La dépression chez les personnes âgées

La dépression est une maladie fréquente et souvent négligée chez les personnes âgées. Cet article parcourt le diagnostic et les traitements en suivant les recommandations suisses pour le diagnostic et le traitement de la dépression chez les personnes âgées. Le diagnostic s’ appuie sur l’ exploration clinique, complétée par la recherche de diagnostics différentiels. Il faut impérativement tenir compte du risque accru de suicide en cas de dépression chez le sujet âgé. Sur le plan thérapeutique, on recourt en premier lieu à la psychothérapie et, dans les cas graves, à la pharmacothérapie. Des interventions psychosociales et des thérapies spéciales peuvent être mises en œuvre en parallèle. D’ autres méthodes thérapeutiques biologiques telles que la privation de sommeil, la luminothérapie et les procédés de stimulation cérébrale s’ appliquent dans un cadre thérapeutique spécialisé.

Late-life depression is a frequent and underdiagnosed condition. This article discusses its diagnosis and treatment based on the Swiss Therapy Recommendations for Diagnosis and Treatment of Depression in Old Age. The diagnosis rests on the clinical exploration and the differential diagnostic process. Due to the elevated risk of suicide, the exploration of suicidality is imperative in late-life depression. Psychotherapy is the mainstay of treatment. In more severe cases of depression, it is complemented by pharmacotherapy. Psychosocial interventions and other specialist therapies can be useful add-ons. Biological therapies, such as sleep deprivation, bright light therapy and various brain stimulation methods are mainly used in specialized treatment contexts.
Key Words: Depression in the elderly, psychotherapy, antidepressants

Diagnostic

Il n’ existe pas de critères diagnostiques spécifiques pour le diagnostic de la dépression chez les personnes âgées (DPA). Le diagnostic est donc posé et codé comme chez l’ adulte plus jeune, sur la base des critères – purement cliniques – de la CIM-10 pour l’ épisode dépressif (F32) ou le trouble dépressif récurrent (F33). De même, il n’ existe pas de limite d’ âge claire, bien qu’ en Suisse, on parle généralement de DPA pour les personnes > 65 ans (1). La dépression est fréquente chez les personnes > 65 ans. Selon l’ Enquête suisse sur la santé 2022, 4 % des personnes > 65 ans présentaient des symptômes de dépression modérée à sévère (2). Dans un contexte institutionnel comme dans les maisons de retraite et de soins, la prévalence est nettement supérieure. Cela a des conséquences pour le système de soins de santé dans son ensemble. Avec le vieillissement de la population, il doit d’ une part se préparer à une augmentation du nombre de cas. D’ autre part, dans tout contexte de soins médicaux, il existera une forte probabilité initiale qu’ un patient de plus de 65 ans souffre d’ une DPA. Cela se reflète par exemple dans le fait que 12,3 % des consultations de médecins généralistes chez les personnes âgées aux États-Unis ont abouti à la prescription d’ un antidépresseur en 2012 (3). En Suisse, 46,9 % des antidépresseurs sont prescrits par des médecins généralistes, dont la plupart dans le groupe d’ âge > 65 ans (4).

Malgré – ou peut-être à cause de – sa fréquence, la DPA est sous-diagnostiquée. Cela s’ explique notamment par le fait que la DPA peut se présenter de manière «atypique», par exemple avec des troubles somatiques comme symptôme de présentation. Pour confirmer une suspicion diagnostique, un entretien approfondi est nécessaire, qui doit se dérouler en dehors des contraintes temporelles du reste de l’ activité du cabinet ou de l’ hôpital. Des échelles spécifiques pour le dépistage peuvent s’ avérer utiles dans le processus diagnostique. Pour le dépistage, l’ échelle d’ auto-évaluation GDS-15 (Geriatric Depression Scale) est bien adaptée – également pour l’ utilisation dans les maisons de retraite (1). La GDS offre l’ avantage supplémentaire d’ afficher le degré de gravité de la dépression.

Diagnostics différentiels, comorbidités et ­complications

Il n’ est pas rare de trouver chez les patients âgés des tableaux mixtes complexes de multimorbidité et de handicaps quotidiens, de facteurs de stress psychologiques et sociaux (p. ex. perte d’ un être cher et isolement). Il peut être difficile de distinguer les causes des conséquences et les comorbidités des complications. Les recommandations suisses pour le diagnostic et le traitement de la DPA fournissent des informations complémentaires sur l’ interaction entre la DPA et, entre autres, la démence, le sommeil, la douleur et des comorbidités somatiques importantes (1). Les pathologies s’ accompagnant de symptômes similaires à ceux de la dépression doivent faire l’ objet d’ un diagnostic différentiel (tableau 1). Il convient de mentionner en particulier l’ effet dépressif possible de nombreux médicaments (5).

Tendances suicidaires

On ne saurait trop insister sur le risque de suicide en cas de dépression. En 2022, en Suisse, 958 personnes sont décédées par suicide (sans compter le suicide assisté), ce qui correspond à 1,3 % de tous les décès (6). Le taux de suicide augmente fortement avec l’ âge, l’ augmentation étant en grande partie due aux suicides d’ hommes âgés (6). Sur la base de ce que l’ on appelle une «autopsie psychologique», soit l’ étude des antécédents de séniors s’ étant suicidés, il a pu être démontré que dans la majorité des cas (jusqu’ à 87 % dans une étude), il faut partir du principe qu’ il s’ agissait d’ une DPA (7). Il est donc faux de supposer que les suicides chez les personnes âgées sont des suicides dits «de bilan».

Pour clarifier la suicidalité, on commence par interroger d’ éven- tuelles pensées suicidaires, pour approfondir l’ exploration selon besoin. Existe-t-il des intentions suicidaires ou même des projets de suicide concrets ? Quels sont les facteurs de risque du patient ? En font partie (outre l’ âge avancé, le sexe masculin et la DPA déjà mentionnés): des tendances suicidaires dans son anamnèse et son environnement social, des comorbidités psychiques et somatiques, les douleurs, des limitations des fonctions quotidiennes, des événements de la vie (par ex. la perte du partenaire), l’ isolement social, le sentiment d’ impuissance ou de désespoir et la disponibilité de méthodes suicidaires au foyer (par ex. les armes à feu). L’ absence de tels facteurs de risque ne doit toutefois pas conduire automatiquement à la levée de l’ alerte lors de l’ évaluation aiguë: Ils reflètent des risques statistiques, c’ est-à-dire une augmentation du risque dans un groupe de personnes sur une longue période, et n’ ont donc qu’ une validité limitée pour la situation momentanée d’ un patient individuel.

Pendant l’ exploration, le risque de suicide doit être évalué et documenté. Si l’ on estime qu’ il existe une mise en danger aiguë de soi-même et que celle-ci ne peut pas être évitée de manière sûre par d’ autres mesures, un placement à des fins d’ assistance doit être envisagé également pour les patients âgés.

Thérapie

La thérapie de la DPA se décide en fonction de l’ acuité, de la souffrance et de la gravité des symptômes, de la disponibilité et de la praticabilité des offres thérapeutiques et des préférences de traitement du patient. Il est toujours judicieux d’ impliquer l’ entourage et de mettre en réseau les différentes offres d’ aide. Pour la thérapie, des interventions sont disponibles dans quatre domaines: interventions psychosociales et thérapies spéciales, psychothérapies au sens strict, psychopharmacothérapie et méthodes thérapeutiques biologiques.

Interventions psychosociales et thérapies ­spéciales

Les interventions psychosociales et les thérapies spéciales accompagnent le traitement psychothérapeutique et pharmacologique spécifique (1). Il s’  git notamment de ce que l’ on appelle l’ auto-assistance guidée (réalisation autonome d’ interventions sous la surveillance ponctuelle d’ un thérapeute), la psychoéducation, l’ entraînement à la résolution de problèmes, la thérapie récréative (soit la mise en place d’ une organisation gratifiante du temps libre), l’ activation physique, les méthodes de relaxation, l’ entraînement aux compétences sociales et les thérapies spéciales que sont l’ ergothérapie et les procédés d’ art-thérapie.

La thérapie récréative (8) et l’ activation physique (9) se distinguent par leur évidence. Ces deux méthodes ont en commun le fait qu’ elles enrichissent le quotidien des patients avec des éléments d’ activation concrets qui permettent de vivre des expériences positives. L’ activation physique semble être plus efficace lorsqu’ elle est pratiquée sous supervision et plusieurs fois par semaine (par exemple, trois séances d’ entraînement par semaine comprenant chacune un échauffement de 10 minutes, 30 minutes de marche ou de jogging et cinq minutes de récupération).

Psychothérapie

Selon les recommandations suisses, la psychothérapie est la thérapie de premier choix en cas de DPA. Dans les formes sévères, elle est recommandée en combinaison avec la pharmacothérapie (1). Les méthodes thérapeutiques de groupe et individuelles peuvent être utilisées. Les proches aidants présentent eux-mêmes un risque élevé de dépression et doivent être pris en compte dans le cadre du concept thérapeutique (1).

Parmi les différentes méthodes psychothérapeutiques, la thérapie cognitivo-comportementale présente la plus grande évidence. Les traitements psychodynamiques de courte durée disposent également d’ une bonne évidence (1). D’ autres méthodes qui sont utilisées sont la thérapie de réminiscence (rétrospective sur sa propre vie dans le but d’ obtenir une perspective positive de son propre parcours de vie), la thérapie interpersonnelle ainsi que d’ autres méthodes faisant partie de ce que l’ on appelle la «troisième vague de psychothérapie» (1).

Pharmacothérapie

La pharmacothérapie de la DPA est une forme de traitement efficace, surtout utilisée dans les cas modérés à sévères. Elle complète la psychothérapie en tant que traitement de première intention (1). Des études méta-analytiques ont montré que la réponse à la pharmacothérapie («response» égale diminution de 50 % de la symptomatologie) était obtenue chez environ 50 % des patients atteints de DPA (10).

La pharmacothérapie de la DPA exige la prise en compte des comorbidités psychiatriques et somatiques, des autres médicaments et un monitorage minutieux de l’ effet du traitement et des effets indésirables des médicaments (y compris laboratoire de routine et ECG avant le début du traitement). La pharmacothérapie s’ effectue selon le principe «Start low, go slow (but go !)», c’ est-à-dire que le dosage, initialement faible, est progressif et doit absolument être augmenté jusqu’ à atteindre la zone thérapeutiquement efficace. En l’ absence d’ effet, les taux sanguins des médicaments peuvent être utiles pour déterminer le bon dosage. Pour que l’ essai thérapeutique soit suffisant, il faut non seulement un dosage suffisant, mais aussi une durée suffisante. En règle générale, il s’ agit dans un premier temps de 4 à 6 semaines. En l’ absence d’ effet, l’ essai thérapeutique peut être prolongé jusqu’ à 12 semaines («late responder»). Le tableau 2 donne un aperçu des substances disponibles.

Le choix de la substance active se fait en tenant compte de l’ efficacité, de la tolérance et des interactions médicamenteuses possibles. Parmi les ISRS, le (es)-citalopram ou la sertraline comme exemples peuvent s’ avérer bien adaptés (1, 11). Il existe certes de plus en plus de preuves de l’ efficacité et de la tolérance de la kétamine et de l’ eskétamine en cas de DPA (12), mais leur utilisation est soumise à diverses restrictions et ne devrait actuellement être effectuée que par le spécialiste dans des cas précisément justifiés. Le traitement pharmacologique d’ entretien, la prophylaxie des récidives ainsi que le traitement des dépressions réfractaires dépassent le cadre de cet article.

