limitant la prise pondérale de la patiente selon les recommandations. La restriction et les régimes spécifiques dans le cadre du DG peuvent entrainer des risques pour la femme enceinte et pour le fœtus. Leurs pratiques doivent donc être contrôlées par une équipe médicale qualifiée.
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Cet article est une deuxième tirage de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 09_2024.
Olivier Le Dizès
Diabetesberater
CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne
Anaëlle Pignolet-Marti
Ernährungsberaterin SVDE
CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne
Sybille Schenk
Ernährungsberaterin SVDE
- CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne
- CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Service d’obstétrique
Avenue Pierre-Decker 2
1011 Lausanne
Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’ intérêts potentiels.
Les études actuelles recommandent aux femmes présentant un diabète gestationnel (DG) des apports caloriques similaires à ceux des femmes enceintes sans DG.
La majoration des fibres alimentaires est un des premiers axes des mesures hygiéno-diététiques proposées dans le cadre du DG.
Nous préconisons une mesure des cétones lorsque le régime alimentaire apporte moins de 100 g de glucides par jour, peu répartis sur la journée.
Un suivi diététique est à recommander pour toutes les femmes avec une prise de poids excessive dans les premiers mois de grossesse ou présentant un IMC de départ élevé.
1. International Association of Diabetes and Pregnancy Study Groups Recommendations on the Diagnosis and Classification of Hyperglycemia in Pregnancy. Diabetes care 2010;33:676-680
2. Bellamy L, Casas JP, Hingorani AD, Williams D. Type 2 diabetes mellitus after gestational diabetes: a systematic review and meta-analysis. The Lancet. 2009;373(9677):1773-1779. doi:10.1016/S0140-6736(09)60731-5
3. Kramer CK, Campbell S, Retnakaran R. Gestational diabetes and the risk of cardiovascular disease in women: a systematic review and meta-analysis. Diabetologia. 2019;62(6):905-914. doi:10.1007/s00125-019-4840-2
4. American Diabetes Association. Management of Diabetes in Pregnancy: Standards of Care in Diabetes—2024. Diabetes Care 2024;47:282–294
5. Société Suisse de Nutrition. Assiette optimale [En ligne].[cité le 23 avril 2024]. Disponible: Feuille_d_info_assiette_optimale_2016_2.pdf (sge-ssn.ch)
6. Schenk S, Andrey M, De Giorgi S, Le Dizes O & J.Puder, J. Quelle place pour une alimentation low-carb ou à index glycémique bas dans le diabète gestationnel ? Rev Med Suisse 2021 ;17:1083-6
7. Jovanovski E, Khayyat R, Zurbau A et al. Should viscous fiber Supplements be considered in Diabetes Control ? Results from a Systematic review and Meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Care 2019;42:755-66
8. Ordonnance du DFI concernant l’ information sur les denrées alimentaires (RS 817.022.16) (État le 1er février 2024).
9. De Giorgi S, Kosinski C, Legardeur H, Le Dizes O & J.Puder J. Le rôle des cétones dans la grossesse. Forum Médical Suisse. 2022;22(38):44-48
10. Laffel L. Ketone bodies: a review of physiology, pathophysiology and application of monitoring to diabetes. Diabetes Metab Res Rev. 1999;15:412–26
11. Hassanein M, Al-Arouj M, Hamdy O, Bebakar WMW, Jabbar A, Al-Madani A, et al. Diabetes and Ramadan: Practical guidelines. Diabetes Res Clin Pract 2017;126:303-16
12. Centre de Ressources et d’Informations Nutritionnelles. Références nutritionnelles pendant la grossesse et l’ allaitement [En ligne]. [cité le 23 avril 2024]. Disponible: Références nutritionnelles pendant la grossesse et l’allaitement – Populations – Cerin
13. Société Suisse de Nutrition. L’ alimentation de la femme enceinte [En ligne]. [cité le 23 avril 2024]. Disponible: Feuille_d_info_femme_enceinte-2019.pdf (sge-ssn.ch)
14. Müller P, Rose K, Hayer A, Petit L.M & Laimbacher J. (2020). Guide d’ alimentations végétarienne et végétalienne pour nourrissons et enfants en bas âge. [En ligne]. [cité le 7 mai 2024]. Disponible: 2020.03.11-FR_Handlungsanweisungen_vegetarische_vegane_Ernahrung-1.pdf (paediatrieschweiz.ch)
15. Blumer I, Hadar E, Hadden DR, Jovanovič L, Mestman JH, Murad MH, Yogev Y. Diabetes and pregnancy: an endocrine society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab. 2013 Nov;98(11):4227-49
Les «Recommandations pour le diagnostic et le traitement des symptômes comportementaux et psychiques de la démence (SCPD)» ont été élaborées parallèlement à la Stratégie nationale suisse sur la démence 2014–2019, sous la houlette de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA). Elles constituent le début d’ une série de recommandations concernant les troubles psychogériatriques. Fondées sur l’ expérience clinique des experts et conçues pour être utilisées dans un contexte interprofessionnel et interdisciplinaire, elles représentent l’ état actuel des connaissances sur le diagnostic et la thérapie. Les options d’ intervention non pharmacologique et la pharmacothérapie sont discutées en détail. Cette publication est la version révisée de la publication de 2014. Elle compile les développements dans ce domaine pour la pratique clinique quotidienne.
The «Recommendations for the Diagnosis and Treatment of Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia (BPSD)» were developed in parallel with the Swiss National Dementia Strategy 2014–2019 under the auspices of the Swiss Society of Old Age Psychiatry and Psychotherapy (SGAP) and mark the beginning of a series of recommendations for geriatric psychiatric disorders. They depict the evidence-based state of knowledge about diagnostics and therapy, based on the clinical experience of the experts, and are designed for interprofessional and interdisciplinary use. The non-pharmacological intervention options and pharmacotherapy are discussed in detail. This paper is the revised version of the 2014 publication and compiles the development in this area for everyday clinical practice.
Les pathologies de la démence s’ accompagnent de troubles cognitifs, mais également d’ une série de symptômes psychiatriques qui en rendent l’ évolution difficile et représentent un lourd fardeau pour les personnes concernées et pour celles qui les prennent en charge (1–3). Les symptômes comportementaux et psychiques de la démence (SCPD) comprennent des manifestations telles que l’ apathie, la dépression, l’ euphorie, l’ anxiété, l’ agitation/agressivité, le délire, les hallucinations, l’ agitation motrice, l’ irritabilité, la désinhibition (sexuelle et/ou l’ hypo-oralité/ l’ hyperoralité) et les troubles du sommeil. Au cours de leur maladie, presque toutes les personnes atteintes d’ une démence développent divers SCPD, les plus répandus étant l’ apathie et la dépression (3). La dépression apparaît surtout dans la phase précoce de la démence et peut constituer une symptomatique prodromique. Les symptômes psychotiques surviennent plutôt dans une phase tardive. Les troubles du sommeil se manifestent par une diminution de la durée du sommeil nocturne, la fragmentation du sommeil avec davantage de phases d’ éveil, une fatigue diurne, la réduction de la phase REM et le sundowning – caractérisé par une anxiété, une agitation et un état confusionnel à l’ approche du soir. Le diagnostic et le traitement des SCPD sont rendus plus complexes par la polymorbidité et la fragilité observées dans ce groupe d’ âge, ainsi que par la polypharmacie qui en découle. Lors de la pose des indications thérapeutiques, il est donc essentiel de bien évaluer la situation et de choisir, parmi les possibilités de traitement à disposition, celles qui sont le plus adaptées, sur la base des données scientifiques.
En 2014, sous la houlette de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA), un groupe d’ experts interprofessionnel et interdisciplinaire a élaboré des Recommandations pour le diagnostic et le traitement des symptômes comportementaux et psychiques de la démence, en version longue et abrégée (1, 2). De 2021 à 2023, ces recommandations ont été révisées et étendues. Elles sont disponibles depuis 2024 sous forme de manuel complet (3). La présente version abrégée repose sur le manuel susmentionné. Elle propose un résumé des principaux thèmes à l’ intention d’ un large public. Les deux publications visent à exposer les principes du diagnostic et du traitement des SCPD sur la base des preuves scientifiques actuelles et de l’ expérience clinique.
Introduction
Les études contrôlées font souvent défaut pour les médicaments utilisés en psychiatrie de la personne âgée, et on enregistre très peu de nouvelles autorisations. Il faut donc pallier ce manque de données probantes par des recommandations d’ experts consensuelles – comme le propose le présent document pour les SCPD – afin d’ intégrer l’ expérience clinique dans ce domaine. C’ est avant tout pour les approches thérapeutiques non médicamenteuses que les preuves scientifiques manquent. Ces recommandations visent à les mettre en avant et à les appuyer par l’ expertise clinique. Étant donné que dans ce groupe de patients présentant des polymorbidités, les psychotropes s’ accompagnent souvent d’ effets secondaires et de risques d’ interactions, les recommandations préconisent en première intention des thérapies non médicamenteuses. Celles-ci doivent en outre se poursuivre même s’ il y a prescription de psychotropes.
Les présentes recommandations sont élaborées dans une démarche interprofessionnelle et interdisciplinaire, qui correspond à l’ approche holistique des pathologies gériatriques. L’ application des traitements – non médicamenteux surtout – et l’ évaluation standardisée nécessitent un personnel soignant, thérapeutique et médical spécialisé, qui bénéficie de formations régulières et de supervisions en psychiatrie de la personne âgée. Il convient également de disposer de divisions spécialement équipées, proposant une infrastructure adaptée aux personnes âgées et qui favorise l’ activation, la participation, le bien-être, la mobilité et l’ orientation (3). La pharmacothérapie des SCPD pose une difficulté particulière: pour les antipsychotiques p. ex., seules deux substances sont autorisées pour ces indications (halopéridol et rispéridone), et l’ utilisation d’ autres médicaments se fait hors étiquette. Cela est fondamentalement possible si le traitement est dispensé selon les règles reconnues de l’ art médical et qu’ un devoir étendu et suffisant d’ information et de documentation est respecté. Néanmoins, cette procédure est complexe. En effet, la capacité de jugement de la personne concernée est altérée en raison de sa maladie, ce qui rend son information difficile et nécessite un investissement important pour l’ établissement du plan de traitement. Dès lors, toutes les options thérapeutiques ne sont souvent pas disponibles, ce qui peut engendrer des problèmes éthiques et thérapeutiques (3).
Facteurs pathogéniques
Sphère neurobiologique
L’ apparition des SCPD est favorisée notamment par des altérations structurelles et des modifications au niveau des neurotransmetteurs (3). Dans la plupart des cas, le cortex cingulaire antérieur et le cortex orbitofrontal sont concernés. Les troubles du système fronto-limbique, relié à l’ hippocampe, à l’ amygdale, au noyau caudé et au cortex frontal, sont responsables de la dépression, tandis que les lésions du circuit cingulaire antérieur sous-cortical peuvent entraîner l’ apathie. En cas d’ agitation, on constate souvent un déficit sérotoninergique – avec une fonction dopaminergique relativement bien conservée – et une hyperactivité des neurones noradrénergiques post-synaptiques. La survenue des symptômes psychotiques est liée à la voie mésolimbique dopaminergique ainsi qu’ aux systèmes sérotoninergique et glutamatergique.
Sphère psychosociale
Parmi les facteurs psychiques internes figurent notamment les objectifs que la personne âgée n’ a pas pu réaliser dans sa vie et qui la préoccupent, ainsi qu’ une dissociation entre soi-même et l’ environnement. D’ autres facteurs liés à l’ entourage jouent également un rôle important dans l’ apparition des SCPD. Il peut s’ agir par exemple de la charge pesant sur les proches, du mode de communication des personnes s’ occupant de la prise en charge ou du manque d’ activités quotidiennes agréables et ayant du sens. Selon le modèle de comportement orienté sur les besoins dans le cas de démence, les SCPD sont considérés comme l’ expression de besoins non satisfaits. Ils peuvent aussi être des réactions à des comportements des proches aidants ou des soignants qui déclenchent stress et émotions négatives.
Infrastructure
Des éléments architecturaux et d’ autres facteurs liés à l’ environnement – design et aménagement des locaux, éclairage, bruits, odeurs, température et routines de l’ établissement – peuvent contribuer à l’ apparition de SCPD ou, au contraire, aider à les atténuer. Pour les personnes atteintes de démence, la forme d’ habitat la plus favorable semble être la cohabitation en petits groupes. Une répartition claire et simple des locaux, permettant le déplacement en toute sécurité, des espaces pour la vie sociale, des possibilités de retrait et de tranquillité, ainsi qu’ une chambre individuelle pour garantir la sphère privée constituent des mesures supplémentaires importantes.
Comorbidités
Des facteurs médicaux sont également susceptibles de provoquer des SCPD. À signaler dans ce contexte les infections urinaires, l’ anémie, l’ hypothyroïdie, la constipation, les troubles électrolytiques, l’ insuffisance rénale, l’ hypoxie, les infections, les douleurs, les accidents vasculaires cérébraux, les traumatismes, la perte auditive ou certains médicaments (en particulier les anticholinergiques et les opioïdes).
Collaboration interprofessionnelle et interdisciplinaire – base du diagnostic et du traitement
Le principe de la prise en charge centrée sur la personne tout au long de l’ évolution de la maladie, la polymorbidité, la multifactorialité des SCPD et la nécessité de recourir à des procédures d’ évaluation et à des traitements divers appellent une approche globale, interprofessionnelle et interdisciplinaire. Le succès du traitement dépend de la concertation et de la coordination au sein de l’ équipe, qui permettent d’ adapter la prise en charge en continu, en fonction de l’ observation de la personne concernée. La collaboration interprofessionnelle doit être promue dès la formation et peut être encouragée par des rotations, la supervision, la formation continue ainsi que le développement de conceptions communes et d’ une attitude éthique. Cette approche requiert le financement de la prise en charge coordonnée par des systèmes tarifaires (3).
Approches holistiques et processus structurés
Tandis que, dans la gestion des SCPD, les interventions ponctuelles n’ ont d’ effets qu’ à court terme si l’ environnement des personnes concernées n’ est pas adapté à leurs besoins, les approches holistiques ont de meilleurs résultats, car, autant que possible, elles prennent en compte tous les aspects de la vie et du vécu dans l’ entourage social, de même que les facteurs déclenchants des SCPD. Trois approches ont été étudiées de manière approfondie (3):
Approche centrée sur la personne
La méthode se définit par trois thèmes clés, chacun subdivisé en deux sous-thématiques: le lien avec la personne concernée (incluant une individualisation marquée des soins, axés sur les besoins de la personne, et la prise en compte de la dimension interpersonnelle dans l’ établissement de la relation), le lien avec la pratique (aborder la personne avec respect et empathie, préserver son autonomie et sa sphère privée, et lui accorder l’ espace nécessaire pour bien comprendre et percevoir) et enfin le lien avec les relations de pouvoir (en supprimant les relations de pouvoir inéquitables et en faisant tomber les obstacles dans la culture du travail et les conditions générales). L’ approche repose sur l’ idée que les mesures favorisant la qualité de vie et le bien-être dans les facteurs environnementaux, l’ individualisation des soins et le développement ainsi que la préservation des aptitudes et compétences en matière de soins et d’ accompagnement sont susceptibles d’ influer positivement sur les SCPD.
