Troubles cognitifs chez les personnes âgées

Les troubles cognitifs chez les personnes âgées sont courants et, s’  ils sont diagnostiqués tôt et correctement, ils peuvent être influencés de façon décisive par des mesures médicamenteuses et non médicamenteuses actuellement disponibles. L’  examen clinique ainsi que la thérapie sont adaptés à chaque patient et dépendent dans une large mesure du consentement du patient, de son état de santé et de sa situation sociale.

Nous pouvons être confrontés à des plaintes de patients concernant des troubles cognitifs chez les jeunes adultes, mais surtout chez les gens du 3ème et 4ème âge. Dans tous les cas, ces plaintes doivent être prises au sérieux, car si le diagnostic est correct et que des mesures thérapeutiques sont prises à un stade précoce, l’ évolution de la maladie peut être considérablement influencée. Bien que le terme « démence » n’ existe plus depuis l’ introduction du DSM-5,
ce tableau clinique commun chez les personnes âgées (une personne sur trois âgée de plus de 85 ans !) n’ a bien sûr pas disparu. Bien que l’ incidence de la démence ait chuté de près de 50 % au cours des 20 dernières années grâce à un meilleur traitement des facteurs de risque vasculaire, l’ évolution démographique a pratiquement neutralisé ce progrès médical en termes de nombre. La prise en charge moderne des troubles cognitifs dans le développement de la démence repose sur 4 piliers (fig. 1) : diagnostic précoce et précis, pharmacothérapie, mesures non pharmacothérapeutiques et soutien ciblé des proches et des aidants (1).

Y a-t-il des troubles cognitifs « normaux » chez les personnes âgées ?

Les patients – comme nous les médecins – ont tendance à expliquer l’ oubli progressif et d’ autres « petits » échecs cérébraux par le processus de vieillir ou la vieillesse en général. La réalité est différente. Le vieillissement cérébral normal a été scientifiquement très bien étudié et n’ est associé qu’ à un ralentissement discret des processus de réflexion et de réaction. Donc, si un nom ne peut pas être mémorisé immédiatement, mais avec un certain délai, c’ est toujours « normal ». Si l’ on a toujours eu une mauvaise mémoire des noms, il ne faut pas s’ attendre à une amélioration dans la vieillesse ! Mais si l’ oubli est nouveau et que la pression subjective de souffrance des patients causée par l’ oubli est présente (même avec un examen neuropsychologique avec des résultats normaux), il faut l’ évaluer en fonction des résultats les plus récents comme « Subjective Cognitive Decline », qui conduit à la démence dans 25 % des cas en 6 ans (2). Malheureusement, les troubles cérébraux sont encore principalement réduits à la mémoire et à l’ oubli par de nombreuses personnes. Mais notre cerveau fait beaucoup plus ! De nombreux processus de démence commencent également dans d’ autres domaines de la performance cérébrale, où les détériorations (la capacité mémorielle étant préservée) deviennent visibles principalement à travers différents comportements (par exemple, davantage de problèmes avec des tâches complexes telles que la gestion des affaires financières ou la préparation de repas plus compliqués). De tels changements ne sont pas normaux et doivent être clarifiés !

Distinction entre « normal » et « pathologique »

Dans la pratique quotidienne, il doit être possible de décider en peu de temps si les troubles cognitifs doivent être clarifiés plus promptement, si d’ autres observations sont nécessaires ou s’ il n’ est pas nécessaire de prendre des mesures ! Le dépistage précoce (coûteux en temps) des troubles cognitifs à l’ aide du MMSE et du test de l’ horloge a été remplacé ces dernières années par un « dépistage des cas » plus sensible et plus ciblé à l’ aide d’ une « App» (fig. 2). L’ application payante « BrainCheck », développée par les « Swiss Memory Clinics » et les médecins de famille suisses, sépare « normal » et « pathologique » en quelques minutes avec une sélectivité de 90 % (3).
Le patient doit répondre à trois questions simples et passer un test d’ horloge. En même temps, on pose 7 questions brèves à la famille proche du patient ou à son partenaire. Tous les résultats peuvent être enregistrés et évalués immédiatement dans l’ application. La brève évaluation peut être facilement intégrée dans l’ historique médical électronique sous forme de fichier PDF !
Si des clarifications supplémentaires sont nécessaires, une décision doit être prise avec le patient et ses proches sur la manière dont le diagnostic doit être approfondi. Dans un premier temps, l’ exclusion (simple) des causes rapidement traitables est impérative. Un trouble thyroïdien peut être exclu par la détermination du taux de TSH, une dépression par l’ échelle GDS (Geriatric Depression Scale) et une situation de stress psychosocial (stress load) peut être détectée par une anamnèse attentive et, dans le cas positif, traitée par des mesures de prévention appropriées. En cas de suspicion fondée sur l’ anamnèse, il est également possible d’ examiner le statut en vitamine B et de faire une sérologie de la luès. Si l’ on trouve quelque chose dans les domaines mentionnés ci-dessus et que l’ on commence une thérapie, il est recommandé de contrôler la cognition au moyen de BrainCheck environ 6 mois plus tard.

Troubles cognitifs à clarifier

Le type de clarification supplémentaire des troubles cognitifs est très individuel et dépend du consentement du patient, de son état de santé, de son espérance de vie et de sa situation sociale. Les personnes âgées plus jeunes et plus en forme devraient toujours être examinées par un spécialiste de la démence ou en clinique de mémoire. Cela comprend un examen médical en laboratoire et avec des biomarqueurs ainsi qu’ un examen neuropsychologique par imagerie cérébrale (IRM). Chez les patients très âgés et fragiles, une évaluation cognitive raccourcie, par exemple par l’ évaluation MoCa (4) peut également être effectuée. Avec un peu d’ expérience, cela peut être réalisé dans le cabinet du médecin généraliste et être évalué sur le plan diagnostique. Ici aussi, l’ imagerie cérébrale (IRM ou CT) est impérative afin de déterminer la raison neuropathologique la plus probable du développement de la démence. Ceci est décisif pour le type de thérapie à initier.

Troubles cognitifs : Options thérapeutiques

Selon le DSM-5, les troubles cognitifs « légers » se situent dans les deux variations standard d’ un résultat cognitif normal. Sur le plan thérapeutique, outre les mesures médicamenteuses (ginkgo biloba 240 mg/j et vitamine D (24 000 unités par mois), les mesures non médicamenteuses sont particulièrement importantes : activité physique et sociale (cognitive) régulière, alimentation saine et adaptée à l’ âge (protéines régulières et suffisantes (1,2 g / kg par jour ; alimentation méditerranéenne avec une teneur suffisante en acides gras oméga 3) et bonne maîtrise médicale des facteurs de risque vasculaire (hypertension, diabète, hypercholestérolémie). Dans l’ étude finlandaise FINGER (5), ces mesures du mode de vie à elles seules ont permis d’ obtenir des améliorations cognitives significatives après 2 ans !

Options médicamenteuses

Avant d’ utiliser de nouveaux médicaments, toute polypharmacie existante doit faire l’ objet d’ un test de dépistage des substances anticholinergiques provoquant une altération cognitive. Selon le DSM-5, les troubles cognitifs « majeurs » (démence) sont définis par la neuropathologie sous-jacente au processus afin de déterminer la pharmacothérapie (généralement par imagerie et/ou biomarqueurs). S’ il s’ agit d’ un processus neurodégénératif (maladie d’ Alzheimer), le ginkgo, les inhibiteurs de la cholinestérase et la mémantine sont les médicaments de premier choix selon le stade (fig. 3). Lors de ce traitement symptomatique (s’ il est commencé tôt), l’ évolution de la maladie est considérablement améliorée en ce qui concerne le maintien de la fonctionnalité et de l’ indépendance. Ces médicaments agissent très lentement, mais ont un taux de réponse élevé grâce à un « nombre nécessaire à traiter » (NNT) de moins de 10 (pour les trois classes de substances !). Par rapport aux populations témoins non traitées, toutefois, les premières différences cliniques ne surviennent qu’ après un an de traitement ; toutefois, elles deviennent très pertinentes les années suivantes, car le traitement entraîne une réduction impressionnante du nombre d’ admissions dans les foyers de soins (6) (fig. 4). Le traitement combiné de la mémantine et des inhibiteurs de la cholinestérase (avec MMSE < 20) s’ est avéré très efficace. En Suisse, cela n’ est cependant possible que de manière « off-label » et n’ est pas entièrement couvert par l’ assurance de base en raison d’ une limitation. Néanmoins, de nombreux patients (compte tenu de la chute marquée des prix des médicaments antidémences) sont heureux de payer eux-mêmes les quelques centaines de francs par an si cela permet d’ économiser beaucoup plus de frais d’ institutionnalisation. En plus de leur capacité de maintenir la fonctionnalité quotidienne plus longtemps, les médicaments antidémentiels, permettent de réduire considérablement les anomalies comportementales associées à la démence (agressivité, pleurs, agitation motrice, etc.).
Si la pathologie sous-jacente à la démence est purement vasculaire, les médicaments antidémentiels ci-dessus (à l’ exception du ginkgo) ne sont pas efficaces et donc pas indiqués. L’ objectif est de ralentir la progression de la maladie par tous les moyens, avec des mesures de style de vie et le contrôle des facteurs de risque vasculaires. Dans les formes mixtes de démence d’ origine vasculaire et neurodégénérative, des agents anti-démence peuvent être utilisés. Dans les pathologies rares de la démence telles que la maladie de Lewis-Body, la maladie de Parkinson ou la démence fronto-temporale, il est utile de consulter les spécialistes appropriés.

Options non médicamenteuses

Excepté les situations d’ urgence, les interventions non médicamenteuses chez les patients atteints de démence sont recommandées par de grandes associations professionnelles et des groupes d’ experts comme approche primaire dans les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) (7). Selon Cohen-Mansfield (8), la plupart des médecins sont formés et instruits pour l’ administration des médicaments lors de SCPD, mais seulement quelques-uns connaissent les thérapies non médicamenteuses et leur efficacité. Les antipsychotiques sont donc fréquemment utilisés avant toute tentative d’ intervention non médicamenteuse.
Contrairement aux capacités cognitives déjà limitées ou perdues au début de la démence, les compétences émotionnelles et psychosociales sont beaucoup moins affectées par ce déclin jusqu’ aux stades avancés de la démence. C’ est là que se situe l’ intervention non médicamenteuse en accédant aux ressources existantes du pouvoir cérébral – abandonnant la focalisation sur le déficit – pour les utiliser et consolider de manière ciblée. L’ activité physique, les activités musicales ainsi qu’ une alimentation riche en protéines et en vitamine D pour maintenir la santé musculaire en cas de démence se sont avérées les plus efficaces (9). L’ effet cérébral des activités motrices associées à la musique, comme la danse et le rythme, est passionnant et fait l’ objet de recherches répétées. Dans l’ étude de cohorte « Einstein Aging », la danse régulière comme activité de loisir a été associée à un risque réduit de démence pouvant
atteindre 80 % (10). Dans une étude d’ intervention utilisant la rythmique Dalcroze, la capacité motrice et cognitive des personnes âgées vivant à domicile a été améliorée et le risque de chute a été réduit de plus de 50 % (11). Aux stades avancés de la démence, la rythmique Dalcroze semble favoriser non seulement l’ influence positive sur les SCPD, mais aussi les aptitudes linguistiques (12). Les interventions non pharmacologiques chez les patients
atteints de démence sont un élément essentiel de la prise en charge moderne de la démence à 4 piliers. Le principal effet attendu de ces mesures est l’ influence positive et sans effet secondaire des SCPD. Les programmes d’ activité physique présentent des avantages supplémentaires pour le fonctionnement quotidien, qui peuvent être maintenus beaucoup plus longtemps, en particulier avec une alimentation riche en protéines et une supplémentation en vitamine D simultanée. La musique et les programmes de mouvements musicaux tels que la danse et le rythme semblent particulièrement qualifiés pour mobiliser les réserves cérébrales et ainsi améliorer significativement la cognition.

Prof. Dr. med. Reto W. Kressig

Ärztlicher Direktor & Klinischer Professor für Geriatrie
Universitäre Altersmedizin FELIX PLATTER & Universität Basel
Burgfelderstrasse 101
4002 Basel

RetoW.Kressig@felixplatter.ch

L’  auteur n’  a pas déclaré aucun conflit d’  intérêts en relation avec cet article.

  • La thérapie symptomatique non médicamenteuse et médicamenteuse lors de troubles cognitifs n’ est qu’ une composante de la prise en charge multifactorielle de la démence à 4 piliers.
  • Les approches non médicamenteuses ont des effets cognitifs marginaux à indétectables, mais elles sont efficaces dans les troubles du comportement, les symptômes psychiatriques et le stress du soignant.
  • En pharmacothérapie, il est important de réduire autant que possible une polymédication existante et d’ arrêter les substances potentiellement nocives (liste de Priscus).
  • Actuellement, il n’ y a aucune justification rationnelle de ne pas utiliser les médicaments antidémentiels symptomatiques disponibles aujourd’ hui (inhibiteurs de la cholinestérase, mémantine et extrait de ginkgo).
  • Dans le cas d’ effets cliniques immédiats relativement faibles au début du traitement, les avantages à long terme (institutionnalisation retardée de plusieurs années, troubles du comportement nettement moins fréquents) sont au premier plan.

