Asthme sévère: que nous apprend le registre suisse de l’asthme sévère?

L’ asthme fait partie des maladies respiratoires chroniques dont la prévalence est la plus élevée au monde. On estime que la Suisse compte jusqu’ à 7 % d’ asthmatiques, dont 5 à 10 % souffrent d’ une forme sévère de la maladie. Comment les personnes concernées sont-elles traitées en Suisse et quelles sont leurs caractéristiques? Le registre suisse de l’ asthme sévère tente de combler cette lacune. Les premières conclusions tirées de ces données mettent en évidence les caractéristiques des asthmatiques sévères et les prédicteurs du contrôle de l’ asthme. Le traitement de l’ asthme dépend du degré de sévérité et se fait selon un schéma progressif. Les conséquences de l’ asthme sévère sont multiples et concernent non seulement le patient, mais aussi l’ entourage et le système de santé.

Asthma is one of the most common chronic respiratory diseases worldwide. In Switzerland, it is estimated that up to 7% of the population have asthma, of which 5 to 10 % if all asthmatics suffer from severe asthma. How asthmatics are treated in Switzerland or what their characteristics are has been largely unexplored, but the Swiss Severe Asthma Registry will attempt to fill this gap of knowledge. The first findings from these data show the characteristics of severe asthmatics and predictors of asthma control. Treatment of asthma is based on severity and follows a graded regimen. The impact of severe asthma is multifaceted and affects not only the patient but also the environment and the health care system.
Key Words: Severe asthma, asthma in Switzerland, difficult-to-treat asthma, asthma register

Contexte

L’ asthme est l’ une des maladies respiratoires chroniques les plus fréquentes au monde, maladies respiratoires, qui touchent plus de 300 millions de patients et patientes (1, 2). Les processus inflammatoires des voies respiratoires entraînent les symptômes respiratoires les plus divers, dont la fréquence, l’ intensité ou la combinaison de leur apparition peuvent varier fortement. Parmi ces symptômes, on trouve notamment la toux, une respiration sifflante, une sensation d’ oppression dans la poitrine ou la réduction de la capacité à l’ effort physique (1). La prévalence de l’ asthme en Suisse est de 4 à 7% de la population (3). On estime qu’ entre 5 et 10 % des asthmatiques sont atteints d’ asthme sévère, mais les chiffres exacts de la prévalence ne sont pas disponibles (4-9). Bien que les patients et patientes souffrant d’ asthme sévère ne représentent qu’ une petite partie de l’ ensemble de la population asthmatique, mais ce groupe représente environ 50 % des coûts médicaux liés à l’ asthme (10-12). Le tableau clinique de l’ asthme sévère est extrêmement complexe et comprend de nombreux domaines différents, du diagnostic au traitement en passant par le traitement jusqu’ au vécu personnel des personnes concernées. et les aspects économiques d’ une maladie chronique.

Définition de l’ asthme sévère

En 2014, une nouvelle ligne directrice commune de l’ European Respiratory Society et de l’ American Thoracic Society (ERS/ATS) sur la définition et le traitement de l’ asthme sévère a été publiée (11). L’ asthme est considéré comme sévère si A) il nécessite un traitement selon le GINA (Global Initiative for Asthma) (figure 2) de niveau 4 ou 5. ou B) malgré un traitement au niveau 4 ou 5 du GINA, un contrôle insuffisant de l’ asthme est atteint (Tab. 1).

Les critères pour définir l’ asthme comme non contrôlé sont également définis dans le tableau 1. Mais le diagnostic d’ asthme sévère ne peut être posé qu’ après avoir vérifié que le patient ne souffre pas de ce qu’ on appelle un asthme «difficile à traiter» (difficult to treat) (Fig. 1) (13). Dans un premier temps, il convient de s’ assurer qu’ il s’ agit bien d’ un asthme. Les symptômes présents sont bien de l’ asthme et qu’ il n’ est pas déclenché par d’ autres maladies (p. ex. BPCO, reflux gastro-œsophagien, rhinosinusite, apnée obstructive du sommeil, etc.). Dans le cadre du diagnostic, il est essentiel de rechercher également des facteurs, qui ont une influence négative sur les symptômes (p.ex. technique d’ inhalation, adhésion au traitement, médicaments pris, etc.). La troisième étape consiste à optimiser la gestion du traitement (optimisation de la thérapie, interventions non-pharmacologiques, interventions et traitement des facteurs modifiables). Si la situation de l’ asthme, même après trois à six mois et malgré l’ optimisation du traitement et le contrôle des facteurs influents, reste incontrôlable, on peut supposer que la situation présente est un asthme sévère et incontrôlé (13).

Données épidémiologiques

L’ asthme sévère est une maladie complexe et hétérogène, et malgré des définitions et des recommandations de traitement précises peu est connu de la prévalence, de l’  évolution clinique, du traitement utilisé ou des comorbidités (1, 11, 14, 15).

En Suisse également, les données sur les patients qui souffrent d’ asthme sévère sont rares et la prévalence ne peut être qu’ estimée. En 2017, 4,8 % de la population suisse âgée de 15 ans a déclaré souffrir d’ asthme, les femmes (5,3 %) étant plus souvent touchées que les hommes (4,2 %) (16). La prévalence de l’ asthme sévère en Suisse est estimée à environ 5 % de la population asthmatique (7, 8, 17). Cependant, il pourrait toujours y avoir encore un nombre considérable de patients chez qui un asthme sévère a été diagnostiqué à tort, alors qu’ il s’ agit d’ un asthme «difficile à traiter», en cas de technique d’ inhalation insuffisante, de troubles non traités, de maladies concomitantes ou manque d’ adhérence au traitement (18-22).

La littérature décrit des facteurs de risque qui favorisent le développement d’ un asthme sévère ou l’ aggravation des symptômes existants. Parmi ceux-ci, on trouve notamment une anamnèse familiale positive et le statut socio-économique, les allergies, l’ obésité,
l’ exposition à la fumée de tabac, la pollution atmosphérique, ou encore les risques pour la santé liés au travail (23-25).

Registre suisse de l’ asthme sévère

Comme les données sur l’ évolution clinique des patients souffrant d’ asthme sévère en Suisse est insuffisante, le Special Interest Group (SIG) Airways Disease and Respiratory Physiology (anciennement obstructive airway diseases and allergies) de la Société Suisse de Pneumologie s’ est engagé à mettre en place un registre national pour la collecte systématique des personnes concernées.
Dans une première analyse, les données de 278 patients souffrant d’ asthme sévère ont été analysées, afin de les caractériser. En outre, les patients et patientes ont été répartis sur la base de leur test de contrôle de l’ asthme en groupe contrôlé (ACT ≥20 points) et groupe non contrôlé (ACT ≤ 19 points) afin de déterminer comment ils se différencient et quelles variables sont associées au contrôle de l’ asthme (tableau 2). Dans le groupe de patients analysé il y a quelques variables sur lesquelles les personnes atteintes se distinguent de manière statistiquement significative entre les patients dont l’ asthme est bien contrôlé et ceux dont l’ asthme est mal contrôlé (tableau 2) (26). Ainsi, les personnes souffrant d’ asthme non contrôlé sont plus en surpoids, ont un VEMS 1 (volume expiratoire forcé en une seconde) plus bas, connaissent plus d’ exacerbations et de jours de maladie au travail. En ce qui concerne les comorbidités nous avons observé que les asthmatiques mal contrôlés avaient moins d’ opérations de sinus et/ou de polypes nasaux, la fréquence de sinusite chronique et/ou de polypes nasaux n’ étaitent pas différents. En outre, nous avons observé, que les personnes souffrant d’ asthme non contrôlé souffrent plus souvent de BPCO, de dépression et d’ obstruction laryngée inductible (26). Outre la description descriptive de notre population, nous voulions également savoir si les facteurs sont aussi stables dans un modèle de prédiction et quels sont les facteurs de probabilité qui augmentent un bon ou un mauvais contrôle de l’ asthme. La présence d’ une BPCO et Le nombre d’ exacerbations réduisent la probabilité d’ un bon contrôle de l’ asthme (Odds Ratio < 1), alors que le traitement par anticorps monoclonaux augmente la probabilité que le contrôle de l’ asthme soit bon (odds ratio >1) (Fig. 2)(26).

Les effets de l’ asthme sévère

L’ asthme sévère peut avoir un impact considérable sur la vie quotidienne des patients et peut limiter la santé générale et la qualité de vie. L’ inflammation persistante des voies respiratoires entraîne une obstruction des voies respiratoires, ce qui entraîne une limitation.
de la fonction pulmonaire (27). L’ obstruction des voies respiratoires augmente le risque d’ exacerbations, ce qui entraîne des conséquences négatives à différents niveaux, comme par exemple la qualité de vie ou le monde du travail (27-30). Les exacerbations sont définies comme une aggravation aiguë des symptômes de l’ asthme, qui nécessitent une prise en charge médicale immédiate. Pour les patients concernés comme pour les proches, les exacerbations récurrentes représentent un grand stress et peuvent susciter des sentiments comme la peur ou l’ impuissance (29,31).

Les personnes souffrant d’ asthme sévère, en particulier d’ asthme non contrôlé souffrent souvent de symptômes respiratoires persistants et sont dépendantes de corticostéroïdes par voie orale et inhalée. Ces symptômes entraînent souvent une réduction de la qualité de vie, du bien-être et/ou l’ apparition d’ une dépression, d’ anxiété et de frustration (30-32). La réduction de la résistance physique peut entraîner un manque d’ activité physique ce qui peut mener en combinaison avec la médication, en particulier les corticostéroïdes oraux, à une prise de poids, qui peut avoir des conséquences négatives sur le contrôle de l’ asthme, la morbidité et la mortalité (33).

L’ asthme sévère n’ affecte pas seulement la vie et le quotidien des personnes concernées, mais constitue également un facteur important du point de vue de l’ économie de la santé.

L’ asthme sévère est responsable de plus de 50 % des coûts médicaux liés à l’ asthme (2). Il s’ agit des coûts directs de la maladie, tels que par exemple les thérapies ou le recours à des services de soins de santé (p. ex. consultations médicales, soins d’ urgence, etc. ou l’ hospitalisation), les coûts indirects (perte de productivité, incapacité de travail ou invalidité). et les coûts intangibles (réduction de la qualité de vie, fardeau des symptômes persistants) (2,10,34-36).

Il est important de mentionner que les effets de l’ asthme sévère peuvent être minimisés avec un traitement approprié.

Le traitement de l’ asthme sévère

Le traitement de l’ asthme sévère est complexe et nécessite une approche thérapeutique holistique, avec pour objectif d’ obtenir un bon contrôle des symptômes. De manière optimale le plan de traitement comprend non seulement la thérapie médicamenteuse, mais aussi la technique d’ inhalation, l’ éducation des patients et la prévention. Pour les patients avec asthme sévère, un plan de traitement individuel doit être élaboré en tenant compte des besoins des personnes concernées, mais aussi les facteurs de risque ou les influences environnementales.

Traitement médicamenteux

En cas d’ asthme sévère, le traitement doit être basé sur les niveaux de traitement GINA 4 et 5 (Fig. 3) (1, 37). Le traitement par corticostéroïdes systémiques doit toujours être aussi court que nécessaire (1, 11). La médication de contrôle adéquate est principalement des corticostéroïdes inhalés (CSI) à doses moyennes à élevées associés à des β2-agonistes à longue durée d’ action (LABA). En outre, les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (LTRA) et les anticholinergiques à longue durée d’ action sont recommandés (1, 11, 18, 38, 39).

Au niveau 5, il convient en outre d’ examiner si, pour le patient un traitement avec un anticorps monoclonal peut être envisagé. Les examens visant à déterminer si le patient(e) entre en ligne de compte pour cette thérapie est effectuée par un médecin spécialiste en pneumologie et se fait en fonction du tableau clinique, des comorbidités et du phénotype dominant. Actuellement, les anticorps monoclonaux suivants sont disponibles pour le traitement de l’ asthme sévère: anti Immunoglobuline-E (omalizumab), anti Interleukine- 5/5R (benralizumab, mépolizumab, reslizumab), anti Interleukine-4Rα (Dupilumab) ainsi que l’ anti-thymusstroma-
lymphopoïétine (TSLP) (tézépélumab) (1, 37).

Technique d’ inhalation

La meilleure médication ne sert à rien si elle n’ est pas administrée correctement, c’ est pourquoi, en plus d’ une médication adéquate la manipulation correcte, en particulier la technique d’ inhalation, est décisive pour l’ efficacité de la médication (1, 39). Les patients devraient être instruits par des spécialistes sur la manière d’ utiliser l’ inhalateur.
Cela doit également être vérifié par le personnel spécialisé, afin d’ identifier et de corriger les erreurs. Dans l’ idéal, l’ instruction doit être répétée de temps en temps, si des déficits dans la manipulation de la médication sont identifiés ou qu’ un nouvel inhalateur est utilisé (1, 37, 40, 41).

Éducation des patients

Les patients devraient connaître et évaluer les facteurs qui peuvent aggraver les symptômes de l’ asthme. Il s’ agit par exemple des allergènes ou des stimuli environnementaux comme la fumée de tabac, les odeurs fortes, la pollution de l’ air ou encore les conditions météorologiques (p. ex. orages en cas de forte quantité de pollen) (1, 31, 42). La connaissance des symptômes et leur traitement sont également essentiels. Un moyen approprié est un plan d’ urgence de l’ asthme et/ou un journal de bord de l’ asthme. La Ligue pulmonaire suisse met gratuitement à disposition de nombreuses informations, des brochures et des vidéos d’ apprentissage sur son site Internet (43).

Mesures préventives dans le traitement de l’ asthme sévère

Comme décrit plus haut, il existe différents facteurs, qui peuvent avoir une influence sur le contrôle de l’ asthme, ou qui sont plus fréquents chez les personnes dont l’ asthme est mal contrôlé que chez les personnes dont l’ asthme est bien contrôlé. Tous les facteurs ne peuvent pas être directement influençables par le patient, mais certains le sont, comme par exemple le poids. Par conséquent, les personnes souffrant d’ asthme sévère doivent adopter un mode de vie sain, s’ efforcer de pratiquer des activités sportives, de contrôler leur poids, la gestion du stress et l’ arrêt du tabac (44-47). Il convient également de prendre en compte les comorbidités dans le traitement de l’ asthme sévère, afin d’ éviter les situations qui peuvent avoir un impact négatif sur l’ évolution (48). Les vaccinations font également partie des mesures préventives. Le médecin traitant devrait donc examiner le certificat de vaccination de ses patients et contribuer à ce que les vaccins sont à jour et conformes aux recommandations actuelles. Il s’ agit notamment de la vaccination contre la grippe saisonnière, mais aussi l’ immunisation contre les pneumocoques (49-52).