Le modèle comprend les domaines suivants: facteurs d’ ordre supérieur (politique sanitaire, développement du personnel et ancrage dans l’ orientation stratégique), facteurs concernant le personnel spécialisé (connaissance de soi, compétences professionnelles et motivation), environnement des soins («skill-mix» adapté, processus décisionnels communs, équipe soudée, organisation apte à soutenir et innovation), processus de soins centrés sur la personne (décisions communes, personnel travaillant dans le respect des valeurs et des convictions des personnes concernées, soignant selon une approche holistique, mettant l’ accent sur les aspects relationnels et faisant preuve d’ empathie). Ces conditions et ces processus favorisent des résultats centrés sur la personne (expérience de soins positive, bien-être et culture propice à la santé).
Modèles Eden Alternative et Green house
Ces modèles concernent avant tout les soins de longue durée. Ils visent à supprimer les hiérarchies dans l’ accompagnement, à permettre aux personnes concernées de participer aux décisions et à concevoir la vie en institution comme un environnement de type familial. Ces éléments doivent atténuer la solitude et la perte de sens. Il s’ agit de donner à l’ entourage le caractère le plus privé possible, en favorisant les contacts sociaux et la présence d’ animaux et de plantes. Le modèle Green house prévoit des logements de groupe indépendants comptant au maximum dix résidents et comprenant des locaux communs d’ habitation, un jardin, la possibilité de cuisiner – le tout encadré par un personnel qualifié.
L’ approche Montessori
Le concept a pour but de maintenir et d’ améliorer l’ autonomie, l’ indépendance et la qualité de vie. L’ autocorrection des activités, dans lesquelles la personne concernée reçoit un retour sur le succès de la réalisation, en est un des éléments principaux. L’ activité est démontrée et induite, puis accomplie sans diversion. Elle doit avoir du sens et viser la satisfaction des besoins. Du matériel du quotidien y est intégré. L’ activité est mise en œuvre par étapes et un retour est donné une fois l’ activité achevée. Les lectures à voix haute ou les jeux de rôles se prêtent particulièrement bien aux activités de groupe. Il s’ agit pour les personnes concernées d’ expérimenter des sentiments positifs et des succès.
Processus structurés
Pour atténuer durablement les SCPD, il convient de trouver chez la personne concernée la cause individuelle, le déclencheur et les raisons du mode de comportement observé (3). Les processus structurés comprennent des modèles s’ appuyant sur le NDB (Need-Driven Dementia-Compromised Behavior-Model), à savoir le modèlede comportement orienté sur les besoins dans le cas de démence.
Serial Trial Intervention (STI)
L’ instrument STI est un protocole de traitement échelonné en cinq étapes: les deux premières comprennent une analyse physique et affective des besoins, la troisième consiste en interventions non pharmacologiques, la quatrième est un traitement de la douleur et la cinquième englobe des interventions pharmacothérapeutiques.
Diagnostic compréhensif
Cette approche est un processus systématique qui consiste à développer une compréhension au sein de l’ équipe interprofessionnelle et avec les proches. Deux instruments se sont avérés particulièrement utiles à cet égard: l’ analyse de comportement ABC et l’ IdA (système d’ évaluation innovant axé sur la démence). L’ analyse de comportement ABC fait partie intégrante des deux instruments. Le «A» est pour «antécédents possibles», le «B» (behavior) pour «comportement observé» et le «C» pour «conséquences/réactions».
TIME
L’ instrument TIME (Targeted Interdisciplinary Model for Evaluation and Treatment of Neuropsychiatric Symptoms – modèle interdisciplinaire ciblé pour l’ évaluation et le traitement des symptômes neuropsychiatriques) consiste en une étude de cas structurée qui se subdivise en plusieurs phases: phase d’ enregistrement et d’ appréciation, phase de réflexion guidée et phase d’ action et d’ évaluation.
DICE
L’ instrument DICE (Describe, Investigate, Create and Evaluate) recommande les étapes suivantes pour les SCPD: décrire (symptômes), investiguer (causes modifiables), élaborer (plan de traitement) et évaluer (examiner les mesures).
BPSD-DATE
Un groupe de travail formé par des cliniques universitaires suisses recommande d’ utiliser l’ algorithme BPSD-DATE pour évaluer les causes et les facteurs déclenchants des SCPD et développer l’ instrument DICE.
Évaluation multimodale
Procédures d’ évaluation psychopathologique et neuropsychologique
Pour l’ évaluation des SCPD, une procédure standardisée au moyen d’ instruments d’ hétéro-évaluation est recommandée (3). Sur les 138 outils publiés, les plus appropriés pour la clinique et la recherche sont l’ inventaire neuropsychiatrique (NPI) et le Behavioral Pathology in Alzheimer’ s Disease Rating Scale (BEHAVE-AD). Le NPI comprend 12 symptômes neuropsychiatriques: idées délirantes, hallucinations, agitation/agressivité, dépression/dysphorie, anxiété, euphorie, apathie, désinhibition, irritabilité, comportement moteur aberrant, troubles du sommeil et troubles de l’ appétit. Il comporte en outre des questions spécifiques aux symptômes. L’ avis des proches et la charge qu’ ils portent sont pris en considération. La réalisation du NPI nécessitant beaucoup de temps, un questionnaire ad hoc a été élaboré (NPI-Q). Dans cet outil, les questions spécifiques aux symptômes sont supprimées et les proches peuvent répondre de manière autonome. Pour les soins de longue durée, les instruments de relevé des besoins RAI et BESA permettent déjà des évaluations utiles dans certains cas.
L’ échelle de dépression gériatrique (EDG) est un questionnaire d’ auto-évaluation comprenant 15 questions auxquelles il s’ agit de répondre par «oui» ou par «non». Son contenu est très simple et il peut aisément être utilisé chez des personnes présentant une démence légère. L’ Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield (IACM) est un outil d’ hétéro-évaluation qui permet d’ objectiver l’ agitation de manière détaillée.
L’ algorithme d’ intervention «BPSD-DATE» commence par une description des problèmes avec des indications relatives au contexte, aux facteurs déclenchants et aux aspects de sécurité. Dans une deuxième étape, la situation est analysée avec tentatives d’ explications subjectives. La troisième étape consiste à planifier et à mettre en œuvre les interventions et la quatrième à évaluer et éventuellement adapter les mesures. Cette procédure standardisée est recommandée pour améliorer la qualité de l’évaluation.
Diagnostic différentiel
Le syndrome confusionnel et la dépression du sujet âgé présentent le chevauchement symptomatique le plus fréquent avec les SCPD. Les psychoses affectives et schizophréniques, les accidents vasculaires cérébraux, les néoplasies cérébrales et les troubles du développement intellectuel sont également à prendre en considération dans le diagnostic différentiel.
Le syndrome confusionnel est le plus souvent un événement aigu avec une symptomatologie fluctuante et des troubles de la conscience, tandis que la démence est une maladie chronique sans atteinte de la conscience. Lorsque la cause de l’ état confusionnel est identifiée et traitée, la confusion s’ atténue. Les sous-types du syndrome confusionnel – hyperactif et hypoactif – se distinguent du point de vue symptomatique. En cas d’ état confusionnel, il s’ agit de faire un diagnostic de laboratoire orienté sur les causes parallèlement à l’ anamnèse exhaustive des facteurs de risques. Les outils les plus utilisés sont le Delirium Observation Scale – DOS (échelle de détection et d’ observation de la confusion) et la Confusion Assessment Method – CAM (dépistage de l’ état confusionnel aigu). S’ y ajoutent depuis peu les instruments 4AT et I-AgeD. Pour les SCPD tels que la dépression, l’ anxiété, l’ apathie et les troubles du sommeil, le diagnostic différentiel par rapport à la dépression gériatrique n’ est pas aisé. Pour cette dernière, l’ examen neuropsychologique met en évidence en priorité des troubles de la fonction exécutive, de la mémoire épisodique, de l’ attention et de la vitesse d’ exécution. Dans la démence au contraire, on constate avant tout des troubles de la mémoire primaire, des symptômes d’ aphasie et d’ apraxie constructive ainsi que des troubles de l’ orientation et des difficultés à reconnaître des personnes ou des objets.
Mesures psychosociales dans les soins
Mesures destinées à renforcer l’ équipe
La culture de l’ organisation est un facteur clé dans la gestion des SCPD (3). Il s’ agit de renforcer les équipes dans leur capacité à privilégier les mesures non pharmacologiques pour atténuer les SCPD. Les formations (conférences, ateliers – offres en ligne) montrent de bons résultats si elles sont proposées à long terme et réitérées. Elles sont de nature à accroître l’ auto-efficacité. Associés aux études de cas en tant que composantes d’ interventions pluridimensionnelles, les plans de soins et de traitement développés avec les personnes concernées et leurs proches et prenant en compte les aptitudes individuelles sont également efficaces et susceptibles de réduire la charge des soignants et des proches aidants. Le soutien des proches par des entretiens et la psychoéducation constitue le fondement des mesures psychosociales. S’ ils comprennent les causes des SCPD, les proches peuvent être intégrés de façon constructive dans la planification et la mise en œuvre du plan thérapeutique.
Mesures auprès des personnes concernées
L’ accent placé sur les aspects relationnels, des soins centrés sur la personne et un changement de culture et de processus vers des mesures psychosociales sont des conditions favorisant le succès des interventions. Il convient de les proposer selon une approche multiprofessionnelle. Des ressources suffisantes en temps et en personnel sont aussi importantes que des formations et un accompagnement dans la pratique, de façon que les soignants et les proches aidants puissent élargir leur champ d’ action auprès de personnes atteintes de démence. Ces mesures se subdivisent en trois catégories, selon leur orientation (3): orientation vers la sensorialité (soins par la musique, les arômes, la lumière, le snoezelen, le jardin sensoriel, les activités en compagnie d’ animaux, la technologie d’ assistance intelligente, les massages/le toucher, la stimulation basale, la thérapie par l’ image positive et la thérapie par les clowns) ; orientation vers la cognition (thérapie de présence simulée, méthodes orientées vers la cognition et la communication, validation) ; orientation vers le mouvement (mouvement, activités en extérieur, danse et kinesthésie). Dans toutes les catégories, il existe des éléments probants de degrés divers relatifs à l’ efficacité des mesures. Il est essentiel d’ adapter les mesures à chaque personne, en fonction de ses symptômes spécifiques et de son vécu.
Entourage
Adapter les facteurs environnementaux, en veillant à éviter aussi bien l’ excès que le manque de stimuli sensoriels, a une influence positive sur les SCPD. Pour les personnes concernées, les meilleures conditions consistent en unités d’ habitation de petite taille aménagées comme des logements, en forme de L, de H ou en carré. Le nombre de résidents ne devrait pas excéder 15. La lumière et l’ éclairage, les couleurs et les contrastes, la température, l’ acoustique, les aspects olfactifs, les installations (mains courantes, aménagement de la cuisine, salles d’ eau, etc.) et l’ intimité des locaux sont des facteurs supplémentaires qui jouent un rôle important.
Gestion de comportements spécifiques
Agressivité
Abaisser la charge des proches aidants et des soignants est déterminant pour réduire l’ agressivité. Il s’ agit de mettre suffisamment de soutien et de ressources à leur disposition. Les formations, les cours et les études de cas ont fait leurs preuves. Les groupes de vie de petite taille, la préservation de la sphère privée et intime, l’ aménagement de l’ environnement et du quotidien selon les besoins individuels, des soins corporels exempts de stress et une bonne hygiène du sommeil sont également des mesures efficaces. Les approches basées sur la musique, le mouvement, la danse, les massages/le toucher et les activités en plein air peuvent elles aussi s’ avérer utiles.
Désinhibition sexuelle
Une réflexion personnelle menée en amont sur le thème de la sexualité est nécessaire pour bien gérer ce type de comportement. Malgré cela, la désinhibition sexuelle peut être vécue par les soignants comme un harcèlement. Il convient de trouver un équilibre entre les droits individuels des personnes concernées et la protection des proches aidants et des soignants. Des formations, des études de cas et un processus structuré comprenant une analyse du comportement et des facteurs déclenchants, ainsi qu’ une planification individuelle des soins peuvent avoir un effet préventif. D’ autres mesures sont efficaces: ignorer les remarques inappropriées, détourner l’ attention, interrompre l’ activité de soins en cours, exprimer un «non» clair, maintenir une distance physique, intégrer deux soignants ou proches aidants dans les soins, donner en main un objet pour faire diversion, restreindre les activités, identifier les facteurs déclenchants, créer un espace privé et utiliser des techniques de validation.
Vocalisation disruptive
Les pertes de fonctions cognitives, la dépression, l’ anxiété, les difficultés langagières, la privation sensorielle, le manque de sommeil et les douleurs peuvent être à l’ origine de vocalisations répétitives, qui sont très difficiles à supporter pour l’ entourage. Dans ces cas, les médicaments sont inefficaces. Il s’ agit ici de procéder à une anamnèse médicale et soignante approfondie et de mettre en place un plan de soins individuel orienté sur les causes. Le détournement de l’ attention, la méthode snoezelen, le programme Namaste Care et d’ autres interventions basées sur la musique, l’ attention et le toucher peuvent aider.
Thérapies stabilisant la cognition
Bien que les études à ce sujet soient très hétérogènes, les interventions telles que la stimulation cognitive et la thérapie par la réminiscence donnent de bons résultats. En l’ occurrence, les méthodes centrées sur la personne et combinées sont à privilégier par rapport aux interventions isolées, en particulier pour le bien-être général, la cognition et les effets de transfert.
Processus psychothérapeutique
Il existe de nombreuses preuves du succès de la psychothérapie pour les affections démentielles de degré léger à moyen. Les symptômes tels que la dépression et l’ anxiété répondent particulièrement bien à ce type de prise en charge. La psychothérapie est également efficace pour traiter la dépression des proches aidants. La thérapie cognitive comportementale et les interventions ciblées sur l’ histoire de vie figurent en tête de liste des techniques éprouvées. Les interventions spécifiquement adaptées à la personne enregistrent de meilleurs résultats que les procédures standard.
Offres thérapeutiques spéciales
Musicothérapie
La musicothérapie se montre efficace en particulier pour combattre l’ anxiété et la dépression, mais son effet n’ est pas durable. Elle doit être proposée de manière régulière, au moins une fois par semaine, et s’ adapter à la structure journalière de la personne concernée. Il s’ agit de prendre en compte son vécu et ses préférences. Cette thérapie s’ associe aisément avec d’ autres interventions.
Art-thérapie
L’ art-thérapie se prête particulièrement bien au traitement de symptômes tels que la dépression, l’ apathie, l’ agitation et l’ agressivité. Elle est efficace pour autant qu’ elle soit adaptée aux besoins individuels et aux préférences de la personne. En tant que médium, l’ art-thérapie peut éveiller des émotions et, ainsi, réduire le stress et permettre d’ expérimenter la détente. Elle peut favoriser la communication, l’ autonomie dans les activités quotidiennes et la réminiscence.
Thérapie d’ activation/ergothérapie
Malgré des résultats d’ études très hétérogènes, l’ ergothérapie est recommandée. Elle réduit le travail médico-soignant, surtout si elle est structurée et centrée sur la personne. Elle s’ avère efficace aux stades léger à moyen de la démence.