1. Kressig RW. Aktuelle Pharmakotherapie der Alzheimer Demenz. der informierte Arzt 2015;10:30-33
2. Wolfsgruber S, et al. AgeCoDe Study Group. Differential Risk of Incident Alzheimer’s Disease Dementia in Stable Versus Unstable Patterns of Subjective Cognitive Decline.J Alzheimers Dis. 2016;54:1135-1146
3. Ehrensperger MM, et al. BrainCheck – a very brief tool to detect incipient cognitive decline: optimized case-finding combining patient- and informant-based data. Alzheimers Res Ther. 2014;6:69
4. Nasreddine ZS, et al. The Montreal Cognitive Assessment, MoCA: a brief screening tool for mild cognitive impairment. J Am Geriatr Soc. 2005;53:695-99
5. Kivipelto M et al. The Finnish Geriatric Intervention Study to Prevent Cognitive Impairment and Disability (FINGER): study design and progress. Alzheimers Dement. 2013;9:657-65.
6. Lopez OL et al. Long-term effects of the concomitant use of memantine with cholinesterase inhibition in Alzheimer disease. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2009 Jun;80(6):600-7
7. Savaskan E et al. Recommendations for diagnosis and therapy of behavioral and psychological symptoms in dementia (BPSD).Praxis (Bern 1994). 2014;103:135-48
8. Cohen-Mansfield J. Nonpharmacologic interventions for inappropriate behaviors in dementia: a review, summary, and critique. Am J Geriatr Psychiatry. 2001;9:361-81
9. Kressig RW. Non-pharmacological interventions in dementia. Internistische Praxis 2017;58:1-7
10. Verghese J et al. Leisure activities and the risk of dementia in the elderly. N Engl J Med. 2003;348:2508-16
11. Trombetti A et al. Effect of music-based multitask training on gait, balance, and fall risk in elderly people: a randomized controlled trial. Arch Intern Med. 2011 Mar 28;171:525-33.
12. Winkelmann A et al. La rythmique Jacques-Dalcroze. Une activité physique novatrice pour les personnes agées. Gériatrie Pratique 2005;3:52-55

Une infection commune, à ne pas banaliser et prévenable par la vaccination !

En dépit de décennies de surveillance et d’ interventions (pharmacologiques et non-pharmacologiques), les virus de la grippe saisonnière continuent de causer de lourdes épidémies dans le monde chaque année. Sous nos latitudes, les affections dues aux virus influenzae A/H1N1, A/H3N2 et influenzae B surviennent chaque hiver. Le processus clé qui sous-tend ces épidémies récurrentes est la capacité évolutive des virus à échapper à la mémoire immunitaire induite par les contacts antérieurs (infection et/ou vaccination).

Bien que nous commencions à comprendre les mécanismes qui sous-tendent cette dynamique, le moment et la nature de l’ émergence de nouvelles souches demeurent encore pour la plupart imprévisibles (1). Trop souvent considérée comme une affection bénigne, la grippe est très contagieuse et à l’  origine de 1000 à 5000 hospitalisations et 1500 décès chaque année en Suisse (www.bag.admin.ch). Sa prévention par la vaccination est actuellement la mesure la plus efficace (2-5) et les recommandations ont d’ ailleurs peu changé depuis 2013 (www.infovac.ch). Le vaccin est recommandé annuellement chez toutes les personnes dites à risque accru de complications (Tableau 1, 2) sans qu’ il y ait d’ évidence d’ une réduction de l’ efficacité de protection avec ce schéma de vaccination. En Suisse, les affections grippales sont surveillées par le système de déclaration Sentinella et toutes les infections confirmées en laboratoire sont enregistrées dans un système de déclaration obligatoire.
Cette surveillance et les données collectées permettent aux chercheurs de surveiller les tendances épidémiques des virus grippaux et d’ accumuler les séquences virales dans les bases de données publiques. Une meilleure sélection des virus candidats aux vaccins et la détection précoce des virus résistants aux médicaments en est une résultante directe tout comme les avancées prometteuses en matière de prévention et de traitement.

La saison grippale 2018/19 en chiffres

En Suisse, les virus qui ont circulé pendant la dernière saison étaient très majoritaire des virus influenzae A de type A/H1N1pdm09 et A/H3N2. La résultante a été que la couverture vaccinale était excellente (99.5%). Le vaccin quadrivalent n’ a présenté qu’ un très faible avantage, car les virus de la lignée influenzae B-Yamagata n’ ont que très peu circulé. Selon les études, l’ efficacité vaccinale chez les personnes non hospitalisées a été estimée à 32-68 %. Elle était nettement plus élevée vis-à-vis des virus A/H1N1pdm09 (45-72 %) qu’ A/H3N2 (-39 à 45 %).
Sur l’ ensemble de la saison 2018/19, la surveillance entre du 30 septembre 2018 au 20 avril 2019, a été estimé que 209 200 personnes (2.5% de la population Suisse) ont consultés un médecin de premier recours pour une affection grippale, soit une incidence globale de 2466 premières consultations pour 100 000 habitants. Ce chiffre est de 13% plus bas que l’ incidence saisonnière globale moyen sur les dix dernières saisons (2846/100 000). Le seuil épidémique pour la saison 2018/19 se situait à 68 cas de suspicion de grippe pour 100 000 habitants. L’ incidence des consultations hebdomadaire a dépassé ce seuil de la mi-janvier (semaine 2/2019) à la mi-mars (semaine 12/2019) pour une durée totale de 11 semaines avec un pic épidémique atteint à la sixième semaine de 2019 (306 consultations / 100 000 habitants) qui était le plus bas mesuré depuis 2012/13. Si l’ incidence était maximale chez les enfants de 0-4 ans (4993 consultations / 100 000 habitants), les 65 ou plus étaient la catégorie de la population qui a été la moins infectée avec tout de même 1426 consultations / 100 000 habitants (www.bag.admin.ch).

Cette catégorie d’ âge par contre, le nombre de décès a très légèrement dépassé les valeurs attendues au début mars 2019. Chaque année, cette surmortalité témoigne de la gravité de l’ épidémie dans cette population et du risque d’ évolution grave chez les personnes vulnérables. Parmi l’ ensemble des cas de grippe déclarés, 7.6% appartenait au groupe des personnes présentant un risque accru de complication et 36.6% aux 65+. La proportion la plus élevée d’ hospitalisation pour suspicion de grippe était aussi enregistrée dans cette population (4.7%) et le plus faible chez les 5-29 ans (0%). Une pneumonie a été diagnostiquée chez 3,4 % des cas de suspicion de grippe déclarés, le plus souvent chez les plus de 64 ans (10.5 %), le plus rarement chez les enfants de 0 à 4 ans (1.5 %) (www.bag.admin.ch).
Durant la saison 2018/19, environ 7.9% des personnes déclarées pour suspicion de grippe avec un statu vaccinal connu étaient vaccinés. Cette proportion était plus importante dans les groupes chez qui l’ OFSP recommande la vaccination (Tableau 1) avec 33.5% chez les 65+ et 40.1% avec un risque accru de complications. Un traitement antiviral, dans la plupart des cas par un inhibiteur de la neuraminidase a été administré chez 2.2% des personnes ayant déclaré une grippe ; 10.4% ont reçu un traitement antibiotique probablement en raison d’ une surinfection
bactérienne (www.bag.admin.ch).

La grippe est contagieuse avant les symptômes et parfois même asymptomatique

La grippe se transmet par contact direct avec une personne infectée (éternuement, toux jusqu’ à 1 mètre), notamment dans des espaces clos. Mais, les virus grippaux peuvent aussi rester vivants jusqu’ à 48 heures sur des surfaces inertes. Comme il a été estimé qu’ un individu adulte peut avoir jusqu’ à 40 contacts facial par heure avec ces mains, les contacts avec des objets et des surfaces inertes « contaminés » (table, poignées de portes, bouton d’ ascenseur, rampe d’ escalier, billet de banque, etc.) sont une voie de transmission à ne surtout pas banaliser (6). Les personnes contaminées peuvent transmettre les virus de la grippe à d’ autres même si elles ne se sentent pas (encore) malades (6). De plus, près d’ un tiers des personnes infectées ne présente aucun des symptômes spécifiques et ne se sent même pas malade (7). Ces personnes peuvent être des vecteurs de transmission qui s’ ignorent.
La vaccination contribue fortement à diminuer le risque de transmission chez les personnes vaccinés, mais aussi chez les non vaccinés lorsque le taux de couverture vaccinale est suffisant (≥ 75% de la population) par le biais de l’ immunité de groupe (8). Les professionnels de la santé sont parmi les personnes les plus fortement exposées au risque de contracter la grippe (9). De plus, les arrêts de travail pour maladie qui en résultent impliquent souvent une charge de travail supplémentaire pour les collègues en période épidémique et/ou des contraintes de réorganisation en rapport avec le recours à du personnel intérimaire notamment dans les EMS et les hôpitaux (10).

La grippe en clinique

Après contamination, les symptômes grippaux apparaissent généralement en un à trois jours. La grippe saisonnière se manifeste par une sensation de malaise général, une brusque poussée de fièvre, des frissons, des maux de tête, des arthro-myalgies, une perte d’ appétit et de vertiges. La seconde phase se caractérise par l’ intensification des symptômes respiratoires (toux sèche, maux de gorge, enrouement, rhinite). La fièvre dure en générale 3 à 8 jours et la convalescence 7 à 15 jours mais peut se prolonger au-delà (11). Cependant chez les personnes âgées et/ou celles présentant des affections chroniques, la grippe est loin d’ être une maladie bénigne et peut s’ accompagner des complications (12). Les complications les plus fréquentes sont les pneumonies infectieuses. Primaires, elles sont dues à la virulence directe du virus de la grippe ; secondaires, à une surinfection bactérienne (12).

La vaccination, recommandée chaque année reste la prévention la plus efficace

La vaccination reste la prévention la plus simple, efficace et économique chez les personnes à risque accru de complication et/ou de transmission de l’ infection grippale (Tableau 1). La diversité antigénique des virus grippaux humains représente cependant encore un défi pour le développement de vaccins dotés d’ une protection immunitaire durable (1).

Les alternatives à la vaccination – Les autres moyens de lutter contre la grippe, notamment les mesures d’ hygiène (même si elles sont indispensables) restent un complément à la vaccination et ne peuvent la remplacer. En l’ absence de vaccin ou de traitement spécifiques des autres infections respiratoires hivernales, les masques, les appareils de protection respiratoire et l’ hygiène des mains ainsi que les mesures barrières (isolement «’  gouttelettes’  », éloignement social) restent de ce fait les seules armes efficaces (13-15). De façon intéressante, les effets immunomodulateurs de la VitD ont été considérés dans la prévention de la grippe et des infections respiratoires saisonnières (16). Dans essai randomisé contrôlé en long séjour, il a été montré qu’ une supplémentation par 100 000 UI/mois de VitD réduisait l’ incidence des infections respiratoires aiguës (2) comparativement à une supplémentation standard (400-1000 UI/jour) (17). Si les effets anti-infectieux de la VitD sont de mieux en mieux documentés, aucune donnée actuellement ne confirme un effet de la VitD sur l’ immunogénécité des vaccins antigrippes (18).

Les vaccins actuellement disponibles et autorisés pour les adultes – Ils contiennent par dose de 0,5 ml, 15 µg d’ hémagglutinine (HA) de chacune des souches virales constitutives. Il existe des vaccins trivalent (3 souches grippales = A/H1N1pdm2009, A/H3N2, et B-Victoria – Agrippal®, Fluarix®, Influvac® et Mutagrip®) et un vaccin quadrivalent (4 souches virales = trivalent + B-Yamagata – Fluarix Tetra®). Chez l’ adulte, il n’ y a pas d’ arguments cliniques à privilégier un vaccin trivalent ou un vaccin tétravalent. Le vaccin trivalent Fluad® a la particularité de contenir un adjuvant (MF59C) qui en renforce l’ immunogénicité et l’ efficacité (19). Il est particulièrement recommandé pour les adultes à partir de 65 ans (www.sevaccinercontrelagrippe.ch) (20). Si les vaccins sont disponibles pour tous, la priorité est la vaccination des personnes appartement à un groupe à risque accru de complications (Tableau 1) (www.infovac.ch). Tous les vaccins autorisés en Suisse sont inactivés et exempts de mercure et d’ aluminium. En mars dernier, l’ Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié ses recommandations pour la composition des vaccins Influenza pour l’ hémisphère nord pour la saison 2019/2020. En comparaison avec les vaccins 2018/2019, la composition du vaccin trivalent a été modifiée en ce qui concerne les A/H3N2 (A/Kansas/14/2017) et A/H1N1 (A/Brisbane/02/2018) afin de mieux couvrir les virus en circulation. La souche B-Victoria (B/Colorado/06/2017) reste inchangée tout comme la souche supplémentaire influenzae B contenue dans le vaccin tétravalent (B / Phuket/3073/2013-like). Sans adjuvant, les vaccins sont disponibles depuis la fin du mois de septembre.