Cet article est une traduction de «der informierte arzt – die informierte ­ärztin« 03_2024.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Fabienne Jaun, MSc Public Health

Universitäres Zentrum Innere Medizin,
Kantonsspital Baselland
Rheinstrasse 26
4410 Liestal

les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’ intérêts en contexte avec cet article.

◆ L’ asthme n’ est pas synonyme d’ asthme sévère, et l’ asthme sévère peut se manifester différemment selon les personnes. Il faut notamment exclure un «asthme difficile à traiter».
◆ Le traitement de l’ asthme sévère doit être conforme aux directives GINA actuelles, mais ne devrait pas se limiter à la thérapie médicamenteuse, mais aussi à une éducation des patients et à inclure des mesures préventives.
◆ Chez les patients en surpoids, il convient de mettre en place des mesures de réduction du poids.
◆ Les personnes souffrant d’ asthme sévère devraient mettre en place avec leur médecin traitant un plan d’ action pour l’ asthme, dans lequel la médication d’ urgence et les mesures d’ urgence sont définies. En outre, elles doivent connaître les facteurs qui peuvent déclencher l’ asthme et les combattre préventivement.

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Traitement de l’ ostéoporose

L’ ostéoporose est fréquente et nécessite un traitement médicamenteux spécifique en fonction du risque de fracture estimé. Des médicaments avec des puissances et de mode d’ action différents (antirésorptif ou ostéoanabolisant) sont disponibles. Le choix de la substance devrait être basé sur le risque initial de fracture. La nature chronique de la maladie d’ une part et les caractéristiques pharmacologiques des médicaments disponibles d’ autre part imposent en général une stratégie de traitement séquentiel. Cet article a pour but de fournir des informations sur les substances actuellement utilisés afin de faciliter la mise en œuvre appropriée d’ un traitement médicamenteux anti-ostéoporotique.

Osteoporosis is common and requires specific drug therapy dependent on the estimated fracture risk. Medications with differing potency and mode of action (antiresorptive or osteoanabolic) are available. The choice of the substance should be based on the initial fracture risk. Due to the chronic nature of the disease on the one hand and the pharmacological characteristics of the available drugs on the other, a sequential treatment strategy is usually necessary. This article aims to provide knowledge about the substances actually available in order to facilitate the appropriate implementation of an anti-osteoporotic drug therapy.
Key Words: estimated fracture risk, major osteoporotic fracture, antiresorptive drugs, osteoanabolic drugs, sequential therapy

En 2019, environ 524 000 patients étaient atteints d’ ostéoporose en Suisse, dont près de 80 % de femmes. Les chiffres les plus impressionnants sont 82’ 000 nouvelles fractures qui y sont liées, ce qui correspond à 9.4 fractures par heure! La Suisse est en outre en tête en Europe en ce qui concerne les coûts liés aux fractures ostéoporotiques (env. 3.4 milliards d’ euros sur un total de 74.9 milliards) (1). Malgré l’ augmentation des possibilités de traitements médicamenteux ces dernières années, un pourcentage considérable de patient/es avec ostéoporose dépassant le risque fracturaire n’est encore pas traité (2).

Indication au traitement

L’ indication d’ un traitement contre l’ ostéoporose est aujourd’ hui posée sur la base d’ une estimation du risque de fracture. L’ estimation se fait par l’ introduction dans un calculateur (p. ex. FRAX de l’ OMS ou «Osteoporose-Plattform», TOP), des facteurs de risque à interroger (tab. 1) et du T-score le plus bas au niveau de la colonne vertébrale, de l’ ensemble de la hanche ou du col du fémur après la mesure DXA.

Ce qui importe en premier lieu pour l’ indication au traitement est le risque estimé d’ une fracture ostéoporotique majeure (en anglais «major osteoporotic fracture» (MOF), c.-à-d. fracture vertébrale, de la hanche, de l’ humérus proximal ou du radius distal. Un seuil d’ intervention adapté à l’ âge, tel qu’ il a été défini par l’ Association suisse contre l’  ostéoporose (ASCO) (fig. 1), est controversé par rapport à un seuil d’ intervention fixe (p. ex. risque à 10 ans de 20–25 %). Pour la prophylaxie en cas de traitement systémique par glucocorticoïdes ou hormono-ablatif, il convient de suivre des recommandations spécifiques qui, pour des raisons de taille, ne sont pas traitées dans cet article.

Un traitement de première ligne différent selon le risque initial

En 2020, l’ ASCO a publié des recommandations de traitement (3), basées sur une stratification par groupes de risque basée sur des critères précis (fig. 2). En cas de risque faible (ostéopénie densitométrique sans autres facteurs de risque) ou à risque modéré (ostéoporose densitométrique, risque de fracture inférieur au seuil), la prévention par substitution hormonale à côté d’ un apport suffisant en calcium et en vitamine D est généralement recommandée. La prévention avec des modulateurs sélectifs des récepteurs d’ œstrogènes (SERM) ou, en option, des bisphosphonates oraux sont au premier plan. Il est indispensable d’ avoir recours à un traitement spécifique des os en cas de risque élevé (risque supérieur ou égal au seuil d’ intervention), très élevé (risque 20% au-dessus du seuil d’ intervention) ou risque de fracture imminent. Ce dernier est présent lorsque, chez les patients de plus de 65 ans, une MOF est survenue au cours des dernières 2 années (3). Comme le montre la figure 2, en cas de fracture ostéoporotique prévalente, des recommandations concrètes pour le traitement de première ligne sont faites: le tériparatide en cas de fracture vertébrale, zolédronate en cas de fracture de la hanche et le romosozumab pour les autres MOF. Ces recommandations se basent sur l’ évidence que les médicaments correspondants ont une efficacité bonne, voire supérieure à celle des bisphosphonates oraux dans ces situations précises (4, 5, 6). En outre, la raison d’ être de l’ utilisation en première ligne de la tériparatide (ou du romosozumab) est la suivante: L’ augmentation de la densité obtenue sous traitement ostéoanabolisant est plus élevée sans traitement anti-résorptif préalable. Il convient toutefois de noter que les limites de prise en charge des différents médicaments en Suisse ne concordent pas toujours avec les recommandations de l’ ASCO (Association Suisse contre l’ Osteoporose).

Les médicaments (voir aussi tableau 2)

Médicaments anti-résorptifs

Les bisphosphonates ont un effet antirésorptif par inhibition des ostéoclastes et sont utilisés depuis environ 30 ans dans le traitement de l’ ostéoporose. Les préparations courantes sont présentées dans le tableau 2. En raison de leur mode d’ action par fixation à la surface de l’ os, l’ effet antirésorptif persiste même après l’ arrêt/la fin du traitement, ce qui distingue les bisphosphonates de tous les autres médicaments contre l’ ostéoporose. Cet effet nommé «Tail Effect» est le plus prononcé avec le zolédronate. Des effets secondaires rares sont des ostéonécroses de la mâchoire et des fractures atypiques du fémur (= sous-trochantériennes), le risque augmentant avec la durée du traitement. En conséquence, après 3 à 5 ans de traitement par bisphosphonates une pause doit être considérée, d’ autant plus que la densité osseuse n’ augmente normalement pas davantage après cette période de traitement, malgré la poursuite de celui-ci (7). Les bisphosphonates sont contre-indiqués en cas de grossesse/d’ allaitement et d’ insuffisance rénale (DFG<35 ml/min). Le dénosumab (Prolia®) est un anticorps monoclonal entièrement humain contre le ligand RANK et agit via l’ inhibition des ostéoclastes. Contrairement aux bisphosphonates la thérapie ne montre pas de plateau de l’ augmentation de la densité osseuse après 10 ans d’ utilisation (8). Toutefois, après l’ arrêt ou suite à un retard dans l’ utilisation, une résorption osseuse excessive se produit immédiatement («effet rebond»), qui s’accompagne d’ un risque accru de survenue de multiples fractures vertébrales (9). Le dénosumab convient donc en premier lieu pour un traitement à long terme et ne doit en aucun cas être interrompu ou être administré avec du retard sans traitement de suivi. Les données disponibles pour l’ utilisation sûre à long terme du dénosumab se limitant à 10 ans (8), l’ indication doit être posée avec réserve chez les personnes plus jeunes. Si l’ arrêt du dénosumab s’ avérait nécessaire, le zolédronate, en particulier, s’ est avéré efficace comme traitement de suivi en raison de sa puissance antirésorptive. Cela permet de réduire le rebond, mais pas de l’ empêcher complètement. En ce qui concerne la mise en œuvre optimale de la thérapie de suivi les données disponibles sont encore insuffisantes. Tant pour les bisphosphonates que pour le denosumab, avant l’ initiation du traitement, une hypocalcémie ainsi qu’une carence importante en vitamine D doivent être exclues. En outre, pour réduire le risque d’ ostéonécrose de la mâchoire, il faut veiller à une bonne hygiène dentaire; les interventions chirurgicales sur l’ os de la mâchoire (extraction de dent, implant) doivent être évitées autant que possible sous traitement établi.

Anabolisants osseux

Le tériparatide est une forme recombinante de l’ hormone parathyroïdienne humaine. Il agit par la stimulation de la prolifération et de la différenciation des ostéoblastes. Une garantie de prise en charge des coûts par la caisse d’ assurance maladie est nécessaire avant l’ utilisation. La durée du traitement est limitée à 24 mois. La préparation doit être injectée quotidiennement par voie sous-cutanée. En plus de la préparation originale Forsteo®, il existe désormais de divers biosimilaires (moins chers). Le teriparatide est entre autres contre-indiqué en cas de maladies osseuses malignes ou d’ une radiothérapie antérieure du squelette. Une fois le tériparatide terminé, il est nécessaire d’ enchaîner avec un traitement ultérieur anti-resorptif de suivi, car l’ augmentation de la densité obtenue se perdra sinon totalement.

Le romosozumab (Evenity®) est un anticorps humanisé contre la sclérostine et constitue la deuxième substance à action anabolisante sur l’ os autorisée en Suisse. Outre l’ effet de formation osseuse, il existe aussi un effet antirésorptif. Ce double mécanisme d’ action distingue la substance de tous les autres médicaments à effet osseux autorisés. Le traitement se fait par des injections sous-cutanées mensuelles, sa durée est limitée à un an. Pour le romosozumab également, une garantie de prise en charge par la caisse maladie est nécessaire. La substance n’ est autorisée que pour les femmes postménopausées et est contre-indiquée en cas d’ antécédents d’ infarctus du myocarde ou d’ accident vasculaire cérébral. De même, la densité osseuse obtenue sous romosozumab se perd à la fin du traitement, à moins qu’ un traitement antirésorptif ne soit administré par la suite.

Thérapie séquentielle

Des propriétés des médicaments mentionnés résulte que dans le traitement à long terme de l’ ostéoporose, une stratégie de traitement séquentiel est souvent inévitable. Voici deux casuistiques exemplaires. Dans le deuxième cas, en plus, la possibilité d’ un traitement combiné est evoquée.

Cas 1: Une femme de 62 ans, postménopausée, en bonne santé sur le plan médical, avec une fracture récente de L1 et un score dans la DXA de –4.4 DS au rachis lombaire et de –3.3 DS au col du fémur est mise, en raison d’ un risque imminent de fracture, sous un traitement ostéoformateur de première ligne par romosozumab. Après 1 an de traitement, le T-score est de –2.9 SD à la colonne vertébrale et au col du fémur; aucune nouvelle fracture n’ est apparue. En raison de l’ espérance de vie de la patiente de plus de 10 ans, il est décidé d’ effectuer un traitement de suivi avec un bisphophonate pour 3 à 5 ans. Étant donné qu’ à l’ issue du traitement de suivi, la patiente aura toujours moins de 70 ans, une nouvelle indication de traitement sera sans doute à s’attendre plus tard dans la vie de la patiente.

Cas 2: une patiente âgée de 83 ans, en bonne santé, subit une fracture du sacrum après une chute de sa hauteur. Dans la DXA le T-score de la colonne vertébrale n’ est pas interprétable en raison des altérations dégénératives, celui de la hanche entière est de –1.3 DS et de –1.6 DS au col du fémur. Dans cette constellation, les conditions de prise en charge ne sont remplies ni pour le tériparatide ni pour le romoszumab. Ainsi comme traitement de première ligne restent un bisphosphonate ou le dénosumab. Dans le cas présent, en raison de l’ âge > 80, le choix s’ est porté sur un traitement par dénosumab.

Après 4 ans de traitement par le dénosumab, la patiente présente une fracture spontanée de la 11e vertèbre thoracique, raison pour laquelle les options d’ une escalade thérapeutique doivent être examinées. Le passage à un bisphosphonate ne serait pas une escalade en termes de puissance d’ action, d’ autant plus que le rebond après l’ arrêt du dénosumab n’ est généralement qu’ incomplètement évité par un bisphosphonate. En cas de passage du dénosumab au tériparatide un phénomène de rebond prononcé a été décrit, de sorte que cette séquence est par principe à éviter (10). En ce qui concerne la séquence dénosumab suivi de romosozumab les données disponibles sont insuffisantes. Dans le cas présent, l’ option la plus efficace est la combinaison de dénosumab avec le tériparatide (10) pendant 2 ans, avec poursuite de la thérapie au dénosumab jusqu’ à la fin de la vie.

L’ auteur a publié cet article en allemand dans « der informierte arzt – die informierte ärztin» 02_2024, la traduction en français a été réalisée par les éditeurs. L’ auteur n’ assume aucune responsabilité pour les modifications dues à une traduction.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Gernot Schmid

Médecin responsable en rhumatologie de
l’ Hopital Cantonal de Lucerne
Co-président de plateforme ostéoporose
Spitalstrasse
6000 Luzern

L’ auteur ne présente aucun conflit d’ intérêt avec le sujet présenté dans cet article.