Procédés biologiques

Parmi les méthodes biologiques non pharmacologiques, on compte notamment la privation thérapeutique de sommeil (thérapie d’  éveil), la luminothérapie et les méthodes de stimulation cérébrale (ECT, rTMS et autres). Ces méthodes thérapeutiques offrent en partie une très bonne efficacité en cas de DPA. Elles sont toutefois généralement réservées à un contexte de traitement spécialisé ou sont surtout utilisées en cas d’  évolution de la maladie réfractaire à d’  autres traitements.

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L’ auteur a publié cet article en allemand dans «der informierte arzt – die informierte ärztin» 11_2024, la traduction en français a été réalisée par les éditeurs. L’  auteur n’  assume aucune responsabilité pour les modifications dues à une traduction.

Dr Florian Riese

Université de Zurich
Directeur du groupe de recherche:
«Qualité de vie en cas de démence»
Stampfenbachstrasse 73
8006 Zürich

L’  auteur n’ a pas déclaré de conflit d’  intérêts en rapport avec cet article.

  • La dépression chez les personnes âgées est fréquente et sous-diagnostiquée.
  • Un éventuel risque de suicide doit être identifié.
  • La psychothérapie est la thérapie de premier choix.
  • Dans les cas plus graves, des antidépresseurs sont également utilisés.
  • Les ISRS (niveau de preuve A, degré de recommandation 1), notamment le (es)citalopram et la sertraline, sont appropriés p. ex.

1. Hatzinger M, Hemmeter U, Hirsbrunner T, Holsboer-Trachsler E, Leyhe T, Mall JF, et al. Empfehlungen für Diagnostik und Therapie der Depression im Alter. Praxis (Bern 1994). 2018;107(3):127-44.
2. Bundesamt für Statistik. Mittelschwere bis schwere Depressionssymptome, 2022 2024 [Available from: https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/gesundheit/gesundheitszustand/psychische.assetdetail.30505730.html.
3. Maust DT, Bloww FC, Wiechers IR, Kales HC, Marcus SC. National Trends in Antidepressant, Benzodiazepine, and Other Sedative-Hypnotic Treatment of Older Adults in Psychiatric and Primary Care. J Clin Psychiatry. 2017;78(4):e363-e71.
4. Schweizer Gesundheitsobservatorium. Psychopharmaka in der Schweiz. Obsan Bulletin 01/2022.
5. Qato DM, Ozenberger K, Olfson M. Prevalence of Prescription Medications With Depression as a Potential Adverse Effect Among Adults in the United States. JAMA. 2018;319(22):2289-98.
6. Bundesamt für Statistik. Suizid nach Alter und Geschlecht (ohne assistierten Suizid), 2019-2022 2023 [Available from: https://www.bfs.admin.ch/bfs/de/home/statistiken/gesundheit/gesundheitszustand/sterblichkeit-todesursachen/spezifische.html.
7. Conwell Y, Thompson C. Suicidal behavior in elders. Psychiatr Clin North Am. 2008;31(2):333-56.
8. Cuijpers P, van Straten A, Warmerdam L. Behavioral activation treatments of depression: a meta-analysis. Clin Psychol Rev. 2007;27(3):318-26.
9. Klil-Drori S, Klil-Drori AJ, Pira S, Rej S. Exercise Intervention for Late-Life Depression: A Meta-Analysis. J Clin Psychiatry. 2020;81(1).
10. Gutsmiedl K, Krause M, Bighelli I, Schneider-Thoma J, Leucht S. How well do elderly patients with major depressive disorder respond to antidepressants: a systematic review and single-group meta-analysis. BMC Psychiatry. 2020;20(1):102.
11. Ishtiak-Ahmed K, Musliner KL, Christensen KS, Mortensen EL, Nierenberg AA, Gasse C. Real-World Evidence on Clinical Outcomes of Commonly Used Antidepressants in Older Adults Initiating Antidepressants for Depression: A Nationwide Cohort Study in Denmark. Am J Psychiatry. 2024;181(1):47-56.
12. Balaram KvD, L. I.; Wilkins, K. M.; Maruca-Sullivan P. E. A New Solution to an Age-old Problem: A Review of Ketamine and Esketamine for Treatment-resistant Depression in Late Life. Current Geriatrics Reports. 2023;12:93-102.

Les traitements anti-amyloïdes dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer: lumières et ombres

La maladie d’Alzheimer est une maladie grave et fréquente, dont les traitements actuels n’ont qu’un effet symptomatique et n’influant pas sur son évolution. En Juillet 2023 et juillet 2024, des traitements par anticorps monoclonaux agissant sur une des protéines impliquées dans la physiopathologie de la maladie, la β-amyloïde, ont été approuvés par la FDA aux Etats-Unis et sont en cours d’évaluation en Suisse. Ces traitements ayant montré un bénéfice clinique statistiquement significatif sont associés à des effets secondaires caractérisés par des œdèmes ou des hémorragies cérébrales, appelés ARIA pour Amyloid Related Imaging Abnormalities. Une sélection rigoureuse des patients et une surveillance attentive seront donc indispensables pour que le rapport bénéfice risque soit favorable.

Alzheimer’s disease is a serious and common illness, and current treatments have only a symptomatic effect and have no influence on its progression. In July 2023 and July 2024, monoclonal antibody treatments acting on one of the proteins involved in the pathophysiology of the disease, B-amyloid, were approved by the FDA in the United States and are currently being evaluated in Switzerland. These treatments, which have shown a statistically significant clinical benefit, are associated with side effects characterised by cerebral oedema or haemorrhage, known as ARIA for Amyloid Related Imaging Abnormalities. Careful patient selection and monitoring will therefore be essential if the benefit-risk ratio is to be favourable.
Key words: Alzheimer, anti-amyloid, ARIA

Introduction

La maladie d’ Alzheimer est une maladie neurodégénérative cérébrale et représente la cause la plus fréquente de troubles neurocognitifs, se manifestant le plus souvent après les 65 ans. Elle touche actuellement 50 millions de personnes dans le monde, dont environ 25 000 en Suisse romande. En raison du vieillissement de la population, ce chiffre est voué à augmenter, avec une estimation de 152 millions de patients au niveau mondial d’ ici 2050. Outre son impact sur les patients, la maladie d’ Alzheimer impacte profondément leurs familles, les systèmes de santé et psychocociaux et le marché du travail, avec un coût mondial estimé à 1000 milliards de dollars par an (1).

Les présentations cliniques inaugurales communes de la maladie comprennent les formes amnésiques, langagières (aphasie primaire progressive logopénique) ou visuelles (atrophie corticale postérieure). Ces symptômes invalidants entraînent une perte progressive d’ autonomie à cause de troubles cognitifs progressivement globaux et une diminution de l’espérance de vie. Après sa description initiale en 1906 par Aloïs Alzheimer, il a été démontré que cette pathologie est notamment caractérisée par l’ accumulation extracellulaire progressive de protéines bêta-amyloïdes dans une conformation anormale et à l’ accumulation intracellulaire de neurofibrilles de protéines Tau phosphorylées, provoquant une dysfonction cellulaire et une mort neuronale. Cependant, les symptômes apparaissent plusieurs années après le début de ces modifications protéiques ayant une synergie et des interactions avec l’activité microgliales et vasculaires.

À l’ heure actuelle, les traitements de la maladie d’ Alzheimer visent principalement à atténuer les symptômes. Les deux principales classes de médicaments utilisées sont les anticholinestérasiques, tels que le donépézil, la galantamine et la rivastigmine, qui augmentent les niveaux d’acétylcholine dans le cerveau, et la mémantine, qui régule l’ activité du glutamate, neurotransmetteurs impliqués dans l’ apprentissage et la mémoire. Cependant, ces traitements offrent souvent des bénéfices modestes et ne modifient pas la physiopathologie de la maladie.

Compte tenu de la fréquence et de la gravité de cette maladie, la communauté scientifique tente depuis des décennies de développer des traitements capables de traiter cette pathologie ou d’ en ralentir significativement l’ évolution.

Traitements anti-amyloïdes

Suite à la découverte des plaques séniles et à la proposition de l’ hypothèse de la cascade amyloïde par Hardy et al. en 1992 (2), de nombreuses études cliniques ont été menées pour développer des traitements «disease-modifying» ciblant les protéines impliquées dans les mécanismes de la maladie. Depuis les premiers résultats prometteurs chez la souris par Schenk et al en 1999, plusieurs essais ont été réalisées chez l’ humain, qui n’ ont pas abouti en raison notamment de complications, de cibles inadaptées ou d’absence de biomarqueurs physiopathologiques. Par la suite, une meilleure sélection des cibles thérapeutiques, l’ amélioration des méthodes diagnostiques (notamment l’accès au PET-amyloïde et les dosages protéiques dans le LCR) et l’ augmentation des dosages ont permis une amélioration progressive des résultats, jusqu’ à l’ approbation du premier traitement anti-amyloïde, l’ aducanumab, en 2021 (puis retracté en 2024). Depuis, un deuxième médicament, le lecanemab, a été approuvé en 2023 et un autre traitement, le donanemab, a été approuvé en juin 2024. Ces deux derniers sont actuellement en cours d’ instruction par les autorités de régulation en Suisse. Il est essentiel d’intégrer un raisonnement bénéfices-risques afin d’ orienter les patients et de surveiller les effets indésirables. Dans cet article, nous passerons en revue les traitements en cours d’ approbation et nous discuterons des bénéfices escomptés ainsi que des risques associés.

Ces molécules sont des anticorps monoclonaux humains qui ciblent sélectivement la bêta-amyloïde, induisant une activation microgliale qui entraîne la phagocytose et la dégradation de la protéine toxique. Bien que ces molécules ciblent la même protéine, leurs mécanismes d’ action différents confèrent à l’ aducanumab une affinité plus forte avec les oligomères, au lecanemab avec les protofibrilles et au donanemab avec la plaque amyloïde.

Après une étude de phase 2 montrant des résultats prometteurs en termes d’ efficacité, l’ aducanumab a été évalué dans deux études cliniques randomisées de phase 3 (ENGAGE et EMERGE), incluant plus de 3200 patients dans 20 pays. Ces études ont montré une nette diminution dose-dépendante de la charge amyloïde et de la charge tau, ainsi qu’ un ralentissement du déclin du score CDR de 18 % sur 18 mois dans l’ étude EMERGE et de 15 % sur 18 mois dans l’ étude ENGAGE, avec des résultats significatifs uniquement pour la première de ces études (3).

Des résultats similaires ont été obtenus avec les études de phase 3 CLARITY-AD et TRAILBLAZER-ALZ 2, concernant respectivement le lecanemab et le donanemab. Le premier a mis en évidence un ralentissement de la pente du déclin cognitif de 27 % sur l’ échelle CDR-SB à 18 mois entre le groupe expérimental et le groupe placebo et le second de 36 % selon l’ échelle CDR et de 41 % dans la perte d’ autonomie aux activités instrumentales de la vie quotidienne.

Outre leur modalité d’action proche, ces traitements diffèrent dans leur modalité d’administration. Le lecanemab est administré par voie intraveineuse deux fois par mois. Le donanemab quant à lui a été administré par injection intraveineuse une fois par mois.

Ces études ont concerné des patients à des stades débutants de la maladie (MMSE > 22/30), avec un phénotype commun (amnésique) et avec une physiopathologie de maladie d’Alzheimer prouvée (amyloïde positive).

Ces résultats positifs pour les outcomes primaires ont justifié leur approbation par les autorités américaines. La significativité statistique clinique et la preuve de concept physiopathologique sont indéniables. En revanche, l’amplitude clinique de cet effet observé et le bénéfice à long terme restent une interrogation vu le design des études et leur durée limitée à 18 mois sur une population peu symptomatique. Les premiers résultats communiqués des phases d’extension et les données favorables sur les biomarqueurs de la maladie (protéine Tau) laissent penser à un effet «disease modifier» à long terme, mais c’est le suivi des cohortes de patients traités qui permettra de clarifier la vrai amplitude des effets.