Thérapie assistée par l’ animal
Dans la thérapie assistée par l’ animal, on opère une distinction entre interventions et activités. Il est recommandé de travailler avec des animaux ayant suivi une formation spécifique. Cette forme de thérapie a de bons résultats en cas de maladies affectives et d’ isolement social et favorise l’ autonomie dans les activités du quotidien. Elle améliore les interactions sociales, la qualité de vie et la mobilité.
Acupuncture, acupressure
Chez les personnes atteintes de démence, ces méthodes peuvent aider à combattre la dépression, l’ agitation, l’ anxiété et les troubles du sommeil, tout en améliorant la capacité à exécuter les tâches du quotidien. On note quelques rares effets secondaires, tels que saignements aux points d’ acupuncture, fatigue, somnolence ou vertiges.
Activité physique et sport
L’ inactivité fait partie des facteurs de risques de la démence qui peuvent être modifiés et des signes évidents montrent que l’ activité physique a des effets positifs sur les SCPD. On peut proposer des exercices d’ endurance – comme le jogging, la marche, les exercices d’ équilibre, le renforcement musculaire, la bicyclette ergométrique – ainsi qu’ une combinaison de toutes ces formes de mouvement. Les effets sont les plus nets sur les troubles du sommeil et la dépression. Dans ce domaine, il est aussi possible de proposer la danse combinée à la musique.
Processus de développement dans les organisations de la santé
Pour réduire durablement les SCPD, il est nécessaire de procéder à une modification participative et globale tout à la fois de la culture du traitement, de la prise en charge et des soins. L’ application du cadre de référence PARIHS (Integrated Promoting Action on Research Implementation in Health Services) du Royal College of Nursing peut renforcer les organisations du secteur de la santé. Développer de nouvelles offres et compétences, mettre en place des processus et une culture du travail plus efficaces, accroître les compétences du personnel, clarifier les rôles et en adopter une vision commune et, enfin, développer la capacité de l’ équipe constituent des facteurs importants à cet égard.
Pharmacothérapie
Principes du traitement psychopharmacologique
Si les mesures non pharmacologiques ne suffisent pas, le recours aux médicaments peut être une option pour éviter que les SCPD ne mettent en danger la personne concernée et son entourage, ainsi que pour garantir la réalisation des examens diagnostiques et la prise en charge. Il est cependant difficile d’ émettre des recommandations fondées sur des preuves, car les études contrôlées dans ce groupe d’ âge sont rares. L’ expérience clinique fois que pour la majorité d’ entre elles, la prescription se fait hors étiquette (3).
Lors du recours à la (psycho)pharmacologie dans ce groupe de patients vulnérables, il faut prendre en compte deux facteurs: premièrement, leur utilisation est rendue plus complexe en raison d’ altérations physiologiques et métaboliques diverses – réduction de la fonction rénale, de la motilité gastro-intestinale, de la perfusion hépatique, de la résorption intestinale et des protéines plasmatiques – ainsi que d’ une sensibilité augmentée aux psychotropes. Deuxièmement, la psychopharmacologie comporte un risque accru de mortalité, d’ accidents vasculaires cérébraux et de chutes. Il faut considérer en outre les effets secondaires cardiaques et métaboliques ainsi que les modifications de la formule sanguine et les thromboses. C’ est pourquoi la prescription de ces substances doit obéir à un certain nombre de principes (Tab. 1).
L’ administration de psychotropes doit être limitée dans le temps et se faire selon une pesée du bénéfice/risque. Elle doit être conforme aux indications, prescrite selon le dosage le plus faible possible et se faire sous surveillance. Elle doit être précédée d’ un examen clinique complet avec anamnèse (incluant la famille, l’ entourage et la médication), d’ un diagnostic de laboratoire et d’ un ECG. Le diagnostic standard en psychiatrie de la personne âgée prend en compte la polymorbidité et les altérations organiques cérébrales (Tab. 2). Il peut être complété par un EEG, une évaluation neuropsychologique, un examen du liquide céphalorachidien et une IRM. Il s’ agit de surveiller en permanence les éventuels effets secondaires et les interactions médicamenteuses. L’ examen clinique, le diagnostic de laboratoire et l’ ECG doivent être répétés régulièrement au fil du traitement. Si les SCPD s’ atténuent, il convient d’ envisager une réduction ou un arrêt de la médication.
Anti-démentiels
Les inhibiteurs de l’ acétylcholinestérase (AChE) – comme le donépézil, la rivastigmine et la galantamine – sont utilisés dans les formes légères à modérées de la maladie d’ Alzheimer, tandis que la mémantine est indiquée pour les formes modérées à sévères. Outre leurs effets stabilisateurs de la cognition durant un laps de temps limité, ces substances ont un impact positif sur les SCPD. Le donépézil est le médicament le mieux documenté. Des méta-analyses récentes montrent un effet modéré des AChE avant tout en cas d’ apathie, de dépression et d’ irritabilité, tandis que la mémantine semble efficace surtout pour les symptômes comme l’ agitation, l’ agressivité, les idées délirantes et les hallucinations. Ils sont mieux tolérés que d’ autres psychotropes en cas de SCPD et il est prouvé que les AChE réduisent le risque de mortalité. Ils permettent de réduire le recours à d’ autres psychotropes. En raison de leur profil bénéfice/risque positif et de leur bonne tolérance, ces substances sont recommandées comme médicaments de première intention en cas de SCPD. (Fig. 1)
L’ extrait standardisé de ginkgo biloba figure parmi les substances produisant des effets cognitifs et neuroprotecteurs. De par les modifications des neurotransmetteurs qu’ il induit, des effets sur les symptômes comme l’ anxiété, la dépression, l’ irritabilité, l’ agitation, les troubles du sommeil, les idées délirantes et les hallucinations ont été démontrés. Une bonne adhésion au traitement améliore son efficacité.
Antidépresseurs
La moitié des personnes atteintes d’ une affection démentielle présentent des symptômes dépressifs. Leur détection précoce et un traitement efficace peuvent contribuer à améliorer la cognition et l’ autonomie dans les gestes du quotidien. Dans les cas de démence, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), tels que citalopram/escitalopram, affichent les meilleures preuves cliniques. Ils sont utilisés comme antidépresseurs de première intention et sont également efficaces en cas d’ agitation. À noter qu’ ils font l’ objet d’ un avertissement «boîte noire» à cause de l’ allongement de l’ intervalle QTc. Des ECG réguliers sont donc nécessaires.
Les antidépresseurs tricycliques ne sont pas conseillés pour les sujets âgés, car ils comportent un risque d’ effets secondaires anticholinergiques. Vu son potentiel élevé d’ interaction avec d’ autres médicaments, la fluoxétine n’ est pas recommandée non plus. Si aucune recommandation ne peut être émise pour l’ agomélatine et la trazodone en cas de dépression, ces substances ont de bons résultats contre les troubles du sommeil. Il n’ existe pour l’ heure aucune recommandation pour la mirtazapine. En revanche, le lobémide peut être envisagé.
Lors de l’ utilisation d’ antidépresseurs, il convient de procéder à des évaluations cliniques régulières avec surveillance des effets secondaires. Si le médicament n’ est pas efficace au bout de 4 à 6 semaines, la médication peut être modifiée.
Antipsychotiques
Lorsque d’ autres traitements alternatifs ne suffisent pas, il est possible d’ envisager une intervention au moyen d’ antipsychotiques pour cibler les symptômes tels que les idées délirantes, les hallucinations, l’ agitation et l’ agressivité (3). Le recours à ces substances s’ accompagne cependant d’ un taux élevé de mortalité et d’ effets secondaires, comme le syndrome extrapyramidal (EPS) moteur, la sédation, des symptômes cardiaques, une dysrégulation orthostatique, des altérations métaboliques, une baisse des capacités cognitives et une augmentation du risque d’ accidents vasculaires cérébraux. C’ est pourquoi il convient de limiter la durée du traitement et de prescrire le dosage le plus faible possible. Le traitement doit en outre être précédé d’ une anamnèse clinique, d’ un ECG et de contrôles de laboratoire. Les interactions et les effets secondaires seront surveillés et l’ indication sera réexaminée toutes les quatre semaines.
Les antipsychotiques atypiques sont à privilégier en raison de leur meilleur profil bénéfice/risque. Les antipsychotiques typiques ne sont en effet pas recommandés pour les personnes atteintes de démence, notamment parce qu’ ils provoquent souvent des EPS et ont des effets secondaires anticholinergiques. L’ halopéridol constitue une exception. Il est utilisé dans les transitions vers l’ état confusionnel, ainsi qu’ en cas d’ agressivité persistante et de symptômes psychotiques.
La rispéridone (0.5–2 mg/j) est le seul antipsychotique atypique autorisé en Suisse pour traiter les SCPD. L’ utilisation des autres médicaments de cette catégorie se fait hors étiquette. Si la rispéridone ne peut pas être prescrite en raison de ses effets secondaires (surtout EPS), l’ aripiprazole, la quétiapine, l’ olanzapine et, depuis peu, le brexpiprazole constituent des solutions de rechange. Lors du recours à ces substances, il y a lieu de prendre en compte les critères tels que le spectre d’ action (pouvoir sédatif/effet antipsychotique élevé), le faible effet anticholinergique, le profil d’ effets secondaires et les comorbidités. Autant que possible, il convient de les administrer en monothérapie. Si, lors de la vérification de l’ indication au bout de quatre semaines, l’ arrêt du traitement est décidé, celui-ci doit se faire après communication avec la personne concernée/ses proches et de manière graduelle. La réapparition de SCPD doit être surveillée toutes les 2 à 4 semaines durant cette étape.
Benzodiazépines et hypnotiques analogues
Les benzodiazépines et hypnotiques analogues peuvent provoquer une série d’ effets secondaires, tels que la sédation, les troubles psychomoteurs et un ralentissement des fonctions exécutives. Ces substances peuvent également être à l’ origine des états confusionnels, causer des chutes et entraîner une addiction si le traitement est administré sur une longue durée. C’ est la raison pour laquelle elles ne sont pas recommandées en cas de SCPD (3). Si ces médicaments doivent tout de même être prescrits en cas d’ urgence – agitation extrême, agressivité ou risques suicidaires –, ils seront administrés pendant une durée limitée (au max. 3 à 4 semaines, car ensuite il se développe une accoutumance) à titre de réserve et non comme traitement régulier. Du fait du risque de cumul, il ne faudrait en principe prescrire que des substances présentant une demi-vie brève (lorazepam, oxazepam). Les benzodiazépines ne sont pas indiquées en cas de troubles du sommeil. Pour les hypnotiques de type benzodiazépine, il existe certes une indication pour les troubles chroniques du sommeil, mais pour les personnes atteintes de démence, les restrictions associées aux benzodiazépines s’ appliquent.
Substances à action hypnotique
En cas d’ insomnie – en particulier si une administration à long terme paraît nécessaire –, d’ autres substances peuvent être utilisées, sous réserve de prendre en compte l’ image psychopathologique dans son ensemble, ainsi que le profil des effets secondaires (3). Les antidépresseurs inducteurs de sommeil, tels que la trazodone, la mirtazapine et l’ agomélatine, sont indiqués en particulier pour les troubles du sommeil associés à une dépression préexistante. Il convient d’ éviter les préparations ayant des effets secondaires anticholinergiques. Les antipsychotiques tels que la quetiapine et la pipampérone sont souvent utilisés en raison de leur effet sédatif. En pareil cas, il s’ agit de respecter les principes de la thérapie psychopharmacologique et de limiter la durée du traitement.
Les agonistes des récepteurs de la mélatonine, la prégabaline et la gabapentine semblent donner de bons résultats pour les troubles du sommeil chez les personnes atteintes de démence. Le chloralhydrate, le clomethiazol, la diphénhydramine, la doxylamine et la promethazine ne devraient pas être administrés en cas de démence. De nouvelles substances, telles que les antagonistes des récepteurs de l’ orexine, sont en cours de développement.
Anticonvulsifs et stabilisateurs de l’ humeur
Si la carbamazépine est efficace en cas d’ agressivité, elle n’ est pas recommandée comme médicament de première ni de deuxième intention en cas de SCPD en raison de ses effets secondaires, tels que l’ ataxie, les vertiges, l’ hypotonie, les états confusionnels, la sédation et la toxicité hépatique (3). Sa prescription se fait hors étiquette, et des contrôles de laboratoire réguliers sont nécessaires. La gabapentine et la prégabaline constituent une solution de rechange, surtout en cas de douleurs neuropathiques liées à une comorbidité. Malgré un manque de preuves scientifiques, il est également possible de recourir à la lamotrigine en raison de son faible taux d’ effets secondaires. Cependant, comme son dosage doit être augmenté progressivement, elle n’ est pas appropriée comme médication aiguë. Le topiramate peut causer des troubles cognitifs. Aucune recommandation ne peut être émise pour l’ heure concernant le lévétiracétam. L’ oxcarbazine, le valproate et le lithium ne sont pas préconisés en raison de leur profil d’ effets secondaires défavorable. Les données disponibles pour le lacosamide, le pérampanel et le brivaracetam ne sont pas suffisantes pour autoriser une recommandation.
Analgésiques
Les douleurs peuvent provoquer des SCPD ou les renforcer, en particulier l’ agitation et l’ agressivité (3), raison pour laquelle le traitement de la douleur fait partie de la prise en charge de ces symptômes. Les personnes atteintes de démence ne sont cependant pas toujours en mesure d’ exprimer leurs douleurs. Dès lors, il convient d’ élargir l’ évaluation en utilisant des outils d’ hétéro-évaluation, comme le PAINAD (Pain Assessment in Advanced Dementia Scale).
Pour le traitement des douleurs neuropathiques chez les personnes âgées, les substances suivantes sont recommandées: duloxétine comme antidépresseur, gabapentine, prégabaline et lidocaïne pour une application topique, enfin tramadol et oxycodone comme opioïdes. À noter que les opioïdes doivent être utilisés avec circonspection et de manière limitée dans le temps, en raison de leur effet sédatif et délirogène et de leur potentiel addictif. Pour les sujets âgés, les médicaments suivants devraient être évités: indométacine, acémétacine, kétoprofène, piroxicam, méloxicam, phénylbutazone, étoricoxib et péthidine. On recourt aussi de plus en plus aux cannabinoïdes, qui sont surtout efficaces contre l’ agitation.
Processus biologiques
Luminothérapie
La luminothérapie donne de bons résultats pour traiter les troubles du rythme circadien veille – sommeil, ainsi que le sundowning, marqué par une agitation à l’ approche du soir (3). On utilise la lumière blanche avec le spectre entier jusqu’ à une limite inférieure de 400 nm. L’ application est de 2500 lux pendant deux heures ou de 10 000 lux pendant 30 minutes. Pour l’ éclairage d’ une pièce, 1000 lux suffisent.
Privation de sommeil / thérapie de réveil
La privation de sommeil (nuit entière, première ou seconde partie de la nuit) est efficace en cas de dépression. Les troubles organiques cérébraux constituent cependant une relative contre-indication, car la privation de sommeil peut conduire à une aggravation générale de l’ état de santé et à des états confusionnels. C’ est pourquoi cette méthode n’ est pas recommandée.