◆ L’ indication de traitement de l’ ostéoporose est basée sur le risque de fracture, calculé à partir du T-score le plus bas dans la DXA (colonne lombaire, de la hanche et du col du fémur) et les facteurs de risque recensés, en utilisant un calculateur de risque.
◆ Plusieurs médicaments à effet osseux sont disponibles qui se distinguent non seulement par leur mode d’ action, mais aussi par leur puissance d’ action.
◆ Lors du choix du médicament, il convient de tenir compte du risque initial estimé, sachant qu’ en cas de risque très élevé/imminent, l’ utilisation de première ligne d’ ostéoanabolisants devrait être envisagée.
◆ Le traitement à long terme de l’ ostéoporose nécessite souvent une stratégie de traitement séquentielle.

1.  Kanis JA, Norton N, Harvey NC, Jacobson T, Johansson H, Lorentzon M, McCloskey EV, Willers C, Borgström F. SCOPE 2021: a new scorecard for osteoporosis in Europe. Arch Osteoporos. 2021 Jun 2;16(1):82.
2. Lippuner K, Moghadam BY, Schwab P. The osteoporosis treatment gap in Switzerland between 1998 and 2018. Arch Osteoporos. 2023 Jan 18;18(1):20.
3. Ferrari S, Lippuner K, Lamy O, Meier C. 2020 recommendations for osteoporosis treatment according to fracture risk from the Swiss Association against Osteoporosis (SVGO). Swiss Med Wkly. 2020 Sep 29;150:w20352.
4. Kendler DL, Marin F, Zerbini CAF, Russo LA, Greenspan SL, Zikan V, et al. Effects of teriparatide and risedronate on new fractures in post- menopausal women with severe osteoporosis (VERO): a multicentre, double-blind, double-dummy, randomised controlled trial. Lancet. 2018;391(10117):230–40.
5. Saag KG, Petersen J, Brandi ML, Karaplis AC, Lorentzon M, Thomas T, et al. Romosozumab or Alendronate for Fracture Prevention in Women with Osteoporosis. N Engl J Med. 2017;377(15):1417–27.
6. Lyles KW, Colón-Emeric CS, Magaziner JS, Adachi JD, Pieper CF, Mautalen C, et al.; HORIZON Recurrent Fracture Trial. Zoledronic acid and clinical fractures and mortality after hip fracture. N Engl J Med. 2007;357(18):1799–809. w
7. Black DM, Reid IR, Cauley JA, Cosman F, Leung PC, Lakatos P, Lippuner K, Cummings SR, Hue TF, Mukhopadhyay A, Tan M, Aftring RP, Eastell R. The effect of 6 versus 9 years of zoledronic acid treatment in osteoporosis: a randomized second extension to the HORIZON-Pivotal Fracture Trial (PFT). J Bone Miner Res. 2015 May;30(5):934-44.
8. Bone HG, Wagman RB, Brandi ML, Brown JP, Chapurlat R, Cummings SR, Czerwinski E, Fahrleitner-Pammer A, Kendler DL, Lippuner K, Reginster JY, Roux C, Malouf J, Bradley MN, Daizadeh NS, Wang A, Dakin P, Pannacciulli N, Dempster DW, Papapoulos S. 10 years of denosumab treatment in postmenopausal women with osteoporosis: results from the phase 3 randomised FREEDOM trial and open-label extension. Lancet Diabetes Endocrinol. 2017 Jul;5(7):513-523.
9. Anastasilakis AD, Polyzos SA, Makras P, Aubry-Rozier B, Kaouri S, Lamy O. Clinical Features of 24 Patients With Rebound-Associated Vertebral Fractures After Denosumab Discontinuation: Systematic Review and Additional Cases. J Bone Miner Res. 2017 Jun;32(6):1291-1296.
10. Leder BZ, Tsai JN, Uihlein AV, Wallace PM, Lee H, Neer RM, Burnett-Bowie SA. Denosumab and teriparatide transitions in postmenopausal osteoporosis (the DATA-Switch study): extension of a randomised controlled trial. Lancet. 2015 Sep 19;386(9999):1147-55.

La perforation de la cloison nasale – quand ça siffle dans le nez

Présentation de cas

Un plâtrier de 49 ans, qui gère sa propre entreprise et qui est constamment pressé par le temps et se présente à votre consultation parce que depuis longtemps, il a de plus en plus de mal à respirer par le nez. De plus, il doit régulièrement se moucher pour enlever de grosses croûtes, parfois sanguinolentes. Actuellement, ce qui le dérange le plus, c’ est qu’ en buvant, il doit à chaque fois obturer son palais avec un morceau de chewing-gum, sinon le liquide s’ écoule dans son nez …
Antécédents personnels: septoplastie nasale il y a 25 ans. Reflux gastro-œsophagien. Pas d’ allergies connues. Fume ½ – 1 paquet de cigarettes par jour depuis de nombreuses années.
Médicaments: pantoprazole 40 mg le matin.
Paramètres vitaux: TA 162/97, pouls 84, régulier. SO2 92 %, température 36,2 °C.
État clinique: la rhinoscopie antérieure montre des croûtes muqueuses sanguinolentes de tous les côtés et une énorme perforation de la cloison nasale qui se perd en profondeur. En direction du sinus maxillaire droit, on constate un défaut avec des conditions très confuses. Dans la cavité buccale, on constate une perforation au niveau du palais droit contre le nez.
L’ inspection du tégument révèle un ulcère cutané d’ environ 4 cm de diamètre dans le dos, que le patient n’ a pas remarqué.

Questions
1. Quelle est la cause présumée de la perforation de la cloison nasale ?
A. Postopératoire après septoplastie
B. Mécanique après des manipulations régulières
C. Granulomatose
D. Post-infectieuse

Réponse : La bonne réponse est C. Les causes les plus fréquentes d’ une
perforation du plancher nasal sont d’ une part la manipulation constante du doigt dans le nez, c’ est-à-dire la «rumination nasale», d’  autre part, postopératoire après une septoplastie nasale. L’ anamnèse, avec la présence régulière de l’ écoulement de croûtes sanguinolentes et l’ examen clinique avec des muqueuses nasales recouvertes de croûtes sanguinolentes en plus de la perforation du septum et du palais plaident cependant dans cette situation en faveur d’ une maladie systémique telle qu’ une granulomatose.

2.  Quelles sont les mesures diagnostiques que vous prenez?
A. Orientation vers un spécialiste ORL pour une biopsie.
B. Compléter l’ anamnèse
C. Tomodensitométrie du nez et des sinus
D. Laboratoire: ANCA

Réponse: Toutes les réponses sont correctes. Par l’ anamnèse complémentaire vous apprenez, en posant des questions plus précises, que le patient consomme régulièrement de la cocaïne. En cas de suspicion de granulomatose, vous demanderez, lors des examens de laboratoire, de déterminer, entre autres, le taux d’ ANCA. Comme les rapports dans le nez sont très confus et qu’ il existe de grandes destructions, vous demandez une imagerie, qui peut inclure un scanner; une IRM serait aussi possible. Pour prélever des biopsies muqueuses ciblées sous contrôle endoscopique en anésthesie topique, vous adressez le patient à un spécialiste ORL avec lequel vous travaillez régulièrement.

Dix jours plus tard, le patient vient vous voir comme prévu pour discuter des résultats. Vous lui expliquez le résultat de la radiologie et l’ informe des résultats de laboratoire. Ici, les c-ANCA positifs sautent aux yeux. L’ histologie montre une inflammation chronique avec granulomes.

3. Quel est le diagnostic le plus probable?
A. Sarcoïdose
B. Granulomatose avec polyangéite
C. Vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA
D. Adénocarcinome des sinus en cas d’ abus de nicotine

Réponse : La réponse correcte est la réponse C. En cas d’ abus régulier de cocaïne, une vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA est la plus probable (appelée “cocaine induced midline destructive lesion”).

Discussion

Le diagnostic différentiel des lésions destructrices de la ligne médiane dans le nez est présenté dans ce tableau :

Chez notre patient, qui consomme régulièrement de la cocaïne, il s’ agit d’ une cause toxique de ces destructions étendues dans le nez, du sinus maxillaire et du palais. Comme le montrent des études récentes sur les eaux usées en Suisse, la consommation de cocaïne est très répandue et doit faire l’ objet d’ une enquête ciblée en cas de lésions dans le nez. D’ une part, la cocaïne provoque elle-même une vascularite associée aux ANCA qui est souvent difficile de distinguer d’ une granulomatose avec polyangéite. En effet, les deux présentent en laboratoire des c-ANCA positifs. Dans ce cas, outre l’ anamnèse, la détermination des anticorps anti-élastase peut aider. D’ autre part, la cocaïne est souvent coupée avec du lévimasol. Le lévamisole est un anthelminthique, utilisé en médecine vétérinaire. Il a en outre un effet immunomodulateur et est censé avoir également un léger effet euphorisant. Comme effet secondaire, il peut provoquer des nécroses de la peau et des muqueuses. Ainsi, notre patient présente également, en plus des résultats impressionnants dans le nez, une nécrose de la peau dans le dos.

Traduction de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 01_2024

Copyright chez Aerzteverlag medinfo AG

Dr Christoph Schlegel-Wagner

Hôpital cantonal de Lucerne
Clinique d’ oto-rhino-laryngologie,
Chirurgie de l’ oreille et du visage (ORL)
Spitalstrasse
6000 Luzern 16

christoph.schlegel@luks.ch

l’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêt en rapport avec cet article.

Références chez l’ auteur

Le diabète gestationnel

Les mesures hygiéno-diététiques font partie intégrante du traitement du diabète gestationnel et ont un impact significatif sur l’évolution du profil glycémique. Les recommandations pour le diabète gestationnel préconisent l’équilibre alimentaire avec un apport nutritionnel adéquat, notamment pour les glucides. Une bonne répartition des glucides sur la journée et la consommation d’aliments complets sont indiqués. La pratique de régimes spécifiques ou de croyances peut avoir un impact sur la consommation des glucides en péjorant le profil glycémique de la patiente.

Dietary measures are an integral part of treatment of gestational diabetes and have a significant impact on changes in glycemic profile. Recommendations for gestational diabetes include a balanced diet with adequate nutritional intake, particularly of carbohydrates. Carbohydrates should be distributed evenly throughout the day and the intake of whole foods should be encouraged. Specific diets or beliefs may have an impact on the carbohydrate consumption, that subsequently can adversely affect the patient’s glycemic profile.
Keywords: Gestational diabetes, Nutrition, Carbohydrates, Ketones, Fiber

Introduction

Le diabète gestationnel (DG) est diagnostiqué par une hyper­glycémie provoquée par voie orale (HGPO) contenant 75 g de glucose, réalisée entre la 24 et 28ème semaine de grossesse (1). Un DG augmente le risque de développer un diabète de type 2 en post-partum (7 x plus fréquent) (2), ainsi que des maladies cardio-vasculaires (3). En première intention, l’ activité physique et les mesures hygiéno-diététiques sont les deux axes d’ intervention favorisés. Si le profil glycémique ne s’  améliore pas, des injections d’  insuline peuvent être nécessaires. Cet article abordera uniquement les mesures hygiéno-diététiques proposées lors du diagnostic d’  un DG.

Equilibre alimentaire

Assiette équilibrée

Les mesures hygiéno-diététiques recommandées en cas de DG sont très proches de l’  alimentation équilibrée préconisée pour tout un chacun. Les études actuelles recommandent des apports caloriques similaires à ceux des femmes enceintes sans DG (4), avec une répartition des repas sur deux à trois prises par jour selon les habitudes alimentaires de la patiente. Selon le niveau de faim, il est possible d’  introduire une à deux collations par jour, à consommer en dehors des horaires de contrôle glycémique (soit après les 2 h post-prandiales). D’ après la Société Suisse de Nutrition (SSN), la répartition des aliments dans l’ assiette devrait se faire comme suit: 2/5 de légumes, 2/5 de féculents et 1/5 d’ aliments protéiques (5).

Trois Messages clés au niveau diététique

Dès la détection du DG, les gynécologues peuvent transmettre des premiers conseils diététiques pouvant favoriser une amélioration des glycémies.

1 Privilégier un petit déjeuner faible en glucides
En Suisse, les habitudes alimentaires comprennent habituellement un petit déjeuner à base de pain blanc, de beurre et de confiture. Une consommation importante de glucides lors du petit déjeuner pourrait péjorer la valeur glycémique post-prandiale. Un petit-déjeuner salé à base de composantes protéiques non glucidiques (fromage, œuf) pourra être favorisé. Il est encouragé de supprimer la consommation de jus de fruits ou de thé/café sucrés en préconisant la consommation de boissons non sucrées. Afin d’ améliorer l’ absorption du fer, on pourra conseiller l’ utilisation du kiwi, riche en vitamine C (environ 80 mg/100 g) pour substituer le jus d’ orange.

2 Favoriser les aliments complets
La majoration des fibres alimentaires est un des premiers axes des mesures hygiéno-diététiques proposées dans le cadre du DG. Il existe deux types de fibres ayant toutes deux un impact positif sur le prolongement de la sensation de satiété. Les fibres insolubles permettent de faciliter le transit des selles dans l’ intestin agissant en prévention de la constipation, problématique fréquente dans la grossesse. Les fibres solubles ralentissent le fonctionnement des enzymes digestives par leur viscosité (6). Cet effet peut réduire les pics de glycémies postprandiales (7). La majorité des aliments complets contiennent à la fois des fibres solubles et insolubles. Ces deux types de fibres augmentent la satiété, de ce fait une majoration de la consommation d’ aliments complets peut être proposée. Un aliment est qualifié de «riche en fibres» s’ il contient au moins 6 g de fibres alimentaires par 100 g (8).