Cet effet biologique a tout de même été associé à des effets indésirables cliniques et radiologiques chez plus de 30 % des patients traités, pour la majeure partie de façon asymptomatique et il est donc important de mieux les connaître.

Effets indésirables – ARIAs

Les principaux effets indésirables associés aux traitements anti-amyloïdes sont les «Amyloid Related Imaging Abnormalities», appelées ARIAs. Ces anomalies, détectées par imagerie cérébrale (IRM), sont favorisées par l’ utilisation de traitements visant à éliminer les plaques amyloïdes. On distingue deux types d’ ARIAs: les ARIA-E, caractérisées par des anomalies dues à un œdème vasogénique, et les ARIA-H qui sont des micro-hémorragies ou de l’ hémosidérose superficielle. Bien que la véritable physiopathologie des ARIAs ne soit pas connue, la dégradation de l’ intégrité des parois vasculaires en début d’immunisation (dans les 3–6 premiers mois de traitements) due à l’élimination des protéines pathologiques par les anticorps, semble en être significativement liées.

Outre le traitement et une angiopathie amyloïde prévalente, la présence d’un allèle ε4/ε4 de la protéine APOE est le 3e facteur qui augmente significativement le risque d’ARIAs. Bien que dans la majorité des cas soit asymptomatique, ces anomalies peuvent se manifester par des céphalées inhabituelles, une confusion ou des vertiges. Dans des cas plus graves, elles peuvent provoquer des signes neurologiques focaux, des troubles de la conscience, des crises épileptiques ou le décès.

Depuis leur description en 2011 lors dles essais avec le Bapineuzumab par Sperling et al., des comités d’ experts ont formulé des recommandations pour le suivi des patients traités avec des anti-amyloïdes et pour la gestion des éventuelles ARIAs (4, 5).

Quelles recommandations d’utilisation?

Des recommandations pour une utilisation appropriée sont en cours de rédaction en Suisse, à partir des critères de l’étude CLARITY et des recommandations publiées par Cummings en 2023 (6). Les traitements seront délivrés dans des établissements habilités ayant l’expertise, le plateau technique requis pour leur mise en place et la gestion des possibles effets indésirables. Les éléments les plus importants à connaitre sont les suivants:

1. Sélection des patients

Les patients éligibles seront ceux affectés par une maladie d’Alzheimer au stade débutant avec preuve biologique amyloïde. Ceux les plus à risque de complications du traitement, tels que ceux sous anticoagulants, ceux aux antécédents d’accidents ischémiques cérébraux de moins d’un an, d’une leucoaraïose sévère ou d’angiopathie amyloïde probable, nécessiteront une prise en charge adaptée tout comme ceux avec comorbidités somatiques ou psychiatriques graves (par exemple cancers ou insuffisance d’organes instable). On estime que moins de 10 % des patients avec maladie d’Alzheimer vus dans les Centres de la Mémoire auront accès au traitement (7).

2. Suivi des patients

Les patients sous traitement doivent bénéficier d’un suivi radiologique régulier par IRM et d’une imagerie immédiate en cas de symptômes évocateurs d’une ARIA. En cas d’apparition d’ARIA léger et asymptomatique, le traitement pourra être poursuivi sous surveillance rapprochée. Pour les autres cas, le traitement devra être suspendu, avec un suivi radiologique régulier jusqu’ à résolution des anomalies et des symptômes. En cas de symptômes sévères, de récidive ou d’ARIAs graves, le traitement sera interrompu définitivement, selon les recommandations du groupe de travail ADRD Therapeutics (6).

3. Prise en charge des ARIAs symptomatiques

Une consultation neurologique est recommandée pour les ARIAs, ainsi qu’ une hospitalisation si nécessaire. En fonction des symptômes, un traitement par corticoïdes ou anticonvulsivants pourra être envisagé (6).

Conclusion

Les traitements anti-amyloïdes représentent les premiers traitements modificateurs de la maladie approuvés pour la prise en charge de la maladie d’ Alzheimer au stade débutant, offrant un espoir renouvelé face à cette pathologie fréquente et grave, qui touche des millions de familles à travers le monde. Toutefois, malgré cet espoir, les bénéfices observés jusqu’ à présent demeurent relativement modestes sur les premières études et les effets secondaires peuvent être sévères. Une sélection rigoureuse des patients offrant un profil de réponse favorable avec un risque d’effets secondaires limités et un suivi attentif par des centres spécialisés sont donc indispensables pour garantir une prise en charge optimale.

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Henri Perrin

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

DrOlivier Rouaud

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Pr Gilles Allali MD, PhD

Centre Leenaards de la mémoire
Département des neurosciences cliniques,
CHUV et UNIL
Chemin de Mont-Paisible 16
1011 Lausanne

Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.

1. Breijyeh Z, Karaman R. Comprehensive Review on Alzheimer’ s Disease: Causes and Treatment. Molecules. 2020 Dec 8;25(24):5789. doi: 10.3390/molecules25245789. PMID: 33302541; PMCID: PMC7764106.
2. Hardy JA, Higgins GA. Alzheimer’ s disease: the amyloid cascade hypothesis. Science. 1992 Apr 10;256(5054):184-5. doi: 10.1126/science.1566067. PMID: 1566067.
3. Budd Haeberlein S, Aisen PS, Barkhof F, Chalkias S, Chen T, Cohen S, Dent G, Hansson O, Harrison K, von Hehn C, Iwatsubo T, Mallinckrodt C, Mummery CJ, Muralidharan KK, Nestorov I, Nisenbaum L, Rajagovindan R, Skordos L, Tian Y, van Dyck CH, Vellas B, Wu S, Zhu Y, Sandrock A. Two Randomized Phase 3 Studies of Aducanumab in Early Alzheimer’ s Disease. J Prev Alzheimers Dis. 2022;9(2):197-210. doi: 10.14283/jpad.2022.30. PMID: 35542991.
4. Cummings J, Aisen P, Apostolova LG, Atri A, Salloway S, Weiner M. Aducanumab: Appropriate Use Recommendations. J Prev Alzheimers Dis. 2021;8(4):398-410. doi: 10.14283/jpad.2021.41. PMID: 34585212; PMCID: PMC8835345.
5. Cummings J, Rabinovici GD, Atri A, Aisen P, Apostolova LG, Hendrix S, Sabbagh M, Selkoe D, Weiner M, Salloway S. Aducanumab: Appropriate Use Recommendations Update. J Prev Alzheimers Dis. 2022;9(2):221-230. doi: 10.14283/jpad.2022.34. PMID: 35542993; PMCID: PMC9169517.
6. Cummings J, wstolova L, Rabinovici GD, Atri A, Aisen P, Greenberg S, Hendrix S, Selkoe D, Weiner M, Petersen RC, Salloway S. Lecanemab: Appropriate Use Recommendations. J Prev Alzheimers Dis. 2023;10(3):362-377. doi: 10.14283/jpad.2023.30. PMID: 37357276; PMCID: PMC10313141.
7. Chiabotti PS, Rouaud O, Allali G. Reader Response: Eligibility for Anti-Amyloid Treatment in a Population-Based Study of Cognitive Aging. Neurology. 2024 May 14;102(9):e209375. doi: 10.1212/WNL.0000000000209375. Epub 2024 Apr 22. PMID: 38648577.

Thérapie ­intraveineuse de fer dans l’ insuffisance cardiaque

Dans cet aperçu, nous souhaitons, après une introduction au sujet, présenter une définition-précision de la carence en fer dans l’ insuffisance cardiaque (IC) et la question «mieux vaut ne pas substituer le fer sous un inhibiteur du SGLT2?» à l’ aide de la littérature récente. Ce sujet est important lors de la prise en charge des patients atteints d’ IC en consultation de médecine générale et de cardiologie.

In this review, after an introduction to the topic, we would like to provide a definition-precision of iron deficiency in heart failure (HF) and the question “is it better not to substitute iron deficiency with an SGLT2 inhibitor?” on the basis of recent literature. This topic is important in the care of HF patients during GP and cardiology consultations.
Key words: Heart failure, iron deficiency, ferritin, transferrin saturation, intravenous iron, SGLT2-Inhibitor and iron

Introduction

La carence en fer est la maladie carentielle la plus fréquente chez l’ homme et la cause la plus fréquente d’  anémie dans le monde. Selon la définition, 20 à 68 % des patients souffrant d’ insuffisance cardiaque chronique (ICC) présentent une carence en fer, souvent sans anémie associée. Le fer est essentiel pour la fonction de: l’ hémoglobine, la myoglobine, les mitochondries, le système immunitaire, les enzymes et les hormones. Une carence en fer aggrave les symptômes de l’ IC, augmente le taux d’ hospitalisation pour IC, détériore la fonction rénale et entraîne une mortalité plus élevée, avec ou sans anémie concomitante. Cette dernière apparaît avec un retard de 6–8 semaines dans 30–50 % des cas.

En plus d’ un hémogramme différentiel à la machine avec Hb, Hct, y compris les indices Ec (MCV, MCH, MCHC), les réticulocytes (RDW = largeur de distribution Ec ), la ferritine sérique et la saturation de la transferrine (TSAT), une CRP et éventuellement un récepteur de la transferrine (sTfR) font partie de l’ examen d’ une éventuelle anémie ferriprive.

Cette anémie hyporégénérative est d’ abord normochrome, normocytaire, puis hypochrome, microcytaire en cas d’ érythropoïèse déficiente. Les réticulocytes sont bas, le MCV et le MCH sont réduits. En outre, on trouve comme expression d’ une érythropoïèse inefficace une anisocytose (RDW↑), une poïkilocytose et des anulocytes, éventuellement pas de fer dans la moelle osseuse. La ferritine sérique est abaissée en cas d’ anémie ferriprive – cf. carence en fer fonctionnelle et absolue.

Pour le diagnostic différentiel d’ une anémie hyporégénérative, d’ autres paramètres de laboratoire sont nécessaires comme: Créatinine, e-GFR, valeurs hépatiques, vit. B12 avec holo-transcobalamine et acide folique (↑MCV, ↑MCH). Si les vitamines sont normales ou élevées, un bilan hématologique s’ impose (syndrome myélodysplasique, atteinte hépatique sévère). Si les indices Ec, la ferritine, la vit. B12 et l’ acide folique sont normaux, le Diagnostic différentiel est important: anémie rénale en cas d’ IRC, anémie en cas de maladie chronique (ACD). (ACD), maladies de la moelle osseuse, leucémie, myélome multiple, lymphome, anémie tumorale, troubles endocriniens, maladies du foie.

Le tab. 1 présente les différents paramètres de laboratoire qui doivent être examinés en premier lieu en cas de troubles du métabolisme du fer. Pour cela, la prise de sang doit être effectuée le matin à jeun, car l’ absorption de nourriture peut augmenter à court terme la saturation de la transferrine (TSAT). Il ne faut pas non plus déterminer ces paramètres pendant une maladie aiguë, car la TSAT pourrait être faussement basse.

Les femmes enceintes, les sportifs de haut niveau et les personnes âgées présentent souvent une carence en fer. Sur le plan anamnestique, les éventuelles hémorragies jouent le rôle le plus important. D’ autres possibilités sont l’ alimentation, certains médicaments, l’ alcoolisme, les infections et différentes maladies chroniques. Cliniquement, une carence en fer entraîne des symptômes multiples tels que fatigue, lassitude, dyspnée, sensibilité aux infections, vertiges, maux de tête, troubles du sommeil, dépression. Une carence en fer a un pronostic défavorable, ceci indépendamment d’ une anémie, et entraîne une mauvaise qualité de vie.
En cas d’ anémie hyperrégénérative avec des réticulocytes élevés (RDW↑), il faut en premier lieu exclure une hémolyse (LDH, bilirubine, indirecte, haptoglobine, CRP) et une anémie hémorragique aiguë. On les retrouve également dans une phase de récupération thérapeutique. L’ anamnèse est ici aussi particulièrement importante.