Électroconvulsivothérapie (ECT)
Malgré le manque d’ études contrôlées, l’ ECT est considérée comme un procédé efficace pour les SCPD réfractaires aux traitements, notamment l’ agitation et l’ agressivité. En présence d’ une démence préexistante, elle n’ aggrave pas la cognition de manière durable. Les principaux effets secondaires relevés sont la confusion et des troubles cognitifs réversibles. L’ ECT peut être une option lorsqu’ il n’ est pas possible de recourir aux médicaments. Dans la plupart des cas cependant, il n’ est pas possible de recueillir le consentement éclairé de la personne concernée, raison pour laquelle le traitement doit être discuté avec les proches ou les personnes assurant la prise en charge, ce qui pose des exigences très étendues en matière de devoir d’ informer.
Stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)
La rTMS a des propriétés neuromodulatrices et stimule la plasticité neuronale. Ce traitement est en particulier efficace pour les personnes souffrant de démence et de dépression. Les effets secondaires possibles sont des maux de tête, des vertiges, des lésions auditives et, plus rarement, des crises d’ épilepsie. Il y a une contre-indication chez les personnes porteuses de matériel ferromagnétique – comme les implants cochléaires et les stimulateurs cardiaques –, ainsi que chez les personnes ayant déjà des problèmes auditifs ou des antécédents épileptiques. Les données manquent encore pour émettre une recommandation concernant d’ autres procédés interventionnels comme la stimulation cérébrale profonde ou la stimulation du nerf vague.
SCPD et communication
Une bonne communication peut aider à améliorer le bien-être des personnes concernées ainsi qu’ à réduire leur stress et leur anxiété (3). Elle peut également contribuer à abaisser le niveau de stress des proches aidants et des personnes assurant la prise en charge. De façon générale, il y a lieu de mettre en place une communication ouverte, valorisante et tournée vers la personne. Lorsque les capacités langagières sont amoindries, la communication non verbale – comprenant des éléments comme les expressions du visage, le ton de la voix, la gestuelle, le toucher et la position corporelle – gagne en importance. Il s’ agit d’ adapter le rythme de la communication à la personne concernée et de se concentrer sur des mots clés. Si la capacité de compréhension est diminuée, il convient d’ utiliser davantage de gestes accompagnant la parole, de souligner les mots les plus importants, de rythmer l’ expression et de répéter les informations.
La thérapie d’ orientation vers la réalité, la thérapie par la réminiscence et la validation constituent des procédures validées permettant d’ améliorer l’ orientation, les souvenirs et, ainsi, de valoriser et d’ accepter la réalité subjective des personnes concernées. L’ entraînement à la communication pour les soignants et les proches aidants s’ avère lui aussi un facteur important: les connaissances théoriques sur les défis spécifiques et les techniques de communication, tout comme les exercices pratiques et les simulations sont des aides précieuses. Des procédés de télémédecine sont également testés depuis quelques années. Malgré des difficultés liées à la technique ou aux réglementations, les vidéoconférences pour des interventions centrées sur les patients et des interventions par téléphone se sont avérées efficaces auprès des proches aidants et des personnes assurant la prise en charge. Ces méthodes réduisent les SCPD et accroissent le bien-être, tout en étant bien acceptées.
Egemen Savaskan 1 Dan Georgescu 2 Stefanie Becker 3 Brigitte Benkert 4 Andreas Blessing 5 Markus Bürge 6 Ansgar Felbecker 7 Martin Hatzinger 8 Ulrich Michael Hemmeter 9 Therese Hirsbrunner 8 Stefan Klöppel 10 Gabriela Latour Erlinger 1 Finn Jacob Lornsen 10 Theofanis Ngamsri 1 Jessica Peter 10 Mathias Schlögl 11 Marc Sollberger 12 Henk Verloo 13 Samuel Vögeli 4 Franziska Zúñiga 4
1 Clinique de psychiatrie de la personne âgée, Clinique psychiatrique universitaire de Zurich
2 Clinique de psychiatrie de consultation, de psychiatrie de la personne âgée et de neuropsychiatrie, Services psychiatriques d’Argovie
3 Alzheimer Suisse
4 Sciences infirmières – Nursing Science (INS), Département Public Health, Université de Bâle
5 Cabinet de neuropsychologie, Kreuzlingen
6 BESAS Centre hospitalier bernois pour la médecine des personnes âgées, Siloah
7 Clinique de neurologie, Hôpital cantonal de Saint-Galll
8 Services psychiatriques, Hôpitaux de Soleure
9 Psychiatrische Dienste Graubünden, Chur, Psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée, Centre de psychiatrie Appenzell, Herisau, Gérontopsychiatrie
10 Clinique universitaire de psychiatrie de la personne âgée et psychothérapie, Université de Berne, Services psychiatriques universitaires de Berne (UPD)
11 Service de gériatrie, Département de médecine interne, Clinique Barmelweid
12 Memory Clinic, Médecine universitaire pour les personnes âgées FELIX PLATTER/Clinique neurologique, Hôpital universitaire de Bâle
13 Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé, Centre hospitalier universitaire vaudois/Haute École spécialisée de Suisse occidentale HES-SO Valais
Article approuvé et validé par les auteurs suivants pour les sociétés spécialisées mentionnées: SPPA: Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée: E. Savaskan, D. Georgescu, U.M. Hemmeter, S. Klöppel Alzheimer Suisse: S. Becker SPSG: Société professionnelle suisse de gériatrie: M. Bürge, M. Schlögl SSN: Société suisse de neurologie: A. Felbecker, M. Sollberger SSBP: Société suisse de psychiatrie biologique: M. Hatzinger SMC: Swiss Memory Clinics: A. Felbecker ASI: Association suisse des infirmières et infirmiers: T. Hirsbrunner APSI: Association suisse pour les sciences infirmières: B. Benkert, T. Hirsbrunner, F. Zuñiga, S. Vögeli
La Société Suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP) soutient les présentes recommandations.
Abréviations utilisées dans l’ article AChE Inhibiteurs de l’ acétylcholinestérase ALT Alanine aminotransférase AST Aspartate aminotransférase BEHAVE-AD Behavioral Pathology in Alzheimer’ s Disease Rating Scale BESA Système de saisie et de décompte des résidents CAM Confusion Assessment Method IACM Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield CRP Protéine C-réactive DA Démence de type Alzheimer DICE Describe, Investigate, Create and Evaluate DOS Delirium Observation Scale ECT Thérapie par électrochocs EDG Échelle de dépression gériatrique EPS Syndrome extrapyramidal moteur Gamma-GDT, GGT Gamma-glutamyl transférase GLDH Glutamate deshydrogénase i-PARIHS Integrated Promoting Action on Research Implementation in Health Services IdA Système d’ évaluation innovant axé sur la démence ISRS Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine NDB Need-Driven Dementia-Compromised Behavior-Mode NPI Inventaire neuropsychiatrique NPI-Q Questionnaire de l’ inventaire neuropsychiatrique PAINAD Pain Assessment in Advanced Dementia Scale RAI Outil d’ évaluation des résidents rTMS Stimulation magnétique transcrânienne répétitive SCPD Symptômes comportementaux et psychiques de la démence SPPA Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée TIME Targeted Interdisciplinary Model for Evaluation and Treatment of Neuropsychiatric Symptoms TSH Thyréostimuline VS Vitesse de sédimentation
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Avec l’aimable soutien de:
Pr Egemen Savaskan
Clinique de psychiatrie de la personne âgée
Clinique psychiatrique universitaire de Zurich
Minervastrasse 145
case postale
8032 Zurich
egemen.savaskan@pukzh.ch
Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
Les SCPD tels que la dépression, l’ apathie, l’ agitation/agressivité, les idées délirantes et les hallucinations sont pesantes pour les personnes concernées, les proches et le personnel spécialisé assurant la prise en charge. Leur traitement consiste en priorité en mesures non pharmacologiques/psychosociales. Le recours aux psychotropes peut être nécessaire selon les situations, mais dans ce groupe de patients présentant des comorbidités, il peut s’ accompagner d’ effets secondaires et présenter un risque d’ interactions.
Des recommandations basées sur des preuves et sur l’ expérience clinique, qui suivent une approche interprofessionnelle et interdisciplinaire, présentent les possibilités actuelles de diagnostic et de traitement.
Les options thérapeutiques non pharmacologiques devraient être privilégiées et se poursuivre même s’ il y a prescription de psychotropes.
En cas de recours aux psychotropes, il convient de respecter les normes médicales actuelles, de réévaluer régulièrement l’ indication et de veiller à limiter la durée du traitement. Si l’ utilisation de ces substances se fait hors étiquette, le traitement doit s’ orienter sur les guidelines des sociétés spécialisées.
1. Savaskan E, Bopp-Kistler I, Buerge M et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD). Praxis. 2014; 103(3): 135–148.
2. Savaskan E, Bopp-Kistler I, Buerge M et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD) – version longue. https://www.sgap-sppa.ch/fileadmin/user_ upload/Empfehlungen_zur_Diagnostik_und_Therapie_der_BPSD_-_No- vember_2014.pdf
3. Savaskan E, Georgescu D, Zuniga F (Hrsg.). Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der Behavioralen und Psychischen Symptome der Demenz (BPSD). Bern; Hogrefe: 2024.
Le vieillissement de population fait converger vers les institutions gériatriques un nombre croissant de personnes âgées présentant des fragilités, des polypathologies et une dépendance qui affectent leur santé et leur qualité de vie. L’ environnement physique du résident âgé a été décrit comme un facteur susceptible d’ influencer de façon significative sur son bien-être. Il manque cependant de recommandations précises et scientifiquement validées pour y contribuer. L’ environnement enrichi (EE), a mis en évidence sur le modèle murin, son effet positif sur la plasticité cérébrale ainsi que sur de nombreux marqueurs fonctionnels de santé avec un intérêt majeur pour la gériatrie. La transposition de l’ EE aux institutions gériatriques initiée depuis 10 ans, présente déjà des résultats prometteurs en favorisant la santé et le bien-être des résidents.
The population’ s ageing is leading to a growing number of people entering geriatric care, with frailties, polypathologies and dependency affecting their health and quality of life. The physical environment of residents has been described as a factor likely to influence their well-being significantly. However, there is a lack of accurate, scientifically-validated recommendations to help achieve this. The enriched environment (EE) has proven its positive effect on cerebral plasticity and numerous functional health markers in murine models, and is of major interest to geriatric medicine. The transposition of EE to geriatric institutions, initiated 10 years ago, is already showing promising results in promoting the health and well-being of residents. Key words: gerontology, geriatric care, frailty, polypathologies, quality of life
Contexte
L’ accroissement continu de la part de la population âgée lié à la transition démographique, s’ accompagne de besoins importants pour la prise en charge par les institutions gériatriques de fragilités, de polypathologies chroniques et de niveaux de dépendance élevés (1). De fortes attentes sociétales s’ expriment pour offrir à ces personnes âgées des réponses adaptées susceptibles d’ assurer leur santé et leur qualité de vie. Il existe depuis les origines, une conviction que l’ environnement et la santé sont étroitement liés (2). L’ homme considère aujourd’ hui comme une évidence que sa relation à l’ environnement est essentielle pour préserver sa santé. Cette relation avec l’ environnement s’ est construite principalement dans l’ objectif de le préserver de nuisances potentielles. Le rapport de l’ Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le vieillissement (3) déclare qu ’ «un milieu physique adapté peut faire toute la différence entre indépendance et dépendance pour tous les individus, mais il revêt une importance particulière pour les personnes âgées». Il convient de citer les nombreux travaux de recherches conduits par des équipes engagées sur la question, tels que Lawton (4), Marquardt (5), Zeisel (6), Fleming (7) ou Sloane (8) pour n’ en mentionner que quelques-uns. Si ces recherches ont permis de faire émerger des lignes directrices utiles, elles s’ inscrivent dans la démarche traditionnelle à savoir «comment aménager l’ environnement afin qu’ il n’ amplifie pas les troubles et fragilités observées chez la personne âgée en particulier lorsqu’ elle est atteinte de démence.
Une relation avec l’ environnement susceptible d’ améliorer la santé humaine est une idée développée par Antonovsky (9) en 1979 à travers sa théorie intitulée Salutogenèse. Ce changement de paradigme où l’ environnement ne serait plus seulement un facteur dont il faut se préserver mais deviendrait promoteur de la santé constitue en soi une approche innovante dont la mise en œuvre peine à se développer dans les institutions gériatriques.
L’ environnement enrichi et le modèle murin
Nos travaux ont pris pour inspiration la richesse extraordinaire de connaissances développées par les recherches en neurosciences sur l’ environnement enrichi. D. Hebb (10) dans ses travaux pionniers en 1949, a développé le concept d’ environnement enrichi décrivant la relation entre l’ environnement et la plasticité cérébrale. Ces recherches se sont poursuivies pendant des décennies en produisant des connaissances d’ un intérêt majeur en particulier en gériatrie. De nombreuses publications ont mis en évidence les avantages de l’ enrichissement environnemental (EE) en tant que stimulation significative de l’ anatomie et de la physiologie du cortex cérébral, aux niveaux biochimiques et moléculaires, prévenant ou inversant les déficits liés au vieillissement (11) (12) (13) (14). Des protocoles robustes et normalisés ont permis d’ étudier diversement les effets de l’ EE sur diverses maladies et troubles liés à l’ âge sur le modèle murin, ce qui suggère que celui-ci pourrait former une réponse valable à de nombreux problèmes de santé chez l’ homme.
Transposition de l’ EE en institution gériatrique
Depuis plus de 10 ans, des études cliniques menées à l’ hôpital universitaire Charles Foix ont confirmé la validité de la transposition à l’ humain de ces travaux jusque-là réservés aux neurosciences.
Premières études sur le jardin enrichi
Les premières transpositions du concept d’ EE ont été effectuées sur les espaces extérieurs d’ institution gériatrique – du fait de la moindre pression des normes architecturales et des coûts plus réduits de l’ aménagement d’ un dispositif expérimental. C’ est ainsi qu’ a été décrit le concept de «jardin enrichi»(15). Ce concept de jardin enrichi intégrait un changement de paradigme majeur en plaçant le patient au centre de la conception et en confiant à l’ environnement des missions spécifiques de promotion de la santé et de bien-être des patients accueillis.
L’ enrichissement du jardin se forme par l’ aménagement de «modules» spécifiques constituant la matière active du jardin. Ils ont été conçus en fonction d’ objectifs thérapeutiques précis correspondants aux troubles et fragilités observés parmi les résidents (troubles cognitifs, du comportement, de l’ humeur, perte d’ indépendance …) Les interactions que le résident établit spontanément avec ces modules participent de stimulations cognitivo- comportementales et sensorielles destinées à produire des effets bénéfiques sur sa santé. Reprenant les principes décrits dans les études sur le modèle murin, l’ EE est associé à des interactions régulières du visiteur (env. 4 fois / semaine) et un renouvellement régulier des modules d’ enrichissement.
Le jardin enrichi est un dispositif expérimental visant à évaluer par la transposition à la personne âgée du concept d’ EE, les liens entre l’ environnement physique avec la santé et le bien-être des résidents.