La controverse sur la vaccination annuelle – Plusieurs études observationnelles ont suggéré qu’ une vaccination annuelle répétée aurait un effet négatif sur la protection pendant certaines saisons. Cette interférence négative a été principalement observée pour l’ influenzae A/H3N2 (21, 22). Ce phénomène doit cependant être interprété avec prudence et ne doit pas encore conduire à modifier la pratique et la politique en matière de vaccination (23). En effet, le recul temporel est trop court et trop peu d’ études ont été réalisées. De plus, l’ hétérogénéité des résultats est très grande. Peu de travaux ont analysé l’ effet de plusieurs vaccinations annuelles sur l’ efficacité du vaccin, même si elles suggèrent que l’ efficacité antigrippale pourrait être influencée par le schéma de vaccination des saisons précédentes. Bien que l’ hypothèse de la «distance antigénique» offre un cadre théorique simplifié pour expliquer les effets d’ une vaccination répétée contre la grippe, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour bien comprendre ce phénomène, et également dans un contexte où le vaccin serait administré sur plus de deux saisons consécutives (www.vaxinfopro.be/spip.php?rubrique28). D’ autres travaux ont confirmé que la vaccination répétée, tant chez les jeunes que les personnes âgées, contribuait à des réponses immunitaires largement réactives tant au sein de différents sous-types viraux que de réponses croisées entre sous-types antigéniques différents (24, 25, 26). Cela illustre l’ impact de l’ âge et des antécédents d’ exposition à la grippe sur la capacité d’ une personne à réagir à de futures infections grippales.

Quel est le futur en matière de vaccination ? – Les vaccins actuellement disponibles permettent en théorie de réduire de 70 % le risque de grippe chez un adulte en bonne santé lorsque les souches vaccinales correspondent bien aux souches circulantes (ce qui n’ a pas été le cas notamment durant la saison 2015/16 par exemple) (4). Cette réponse immunitaire spécifique aux souches vaccinales présente parfois une efficacité sous-optimale. Si l’ âge et les capacités immunitaires du vacciné (20) contribuent à expliquer pourquoi la protection vaccinale s’ abaisse à 30-40 % chez les seniors (2, 3), la qualité de la protection virale est dépendante aussi de la qualité de la reformulation annuelle du vaccin (27). L’ ajout d’ un adjuvant est un moyen simple et efficace d’ améliorer l’ immunogénicité, mais cela augmente de facto la réactogénicité. Si cela se résume le plus souvent à des réactions au point d’ injection plus intenses (28), cela induit surtout un rejet de la vaccination au sein des populations (29). De nouveaux vaccins dits «universels», sont actuellement en cours de développement. Ils devraient permettre de surmonter les problèmes liés à la forte variabilité des virus grippaux nécessitant la mise à jour annuelle de la composition des vaccins saisonniers et la revaccination. Ces vaccins sont actuellement principalement élaborés à partir des épitopes hautement conservés du domaine HA, NA ou extracellulaire de la protéine M2 de la grippe, ainsi que ceux basés sur les protéines internes telles que NP et M1. Ces vaccins devraient pouvoir induire une protection contre les souches homologues, dérivées et celles issues d’ un glissement antigénique du virus grippal en évitant ainsi la nécessaire reformulation annuelle et surtout atténuer le fardeau de la maladie. Si ces vaccins démontraient leur immunogénicité, efficacité et leur capacité à conférer une immunité durable, ils pourraient être intégrés à la composition des vaccins actuels voir les remplacer (29).

La place et l’ efficacité des antiviraux dans la lutte antigrippe

Des antiviraux contre la grippe sont disponibles et leur utilisation contribue en cas d’ infection à éviter des complications sévères dans les situations à risque. Ils doivent idéalement être administrés au plus tôt après le début des symptômes grippaux. Le traitement empirique des patients suspects d’ avoir une grippe n’ est habituellement pas recommandé. Un traitement antiviral est indiqué pour les patients dont la maladie respiratoire est sévère, durant la période d’ épidémie avec des symptômes grippaux de moins de 48 heures (30).
Les principaux antiviraux utilisés actuellement sont les inhibiteurs de la neuraminidase représentés par l’ oseltamivir, le zanamivir et le peramivir (non disponible en Suisse) (31). Ils limitent la diffusion des virus en dehors des cellules infectées. Les inhibiteurs de la protéine M2 tels que l’ amantadine et la rémantadine limitent la pénétration du virus dans la cellule. Ils réduisent efficacement les complications et plus généralement l’ évolution des symptômes. Si la grande majorité des virus y sont encore sensibles, certaines mutations conduisent à des résistances (neuraminidase : H275Y et E119V ; gène de la protéine M2 : Ser31). Les taux de résistance pour les virus grippaux en circulation sont sous étroite surveillance. L’ OMS peut fournir en temps réel les informations relatives à l’ utilisation possible dans la prise en charge thérapeutique ou prophylactique (par ex. épidémie en communautés fermées, institution, etc.) (30, 32). Durant la saison 2018/19, un seul frottis a montré une résistance contre l’ oseltamivir (www.bag.admin.ch).

Même si les cas de résistance sont rares (Europe < 0.3% et USA : 1% des A/H1N1pdm09, et 0% pour les autres virus) en raison de la possibilité de mutations virales et de résistance, une certaine énergie est engagée dans le développement d’ antiviraux dotés de différents mécanismes, surtout dans le cas d’ une nouvelle souche pandémique.

Les nouveaux antiviraux – Plusieurs nouveaux antiviraux en sont à divers stades de développement et peuvent représenter de nouvelles classes de traitements qui pourraient réduire les symptômes et les complications chez les patients à risque élevé (Tableau 1). Par exemple, le baloxavir est une molécule dotée d’ un nouveau mécanisme d’ action qui vient juste d’ être approuvée par la Food and Drug Administration aux États-Unis (31). Il est le premier agent d’ une nouvelle classe que sont les inhibiteurs de l’ endonucléase du virus influenza qui est nécessaire pour la réplication du virus dans la cellule hôte. D’ autres cibles sont encore à l’ étude, notamment les kinases virales, l’ endocytose et la fusion virale.

Les alternatives thérapeutiques – Au cours de la dernière décennie, un certain nombre d’ anticorps monoclonaux humains ont démontré leur capacité à se lier à une vaste gamme de virus grippaux A et B et surtout à les neutraliser. La plupart de ces anticorps monoclonaux sont dirigés contre la tige de l’ hémagglutinine virale et certains ont maintenant été évalués dans le cadre d’ essais cliniques de stade précoce à intermédiaire (33). Une conclusion importante de ces études cliniques est que ces anticorps sont sûrs et réduisent les symptômes de la grippe. Des anticorps antigrippaux bi- et multi-spécifiques ont également été identifiés, mais n’ ont par contre pas encore fait l’ objet d’ essais cliniques. À l’ avenir, les thérapies à base d’ anticorps pourraient faire partie intégrante de notre arsenal pour prévenir et traiter la grippe (33).

Conclusion

La grippe est l’ infection qui, en Suisse, cause chaque année le plus de décès et notamment parmi les plus vulnérables. Bien que les antiviraux et les vaccins contribuent à réduire le fardeau sanitaire et économique de la grippe, les épidémies continuent de faire des ravages. Si les mesures de protection individuelles (port de masque et hygiène des mains) sont un bon complément, la vaccination reste le pilier en matière de prévention. Il faut continuer à redoubler d’ effort pour améliorer les taux de couverture vaccinale chez les patients à risque et les professionnels de santé
(Tableaux 1, 3A et 3B).

Dr. med. Pierre-Olivier Lang, PhD

Genolier Klinik und Montchoisi Klinik
Route du Muids 3
1272 Genolier
plang@genolier.net

plang@genolier.net

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • La grippe est une infection virale aiguë très contagieuse.
  • La grippe provoque des épidémies annuelles avec un pic hivernal.
  • La grippe est un problème majeur de santé publique notamment dans les populations dites à risque (cf. tableau 1).
  • Dans 30% des cas, la grippe peut rester asymptomatique mais la
    personne est contagieuse et donc potentiellement vecteur du virus au sein de son entourage.
  • Les professionnels de la Santé sont particulièrement à risque d’ être infectés et de transmettre la grippe.
  • La vaccination est actuellement le moyen de prévention le plus efficace ; les mesures de protection individuelles sont un bon complément
  • En cas de grippe, les antiviraux sont plus efficaces s’ ils sont administrés durant les 48 premières heures.

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Analgésiques non opioïdes en gériatrie

La pharmacocinétique et la pharmacodynamique de la pharmacothérapie liée à l’ âge en général et de la pharmacothérapie liée à la douleur en particulier doivent tenir compte des modifications de la pharmacocinétique et de la pharmaco-dynamique liées à l’ âge. Dans cet article, ces changements sont présentés et, en s’ appuyant sur eux, des suggestions pour l’ utilisation raisonnable des analgésiques chez les
personnes âgées sont proposées.

Pour avoir un effet sans restriction, les médicaments doivent être absorbés, distribués, métabolisés et éliminés selon les lois de la pharmacocinétique. Avec l’ âge, ces paramètres sont sujets à des changements significatifs : L’ absorption dans le tractus gastro-intestinal est habituellement retardée, la distribution et le métabolisme sont habituellement réduits et l’ élimination rénale ralentie. Cela peut mener à une évaluation négative des avantages et des risques d’ une médication à long terme pour les personnes âgées : Les risques de la thérapie peuvent dépasser les avantages.
Pour aggraver la situation, plusieurs maladies sont souvent traitées en même temps ; la probabilité d’ une polymédication avec un risque d’ interaction correspondant est élevée. A cela s’ ajoute la menace d’ une « cascade de prescriptions » : un effet indésirable médicamenteux (EI) est considéré comme un symptôme indépendant nécessitant un traitement pharmacologique, et la personne âgée en particulier reçoit un grand nombre de substances dont on ne peut guère se faire une idée d’ ensemble du bénéfice cumulé – et des interactions possibles.
De nombreuses publications et recommandations de traitement abordent la pharmacothérapie des patients gériatriques. Aux Etats-Unis, l’ American Geriatrics Society publie régulièrement les Beers Criteria®, qui ont identifié 65 substances dont les risques potentiels dépassent les bénéfices pour les personnes âgées. Dans les pays germanophones, par exemple, la liste PRISCUS des médicaments potentiellement inadéquats pour les personnes âgées peut être consultée de manière analogue.

Changements physiologiques chez les personnes âgées avec influence sur la pharmacocinétique
De nombreuses fonctions corporelles sont sujettes à des changements physiologiques dans le processus de vieillissement, qui ont une influence sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique. Par exemple, la masse corporelle et le métabolisme de base diminuent, le volume de distribution des substances lipophiles augmente avec l’ augmentation de la masse grasse, celui des substances hydrophiles diminue avec la réduction de l’ eau corporelle et la liaison aux protéines plasmatiques est réduite. La motilité gastro-intestinale et la sécrétion de prostaglandines protectrices sont réduites et l’ atrophie gastrique peut réduire la surface d’ absorption des substances. Une diminution de la sécrétion pancréatique exocrine s’ accompagne d’ une diminution du flux sanguin hépatique. En particulier, les réactions hépatiques de phase 1 sont ralenties, de sorte que les médicaments ne peuvent souvent être métabolisés que plus tardivement. Enfin, la filtration glomérulaire et le flux sanguin rénal sont réduits lors de la vieillesse, ce qui retarde l’ élimination.

Changements physiologiques avec l’  âge qui affectent la pharmacodynamique

Les changements dans le système nerveux autonome s’ accentuent avec l’ âge, de sorte que les substances anticholinergiques peuvent entraîner une augmentation des EI. Les substances sédatives augmentent le risque de chute et réduisent la cognition. Les opioïdes et les AINS en particulier font partie des médicaments qui augmentent le nombre de chutes (fall-risk-increasing drugs, FRIDs) qui devraient être évités dans ce contexte. La dysrégulation orthostatique avec étourdissements et syncope est plus facilement causée par l’ utilisation de substances hypotensionnelles. Au cours du processus de vieillissement, le système nerveux subit un changement dans le traitement de la douleur et l’ expérience de la douleur. Les processus endogènes inhibiteurs de la douleur et la vitesse de conduction nerveuse sont réduits. Par la diminution et l’ inhibition des fibres Aδ la tolérance à la douleur est augmentée, par une réponse renforcée des fibres C la douleur est retardée, mais perçue plus intensément. La distribution des neurotransmetteurs et le nombre de récepteurs postsynaptiques sont réduits, par exemple les récepteurs dopaminergiques ou les récepteurs adrénergiques α et β. L’ efficacité des opioïdes augmente.
Les changements physiologiques s’ accompagnent de symptômes fréquents chez les personnes âgées : Par exemple la dysphagie qui rend difficile l’ ingestion de comprimés et qui est fréquente – chez les personnes âgées vivant à domicile, la prévalence est supposée se situer entre 30 et 40 %; chez les patients âgés en institution, elle est de 60 %. Dans ce cas, l’  administration de substances sous forme de gouttes ou sous forme de système transdermique est avantageuse.