On distingue une carence en fer fonctionnelle d’ une carence en fer absolue:

Carence fonctionnelle en fer: on la trouve chez les patients souffrant d’ infections, d’ inflammations chroniques, d’ IRC, de maladies du foie, de tumeurs avancées, d’ excès d’ alcool – Anémie en cas de maladies chroniques (ACD). Celle-ci est hypochrome chez une partie des patients, souvent normochrome, normocytaire sans anisocytose (MCV+MCH normal, RDW normal). La cause est multifactorielle et entraîne une diminution de la production d’ érythrocytes, c’ est-à-dire que le nombre de réticulocytes est faible. Les cytokines (interleukine 1, TNF-α, γ-interféron) sont libérées en plus grande quantité dans le cadre de maladies chroniques et entraînent une sensibilité réduite des cellules précurseurs de l’ érythropoïèse à l’ érythropoïétine. Étant donné qu’ il existe une inflammation systémique en cas d’ insuffisance cardiaque (IC), l’ hépcidine est produite en plus grande quantité dans le foie, principalement par l’ interleukine-6. Cela provoque un trouble de l’ absorption du fer dans le duodénum et le jéjunum supérieur par un blocage de la libération des entérocytes et des macrophages réticulo-endothéliaux – «bloc d’ hepcidine» – par exemple du foie et de la rate. Si l’ inflammation peut être atténuée, l’ hepcidine et la ferritine sont à nouveau réduites dans le sérum. Cela entraîne une augmentation du Fe2+ cytosolique bioréactif et une amélioration de la carence fonctionnelle en fer. Il n’ y a pas de résistance à l’ érythropoïétine et une substitution en fer n’ est pas nécessaire. Ce trouble de la répartition du fer provoque une carence en fer au niveau de la cellule précurseur érythropoïétique, malgré un dépôt de fer suffisant.
Ferritine sérique: elle correspond à l’ état de remplissage des réserves de fer de l’ organisme et constitue un bon paramètre en cas d’ anémie ferriprive. La ferritine est une protéine de la phase aiguë et peut être détectée en cas d’ infection ou de maladie aiguë ou chronique. (hsCRP↑), l’ IRC, l’ IC, les maladies du foie, les excès d’ alcool, le cancer, bien que les réserves en fer soient réduites ou vides. En cas de carence en fer avérée: ferritine sérique < 12 µg/l; en cas de surcharge en fer: ferritine sérique > 220 µg/l. Si la CRP est normale alors que le MCV est diminué et la ferritine normale ou élevée, si le RDW est normal, on peut suspecter une thalassémie. En cas de CRP élevée et de sTfR normal, il s’ agit d’ une ACD, si le sTfr est élevé, il y a une carence en fer supplémentaire – voir tab. 1.

Fer sérique: Le fer sérique est la quantité de fer circulant liée à la transferrine. Le taux de fer sérique est très variable et est influencé par l’ alimentation, les inflammations, les infections et les maladies malignes. Un faible taux de fer sérique isolé n’ est pas très significatif pour le diagnostic d’ une carence en fer. Mesurer le fer sérique seul n’ a que peu d’ intérêt, car ce taux est soumis à des variations horaires et à un rythme circadien. Les valeurs matinales sont, en période de pointe, plus de deux fois supérieures aux valeurs mesurées douze heures plus tard, de sorte qu’ elles ne peuvent pas être utilisées pour représenter la teneur en fer de l’ organisme.

Transferrine: c’ est la principale protéine de transport du fer dans le sérum, qui contrôle le taux de fer libre. Elle transporte par exemple le fer de la cellule intestinale via le sang vers la moelle osseuse pour l’ érythropoïèse. Elle augmente en cas d’ anémie ferriprive afin de maximiser l’ utilisation du fer disponible et de réduire la surcharge en fer. C’ est une protéine de phase anti-aiguë et elle peut être abaissée ou pseudonormale en cas d’ inflammation malgré une carence en fer.

Saturation de la transferrine (TSAT): c’ est la proportion des sites de fixation du fer de la transferrine qui sont occupés par du fer. Le taux de TSAT est le plus significatif lorsque le sang est prélevé le matin à jeun pour l’ analyse en laboratoire. Un TSAT trop bas signifie que le corps ne dispose pas de suffisamment de fer. Cela peut être le cas en cas de taux d’ inflammation élevés, même si les réserves de fer sont bien remplies. La TSAT est une bonne valeur de laboratoire pour déterminer s’ il y a une carence en fer. Un taux élevé de TSAT (> 50 %) est un test sensible et spécifique pour une surcharge en fer (p. ex. hémochromatose, transfusions, administration de fer, hémolyse, etc.); tandis que des valeurs faibles sont très sensibles mais peu spécifiques pour une carence en fer. La grossesse, les contraceptifs oraux combinés et certaines maladies chroniques font baisser le taux de TSAT sans qu’ il y ait de carence en fer. La TSAT est calculée à partir du fer sérique et de la transferrine sérique. C’ est pourquoi un taux de saturation de la transferrine normal (15–45 %) n’ exclut pas toujours une carence en fer.

Récepteur de la transferrine (sTfR): le sTfR soluble est un marqueur moderne du stock de fer intracellulaire. Une augmentation donne l’ indication d’ une carence en fer manifeste ou latente avec une érythropoïèse déficiente en fer. Il s’ agit d’ un marqueur fiable de l’ approvisionnement en fer en cas d’ inflammation chronique, car sa concentration est indépendante des réactions en phase aiguë. En présence d’ une anémie d’ une maladie chronique (ACD) sans carence en fer supplémentaire, le sTfR a une valeur normale. Une diminution du sTfR peut être associée à une érythropoïèse hypoproliférative (par ex. anémie rénale, anémie aplasique). L’ augmentation du sTfR peut être évaluée de manière limitée en cas d’ érythropoïèse hyper-régénérative (réticulocytes) comme une hémolyse, une anémie par hémorragie, une thalassémie hétérozygote ou une polycythémie vraie ou en phase de récupération. Cf. tab. 1.

En cas de suspicion d’ un trouble de la répartition du fer, il est éventuellement nécessaire de procéder à un diagnostic plus approfondi (RDW, Ret-He, Eisenplot selon Thomas, indice de ferritine). En cas d’ inflammation aiguë, un contrôle des paramètres devrait être effectué au cours de quelques semaines, car les valeurs se normalisent généralement après la disparition des symptômes aigus.

Une carence en fer fonctionnelle réagit à une substitution de fer (Fe3+) par voie intraveineuse, mais pas à une substitution orale.

Carence absolue en fer: onla trouve notamment en cas d’ hémorragie digestive occulte sous antiplaquettaires ou anticoagulants; de prise prolongée d’ un inhibiteur de protons/antiacides – l’ absorption du fer est perturbée par l’ augmentation du pH; de consommation chronique élevée de thé noir ou de café – les polyphénols inhibent l’ absorption dans le duodénum; d’ antagonistes du calcium – bloquent les canaux de transport dans les membranes des entérocytes; de carence en fer dans l’ alimentation (pas de viande, beaucoup de soja, etc.); de carence en fer dans les aliments. ) et les néoplasies gastro-intestinales avec suintement (1, 2). L’ hepcidine est régulée à la baisse et le récepteur de la transferrine 1 (protéine de transport transmembranaire de la transferrine) est régulé à la hausse afin de faciliter l’ absorption du fer dans une cellule; parallèlement, la ferritine est dégradée, ce qui libère le fer séquestré des réserves intracellulaires. Une hépcidine et une ferritine basses et des niveaux élevés de transferrine et de récepteur de transferrine 1 (TfR1) avec une faible saturation de transferrine (TSAT) dans le sang circulant sont considérés comme des paramètres fiables pour une carence en fer – voir tab. 1.

En cas de carence absolue en fer, une amélioration peut être obtenue par une substitution orale de Fe2+ ou par une substitution intraveineuse de Fe3+, cette dernière étant nettement plus rapidement efficace. Le taux d’ absorption des sels Fe2+ oraux n’ est que de 10 %. Par voie orale, il est recommandé de prendre ≥ 60 mg/die une fois par jour et tous les 2 jours à jeun, ceci en raison d’ une augmentation/diminution à court terme de l’ hepcidine. La prise simultanée de vitamine C (jus d’ orange) favorise la résorption, celle d’ un comprimé de calcium la retarde. Il ne faut pas non plus prendre en même temps du café, du thé, du lait, des anti-acides, des oxalates et des phosphates. Après 14 jours, l’ effet peut être contrôlé par l’ augmentation des réticulocytes et de l’ hémoglobine. Objectif ferritine > 100µg/l.

Guidelines actuels, études

Selon les directives actuelles de l’ ESC IC 2021/2023, il y a carence en fer en cas d’ IC si la ferritine est < 100 ug/l ou si la ferritine est comprise entre 100 et 299 ug/l et si la saturation de la transferrine est < 20 %. En cas d’ infection avec une CRP élevée, la ferritine est augmentée en tant que protéine de phase aiguë, comme expliqué, et les conclusions concernant la ferritine sont donc limitées. Selon les lignes directrices, les patients atteints d’ IC devraient faire l’ objet d’ un contrôle régulier (tous les 2–3 mois) pour détecter une éventuelle carence en fer et une anémie (IC). En cas d’ IC, ce dépistage devrait également être effectué avant toute intervention non cardiaque – voir tab. 1.

Le diagnostic et le traitement d’ une carence en fer en cas d’ IC sont malheureusement encore rares dans la vie quotidienne. Selon une étude rétrospective réalisée en 2019, sur 10 381 hospitalisations pour IC (HFrEF, HFpEF), seuls 158 patients ont fait l’ objet d’ une évaluation de leur carence en fer: parmi eux, 109x carence en fer selon les directives et finalement 23 patients ont été traités par voie intraveineuse (3). Dans le registre IC suédois, en 2021, sur 21 496 patients, cet examen n’ a été réalisé que chez ¼ des patients, parmi lesquels environ 50 % présentaient une carence en fer; seul 1 sur 5 a reçu une substitution (4).

Depuis 2009, cinq études différentes au total et deux méta-analyses ont été publiées sur le traitement par fer en cas d’ IC. Les études en double aveugle contrôlées par placebo publiées ces dernières années: CONFIRM-HF (5), AFFIRM-AHF (6) et deux méta-analyses en 2018 et 2023 (7, 8) ont révélé que le traitement par voie iv. Le traitement par carboxymaltose ferrique a permis d’ améliorer les résultats chez les patients IC (HFrEF, HFmrEF) souffrant de carence en fer. Dans la grande étude AFFIRM-AHF (RCT) menée après un épisode aigu d’ IC, un tel traitement a permis de réduire le taux d’ hospitalisation pour IC et le décès par cv de 21 % sur 52 semaines, NNT de 7. Si l’ on considère les critères d’ évaluation séparément, il est évident que l’ administration de fer a eu un effet uniquement sur le taux d’ hospitalisation lié à l’ IC, le risque d’ hospitalisation étant significativement plus faible de 26 % sous traitement (RR: 0,74; p=0,013). L’ administration de fer n’ a eu aucune influence sur la mortalité cardiovasculaire par rapport au placebo (6).

La thérapie iv. Selon les 2023 Focused Update ESC IC-Guidelines, le traitement par fer a désormais une indication IA en cas d’ IC symptomatique (FEVG ≤ 50 %) avec carence en fer pour améliorer les symptômes et augmenter la qualité de vie. Un traitement iv.-fer-carboxymaltose (FCM)/fer-derisomaltose (FDI) chez les patients symptomatiques avec une FEVG ≤ 50 % et une carence en fer devrait être envisagé pour réduire l’ hospitalisation pour IC (IIa A) (9). Les données de l’ étude AFFIRM-AHF 2020 ont été déterminantes pour cette nouveauté (6).