3 Autoriser les doubles-féculents en adaptant la consommation totale
Il est fréquent d’ entendre les soignants déconseiller la prise de doubles féculents chez les patientes présentant un DG, telle que la combinaison de légumineuses et de céréales. En effet, la consommation de doubles féculents entraîne usuellement un dépassement des 2/5 de féculents préconisés par l’ assiette optimale. Cependant, lorsque l’ apport total en féculents correspond à la répartition de l’ assiette de la SSN, il n’ est pas nécessaire de demander un arrêt du mélange du féculent. Consommer un féculent unique pourrait même être délétère. Si une patiente consomme du riz et des lentilles proportionnées selon les 2/5 d’ une assiette accompagnée de légumes et de viande, il serait désavantageux de lui demander de consommer uniquement du riz. Une telle suppression impliquerait la perte de l’ effet bénéfique des fibres contenues dans les lentilles. (Fig. 1)

Régimes

Régime cétogène

Selon l’ American Diabetes Association (ADA), il convient d’ éviter, dans le cadre du DG, des régimes qui restreignent fortement toute catégorie de macronutriments, en particulier le régime cétogène (very low carb) (4). Ce régime contient principalement des lipides et des protéines mais très peu de glucides, entre 20 et 50 g par jour. En dessous de 50 g une augmentation des corps cétoniques est prévisible. À hautes concentrations, ils risquent d’ affecter la grossesse ainsi que le développement neurocognitif fœtal (9). Nous préconisons une mesure des cétones lorsque le régime alimentaire apporte moins de 100 g de glucides, peu répartis sur la journée. Une mesure des cétones est obligatoire lorsque l’ apport glucidique est inférieur à 50 g. Cette mesure est effectuée en capillaire après une nuit à jeun. Une valeur de 0.6mmol/l chez la femme enceinte signifie une élévation significative (10). Comme les valeurs rapportées chez des femmes sans DG sont de 0.1-0.2 mmol/l, nous avons choisi un seuil de précaution à 0.3 mmol/l (10). De plus, remplacer les glucides par des protéines et des graisses d’ origine animale peut augmenter la lipolyse, favoriser l’ élévation des acides gras libres et aggraver la résistance à l’ insuline (4). De ce fait, il n’ est pas conseillé à une femme de poursuivre un régime cétogène dans le cadre d’ une grossesse, avec ou sans DG.

Croyances/Régimes et Jeûne religieux

Croyances/Régimes.
Suite à l’ annonce d’ un DG, il faut s’ assurer que la patiente ne réduise pas de façon drastique ses apports glucidiques, dans une volonté d’ optimiser ses valeurs glycémiques. Les principales sources de glucides supprimées en première intention sont généralement les féculents, qui ont le rôle de «carburant énergétique» de l’ organisme. Les recommandations préconisent un apport glucidique réparti en 3 repas moyens. Il est donc nécessaire de viser une bonne répartition des glucides sur la journée tout en favorisant des glucides riches en fibres, tels que les légumineuses.
Une attention particulière devrait être portée aux femmes avec une maladie cœliaque ou une intolérance au gluten, car les produits sans gluten peuvent être plus riches en glucides et avoir une plus faible teneur en fibres.

Jeûne Religieux: Le Ramadan.
Le jeûne est une coutume répandue dans plusieurs communautés religieuses, dont la pratique du Ramadan pour la religion musulmane. Le Ramadan implique que la prise alimentaire se fasse uniquement le matin tôt avant le lever du soleil (suhoor) et après le coucher du soleil (iftar). L’ outil de stratification IDF DAR (International Diabetes Federation – Diabetes and Ramadan Alliance) a été conçu afin de quantifier le risque chez les patientes ayant exprimé leur intention de jeûner pendant le Ramadan (11). Selon le résultat du score, le jeûne ne sera pas préconisé lors d’ une grossesse avec DG. Le risque d’ augmentation des corps cétoniques est majoré par le jeûne et par la grossesse. Le seuil des corps cétoniques à 0.3 mmol/l avant le repas pourrait être un choix résonné afin d’ accompagner la patiente vers une sortie du Ramadan. En cas de maintien du Ramadan, la limitation de prises d’ aliments très riches en glucides, tels que les jus de fruits, peut être conseillée, tout en favorisant la consommation de fibres ainsi qu’ une bonne hydratation.

Végétalisme

Le végétalisme ou véganisme est une forme d’ alimentation qui exclut tous les produits d’ origine animale, à l’ exception du lait maternel. Dans la grossesse, les besoins en protéines de la mère sont augmentés (12). Il est donc nécessaire d’ avoir une couverture protéique suffisante. L’ éviction des protéines animales nécessite une diversification des sources de protéines végétales. L’ alimentation végétalienne se compose principalement de légumineuses, de tofu, de tempeh, de boissons et de yogourts à base de soja, de céréales ou encore de fruits à coques (13). L’ utilisation de protéines végétales sous forme de légumineuses ou de céréales présente le risque d’ augmenter la quantité de glucides à chaque repas, impactant ainsi le profil glycémique de la patiente. Au-delà du cadre du DG, l’ alimentation végétalienne peut amener des carences en acides gras oméga –3, en fer, en zinc, en iode, en calcium, en vitamine D et B12 (14). Une alimentation végétalienne dans le cadre d’ un DG n’ est pas recommandée, elle requiert des connaissances diététiques très spécifiques pour prévenir les risques de carences sur la grossesse et en post-partum, tout en impliquant un risque de majoration des apports glucidiques sur la journée.

Conclusion

Selon l’ Endocrine Society, un suivi diététique est recommandé pour toutes les femmes enceintes souffrant d’ un DG (15). Le rôle de la diététicienne consiste à proposer des adaptations alimentaires en fonction de l’ appétit de la patiente, de ses préférences, de sa courbe pondérale et de son IMC de pré-grossesse, de l’ évolution de ses glycémies et si nécessaire de la prescription de l’ insuline. L’ enjeu est de favoriser l’ équilibre glycémique, tout en assurant un apport nutritionnel adéquat et en limitant la prise pondérale de la patiente selon les recommandations. La restriction et les régimes spécifiques dans le cadre du DG peuvent entrainer des risques pour la femme enceinte et pour le fœtus. Leurs pratiques doivent donc être contrôlées par une équipe médicale qualifiée.

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Cet article est une deuxième tirage de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 09_2024.

Olivier Le Dizès

Diabetesberater 
CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne

Anaëlle Pignolet-Marti

Ernährungsberaterin SVDE 
CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne

Sybille Schenk

Ernährungsberaterin SVDE 
- CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Avenue de la Sallaz 8
1011 Lausanne
- CHUV, Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme
Service d’obstétrique
Avenue Pierre-Decker 2
1011 Lausanne

Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’ intérêts potentiels.

  • Les études actuelles recommandent aux femmes présentant un diabète gestationnel (DG) des apports caloriques similaires à ceux des femmes enceintes sans DG.
  • La majoration des fibres alimentaires est un des premiers axes des mesures hygiéno-diététiques proposées dans le cadre du DG.
  • Nous préconisons une mesure des cétones lorsque le régime ­alimentaire apporte moins de 100 g de glucides par jour, peu répartis sur la journée.
  • Un suivi diététique est à recommander pour toutes les femmes avec une prise de poids excessive dans les premiers mois de grossesse ou présentant un IMC de départ élevé.

1. International Association of Diabetes and Pregnancy Study Groups Recommendations on the Diagnosis and Classification of Hyperglycemia in Pregnancy. Diabetes care 2010;33:676-680
2. Bellamy L, Casas JP, Hingorani AD, Williams D. Type 2 diabetes mellitus after gestational diabetes: a systematic review and meta-analysis. The Lancet. 2009;373(9677):1773-1779. doi:10.1016/S0140-6736(09)60731-5
3. Kramer CK, Campbell S, Retnakaran R. Gestational diabetes and the risk of cardiovascular disease in women: a systematic review and meta-analysis. Diabetologia. 2019;62(6):905-914. doi:10.1007/s00125-019-4840-2
4. American Diabetes Association. Management of Diabetes in Pregnancy: Standards of Care in Diabetes—2024. Diabetes Care 2024;47:282–294
5. Société Suisse de Nutrition. Assiette optimale [En ligne].[cité le 23 avril 2024]. Disponible: Feuille_d_info_assiette_optimale_2016_2.pdf (sge-ssn.ch)
6. Schenk S, Andrey M, De Giorgi S, Le Dizes O & J.Puder, J. Quelle place pour une alimentation low-carb ou à index glycémique bas dans le diabète gestationnel ? Rev Med Suisse 2021 ;17:1083-6
7. Jovanovski E, Khayyat R, Zurbau A et al. Should viscous fiber Supplements be considered in Diabetes Control ? Results from a Systematic review and Meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Care 2019;42:755-66
8. Ordonnance du DFI concernant l’ information sur les denrées alimentaires (RS 817.022.16) (État le 1er février 2024).
9. De Giorgi S, Kosinski C, Legardeur H, Le Dizes O & J.Puder J. Le rôle des cétones dans la grossesse. Forum Médical Suisse. 2022;22(38):44-48
10. Laffel L. Ketone bodies: a review of physiology, pathophysiology and application of monitoring to diabetes. Diabetes Metab Res Rev. 1999;15:412–26
11. Hassanein M, Al-Arouj M, Hamdy O, Bebakar WMW, Jabbar A, Al-Madani A, et al. Diabetes and Ramadan: Practical guidelines. Diabetes Res Clin Pract 2017;126:303-16
12. Centre de Ressources et d’Informations Nutritionnelles. Références nutritionnelles pendant la grossesse et l’ allaitement [En ligne]. [cité le 23 avril 2024]. Disponible: Références nutritionnelles pendant la grossesse et l’allaitement – Populations – Cerin
13. Société Suisse de Nutrition. L’ alimentation de la femme enceinte [En ligne]. [cité le 23 avril 2024]. Disponible: Feuille_d_info_femme_enceinte-2019.pdf (sge-ssn.ch)
14. Müller P, Rose K, Hayer A, Petit L.M & Laimbacher J. (2020). Guide d’ alimentations végétarienne et végétalienne pour nourrissons et enfants en bas âge. [En ligne]. [cité le 7 mai 2024]. Disponible: 2020.03.11-FR_Handlungsanweisungen_vegetarische_vegane_Ernahrung-1.pdf (paediatrieschweiz.ch)
15. Blumer I, Hadar E, Hadden DR, Jovanovič L, Mestman JH, Murad MH, Yogev Y. Diabetes and pregnancy: an endocrine society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab. 2013 Nov;98(11):4227-49

Recommandations pour le diagnostic et le ­traitement des symptômes de la démence (SCPD)

Les «Recommandations pour le diagnostic et le traitement des symptômes comportementaux et psychiques de la démence (SCPD)» ont été élaborées parallèlement à la Stratégie nationale suisse sur la démence 2014–2019, sous la houlette de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA). Elles constituent le début d’ une série de recommandations concernant les troubles psychogériatriques. Fondées sur l’ expérience clinique des experts et conçues pour être utilisées dans un contexte interprofessionnel et interdisciplinaire, elles représentent l’ état actuel des connaissances sur le diagnostic et la thérapie. Les options d’ intervention non pharmacologique et la pharmacothérapie sont discutées en détail. Cette publication est la version révisée de la publication de 2014. Elle compile les développements dans ce domaine pour la pratique clinique quotidienne.

The «Recommendations for the Diagnosis and Treatment of Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia (BPSD)» were developed in parallel with the Swiss National Dementia Strategy 2014–2019 under the auspices of the Swiss Society of Old Age Psychiatry and Psychotherapy (SGAP) and mark the beginning of a series of recommendations for geriatric psychiatric disorders. They depict the evidence-based state of knowledge about diagnostics and therapy, based on the clinical experience of the experts, and are designed for interprofessional and interdisciplinary use. The non-pharmacological intervention options and pharmacotherapy are discussed in detail. This paper is the revised version of the 2014 publication and compiles the development in this area for everyday clinical practice.

Key Words: Dementia, BPSD, Alzheimer, Diagnostic, Therapy

Les pathologies de la démence s’ accompagnent de troubles cognitifs, mais également d’ une série de symptômes psychiatriques qui en rendent l’ évolution difficile et représentent un lourd fardeau pour les personnes concernées et pour celles qui les prennent en charge (1–3). Les symptômes comportementaux et psychiques de la démence (SCPD) comprennent des manifestations telles que l’ apathie, la dépression, l’ euphorie, l’ anxiété, l’ agitation/agressivité, le délire, les hallucinations, l’ agitation motrice, l’ irritabilité, la désinhibition (sexuelle et/ou l’ hypo-oralité/ l’ hyper­oralité) et les troubles du sommeil. Au cours de leur maladie, presque toutes les personnes atteintes d’ une démence développent divers SCPD, les plus répandus étant l’ apathie et la dépression (3). La dépression apparaît surtout dans la phase précoce de la démence et peut constituer une symptomatique prodromique. Les symptômes psychotiques surviennent plutôt dans une phase tardive. Les troubles du sommeil se manifestent par une diminution de la durée du sommeil nocturne, la fragmentation du sommeil avec davantage de phases d’ éveil, une fatigue diurne, la réduction de la phase REM et le sundowning – caractérisé par une anxiété, une agitation et un état confusionnel à l’ approche du soir. Le diagnostic et le traitement des SCPD sont rendus plus complexes par la polymorbidité et la fragilité observées dans ce groupe d’ âge, ainsi que par la polypharmacie qui en découle. Lors de la pose des indications thérapeutiques, il est donc essentiel de bien évaluer la situation et de choisir, parmi les possibilités de traitement à disposition, celles qui sont le plus adaptées, sur la base des données scientifiques.

En 2014, sous la houlette de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA), un groupe d’ experts interprofessionnel et interdisciplinaire a élaboré des Recommandations pour le diagnostic et le traitement des symptômes comportementaux et psychiques de la démence, en version longue et abrégée (1, 2). De 2021 à 2023, ces recommandations ont été révisées et étendues. Elles sont disponibles depuis 2024 sous forme de manuel complet (3). La présente version abrégée repose sur le manuel susmentionné. Elle propose un résumé des principaux thèmes à l’ intention d’ un large public. Les deux publications visent à exposer les principes du diagnostic et du traitement des SCPD sur la base des preuves scientifiques actuelles et de l’ expérience clinique.

Introduction

Les études contrôlées font souvent défaut pour les médicaments utilisés en psychiatrie de la personne âgée, et on enregistre très peu de nouvelles autorisations. Il faut donc pallier ce manque de données probantes par des recommandations d’ experts consensuelles – comme le propose le présent document pour les SCPD – afin d’ intégrer l’ expérience clinique dans ce domaine. C’ est avant tout pour les approches thérapeutiques non médicamenteuses que les preuves scientifiques manquent. Ces recommandations visent à les mettre en avant et à les appuyer par l’ expertise clinique. Étant donné que dans ce groupe de patients présentant des polymorbidités, les psychotropes s’ accompagnent souvent d’ effets secondaires et de risques d’ interactions, les recommandations préconisent en première intention des thérapies non médicamenteuses. Celles-ci doivent en outre se poursuivre même s’ il y a prescription de psychotropes.