Les études sur le «jardin enrichi» ont également exploré la notion d’ appropriation spatiale par le résident (16) – une dimension essentielle dans le contexte d’ un événement majeur dans un parcours de vie, reliée au sentiment d’ être chez soi et fondateur de la construction de l’ identité de chaque individu. Nos observations, davantage que de valider la logique domiciliaire actuellement très défendue dans les projets architecturaux, ont souligné plusieurs médiateurs déterminants de l’ appropriation spatiale. Il convient de mentionner l’ esthétique de l’ espace suggérant la fierté d’ y résider, la convivialité et le sentiment de liberté s’ écartant de la pression de la vie en collectivité et enfin la possibilité d’ y laisser librement une trace ou son empreinte.
Les études cliniques multicentriques, randomisées et contrôlées conduites par notre équipe sur le concept de jardin enrichi sur des populations atteintes de la maladie d’ Alzheimer à un stade avancé ont mis en évidence une relation significative entre sa fréquentation régulière et la récupération de capacité cognitive, l’ amélioration de l’ indépendance fonctionnelle, les troubles perturbateurs du comportement et la prévention des chutes. Ces études ont consisté à recruter des résidents en institution gériatrique présentant un diagnostic confirmé de la maladie d’ Alzheimer à un stade avancé (10<MMSE< 20) disposant d’ une autonomie suffisante à la marche pour fréquenter un jardin sans aide humaine et ne souffrant pas de troubles majeurs perturbateurs du comportement (17).
Les participants étaient répartis en plusieurs groupes: contrôle, fréquentant un jardin sensoriel ou un jardin enrichi. Cette fréquentation était motivée par des incitations régulières par les professionnels de santé.
Les résultats ont mis en évidence que les groupes «contrôle» et «jardin sensoriel» présentaient à l’ issue de l’ intervention des profils identiques sur les marqueurs fonctionnels suivants: MMSE, ADL, CMAI, station unipodale, test UpnGo. Le groupe «jardin enrichi» se caractérisait systématiquement par une amélioration significative de ces scores par rapport aux autres groupes d’ une part et par rapport aux mesures faites au démarrage de l’ étude.
Travaux en cours et perspectives
De nombreux travaux complémentaires restent à réaliser afin de réduire les risques de biais observés dans ces études pilotes. Ces résultats ouvrent la voie à une transposition plus large des connaissances acquises par les neurosciences sur l’ EE. Daffner et al (18) soulignent que les études sur l’ EE sur le modèle murin peuvent aider à identifier les facteurs favorisant un vieillissement réussi. En effet, ces études sur l’ influence de l’ EE sur les marqueurs fonctionnels liés à l’ âge ont présenté des effets significatifs et bénéfiques sur la dépression, l’ anxiété, les troubles du comportement, la désorientation spatiale, la mémoire spatiale et la mémoire de travail, les troubles du sommeil et de la nutrition, l’ indépendance fonctionnelle et la préservation des relations sociales.
Les études complémentaires en cours visent à étendre le concept d’ environnement enrichi à l’ ensemble des espaces des institutions gériatriques – notamment l’ architecture générale de l’ établissement, les espaces collectifs et individuels, les espaces extérieurs. L’ enrichissement de l’ environnement permet ainsi d’ ajuster une action de promotion de la santé et du bien-être par l’ intégration et le renouvellement des «modules d’ enrichissement» en fonction du tableau clinique des résidents. Il en est ainsi du projet de rénovation de l’ hôpital gériatrique du Centre Hospitalier de la Métropole de Savoie (CHMS) à Aix les Bains (France).
Il convient aussi de renforcer les connaissances sur la notion d’ appropriation spatiale. L’ ensemble de ces efforts s’ inscrivent dans une vision salutogénique plus large visant produire des recommandations basées sur des connaissances scientifiques solides, pour l’ environnement d’ institution gériatrique dans lequel le résident se sente chez lui et favorisant la préservation et la promotion de la santé et de la qualité de vie de la personne âgée.
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Dr Etienne Bourdon
PhD Santé publique –
MSc Gérontologie – Psychogériatrie
Hôpital gériatrique Charles Foix-
Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP)
Laboratoire Éducation et Promotion de la Santé (LEPS UR 3412)
Université Sorbonne Paris Nord
etienne.bourdon-ext@aphp.fr
etiennepbourdon@gmail.com
L’ auteur ne présente aucun conflit d’ intérêt avec le sujet présenté dans cet article
La richesse des connaissances acquises sur la capacité de l’ environnement enrichi à agir positivement sur le cortex cérébral et les marqueurs fonctionnels de santé présente un intérêt pour la gériatrie. Les premiers travaux de transposition de l’ EE à l’ environnement des institutions gériatriques donnent des perspectives très encourageantes
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15. Bourdon E, Belmin J. Le concept de jardin enrichi, une innovation en gériatrie. Soins Gerontol. 2022;27(157).
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18. Daffner KR. Promoting successful cognitive aging: A comprehensive review. J Alzheimers Dis. 11 mars 2010;19(4):1101‑22.
Based on a session with three very informative presentations at this year’s 90th Annual Meeting of the DGK in Mannheim and good publications on this highly topical subject, we would like to provide a brief summary. Obesity, a chronically progressive disease, is a major health problem today and in the near future, particularly in cardiovascular medicine. However, it also has metabolic, oncolog¬ical and other medical implications. It is therefore an enormous challenge for patients, doctors and the healthcare system. Key words: Adipositas, Cardiovascular disease and Mortality, Semaglutide, Weight reduction, HFpEF
L’obésité est une comorbidité cardiologique importante. Elle augmente de manière disproportionnée dans le monde entier. En 2022, les personnes obèses étaient selon l’OFSP, 12 % de la population suisse était obèse ; en tenant compte en outre de la surcharge pondérale, ce chiffre était de 43 %. En l’espace de 30 ans, la proportion de personnes obèses a doublé en Suisse. Au cours des 35 dernières années (1980–2015), la prévalence a augmenté dans plus de 70 pays, chez les femmes comme chez les hommes. (1). Parmi les décès associés à l’obésité, surtout les maladies cardiovasculaires ont fortement augmenté, avec 41 %.
Aujourd’hui, une personne sur huit est obèse. En 2035, plus de la moitié de la population mondiale sera probablement en surpoids ou obèse. Selon une très grande étude de cohorte américaine, le surpoids/l’obésité augmente le risque cardiovasculaire avec une augmentation des accidents vasculaires cérébraux, l’infarctus du myocarde,l’ insuffisance cardiaque et les décès cardiovasculaires.
Selon l’OMS, l’obésité correspond à un IMC ≥30 kg/m2. L’ IMC varie en fonction du sexe, de l’âge et de l’ethnie. Le problème est l’accumulation viscérale de graisse, c’est pourquoi le tour de taille est également discuté comme mesure. L’IMC est bien corrélé à la graisse corporelle totale. Ainsi, il reste pour l’instant toujours comme mesure. Les maladies cardiovasculaires occupent la première place des maladies non infectieuses dans le monde, avec environ 6.5 %.
Outre les facteurs de risque non modifiables (âge, sexe, génétique, ethnicité), il y a les facteurs de risque modifiables. Il s’agit de l’ hypertension, l’hyperlipidémie, l’obésité, le diabète sucré de type 2 (DT2), le tabagisme et l’inactivité physique. Plus de 50 % du risque cardiovasculaire peut être influencé par ces facteurs. En prévention primaire, l’hypertension est le principal facteur de risque modifiable.
L’obésité est associée à ces facteurs de risque cardiovasculaires, elle favorise certains d’entre eux. Cinq facteurs de risque cardiovasculaire modifiables sont associés aux maladies cardiovasculaires et les décès de toute origine (l’indice de masse corporelle, la pression artérielle systolique, le cholestérol non-HDL, le tabagisme et le diabète). Les données d’une cohorte mondiale ont montré que 57.2 % et 52.6 % des cas de maladies cardiovasculaires, chez les femmes et les hommes, respectivement, et 22.2 % respectivement 19.1 % des décès de toute cause sont liés à ces facteurs de risque (3).
En ce qui concerne l’hypertension la réduction du poids corporel est un objectif thérapeutique important, qui peut être atteint en premier lieu par l’exercice physique et la modification de l’alimentation. Les lignes directrices mettent l’accent sur une perte de poids. Par kg de perte de poids chez les personnes en surpoids (IMC ≥25 kg/m2) ou obèse (IMC ≥30) une baisse de la pression artérielle systolique de 0,5 à 2 mmHg peut être attendue.
Sur le plan physiopathologique, il se produit dans le tissu adipeux viscéral une dans le cas d’adipocytes hypertrophiés, une inflammation systémique avec augmentation de l’interleukine 6 et de l’IL-β et d’autres cytokines et du TNF-α. Cela conduit à un dysfonctionnement endothélial, une oxydation des LDL avec dyslipidémie, la formation de plaques et des événements cardiovasculaires ultérieurs. De plus, il en résulte une résistance à l’insuline et une diminution de la sécrétion d’insuline avec un diabète sucré de type 2 (DT2) (Fig. 1) (4). Les cancers gastrointestinaux sont plus fréquents en cas d’obésité. Il convient de mentionner la stéatose hépatique non alcoolique et d’autres affections internes, neurologiques, psychiques et orthopédiques (5). L’obésité est aujourd’hui reconnue comme une maladie chronique et évolutive.
Pour la prévention, il y a la forme individuelle et la forme basée sur la population. Dans le premier cas, les mesures relatives au mode de vie (activité physique, réduction du poids, alimentation saine à faible teneur en énergie) et des interventions spécifiques sont au premier plan. D’autres facteurs de risque cardiovasculaire sont à éviter. Dans la deuxième forme, des mesures supplémentaires liées à l’environnement et des décisions de la politique sont nécessaires. Un taux significatif de perte de poids de ≥ 5–10 % est nécessaire pour un effet cardiovasculaire protecteur. Jusqu’à récemment, cela n’était atteint que par la chirurgie bariatrique. Dans une très grande étude de cohorte menée aux États-Unis, il a été possible de réduire les facteurs de risque cardiovasculaire de manière significative en 4 à 7 ans (décès, IDM, HI, AVC) (6).
Avec les GLP1-RA, nous disposons aujourd’hui d’un médicament, qui, en tant qu’antidiabétique, entraîne également une réduction significative du poids. Les GLP1-RA imitent l’action des hormones endogènes GLP-1 et du peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP); en cas de DT2, leur sécrétion est réduite, ce qui entraîne une réduction de l’ effet incrétin, c’est-à-dire un effet hypoglycémiant (Fig. 2) (7, 8).
Dans l’étude STEP-4 une réduction de poids de 18 % a été obtenue après 68 semaines chez 902 patients plus jeunes avec un IMC moyen de 38 kg/m2, qui étaient traités avec une dose de 2.4 mg de sémaglutide 1x/semaine sc. Lorsque le médicament était arrêté après 20 semaines, le taux de glycémie est reparti à la hausse et le poids a de nouveau augmenté (9).
Dans l’étude SUSTAIN-6 sur le DT2 et les patients à très haut risque cardiovasculaire, la substance, administrée à une dose plus faible de 0.5 ou 1 mg 1 x /semaine sc pendant 2 ans, protège contre les événements cardiovasculaires avec un taux de 74 % (décès cardiovasculaire, IDM, AVC) avec un HR de 0.74. On a également observé une baisse significative de l’HbA1c et du poids corporel (10). Chez les patients avec DT2 et ceux à très haut risque cardiovasculaire, l’insuline protège contre les à des doses plus faibles de 0.5 et 1 mg 1 x /semaine sc pendant 2 ans contre les événements cardiovasculaires (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC) avec un HR de 0.74. Il y a eu également une baisse significative de l’HbA1c et du poids corporel (10).
Dans l’étude SELECT, chez 17 604 patients obèses non diabétiques souffrant de maladies cardiovasculaires (ASCVD) et présentant un IMC ≥27, IMC moyen de 33 kg/m2, le taux d’évènements après 3.2 ans avec titration de la dose de 2.4 mg 1x/semaine sc. de sémaglutide a été réduit de 20 %. Il y a eu significativement moins de décès cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde non fatals et d’accidents vasculaires cérébraux non fatals et moins d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque à 40 mois. La perte de poids a été de –8.5 %, le tour de taille a diminué de 7.6 %. Une observation très intéressante était que l’effet protecteur, indépendamment du poids initial, du prédiabète, du DFG, de l’insuffisance cardiaque, a été très rapide (24 %), ce qui ne pouvait pas être expliqué par la perte de poids. On suppose que l’inflammation systémique est rapidement réduite et que les évènements cardiovasculaires sont influencés positivement chez tous dès la phase précoce.
La hs-CRP a diminué de 37.8 %, la pression artérielle de 3.3 mmHg (réduction du poids) et du LDL de 2.2 %. Les effets secondaires gastro-intestinaux et hépatobiliaires étaient nettement plus prononcés que le placebo, avec 16.6 % contre 8.2 %. Ceux-ci peuvent être traités par des mesures individuelles et une augmentation lente de la dose peuvent souvent être réduits (11). Les données manquent chez les jeunes obèses en bonne santé. «SELECT» identifie pour la première fois l’obésité comme un facteur de risque cardiovasculaire traitable, ouvrant ainsi la voie à un nouveau domaine pour la cardiologie. La réduction des décès, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux grâce à la sémaglutide a été observée, en plus d’un bon traitement conforme aux lignes directrices.
Les résultats étaient cohérents dans tous les sous-groupes. «Il est notamment intéressant de constater que les patients du groupe IMC faible de 27–30 kg/m2 ont au moins autant profité de l’expérience, voire même plus fortement», a écrit le Prof.Laufs (Leipzig) en novembre 2023 dans «Herzmedizin» de la Soc. Allemande de Cardiologie.
Depuis plus de 20 ans, nous savons que l’obésité est associée à l’insuffisance cardiaque (IC), en particulier à la HFpEF en présence de nombreuses comorbidités. Le plus souvent une hypertension dans 60 à 80 % des cas, un âge avancé, une maladie coronarienne, le sexe féminin, une incompétence chronotrope, l’obésité dans 30–40 % et bien d’autres. L’obésité aggrave les symptômes de l’IC, la qualité de vie et le pronostic (12). Sur le plan pathophysiologique, on observe un dysfonctionnement diastolique avec diminution de l’élasticité du ventricule avec une diminution de la compliance. On constate une augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire avec des valeurs de pression pulmonaire élevées, y compris VR et RA, et des pressions de remplissage élevées. Avec le temps, un dysfonctionnement du VR apparaît. Les patients avec HFpEF obèses ont une valeur BNP/NT-pro-BNP plus basse que les personnes de poids normal pour une pression de Wedge identique. À l’effort, baisse de l’indice cardiaque et augmentation disproportionnée des valeurs de pression/pression de remplissage pulmonaire. En particulier chez les femmes ayant un infarctus du myocarde, le volume sanguin est également augmenté. Le tissu adipeux péricardique a un effet restrictif. Cliniquement, œdèmes périphériques, orthopnée et dyspnée d’effort, augmentation du NT-pro BNP (12, 13). Après une chirurgie bariatrique, il y a, selon une étude suédoise avec 2 registres sur près de 40 000 patients un nombre de cas d’insuffisance cardiaque nettement inférieur à celui observé lors d’un changement de régime intensif du mode de vie (14).