Cave: flush en cas de traitement iv. trop rapide. administration de fer, réaction d’ hypersensibilité aiguë de type immédiat (réaction ana-phylactique), prise en charge et suivi (au moins 30 min) du patient; évaluation du rapport risque/bénéfice.

Une substitution orale de fer n’ est pas efficace en cas d’ IC avec une FE VG ≤ 50 % en raison des mécanismes mentionnés et de la carence fonctionnelle en fer selon la très petite étude IRON-HF concernant l’ amélioration des performances. L’ apport de fer par voie intraveineuse est supérieur à l’ amélioration de la capacité fonctionnelle (VO2max). Cependant, la correction de l’ anémie semble être similaire entre l’ administration de fer sous forme de comprimés et l’ administration de fer par voie iv. fer est similaire (10). Dans l’ étude IRONOUT-HF – le seul grand essai contrôlé randomisé chez des patients atteints de HFrEF et de carence en fer – le polysaccharide de fer oral n’ a pas amélioré les performances physiques et, dans cette publication, la majorité des patients n’ a pas atteint la déplétion en fer pendant 16 semaines (11). En cas de carence fonctionnelle en fer, le fer absorbé par voie orale est absorbé très lentement, car il est intercepté par le «bloc d’ hepcidine» avant d’ atteindre les organes cibles.

Autres études actuelles avec utilisation d’ inhibiteurs du SGLT2

Dans une publication de M. Packer dans Circulation mai 2024, la définition actuelle d’ une carence en fer dans les guidelines est maintenant remise en question par des experts internationaux avec la participation de la Charité à Berlin. Les auteurs demandent «d’ abandonner la définition actuelle de la carence en fer chez les patients IC, basée sur la concentration de ferritine, et de la remplacer par une définition basée sur l’ hypofermie (TSAT < 20 %)». La raison en est la carence fonctionnelle en fer mentionnée, due à l’ inflammation systémique et à l’ augmentation de la pression veineuse centrale en cas d’ IC, qui augmentent l’ hepcidine dans le foie et inhibent ainsi la libération de fer. Comme mentionné, la ferritine est synthétisée et libérée en plus grande quantité lors d’ une inflammation; la synthèse des récepteurs de transferrine est inhibée. Ainsi, selon les auteurs, on observe souvent des valeurs de ferritine qui se situent alors dans la norme, entre 20–100–300 ug/l. Ainsi, sans la prise en compte de la TSAT selon la définition actuelle des ESC-IC-Guidelines, aucun traitement à base de fer ne serait alors prescrit à tort. «Les patients hypoferrémiques avec un TSAT < 20 % présentent généralement aussi une carence en fer lors d’ un examen de la moelle osseuse; après une thérapie intraveineuse à base de fer, leur capacité fonctionnelle s’ améliore et le risque d’ événement cv diminue considérablement» (12). Avec un TSAT > 20 % et une ferritine sérique de 20–100 mg/l, le pronostic est bon sans traitement ferrique. Un tel traitement serait alors défavorable – effet pro-inflammatoire, promotion de la croissance Tu.

Dans un autre travail de M. Packer publié dans le JACC de janvier 2023, l’ interaction de l’ administration iv. entre l’ administration de fer (Fe3+) et l’ administration simultanée d’ un inhibiteur du SGLT2 est remise en question de manière critique (13). Deux hypothèses sont discutées dans l’ article: «l’ hypothèse de la carence en fer cytosolique» et «l’ hypothèse de la recharge en fer cytosolique». Dans cette dernière, les SGLT2-I. provoquent, par la voie de signalisation de la sirtuine 1 et par une réduction de l’ inflammation, une baisse de la ferritine, de l’ hepcidine dans les hépatocytes et les macrophages et une augmentation de l’ érythropoïétine et des récepteurs de la transferrine, indépendamment de l’ érythropoïèse. L’ auteur part du principe que les modifications des biomarqueurs du fer sous SGLT2-I. n’ indiquent pas une carence en fer intracellulaire. Selon son raisonnement, le fer 2+ est élevé dans le cytosol, associé à une utilisation accrue, à une érythropoïèse préservée et à une cardioprotection préservée.

En cas d’ IC, le système sympathique rénal, l’ angiotensine II, la néprilysine et les récepteurs α sont également activés. Cela conduit à l’ expression de NHE3 – NHE3 est un antiporteur 3 Na+/H+, il s’ agit d’ une protéine de transport membranaire présente dans l’ intestin et dans le tubule proximal du rein et qui régule le pH dans les cellules par le transport de protons – cf. fig. 1.

Le SGLT2 est une autre expression de l’ IC. Celle-ci entraîne une rétention de sodium et d’ eau avec une augmentation du volume de l’ interstitium et du plasma. Ceci aggrave à son tour l’ IC. Selon M. Packer, les SGLT2-I. bloquent le système sympathique rénal et l’ expression de NHE3 et de SGLT2 (14).

Les inhibiteurs de SGLT2 réduisent l’ inflammation et la fibrose, diminuent le stress oxydatif; ils sont organoprotecteurs ! Outre l’ érythropoïétine, ils augmentent l’ érythrocytose (Hkt) avec une augmentation de la libération d’ O2, la gluconéogenèse et l’ oxydation des acides gras. Ces mécanismes entraînent une augmentation de la production d’ ATP dans les mitochondries des cardiocytes et des cellules rénales via l’ augmentation de l’ oxygène et la synthèse de corps cétoniques. Diurèse osmotique connue (potentialisation des diurétiques de l’ anse) avec diminution du volume plasmatique et effet cardioprotecteur direct mentionné avec amélioration de la dyspnée; diminution de l’ acide urique (14) – cf. Fig. 2.

D’ après les données cliniques de la DAPA-HF, cette «hypothèse de remplissage cytosolique en fer» est favorisée. «Le traitement par fer intraveineux pourrait donc être inutile et théoriquement nocif (inflammation/ferroptose) chez les patients IC qui semblent être déficients en fer sous SGLT2-I.». Selon l’ auteur, des études supplémentaires sur cette thérapie combinée sont donc nécessaires avant qu’ elle ne soit largement recommandée (14, 15). Ainsi, dans l’ étude IRONMAN, seuls 3 % des patients présentaient un SGLT2-I; dans la grande étude HEART-FID, dont le critère d’ évaluation primaire était négatif, 7.7 % des patients présentaient un SGLT2-I. Jusqu’ à présent, les données n’ indiquent pas qu’ une carence en fer sous-jacente compromette les bénéfices importants de cette classe de médicaments.
La carence en fer était fréquente chez les DAPA-HF dans une analyse post-hoc (43.7 %) et était associée à de moins bons résultats. La dapagliflozine semblait augmenter la consommation de fer, mais améliorait les résultats, indépendamment du statut du fer au début de l’ étude. La TSAT, la ferritine et l’ hepcidine ont été réduites et la capacité totale de fixation du fer et le récepteur soluble de la transferrine ont été augmentés avec la dapagliflozine par rapport au placebo. L’ effet de la dapagliflozine sur le critère d’ évaluation principal était cohérent chez les patients présentant une carence en fer par rapport aux patients ayant suffisamment de fer (hazard ratio, 0.74). Des résultats similaires ont été observés pour les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour IC et la mortalité totale (15). «La constatation d’ un bénéfice cohérent de la dapagliflozine signifie qu’ une carence en fer absolue préexistante ne devrait pas être considérée comme un obstacle à l’ initiation du traitement par la dapagliflozine ou que le développement d’ une carence en fer absolue pendant le traitement ne devrait pas être considéré comme une raison d’ arrêter le traitement. Ces observations d’ études augmentent le potentiel d’ une synergie thérapeutique entre la recharge en fer et l’ inhibition du SGLT2 chez les patients atteints d’ HFrEF, non seulement pour éviter la carence en fer, mais peut-être aussi pour traiter l’ anémie» (12).

Chez un large éventail de 1137 patients âgés (médiane 73 ans) atteints d’ IC dans l’ étude IRONMAN (16) avec une FEVG ≤ 45 %, une carence en fer (TSAT < 20 %, ferritine sérique < 100ug/l) et une Hb inférieure à la norme de 13g/dl chez les femmes ou de 14g/dl chez les hommes, l’ administration iv. répétée de fer3+–dérisomaltose (FDI) a été associée à une réduction du risque d’ hospitalisation pour IC et à une amélioration des performances pendant 2.7 ans, sans réduction significative du taux de décès cv ou du taux de décès total. Le rapport de risque de décès cardiovasculaire (0.86; IC 95 %, 0.67 à 1.1) était similaire à celui de l’ étude HEART-FID, la plus grande étude sur l’ IDR par voie iv. à ce jour, qui s’ est révélée négative. Chez 3065 patients ambulatoires souffrant d’ IC avec une fraction d’ éjection réduite de ≤ 40 % et une carence en fer (selon les directives) et une hospitalisation pour IC au cours des 12 derniers mois ou un NT-pro-BNP élevé, ce dernier n’ a pas montré de différence apparente entre le fer-carboxymaltose et le placebo en ce qui concerne le critère d’ évaluation primaire: décès, hospitalisation pour IC ou modification du test de marche de 6 minutes. Le TSAT moyen était de 23,9 % (17).
Une méta-analyse récente de: HEART-FID, CONFIRM et AFFIRM-AHF a certes révélé une réduction du risque de 14 % (HR 0,86) en ce qui concerne le décès et l’ hospitalisation cv, mais cela a été entraîné par les hospitalisations, sans effet apparent sur la mortalité. Dans une sous-analyse, un TSAT < 15 % a montré un bénéfice clairement prévisible d’ une substitution en fer par FCM. La réduction du risque de décès ou d’ hospitalisation par cv était ici de 28 %. Effets potentiellement défavorables chez les patients dont le TSAT était ≥ 24 % (18).
Dans une revue intéressante, datant de 2023, sur le traitement de la carence en fer en cas d’ IC avec FE réduite, il est également mentionné que les données d’ études actuelles (FAIR-HF-HpEF, PREVER-HF) pour un traitement de substitution en fer en cas d’ HFpEF font encore défaut (19).

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Dr Urs Dürst

Zelglistrasse 17
8127 Forch

L’ auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article

  • En cas d’ insuffisance cardiaque symptomatique avec une FE ≤ 50%, une carence en fer doit être régulièrement recherchée et éventuellement traitée par une administration de fer par voie intraveineuse; celle-ci est de mauvais pronostic, ceci indépendamment d’ une anémie, et entraîne une mauvaise qualité de vie.
  • Il en résulte une amélioration des symptômes, des performances et de la qualité de vie, avec une réduction du risque d’ hospitalisation pour IC. L’ amélioration de la qualité de vie est un objectif thérapeutique important.
  • Un paramètre relativement sûr pour une carence en fer en cas d’ IC est la saturation de la transferrine (TSAT) avec une valeur < 20 %. La ferritine sérique peut être pseudo-normale ou élevée en raison de la carence en fer fonctionnelle. Le MCV, la ferritine et la CRP sont nécessaires pour le Diagnostic différentiel primaire. Un TSAT normal seul n’ exclut pas une carence en fer. La sTfR peut faire la différence entre une carence en fer et une ACD – cf. tab. 1.
  • Dans le contexte susmentionné, les données cliniques actuelles montrent également un effet favorable des inhibiteurs organoprotecteurs du SGLT2. D’ autres études sur ce sujet sont nécessaires; de même que des études encore en suspens en cas d’ HFpEF avec carence en fer.
  • Les SGLT2-I. modifient les biomarqueurs du fer d’ une manière qui imite une carence en fer. Ces changements reflètent une atténuation des modifications de l’ homéostasie du fer liées à l’ inflammation, et non une réduction du fer cytosolique. Les SGLT2-I. atténuent la carence en fer et ont, entre autres, la capacité de favoriser l’ érythrocytose et la production d’ ATP dans les cardiomyocytes et les cellules rénales. Ils sont organoprotecteurs.