Les présentes recommandations sont élaborées dans une démarche interprofessionnelle et interdisciplinaire, qui correspond à l’ approche holistique des pathologies gériatriques. L’ application des traitements – non médicamenteux surtout – et l’ évaluation standardisée nécessitent un personnel soignant, thérapeutique et médical spécialisé, qui bénéficie de formations régulières et de supervisions en psychiatrie de la personne âgée. Il convient également de disposer de divisions spécialement équipées, proposant une infrastructure adaptée aux personnes âgées et qui favorise l’ activation, la participation, le bien-être, la mobilité et l’ orientation (3). La pharmacothérapie des SCPD pose une difficulté particulière: pour les antipsychotiques p. ex., seules deux substances sont autorisées pour ces indications (halopéridol et rispéridone), et l’ utilisation d’ autres médicaments se fait hors étiquette. Cela est fondamentalement possible si le traitement est dispensé selon les règles reconnues de l’ art médical et qu’ un devoir étendu et suffisant d’ information et de documentation est respecté. Néanmoins, cette procédure est complexe. En effet, la capacité de jugement de la personne concernée est altérée en raison de sa maladie, ce qui rend son information difficile et nécessite un investissement important pour l’ établissement du plan de traitement. Dès lors, toutes les options thérapeutiques ne sont souvent pas disponibles, ce qui peut engendrer des problèmes éthiques et thérapeutiques (3).

Facteurs pathogéniques

Sphère neurobiologique

L’ apparition des SCPD est favorisée notamment par des altérations structurelles et des modifications au niveau des neurotransmetteurs (3). Dans la plupart des cas, le cortex cingulaire antérieur et le cortex orbitofrontal sont concernés. Les troubles du système fronto-limbique, relié à l’ hippocampe, à l’ amygdale, au noyau caudé et au cortex frontal, sont responsables de la dépression, tandis que les lésions du circuit cingulaire antérieur sous-cortical peuvent entraîner l’ apathie. En cas d’ agitation, on constate souvent un déficit sérotoninergique – avec une fonction dopaminergique relativement bien conservée – et une hyperactivité des neurones noradrénergiques post-synaptiques. La survenue des symptômes psychotiques est liée à la voie mésolimbique dopaminergique ainsi qu’ aux systèmes sérotoninergique et glutamatergique.

Sphère psychosociale

Parmi les facteurs psychiques internes figurent notamment les objectifs que la personne âgée n’ a pas pu réaliser dans sa vie et qui la préoccupent, ainsi qu’ une dissociation entre soi-même et l’ environnement. D’ autres facteurs liés à l’ entourage jouent également un rôle important dans l’ apparition des SCPD. Il peut s’ agir par exemple de la charge pesant sur les proches, du mode de communication des personnes s’ occupant de la prise en charge ou du manque d’ activités quotidiennes agréables et ayant du sens. Selon le modèle de comportement orienté sur les besoins dans le cas de démence, les SCPD sont considérés comme l’ expression de besoins non satisfaits. Ils peuvent aussi être des réactions à des comportements des proches aidants ou des soignants qui déclenchent stress et émotions négatives.

Infrastructure

Des éléments architecturaux et d’ autres facteurs liés à l’ environnement – design et aménagement des locaux, éclairage, bruits, odeurs, température et routines de l’ établissement – peuvent contribuer à l’ apparition de SCPD ou, au contraire, aider à les atténuer. Pour les personnes atteintes de démence, la forme d’ habitat la plus favorable semble être la cohabitation en petits groupes. Une répartition claire et simple des locaux, permettant le déplacement en toute sécurité, des espaces pour la vie sociale, des possibilités de retrait et de tranquillité, ainsi qu’ une chambre individuelle pour garantir la sphère privée constituent des mesures supplémentaires importantes.

Comorbidités

Des facteurs médicaux sont également susceptibles de provoquer des SCPD. À signaler dans ce contexte les infections urinaires, l’ anémie, l’ hypothyroïdie, la constipation, les troubles électrolytiques, l’ insuffisance rénale, l’ hypoxie, les infections, les douleurs, les accidents vasculaires cérébraux, les traumatismes, la perte auditive ou certains médicaments (en particulier les anticholinergiques et les opioïdes).

Collaboration interprofessionnelle et interdisciplinaire – base du diagnostic et du traitement

Le principe de la prise en charge centrée sur la personne tout au long de l’ évolution de la maladie, la polymorbidité, la multifactorialité des SCPD et la nécessité de recourir à des procédures d’ évaluation et à des traitements divers appellent une approche globale, interprofessionnelle et interdisciplinaire. Le succès du traitement dépend de la concertation et de la coordination au sein de l’ équipe, qui permettent d’ adapter la prise en charge en continu, en fonction de l’ observation de la personne concernée. La collaboration interprofessionnelle doit être promue dès la formation et peut être encouragée par des rotations, la supervision, la formation continue ainsi que le développement de conceptions communes et d’ une attitude éthique. Cette approche requiert le financement de la prise en charge coordonnée par des systèmes tarifaires (3).

Approches holistiques et processus structurés

Tandis que, dans la gestion des SCPD, les interventions ponctuelles n’ ont d’ effets qu’ à court terme si l’ environnement des personnes concernées n’ est pas adapté à leurs besoins, les approches holistiques ont de meilleurs résultats, car, autant que possible, elles prennent en compte tous les aspects de la vie et du vécu dans l’ entourage social, de même que les facteurs déclenchants des SCPD. Trois approches ont été étudiées de manière approfondie (3):

Approche centrée sur la personne

La méthode se définit par trois thèmes clés, chacun subdivisé en deux sous-thématiques: le lien avec la personne concernée (incluant une individualisation marquée des soins, axés sur les besoins de la personne, et la prise en compte de la dimension interpersonnelle dans l’ établissement de la relation), le lien avec la pratique (aborder la personne avec respect et empathie, préserver son autonomie et sa sphère privée, et lui accorder l’ espace nécessaire pour bien comprendre et percevoir) et enfin le lien avec les relations de pouvoir (en supprimant les relations de pouvoir inéquitables et en faisant tomber les obstacles dans la culture du travail et les conditions générales). L’ approche repose sur l’ idée que les mesures favorisant la qualité de vie et le bien-être dans les facteurs environnementaux, l’ individualisation des soins et le développement ainsi que la préservation des aptitudes et compétences en matière de soins et d’ accompagnement sont susceptibles d’ influer positivement sur les SCPD.

Le modèle comprend les domaines suivants: facteurs d’ ordre supérieur (politique sanitaire, développement du personnel et ancrage dans l’ orientation stratégique), facteurs concernant le personnel spécialisé (connaissance de soi, compétences professionnelles et motivation), environnement des soins («skill-mix» adapté, processus décisionnels communs, équipe soudée, organisation apte à soutenir et innovation), processus de soins centrés sur la personne (décisions communes, personnel travaillant dans le respect des valeurs et des convictions des personnes concernées, soignant selon une approche holistique, mettant l’ accent sur les aspects relationnels et faisant preuve d’ empathie). Ces conditions et ces processus favorisent des résultats centrés sur la personne (expérience de soins positive, bien-être et culture propice à la santé).

Modèles Eden Alternative et Green house

Ces modèles concernent avant tout les soins de longue durée. Ils visent à supprimer les hiérarchies dans l’ accompagnement, à permettre aux personnes concernées de participer aux décisions et à concevoir la vie en institution comme un environnement de type familial. Ces éléments doivent atténuer la solitude et la perte de sens. Il s’ agit de donner à l’ entourage le caractère le plus privé possible, en favorisant les contacts sociaux et la présence d’ animaux et de plantes. Le modèle Green house prévoit des logements de groupe indépendants comptant au maximum dix résidents et comprenant des locaux communs d’ habitation, un jardin, la possibilité de cuisiner – le tout encadré par un personnel qualifié.

L’ approche Montessori

Le concept a pour but de maintenir et d’ améliorer l’ autonomie, l’ indépendance et la qualité de vie. L’ autocorrection des activités, dans lesquelles la personne concernée reçoit un retour sur le succès de la réalisation, en est un des éléments principaux. L’ activité est démontrée et induite, puis accomplie sans diversion. Elle doit avoir du sens et viser la satisfaction des besoins. Du matériel du quotidien y est intégré. L’ activité est mise en œuvre par étapes et un retour est donné une fois l’ activité achevée. Les lectures à voix haute ou les jeux de rôles se prêtent particulièrement bien aux activités de groupe. Il s’ agit pour les personnes concernées d’ expérimenter des sentiments positifs et des succès.

Processus structurés

Pour atténuer durablement les SCPD, il convient de trouver chez la personne concernée la cause individuelle, le déclencheur et les raisons du mode de comportement observé (3). Les processus structurés comprennent des modèles s’ appuyant sur le NDB (Need-Driven Dementia-Compromised Behavior-Model), à savoir le modèlede comportement orienté sur les besoins dans le cas de démence.

Serial Trial Intervention (STI)
L’ instrument STI est un protocole de traitement échelonné en cinq étapes: les deux premières comprennent une analyse physique et affective des besoins, la troisième consiste en interventions non pharmacologiques, la quatrième est un traitement de la douleur et la cinquième englobe des interventions pharmacothérapeutiques.

Diagnostic compréhensif
Cette approche est un processus systématique qui consiste à développer une compréhension au sein de l’ équipe interprofessionnelle et avec les proches. Deux instruments se sont avérés particulièrement utiles à cet égard: l’ analyse de comportement ABC et l’ IdA (système d’ évaluation innovant axé sur la démence). L’ analyse de comportement ABC fait partie intégrante des deux instruments. Le «A» est pour «antécédents possibles», le «B» (behavior) pour «comportement observé» et le «C» pour «conséquences/réactions».

TIME
L’ instrument TIME (Targeted Interdisciplinary Model for Evaluation and Treatment of Neuropsychiatric Symptoms – modèle interdisciplinaire ciblé pour l’ évaluation et le traitement des symptômes neuropsychiatriques) consiste en une étude de cas structurée qui se subdivise en plusieurs phases: phase d’ enregistrement et d’ appréciation, phase de réflexion guidée et phase d’ action et d’ évaluation.

DICE
L’ instrument DICE (Describe, Investigate, Create and Evaluate) recommande les étapes suivantes pour les SCPD: décrire (symptômes), investiguer (causes modifiables), élaborer (plan de traitement) et évaluer (examiner les mesures).

BPSD-DATE
Un groupe de travail formé par des cliniques universitaires suisses recommande d’ utiliser l’ algorithme BPSD-DATE pour évaluer les causes et les facteurs déclenchants des SCPD et développer l’ instrument DICE.

Évaluation multimodale

Procédures d’ évaluation psychopathologique et neuropsychologique

Pour l’ évaluation des SCPD, une procédure standardisée au moyen d’ instruments d’ hétéro-évaluation est recommandée (3). Sur les 138 outils publiés, les plus appropriés pour la clinique et la recherche sont l’ inventaire neuropsychiatrique (NPI) et le Behavioral Pathology in Alzheimer’ s Disease Rating Scale (BEHAVE-AD). Le NPI comprend 12 symptômes neuropsychiatriques: idées délirantes, hallucinations, agitation/agressivité, dépression/dysphorie, anxiété, euphorie, apathie, désinhibition, irritabilité, comportement moteur aberrant, troubles du sommeil et troubles de l’ appétit. Il comporte en outre des questions spécifiques aux symptômes. L’ avis des proches et la charge qu’ ils portent sont pris en considération. La réalisation du NPI nécessitant beaucoup de temps, un questionnaire ad hoc a été élaboré (NPI-Q). Dans cet outil, les questions spécifiques aux symptômes sont supprimées et les proches peuvent répondre de manière autonome. Pour les soins de longue durée, les instruments de relevé des besoins RAI et BESA permettent déjà des évaluations utiles dans certains cas.
L’ échelle de dépression gériatrique (EDG) est un questionnaire d’ auto-évaluation comprenant 15 questions auxquelles il s’ agit de répondre par «oui» ou par «non». Son contenu est très simple et il peut aisément être utilisé chez des personnes présentant une démence légère. L’ Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield (IACM) est un outil d’ hétéro-évaluation qui permet d’ objectiver l’ agitation de manière détaillée.
L’ algorithme d’ intervention «BPSD-DATE» commence par une description des problèmes avec des indications relatives au contexte, aux facteurs déclenchants et aux aspects de sécurité. Dans une deuxième étape, la situation est analysée avec tentatives d’ explications subjectives. La troisième étape consiste à planifier et à mettre en œuvre les interventions et la quatrième à évaluer et éventuellement adapter les mesures. Cette procédure standardisée est recommandée pour améliorer la qualité de l’évaluation.

Diagnostic différentiel

Le syndrome confusionnel et la dépression du sujet âgé présentent le chevauchement symptomatique le plus fréquent avec les SCPD. Les psychoses affectives et schizophréniques, les accidents vasculaires cérébraux, les néoplasies cérébrales et les troubles du développement intellectuel sont également à prendre en considération dans le diagnostic différentiel.

Le syndrome confusionnel est le plus souvent un événement aigu avec une symptomatologie fluctuante et des troubles de la conscience, tandis que la démence est une maladie chronique sans atteinte de la conscience. Lorsque la cause de l’ état confusionnel est identifiée et traitée, la confusion s’ atténue. Les sous-types du syndrome confusionnel – hyperactif et hypoactif – se distinguent du point de vue symptomatique. En cas d’ état confusionnel, il s’ agit de faire un diagnostic de laboratoire orienté sur les causes parallèlement à l’ anamnèse exhaustive des facteurs de risques. Les outils les plus utilisés sont le Delirium Observation Scale – DOS (échelle de détection et d’ observation de la confusion) et la Confusion Assessment Method – CAM (dépistage de l’ état confusionnel aigu). S’ y ajoutent depuis peu les instruments 4AT et I-AgeD. Pour les SCPD tels que la dépression, l’ anxiété, l’ apathie et les troubles du sommeil, le diagnostic différentiel par rapport à la dépression gériatrique n’ est pas aisé. Pour cette dernière, l’ examen neuropsychologique met en évidence en priorité des troubles de la fonction exécutive, de la mémoire épisodique, de l’ attention et de la vitesse d’ exécution. Dans la démence au contraire, on constate avant tout des troubles de la mémoire primaire, des symptômes d’ aphasie et d’ apraxie constructive ainsi que des troubles de l’ orientation et des difficultés à reconnaître des personnes ou des objets.