Dans l’étude STEP-HFpEF, il a été possible, chez 529 patients bien prétraités par des médicaments, sans DT2 (encore sans SGLT2-I., seulement 3.6 %) avec un âge moyen de 69 ans et une FEVG ≥ 45 % avec un IMC ≥ 30 kg/m2 (médiane 37) avec une HFpEF (NYHA II-IV), une limitation de la qualité de vie et des antécédents cardiovasculaires. Tous les patients en ont bénéficié, indépendamment de leur infarctus du myocarde de départ. Le bénéfice était particulièrement marqué en cas de perte de poids importante. Les femmes étaient globalement plus affectées et présentaient une amélioration subjective plus importante – cf. physiopathologie. Outre la réduction de la hs-CRP, le NT-pro-BNP (–16 %) a également été nettement réduit (15). Le sémaglutide représente une nouvelle option thérapeutique précieuse pour le traitement des patients avec HFpEF et obésité.
Dans l’étude STEP-HFpEF DM présentée à l’ACC 2024, menée auprès de 616 patients présentant une HFpEF en cas d’obésité et un DT2, une réduction de poids de moins 6.4 % et une nette amélioration de la qualité de vie ont été obtenues sur une période de 52 semaines. Le NT-pro BNP a été réduit de 23.2 %, l’HbA1c a diminué de 0.7 %; ceci avec une titration de la dose sur 16 semaines à 2.4 mg de sémaglutide 1 x/semaine sc. 33 % avaient en plus un inhibiteur du SGLT2 (16).
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Cet article est une traduction de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 05_2024.
Dr Urs Dürst
Zelglistrasse 17
8127 Forch
L’ auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.
L’obésité en tant que comorbidité cardiovasculaire continue de progresser et est en forte augmentation.
Outre les maladies cv ischémiques, l’obésité favorise également le développement d’une FPF.
Le développement d’une HFpEF et d’une fibrillation auriculaire;
30 à 40 % des patients HFpEF présentent une obésité. Ces derniers présentent des caractéristiques modifications hémodynamiques défavorables (femmes > hommes).
Une réduction substantielle du poids de ≥ 5–10 % chez les patients obèses ASCVD a entraîné une réduction du taux d’événements
cv (étude SELECT). Possiblement par le biais d’une réduction de l’inflammation au-delà de la perte de poids proprement dite.
Chez les patients souffrant d’HFpEF et d’obésité, le GLP1-RA est associé à la sélénite.
Le sémaglutide est associé à une amélioration plus importante des symptômes, des performances et de la qualité de vie, avec une amélioration significative, une réduction du poids et de l’inflammation par rapport au placebo.
Un traitement à long terme est nécessaire avec le sémaglutide; les effets indésirables les plus fréquents sont gastro-intestinaux.
Le remboursement des coûts élevés d’Ozempic®, Wegovy®, etc. doit être clarifié individuellement – voir la liste des spécialités de l’OFSP.
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15. Kosiborod M.N. et al., Semaglutide in Patients with Heart Failure with Preserved Ejection Fraction and Obesity, N Engl J Med 2023;389:1069–1084, DOI: 10.1056/NEJMoa2306963
16. Kosiborod M.N. et al., Semaglutide in Patients with Obesity-Related Heart Failure and Type 2 Diabetes, N Engl J Med 2024;390:1394–1407, DOI: 10.1056/NEJMoa2313917
Le vieillissement affecte la coordination et augmente le risque de chutes, impactant la qualité de vie des personnes âgées. Les avancées en neurosciences suggèrent l’ importance d’ un mode de vie actif et de l’ entraînement de l’ équilibre pour atténuer ce risque. L’ espérance de vie croissante associée à l’ altération du contrôle postural lors du vieillissement explique la prévalence élevée des chutes chez les séniors, justifiant l’ importance de programmes de réadaptation adaptés. La collaboration entre physiologistes de l’ exercice et physiothérapeutes au Réseau Hospitalier Neuchâtelois (RHNe) amène des approches inédites en réadaptation au sein de l’ institution, débouchant sur la mise en place d’ un entraînement de la coordination sous la forme d’ un groupe thérapeutique. Un travail interdisciplinaire combinant expertise scientifique et application clinique pour une prise en charge optimale.
Science et équilibre: Repenser la mobilité des séniors
Même si certaines recherches dans le passé mettaient déjà en avant les pertes fonctionnelles dues au vieillissement (1), c’ est principalement au cours des dernières années que les neurosciences et la recherche cognitive ont modifié notre façon de penser face au vieillissement, surtout en termes de santé et de qualité de vie (2). Si l’ ampleur de ces pertes comme une mémoire plus pauvre, un risque accru de chutes ou encore un traitement de l’ information plus lent peuvent varier d’ un individu à l’ autre, des différences apparaissent généralement lorsqu’ on compare des groupes de séniors à des jeunes adultes (3). Un mode de vie actif regroupant des stimulis physiques, cognitifs et sociaux semble être bénéfique non seulement pour réduire les pertes fonctionnelles et améliorer la mobilité des personnes âgées, mais également pour maintenir de bonnes facultés cognitives (4). Le contrôle de l’ équilibre paraît crucial pour préserver ou retrouver un mode de vie actif au vu des différents processus du contrôle moteur impliqués dans les activités quotidiennes telles que la marche ou le vélo; ceux-ci nécessitant l’ intégration continue d’ informations multi- sensorielles du corps dans l’ espace (5).
Prévalence des chutes chez les séniors
Dans les pays développés, l’ espérance de vie des personnes de 65 ans est d’ approximativement 17 ans pour les hommes et de 21 ans pour les femmes. De plus, il est démontré que le contrôle postural entre les jeunes gens et les personnes âgées diffère passablement (6), expliquant ainsi l’ augmentation des chutes chez les séniors avec au moins une chute par année chez un tiers des personnes de plus de 65 ans (7). Ce taux augmente très rapidement avec l’ âge et atteint des valeurs de 56 % pour les groupes de 90 à 99 ans (8). En suisse, les statistiques montrent que les chutes sont la cause principale de mortalité et de blessure causées par un accident non-professionnel (9). Pas moins de 300 000 personnes sont chaque année blessées en raison de chute, ce qui représente plus que la moitié de tous les accidents domestiques confondus. (10).
Altération du contrôle postural
Les personnes âgées présentent des différences significatives dans leur contrôle postural lors de l’ exécution d’ une double tâche (DT) (11). Cette différence est d’ autant plus marquée si la tâche est complexifiée (12): On observe dès lors une dégradation de la performance en lien avec la tâche concurrente. En relation avec cette détérioration du contrôle postural, l’ augmentation de chutes chez les personnes de plus de 65 ans peut s’ expliquer par une dégradation de certaines facultés neuromécaniques liées au vieillissement telle que la pondération sensorielle (13). Ce déclin dans le contrôle de la pondération sensorielle jouerait ainsi un rôle significatif dans l’ augmentation des chutes chez les séniors (14). Les raisons justifiant cette corrélation positive entre l’ altération du contrôle postural et l’ augmentation de l’ âge sont multiples: la sarcopénie, c’ est-à-dire la perte involontaire de masse musculaire, est un composant pathophysiologique critique de la fragilité (15), la détérioration des capacités sensorielles telles que la vue, l’ ouïe et le touché, une diminution de la condition physique entraînant une perte de force musculaire (notamment de la force explosive), une immobilisation prolongée, les effets secondaires résultant de la prise de certains médicaments, et finalement la peur de la «perte de contrôle» et du risque de tomber (6). Chuter à un âge avancé peut avoir de lourdes conséquences et altérer drastiquement la qualité de vie d’ une personne, d’ où l’ importance d’ étudier les causes et les risques de chutes chez les aînés. Mieux comprendre l’ altération du contrôle postural permet ainsi une meilleure prévention contre les potentielles déficiences de certaines facultés neuromécaniques et une meilleure prise en charge des personnes âgées dans le but de diminuer leur risque de chute.
Les effets de l’ entraînement de l’ équilibre
Dans la lutte contre l’ augmentation des chutes chez les aînés, l’ entraînement de l’ équilibre semble être bénéfique notamment dans l’ amélioration de certains paramètres du contrôle postural (16), mais également au niveau structural (17). L’ activité physique en endurance permet d’ améliorer le contrôle postural (18). Plusieurs études (19) recommandent l’ entraînement de l’ équilibre comme une mesure efficace pour contrer l’ altération naturelle de certaines fonctions neuromécaniques mais également cognitives (20). Les effets positifs résultant de l’ entraînement et de l’ apprentissage de l’ équilibre ont montré des améliorations comportementales sur plusieurs niveaux, tels que: une réduction de l’ incidence des chutes (avec ou sans conséquences médicales), de meilleures compétences de réhabilitation, une réduction des douleurs cervicales, une amélioration des fonctions sensorimotrices des vertèbres cervicales, et une augmentation de la performance en pliométrie. Ainsi, ces recherches mettent en évidence les nombreux bénéfices découlant de l’ entraînement de l’ équilibre chez les personnes âgées. Par conséquent, la mise en place de tels programmes en réadaptation paraît essentielle.
Mise en application: Expérience au RHNe
Mise en place d’ un groupe de «coordination»
La nécessité d’ intégrer un entraînement de l’ équilibre en réadaptation paraît donc indispensable. De ce fait et dans le cadre d’ un projet institutionnel visant à améliorer les processus de réadaptation, une approche proactive a été développée et crée pour améliorer la qualité de vie de nos patients, notamment âgés en réadaptation, en mettant sur pied un groupe de coordination.
Objectifs
Le but premier de ce groupe de coordination est de renforcer la coordination motrice des patients âgés; compétences essentielles à leurs activités quotidiennes et à la prévention des chutes. Dans la pratique, ce groupe est réalisable en position assise ou debout et s’ articule autour de quatre objectifs:
1. Sensibiliser les patients à l’ importance vitale de la coordination pour leurs activités quotidiennes
2. Améliorer la coordination sous toutes ses formes, assurant notamment une prévention efficace contre les chutes
3. Proposer des exercices simples et reproductibles à domicile, favorisant l’ autonomie et la continuité du soin
4. Suivre et quantifier les progrès de chaque patient, afin d’ ajuster les exercices pour répondre au mieux à leurs besoins
Critères
Le groupe est conçu pour accueillir un large éventail de patients tout en leur offrant un programme adapté et personnalisé. Toutefois, afin de garantir l’ efficacité et la sécurité des séances pour tous les participants, certains critères d’ exclusion sont appliqués.
Ce programme est idéal pour ceux qui peuvent s’ engager activement dans les exercices proposés, à l’ exception des cas suivants:
1. Patients présentant des troubles cognitifs sévères, avec un score au Mini-Mental State Examination (MMS) inférieur à 15
2. Patients affectés par une surdité ou une cécité sévère
3. Patients ayant des troubles du comportement qui pourraient entraver la dynamique de groupe
4. Patients ayant une dépendance trop importante, indiquée par un score à la Mesure d’ Indépendance Fonctionnelle (MIF) inférieur à 4 pour les transferts et les locomotions
Fréquence et déroulement des séances
Les patients participent au groupe de coordination trois fois par semaine. Notre volonté est d’ intégrer le plus fidèlement possible les données scientifiques dans la pratique clinique. En effet, la recherche suggère une amélioration substantielle de la capacité de performance de l’ équilibre à une fréquence de trois sessions hebdomadaires (21) (Fig 1).
La thérapie dure 45 minutes par séance. Chaque groupe accueille jusqu’ à six patients qui sont encadrés par un physiologiste de l’ exercice ou un physiothérapeute. Les participants au groupe sont des patients connus du service ce qui permet une sélection personnalisée des exercices en anticipant leurs exigences pour répondre de manière individualisée aux besoins de chacun.
Choix des exercices
Le choix des exercices repose sur une série d’ exercices ciblés, structurés autour de cinq thématiques clés: l’ orientation, la réaction, la différenciation, le rythme, et l’ équilibre (ORDRE). Chacune de ces thématiques propose six niveaux de difficulté, de la variation la plus simple à la plus complexe. Cette gradation permet une personnalisation poussée, adaptant l’ exercice aux capacités et aux progrès de chaque patient. Des exercices simples, comme par exemple le maintien de la station debout sur une surface instable, ou encore des exercices plus complexes comme l’ utilisation de la double tâche, permettent d’ ajuster finement le niveau de difficulté aux capacités du patient (Fig 2). Cette adaptabilité assure non seulement une sécurité maximale lors de la pratique, mais permet également de maintenir un niveau d’ engagement élevé chez le patient, facteur clé dans la réussite de tout programme de réadaptation.
Des retours positifs
Des retours empiriques indiquent une bonne adhésion des patients mettant en lumière le réentraînement de certains aspects de la coordination longtemps délaissés, tels que le rythme ou la réaction. Les patients ont augmenté leur quantité de mouvements quotidiens, et l’ appréciation de la variété des exercices a été notée. Les physiothérapeutes, assurant des séances individuelles dans le cadre de l’ itinéraire spécifique du patient en réadaptation, ont également partagé des retours positifs, notant les avantages de l’ entraînement en coordination sur leurs patients.
De nouvelles collaborations: Complémentarité Physiologiste et physiothérapeute
L’ introduction d’ un groupe de coordination au sein de notre institution est née d’ une collaboration enrichissante entre le physiologiste de l’ exercice et le physiothérapeute, offrant une perspective innovante sur l’ entraînement et la thérapie de nos patients.
Le physiologiste de l’ exercice apporte une base scientifique solide, mettant en avant les bienfaits de l’ activité physique sur la santé. Sa connaissance approfondie dans les domaines de l’ équilibre, de l’ endurance, de la biomécanique du mouvement et de la force permet d’ introduire des pratiques novatrices. Pour ce dernier paramètre et dans le cadre d’ un centre de réadaptation, il apporte une précision scientifique au travail de la force. Il personnalise la charge de travail en fonction de la force maximale relative de chaque patient, exploitant l’ ensemble du spectre de l’ entraînement contre résistance, de la force maximale à la force explosive.
Pour répondre au mieux aux objectifs fixés pour les patients, Il élabore des protocoles adaptés tout en s’ appuyant sur des donnés probantes et des méthodes efficaces et variées, comme l’ entraînement en excentrique (22) ou en force maximale. Cette dernière, requiert moins de répétitions avec des charges plus élevée pour maximiser les gains en force (Fig 3). A titre d’ exemple, lorsque le but recherché est de gagner en force, il est courant d’ observer des protocoles de 10 à 20 répétitions avec des charges inférieures à 75 % de la capacité maximale et des pauses courtes. Cependant, la littérature recommande depuis longtemps des séances plus intensives (> 75 %), limitées à 8 répétitions et espacées de pauses plus longues (2 à 4 min) pour une amélioration optimale de la force (23).
Cette expertise scientifique renouvelle l’ approche de prescription d’ exercices, s’ éloignant des pratiques conventionnelles, pour des adaptations physiologiques plus marquées. Cette démarche contribue également à dissiper les réticences des physiothérapeutes à utiliser des exercices de force, notamment à des intensités plus élevées, avec des patients considérés comme fragiles.
Parallèlement, le physiothérapeute apporte une dimension complémentaire avec un regard plus clinique et fonctionnel, axé directement sur les besoins des patients. Cette expertise permet de déterminer la faisabilité des exercices proposés, garantissant ainsi leur adaptation et leur sécurité pour chaque individu. De plus, la collaboration entre ces deux professions favorise une approche holistique où la théorie scientifique rencontre la pratique clinique pour un bénéfice patient optimal.