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Asthme sévère: que nous apprend le registre suisse de l’asthme sévère?

L’ asthme fait partie des maladies respiratoires chroniques dont la prévalence est la plus élevée au monde. On estime que la Suisse compte jusqu’ à 7 % d’ asthmatiques, dont 5 à 10 % souffrent d’ une forme sévère de la maladie. Comment les personnes concernées sont-elles traitées en Suisse et quelles sont leurs caractéristiques? Le registre suisse de l’ asthme sévère tente de combler cette lacune. Les premières conclusions tirées de ces données mettent en évidence les caractéristiques des asthmatiques sévères et les prédicteurs du contrôle de l’ asthme. Le traitement de l’ asthme dépend du degré de sévérité et se fait selon un schéma progressif. Les conséquences de l’ asthme sévère sont multiples et concernent non seulement le patient, mais aussi l’ entourage et le système de santé.

Asthma is one of the most common chronic respiratory diseases worldwide. In Switzerland, it is estimated that up to 7% of the population have asthma, of which 5 to 10 % if all asthmatics suffer from severe asthma. How asthmatics are treated in Switzerland or what their characteristics are has been largely unexplored, but the Swiss Severe Asthma Registry will attempt to fill this gap of knowledge. The first findings from these data show the characteristics of severe asthmatics and predictors of asthma control. Treatment of asthma is based on severity and follows a graded regimen. The impact of severe asthma is multifaceted and affects not only the patient but also the environment and the health care system.
Key Words: Severe asthma, asthma in Switzerland, difficult-to-treat asthma, asthma register

Contexte

L’ asthme est l’ une des maladies respiratoires chroniques les plus fréquentes au monde, maladies respiratoires, qui touchent plus de 300 millions de patients et patientes (1, 2). Les processus inflammatoires des voies respiratoires entraînent les symptômes respiratoires les plus divers, dont la fréquence, l’ intensité ou la combinaison de leur apparition peuvent varier fortement. Parmi ces symptômes, on trouve notamment la toux, une respiration sifflante, une sensation d’ oppression dans la poitrine ou la réduction de la capacité à l’ effort physique (1). La prévalence de l’ asthme en Suisse est de 4 à 7% de la population (3). On estime qu’ entre 5 et 10 % des asthmatiques sont atteints d’ asthme sévère, mais les chiffres exacts de la prévalence ne sont pas disponibles (4-9). Bien que les patients et patientes souffrant d’ asthme sévère ne représentent qu’ une petite partie de l’ ensemble de la population asthmatique, mais ce groupe représente environ 50 % des coûts médicaux liés à l’ asthme (10-12). Le tableau clinique de l’ asthme sévère est extrêmement complexe et comprend de nombreux domaines différents, du diagnostic au traitement en passant par le traitement jusqu’ au vécu personnel des personnes concernées. et les aspects économiques d’ une maladie chronique.

Définition de l’ asthme sévère

En 2014, une nouvelle ligne directrice commune de l’ European Respiratory Society et de l’ American Thoracic Society (ERS/ATS) sur la définition et le traitement de l’ asthme sévère a été publiée (11). L’ asthme est considéré comme sévère si A) il nécessite un traitement selon le GINA (Global Initiative for Asthma) (figure 2) de niveau 4 ou 5. ou B) malgré un traitement au niveau 4 ou 5 du GINA, un contrôle insuffisant de l’ asthme est atteint (Tab. 1).

Les critères pour définir l’ asthme comme non contrôlé sont également définis dans le tableau 1. Mais le diagnostic d’ asthme sévère ne peut être posé qu’ après avoir vérifié que le patient ne souffre pas de ce qu’ on appelle un asthme «difficile à traiter» (difficult to treat) (Fig. 1) (13). Dans un premier temps, il convient de s’ assurer qu’ il s’ agit bien d’ un asthme. Les symptômes présents sont bien de l’ asthme et qu’ il n’ est pas déclenché par d’ autres maladies (p. ex. BPCO, reflux gastro-œsophagien, rhinosinusite, apnée obstructive du sommeil, etc.). Dans le cadre du diagnostic, il est essentiel de rechercher également des facteurs, qui ont une influence négative sur les symptômes (p.ex. technique d’ inhalation, adhésion au traitement, médicaments pris, etc.). La troisième étape consiste à optimiser la gestion du traitement (optimisation de la thérapie, interventions non-pharmacologiques, interventions et traitement des facteurs modifiables). Si la situation de l’ asthme, même après trois à six mois et malgré l’ optimisation du traitement et le contrôle des facteurs influents, reste incontrôlable, on peut supposer que la situation présente est un asthme sévère et incontrôlé (13).

Données épidémiologiques

L’ asthme sévère est une maladie complexe et hétérogène, et malgré des définitions et des recommandations de traitement précises peu est connu de la prévalence, de l’  évolution clinique, du traitement utilisé ou des comorbidités (1, 11, 14, 15).

En Suisse également, les données sur les patients qui souffrent d’ asthme sévère sont rares et la prévalence ne peut être qu’ estimée. En 2017, 4,8 % de la population suisse âgée de 15 ans a déclaré souffrir d’ asthme, les femmes (5,3 %) étant plus souvent touchées que les hommes (4,2 %) (16). La prévalence de l’ asthme sévère en Suisse est estimée à environ 5 % de la population asthmatique (7, 8, 17). Cependant, il pourrait toujours y avoir encore un nombre considérable de patients chez qui un asthme sévère a été diagnostiqué à tort, alors qu’ il s’ agit d’ un asthme «difficile à traiter», en cas de technique d’ inhalation insuffisante, de troubles non traités, de maladies concomitantes ou manque d’ adhérence au traitement (18-22).

La littérature décrit des facteurs de risque qui favorisent le développement d’ un asthme sévère ou l’ aggravation des symptômes existants. Parmi ceux-ci, on trouve notamment une anamnèse familiale positive et le statut socio-économique, les allergies, l’ obésité,
l’ exposition à la fumée de tabac, la pollution atmosphérique, ou encore les risques pour la santé liés au travail (23-25).

Registre suisse de l’ asthme sévère

Comme les données sur l’ évolution clinique des patients souffrant d’ asthme sévère en Suisse est insuffisante, le Special Interest Group (SIG) Airways Disease and Respiratory Physiology (anciennement obstructive airway diseases and allergies) de la Société Suisse de Pneumologie s’ est engagé à mettre en place un registre national pour la collecte systématique des personnes concernées.
Dans une première analyse, les données de 278 patients souffrant d’ asthme sévère ont été analysées, afin de les caractériser. En outre, les patients et patientes ont été répartis sur la base de leur test de contrôle de l’ asthme en groupe contrôlé (ACT ≥20 points) et groupe non contrôlé (ACT ≤ 19 points) afin de déterminer comment ils se différencient et quelles variables sont associées au contrôle de l’ asthme (tableau 2). Dans le groupe de patients analysé il y a quelques variables sur lesquelles les personnes atteintes se distinguent de manière statistiquement significative entre les patients dont l’ asthme est bien contrôlé et ceux dont l’ asthme est mal contrôlé (tableau 2) (26). Ainsi, les personnes souffrant d’ asthme non contrôlé sont plus en surpoids, ont un VEMS 1 (volume expiratoire forcé en une seconde) plus bas, connaissent plus d’ exacerbations et de jours de maladie au travail. En ce qui concerne les comorbidités nous avons observé que les asthmatiques mal contrôlés avaient moins d’ opérations de sinus et/ou de polypes nasaux, la fréquence de sinusite chronique et/ou de polypes nasaux n’ étaitent pas différents. En outre, nous avons observé, que les personnes souffrant d’ asthme non contrôlé souffrent plus souvent de BPCO, de dépression et d’ obstruction laryngée inductible (26). Outre la description descriptive de notre population, nous voulions également savoir si les facteurs sont aussi stables dans un modèle de prédiction et quels sont les facteurs de probabilité qui augmentent un bon ou un mauvais contrôle de l’ asthme. La présence d’ une BPCO et Le nombre d’ exacerbations réduisent la probabilité d’ un bon contrôle de l’ asthme (Odds Ratio < 1), alors que le traitement par anticorps monoclonaux augmente la probabilité que le contrôle de l’ asthme soit bon (odds ratio >1) (Fig. 2)(26).

Les effets de l’ asthme sévère

L’ asthme sévère peut avoir un impact considérable sur la vie quotidienne des patients et peut limiter la santé générale et la qualité de vie. L’ inflammation persistante des voies respiratoires entraîne une obstruction des voies respiratoires, ce qui entraîne une limitation.
de la fonction pulmonaire (27). L’ obstruction des voies respiratoires augmente le risque d’ exacerbations, ce qui entraîne des conséquences négatives à différents niveaux, comme par exemple la qualité de vie ou le monde du travail (27-30). Les exacerbations sont définies comme une aggravation aiguë des symptômes de l’ asthme, qui nécessitent une prise en charge médicale immédiate. Pour les patients concernés comme pour les proches, les exacerbations récurrentes représentent un grand stress et peuvent susciter des sentiments comme la peur ou l’ impuissance (29,31).

Les personnes souffrant d’ asthme sévère, en particulier d’ asthme non contrôlé souffrent souvent de symptômes respiratoires persistants et sont dépendantes de corticostéroïdes par voie orale et inhalée. Ces symptômes entraînent souvent une réduction de la qualité de vie, du bien-être et/ou l’ apparition d’ une dépression, d’ anxiété et de frustration (30-32). La réduction de la résistance physique peut entraîner un manque d’ activité physique ce qui peut mener en combinaison avec la médication, en particulier les corticostéroïdes oraux, à une prise de poids, qui peut avoir des conséquences négatives sur le contrôle de l’ asthme, la morbidité et la mortalité (33).

L’ asthme sévère n’ affecte pas seulement la vie et le quotidien des personnes concernées, mais constitue également un facteur important du point de vue de l’ économie de la santé.

L’ asthme sévère est responsable de plus de 50 % des coûts médicaux liés à l’ asthme (2). Il s’ agit des coûts directs de la maladie, tels que par exemple les thérapies ou le recours à des services de soins de santé (p. ex. consultations médicales, soins d’ urgence, etc. ou l’ hospitalisation), les coûts indirects (perte de productivité, incapacité de travail ou invalidité). et les coûts intangibles (réduction de la qualité de vie, fardeau des symptômes persistants) (2,10,34-36).

Il est important de mentionner que les effets de l’ asthme sévère peuvent être minimisés avec un traitement approprié.

Le traitement de l’ asthme sévère

Le traitement de l’ asthme sévère est complexe et nécessite une approche thérapeutique holistique, avec pour objectif d’ obtenir un bon contrôle des symptômes. De manière optimale le plan de traitement comprend non seulement la thérapie médicamenteuse, mais aussi la technique d’ inhalation, l’ éducation des patients et la prévention. Pour les patients avec asthme sévère, un plan de traitement individuel doit être élaboré en tenant compte des besoins des personnes concernées, mais aussi les facteurs de risque ou les influences environnementales.

Traitement médicamenteux

En cas d’ asthme sévère, le traitement doit être basé sur les niveaux de traitement GINA 4 et 5 (Fig. 3) (1, 37). Le traitement par corticostéroïdes systémiques doit toujours être aussi court que nécessaire (1, 11). La médication de contrôle adéquate est principalement des corticostéroïdes inhalés (CSI) à doses moyennes à élevées associés à des β2-agonistes à longue durée d’ action (LABA). En outre, les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (LTRA) et les anticholinergiques à longue durée d’ action sont recommandés (1, 11, 18, 38, 39).