Analgésiques chez les personnes âgées

La douleur chronique est le symptôme le plus courant chez les personnes âgées qui nécessite un traitement, et sa prévalence augmente avec l’ âge. La douleur chronique a une énorme influence sur la qualité de vie et la compétence personnelle et favorise le risque de maladies affectives, de dysfonctionnements dans la vie quotidienne et le besoin permanent de soins. En plus de l’ analgésie, le traitement de la douleur chez les personnes âgées vise à éviter les EI pertinents, à favoriser l’ activité, la mobilité et à maintenir la qualité de vie. Dans le cadre d’ un concept de thérapie multimodale, on utilise à la fois des préparations sur ordonnance et en vente libre, telles que des analgésiques non opioïdes, des opioïdes faibles et forts ainsi que des adjuvants comme les corticostéroïdes, les antidépresseurs ou les antiépileptiques. Avant d’ utiliser des analgésiques non opioïdes, il faut évaluer les facteurs de risque individuels des effets indésirables gastro-intestinaux, hépatiques, rénaux, hématologiques et cardio-vasculaires et les inclure dans la décision thérapeutique.

Les opioïdes sont administrés avec plus de prudence et avec une indication stricte chez les personnes âgées : constipation, tendance accrue à tomber avec risque de fracture, danger de dépendance, de sédation, déficience cognitive jusqu’ à délirium limitent leur usage. L’ usage à long terme des AINS n’  est recommandé qu’  avec prudence en général et spécialement pendant la vieillesse. Dans ce groupe de patients, les saignements gastro-intestinaux et les ulcérations, une réduction de la fonction rénale et la favorisation d’  un délire ou d’ autres symptômes nerveux centraux font partie des risques. Une insuffisance rénale grave (DFG < 30 ml/min) doit être exclue avant l’ administration d’ AINS.
Les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 se sont également avérés défavorables chez ce groupe de patients, principalement en raison de l’ incidence accrue d’ infarctus du myocarde et d’ AVC.
Des exemples d’ analgésiques non opioïdes administrés en gériatrie sont présentés dans le tableau 1.

Exemples d’  analgésiques non opioïdes administrés en gériatrie (tab. 1)

Acide acétylsalicylique, AAS

L’ AAS n’ est approuvé comme analgésique dans l’ automédication que pour le traitement à court terme sur trois jours. L’ utilisation prolongée doit être surveillée par un médecin. En plus de ses propriétés analgésiques, antiphlogistiques et antipyrétiques, l’ AAS a également une activité antiplaquettaire importante. Les effets rénaux comprennent la rétention d’ eau. Les patients âgés souffrant d’ hypertension artérielle ou d’ insuffisance cardiaque qui souffrent d’ insuffisance rénale et qui prennent éventuellement des diurétiques ou des inhibiteurs de l’ ECA devraient être traités très prudemment avec l’ AAS en doses analgésiques. L’  AAS montre la gamme complète d’  effets indésirables typiques des AINS. De plus, de faibles doses d’ AAS réduisent l’ excrétion d’ acide urique et peuvent causer des crises de goutte chez les patients prédisposés. L’ AAS est disponible sans ordonnance, même si selon Swissmedic 2018, les saignements gastro-intestinaux surviennent chez environ un patient traité sur 1 000 et peuvent être mortels.

Célécoxib

Bien que cet inhibiteur de la COX-2 soit approuvé pour le traitement de maladies chroniques telles que l’ arthrose, la polyarthrite rhumatoïde ou la spondylarthrite ankylosante, le fabricant déconseille son administration à long terme ou recommande une surveillance attentive et une évaluation répétée des avantages et des risques. Le risque de saignement gastro-intestinal est le même que pour les inhibiteurs non sélectifs de la COX. De plus, une incidence accrue d’ événements cardiovasculaires et cérébrovasculaires thrombotiques a été démontrée. Le risque d’ infarctus du myocarde augmente spécialement à des doses plus élevées. Le célécoxib n’ a pas de propriétés antiplaquettaires. Comme les autres AINS, le célécoxib peut être toxique pour les reins surtout chez les personnes âgées.

Diclofénac

Cette substance n’ est pas recommandée chez les patients atteints d’ une maladie cardiovasculaire. Si un traitement est nécessaire, il faut que les patients âgés ne reçoivent que des doses allant jusqu’ à 100 mg par jour pendant plus de 4 semaines. L’ insuffisance rénale, l’ insuffisance hépatique (classe C de Child Pugh) et l’ insuffisance cardiaque (NYHA III-IV) sont des contre-indications. Selon le fabricant, aucune donnée n’ est disponible sur l’ insuffisance hépatique ou rénale, et « la prudence est de mise ».

Etodolac

L’ étodolac est approuvé pour l’ analgésie à long terme chez les patients gériatriques. Aucune différence dans la pharmacocinétique ou le profil des EI n’ a pu être démontrée dans ce groupe de patients. De plus, la concentration d’ étodolac actif n’ est pas altérée par une insuffisance rénale ou hépatique. Selon le fabricant, une dysfonction hépatique grave, une insuffisance rénale ou une insuffisance cardiaque sont néanmoins des contre-indications. Selon le fabricant, l’ inhibition de la prostaglandine E2 dans l’ estomac est également faible et de courte durée. L’ étodolac s’ accumule dans le liquide synovial, ce qui offre des avantages dans le traitement de la douleur arthritique.

Ibuprofène

Il est approuvé uniquement pour le traitement à court terme de la douleur aiguë. Les contre-indications comprennent une dysfonction hépatique grave, une insuffisance rénale (clairance de la créatinine <30 ml/min) et une insuffisance cardiaque (NYHA III-IV). Il y a des indices que des doses élevées (2 400 mg/jour) augmentent le risque d’ événements thrombotiques artériels comme l’ infarctus du myocarde ou l’ AVC.

Indométacine

Parmi les AINS, il présente le risque le plus élevé de saignements gastro-intestinaux, d’ ulcérations et de perforations, y compris mortelles, chez les patients âgés, en outre, l’ incidence la plus fréquente d’ EI nerveux central de tous les AINS. Cette substance ne doit pas être utilisée dans les troubles gastro-intestinaux, l’ hypertension, l’ insuffisance cardiaque NYHA III-IV, les dysfonctionnements hépatiques graves et les états consécutifs à un pontage aortocoronarien.

Métamizole

Il agit par une combinaison d’ effets centraux et périphériques et a également des propriétés spasmolytiques. Si le profil de risque est positif, le métamizole est aussi fréquemment utilisé en gériatrie. Les risques manquants (voir les EI cardiaques, rénaux et gastro-intestinaux mentionnés ci-dessus), qui surviennent régulièrement sous traitement AINS, sont mis en balance avec les EI graves mais très rares d’ agranulocytose.

Paracétamol

Chez les personnes âgées, aucun ajustement posologique n’ est nécessaire tant que la fonction hépatique n’ est pas restreinte et qu’ il n’ y a pas d’ abus d’ alcool. En pareil cas, la monooxygénase hépatique CYP2E1 est induite et une production accrue du métabolite toxique NAPQI. Chez les individus en bonne santé, 2-4 % de la dose de paracétamol produit le NAPQI, qui est ensuite lié par le glutathion. Chez les patients atteints de cachexie gériatrique, les réserves de glutathion peuvent être réduites. En cas d’ insuffisance hépatocellulaire légère à modérée, le fabricant prescrit une dose maximale de 2 g/j ; en cas de dysfonction hépatique grave, le paracétamol est contre-indiqué. Les restrictions fonctionnelles rénales, par contre, ne sont normalement pas une contre-indication ; ce n’ est qu’ à une clairance de créatinine inférieure à 10 ml/min que l’ intervalle posologique est étendu à huit heures. Le paracétamol peut également être utilisé comme médicament à long terme. Cependant, une puissance relativement faible et l’ absence de propriétés anti-inflammatoires limitent le bénéfice.

Piroxicam

Le piroxicam a une biodisponibilité orale élevée et une longue demi-vie, donc une seule prise quotidienne est appropriée. Avec le piroxicam, le risque de saignements gastro-intestinaux, d’ ulcérations et de perforations est élevé chez les personnes âgées et sa prise entraîne également une augmentation de la tension artérielle. Les contre-indications comprennent les ulcères gastro-intestinaux, le dysfonctionnement rénal et hépatique, l’ hypertension, l’ insuffisance cardiaque NYHA III-IV, la condition après un pontage cardiaque.

Traitement de la douleur chronique chez les personnes âgées

Dans les établissements médico-sociaux, le paracétamol est le plus souvent utilisé dans le traitement de la douleur chronique, suivi de près par le métamizole, au deuxième rang des analgésiques. En Allemagne, le métamizole même est l’ analgésique le plus fréquemment administré dans les institutions de soins.
Le redouté EI sévère d’ agranulocytose sous métamizole, indépendant de la dose, est inférieur à 0,01 % des traitements. En Suisse, l’ incidence minimale de l’ agranulocytose associée au métamizole a été estimée entre 0,46 et 1,63 cas par million de traitements quotidiens, d’ après une récente étude de Bâle. Dans certains cas documentés d’ agranulocytose, on a observé une association avec une substance myélosuppressive. Tout patient à qui l’ on prescrit du métamizole doit être informé des premiers symptômes de l’ agranulocytose.
Le risque relatif d’ issue fatale du métamizole est plus faible que pour les autres analgésiques : Andrade et al. ont calculé le nombre de décès par 100 millions d’ utilisateurs pour une semaine d’ utilisation. Pour le diclofénac, ce sont 529 décès, pour l’  ASS 185, pour le métamizole 25 et pour le paracétamol 20. Si l’ on exclut les personnes souffrant d’ ulcère gastroduodénal de l’ anamnèse, on obtient 139 décès pour le diclofénac, 79 pour l’ ASS, 5,5 pour le métamizole et 3,6 pour le paracétamol. Ces dernières années, les besoins en analgésiques ont considérablement augmenté en Suisse. Le métamizole est affecté de façon disproportionnée : le nombre d’ ordonnances a plus que quadruplé entre 2006 et 2013. Cette substance pour le traitement des douleurs intenses est à privilégier chez les patients souffrant d’ insuffisance rénale qui ont développé des symptômes gastro-intestinaux dus aux AINS ou qui présentent d’ autres contre-indications pour ce groupe de substances.
En général, le gold standard pour le traitement analgésique des patients gériatriques, chez qui le succès du traitement à long terme et une fonctionnalité accrue dans la vie quotidienne devraient être atteints, est un comportement prudent en matière de prescription : Start Low, Go Slow. Dans la mesure du possible, les douleurs chroniques légères doivent être traitées avec du paracétamol et les douleurs plus intenses avec du métamizole. L’ utilisation à long terme d’ AINS devrait être évitée.
Bien sûr, l’ utilisation de coanalgésiques tels que les anticonvulsivants, les antidépresseurs, les stéroïdes, etc. devrait être envisagée dans le traitement de la douleur chronique chez les personnes âgées. Dans le cadre d’ un concept thérapeutique global, les thérapies physiques, la physiothérapie, la psychothérapie et la thérapie interventionnelle de la douleur sont fournies par une équipe de traitement interdisciplinaire. L’ effet global de ces mesures devrait garantir aux personnes âgées une thérapie de la douleur sûre et efficace, dans laquelle l’ évaluation des risques et des avantages est correcte.

Article traduit de « der informierte arzt » 09_2019

Dr. med. Antje Heck

Fachärztin für Klinische Pharmakologie und Toxikologie FMH
Fachärztin für Anästhesie FMH, Schmerzspezialistin SGSS
Leiterin Sprechstunde Medikamente in Schwangerschaft und Stillzeit
Oberärztin Psychiatrische Klinik Königsfelden
Postfach 432
5201 Brugg

antje.heck@pdag.ch

Prof. Dr. med. Eli Alon

Facharzt für Anästhesiologie FMH, Schmerzspezialist SGSS
Professor für Anästhesiologie und Schmerzmedizin an der
Universität Zürich
Praxis für Schmerztherapie
Arzthaus Zürich City
Lintheschergasse 3
8001 Zürich

eli.alon@arzthaus.ch

Une réunion d’ experts a été soutenue financièrement par Sanofi (sans participation). Le sponsor n’ a eu aucune influence sur le reportage.