Cette complémentarité a donné naissance à une nouvelle vision de l’ application des sciences du mouvement à une population considérée comme fragile. Elle permet de dépasser les approches thérapeutiques traditionnelles, en éliminant les appréhensions et en remettant en question les pratiques établies.
Copyright: Aerzteverlag medinfo AG
Jeremy Barfuss
Réseau Hospitalier Neuchâtelois
Coordinateur Médecine du Sport /
Physiologiste du Sport
Swiss Olympic Sport Medical Base
Route de Landeyeux
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l’auteur n’a pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
◆ L’ impact du vieillissement sur la coordination et l’ augmentation du risque de chutes compromet la qualité de vie.
◆ Maintenir une activité physique soutient les capacités de coordination et diminue les effets négatifs du vieillissement.
◆ La collaboration entre physiologistes de l’ exercice et physiothérapeutes peut conduire à l’ introduction de nouvelles approches, améliorant significativement la prise en charge des patients âgés en réadaptations.
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Les mesures limitatives de liberté (MLL) comprennent les mesures limitant la liberté de mouvement et le traitement sans consentement (TSC), conformément au code civil suisse (CC). En psychiatrie de la personne âgée hospitalière, on traite souvent des patientes et des patients incapables de discernement qui, outre leur maladie psychique, sont multimorbides sur le plan somatique. Dans ce groupe de patients, on recourt de manière répétée à des mesures limitant la liberté de mouvement pour prévenir les chutes et à des isolements en raison des consignes d’ hygiène en cas de maladies infectieuses. On réalise des TSC qui sont tolérés par les personnes concernées sans refus apparent, mais qui doivent néanmoins être saisis comme TSC en raison de l’ absence de consentement. L’ Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ) a introduit la psychiatrie de la personne âgée comme une nouvelle catégorie de cliniques. Cette différenciation doit également être considérée comme une opportunité et une invitation à considérer de manière différenciée les MLL dans cette catégorie.
Measures restricting freedom include physical restraints restricting movement and treatment without consent according to the Swiss Civil Code. Patients incapable of consenting to treatments and other measures of care and who are somatically multimorbid in addition to their mental illness are frequently encountered in the geriatric psychiatry inpatient setting. In this group of patients, physical restraints are repeatedly used to prevent falling and to quarantine patients due to infectious diseases. Frequently, treatment is conducted with the apparent agreement of the patient but which are to be recorded as measures restricting freedom due to the inability to give informed consent. The National Association for Quality Development in Hospitals and Clinics (ANQ) has introduced geriatric psychiatry as a separate hospital category; this differentiation should also be seen as an opportunity and invitation to take a differentiated look at measures restricting freedom in geriatric psychiatry. Key Words: geriatric psychiatry, measures restricting freedom, treatment without consent, quality
Introduction
Dans le domaine de la psychiatrie de la personne âgée (PPA) en milieu hospitalier, de nombreux patients sont traités – en particulier en soins médicaux de base figurant sur les listes hospitalières cantonales – qui sont incapables de discernement de manière globale et durable en raison de troubles cognitifs importants. Une agitation associée à une agressivité dans le cadre d’ un état confusionnel aigu est régulièrement à l’ origine d’ une hospitalisation en psychiatrie aiguë. Souvent, il existe en même temps une forte tendance à la chute due à la maladie et/ou aux médicaments, dont les patients ne peuvent pas suffisamment ou pas du tout évaluer le risque en raison de leur incapacité de discernement. Pour les raisons précitées, il faut souvent décider chez ces patients de l’ utilisation de mesures limitant la liberté de mouvement et de les traiter sans consentement (TSC). Les deux attitudes sont regroupées sous le terme de mesures limitatives de liberté (MLL). En raison de l’ absence de consentement juridiquement valable, la saisie en tant que mesure limitant la liberté a lieu même en l’ absence de refus verbal ou physique reconnaissable. Ces mesures, très hétérogènes du point de vue de leur caractère invasif, sont discutées ici dans la perspective de la PPA.
Définitions des termes et bases juridiques
Sur le plan juridique, les directives médico-éthiques «Mesures de contrainte en médecine» (2015) de l’ Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) en plus du CC, sont contraignantes par l’ intermédiaire du code de déontologie médicale («droit mou») et ceci – malgré leur statut juridique différent.
Dans ce texte, nous utilisons le terme de MLL conformément à la définition de l’ Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ)1. Les hôpitaux et les cliniques ont adhéré volontairement à un contrat avec l’ ANQ, contrat établi sur des bases légales dans le but de recenser les MLL conformément aux directives de l’ ANQ. La terminologie de l’ ANQ est donc fortement présente dans les institutions. Des termes tels que «mesures de contrainte» ne sont toutefois utilisés ni dans le CC ni par l’ ANQ.
La notion de MLL doit ici être considérée moins comme un terme générique au sens juridique formel que comme un regroupement des mesures à saisir. En PPA, la base juridique ou le cadre d’ une MLL est typiquement le placement à des fins d’ assistance (PAFA). Le CC contient une section avec les articles 426 à 439 qui règlent le PAFA. En principe possible et pertinent pour la PPA, un PAFA peut également être justifié par un grave état d’ abandon, auquel cas il est effectué sans objectif de traitement et donc uniquement à des fins d’ assistance (art. 426, al. 1), pour autant que la proportionnalité soit donnée (et qu’ une aide à domicile ou un placement dans un établissement de soins ne soient pas plus appropriés).
Les MLL selon la définition de l’ ANQ englobent les mesures limitant la liberté de mouvement selon les art. 383 ss et 438 CC et les TSC selon les art. 434 CC (avec PAFA) et 379 et 435 CC (sans PAFA, par ex. lorsque la décision ne peut être prise qu’ à postériori après une intervention d’ urgence).
Si une personne capable de discernement donne son consentement à une MLL, cela n’ est pas considéré comme une mesure de contrainte. Il convient toutefois de noter que le consentement d’ une personne incapable de discernement ne doit pas être considéré comme juridiquement valable. Toutefois, d’ un point de vue éthique, un tel consentement d’ une personne incapable de discernement joue un rôle.
La TSC est considérée comme la MLL la plus forte. Le traitement ne peut donc être administré qu’ à des personnes incapables de discernement. Il faut en outre qu’ il y ait une menace sérieuse et que la mesure soit proportionnée. La plupart du temps, la TSC est également effectuée dans le cadre d’ un PAFA ou en cas d’ urgence. Si ce traitement d’ une maladie psychique a lieu dans un établissement psychiatrique, les décisions ne sont pas prises par les personnes habilitées à représenter la personne concernée, mais par le médecin-chef traitant2. Un plan de traitement est toutefois nécessaire (art. 433). Il doit être établi avec la participation de la personne concernée et, le cas échéant, de sa personne de confiance. Le plan de traitement constitue la base d’ un TSC. Les exigences légales concernant le plan de traitement sont élevées et comprennent les raisons, le but, la nature, les modalités, les risques et les effets secondaires de la mesure médicale prévue, ainsi que des indications sur les conséquences d’ une absence de traitement et sur d’ éventuelles possibilités de traitements alternatifs. Il s’ en suit que de nombreux patients en PPA n’ ont pas le discernement pour donner leur consentement au plan de traitement.
La définition de la contrainte est d’ une grande importance pour l’ évaluation juridique. Dans le contexte des traitements médicaux, le terme «contrainte» n’ est pas utilisé dans le CC. Or, pour une évaluation éthique et compte tenu du caractère invasif de la mesure, la distinction entre le traitement avec consentement de la personne concernée incapable de discernement et sa résistance active est très importante. La nécessité du consentement a des conséquences importantes pour la PPA, car les personnes incapables de discernement souffrant de graves déficits cognitifs ne peuvent pas le donner de manière juridiquement valable ni dans le sens d’ une manifestation de volonté claire. Cela commence dès l’ entrée à l’ hôpital qui, en raison de l’ absence de consentement clair, se fait souvent dans le cadre d’ un PAFA. Il en va de même pour une admission dans une unité fermée ce qui constitue également une restriction de la liberté personnelle. Ces patients ne peuvent donc pas non plus consentir à d’ autres mesures de contention, comme l’ immobilisation sur une chaise au moyen d’ une ceinture souple pour prévenir les chutes. Par conséquent, ces mesures doivent également être saisies en tant que MLL bien qu’ elles ne soient souvent pas remarquées par les patients.
Documentation des MLL
Les établissements psychiatriques hospitaliers sont légalement tenus de documenter les MLL. L’ ANQ est responsable de la saisie centrale. Les MLL suivantes sont saisies et évaluées pour un benchmarking.
• L’ isolement (psychiatrique vs. Infectieux / somatique)
• L’ immobilisation
• La médication forcée (orale vs. injection)
• Le maintien ferme
• Les limitations du mouvement à la chaise
• Les limitations du mouvement au lit
Pour chaque mesure, le début et la fin doivent être saisis (uniquement le moment pour la TSC). Il existe encore de nombreuses autres mesures qui ne sont pas prises en compte par la définition de la MLL de l’ ANQ. Ces mesures, comme la prise en charge 1:1 ou les restrictions de sortie, portent également atteinte à la liberté personnelle. En tant que mesures limitatives de liberté, elles correspondent à une définition plus large de la MLL3.
Comme la PPA ne constitue une catégorie de cliniques propre dans le système ANQ que depuis 2023, on dispose de peu de données sur les fréquences des MLL en PPA. En moyenne, environ 11% des patients en traitement hospitalier en psychiatrie de premier recours sont concernés par une MLL (1). L’ ANQ ne recueille pas de données sur la MLL en soins aigus. Les données recueillies en Suisse dans le cadre d’ études n’ indiquent que des taux légèrement inférieurs si l’ on tient compte du séjour nettement plus court en moyenne à l’ hôpital somatique (2).
Mesures limitant la liberté de mouvement
Comme mentionné, la notion de MLL englobe la TSC et les mesures limitant la liberté de mouvement. Par ces dernières, on entend des mesures mécaniques qui ne servent pas en premier lieu au traitement, mais à la prévention de dommages corporels pour le patient ou des tiers. Ce groupe de mesures est régi par l’ article 383 du CC, qui a été formulé en premier lieu pour les établissements médico-sociaux. Parmi les conditions d’ utilisation de ces mesures, on compte le danger menaçant la vie ou l’ intégrité corporelle de la personne concernée ou d’ un tiers ainsi que l’ absence d’ alternatives moins invasives. La personne concernée doit être informée au préalable et la mesure doit être aussi brève que possible. En outre, l’ article 384 CC règle les obligations en matière de documentation. Au sens du droit de la protection de l’ adulte ou du CC, les limitations de mouvement occasionnées par des médicaments ne font pas partie des limitations de mouvement selon l’ art. 383 CC, mais constituent une mesure médicale.
Restriction de mouvement pour prévenir les chutes
Les chutes chez les personnes âgées sont fréquentes et ont différentes causes. Celles-ci comprennent des troubles sensoriels (les obstacles sont ignorés ; les inégalités du sol sont moins bien ressenties etc.), de l’ appareil locomoteur (l’ atrophie musculaire empêche des mouvements compensatoires rapides) et, en outre, les maladies cérébrales (par ex. les démences) provoquent des troubles de la coordination. Les troubles cognitifs augmentent non seulement la fréquence des chutes, mais aussi le risque de se blesser en tombant (3). Ces facteurs sont persistants, mais peuvent être atténués par exemple par la physiothérapie, les aides visuelles etc. D’ autres facteurs viennent s’ ajouter, en particulier dans le cadre de la psychiatrie aiguë hospitalière: Parmi eux, la maladie psychique aiguë qui, associée par exemple à un besoin de bouger irrépressible, à un état confusionnel aigu ou à des hallucinations, augmente le risque de chute. A cela s’ ajoutent de nombreux médicaments psychotropes dont l’ effet indésirable peut être la chute. Des études observationnelles menées dans le domaine de la psychiatrie aiguë des personnes âgées montrent par conséquent une fréquence élevée atteignant 17 chutes pour 1000 jours de soins (4). Les recommandations internationales proposent une évaluation multifactorielle du risque de chutes. Cela comprend par exemple le relevé des antécédents de chutes, l’ impression clinique et l’ utilisation de questionnaires sur la peur de tomber (5). Sur le plan préventif, il est fait référence à des formations qui s’ adressent en premier lieu à l’ entourage des personnes souffrant de troubles cognitifs. Mais l’ aménagement de l’ environnement (éviter les risques de trébuchement, bon éclairage), l’ activité physique et la physiothérapie ont également une grande importance.
Outre les approches thérapeutiques mentionnées, des mesures de limitation de la mobilité sont également utilisées pour réduire le risque de chute. Les limitations mécaniques de la mobilité, telles que les ceintures souples et les planches de fixation des fauteuils roulants, revêtent une importance particulière dans la PPA. Les barrières de lit ne sont plus que rarement utilisées, car elles augmentent la hauteur de chute. Un tapis de sonnette est placé devant le lit des patients et alerte l’ équipe soignante (par exemple par radio) dès que quelqu’ un marche dessus. L’ utilisation de tapis de sonnette montre de manière exemplaire à quel point les points de vue sur de telles mesures sont différents. Dans certaines institutions, elle est enregistrée comme MLL. Pour l’ ANQ, elle n’ entre cependant pas dans cette catégorie, car cette mesure est considérée comme peu invasive et permet en outre d’ éviter des mesures plus invasives (en particulier l’ immobilisation au lit). Le tapis de sonnette n’ est pas une restriction de mouvement s’ il sert uniquement à aider les patients à se lever. L’ utilisation de chaises et de canapés profonds ainsi que de poufs et de lits au sol, qui peuvent rendre impossible le lever des patient-e-s fragiles, doit donc être considérée dans le cas concret comme des mesures limitant la mobilité au sens du CC.
Restrictions de sortie et autres mesures limitant la liberté de mouvement
Les restrictions de sortie sont des mesures fréquentes en psychiatrie hospitalière, par exemple lorsqu’ un-e patient-e suicidaire n’ est pas autorisé-e à quitter le service sans accompagnement approprié ou seulement avec une limitation de temps. En PPA, les restrictions de sortie et les unités de soins fermées («protégées») en permanence sont souvent utilisées lorsque les patient-e-s ne peuvent pas retrouver seuls leur chemin vers l’ unité de soins en raison d’ une désorientation ou qu’ ils/elles peuvent s’ égarer, ou encore lorsqu’ il faut partir du principe qu’ il existe un risque élevé de chutes lors de la sortie. Comme cette forme de MLL n’ est pas explicitement recensée par l’ ANQ, elle fait moins l’ objet de discussions. Pour la partie des patients et patientes n’ ayant pas conscience de leur maladie, cette mesure constitue toutefois une restriction réelle. Cela vaut également pour d’ autres mesures énumérées par l’ ASSM, telles que la limitation des possibilités de visite, l’ accès à des substances nocives pour la santé ou encore le retrait du téléphone portable. Les mesures limitant les mouvements sont plus fréquentes en médecine somatique, mais aussi en psychiatrie hospitalière, et visent d’ empêcher par exemple le retrait d’ une perfusion, d’ une sonde nasale ou d’ un cathéter urinaire.