Au niveau 5, il convient en outre d’ examiner si, pour le patient un traitement avec un anticorps monoclonal peut être envisagé. Les examens visant à déterminer si le patient(e) entre en ligne de compte pour cette thérapie est effectuée par un médecin spécialiste en pneumologie et se fait en fonction du tableau clinique, des comorbidités et du phénotype dominant. Actuellement, les anticorps monoclonaux suivants sont disponibles pour le traitement de l’ asthme sévère: anti Immunoglobuline-E (omalizumab), anti Interleukine- 5/5R (benralizumab, mépolizumab, reslizumab), anti Interleukine-4Rα (Dupilumab) ainsi que l’ anti-thymusstroma-
lymphopoïétine (TSLP) (tézépélumab) (1, 37).

Technique d’ inhalation

La meilleure médication ne sert à rien si elle n’ est pas administrée correctement, c’ est pourquoi, en plus d’ une médication adéquate la manipulation correcte, en particulier la technique d’ inhalation, est décisive pour l’ efficacité de la médication (1, 39). Les patients devraient être instruits par des spécialistes sur la manière d’ utiliser l’ inhalateur.
Cela doit également être vérifié par le personnel spécialisé, afin d’ identifier et de corriger les erreurs. Dans l’ idéal, l’ instruction doit être répétée de temps en temps, si des déficits dans la manipulation de la médication sont identifiés ou qu’ un nouvel inhalateur est utilisé (1, 37, 40, 41).

Éducation des patients

Les patients devraient connaître et évaluer les facteurs qui peuvent aggraver les symptômes de l’ asthme. Il s’ agit par exemple des allergènes ou des stimuli environnementaux comme la fumée de tabac, les odeurs fortes, la pollution de l’ air ou encore les conditions météorologiques (p. ex. orages en cas de forte quantité de pollen) (1, 31, 42). La connaissance des symptômes et leur traitement sont également essentiels. Un moyen approprié est un plan d’ urgence de l’ asthme et/ou un journal de bord de l’ asthme. La Ligue pulmonaire suisse met gratuitement à disposition de nombreuses informations, des brochures et des vidéos d’ apprentissage sur son site Internet (43).

Mesures préventives dans le traitement de l’ asthme sévère

Comme décrit plus haut, il existe différents facteurs, qui peuvent avoir une influence sur le contrôle de l’ asthme, ou qui sont plus fréquents chez les personnes dont l’ asthme est mal contrôlé que chez les personnes dont l’ asthme est bien contrôlé. Tous les facteurs ne peuvent pas être directement influençables par le patient, mais certains le sont, comme par exemple le poids. Par conséquent, les personnes souffrant d’ asthme sévère doivent adopter un mode de vie sain, s’ efforcer de pratiquer des activités sportives, de contrôler leur poids, la gestion du stress et l’ arrêt du tabac (44-47). Il convient également de prendre en compte les comorbidités dans le traitement de l’ asthme sévère, afin d’ éviter les situations qui peuvent avoir un impact négatif sur l’ évolution (48). Les vaccinations font également partie des mesures préventives. Le médecin traitant devrait donc examiner le certificat de vaccination de ses patients et contribuer à ce que les vaccins sont à jour et conformes aux recommandations actuelles. Il s’ agit notamment de la vaccination contre la grippe saisonnière, mais aussi l’ immunisation contre les pneumocoques (49-52).

Cet article est une traduction de «der informierte arzt – die informierte ­ärztin« 03_2024.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Fabienne Jaun, MSc Public Health

Universitäres Zentrum Innere Medizin,
Kantonsspital Baselland
Rheinstrasse 26
4410 Liestal

les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’ intérêts en contexte avec cet article.

◆ L’ asthme n’ est pas synonyme d’ asthme sévère, et l’ asthme sévère peut se manifester différemment selon les personnes. Il faut notamment exclure un «asthme difficile à traiter».
◆ Le traitement de l’ asthme sévère doit être conforme aux directives GINA actuelles, mais ne devrait pas se limiter à la thérapie médicamenteuse, mais aussi à une éducation des patients et à inclure des mesures préventives.
◆ Chez les patients en surpoids, il convient de mettre en place des mesures de réduction du poids.
◆ Les personnes souffrant d’ asthme sévère devraient mettre en place avec leur médecin traitant un plan d’ action pour l’ asthme, dans lequel la médication d’ urgence et les mesures d’ urgence sont définies. En outre, elles doivent connaître les facteurs qui peuvent déclencher l’ asthme et les combattre préventivement.

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Traitement de l’ ostéoporose

L’ ostéoporose est fréquente et nécessite un traitement médicamenteux spécifique en fonction du risque de fracture estimé. Des médicaments avec des puissances et de mode d’ action différents (antirésorptif ou ostéoanabolisant) sont disponibles. Le choix de la substance devrait être basé sur le risque initial de fracture. La nature chronique de la maladie d’ une part et les caractéristiques pharmacologiques des médicaments disponibles d’ autre part imposent en général une stratégie de traitement séquentiel. Cet article a pour but de fournir des informations sur les substances actuellement utilisés afin de faciliter la mise en œuvre appropriée d’ un traitement médicamenteux anti-ostéoporotique.

Osteoporosis is common and requires specific drug therapy dependent on the estimated fracture risk. Medications with differing potency and mode of action (antiresorptive or osteoanabolic) are available. The choice of the substance should be based on the initial fracture risk. Due to the chronic nature of the disease on the one hand and the pharmacological characteristics of the available drugs on the other, a sequential treatment strategy is usually necessary. This article aims to provide knowledge about the substances actually available in order to facilitate the appropriate implementation of an anti-osteoporotic drug therapy.
Key Words: estimated fracture risk, major osteoporotic fracture, antiresorptive drugs, osteoanabolic drugs, sequential therapy

En 2019, environ 524 000 patients étaient atteints d’ ostéoporose en Suisse, dont près de 80 % de femmes. Les chiffres les plus impressionnants sont 82’ 000 nouvelles fractures qui y sont liées, ce qui correspond à 9.4 fractures par heure! La Suisse est en outre en tête en Europe en ce qui concerne les coûts liés aux fractures ostéoporotiques (env. 3.4 milliards d’ euros sur un total de 74.9 milliards) (1). Malgré l’ augmentation des possibilités de traitements médicamenteux ces dernières années, un pourcentage considérable de patient/es avec ostéoporose dépassant le risque fracturaire n’est encore pas traité (2).

Indication au traitement

L’ indication d’ un traitement contre l’ ostéoporose est aujourd’ hui posée sur la base d’ une estimation du risque de fracture. L’ estimation se fait par l’ introduction dans un calculateur (p. ex. FRAX de l’ OMS ou «Osteoporose-Plattform», TOP), des facteurs de risque à interroger (tab. 1) et du T-score le plus bas au niveau de la colonne vertébrale, de l’ ensemble de la hanche ou du col du fémur après la mesure DXA.

Ce qui importe en premier lieu pour l’ indication au traitement est le risque estimé d’ une fracture ostéoporotique majeure (en anglais «major osteoporotic fracture» (MOF), c.-à-d. fracture vertébrale, de la hanche, de l’ humérus proximal ou du radius distal. Un seuil d’ intervention adapté à l’ âge, tel qu’ il a été défini par l’ Association suisse contre l’  ostéoporose (ASCO) (fig. 1), est controversé par rapport à un seuil d’ intervention fixe (p. ex. risque à 10 ans de 20–25 %). Pour la prophylaxie en cas de traitement systémique par glucocorticoïdes ou hormono-ablatif, il convient de suivre des recommandations spécifiques qui, pour des raisons de taille, ne sont pas traitées dans cet article.

Un traitement de première ligne différent selon le risque initial

En 2020, l’ ASCO a publié des recommandations de traitement (3), basées sur une stratification par groupes de risque basée sur des critères précis (fig. 2). En cas de risque faible (ostéopénie densitométrique sans autres facteurs de risque) ou à risque modéré (ostéoporose densitométrique, risque de fracture inférieur au seuil), la prévention par substitution hormonale à côté d’ un apport suffisant en calcium et en vitamine D est généralement recommandée. La prévention avec des modulateurs sélectifs des récepteurs d’ œstrogènes (SERM) ou, en option, des bisphosphonates oraux sont au premier plan. Il est indispensable d’ avoir recours à un traitement spécifique des os en cas de risque élevé (risque supérieur ou égal au seuil d’ intervention), très élevé (risque 20% au-dessus du seuil d’ intervention) ou risque de fracture imminent. Ce dernier est présent lorsque, chez les patients de plus de 65 ans, une MOF est survenue au cours des dernières 2 années (3). Comme le montre la figure 2, en cas de fracture ostéoporotique prévalente, des recommandations concrètes pour le traitement de première ligne sont faites: le tériparatide en cas de fracture vertébrale, zolédronate en cas de fracture de la hanche et le romosozumab pour les autres MOF. Ces recommandations se basent sur l’ évidence que les médicaments correspondants ont une efficacité bonne, voire supérieure à celle des bisphosphonates oraux dans ces situations précises (4, 5, 6). En outre, la raison d’ être de l’ utilisation en première ligne de la tériparatide (ou du romosozumab) est la suivante: L’ augmentation de la densité obtenue sous traitement ostéoanabolisant est plus élevée sans traitement anti-résorptif préalable. Il convient toutefois de noter que les limites de prise en charge des différents médicaments en Suisse ne concordent pas toujours avec les recommandations de l’ ASCO (Association Suisse contre l’ Osteoporose).

Les médicaments (voir aussi tableau 2)

Médicaments anti-résorptifs

Les bisphosphonates ont un effet antirésorptif par inhibition des ostéoclastes et sont utilisés depuis environ 30 ans dans le traitement de l’ ostéoporose. Les préparations courantes sont présentées dans le tableau 2. En raison de leur mode d’ action par fixation à la surface de l’ os, l’ effet antirésorptif persiste même après l’ arrêt/la fin du traitement, ce qui distingue les bisphosphonates de tous les autres médicaments contre l’ ostéoporose. Cet effet nommé «Tail Effect» est le plus prononcé avec le zolédronate. Des effets secondaires rares sont des ostéonécroses de la mâchoire et des fractures atypiques du fémur (= sous-trochantériennes), le risque augmentant avec la durée du traitement. En conséquence, après 3 à 5 ans de traitement par bisphosphonates une pause doit être considérée, d’ autant plus que la densité osseuse n’ augmente normalement pas davantage après cette période de traitement, malgré la poursuite de celui-ci (7). Les bisphosphonates sont contre-indiqués en cas de grossesse/d’ allaitement et d’ insuffisance rénale (DFG<35 ml/min). Le dénosumab (Prolia®) est un anticorps monoclonal entièrement humain contre le ligand RANK et agit via l’ inhibition des ostéoclastes. Contrairement aux bisphosphonates la thérapie ne montre pas de plateau de l’ augmentation de la densité osseuse après 10 ans d’ utilisation (8). Toutefois, après l’ arrêt ou suite à un retard dans l’ utilisation, une résorption osseuse excessive se produit immédiatement («effet rebond»), qui s’accompagne d’ un risque accru de survenue de multiples fractures vertébrales (9). Le dénosumab convient donc en premier lieu pour un traitement à long terme et ne doit en aucun cas être interrompu ou être administré avec du retard sans traitement de suivi. Les données disponibles pour l’ utilisation sûre à long terme du dénosumab se limitant à 10 ans (8), l’ indication doit être posée avec réserve chez les personnes plus jeunes. Si l’ arrêt du dénosumab s’ avérait nécessaire, le zolédronate, en particulier, s’ est avéré efficace comme traitement de suivi en raison de sa puissance antirésorptive. Cela permet de réduire le rebond, mais pas de l’ empêcher complètement. En ce qui concerne la mise en œuvre optimale de la thérapie de suivi les données disponibles sont encore insuffisantes. Tant pour les bisphosphonates que pour le denosumab, avant l’ initiation du traitement, une hypocalcémie ainsi qu’une carence importante en vitamine D doivent être exclues. En outre, pour réduire le risque d’ ostéonécrose de la mâchoire, il faut veiller à une bonne hygiène dentaire; les interventions chirurgicales sur l’ os de la mâchoire (extraction de dent, implant) doivent être évitées autant que possible sous traitement établi.