  • Les changements physiologiques de la vieillesse entraînent une modification de la pharmacocinétique et de la pharmacodynamique. De plus, les effets désirés et non désirés des médicaments peuvent être influencés par des maladies à un stade avancé de la vie.
  • Les indications des fabricants concernant l’ indication, la posologie, l’ efficacité et les effets indésirables des analgésiques non opioïdes sont principalement fondées sur des études menées auprès de patients jeunes et plutôt en santé sur une période d’ observation relativement courte. Ces données ne sont pas transférables sans réserve à une utilisation chronique chez les personnes âgées.
  • Les maladies aiguës et chroniques des personnes âgées nécessitent également une évaluation des avantages et des risques modifiée dans le choix et la posologie d’ un analgésique.
  • Les opioïdes sont utilisés assez prudemment dans la vieillesse et avec des indications strictes : la constipation, la tendance accrue à tomber avec risque de fracture, le danger de dépendance, la sédation ainsi que la limitation cognitive jusqu’ au délire limitent leur usage.
  • En général, le gold standard pour l’ analgésie des patients gériatriques est le comportement de prescription restreint : Start Low, Go Slow. Les douleurs chroniques plus légères doivent être traitées avec du paracétamol si possible, et les douleurs plus intenses plutôt avec du métamizole. L’ utilisation à long terme d’ AINS devrait être évitée.
  • Si des AINS sont utilisés pour soulager la douleur inflammatoire aiguë, il est recommandé que les patients âgés reçoivent simultanément l’  administration d’  une protection gastrique dès le premier jour de la prescription.

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Plaies chroniques

Les plaies chroniques concernent majoritairement des patients âgés, polymorbides, bien souvent polymédiqués et dénutris. Elles sont fréquemment d’ origine multifactorielle et les conséquences sur la qualité de vie sont dramatiques (douleurs chroniques, perte d’ autonomie, isolement social, dépression contextuelle etc.), faisant de la plaie chronique un facteur de morbidité important. Il s’  agit d’ un problème de santé publique. La prise en charge est donc complexe, avec plusieurs chevaux de bataille, et nécessite donc l’ installation d’ un réseau de soin multidisciplinaire au centre duquel se situe le patient dont l’ éducation thérapeutique est primordiale. Nous aborderons dans cet article la prise en charge globale des plaies chroniques, spécifiquement celle des ulcères des membres inférieurs, sous forme de guide pratique selon notre expertise.

Les plaies chroniques sont un problème de santé publique. Elles concernent environ 1 à 1.5 % de la population des pays industrialisés. La prévalence augmente avec le vieillissement de la population. La prise en charge est complexe, souvent longue (mois, voire années) comprenant visites médicales, examens complémentaires, soins de plaie spécialisés le plus souvent quotidiens, physiothérapie etc. Pour l’ Union Européenne, ces coûts s’ élèvent à 2-4 % des coûts de la santé globaux (1). Sur le plan individuel, les coûts peuvent être un frein à la prise en charge créant des situations sociales dramatiques, encore peu fréquentes heureusement en Suisse.
Le risque majeur d’ une plaie chronique est la complication infectieuse, i.e. la surinfection locale ou loco-régionale pouvant entraîner une hospitalisation de moyenne à longue durée.
Au quotidien, l’ impact sur la qualité de vie peut être dramatique en fonction de la sévérité de la plaie, si elle s’ accompagne d’ écoulement, de douleurs, d’ odeur nauséabonde etc. Une impotence fonctionnelle peut s’ installer de même qu’ un isolement social voire un état dépressif réactionnel.
La plaie chronique est donc une pathologie fréquente aux causes et conséquences multiples, mettant à rude épreuve le patient et les professionnels de la santé. Il convient d’ instaurer un partenariat solide entre les différents intervenants et avec le patient, clé principale au succès de la prise en charge, avec comme objectif commun la cicatrisation de la plaie et l’ amélioration de la qualité de vie du patient.

Etape 1 : recherche des facteurs favorisants

Une plaie chronique est par définition une plaie de plus de 6 semaines, qui ne cicatrise pas. Elle est donc témoin d’ un trouble ou retard de la cicatrisation.
Ce retard de cicatrisation peut être secondaire à des problèmes vasculaires (artériel et/ou veineux), une stase chronique, des défauts d’ oxygénation (ischémie), un état de malnutrition ou dénutrition. Un ou plusieurs de ces facteurs peuvent se retrouver chez le même patient. Il nous faut donc considérer le patient dans sa globalité avec ses co-morbidités.
Le tableau 1 illustre les facteurs favorisants la survenue de plaies chroniques.
Les 3 types de plaies les plus fréquemment rencontrés sont : les escarres, les ulcères des membres inférieurs et les plaies liées au pied diabétique.
Dans cet article nous considérerons uniquement les ulcères des membres inférieurs. Les ulcères des membres inférieurs sont principalement d’ origine vasculaire, avec une prédominance veineuse (70 %) suivie des ulcères artériels et artério-veineux (20 %) (2).

Etape 2 : recherche des signes cliniques orientant vers une cause vasculaire

Le tableau 2 illustre les caractéristiques sommaires des ulcères veineux et artériels.
Bien souvent, une bonne anamnèse associée à un examen cutané, neurologique et vasculaire détaillé permet d’ identifier dans la majorité des cas l’ origine de l’ ulcère (2).

Etape 3 : Examens complémentaires

Dépistage d’ une malnutrition / dénutrition

La dénutrition est fréquente et touche 4-10 % des personnes âgées vivant à domicile (3). La prévalence est également importante chez les patients hospitalisés. La dénutrition est un facteur favorisant et/ ou la conséquence d’ un retard de la cicatrisation pouvant engendrer un cercle vicieux.
Pour rappel, la cicatrisation est un processus complexe dépendant de l’ interaction entre différents types cellulaires (kératinocytes, fibroblastes, cellules endothéliales et immunocompétentes) et comprenant grossièrement 4 phases ; détersion, phase hémorragique et inflammatoire, réparation (cicatrisation dermique, cicatrisation épidermique) et phase de remodelage.
Les facteurs métaboliques et nutritionnels ont une place importante car ils interviennent dans la réaction inflammatoire, la prolifération cellulaire et la synthèse protéique. Lors du processus de cicatrisation, les dépenses énergétiques augmentent
par conséquence et les réserves nutritionnelles sont mobilisées. L’ intensité de ce processus est proportionnelle à la sévérité de la lésion pouvant ainsi induire ou aggraver un état de malnutrition ou dénutrition.
Il est ainsi important de faire un dépistage nutritionnel à la première visite et à chaque changement de l’ état clinique. En pratique, nous réalisons un score à l’ aide du Nutrition Risk Screening (NRS) ou Mini Nutritional Assessment (MNA). A ce stade, nous ne réalisons pas nécessairement de bilan biologique. S’ il existe un état de malnutrition ou dénutrition, nous adressons les patients à la consultation diététique ou nutritionnelle pour suite de bilan et prise en charge.

Frottis bactériologique

Une plaie chronique est par définition colonisée par différents germes. Lorsqu’ une ou plusieurs colonies bactériennes prennent le dessus et engendre une réaction de l’ hôte, on parle alors d’ infection. Les signes cliniques sont alors : rougeur, douleur (nouvelle ou aggravée), écoulement + / - jaune, vert, mauvaise odeur, nécrose, augmentation de la taille de la plaie, œdème. Cette surinfection peut être locale ou loco-régionale : on parle alors de dermohypodermite infectieuse.
Il n’ est pas recommandé de réaliser d’ emblée un frottis bactériologique car l’ attitude thérapeutique ne sera pas modifiée devant l’ absence de signe clinique de surinfection.
A retenir donc que le frottis bactériologique n’ est réalisé que lors d’ une suspicion clinique de surinfection.

Bilan artériographique et/ ou veineux

Une alliance avec le/la médecin angiologue est nécessaire. Il convient en effet de réaliser un examen artériographique et / ou veineux des membres inférieurs selon la suspicion clinique afin de déceler une cause traitable ; stadifier l’ artériopathie et / ou rechercher des varices alimentant l’ ulcère. S’ il existe une cause traitable sous-jacente, il convient de la traiter afin de garantir une cicatrisation optimale et durable (diminution des risques de récidive).

Etape 4 : Traitement

Dans un premier temps, il convient de traiter la cause comme discuté plus haut. En association, des soins locaux sont proposés dont le choix sera en fonction de l’ état de la plaie (infectée ou pas) et de son stade d’ évolution. Le but d’ un pansement est d’ assurer un milieu favorable pour la cicatrisation, ni trop humide ni trop sec. Les stades d’ évolution de la plaie suivent les phases de la cicatrisation ; détersion (phase inflammatoire), granulation (cicatrisation dermique, revascularisation) et épidermisation (cicatrisation épidermique) (4). A chaque stade d’ évolution, les pansements doivent répondre à un objectif précis, résumé dans le tableau 3.
L’ infirmier (-ère) agissant en première ligne est sentinelle et garant de l’ adéquation du traitement local. L’ alliance médico-infirmière est vitale.

Décontamination de la plaie

En l’ absence d’ infection aigue, les antiseptiques ne sont pas nécessaires. Ils peuvent être au contraire délétères et freiner la cicatrisation. Un nettoyage simple à l’ eau et savon sous la douche ou avec NaCl 0.9 % permet de réduire la colonisation bactérienne et d’ éliminer en partie le matériel fibrinonécrotique. Si la plaie est infectée, des soins locaux antiseptiques suffisent la plupart du temps sans nécessité de recourir aux antibiotiques locaux ou systémiques sauf en cas de dermohypodermite infectieuse bien évidemment.

Débridement

Le débridement permet d’ éliminer les tissus fibrinonécrotiques qui sont un obstacle à la cicatrisation. Deux techniques de détersion sont possibles : chimique ou mécanique. En pratique, nous utilisons conjointement les deux méthodes.

  • Débridement chimique (autolytique)

Les hydrogels, les hydrofibres, les alginates et certains hydrocolloïdes ont cette propriété (7).

  • Débridement mécanique

Il se pratique à l’ aide d’ un scalpel, pince ou Stieffel® (lame circulaire). L’ application d’ une antalgie topique permet de diminuer la douleur et d’augmenter la qualité de ce geste (cf. partie douleur).
En cas de zone nécrotique étendue ou douleur importante malgré les anesthésiants topiques et antalgiques, la détersion peut s’ effectuer au bloc opératoire.

  • La larvothérapie (biochirurgie)

Lucilia sericata est l’ espèce de mouche utilisée pour la larvothérapie. Ces larves se nourrissent exclusivement de tissus morts et de cette manière défibrinent les ulcères. C’ est une méthode rapide mais temporaire. Les études in vitro ont montré que les sécrétions de ces larves agissaient comme des facteurs de croissance sur les fibroblastes, favorisant la cicatrisation (5).

Pansements

Les pansements assurent une protection mécanique et diminuent les douleurs pouvant être occasionnées par la mise à nu du derme. Le but est d’ obtenir un milieu propice à la cicatrisation ; apport d’ humidité, pouvoir absorbant plus ou moins important, propriétés fibrinolytiques, actions sur le biofilm etc.Le tableau 4 résume les pansements classés en fonction de leurs propriétés (6).

La greffe cutanée et les substituts cutanés

Il existe différents types de greffe cutanée ; peau mince, demi-épaisse, totale ou en pastille (7). Le but est de recouvrir la plaie à des fins de cicatrisation et d’ antalgie. La zone receveuse doit être propice, à savoir : fond propre (pas de fibrine, pas de nécrose), absence d’ infection ou de suintement trop important, bien vascularisée. Ce geste peut se pratiquer en ambulatoire, mais l’ hospitalisation est préférable pour assurer une bonne prise de greffe dépendante notamment d’ un maintien du membre au repos.
Le domaine des substituts cutanés, issus des biothérapies, est actuellement en plein essor. Ils sont une alternative moderne et rapide à la greffe cutanée.
Par exemple l’ Apligraf® qui est composé d’ une couche épidermique (kératinocytes humains néonataux) et d’ une couche dermique (collagène bovin et fibroblastes humains néonataux). Son efficacité a été démontrée supérieure aux pansements classiques si les indications sont respectées (8).
Dernièrement, il est possible de réaliser des greffes de membrane amniotique humaine (couche interne de placenta) ayant des propriétés cicatrisantes, anti-inflammatoires et anti-bactériennes (9).Cette pratique est courante en ophtalmologie et n’ est en pratique pas encore réalisée dans notre service. Les résultats sont prometteurs selon les études. Il existe également des pansements fait de placenta complet déshydraté (NuShield®). Les études ont montré la supériorité de ce pansement par rapports aux pansements classiques (10).
Autre nouveauté, la thérapie avec des cellules souches dérivées du tissu adipeux autologue. Le tissu adipeux est constitué d’  adipocytes et des cellules vasculaires stromales. Ces dernières contiennent des cellules progénitrices mésenchymateuses pluripotentes et des cellules souches. Cette thérapie favorise la cicatrisation des ulcères avec un retard de cicatrisation (11).

Thérapie hyperbare

La thérapie hyperbare est l’ administration d’ oxygène à une pression supérieure à la pression atmosphérique, augmentant ainsi la pression partielle d’ oxygène dans le sang et les tissus. Les ulcères sont ainsi mieux oxygénés. L’ oxygénation intermittente de l’ ulcère accroît la production des facteurs de croissance ; elle a un effet microcirculatoire avec réduction des oedèmes et des effets anti infectieux (12). L’ hyperbarie peut donc être envisagée comme association thérapeutique afin de potentialiser la prise en charge.
Les HUG sont les seuls hôpitaux universitaires en Suisse à disposer d’un centre de médecine hyperbare.