Mesures limitant la liberté de mouvement en raison d’ aspects infectieux
La pandémie de COVID n’ est pas la seule raison nécessitant l’ isolement de patients qui ne comprennent pas le sens de la mesure à cause de leur incapacité de discernement. Il en est de même pour d’ autres maladies infectieuses (p. ex. norovirus) pour lesquelles il convient de saisir une MLL. Contrairement aux restrictions de mouvement d’ un point de vue psychiatrique, celles-ci sont prescrites sur la base d’ une indication infectieuse et ne peuvent généralement pas être évitées par d’ autres mesures. Il existe ici des recoupements avec la limitation de sortie mentionnée plus haut, par exemple lorsque des unités de soins entières doivent être isolées.
Conséquences des mesures limitant la liberté de mouvement pour les personnes âgées
Lors de l’ utilisation de mesures de limitation de mouvement pour éviter les chutes, il convient de mettre en balance les conséquences des chutes (blessures, peur de tomber) et les inconvénients psychiques et somatiques de la mesure. Dès qu’ une mobilité habituelle n’ est plus possible en raison de la restriction (p. ex. se lever en cas d’ immobilisation avec une ceinture souple), cela peut entraîner un sentiment d’ insécurité et d’ inquiétude. La participation sociale peut également être menacée lorsque les personnes sont fixées à l’ écart de l’ activité du service. Il faut également tenir compte des conséquences négatives directes de l’ immobilisation. Celles-ci vont des thromboses à l’ atrophie musculaire et à la perte de force, en passant par une tendance accrue à la chute à long terme faute d’ entraînement. En psychiatrie aiguë, où les changements de médicaments sont souvent rapides, il faut tenir compte du fait que la tendance aux chutes peut être considérablement accrue à court terme. Il n’ existe cependant pas de données issues du setting aigu qui prouvent l’ utilité à long terme des mesures de restriction de l’ activité physique pour la mobilité (6). Elles peuvent plutôt être un facteur de risque de chutes (7). Les chutes sont certes fréquentes en PPA en raison des caractéristiques des patients et de leur état aigu, mais les conséquences des chutes ne semblent pas être graves dans la plupart des cas (8). De plus, les chutes surviennent souvent lors des transferts et dans la propre chambre (8, 9), ce qui ne peut être évité que de manière limitée par des mesures de limitation de mouvement.
Ce sont souvent les infirmiers/infirmières qui recommandent aux médecins de prendre ou non des mesures de limitation de mouvement (10). L’ accent est mis sur le sentiment de responsabilité pour la sécurité immédiate des patient-e-s et moins sur les conséquences à moyen et long terme (11, 12).
Les enquêtes sur l’ observation rétrospective des limitations de mouvement chez les personnes atteintes de démence sont par nature difficiles. Les enquêtes menées auprès de patients de moins de 65 ans non atteints de démence indiquent au moins que les personnes plus âgées voient les restrictions de mouvement d’ un œil plus critique que les jeunes (13). Ces enquêtes sont importantes, car elles permettent d’ évaluer si les mesures prises vont dans le sens du patient.
Alternatives aux mesures limitant la liberté de mouvement
En raison des conséquences négatives des mesures mécaniques de limitation de mouvement, il est important de prendre en compte les alternatives. La préférence est donnée aux méthodes moins invasives que les restrictions de mouvement au lit ou au fauteuil. Il s’ agit par exemple des différentes approches de stimulation sensorielle de base (massage, arômes, mouvements réguliers). Toutefois, l’ évidence ne repose souvent que sur l’ expérience clinique. En particulier en cas de risque aigu de chute, il faut souvent recourir à la prise en charge 1:1 comme alternative. Dans ce cas, le patient est accompagné en permanence par du personnel qui peut intervenir, par exemple lorsqu’ il se lève de son fauteuil roulant. Cela implique des efforts organisationnels et financiers élevés pour la clinique. Pour une partie des patients, cette mesure est en outre désagréable en raison de l’ observation permanente par une personne physiquement présente et est perçue comme invasive. L’ ANQ ne considère toutefois pas cette situation comme une MLL. C’ est pourquoi il est important d’ impliquer l’ entourage, en particulier lors de l’ utilisation de la limitation des mouvements pour prévenir les chutes. Ceci, d’ une part, afin de clarifier la préférence supposée du patient (dans la mesure où l’ observation du comportement ne permet pas déjà de la déduire) et, d’ autre part, afin d’ avoir une sécurité juridique en cas de blessures graves dues à une chute. Dans ce contexte, il convient de mentionner la campagne «Laufen Lassen» («Laisser courir») de la Société des soins en gérontologie (14).
Traitement sans consentement
Alors que les mesures de limitation de la liberté de mouvement servent en premier lieu à prévenir une mise en danger de soi ou d’ autrui, un traitement d’ une maladie peut également être effectué sans le consentement du patient. Comme déjà expliqué, les exigences légales sont particulièrement élevées dans ce cas. Du point de vue de l’ ASSM, il est possible de distinguer dans la pratique entre une médication à des fins thérapeutiques et une administration de médicaments visant à prévenir la mise en danger d’ autrui.
Administration de médicaments
Les traitements médicamenteux chez les patients incapables de discernement se distinguent par leur caractère invasif (de la persuasion à l’ administration par voie intramusculaire, voire intraveineuse, contre résistance physique). En PPA, il s’ agit souvent de traitements administrés sans consentement explicite ou légalement valable, mais acceptés par le patient sans refus évident. Un exemple est la prise autonome d’ un comprimé proposé par un patient incapable de discernement. Dans certaines circonstances, il n’ est pas clair pour ce patient ou cette patiente qu’ il s’ agit d’ un comprimé. Comme il s’ agit d’ un TSC, le plan de traitement présenté plus haut est d’ une importance capitale. L’ administration dissimulée de médicaments, par exemple sous forme liquide ou en granulés avec la nourriture, constitue également un défi éthique. Conformément aux directives de l’ ASSM (15), il faut faire la distinction entre les situations dans lesquelles le patient donne son accord ou peut être supposé donner son accord, et celles dans lesquelles le refus du médicament a été déclaré ou doit être supposé. Dans ce cas, il y a, outre la «tromperie à des fins d’ assistance», une mesure de contrainte qui doit être justifiée soit par une décision d’ urgence soit par une décision élective (nécessité de traitement donnée selon l’ art. 434 CC). Les consentements nécessaires pour les traitements médicamenteux d’ une maladie somatique et d’ une maladie psychique dans le secteur hospitalier d’ un établissement psychiatrique sont réglés de manière différente. Le droit de représentation médicale ne s’ applique qu’ aux traitements somatiques. Dans les deux cas, il convient toutefois de tenir compte des directives anticipées du patient.
Prises de position sur les défis
La mise en œuvre de mesures contre la volonté représente une atteinte considérable aux droits de la personnalité et est donc, à juste titre, liée à des exigences élevées. Une délimitation des mesures exécutées sans consentement mais aussi sans refus semble judicieuse. La question se pose toutefois de savoir si une telle délimitation peut être maintenue dans la pratique, car il existe des transitions (par exemple en cas de persuasion ou si le consentement est lié à des avantages pour le patient). De nombreuses associations et initiatives ont pris position sur le sujet. Deux prises de position qui nous semblent particulièrement pertinentes pour la PPA sont présentées.
La position de l’ Académie Suisse des Sciences Médicales
Selon l’ ASSM (15), la contrainte comprend les mesures qui sont appliquées «en dépit du fait que la personne concernée manifeste ou a manifesté par le passé son désaccord par l’ expression de sa volonté ou par la résistance». Dans l’ annexe à la directive, l’ ASSM définit quatre dimensions de la contrainte (15). Selon la première dimension, il y a contrainte lorsque l’ on agit contre la volonté d’ une personne (volonté libre d’ une personne capable de discernement ou volonté préétablie ou présumée d’ une personne incapable de discernement). La deuxième dimension évalue le comportement de la personne face à la mesure. La contrainte est ici définie comme le fait de surmonter un refus verbal ou une résistance physique. L’ examen de ces deux dimensions permet de distinguer déjà quatre situations dans lesquelles il y a ou non contrainte dans l’ une ou l’ autre dimension ou dans les deux. Les autres dimensions concernent le but (thérapie ou prévention d’ un danger aigu pour soi-même ou pour autrui) et le caractère invasif de la mesure (de la persuasion à l’ utilisation de la force physique). Conformément à la définition de l’ ASSM, de nombreuses restrictions de mouvement et TSC en PPA ne remplissent pas le critère de contrainte.
La position de la Société suisse de psychiatrie de la personne âgée
Du point de vue de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA), dont les deux auteurs font partie, la considération des quatre dimensions de l’ ASSM est très utile pour l’ évaluation des restrictions de mouvement et de la TSC en PPA. Jusqu’ à présent, la saisie de l’ ANQ ne différencie pas les MLL selon qu’ elles sont contraires à la volonté présumée ou qu’ elles se heurtent à une résistance verbale ou physique, ou encore selon que la personne concernée ne s’ exprime pas du tout à ce sujet quelle qu’ en soit la raison. Dans ce dernier cas, il s’ agirait effectivement d’ une «mesure sans consentement» au sens du CC, mais une mesure que le patient ou la patiente tolère sans aucune indication qu’ il ou elle n’ est pas d’ accord. Du point de vue de la SPPA, cette thématique nécessite une discussion substantielle d’ un point de vue médical, juridique et éthique. Les mesures de prévention des chutes sont fréquemment utilisées, en particulier dans les phases de changement rapide de médicaments, et sont souvent peu invasives (par exemple ceinture souple lors de la participation à des thérapies de groupe). En partie, par exemple dans la ligne directrice S3 allemande «Verhinderung von Zwang» (prévention de la contrainte), cela est également souligné sur le plan conceptuel, en faisant la distinction entre les mesures «limitatives de liberté» et les mesures «privatives de liberté» (16).
Dans la perspective de la SPPA, la réduction des mesures de contrainte invasives en particulier est un critère de qualité important (17).Dans ce contexte, la saisie indifférenciée des mesures de contrainte ne suffit pas pour être adaptée à des systèmes d’ incitation basés sur la qualité. Les données des registres allemands montrent que le pourcentage de cas avec des mesures de contrainte, par exemple, n’ est pas un indicateur de qualité approprié, car il dépend trop, entre autres, de la proportion de patients ayant le statut de PAFA, de la présence d’ autres cliniques et d’ offres ambulatoires dans les environs, des mandats de prestations cantonaux et de la structure de la population locale (p. ex. fréquence des minorités ethniques) (18).Comme les patients incapables de discernement doivent généralement être traités en PAFA, le nombre de PAFA n’ est pas non plus un indicateur de qualité approprié. D’ autre part, de nombreux facteurs infrastructurels peuvent être modifiés et sont susceptibles de réduire le recours aux MLL. En font partie, outre un aménagement adéquat des espaces intérieurs et extérieurs (absence de barrières / «conception universelle», aides à l’ orientation / environnement lisible, incitations au mouvement et à l’ activation, concept d’ éclairage, mains courantes continues), mais aussi les nouveaux systèmes numériques de prévention des chutes et le monitoring des patients basé sur des capteurs. Les chutes et la peur de tomber sont une thématique importante en médecine gériatrique et devraient faire l’ objet d’ une plus grande attention (19). Cela inclut également le manque de financement direct et le recours à davantage de physiothérapie et de thérapie par le mouvement et le sport en PPA hospitalière.
Perspectives
La définition de la PPA comme type de clinique propre à l’ ANQ est à saluer. Elle pose la première pierre d’ une saisie appropriée de la MLL. Il faut s’ assurer qu’ il soit possible de distinguer les MLL en fonction de leur caractère invasif. Du point de vue des patient-e-s, il est très important de savoir si une MLL est réalisée contre la volonté déclarée du patient, voire contre résistance, ou si elle est acceptée, mais saisie comme MLL en raison de l’ absence de capacité à consentir en cas d’ incapacité de discernement. A cet effet, il convient de trouver des moyens appropriés d’ objectivation afin que les transitions (persuasion, association avec des avantages etc.) soient représentées de manière adéquate. La proportionnalité exigée par la loi d’ une MLL découle des attentes de la société en matière de traitement des malades psychiques. Cela concerne également le financement des prestataires de soins psychiatriques de base, car un personnel plus nombreux et une infrastructure adéquate contribuent à prévenir la MLL. A l’ avenir, il serait souhaitable d’ uniformiser la terminologie. La terminologie de l’ ANQ est très présente dans la plupart des institutions. De plus, on peut facilement avoir l’ impression que la liste des MLL à saisir pour l’ ANQ est exhaustive. En revanche, la terminologie juridique est beaucoup moins utilisée.
Importance des innovations techniques
Les développements techniques peuvent aider à rendre les MLL moins invasives à de nombreux endroits. Cela concerne par exemple le remplacement des tapis de sonnette par des systèmes de capteurs qui signalent le lever du patient et allument simultanément l’ éclairage ambiant, d’ une part pour prévenir les chutes et d’ autre part pour alerter l’ équipe soignante. Il en va de même pour les systèmes de localisation qui garantissent que les patients désorientés peuvent être retrouvés rapidement en cas de besoin. D’ un point de vue éthique, il convient de trouver un équilibre entre l’ augmentation souhaitable de la sécurité des patients et les exigences de la protection des données. Ce n’ est donc qu’ une question de temps avant que les systèmes de localisation, basés par exemple sur l’ analyse de la marche et la reconnaissance faciale, puissent identifier avec précision la position de toutes les personnes présentes dans un service. Ces systèmes pourraient en outre aider à mieux évaluer une tendance à la chute et à ne recourir à des restrictions de mouvement pour prévenir les chutes que là où elles sont nécessaires. Les freins à l’ utilisation d’ une telle technique devraient également varier considérablement au niveau international, comme le montre déjà l’ utilisation de caméras vidéo dans les services de psychiatrie aiguë. Ici aussi, le débat social est donc nécessaire.
Remerciements: Nous remercions Armin von Gunten et Dan Georgescu pour la traduction de la version allemande (20).
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Cet article est une traduction de PRAXIS_13_2023: Stefan Klöppel, Dan Georgescu: Freiheitsbeschränkende Massnahmen in der Alterspsychiatrie
Pr Stefan Klöppel
– Société Suisse de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée (SPPA)
– Service universitaire de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée,
Universitäre Psychiatrische Dienste AG (UPD),
Université de Berne, Suisse
Dr. med. Dan Georgescu
Société Suisse de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée (SPPA)
Service de psychiatrie de liaison,
de psychiatrie gériatrique et de neuropsychiatrie,
Psychiatrische Dienste Aargau AG (PDAG), Windisch, Suisse
Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
Les mesures limitatives de liberté (MLL) couvrent un large spectre.
Les MLL ne sont pas nécessairement contraires à la volonté présumée de la personne incapable de discernement.
En cas d’ incapacité de discernement due, par exemple, à une démence ou à un état confusionnel, le traitement psychiatrique hospitalier doit être effectué sous un titre juridique approprié.
Le nombre de placements à des fins d’ assistance (PAFA) dépend de différents motifs de l’ hospitalisation et n’ est donc pas un indicateur de qualité pertinent pour la PPA.
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