Anabolisants osseux

Le tériparatide est une forme recombinante de l’ hormone parathyroïdienne humaine. Il agit par la stimulation de la prolifération et de la différenciation des ostéoblastes. Une garantie de prise en charge des coûts par la caisse d’ assurance maladie est nécessaire avant l’ utilisation. La durée du traitement est limitée à 24 mois. La préparation doit être injectée quotidiennement par voie sous-cutanée. En plus de la préparation originale Forsteo®, il existe désormais de divers biosimilaires (moins chers). Le teriparatide est entre autres contre-indiqué en cas de maladies osseuses malignes ou d’ une radiothérapie antérieure du squelette. Une fois le tériparatide terminé, il est nécessaire d’ enchaîner avec un traitement ultérieur anti-resorptif de suivi, car l’ augmentation de la densité obtenue se perdra sinon totalement.

Le romosozumab (Evenity®) est un anticorps humanisé contre la sclérostine et constitue la deuxième substance à action anabolisante sur l’ os autorisée en Suisse. Outre l’ effet de formation osseuse, il existe aussi un effet antirésorptif. Ce double mécanisme d’ action distingue la substance de tous les autres médicaments à effet osseux autorisés. Le traitement se fait par des injections sous-cutanées mensuelles, sa durée est limitée à un an. Pour le romosozumab également, une garantie de prise en charge par la caisse maladie est nécessaire. La substance n’ est autorisée que pour les femmes postménopausées et est contre-indiquée en cas d’ antécédents d’ infarctus du myocarde ou d’ accident vasculaire cérébral. De même, la densité osseuse obtenue sous romosozumab se perd à la fin du traitement, à moins qu’ un traitement antirésorptif ne soit administré par la suite.

Thérapie séquentielle

Des propriétés des médicaments mentionnés résulte que dans le traitement à long terme de l’ ostéoporose, une stratégie de traitement séquentiel est souvent inévitable. Voici deux casuistiques exemplaires. Dans le deuxième cas, en plus, la possibilité d’ un traitement combiné est evoquée.

Cas 1: Une femme de 62 ans, postménopausée, en bonne santé sur le plan médical, avec une fracture récente de L1 et un score dans la DXA de –4.4 DS au rachis lombaire et de –3.3 DS au col du fémur est mise, en raison d’ un risque imminent de fracture, sous un traitement ostéoformateur de première ligne par romosozumab. Après 1 an de traitement, le T-score est de –2.9 SD à la colonne vertébrale et au col du fémur; aucune nouvelle fracture n’ est apparue. En raison de l’ espérance de vie de la patiente de plus de 10 ans, il est décidé d’ effectuer un traitement de suivi avec un bisphophonate pour 3 à 5 ans. Étant donné qu’ à l’ issue du traitement de suivi, la patiente aura toujours moins de 70 ans, une nouvelle indication de traitement sera sans doute à s’attendre plus tard dans la vie de la patiente.

Cas 2: une patiente âgée de 83 ans, en bonne santé, subit une fracture du sacrum après une chute de sa hauteur. Dans la DXA le T-score de la colonne vertébrale n’ est pas interprétable en raison des altérations dégénératives, celui de la hanche entière est de –1.3 DS et de –1.6 DS au col du fémur. Dans cette constellation, les conditions de prise en charge ne sont remplies ni pour le tériparatide ni pour le romoszumab. Ainsi comme traitement de première ligne restent un bisphosphonate ou le dénosumab. Dans le cas présent, en raison de l’ âge > 80, le choix s’ est porté sur un traitement par dénosumab.

Après 4 ans de traitement par le dénosumab, la patiente présente une fracture spontanée de la 11e vertèbre thoracique, raison pour laquelle les options d’ une escalade thérapeutique doivent être examinées. Le passage à un bisphosphonate ne serait pas une escalade en termes de puissance d’ action, d’ autant plus que le rebond après l’ arrêt du dénosumab n’ est généralement qu’ incomplètement évité par un bisphosphonate. En cas de passage du dénosumab au tériparatide un phénomène de rebond prononcé a été décrit, de sorte que cette séquence est par principe à éviter (10). En ce qui concerne la séquence dénosumab suivi de romosozumab les données disponibles sont insuffisantes. Dans le cas présent, l’ option la plus efficace est la combinaison de dénosumab avec le tériparatide (10) pendant 2 ans, avec poursuite de la thérapie au dénosumab jusqu’ à la fin de la vie.

L’ auteur a publié cet article en allemand dans « der informierte arzt – die informierte ärztin» 02_2024, la traduction en français a été réalisée par les éditeurs. L’ auteur n’ assume aucune responsabilité pour les modifications dues à une traduction.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Gernot Schmid

Médecin responsable en rhumatologie de
l’ Hopital Cantonal de Lucerne
Co-président de plateforme ostéoporose
Spitalstrasse
6000 Luzern

L’ auteur ne présente aucun conflit d’ intérêt avec le sujet présenté dans cet article.

◆ L’ indication de traitement de l’ ostéoporose est basée sur le risque de fracture, calculé à partir du T-score le plus bas dans la DXA (colonne lombaire, de la hanche et du col du fémur) et les facteurs de risque recensés, en utilisant un calculateur de risque.
◆ Plusieurs médicaments à effet osseux sont disponibles qui se distinguent non seulement par leur mode d’ action, mais aussi par leur puissance d’ action.
◆ Lors du choix du médicament, il convient de tenir compte du risque initial estimé, sachant qu’ en cas de risque très élevé/imminent, l’ utilisation de première ligne d’ ostéoanabolisants devrait être envisagée.
◆ Le traitement à long terme de l’ ostéoporose nécessite souvent une stratégie de traitement séquentielle.

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La perforation de la cloison nasale – quand ça siffle dans le nez

Présentation de cas

Un plâtrier de 49 ans, qui gère sa propre entreprise et qui est constamment pressé par le temps et se présente à votre consultation parce que depuis longtemps, il a de plus en plus de mal à respirer par le nez. De plus, il doit régulièrement se moucher pour enlever de grosses croûtes, parfois sanguinolentes. Actuellement, ce qui le dérange le plus, c’ est qu’ en buvant, il doit à chaque fois obturer son palais avec un morceau de chewing-gum, sinon le liquide s’ écoule dans son nez …
Antécédents personnels: septoplastie nasale il y a 25 ans. Reflux gastro-œsophagien. Pas d’ allergies connues. Fume ½ – 1 paquet de cigarettes par jour depuis de nombreuses années.
Médicaments: pantoprazole 40 mg le matin.
Paramètres vitaux: TA 162/97, pouls 84, régulier. SO2 92 %, température 36,2 °C.
État clinique: la rhinoscopie antérieure montre des croûtes muqueuses sanguinolentes de tous les côtés et une énorme perforation de la cloison nasale qui se perd en profondeur. En direction du sinus maxillaire droit, on constate un défaut avec des conditions très confuses. Dans la cavité buccale, on constate une perforation au niveau du palais droit contre le nez.
L’ inspection du tégument révèle un ulcère cutané d’ environ 4 cm de diamètre dans le dos, que le patient n’ a pas remarqué.

Questions
1. Quelle est la cause présumée de la perforation de la cloison nasale ?
A. Postopératoire après septoplastie
B. Mécanique après des manipulations régulières
C. Granulomatose
D. Post-infectieuse

Réponse : La bonne réponse est C. Les causes les plus fréquentes d’ une
perforation du plancher nasal sont d’ une part la manipulation constante du doigt dans le nez, c’ est-à-dire la «rumination nasale», d’  autre part, postopératoire après une septoplastie nasale. L’ anamnèse, avec la présence régulière de l’ écoulement de croûtes sanguinolentes et l’ examen clinique avec des muqueuses nasales recouvertes de croûtes sanguinolentes en plus de la perforation du septum et du palais plaident cependant dans cette situation en faveur d’ une maladie systémique telle qu’ une granulomatose.

2.  Quelles sont les mesures diagnostiques que vous prenez?
A. Orientation vers un spécialiste ORL pour une biopsie.
B. Compléter l’ anamnèse
C. Tomodensitométrie du nez et des sinus
D. Laboratoire: ANCA

Réponse: Toutes les réponses sont correctes. Par l’ anamnèse complémentaire vous apprenez, en posant des questions plus précises, que le patient consomme régulièrement de la cocaïne. En cas de suspicion de granulomatose, vous demanderez, lors des examens de laboratoire, de déterminer, entre autres, le taux d’ ANCA. Comme les rapports dans le nez sont très confus et qu’ il existe de grandes destructions, vous demandez une imagerie, qui peut inclure un scanner; une IRM serait aussi possible. Pour prélever des biopsies muqueuses ciblées sous contrôle endoscopique en anésthesie topique, vous adressez le patient à un spécialiste ORL avec lequel vous travaillez régulièrement.

Dix jours plus tard, le patient vient vous voir comme prévu pour discuter des résultats. Vous lui expliquez le résultat de la radiologie et l’ informe des résultats de laboratoire. Ici, les c-ANCA positifs sautent aux yeux. L’ histologie montre une inflammation chronique avec granulomes.

3. Quel est le diagnostic le plus probable?
A. Sarcoïdose
B. Granulomatose avec polyangéite
C. Vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA
D. Adénocarcinome des sinus en cas d’ abus de nicotine

Réponse : La réponse correcte est la réponse C. En cas d’ abus régulier de cocaïne, une vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA est la plus probable (appelée “cocaine induced midline destructive lesion”).

Discussion

Le diagnostic différentiel des lésions destructrices de la ligne médiane dans le nez est présenté dans ce tableau :

Chez notre patient, qui consomme régulièrement de la cocaïne, il s’ agit d’ une cause toxique de ces destructions étendues dans le nez, du sinus maxillaire et du palais. Comme le montrent des études récentes sur les eaux usées en Suisse, la consommation de cocaïne est très répandue et doit faire l’ objet d’ une enquête ciblée en cas de lésions dans le nez. D’ une part, la cocaïne provoque elle-même une vascularite associée aux ANCA qui est souvent difficile de distinguer d’ une granulomatose avec polyangéite. En effet, les deux présentent en laboratoire des c-ANCA positifs. Dans ce cas, outre l’ anamnèse, la détermination des anticorps anti-élastase peut aider. D’ autre part, la cocaïne est souvent coupée avec du lévimasol. Le lévamisole est un anthelminthique, utilisé en médecine vétérinaire. Il a en outre un effet immunomodulateur et est censé avoir également un léger effet euphorisant. Comme effet secondaire, il peut provoquer des nécroses de la peau et des muqueuses. Ainsi, notre patient présente également, en plus des résultats impressionnants dans le nez, une nécrose de la peau dans le dos.

Traduction de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 01_2024

Copyright chez Aerzteverlag medinfo AG

Dr Christoph Schlegel-Wagner

Hôpital cantonal de Lucerne
Clinique d’ oto-rhino-laryngologie,
Chirurgie de l’ oreille et du visage (ORL)
Spitalstrasse
6000 Luzern 16

christoph.schlegel@luks.ch

l’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêt en rapport avec cet article.

Références chez l’ auteur