La scarification

Elle se fait à l’ aide d’ un bistouri après le nettoyage de la plaie et consiste à inciser les berges de l’ ulcère. Le but est de faire saigner la plaie afin de « relancer » /stimuler l’ inflammation et d’ apporter ainsi des facteurs de cicatrisation. Ce geste concerne les ulcères atones, i.e. sans signes d’ inflammation ni dynamisme (« ulcère sec qui stagne »), car pour rappel, il n’ y a pas de cicatrisation possible sans inflammation.

Etape 5 : Gestion de la douleur

Elle est souvent négligée bien qu’ impérative. Nous avons la possibilité d’ utiliser des traitements anesthésiants et/ou antalgiques locaux associés à l’ antalgie classique per os et/ou MEOPA. Les traitements antalgiques topiques sont utiles pour les soins locaux, notamment la détersion mécanique. Le tableau 5 résume les anesthésiques/antalgiques locaux disponibles. Si la gestion de l’ antalgie reste difficile, nous faisons volontiers appel à l’ équipe mobile de la douleur.

Etape 6 : Gestion des facteurs favorisants et prévention

Contention élastique et drainages lymphatiques

Une alliance avec le/la physiothérapeute est primordiale. La contention élastique est essentielle dans la prise en charge des ulcères veineux. La pression de compression recommandée est entre 30 et 40 mmHg. Il est démontré que le port de bas de contention non seulement favorise la cicatrisation mais diminue également les risques de récidive (13). En cas d’ insuffisance artérielle avec un IPS < 0.5, la contention élastique est contre-indiquée. Chez les patients avec une artériopathie légère à modérée (IPS entre 0.5 et 0.8), une contention est possible avec des bandes de contention moins comprimantes et un suivi clinique (2). En pratique, si le pouls pédieux est palpé, la contention est prescrite. Les drainages lymphatiques ont une place également importante. Le but est de diminuer la stase chronique, l’ œdème et le lymphoedème, réduisant ainsi la pression aux membres inférieurs (frein à la cicatrisation) et le risque de surinfection loco-régionale.

Facteurs de risque cardio-vasculaires

Une alliance avec le/la médecin traitant est primordiale.
L’ état hyperglycémique et le tabac contribuent au retard de cicatrisation, les facteurs de risque cardio-vasculaires doivent être pris en charge.

Etape 7 : enseignement thérapeutique du patient

Une alliance avec le/la patient(e) est primordiale. Elle ne survient qu’ à l’ étape numéro 7 pour des soucis rédactionnels, mais détrône bien évidemment toutes les étapes et est à considérer en premier lieu.
L’ éducation thérapeutique permet au patient d’ acquérir des connaissances et compétences nécessaires pour qu’ il puisse vivre de façon optimale avec sa maladie chronique et son traitement. Il est ainsi acteur de sa prise en charge. Nos recommandations auprès du patient sont nombreuses et parfois fastidieuses, l’ éducation thérapeutique augmente les chances du suivi de celles-ci et est affaire de tous les soignants.
Prenons en exemple la contention, quiconque ne comprenant pas l’ intérêt du port de bas / bandes de contention ne peut se soumettre à les enfiler (mesure souvent pénible) en pleine canicule. Une étude américaine faite sur 203 patients a démontré l’ impact de 1 heure d’ éducation thérapeutique sur la prévention d’ ulcère et amputation chez les patients diabétiques. Dans le groupe bénéficiant de l’ éducation thérapeutique, il y a eu une diminution significative de l’ amputation et de la survenue des ulcères (14).

Dr Marem Abosaleh

Service de dermatologie et vénéréologie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

Dr Yassaman Alipour Tehrany

Service de dermatologie et vénéréologie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

Dr Laurence Toutous-Trellu

CC (Chargée de Cours)
Service de dermatologie et vénéréologie
Hôpitaux Universitaires de Genève
Rue Gabrielle-Perret-Gentil 4
1205 Genève

laurence.trellu@hcuge.ch

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

  • Une prise en charge optimale fait intervenir différentes spécialités devant s’organiser en réseau solide où le patient est l’acteur central.
  • Nous n’avons abordé que les aspects médicaux, mais les aspects sociaux et économiques (pansements non remboursés à la hausse etc.) sont à considérer au même titre.
  • La plaie chronique est un problème de santé publique, dont la prévalence est en augmentation, et consiste un vrai challenge thérapeutique.

1. www.safw-romande.ch
2. Singer AJ, Tassiopoulos A, and Kirsner R. Evaluation and Management of LowerExtremity Ulcers. N Engl J Med. 2017;377:1559
3. Yerly N, Nguyen S, Major K et al. Approche ambulatoire de la dénutrition chez la personne âgée. Rev Med Suisse 2015; volume 11. 2124-2128
4. Salomon D, Vischer U, Terumalai et al. Handout Soins de plaies complexes. 2003
5. Raposio E, Bortolini S, Maistrello L et al. Larval Therapy for Chronic Cutaneous Ulcers: Historical Review and Future Perspectives. Wounds. 2017;29:367-373.
6. Toutous Trellu L. Plaies chroniques les plus fréquentes, principes de la prise en charge. info@gériatrie. 2012 ;21-23.
7. Serra R, Rizzuto A, Rossi Aet al. Skin grafting for the treatment of chronic leg ulcers – a systematic review in evidence-based medicine. Int Wound J. 2017;14:149-157
8. Zaulyanov L, Kirsner RS. A review of a bi-layered living cell treatment (Apligraf) in the treatment of venous leg ulcers and diabetic foot ulcers. Clin Interv Aging. 2007;2:93-8.
9. Castellanos G, Bernabé-García Á, Moraleda JM et al. Amniotic membrane application for the healing of chronic wounds and ulcers. Placenta. 2017 Nov;59:146-153
10. Bianchi C, Cazzell S, Vayser D et al. A multicentre randomised controlled trial evaluating the efficacy of dehydrated humanamnion/chorion membrane (EpiFix® ) allograft for the treatment of venous leg ulcers. Int Wound J. 2018;15:114-122.
11. Konstantinow A, Arnold A, Djabali K,et al. Therapy of ulcus cruris of venous and mixed venous arterial origin with autologous, adult, native progenitor cells from subcutaneous adipose tissue: a prospective clinical pilot study. J Eur Acad Dermatol Venereol. 2017;31:2104-2118.
12. Thistlethwaite KR, Finlayson KJ, Cooper PD et al. The effectiveness of hyperbaric oxygen therapy for healing chronic venous leg ulcers: A randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Wound Repair Regen. 2018 ;26:324-331
13. O’Meara S, Cullum N, Nelson EA et al. Compression for venous leg ulcers. Cochrane Database Syst Rev. 2012;14:11
14. Malone JM, Snyder M, Anderson G, et al. Prevention of amputation by diabetic education. Am J Surg. 1989;158:520-3.

La fibrose pulmonaire idiopathique

La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est la plus fréquente des pneumopathies interstitielles idiopathiques. Elle survient principalement à un âge avancé, et son évolution demeure fatale. Elle doit être évoquée dans toutes les situations associant toux sèche, dyspnée et râles crépitants. La découverte d’  agents anti-fibrotiques, la pirfenidone et le nintedanib, a modifié de manière significative le pronostic de cette affection en ralentissant son évolution. Ces progrès thérapeutiques ainsi que la possible indication à une transplantation pulmonaire requièrent donc une rigueur diagnostic afin de les initier sans délai. Une approche palliative précoce est également essentielle à la prise en charge de la FPI.

La FPI appartient au groupe des pneumopathies interstitielles, groupe hétérogène de plus de 150 affections, et en représente le 55 % (1). Elle consiste en un remaniement de l’ épithélium alvéolaire entraînant une atteinte bibasale du parenchyme, associée à une dilatation des bronchioles et à une fibrose progressive interstitielle, qui a pour conséquence une diminution de la capacité vitale forcée (CVF), une altération des échanges gazeux, et une hypoxie progressive (2).
Son incidence augmente avec l’ âge, et se manifeste le plus souvent au-delà de 60 ans avec une prédominance masculine. Le tabagisme (70 % des patients sont des fumeurs), l’ exposition aux poussières et aux virus, ainsi que les facteurs génétiques représentent de potentiels facteurs de risque (3). Elle est souvent associée à des comorbidités : hypertension pulmonaire, reflux gastro-œsophagien, BPCO, diabète et coronaropathie (1).
L’ évolution est difficilement prévisible et varie entre une progression lente (décès survenant 3 à 5 ans après le diagnostic avant l’ introduction d’ anti-fibrotiques efficaces), ou rapide à la faveur d’ une exacerbation aiguë (2).

Diagnostic

La démarche diagnostique a fait l’ objet d’ une mise à jour publiée par l’ ATS/ERS/JRS/ALAT en 2018 (4). Le diagnostic doit être évoqué par la triade toux sèche, dyspnée, et râles inspiratoires crépitants. La spirométrie peut être initialement normale et évolue vers un syndrome restrictif. Il doit écarter les autres causes de pneumopathies interstitielles idiopathiques. Sa confirmation se fonde sur l’ imagerie CT en haute résolution (image en nid d’ abeilles) et sur la biopsie chirurgicale. Cette dernière, non dénuée de risque chez les patients âgés souffrant de comorbidités, peut être omise en présence d’ une imagerie suffisamment évocatrice (2). Un diagnostic précoce est un élément déterminant du pronostic.

Traitement

Le traitement, pharmacologique et non pharmacologique, vise à ralentir le déclin de la CVF, à maintenir une oxygénation satisfaisante, à réduire les symptômes et les exacerbations, et à minimiser les effets secondaires des anti-fibrotiques (1).
Avant 2014, seuls des traitements empiriques tels que l’ association prednisone-azathioprine, inefficace et entraînant une augmentation de la morbi-mortalité, ou l’ acétylcystéine, également inefficace, étaient proposés.
L’ arrivée sur le marché d’ anti-fibrotiques ayant fait la preuve de leur sécurité et efficacité au terme d’ études de phase 3 (5 – 6), a radicalement changé le pronostic de la FPI, et entraîné de nouvelles recommandations thérapeutiques. La prise en charge par les assureurs maladie de ces traitements requiert une démarche diagnostique conforme aux recommandations internationales (4).

Les anti-fibrotiques

La pirfenidone (Esbriet®)

Il s’ agit d’ un anti-fibrotique oral dont le mécanisme d’ action est peu clair. Il inhibe la prolifération des fibroblastes et la synthèse du collagène en régulant l’ activité du facteur de croissance transformant β et du TNFα.
L’ étude ASCEND (5) a montré, lorsque l’ on compare la pirfenidone à un placebo, une diminution de 54 % du déclin de la CVF après 1 an de traitement (122 vs 262 ml, p < 0,001) ainsi qu’ une survie à 5 ans significativement améliorée (55,9 % vs 31,5 %, p < 0.02).
En pratique, la posologie est progressive : 3 x 1 gélule de 267 mg/j la première semaine, 3 x 2 gélules/j la 2ème semaine, puis 3 x 3 gélules/j ou 1 gélule de 801 mg/j dès la 3ème semaine.

Le nintedanib (Ofev®)

Bien que le mécanisme d’ action soit incomplètement élucidé, le nintedanib présente des propriétés anti-inflammatoires et anti-fibrotiques, en interférant avec la migration, la prolifération, la différenciation des fibroblastes, et la synthèse du collagène. C’ est un inhibiteur intracellulaire de plusieurs tyrosine-kinases impliquées dans le processus fibrotique.
Comparé à un placebo, le nintedanib réduit le déclin de la CVF de 52 % (115 vs 240 ml, p < 0,001) après 52 semaines de traitement chez 1000 patients. Il réduit également la fréquence des exacerbations (5,3 vs 8,2 / 100 patients-années) (6). En pratique, la posologie est de 2 x 150 mg/j, susceptible d’ être réduite à 2 x 100 mg/j lors d’ intolérance.
Des méta-analyses montrent que la pirfenidone et le nintedanib ont un effet similaire sur le déclin de la CVF. Ni l’ un ni l’ autre n’ ont cependant d’ effet significatif sur l’ amélioration des symptômes cliniques.

Les traitements combinés

L’ étude INJOURNEY (7) a évalué la sécurité et la tolérance du nintedanib + pirfenidone vs nintedanib seul chez 105 patients sur une période 12 semaines. Le déclin de la CVF s’ est avéré moindre dans le groupe combiné (-13,3 ml vs -40,9 ml). Nausées et vomissements ont néanmoins été observés plus fréquemment dans le groupe combiné. Bien que cette étude soit prometteuse, une étude de plus longue durée sur un plus grand collectif, évaluant son efficacité, est néanmoins nécessaire avant de recommander un tel traitement combiné.
D’ autres études sont en cours pour déterminer l’ utilité d’ associations basées sur les comorbidités, anti-fibrotiques + sildénafil dans l’ hypertension pulmonaire par exemple.