Mesures psychosociales dans les soins

Mesures destinées à renforcer l’ équipe

La culture de l’ organisation est un facteur clé dans la gestion des SCPD (3). Il s’ agit de renforcer les équipes dans leur capacité à privilégier les mesures non pharmacologiques pour atténuer les SCPD. Les formations (conférences, ateliers – offres en ligne) montrent de bons résultats si elles sont proposées à long terme et réitérées. Elles sont de nature à accroître l’ auto-efficacité. Associés aux études de cas en tant que composantes d’ interventions pluridimensionnelles, les plans de soins et de traitement développés avec les personnes concernées et leurs proches et prenant en compte les aptitudes individuelles sont également efficaces et susceptibles de réduire la charge des soignants et des proches aidants. Le soutien des proches par des entretiens et la psychoéducation constitue le fondement des mesures psychosociales. S’ ils comprennent les causes des SCPD, les proches peuvent être intégrés de façon constructive dans la planification et la mise en œuvre du plan thérapeutique.

Mesures auprès des personnes concernées

L’ accent placé sur les aspects relationnels, des soins centrés sur la personne et un changement de culture et de processus vers des mesures psychosociales sont des conditions favorisant le succès des interventions. Il convient de les proposer selon une approche multiprofessionnelle. Des ressources suffisantes en temps et en personnel sont aussi importantes que des formations et un accompagnement dans la pratique, de façon que les soignants et les proches aidants puissent élargir leur champ d’ action auprès de personnes atteintes de démence. Ces mesures se subdivisent en trois catégories, selon leur orientation (3): orientation vers la sensorialité (soins par la musique, les arômes, la lumière, le snoezelen, le jardin sensoriel, les activités en compagnie d’ animaux, la technologie d’ assistance intelligente, les massages/le toucher, la stimulation basale, la thérapie par l’ image positive et la thérapie par les clowns) ; orientation vers la cognition (thérapie de présence simulée, méthodes orientées vers la cognition et la communication, validation) ; orientation vers le mouvement (mouvement, activités en extérieur, danse et kinesthésie). Dans toutes les catégories, il existe des éléments probants de degrés divers relatifs à l’ efficacité des mesures. Il est essentiel d’ adapter les mesures à chaque personne, en fonction de ses symptômes spécifiques et de son vécu.

Entourage

Adapter les facteurs environnementaux, en veillant à éviter aussi bien l’ excès que le manque de stimuli sensoriels, a une influence positive sur les SCPD. Pour les personnes concernées, les meilleures conditions consistent en unités d’ habitation de petite taille aménagées comme des logements, en forme de L, de H ou en carré. Le nombre de résidents ne devrait pas excéder 15. La lumière et l’ éclairage, les couleurs et les contrastes, la température, l’ acoustique, les aspects olfactifs, les installations (mains courantes, aménagement de la cuisine, salles d’ eau, etc.) et l’ intimité des locaux sont des facteurs supplémentaires qui jouent un rôle important.

Gestion de comportements spécifiques

Agressivité
Abaisser la charge des proches aidants et des soignants est déterminant pour réduire l’ agressivité. Il s’ agit de mettre suffisamment de soutien et de ressources à leur disposition. Les formations, les cours et les études de cas ont fait leurs preuves. Les groupes de vie de petite taille, la préservation de la sphère privée et intime, l’ aménagement de l’ environnement et du quotidien selon les besoins individuels, des soins corporels exempts de stress et une bonne hygiène du sommeil sont également des mesures efficaces. Les approches basées sur la musique, le mouvement, la danse, les massages/le toucher et les activités en plein air peuvent elles aussi s’ avérer utiles.

Désinhibition sexuelle
Une réflexion personnelle menée en amont sur le thème de la sexualité est nécessaire pour bien gérer ce type de comportement. Malgré cela, la désinhibition sexuelle peut être vécue par les soignants comme un harcèlement. Il convient de trouver un équilibre entre les droits individuels des personnes concernées et la protection des proches aidants et des soignants. Des formations, des études de cas et un processus structuré comprenant une analyse du comportement et des facteurs déclenchants, ainsi qu’ une planification individuelle des soins peuvent avoir un effet préventif. D’ autres mesures sont efficaces: ignorer les remarques inappropriées, détourner l’ attention, interrompre l’ activité de soins en cours, exprimer un «non» clair, maintenir une distance physique, intégrer deux soignants ou proches aidants dans les soins, donner en main un objet pour faire diversion, restreindre les activités, identifier les facteurs déclenchants, créer un espace privé et utiliser des techniques de validation.

Vocalisation disruptive
Les pertes de fonctions cognitives, la dépression, l’ anxiété, les difficultés langagières, la privation sensorielle, le manque de sommeil et les douleurs peuvent être à l’ origine de vocalisations répétitives, qui sont très difficiles à supporter pour l’ entourage. Dans ces cas, les médicaments sont inefficaces. Il s’ agit ici de procéder à une anamnèse médicale et soignante approfondie et de mettre en place un plan de soins individuel orienté sur les causes. Le détournement de l’ attention, la méthode snoezelen, le programme Namaste Care et d’ autres interventions basées sur la musique, l’ attention et le toucher peuvent aider.

Thérapies stabilisant la cognition

Bien que les études à ce sujet soient très hétérogènes, les interventions telles que la stimulation cognitive et la thérapie par la réminiscence donnent de bons résultats. En l’ occurrence, les méthodes centrées sur la personne et combinées sont à privilégier par rapport aux interventions isolées, en particulier pour le bien-être général, la cognition et les effets de transfert.

Processus psychothérapeutique

Il existe de nombreuses preuves du succès de la psychothérapie pour les affections démentielles de degré léger à moyen. Les symptômes tels que la dépression et l’ anxiété répondent particulièrement bien à ce type de prise en charge. La psychothérapie est également efficace pour traiter la dépression des proches aidants. La thérapie cognitive comportementale et les interventions ciblées sur l’ histoire de vie figurent en tête de liste des techniques éprouvées. Les interventions spécifiquement adaptées à la personne enregistrent de meilleurs résultats que les procédures standard.

Offres thérapeutiques spéciales

Musicothérapie
La musicothérapie se montre efficace en particulier pour combattre l’ anxiété et la dépression, mais son effet n’ est pas durable. Elle doit être proposée de manière régulière, au moins une fois par semaine, et s’ adapter à la structure journalière de la personne concernée. Il s’ agit de prendre en compte son vécu et ses préférences. Cette thérapie s’ associe aisément avec d’ autres interventions.

Art-thérapie
L’ art-thérapie se prête particulièrement bien au traitement de symptômes tels que la dépression, l’ apathie, l’ agitation et l’ agressivité. Elle est efficace pour autant qu’ elle soit adaptée aux besoins individuels et aux préférences de la personne. En tant que médium, l’ art-thérapie peut éveiller des émotions et, ainsi, réduire le stress et permettre d’ expérimenter la détente. Elle peut favoriser la communication, l’ autonomie dans les activités quotidiennes et la réminiscence.

Thérapie d’ activation/ergothérapie
Malgré des résultats d’ études très hétérogènes, l’ ergothérapie est recommandée. Elle réduit le travail médico-soignant, surtout si elle est structurée et centrée sur la personne. Elle s’ avère efficace aux stades léger à moyen de la démence.

Thérapie assistée par l’ animal
Dans la thérapie assistée par l’ animal, on opère une distinction entre interventions et activités. Il est recommandé de travailler avec des animaux ayant suivi une formation spécifique. Cette forme de thérapie a de bons résultats en cas de maladies affectives et d’ isolement social et favorise l’ autonomie dans les activités du quotidien. Elle améliore les interactions sociales, la qualité de vie et la mobilité.

Acupuncture, acupressure
Chez les personnes atteintes de démence, ces méthodes peuvent aider à combattre la dépression, l’ agitation, l’ anxiété et les troubles du sommeil, tout en améliorant la capacité à exécuter les tâches du quotidien. On note quelques rares effets secondaires, tels que saignements aux points d’ acupuncture, fatigue, somnolence ou vertiges.

Activité physique et sport
L’ inactivité fait partie des facteurs de risques de la démence qui peuvent être modifiés et des signes évidents montrent que l’ activité physique a des effets positifs sur les SCPD. On peut proposer des exercices d’ endurance – comme le jogging, la marche, les exercices d’ équilibre, le renforcement musculaire, la bicyclette ergométrique – ainsi qu’ une combinaison de toutes ces formes de mouvement. Les effets sont les plus nets sur les troubles du sommeil et la dépression. Dans ce domaine, il est aussi possible de proposer la danse combinée à la musique.

Processus de développement dans les organisations de la santé
Pour réduire durablement les SCPD, il est nécessaire de procéder à une modification participative et globale tout à la fois de la culture du traitement, de la prise en charge et des soins. L’ application du cadre de référence PARIHS (Integrated Promoting Action on Research Implementation in Health Services) du Royal College of Nursing peut renforcer les organisations du secteur de la santé. Développer de nouvelles offres et compétences, mettre en place des processus et une culture du travail plus efficaces, accroître les compétences du personnel, clarifier les rôles et en adopter une vision commune et, enfin, développer la capacité de l’ équipe constituent des facteurs importants à cet égard.

Pharmacothérapie

Principes du traitement psychopharmacologique

Si les mesures non pharmacologiques ne suffisent pas, le recours aux médicaments peut être une option pour éviter que les SCPD ne mettent en danger la personne concernée et son entourage, ainsi que pour garantir la réalisation des examens diagnostiques et la prise en charge. Il est cependant difficile d’ émettre des recommandations fondées sur des preuves, car les études contrôlées dans ce groupe d’ âge sont rares. L’ expérience ­clinique fois que pour la majorité d’  entre elles, la prescription se fait hors étiquette (3).

Lors du recours à la (psycho)pharmacologie dans ce groupe de patients vulnérables, il faut prendre en compte deux facteurs: premièrement, leur utilisation est rendue plus complexe en raison d’  altérations physiologiques et métaboliques diverses – réduction de la fonction rénale, de la motilité gastro-intestinale, de la perfusion hépatique, de la résorption intestinale et des protéines plasmatiques – ainsi que d’ une sensibilité augmentée aux psychotropes. Deuxièmement, la psychopharmacologie comporte un risque accru de mortalité, d’ accidents vasculaires cérébraux et de chutes. Il faut considérer en outre les effets secondaires cardiaques et métaboliques ainsi que les modifications de la formule sanguine et les thromboses. C’ est pourquoi la prescription de ces substances doit obéir à un certain nombre de principes (Tab. 1).

L’ administration de psychotropes doit être limitée dans le temps et se faire selon une pesée du bénéfice/risque. Elle doit être conforme aux indications, prescrite selon le dosage le plus faible possible et se faire sous surveillance. Elle doit être précédée d’ un examen clinique complet avec anamnèse (incluant la famille, l’ entourage et la médication), d’ un diagnostic de laboratoire et d’ un ECG. Le diagnostic standard en psychiatrie de la personne âgée prend en compte la polymorbidité et les altérations organiques cérébrales (Tab. 2). Il peut être complété par un EEG, une évaluation neuropsychologique, un examen du liquide céphalorachidien et une IRM. Il s’ agit de surveiller en permanence les éventuels effets secondaires et les interactions médicamenteuses. L’ examen clinique, le diagnostic de laboratoire et l’ ECG doivent être répétés régulièrement au fil du traitement. Si les SCPD s’ atténuent, il convient d’ envisager une réduction ou un arrêt de la médication.

Anti-démentiels

Les inhibiteurs de l’ acétylcholinestérase (AChE) – comme le donépézil, la rivastigmine et la galantamine – sont utilisés dans les formes légères à modérées de la maladie d’ Alzheimer, tandis que la mémantine est indiquée pour les formes modérées à sévères. Outre leurs effets stabilisateurs de la cognition durant un laps de temps limité, ces substances ont un impact positif sur les SCPD. Le donépézil est le médicament le mieux documenté. Des méta-analyses récentes montrent un effet modéré des AChE avant tout en cas d’ apathie, de dépression et d’ irritabilité, tandis que la mémantine semble efficace surtout pour les symptômes comme l’ agitation, l’ agressivité, les idées délirantes et les hallucinations. Ils sont mieux tolérés que d’ autres psychotropes en cas de SCPD et il est prouvé que les AChE réduisent le risque de mortalité. Ils permettent de réduire le recours à d’ autres psychotropes. En raison de leur profil bénéfice/risque positif et de leur bonne tolérance, ces substances sont recommandées comme médicaments de première intention en cas de SCPD. (Fig. 1)


L’ extrait standardisé de ginkgo biloba figure parmi les substances produisant des effets cognitifs et neuroprotecteurs. De par les modifications des neurotransmetteurs qu’ il induit, des effets sur les symptômes comme l’ anxiété, la dépression, l’ irritabilité, l’ agitation, les troubles du sommeil, les idées délirantes et les hallucinations ont été démontrés. Une bonne adhésion au traitement améliore son efficacité.

Antidépresseurs

La moitié des personnes atteintes d’ une affection démentielle présentent des symptômes dépressifs. Leur détection précoce et un traitement efficace peuvent contribuer à améliorer la cognition et l’ autonomie dans les gestes du quotidien. Dans les cas de démence, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), tels que citalopram/escitalopram, affichent les meilleures preuves cliniques. Ils sont utilisés comme antidépresseurs de première intention et sont également efficaces en cas d’ agitation. À noter qu’ ils font l’ objet d’ un avertissement «boîte noire» à cause de l’ allongement de l’ intervalle QTc. Des ECG réguliers sont donc nécessaires.

Les antidépresseurs tricycliques ne sont pas conseillés pour les sujets âgés, car ils comportent un risque d’ effets secondaires anticholinergiques. Vu son potentiel élevé d’ interaction avec d’ autres médicaments, la fluoxétine n’ est pas recommandée non plus. Si aucune recommandation ne peut être émise pour l’ agomélatine et la trazodone en cas de dépression, ces substances ont de bons résultats contre les troubles du sommeil. Il n’ existe pour l’ heure aucune recommandation pour la mirtazapine. En revanche, le lobémide peut être envisagé.