Les effets secondaires des anti-fibrotiques

Les effets secondaires les plus fréquents liés aux anti-fibrotiques touchent le système gastro-intestinal (2).
Sous nintedanib, les diarrhées ont été reportées chez 61,5 % des patients. La majorité ont cependant pu poursuivre leur traitement après une réduction de la posologie associée à des anti-diarrhéiques. Nausées, vomissements, inappétence, douleurs abdominales, perturbations des tests hépatiques, perte de poids et hypertension ont également été observés (1). Un risque hémorragique augmenté a encore été reporté en raison de l’ inhibition du récepteur du facteur de croissance de l’ endothélium vasculaire (VEGF), ce qui exige une pesée du risque-bénéfice chez les patients à risque hémorragique. De même des cas de thromboses artérielles ont été décrits, requérant la prudence chez les patients présentant des risques cardio-vasculaires élevés.
Sous pirfenidone, l’ effet secondaire le plus fréquemment reporté est la nausée (35,5 % des patients). Cet effet secondaire est géré par la réduction de dose, la prise du traitement avec les repas, voire son interruption. Une photosensibilisation et un rash cutané ont également été décrits imposant aux patients de minimiser leur exposition au soleil (1).
Le nintedanib et la pirfenidone peuvent entraîner une perturbation des tests hépatiques, ALAT et ASAT, généralement réversible après réduction de dose ou arrêt. Le nintedanib est à proscrire lors d’ atteinte hépatique préexistante (Child B, C) et la posologie réduite à 2 x 100 mg/j pour une atteinte Child A.

Traitements non-pharmacologiques

Si les anti-fibrotiques occupent une place essentielle dans le traitement de la FPI, d’ autres approches font également partie de leur prise en charge.
C’ est le cas de l’ oxygénothérapie qui est clairement indiquée chez les patients hypoxémiques au repos (8).
De même, la réhabilitation pulmonaire doit être envisagée pour améliorer la tolérance à l’ effort et la qualité de vie des patients. Elle permet également d’ apporter conseils et soutien psychologique aux patients et à leurs proches (8).
La transplantation pulmonaire (uni-pulmonaire, bi-pulmonaire, cœur-poumons) représente une option thérapeutique pour une minorité de patients en raison des fréquentes comorbidités et de l’ âge avancé des patients. Elle doit néanmoins faire l’ objet d’ une évaluation au stade précoce de la maladie, avant même la détérioration spirométrique, afin de maximaliser les chances d’ éligibilité chez les patients de moins de 65 ans (9). En Suisse, la fibrose pulmonaire représente le quart des transplantations, bi-pulmonaires le plus souvent.
La progression de la maladie et la fréquence des exacerbations sont par ailleurs significativement réduites par l’ arrêt du tabac et la vaccination (grippe et pneumocoques).

Le traitement des comorbidités et des exacerbations

Les comorbidités, hypertension pulmonaire, reflux gastro-œsophagien (RGO), BPCO, diabète et coronaropathie, sont responsables de 30-40 % des décès de la FPI, et sont associées à un mauvais pronostic. Leur traitement fait donc partie intégrante de la prise en charge de la FPI, et permet d’ améliorer l’ espérance de vie de la FPI.
Ainsi lors de comorbidités cardio-vasculaires, les inhibiteurs de la thrombine, tel que le dabigatran, seront préférés aux coumariniques qui peuvent péjorer le pronostic de la FPI. Les statines ayant une action anti-inflammatoire ont également un effet protecteur dans l’ évolution de la FPI.
Lors de RGO, malgré le faible niveau d’ évidence et le risque majoré d’ infection, les inhibiteurs de la pompe à protons sont recommandés dans la FPI.
Les exacerbations aiguës peuvent survenir n’ importe quand et sont associées à une mortalité de 50 %. Si les corticoïdes ne font plus partie des recommandations du traitement chronique de la FPI, leur place reste avérée, souvent en association avec des antibiotiques, lors d’ exacerbations aiguës malgré l’ absence d’ études contrôlées. Par ailleurs les autres immunosuppresseurs (tacrolimus, cyclophosphamide) sont également une option envisagée dans certaines recommandations cliniques (8).

Perspectives futures

Afin d’ améliorer le diagnostic et le traitement de la FPI, les recherches actuelles portent sur le développement de bio-marqueurs. Le diagnostic pourrait bénéficier de marqueurs sanguins des lésions épithéliales et de la dégradation de la matrice (métalloprotéinase MMP7, chitinase-like protéine) afin d’ éviter des biopsies à risque. De même des marqueurs pronostiques sont étudiés, telle que la C réactive protéine. Des marqueurs génétiques sont aussi étudiés dans le cadre de la médecine prédictive. Ces marqueurs n’ ont cependant pas encore d’ application clinique (9).
Plusieurs évidences mettant en avant le rôle d’ une altération du microbiome dans la progression de la maladie, l’ utilisation d’ antibiotiques, tels que le co-trimoxazole, susceptibles de réduire la charge bactérienne des voies aériennes, est en cours d’ étude (9).

Soins palliatifs

Bien que la qualité de vie et l’ espérance de survie soient souvent inférieures à de nombreux cancers, plusieurs études montrent que le recours à une approche palliative est souvent oublié dans la FPI (10-12). Or, l’ intolérance à l’ effort, la dyspnée progressive, les hospitalisations, et les exacerbations péjorent la qualité de vie des patients souffrant de FPI.
Si les besoins d’ une approche palliative augmentent avec la progression de la maladie, il est essentiel d’ y recourir dès la confirmation du diagnostic afin de minimiser l’ angoisse engendrée par l’ incertitude du pronostic. Un accompagnement individualisé permet de prendre en compte les aspects psycho-sociaux des patients et de leurs proches, ainsi que leurs besoins, tout en leur apportant informations et soutien du diagnostic au décès. L’ accompagnement dans la rédaction de directives anticipées permet de s’ assurer que les traitements entrepris sont conformes aux souhaits du patient et évite des traitements futiles, tels qu’ une intubation ou la mise en place d’ une circulation extracorporelle non désirées.
Des outils tels que le NECPAL (13) peuvent aider les médecins à évaluer de manière qualitative et quantitative les patients susceptibles de bénéficier d’ une approche palliative et du moment le plus approprié d’ intervention.
La gestion des symptômes, dyspnée, toux, fatigue, dépression et anxiété, qui ne doit pas être négligée dans la prise en charge de la FPI, est résumée dans le tableau 1 (10). La plupart des traitements symptomatiques proposés le sont cependant avec un faible niveau d’ évidence.

Conclusion

On estime qu’ en Suisse 2000 personnes souffrent de FPI, une maladie mortelle, dont la médiane de survie est de 3-5ans. De nombreux patients ne bénéficient pas d’ un diagnostic et d’ un traitement initié précocement.
L’ évolution imprévisible de la FPI relève d’ une évaluation initiale interdisciplinaire et holistique dans des centres spécialisés.
L’ instauration d’ un traitement anti-fibrotique, un bilan pré-greffe chez les moins de 65 ans, le traitement des comorbidités, les mesures préventives ainsi qu’ une approche palliative précoce, représentent actuellement la meilleure attitude susceptible d’ améliorer le pronostic et la qualité de vie des patients souffrant de fibrose pulmonaire idiopathique.

Dr Gérard Pralong, MD, MSc

Hôpital de Lavaux, service de médecine et réadaptation
Colombaires 31
1096 Cully

gerard.pralong@hopitaldelavaux.ch

L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

  • Un diagnostic précis et précoce permet l’ instauration d’ un traitement anti-fibrotique, pirfenidone ou nintedanib, lequel a changé le pronostic de la FPI en ralentissant le déclin de la CVF.
  • L’ arrêt du tabac, la vaccination contre l’ influenza et le pneumocoque, la réhabilitation pulmonaire, ainsi que le traitement des comorbidités peuvent contribuer à ralentir la progression de la maladie.
  • La transplantation pulmonaire doit être évoquée chez tous les patients de moins de 65 ans.
  • Les soins palliatifs et les directives anticipées font partie de la prise en charge de la FPI.

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Prise en charge après une opération bariatrique

Les patients ayant subi une intervention bariatrique ont besoin de contrôles réguliers afin de détecter et de traiter les complications et les progressions défavorables à un stade précoce. Comme le nombre de patients recevant une chirurgie bariatrique pour traiter l’ obésité et ses comorbidités augmente rapidement, il devient de plus en plus important pour les médecins d’ avoir une connaissance pratique des principales conséquences de la chirurgie bariatrique. Les thèmes importants lors de ce suivi comprennent la perte de poids, la détection précoce d’ une évolution défavorable, la détection et le traitement des carences en macro- et micronutriments, les symptômes gastro-intestinaux tels que la douleur, le dumping, etc. L’ article suivant donne un aperçu de ces sujets et décrit les options de traitement.

L’ augmentation de l’ obésité au cours des dernières décennies a mené, entre autres, à une utilisation accrue des opérations bariatriques. L’ étude SOS (Swedish Obese Subjects) (1) a documenté de manière impressionnante les succès continus en matière de perte de poids, d’ amélioration de la comorbidité et de réduction de la mortalité chez les patients ayant subi une chirurgie, ce qui a conduit à une utilisation encore plus importante de ces opérations. Il est donc de plus en plus important que les médecins en pratique se familiarisent avec les questions et les problèmes pouvant survenir après une chirurgie bariatrique. L’ article suivant donne un aperçu des questions relatives à la pratique et vise à fournir des conseils sur la façon de procéder dans des situations typiques.
En Suisse, des directives pour le traitement chirurgical de l’ obésité et les soins de suivi après une chirurgie bariatrique ont été élaborées par la SMOB (Swiss Society for the Study of Morbid Obesity and Metabolic Disorders), sont disponibles sur la page d’ accueil www.smob.ch et sont régulièrement actualisées. Selon ces directives, les centres bariatriques sont tenus d’ assurer le suivi de leurs patients tout au long de leur vie. Ce suivi est assuré par les centres bariatriques en collaboration avec les médecins de famille. Selon les directives du SMOB, les centres doivent pouvoir démontrer un taux de suivi d’  au moins 75  % dans les 5 premières années postopératoires. Les contrôles de suivi doivent être effectués deux, quatre, huit et 12 semaines après l’ opération, puis tous les trois mois, dans la deuxième année postopératoire tous les six mois, puis tous les ans, avec dans chaque cas un contrôle en laboratoire de la situation des micronutriments, ou plus fréquemment en cas de problèmes particuliers. Les consultations doivent inclure une évaluation et des conseils concernant l’ évolution du poids, la situation nutritionnelle et de l’ activité physique, ainsi que des comorbidités, en plus de questions individuelles qui doivent aussi être abordées.

L’ opération bariatrique la plus fréquente est le bypass (ou pontage) gastrique, généralement sous la forme du pontage gastrique proximal Roux-Y (Fig. 1), qui agit à la fois de manière restrictive et malabsorptive. L’ effet restrictif est particulièrement marqué après la gastrectomie longitudinale ou gastrectomie sleeve (Fig. 2) ou après l’ implantation d’ un l’ anneau gastrique. Cette dernière était l’ opération standard jusqu’ en 2005 mais n’ est plus utilisée aujourd’ hui en raison de l’ intolérance, de la dysmotilité œsophagienne et des symptômes de reflux. La perte de poids la plus importante survient après une opération de diversion biliopancréatique (DBP) (Fig. 3). Cette opération entraîne une forte malabsorption. En plus des effets restrictifs et malabsorbtifs, ces opérations agissent toutes en modifiant les composantes neuroentéro-humorales, c’ est-à-dire en modifiant les hormones peptidiques gastro-intestinales et en influençant les boucles de contrôle centrales pour réguler la saturation et la récompense. La modification du microbiote après l’ intervention chirurgicale joue également un rôle dans la perte de poids.

Courbe de poids et évolutions défavorables

La perte de poids moyenne 5 ans après le pontage gastrique est de 70 % de perte du poids excessif (LEF), d’ environ 60 % après la gastrectomie longitudinale et d’ environ 80 % après la dérivation biliopancréatique, le nadir étant atteint 12-18 mois après la chirurgie. Par la suite, le but devrait être la stabilisation du poids. Un gain de poids secondaire d’ environ 5 % à 10 % est considéré comme normal et multifactoriel. Toutefois, il convient de noter qu’ il n’ y a pas de limite claire à ce qui constitue une perte de poids suffisante. L’ évolution du poids doit également être évaluée dans le contexte des comorbidités.
Le tableau 1 donne un aperçu des facteurs et des approches thérapeutiques en cas de perte de poids insuffisante ou d’ augmentation du gain de poids secondaire.
Un risque accru de perte de poids supérieure à la moyenne avec détérioration de l’ état général, de la masse musculaire et une perte de force peut survenir dans le cadre d’ une dépression, d’ une adhésion insuffisante aux recommandations alimentaires, en particulier un apport insuffisant en protéines, du développement d’ un trouble alimentaire anorexique secondaire, d’ un abus d’ alcool, d’ une toxicomanie, de tumeurs ou de maladies chroniques, en particulier la BPCO. Un risque accru de malnutrition et de développement d’ une insuffisance pondérale existe surtout après les interventions fortement malabsorptives, surtout après le détournement biliopancréatique.

Carences en micronutriments

Après la chirurgie bariatrique, il existe un risque de carence en micronutriments dû aux faibles quantités d’ aliments ingérées et à la malabsorption, c’ est pourquoi une supplémentation en micronutriments à vie est essentielle (2,  3, 4). Pour répondre aux besoins des patients obèses, des préparations spécialement développées pour les patients obèses (par exemple WLS forte® de FitForMe ou Multi® de Bariatric Advantage) ou une préparation multivitaminée telle que Supradyn® peuvent être prises en alternance avec une vitamine complexe B. Des contrôles réguliers en laboratoire sont toujours indiqués afin de détecter et de traiter les défauts à un stade précoce. Il est important de noter que le risque de symptômes de carence dépend du type d’ opération, c’ est-à-dire que les opérations avec une forte composante malabsorptive, en particulier la chirurgie de dérivation biliopancréatique, mais aussi les opérations de dérivation excluant des sections plus longues de l’ intestin grêle (OAGB, BGRY avec une boucle bilio-pancréatique extra longue) ont un risque considérablement accru de carences en micronutriments. En particulier, le risque de carence en vitamines liposolubles (vitamines A, D, E, K) et de carences en sélénium ou en cuivre par ailleurs rares augmente considérablement. Après une intervention chirurgicale avec des composants purement restrictifs, comme par exemple une gastrectomie longitudinale ou une gastroplastie, le risque est nettement plus faible quoique toujours présent.
D’ autres raisons pour lesquelles les carences surviennent fréquemment après les opérations bariatriques sont les aversions gustatives, la mauvaise compliance des patients dans la prise de suppléments, l’ information insuffisante des patients, peut-être aussi un besoin accru pour d’ autres causes, par exemple une perte supplémentaire de fer due à l’ hyperménorrhée. Un autre problème est le fait que les suppléments ne sont pas pris en charge par l’ assurance maladie obligatoire. Les carences en micronutriments sont déjà fréquentes avant les opérations bariatriques et doivent être traitées déjà avant l’ opération.
Les carences les plus importantes après une opération bariatrique, y compris les symptômes et les conséquences, sont énumérées au tableau 2.
L’ obésité est en soi associée à une carence en vitamine D, de sorte qu’ une carence doit déjà être recherchée et traitée déjà avant l’ opération. L’ absorption du calcium chute fortement après un pontage gastrique. Pour la prophylaxie de l’ ostéoporose après un pontage gastrique et une chirurgie de dérivation biliopancréatique, une supplémentation en calcium-D3 est nécessaire pour couvrir le besoin accru et éviter le développement d’ une hyperparathyroïdie secondaire. Selon les directives de l’ American Society of Metabolic and Bariatric Surgery (ASMBS), un apport total en calcium de 1500 mg/jour après une gastrectomie sleeve, de 1500 à 2000 mg/jour après un pontage gastrique et de 1800 à 2400 mg après une dérivation biliopancréatique est recommandé, étant bien entendu que l’ apport alimentaire devrait continuer à couvrir autant que possible les besoins (2, 3). Il est important que la supplémentation en calcium D3 soit prise avec un certain décalage par rapport aux autres suppléments, en raison du risque d’ une inhibition mutuelle de l’ absorption.

La carence en zinc est fréquente après une chirurgie bariatrique. Dans une étude, 9 % des 324 patients présentaient déjà une carence en zinc en phase préopératoire, contre 42.5 % 12 mois après l’ opération. Les raisons en étaient, d’ une part, le manque de compliance à la supplémentation et, d’ autre part, une absorption de zinc fortement réduite. L’ absorption fractionnée du zinc diminue après pontage de 32,3  % en préopératoire à 13,6 % 6 mois en postopératoire et à 21  % 12 mois après l’ opération. Pour cette raison, des contrôles réguliers en laboratoire doivent également déterminer la teneur en zinc comme marqueur de l’ apport en oligo-éléments. Il convient de noter que le taux de zinc dans le sérum n’ est pas une méthode fiable pour diagnostiquer une carence en zinc, car seulement 0,1 % de la teneur totale en zinc est dissous dans le sérum et la concentration sérique en zinc peut également être affectée par une réaction de phase aiguë (5).
La carence en vitamine B1 mérite une attention particulière. Les réserves de vitamine B1 sont faibles, c’ est pourquoi une carence en vitamine B1 peut survenir après seulement 2 semaines environ si l’ apport est insuffisant et en cas de vomissements à répétition. La triade classique de Wernicke avec ataxie motrice, parésie des muscles oculaires et confusion n’ est pas toujours entièrement présente, mais une carence en vitamine B1 non traitée peut provoquer des déficits neurologiques irréversibles. Si une carence en vitamine B1 est suspectée, le traitement approprié (thiamine 100 mg iv) doit donc être initié avant que les résultats de laboratoire soient disponibles (6).

Carences en macronutriments

Une instruction nutritionnelle détaillée est indispensable après la chirurgie bariatrique, en particulier en ce qui concerne l’ apport en protéines, car une perte de masse musculaire supérieure à la moyenne est à craindre en cas d’ apport insuffisant. L’ objectif est un apport protéique de 1 g de protéines/KG de poids normal. La prise de boissons protéinées (shakes) est généralement nécessaire dans les premiers mois postopératoires afin d’ atteindre cet objectif et de répondre à la demande. Surtout après des opérations avec une malabsorption accrue, une malnutrition protéique sévère avec perte de force, une diarrhée chronique et un œdème généralisé peuvent encore survenir des années après l’ opération. Une hypalbuminémie est souvent observée en laboratoire. Sur le plan thérapeutique, un apport protéique à forte dose peut être obtenu, selon la situation clinique, par des suppléments alimentaires, des compléments protéiques, dans les cas graves également par l’ administration de protéines par une sonde gastrique, ou, si nécessaire, par voie parentérale (4).

Symptômes gastro-intestinaux après une chirurgie bariatrique

Les symptômes gastro-intestinaux après une chirurgie bariatrique sont fréquents, le plus souvent avec plus d’ une diarrhée par semaine chez 23 % des patients, le dumping chez 13 %, des douleurs abdominales chez 10 %, une dysphagie chez 5  %, des vomissements chez 4 %. Une fréquence > 1 x mois est rapportée pour la diarrhée chez 24 % des patients, le dumping chez 27 %, les douleurs abdominales chez 15 %, les vomissements chez 15 %, la dysphagie chez 7 % (7). Les causes particulières de la douleur après une chirurgie bariatrique et le syndrome de dumping sont brièvement expliquées ci-dessous.

Douleurs

Des douleurs survenant après une chirurgie bariatrique peuvent avoir des causes multiples. Une anamnèse précise et l’ examen clinique est généralement utile et capitale. Une clarification précise est importante afin de ne pas rater d’ éventuelles complications graves. Le tableau 3 montre le diagnostic différentiel des douleurs abdominales après une chirurgie bariatrique.
Sur la base de la clinique et de l’ anamnèse, un diagnostic suspect est posé, ce qui détermine la suite de la clarification (tableau 4).
La cause la plus dangereuse de douleurs abdominales est l’ apparition d’ une obstruction des parties exclues de l’ intestin grêle avec accumulation dans l’ estomac exclu, ce qu’ on appelle l’ obstruction du pontage. Les patients éprouvent d’ importantes nausées, mais ne peuvent pas vomir, de même que des douleurs dans la partie supérieure de l’ abdomen ou du dos. Les patients sont extrêmement stressés et donc tachycardes. Le diagnostic est fait par CT abdominal, une radiographie abdominale conventionnelle pouvant être faussement négative en raison d’ un manque de niveau liquides. Dans cette situation une intervention chirurgicale est indiquée sans délai. Une cause beaucoup plus fréquente de douleur abdominale est la hernie interne. Cette complication est favorisée par la réduction de la graisse mésentérique et ne se produit donc généralement qu’ après une perte de poids importante. Une anse de l’ intestin grêle est herniée au niveau des lacunes mésentériques, soit entre le mésocôlon transverse et le méso de l’ anse montée, soit au niveau de l’ espace dit de «Petersen», ce qui peut entraîner une obstruction et une ischémie de l’ intestin grêle. Les symptômes typiques sont des douleurs sévères épigastriques ou de l’ abdomen moyen avec exacerbation postprandiale, dans certains cas des vomissements; en phase précoce les symptômes sont souvent spasmodiques, évoluant par la suite dans une douleur permanente. Une hernie interne peut cependant également se présenter de manière atypique, c’ est-à-dire avec seulement une douleur intermittente. La fréquence indiquée dans la littérature est d’ environ 2,5 à 10 % (8). Le CT abdominal est utile pour le diagnostic, avec une attention particulière accordée à une composante de rotation des vaisseaux mésentériques («whirl sign»). Une intervention chirurgicale rapide par un chirurgien expérimenté en bariatrie est indiquée.

Les ulcères de la muqueuse gastrique sont divisés en ulcères précoces et tardifs (9). Habituellement, les ulcères sont situés dans la zone de l’ anastomose. Les ulcères précoces apparaissent jusqu’ à 10 mois après l’ opération. La cause la plus probable est l’ ischémie ou l’ inflammation. Les facteurs de risque pour le développement d’ un ulcère tardif sont la contamination acide du jéjunum, par exemple par l’ élargissement de la poche, l’ abus de nicotine, la prise d’ AINS et le diabète sucré. La clinique typique pour les ulcères est une douleur épigastrique sévère pendant l’ alimentation. Pour établir le diagnostic, une endoscopie doit être effectuée, le traitement consiste en un traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) pendant des mois. Une étude a montré que les formulations solubles, c’ est-à-dire les capsules ouvertes permettent une guérison plus rapide de l’ ulcère que les capsules non ouvertes (10). Une infection par Helicobacter pylori, éventuellement aussi une persistance malgré l’ éradication préopératoire, doit être recherchée et traitée si elle est présente. L’ abstinence de nicotine est fortement recommandée.

Dumping

Un symptôme courant après un pontage gastrique est l’ apparition de symptômes de dumping. Nous faisons la distinction entre le dumping précoce et le dumping tardif. Les mécanismes physiopathologiques du syndrome du dumping ne sont pas bien élucidés. Un des mécanismes possibles est une vidange rapide de la poche de l’ estomac. Le transfert rapide d’ aliments hautement osmolaires, en particulier de glucides isolés, dans l’ anse jéjunale montée déclenche un afflux de liquide dans la lumière intestinale et donc une hypotension, parfois jusqu’ au collapsus, des étourdissements, de la fatigue, des crampes et de la diarrhée. Ce dumping précoce se produit de 0 à 30 minutes après le début du traitement. Le dumping tardif se produit 90 à 120 minutes après un repas contenant des glucides et est causé par une réponse insulinique excessive à la forte concentration de glucides dans l’ intestin grêle, entraînant une hypoglycémie avec les symptômes classiques de la transpiration, des tremblements, une altération de la vision et une diminution de la concentration.
Si les symptômes ne sont pas clairs, il est utile d’ obtenir un protocole de l’ alimentation et des symptômes, combiné avec mesure de glycémie. La surveillance continue de la glycémie peut également être utile en cas d’ incertitude. Sur le plan thérapeutique, il est très important de suivre les recommandations diététiques (pas de repas de glucides purs, intervalle de 30 minutes entre les repas, petits repas réguliers, augmentation de la consommation de fibres, éventuellement de fibres solubles, par ex. Optifiber®). Si les symptômes persistent, on peut essayer un traitement médicamenteux à l’ acarbose pour stabiliser la glycémie ; dans les cas de résistance au traitement, l’ utilisation de liraglutide ou d’ octréotide est également recommandée. En cas de perte de poids insuffisante et de symptômes de décharge, l’ insertion d’ un anneau en silicone, appelé anneau de Fobi, autour de la poche gastrique peut être envisagée. Il en résulte une restriction accrue, une vidange plus lente de la poche et donc une amélioration des symptômes de dumping. Dans le cas d’ un dumping résistant au traitement et d’ une perte de poids supérieure à la moyenne, les experts croient que l’ administration d’ une alimentation entérale continue par le biais d’ un cathéter de gastrostomie dans l’ estomac exclu constitue une option thérapeutique. La dernière option thérapeutique est la réversion du pontage, mais il faut écarter les rares diagnostics différentiels d’ hypoglycémie, comme la présence d’ un insulinome ou d’ une insuffisance surrénalienne. Les médicaments, en particulier la venlafaxine, peuvent également augmenter l’ incidence de l’ hypoglycémie.

Dr Martina Gebhart

Médecin-cheffe Médecine interne / Endocrinologie
Claraspital Centre de Nutrition / Clarunis Bariatric Reference Centre
Lukas Legrand-Strasse 4
4058 Bâle

martina.gebhart@claraspital.ch

L’ auteur n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Les opérations bariatriques nécessitent un suivi tout au long de la vie, qui a lieu dans des centres spécialisés en coopération avec les médecins traitants.
  • Les éléments importants pour le suivi comprennent la progression du poids, la détection et le traitement des carences en macro et micronutriments, la détection et l’ évaluation de problèmes spécifiques tels que la douleur et le dumping.
  • Les carences les plus courantes après l’ obésité sont la carence en vitamine D3, la carence en fer, la carence en vitamine B12 et la carence en zinc.

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