Lors de l’ utilisation d’ antidépresseurs, il convient de procéder à des évaluations cliniques régulières avec surveillance des effets secondaires. Si le médicament n’ est pas efficace au bout de 4 à 6 semaines, la médication peut être modifiée.

Antipsychotiques

Lorsque d’ autres traitements alternatifs ne suffisent pas, il est possible d’ envisager une intervention au moyen d’ antipsychotiques pour cibler les symptômes tels que les idées délirantes, les hallucinations, l’ agitation et l’ agressivité (3). Le recours à ces substances s’ accompagne cependant d’ un taux élevé de mortalité et d’ effets secondaires, comme le syndrome extrapyramidal (EPS) moteur, la sédation, des symptômes cardiaques, une dysrégulation orthostatique, des altérations métaboliques, une baisse des capacités cognitives et une augmentation du risque d’ accidents vasculaires cérébraux. C’ est pourquoi il convient de limiter la durée du traitement et de prescrire le dosage le plus faible possible. Le traitement doit en outre être précédé d’ une anamnèse clinique, d’ un ECG et de contrôles de laboratoire. Les interactions et les effets secondaires seront surveillés et l’ indication sera réexaminée toutes les quatre semaines.

Les antipsychotiques atypiques sont à privilégier en raison de leur meilleur profil bénéfice/risque. Les antipsychotiques typiques ne sont en effet pas recommandés pour les personnes atteintes de démence, notamment parce qu’ ils provoquent souvent des EPS et ont des effets secondaires anticholinergiques. L’ halopéridol constitue une exception. Il est utilisé dans les transitions vers l’ état confusionnel, ainsi qu’ en cas d’ agressivité persistante et de symptômes psychotiques.

La rispéridone (0.5–2 mg/j) est le seul antipsychotique atypique autorisé en Suisse pour traiter les SCPD. L’ utilisation des autres médicaments de cette catégorie se fait hors étiquette. Si la rispéridone ne peut pas être prescrite en raison de ses effets secondaires (surtout EPS), l’ aripiprazole, la quétiapine, l’ olanzapine et, depuis peu, le brexpiprazole constituent des solutions de rechange. Lors du recours à ces substances, il y a lieu de prendre en compte les critères tels que le spectre d’ action (pouvoir sédatif/effet antipsychotique élevé), le faible effet anticholinergique, le profil d’ effets secondaires et les comorbidités. Autant que possible, il convient de les administrer en monothérapie. Si, lors de la vérification de l’ indication au bout de quatre semaines, l’ arrêt du traitement est décidé, celui-ci doit se faire après communication avec la personne concernée/ses proches et de manière graduelle. La réapparition de SCPD doit être surveillée toutes les 2 à 4 semaines durant cette étape.

Benzodiazépines et hypnotiques analogues

Les benzodiazépines et hypnotiques analogues peuvent provoquer une série d’ effets secondaires, tels que la sédation, les troubles psychomoteurs et un ralentissement des fonctions exécutives. Ces substances peuvent également être à l’ origine des états confusionnels, causer des chutes et entraîner une addiction si le traitement est administré sur une longue durée. C’ est la raison pour laquelle elles ne sont pas recommandées en cas de SCPD (3). Si ces médicaments doivent tout de même être prescrits en cas d’ urgence – agitation extrême, agressivité ou risques suicidaires –, ils seront administrés pendant une durée limitée (au max. 3 à 4 semaines, car ensuite il se développe une accoutumance) à titre de réserve et non comme traitement régulier. Du fait du risque de cumul, il ne faudrait en principe prescrire que des substances présentant une demi-vie brève (lorazepam, oxazepam). Les benzodiazépines ne sont pas indiquées en cas de troubles du sommeil. Pour les hypnotiques de type benzodiazépine, il existe certes une indication pour les troubles chroniques du sommeil, mais pour les personnes atteintes de démence, les restrictions associées aux benzodiazépines s’ appliquent.

Substances à action hypnotique

En cas d’ insomnie – en particulier si une administration à long terme paraît nécessaire –, d’ autres substances peuvent être utilisées, sous réserve de prendre en compte l’ image psychopathologique dans son ensemble, ainsi que le profil des effets secondaires (3). Les antidépresseurs inducteurs de sommeil, tels que la trazodone, la mirtazapine et l’ agomélatine, sont indiqués en particulier pour les troubles du sommeil associés à une dépression préexistante. Il convient d’ éviter les préparations ayant des effets secondaires anticholinergiques. Les antipsychotiques tels que la quetiapine et la pipampérone sont souvent utilisés en raison de leur effet sédatif. En pareil cas, il s’ agit de respecter les principes de la thérapie psychopharmacologique et de limiter la durée du traitement.

Les agonistes des récepteurs de la mélatonine, la prégabaline et la gabapentine semblent donner de bons résultats pour les troubles du sommeil chez les personnes atteintes de démence. Le chloralhydrate, le clomethiazol, la diphénhydramine, la doxylamine et la promethazine ne devraient pas être administrés en cas de démence. De nouvelles substances, telles que les antagonistes des récepteurs de l’ orexine, sont en cours de développement.

Anticonvulsifs et stabilisateurs de l’ humeur

Si la carbamazépine est efficace en cas d’ agressivité, elle n’ est pas recommandée comme médicament de première ni de deuxième intention en cas de SCPD en raison de ses effets secondaires, tels que l’ ataxie, les vertiges, l’ hypotonie, les états confusionnels, la sédation et la toxicité hépatique (3). Sa prescription se fait hors étiquette, et des contrôles de laboratoire réguliers sont nécessaires. La gabapentine et la prégabaline constituent une solution de rechange, surtout en cas de douleurs neuropathiques liées à une comorbidité. Malgré un manque de preuves scientifiques, il est également possible de recourir à la lamotrigine en raison de son faible taux d’ effets secondaires. Cependant, comme son dosage doit être augmenté progressivement, elle n’ est pas appropriée comme médication aiguë. Le topiramate peut causer des troubles cognitifs. Aucune recommandation ne peut être émise pour l’ heure concernant le lévétiracétam. L’ oxcarbazine, le valproate et le lithium ne sont pas préconisés en raison de leur profil d’ effets secondaires défavorable. Les données disponibles pour le lacosamide, le pérampanel et le brivaracetam ne sont pas suffisantes pour autoriser une recommandation.

Analgésiques

Les douleurs peuvent provoquer des SCPD ou les renforcer, en particulier l’ agitation et l’ agressivité (3), raison pour laquelle le traitement de la douleur fait partie de la prise en charge de ces symptômes. Les personnes atteintes de démence ne sont cependant pas toujours en mesure d’ exprimer leurs douleurs. Dès lors, il convient d’ élargir l’ évaluation en utilisant des outils d’ hétéro-évaluation, comme le PAINAD (Pain Assessment in Advanced Dementia Scale).

Pour le traitement des douleurs neuropathiques chez les personnes âgées, les substances suivantes sont recommandées: duloxétine comme antidépresseur, gabapentine, prégabaline et lidocaïne pour une application topique, enfin tramadol et oxycodone comme opioïdes. À noter que les opioïdes doivent être utilisés avec circonspection et de manière limitée dans le temps, en raison de leur effet sédatif et délirogène et de leur potentiel addictif. Pour les sujets âgés, les médicaments suivants devraient être évités: indométacine, acémétacine, kétoprofène, piroxicam, méloxicam, phénylbutazone, étoricoxib et péthidine. On recourt aussi de plus en plus aux cannabinoïdes, qui sont surtout efficaces contre l’ agitation.

Processus biologiques

Luminothérapie
La luminothérapie donne de bons résultats pour traiter les troubles du rythme circadien veille – sommeil, ainsi que le sundowning, marqué par une agitation à l’ approche du soir (3). On utilise la lumière blanche avec le spectre entier jusqu’ à une limite inférieure de 400 nm. L’ application est de 2500 lux pendant deux heures ou de 10 000 lux pendant 30 minutes. Pour l’ éclairage d’ une pièce, 1000 lux suffisent.

Privation de sommeil / thérapie de réveil
La privation de sommeil (nuit entière, première ou seconde partie de la nuit) est efficace en cas de dépression. Les troubles organiques cérébraux constituent cependant une relative contre-indication, car la privation de sommeil peut conduire à une aggravation générale de l’ état de santé et à des états confusionnels. C’ est pourquoi cette méthode n’ est pas recommandée.

Électroconvulsivothérapie (ECT)

Malgré le manque d’ études contrôlées, l’ ECT est considérée comme un procédé efficace pour les SCPD réfractaires aux traitements, notamment l’ agitation et l’ agressivité. En présence d’ une démence préexistante, elle n’ aggrave pas la cognition de manière durable. Les principaux effets secondaires relevés sont la confusion et des troubles cognitifs réversibles. L’ ECT peut être une option lorsqu’ il n’ est pas possible de recourir aux médicaments. Dans la plupart des cas cependant, il n’ est pas possible de recueillir le consentement éclairé de la personne concernée, raison pour laquelle le traitement doit être discuté avec les proches ou les personnes assurant la prise en charge, ce qui pose des exigences très étendues en matière de devoir d’ informer.

Stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)
La rTMS a des propriétés neuromodulatrices et stimule la plasticité neuronale. Ce traitement est en particulier efficace pour les personnes souffrant de démence et de dépression. Les effets secondaires possibles sont des maux de tête, des vertiges, des lésions auditives et, plus rarement, des crises d’ épilepsie. Il y a une contre-indication chez les personnes porteuses de matériel ferromagnétique – comme les implants cochléaires et les stimulateurs cardiaques –, ainsi que chez les personnes ayant déjà des problèmes auditifs ou des antécédents épileptiques. Les données manquent encore pour émettre une recommandation concernant d’ autres procédés interventionnels comme la stimulation cérébrale profonde ou la stimulation du nerf vague.

SCPD et communication

Une bonne communication peut aider à améliorer le bien-être des personnes concernées ainsi qu’ à réduire leur stress et leur anxiété (3). Elle peut également contribuer à abaisser le niveau de stress des proches aidants et des personnes assurant la prise en charge. De façon générale, il y a lieu de mettre en place une communication ouverte, valorisante et tournée vers la personne. Lorsque les capacités langagières sont amoindries, la communication non verbale – comprenant des éléments comme les expressions du visage, le ton de la voix, la gestuelle, le toucher et la position corporelle – gagne en importance. Il s’ agit d’ adapter le rythme de la communication à la personne concernée et de se concentrer sur des mots clés. Si la capacité de compréhension est diminuée, il convient d’ utiliser davantage de gestes accompagnant la parole, de souligner les mots les plus importants, de rythmer l’ expression et de répéter les informations.
La thérapie d’ orientation vers la réalité, la thérapie par la réminiscence et la validation constituent des procédures validées permettant d’ améliorer l’ orientation, les souvenirs et, ainsi, de valoriser et d’ accepter la réalité subjective des personnes concernées. L’ entraînement à la communication pour les soignants et les proches aidants s’ avère lui aussi un facteur important: les connaissances théoriques sur les défis spécifiques et les techniques de communication, tout comme les exercices pratiques et les simulations sont des aides précieuses. Des procédés de télémédecine sont également testés depuis quelques années. Malgré des difficultés liées à la technique ou aux réglementations, les vidéoconférences pour des interventions centrées sur les patients et des interventions par téléphone se sont avérées efficaces auprès des proches aidants et des personnes assurant la prise en charge. Ces méthodes réduisent les SCPD et accroissent le bien-être, tout en étant bien acceptées.

Egemen Savaskan 1
Dan Georgescu 2
Stefanie Becker 3
Brigitte Benkert 4
Andreas Blessing 5
Markus Bürge 6
Ansgar Felbecker 7
Martin Hatzinger 8
Ulrich Michael Hemmeter 9
Therese Hirsbrunner 8
Stefan Klöppel 10
Gabriela Latour Erlinger 1
Finn Jacob Lornsen 10
Theofanis Ngamsri 1
Jessica Peter 10
Mathias Schlögl 11
Marc Sollberger 12
Henk Verloo 13
Samuel Vögeli 4
Franziska Zúñiga 4

1 Clinique de psychiatrie de la personne âgée, Clinique psychiatrique universitaire de Zurich
2 Clinique de psychiatrie de consultation, de psychiatrie de la personne âgée et de neuropsychiatrie, Services psychiatriques d’Argovie
3 Alzheimer Suisse
4 Sciences infirmières – Nursing Science (INS), Département Public Health, Université de Bâle
5 Cabinet de neuropsychologie, Kreuzlingen
6 BESAS Centre hospitalier bernois pour la médecine des personnes âgées, Siloah
7 Clinique de neurologie, Hôpital cantonal de Saint-Galll
8 Services psychiatriques, Hôpitaux de Soleure
9 Psychiatrische Dienste Graubünden, Chur, Psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée, Centre de psychiatrie Appenzell, Herisau, Gérontopsychiatrie
10 Clinique universitaire de psychiatrie de la personne âgée et psycho­thérapie, Université de Berne, Services psychiatriques universitaires de Berne (UPD)
11 Service de gériatrie, Département de médecine interne, Clinique Barmelweid
12 Memory Clinic, Médecine universitaire pour les personnes âgées FELIX PLATTER/Clinique neurologique, Hôpital universitaire de Bâle
13 Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé, Centre hospitalier universitaire vaudois/Haute École spécialisée de Suisse occidentale HES-SO Valais

Article approuvé et validé par les auteurs suivants pour les sociétés spécialisées mentionnées:
SPPA: Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée: E. Savaskan, D. Georgescu, U.M. Hemmeter, S. Klöppel
Alzheimer Suisse: S. Becker
SPSG: Société professionnelle suisse de gériatrie: M. Bürge, M. Schlögl SSN: Société suisse de neurologie: A. Felbecker, M. Sollberger
SSBP: Société suisse de psychiatrie biologique: M. Hatzinger
SMC: Swiss Memory Clinics: A. Felbecker
ASI: Association suisse des infirmières et infirmiers: T. Hirsbrunner
APSI: Association suisse pour les sciences infirmières: B. Benkert, T. Hirsbrunner, F. Zuñiga, S. Vögeli
La Société Suisse de psychiatrie et psychothérapie (SSPP) soutient les présentes recommandations.

Abréviations utilisées dans l’ article
AChE Inhibiteurs de l’ acétylcholinestérase
ALT Alanine aminotransférase
AST Aspartate aminotransférase
BEHAVE-AD Behavioral Pathology in Alzheimer’ s Disease Rating Scale
BESA Système de saisie et de décompte des résidents
CAM Confusion Assessment Method
IACM Inventaire d’ agitation de Cohen-Mansfield
CRP Protéine C-réactive
DA Démence de type Alzheimer
DICE Describe, Investigate, Create and Evaluate
DOS Delirium Observation Scale
ECT Thérapie par électrochocs
EDG Échelle de dépression gériatrique
EPS Syndrome extrapyramidal moteur
Gamma-GDT, GGT Gamma-glutamyl transférase
GLDH Glutamate deshydrogénase
i-PARIHS Integrated Promoting Action on Research ­Implementation in Health Services
IdA Système d’ évaluation innovant axé sur la démence
ISRS Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine
NDB Need-Driven Dementia-Compromised Behavior-Mode
NPI Inventaire neuropsychiatrique
NPI-Q Questionnaire de l’ inventaire neuropsychiatrique
PAINAD Pain Assessment in Advanced Dementia Scale
RAI Outil d’ évaluation des résidents
rTMS Stimulation magnétique transcrânienne répétitive
SCPD Symptômes comportementaux et psychiques de la démence
SPPA Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée
TIME Targeted Interdisciplinary Model for Evaluation and Treatment of Neuropsychiatric Symptoms
TSH Thyréostimuline
VS Vitesse de sédimentation

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Avec l’aimable soutien de:

Pr Egemen Savaskan

Clinique de psychiatrie de la personne âgée
Clinique psychiatrique universitaire de Zurich
Minervastrasse 145
case postale
8032 Zurich

egemen.savaskan@pukzh.ch

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Les SCPD tels que la dépression, l’ apathie, l’ agitation/agressivité, les idées délirantes et les hallucinations sont pesantes pour les personnes concernées, les proches et le personnel spécialisé assurant la prise en charge. Leur traitement consiste en priorité en mesures non pharmacologiques/psychosociales. Le recours aux psychotropes peut être nécessaire selon les situations, mais dans ce groupe de patients présentant des comorbidités, il peut s’ accompagner d’ effets secondaires et présenter un risque d’ interactions.
  • Des recommandations basées sur des preuves et sur l’ expérience clinique, qui suivent une approche interprofessionnelle et interdisciplinaire, présentent les possibilités actuelles de diagnostic et de traitement.
  • Les options thérapeutiques non pharmacologiques devraient être privilégiées et se poursuivre même s’ il y a prescription de psychotropes.
  • En cas de recours aux psychotropes, il convient de respecter les normes médicales actuelles, de réévaluer régulièrement l’ indication et de veiller à limiter la durée du traitement. Si l’ utilisation de ces substances se fait hors étiquette, le traitement doit s’ orienter sur les guidelines des sociétés spécialisées.

1. Savaskan E, Bopp-Kistler I, Buerge M et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD). Praxis. 2014; 103(3): 135–148.
2. Savaskan E, Bopp-Kistler I, Buerge M et al. Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der behavioralen und psychologischen Symptome der Demenz (BPSD) – version longue. https://www.sgap-sppa.ch/fileadmin/user_ upload/Empfehlungen_zur_Diagnostik_und_Therapie_der_BPSD_-_No- vember_2014.pdf
3. Savaskan E, Georgescu D, Zuniga F (Hrsg.). Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der Behavioralen und Psychischen Symptome der Demenz (BPSD). Bern; Hogrefe: 2024.

L’ environnement enrichi en institution gériatrique

Le vieillissement de population fait converger vers les institutions gériatriques un nombre croissant de personnes âgées présentant des fragilités, des polypathologies et une dépendance qui affectent leur santé et leur qualité de vie. L’ environnement physique du résident âgé a été décrit comme un facteur susceptible d’ influencer de façon significative sur son bien-être. Il manque cependant de recommandations précises et scientifiquement validées pour y contribuer. L’ environnement enrichi (EE), a mis en évidence sur le modèle murin, son effet positif sur la plasticité cérébrale ainsi que sur de nombreux marqueurs fonctionnels de santé avec un intérêt majeur pour la gériatrie. La transposition de l’ EE aux institutions gériatriques initiée depuis 10 ans, présente déjà des résultats prometteurs en favorisant la santé et le bien-être des résidents.

The population’ s ageing is leading to a growing number of people entering geriatric care, with frailties, polypathologies and dependency affecting their health and quality of life. The physical environment of residents has been described as a factor likely to influence their well-being significantly. However, there is a lack of accurate, scientifically-validated recommendations to help achieve this. The enriched environment (EE) has proven its positive effect on cerebral plasticity and numerous functional health markers in murine models, and is of major interest to geriatric medicine. The transposition of EE to geriatric institutions, initiated 10 years ago, is already showing promising results in promoting the health and well-being of residents.
Key words: gerontology, geriatric care, frailty, polypathologies, quality of life

Contexte

L’ accroissement continu de la part de la population âgée lié à la transition démographique, s’ accompagne de besoins importants pour la prise en charge par les institutions gériatriques de fragilités, de polypathologies chroniques et de niveaux de dépendance élevés (1). De fortes attentes sociétales s’ expriment pour offrir à ces personnes âgées des réponses adaptées susceptibles d’ assurer leur santé et leur qualité de vie. Il existe depuis les origines, une conviction que l’ environnement et la santé sont étroitement liés (2). L’ homme considère aujourd’ hui comme une évidence que sa relation à l’ environnement est essentielle pour préserver sa santé. Cette relation avec l’ environnement s’ est construite principalement dans l’ objectif de le préserver de nuisances potentielles. Le rapport de l’ Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le vieillissement (3) déclare qu ’ «un milieu physique adapté peut faire toute la différence entre indépendance et dépendance pour tous les individus, mais il revêt une importance particulière pour les personnes âgées». Il convient de citer les nombreux travaux de recherches conduits par des équipes engagées sur la question, tels que Lawton (4), Marquardt (5), Zeisel (6), Fleming (7) ou Sloane (8) pour n’ en mentionner que quelques-uns. Si ces recherches ont permis de faire émerger des lignes directrices utiles, elles s’ inscrivent dans la démarche traditionnelle à savoir «comment aménager l’ environnement afin qu’ il n’ amplifie pas les troubles et fragilités observées chez la personne âgée en particulier lorsqu’ elle est atteinte de démence.
Une relation avec l’ environnement susceptible d’ améliorer la santé humaine est une idée développée par Antonovsky (9) en 1979 à travers sa théorie intitulée Salutogenèse. Ce changement de paradigme où l’ environnement ne serait plus seulement un facteur dont il faut se préserver mais deviendrait promoteur de la santé constitue en soi une approche innovante dont la mise en œuvre peine à se développer dans les institutions gériatriques.

L’ environnement enrichi et le modèle murin

Nos travaux ont pris pour inspiration la richesse extraordinaire de connaissances développées par les recherches en neurosciences sur l’ environnement enrichi. D. Hebb (10) dans ses travaux pionniers en 1949, a développé le concept d’ environnement enrichi décrivant la relation entre l’ environnement et la plasticité cérébrale. Ces recherches se sont poursuivies pendant des décennies en produisant des connaissances d’ un intérêt majeur en particulier en gériatrie. De nombreuses publications ont mis en évidence les avantages de l’ enrichissement environnemental (EE) en tant que stimulation significative de l’ anatomie et de la physiologie du cortex cérébral, aux niveaux biochimiques et moléculaires, prévenant ou inversant les déficits liés au vieillissement (11) (12) (13) (14). Des protocoles robustes et normalisés ont permis d’ étudier diversement les effets de l’ EE sur diverses maladies et troubles liés à l’ âge sur le modèle murin, ce qui suggère que celui-ci pourrait former une réponse valable à de nombreux problèmes de santé chez l’ homme.

Transposition de l’ EE en institution gériatrique

Depuis plus de 10 ans, des études cliniques menées à l’ hôpital universitaire Charles Foix ont confirmé la validité de la transposition à l’ humain de ces travaux jusque-là réservés aux neurosciences.

Premières études sur le jardin enrichi

Les premières transpositions du concept d’ EE ont été effectuées sur les espaces extérieurs d’ institution gériatrique – du fait de la moindre pression des normes architecturales et des coûts plus réduits de l’ aménagement d’ un dispositif expérimental. C’ est ainsi qu’ a été décrit le concept de «jardin enrichi»(15). Ce concept de jardin enrichi intégrait un changement de paradigme majeur en plaçant le patient au centre de la conception et en confiant à l’ environnement des missions spécifiques de promotion de la santé et de bien-être des patients accueillis.

L’ enrichissement du jardin se forme par l’ aménagement de «modules» spécifiques constituant la matière active du jardin. Ils ont été conçus en fonction d’ objectifs thérapeutiques précis correspondants aux troubles et fragilités observés parmi les résidents (troubles cognitifs, du comportement, de l’ humeur, perte d’ indépendance …) Les interactions que le résident établit spontanément avec ces modules participent de stimulations cognitivo- comportementales et sensorielles destinées à produire des effets bénéfiques sur sa santé. Reprenant les principes décrits dans les études sur le modèle murin, l’ EE est associé à des interactions régulières du visiteur (env. 4 fois / semaine) et un renouvellement régulier des modules d’ enrichissement.

Le jardin enrichi est un dispositif expérimental visant à évaluer par la transposition à la personne âgée du concept d’ EE, les liens entre l’ environnement physique avec la santé et le bien-être des résidents.

Les études sur le «jardin enrichi» ont également exploré la notion d’ appropriation spatiale par le résident (16) – une dimension essentielle dans le contexte d’ un événement majeur dans un parcours de vie, reliée au sentiment d’ être chez soi et fondateur de la construction de l’ identité de chaque individu. Nos observations, davantage que de valider la logique domiciliaire actuellement très défendue dans les projets architecturaux, ont souligné plusieurs médiateurs déterminants de l’ appropriation spatiale. Il convient de mentionner l’ esthétique de l’ espace suggérant la fierté d’ y résider, la convivialité et le sentiment de liberté s’ écartant de la pression de la vie en collectivité et enfin la possibilité d’ y laisser librement une trace ou son empreinte.

Les études cliniques multicentriques, randomisées et contrôlées conduites par notre équipe sur le concept de jardin enrichi sur des populations atteintes de la maladie d’ Alzheimer à un stade avancé ont mis en évidence une relation significative entre sa fréquentation régulière et la récupération de capacité cognitive, l’ amélioration de l’ indépendance fonctionnelle, les troubles perturbateurs du comportement et la prévention des chutes. Ces études ont consisté à recruter des résidents en institution gériatrique présentant un diagnostic confirmé de la maladie d’ Alzheimer à un stade avancé (10<MMSE< 20) disposant d’ une autonomie suffisante à la marche pour fréquenter un jardin sans aide humaine et ne souffrant pas de troubles majeurs perturbateurs du comportement (17).

Les participants étaient répartis en plusieurs groupes: contrôle, fréquentant un jardin sensoriel ou un jardin enrichi. Cette fréquentation était motivée par des incitations régulières par les professionnels de santé.

Les résultats ont mis en évidence que les groupes «contrôle» et «jardin sensoriel» présentaient à l’ issue de l’ intervention des profils identiques sur les marqueurs fonctionnels suivants: MMSE, ADL, CMAI, station unipodale, test UpnGo. Le groupe «jardin enrichi» se caractérisait systématiquement par une amélioration significative de ces scores par rapport aux autres groupes d’ une part et par rapport aux mesures faites au démarrage de l’ étude.

Travaux en cours et perspectives

De nombreux travaux complémentaires restent à réaliser afin de réduire les risques de biais observés dans ces études pilotes. Ces résultats ouvrent la voie à une transposition plus large des connaissances acquises par les neurosciences sur l’ EE. Daffner et al (18) soulignent que les études sur l’ EE sur le modèle murin peuvent aider à identifier les facteurs favorisant un vieillissement réussi. En effet, ces études sur l’ influence de l’ EE sur les marqueurs fonctionnels liés à l’ âge ont présenté des effets significatifs et bénéfiques sur la dépression, l’ anxiété, les troubles du comportement, la désorientation spatiale, la mémoire spatiale et la mémoire de travail, les troubles du sommeil et de la nutrition, l’ indépendance fonctionnelle et la préservation des relations sociales.

Les études complémentaires en cours visent à étendre le concept d’ environnement enrichi à l’ ensemble des espaces des institutions gériatriques – notamment l’ architecture générale de l’ établissement, les espaces collectifs et individuels, les espaces extérieurs. L’ enrichissement de l’ environnement permet ainsi d’ ajuster une action de promotion de la santé et du bien-être par l’ intégration et le renouvellement des «modules d’ enrichissement» en fonction du tableau clinique des résidents. Il en est ainsi du projet de rénovation de l’ hôpital gériatrique du Centre Hospitalier de la Métropole de Savoie (CHMS) à Aix les Bains (France).

Il convient aussi de renforcer les connaissances sur la notion d’ appropriation spatiale. L’ ensemble de ces efforts s’ inscrivent dans une vision salutogénique plus large visant produire des recommandations basées sur des connaissances scientifiques solides, pour l’ environnement d’ institution gériatrique dans lequel le résident se sente chez lui et favorisant la préservation et la promotion de la santé et de la qualité de vie de la personne âgée.

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Dr Etienne Bourdon

PhD Santé publique –
MSc Gérontologie – Psychogériatrie
Hôpital gériatrique Charles Foix-
Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP)
Laboratoire Éducation et Promotion de la Santé (LEPS UR 3412)
Université Sorbonne Paris Nord
etienne.bourdon-ext@aphp.fr

etiennepbourdon@gmail.com

L’ auteur ne présente aucun conflit d’ intérêt avec le sujet présenté dans cet article

La richesse des connaissances acquises sur la capacité de l’ environnement enrichi à agir positivement sur le cortex cérébral et les marqueurs fonctionnels de santé présente un intérêt pour la gériatrie. Les premiers travaux de transposition de l’ EE à l’ environnement des institutions gériatriques donnent des perspectives très encourageantes

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